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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule no 40 - Témoignages du 10 avril 2019


OTTAWA, le mercredi 10 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, auquel a été renvoyé le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale, se réunit aujourd’hui, à 11 h 45, pour examiner le projet de loi.

La sénatrice Gwen Boniface (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Avant de commencer, je demande à mes collègues de se présenter.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard

La présidente : Je suis la présidente du comité, Gwen Boniface, de l’Ontario.

Chers collègues, avant de commencer notre examen du projet de loi C-59, nous devons régler quelques questions concernant le projet de loi C-71. Comme des amendements ont été apportés au projet de loi C-71, y a-t-il consentement unanime pour que le légiste et conseiller parlementaire soit chargé d’apporter les modifications techniques et typographiques et des ajustements aux amendements adoptés par le comité?

Des voix : D’accord.

La présidente : Il en est ainsi convenu.

Aujourd’hui, nous amorçons notre étude du projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale. Nous sommes heureux d’accueillir l’honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, qui nous présentera le projet de loi.

Il est accompagné des hauts fonctionnaires suivants : M. Malcom Brown, sous-ministre, de Sécurité publique Canada; M. David Vigneault, directeur, du Service canadien du renseignement de sécurité; Mme Shelly Bruce, chef, du Centre de la sécurité des télécommunications; et, enfin, M. Doug Breithaupt, directeur et avocat général, Section de la politique en matière de droit pénal, du ministère de la Justice.

Monsieur le ministre, comme toujours, vous êtes le bienvenu. Je vous cède la parole pour vos remarques liminaires.

L’honorable Ralph Goodale, C.P., député, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile : Je vous remercie d’avoir présenté les hauts fonctionnaires qui m’accompagnent aujourd’hui. Il y en a d’autres derrière moi qui sont experts de certains sujets et à qui nous pouvons faire appel au besoin.

J’aimerais commencer par une petite remarque, madame la présidente, puisque c’est probablement la dernière fois que le sous-ministre Malcolm Brown m’accompagne devant un comité parlementaire. Il prendra sa retraite de la fonction publique dans quelques jours, après une carrière très fructueuse et couronnée de succès à Sécurité publique Canada. Je travaille avec lui depuis environ trois ans et j’estime que cela a été un grand honneur. Je ne sais pas si ce temps lui a paru long, mais j’ai énormément profité de ses sages conseils. C’est un moment doux-amer. Je suis certain qu’il vivra une retraite merveilleuse, mais il nous manquera à Sécurité publique Canada.

Monsieur Brown, je tiens à vous remercier pour les excellents services que vous nous avez donnés.

Malcolm Brown, sous-ministre, Sécurité publique Canada : Merci, monsieur.

M. Goodale : Mesdames et messieurs les sénateurs, merci de m’avoir invité à vous parler du projet de loi C-59. C’est un plaisir pour moi d’être ici.

Comme vous le savez, notre programme en matière de sécurité publique est ambitieux. Nous avons abordé un certain nombre de sujets très importants au cours des dernières années, sujets dont vous avez été saisis, d’une façon ou d’une autre. Il y a notamment eu le nouveau régime réglementant le cannabis et la Loi sur les entrées et sorties. Avant cela, il y a eu le prédédouanement, le projet de loi sur les armes à feu que vous avez évoqué un peu plus tôt, madame la présidente, l’isolement cellulaire et bien d’autres mesures. Ce sont tous des enjeux cruciaux de politiques et de sécurité publiques, et je suis très reconnaissant au Sénat de l’attention consciencieuse et minutieuse qu’il leur a accordée.

Je sais que vous ferez un examen tout aussi rigoureux du projet de loi C-59.

L’adoption de ce projet de loi permettra à nos organismes de sécurité nationale et de renseignement de mieux accomplir leur travail très important. Je tiens à remercier le sénateur Gold pour les efforts qu’il a déployés dans le débat à titre de parrain du projet de loi, et je vous remercie tous de l’attention que vous accordez à son étude.

Comme l’a déclaré le sénateur Gold, le projet de loi C-59 est « une réponse raisonnable, responsable et nécessaire aux véritables menaces à la sécurité nationale auxquelles notre pays doit faire face ».

Le projet de loi améliorera l’efficacité opérationnelle de nos organismes de sécurité de calibre mondial grâce à des dispositions modernisées et, surtout, à un meilleur respect des droits et libertés que la Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés nous accordent, en rehaussant la responsabilité et la transparence.

En fait, le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd’hui a occupé une grande partie du temps et de l’attention du gouvernement bien avant son dépôt à l’autre endroit. Dès le début, nous avons clairement indiqué que nous voulions que tous les intéressés aient amplement le temps de faire un examen convenable des questions qui sont abordées dans ce projet de loi. Cela va de l’abrogation de certains éléments de l’ancien projet de loi C-51 et de l’attribution de pouvoirs clairs aux organismes de sécurité, à la bonification du régime de communication des renseignements, en passant par la résolution de problèmes législatifs liés aux enfants interdits de vol et bien plus encore.

Les Canadiens, les experts et les parlementaires n’ont pas hésité à exprimer leurs opinions sur ces enjeux souvent controversés. C’est ce qui est ressorti des plus vastes consultations publiques jamais tenues sur la sécurité nationale, consultations dont les résultats ont alimenté la rédaction du projet de loi.

Nous avons reçu près de 59 000 réponses en ligne à nos consultations. Près de 18 000 mémoires ont été envoyés par courriel. Il y a eu 5 assemblées publiques, 17 activités de participation dirigées par des députés et 14 séances en personne avec des universitaires et des experts.

Soit dit en passant, les Canadiens ont accès en ligne à un résumé de toutes les réponses que nous avons reçues.

Après le dépôt du projet de loi à l’autre endroit, nous avons pris l’initiative, et c’est un fait rare, de renvoyer le projet de loi C-59 au comité avant l’étape de la deuxième lecture. Grâce à cette procédure extraordinaire, il y a eu 35 heures supplémentaires d’études au comité de l’autre endroit. Près de 100 témoins ont été entendus et plus de 40 amendements très utiles ont été adoptés.

Je suis convaincu que, grâce à cette grande participation, nous avons maintenant un texte de loi approfondi et bien réfléchi qui mérite votre examen final.

La longueur et l’ampleur du projet de loi ne me permettent pas d’en faire une analyse détaillée article par article, mais en résumé, j’aimerais vous rappeler que dans la partie 1, nous créons l’office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, que certains appellent le « super CSAR ». La partie 1.1, qui a été ajoutée à l’autre endroit, établit le processus public pour les directives qui seront données aux organismes afin de réduire le risque de mauvais traitement.

La partie 2 crée le poste de commissaire au renseignement. Il s’agit d’un tout nouvel élément de surveillance active — non pas seulement d’examen, mais de surveillance — le premier de ce genre en droit canadien. La partie 3 prévoit un nouveau cadre législatif pour le Centre de la sécurité des télécommunications. La partie 4 modifie la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, laquelle a été adoptée en 1984. Ce sont des modifications et actualisations importantes à la loi régissant le SCRS. La partie 5 traite de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, plus précisément des enjeux et procédures touchant la protection de la vie privée. La partie 6 propose des modifications à la Loi sur la sûreté des déplacements aériens pour, entre autres choses, régler le problème des enfants interdits de vol. La partie 7 prévoit des modifications au Code criminel. La partie 8 renforce les pouvoirs prévus dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

La partie 9 est très importante : elle dispose que, cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi, on l’examinera afin d’en déterminer l’efficacité. La partie 10 traite de l’entrée en vigueur.

De façon générale, les éléments du projet de loi relèvent de trois grands thèmes. Le premier est celui du renforcement de la responsabilité et de la transparence en matière de sécurité nationale et de renseignement. L’une des pièces clés de cette mesure législative est la création de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Il est clair depuis un certain temps que, pour être efficaces, nos organismes de sécurité ne peuvent pas travailler de façon isolée et les organismes qui les surveillent non plus.

À l’heure actuelle, le SCRS et le Centre de la sécurité des télécommunications, le CST, ont chacun leurs propres structures de surveillance, ce qui n’a permis qu’un examen limité des activités du gouvernement en matière de sécurité nationale. Du reste, la plupart des ministères et organismes du gouvernement du Canada ne sont assujettis à aucune surveillance de ce genre. L’office sera donc chargé d’examiner les activités de tous les organismes et ministères fédéraux traitant de questions liées à la sécurité nationale ou au renseignement dans tout l’appareil gouvernemental canadien.

En guise de complément au travail de l’office, nous pourrons compter sur le nouveau commissaire au renseignement, poste créé par le projet de loi. Le commissaire devra examiner et approuver les autorisations que j’aurai accordées à titre de ministre de la Sécurité publique ou que le ministre de la Défense nationale, le SCRS ou le CST auront accordées, avant que soient entreprises certaines activités de renseignement ou de sécurité nationale.

C’est le nouvel élément. Le commissaire examinera ce que nous proposons de faire avant que nous puissions le faire. Si le commissaire au renseignement refuse, l’activité en question ne sera pas entreprise. Ainsi, le commissaire s’assurera que seules les activités raisonnables, nécessaires et proportionnelles seront autorisées, et que des mesures de protection de la vie privée suffisantes sont en place.

L’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et le commissaire au renseignement viennent s’ajouter également au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Fait significatif, c’est hier que ce comité, qui a été créé par une loi antérieure, le projet de loi C-22, a présenté son premier rapport annuel. D’après certaines réactions des médias et des universitaires, j’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’une innovation très importante dans le domaine juridique et dans tout le processus de transparence et de responsabilisation.

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et le commissaire au renseignement constitueront ensemble pour le Canada une base solide par rapport à nos alliés dans le dossier de la responsabilité et de la transparence liées à nos activités de sécurité et de renseignement.

Il convient également de souligner que les mesures de responsabilisation décrites dans ce projet de loi sont renforcées par d’autres efforts en matière de transparence. En effet, il s’agit de notre engagement à assurer la transparence en matière de sécurité nationale. Il s’agit d’une politique qui ne nécessite aucune mesure législative. Les sous-ministres seront responsables de la mise en œuvre des instructions ministérielles émises par mes collègues du Cabinet et moi qui décrivent nos attentes en matière de transparence au sein des ministères et organismes responsables de la sécurité nationale.

Nous sommes également en train d’élaborer une politique de déclassification qui établira une nouvelle norme pour les types de renseignements qui peuvent être rendus publics. Des travaux sont déjà en cours pour déterminer l’information liée aux principales thématiques relatives à la sécurité nationale pouvant faire l’objet d’une diffusion proactive en ligne. L’objectif est de bien informer les Canadiens.

Madame la présidente, le deuxième thème du projet de loi porte sur la modification de certains éléments des mesures législatives existantes afin de répondre aux préoccupations légitimes soulevées par les Canadiens. Par exemple, le projet de loi préciserait quelles mesures visant à contrer une menace prises par le SCRS peuvent être autorisées par mandat pour éliminer tout doute à cet égard. Cela signifie qu’un juge doit être convaincu que les mesures sont raisonnables, proportionnelles et conformes à la Charte des droits et libertés.

En outre, l’ancienne loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada serait modifiée pour répondre aux préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels et pour indiquer clairement quels renseignements peuvent être communiqués aux termes de cette loi. Les activités de défense d’une cause, de protestation, de manifestation d’un désaccord ou d’expression artistique sont explicitement exclues de la définition des activités qui pourraient compromettre la sécurité. Il existe une seule exception : si ces activités sont menées de concert avec d’autres activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada.

En outre, les institutions qui reçoivent des renseignements relatifs à la sécurité nationale aux termes de cette loi seraient tenues de détruire ou de retourner tout renseignement personnel inutile. Cela créerait un régime de communication d’information plus responsable et plus respectueux de nos droits à la vie privée et à la liberté d’expression, tout en s’attaquant efficacement aux questions de sécurité. Cela répondrait aux demandes de nombreux intervenants, notamment le commissaire à la protection de la vie privée, qui sont en faveur d’une meilleure protection de la vie privée dans le cadre de nos activités de sécurité.

Le projet de loi propose également de préciser la définition de l’expression « propagande terroriste » dans le Code criminel, que les experts juridiques ont critiquée parce qu’elle est trop vague, trop large, trop floue et probablement inapplicable. La nouvelle définition que nous proposons met plutôt l’accent sur le concept plus familier de conseiller la commission d’une infraction de terrorisme, un changement qui pourrait augmenter considérablement les chances que les poursuites ont d’aboutir.

Sous ce thème qui vise à répondre à des préoccupations légitimes, j’inclurais les changements à la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, en d’autres termes, la liste dite d’interdiction de vol. Ces mesures sont appuyées par d’autres mesures du budget de 2018 qui prévoient des fonds pour renforcer le programme de protection des passagers en élaborant un système de contrôle centralisé rigoureux et en établissant un mécanisme de recours pour les voyageurs aériens qui sont touchés par inadvertance. Le changement proposé dans le projet de loi C-59 est nécessaire pour commencer à régler le problème des enfants interdits de vol.

Je sais que des représentants du groupe des enfants interdits de vol sont entrés en contact avec un grand nombre d’entre vous, tout comme ils sont entrés en contact avec mon bureau et moi également. À l’heure actuelle, ce sont les compagnies aériennes elles-mêmes qui contrôlent la liste de protection des passagers. Et lorsqu’une personne dont le nom est semblable ou identique à celui d’une personne inscrite sur la liste tente de s’enregistrer en ligne ou à un kiosque, elle doit se présenter au comptoir et obtenir une autorisation produite manuellement d’embarquer une fois que le transporteur aérien a confirmé auprès du gouvernement que le voyageur n’est pas, en fait, la personne qui figure sur la liste. Cela peut être très frustrant et stigmatisant.

La plupart des autres pays développés qui tiennent leurs propres listes d’interdiction de vol ont élaboré un mécanisme de recours sous la forme d’un numéro d’identification unique qui peut être attribué à une personne qui s’aperçoit avoir un nom qui prête à confusion avec celui d’une personne inscrite. Bien entendu, cela exige du gouvernement d’exercer un contrôle sur la liste des noms pour vérification centralisée, et le projet de loi C-59 propose de créer les pouvoirs légaux pour y parvenir.

Il est important d’avoir ce pouvoir avant de mettre en œuvre le nouveau système afin d’être en conformité avec la loi.

Après la sanction royale et une fois que les pouvoirs légaux seront en place, une série de mesures réglementaires pourront être prises, et je peux vous assurer que les fonctionnaires ont comprimé les délais le plus possible afin de permettre au système d’être fonctionnel le plus rapidement possible.

Notre nouvelle approche pour ce qui est de la liste de protection des passagers présente, bien entendu, l’avantage supplémentaire d’être entièrement contrôlée par le gouvernement; on évite ainsi d’avoir à la diffuser à plus de 100 compagnies aériennes nationales et internationales. Une fois qu’elle sera entièrement contrôlée par le gouvernement, la liste sera beaucoup plus sûre.

Le troisième thème porte sur la façon dont nos organismes de sécurité nationale et de renseignement peuvent s’adapter à la nature évolutive des menaces qui pèsent sur notre sécurité nationale.

Madame la présidente, le cadre qui sous-tend notre façon de contrer ces menaces n’a pas été mis à jour en profondeur depuis 1984, lorsque la Loi sur le SCRS a été adoptée initialement. Si votre mémoire est bonne, vous vous rappellerez qu’en 1984, un téléphone mobile était aussi gros qu’une boîte à pain et le télécopieur était un appareil à la fine pointe de la technologie. Les choses ont évolué. Le monde et notre technologie ont évolué de façon exponentielle depuis cette époque. Nous avons besoin de lois adaptées au contexte moderne et, bien entendu, de lois qui peuvent tenir compte de ce à quoi nous devrons faire face à l’avenir.

Plusieurs tribunaux, les organes de contrôle existants ainsi qu’un certain nombre d’experts et de rapports indépendants soulignent tous la nécessité de moderniser la loi, et c’est exactement ce que le projet de loi C-59 vise à faire en reflétant les réalités du XXIe siècle. Il aidera le CST à naviguer dans des eaux jusque-là inexplorées en lui donnant, par exemple, le pouvoir légal dont il a besoin pour suivre l’évolution des cybermenaces grâce à une surveillance accrue de ses activités de collecte de renseignements.

Par exemple, la nouvelle loi préciserait pour la première fois ce que le CST peut et ne peut pas faire dans le cyberespace. Le projet de loi C-59 mettrait également à jour la Loi sur le SCRS en assurant la transparence des pouvoirs légaux dont le centre dispose pour ses programmes de collecte et d’analyse de données. Cela comprend des mesures de protection rigoureuses qui s’appliquent à la collecte, la conservation et l’utilisation de données non liées aux menaces sur les Canadiens.

En vertu de ce nouveau projet de loi, le SCRS ne pourrait recueillir ces données que si elles appartiennent à une catégorie que le ministre a déjà autorisée et que le commissaire au renseignement a approuvée. Le SCRS ne pourrait conserver de tels renseignements que sur autorisation d’une cour fédérale.

De plus, au lieu de s’appuyer sur l’ancienne doctrine de l’immunité de la Couronne, le projet de loi garantirait également aux employés désignés du SCRS la même protection juridique explicite dont bénéficient déjà leurs collègues des services de police lorsqu’ils effectuent certaines activités nécessaires.

À titre de ministre, j’autoriserais, au moins une fois par an, les catégories d’activités nécessaires pour atteindre nos objectifs de sécurité et de renseignement. J’autoriserais également quels employés peuvent être désignés pour effectuer ces activités. Ces autorisations seraient soumises à l’examen du commissaire au renseignement. Le projet de loi créerait un régime de justification très limité qui aiderait les employés dévoués du SCRS à s’acquitter efficacement de leurs fonctions tout en tenant compte de l’évolution des menaces et en se conformant entièrement à la loi.

Grosso modo, le projet de loi C-59 donnera à nos organismes de sécurité les outils dont ils ont besoin pour contrer les menaces modernes tout en renforçant la surveillance démocratique et la responsabilisation.

Honorables sénateurs, il y a clairement énormément d’information à analyser dans ce projet de loi. Je vais vous laisser sur une dernière réflexion. En tant que législateurs, nous avons maintenant l’occasion de revoir notre système de sécurité nationale tout en envoyant un message clair et cohérent aux Canadiens. Nous vous avons entendus et nous allons améliorer la façon dont nous assurons votre sécurité en tenant compte des réalités actuelles, mais sans pour autant sacrifier vos droits et libertés.

Comme l’a dit le sénateur Gold, notre approche à cet égard est raisonnable, responsable et nécessaire, et elle est conforme à notre engagement de longue date de mettre en œuvre une démarche prudente, réfléchie et significative, ce qui, dans le cas du projet de loi C-59, a donné lieu à plus de deux ans de commentaires, de révisions et d’améliorations.

Il me tarde de voir le Sénat faire son bon travail. Merci.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. Je rappelle aux sénateurs que le ministre est ici avec nous pour la première heure et les hauts fonctionnaires resteront pour la deuxième heure.

Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur le ministre, d’être ici aujourd’hui et de répondre à nos questions.

Monsieur le ministre, certains ont fait valoir que le remplacement, dans la loi, de l’infraction liée à la défense du terrorisme par l’infraction de conseiller la commission d’un acte de terrorisme affaiblit la loi actuelle.

Je comprends que l’idée est de trouver un juste équilibre entre la sécurité nationale et les droits des gens, mais le droit des victimes potentielles d’être à l’abri du terrorisme et de la menace terroriste doit certainement primer.

Cela étant dit, d’après le Globe and Mail, en septembre 2018, les procureurs de la Couronne fédéraux à Montréal ont eu recours aux dispositions de la loi actuelle relatives à la propagande terroriste afin de faire retirer du contenu terroriste d’Internet.

Pouvez-vous nous dire pourquoi ces dispositions ont été utilisées et ce qui a conduit à leur utilisation? Ne craignez-vous pas que la suppression de ces dispositions ne rende le travail de la police et des procureurs de la Couronne plus difficile?

M. Goodale : L’objectif, sénateur, est exactement le contraire, soit qu’il y ait plus de chances que les dispositions du Code criminel puissent être utilisées plus efficacement, que les accusations soient plus faciles à porter sur le fondement juridique approprié et que les poursuites soient plus faciles à effectuer.

L’infraction de conseiller la commission d’un acte criminel est une infraction bien connue en droit pénal, et les divers éléments qui la constituent sont bien connus de la police et des procureurs. À notre avis, il y a plus de chances que la police soit en mesure de trouver des preuves et que les procureurs puissent porter des accusations avec le changement de libellé que nous proposons dans le projet de loi C-59.

Ce qu’il est également important de savoir au sujet de cette infraction, c’est que si vous examinez le nouveau libellé découlant de ces modifications, il n’exige pas le fait de conseiller la commission d’une infraction particulière. Le simple fait de conseiller la commission d’une infraction constituerait une infraction. Par conséquent, nul besoin de satisfaire le fardeau de la preuve supplémentaire pour prouver qu’une infraction précise a été commise contre une personne en particulier.

Nous sommes d’avis que l’infraction de conseiller rend les dispositions du code plus efficaces.

Je tiens également à souligner que la loi prévoit un examen quinquennal, qui est inscrit dans la loi dans ce but, afin que nous examinions constamment ce qui est prévu dans la loi et de déterminer si elle doit être modernisée, améliorée ou renforcée. Lorsque le Parlement sera de nouveau saisi de cet enjeu, à l’avenir, l’occasion d’apporter les changements nécessaires à la loi lui sera garantie.

Le sénateur McIntyre : Monsieur le ministre, j’aimerais simplement revenir très brièvement sur un article clé, à savoir l’article 83.221, qui traite du libellé actuel ou du libellé proposé.

Quelle est la différence entre le terrorisme en général et une infraction de terrorisme non précisée?

M. Goodale : Puis-je demander à notre conseiller juridique du ministère de la Justice, M. Breithaupt, de répondre à la question?

Doug Breithaupt, directeur et avocat général, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Merci de votre question. Cette disposition a été mise en place, car il était clair que le fait de conseiller la commission d’infractions de terrorisme précises serait couvert par les articles 22 et 464 du Code criminel. Il n’était toutefois pas certain que cela s’appliquerait à un cas où ce qui est conseillé n’est pas une infraction de terrorisme recensée, mais une infraction de terrorisme quelconque, ou quelques-unes ou la gamme complète d’entre elles.

C’est ce qui nous a menés à cette disposition particulière, qui traite du fait de préconiser ou fomenter la commission d’infractions de terrorisme de manière générale. En parlant de la commission d’infractions terroristes en général, nous cherchions essentiellement à parler de l’acte de conseiller à quelqu’un de commettre une infraction de terrorisme non précisée et non recensée tout en criminalisant le tout. Ce projet de loi propose de changer le libellé. La Cour suprême du Canada a statué que le fait de préconiser ou de fomenter une infraction de terrorisme est semblable à une incitation active, ce qui revient au fait de conseiller. Toutefois, comme le ministre l’a dit, le mot conseiller est un terme bien connu en droit pénal.

Il y a eu de la confusion et des critiques au sujet des mots « la commission d’infractions terroristes en général », car cela n’était généralement pas compris. Le projet de loi propose de modifier ce libellé, afin qu’on lise plutôt : « conseille à une autre personne de commettre une infraction de terrorisme sans préciser laquelle ». On lirait également : « pour que l’infraction soit commise (...), il n’est pas nécessaire que l’infraction de terrorisme soit commise par la personne qui a été conseillée. » Nous voulons qu’il soit ainsi plus clair que l’objectif est le même que pour l’infraction actuelle.

La seule différence, c’est que nous supprimerions les mots « autres qu’une infraction prévue au présent article ». Ainsi, l’infraction proposée aurait une portée plus large que l’infraction actuelle, car l’infraction actuelle ne tiendrait pas compte de l’acte de conseiller, dans la gamme complète d’infractions de terrorisme prévues par l’article 83.221(1). Nous proposons de supprimer cela dans le projet de loi, afin que le fait de conseiller la commission d’une telle infraction soit couvert par l’article 83.221.

Le sénateur McIntyre : Merci de votre réponse. Si je puis me permettre, j’ai un dernier point de précision.

Cet enjeu peut devenir compliqué. D’après ce que j’ai compris, les termes actuellement utilisés dans l’article 83.221 du Code criminel sont semblables à ceux utilisés dans les articles 318 et 319 de la loi qui traitent de l’infraction liée à la propagande haineuse. Je vous l’accorde, des infractions précises sont prévues dans le Code criminel pour ce qui est de l’infraction liée à la promotion volontaire de propagande haineuse. Toutefois, rien n’est prévu au sujet de la défense dans l’article 83.221 du Code criminel. De plus, comme vous l’avez dit, les termes utilisés dans le nouvel article 83.221(1) proposé par le projet de loi, c’est-à-dire conseiller à une autre personne de commettre une infraction de terrorisme, sont semblables aux termes utilisés pour l’infraction en matière de conseil dans l’article 22 du Code criminel.

Le code ne prévoit toutefois pas de moyens de défense précis dans les cas d’infractions liées au conseil. Pourriez-vous m’expliquer cela?

M. Breithaupt : Les mots « préconiser » ou « fomenter » faisaient partie de la confusion autour de l’infraction actuelle. Cependant, comme je l’ai dit, la Cour suprême du Canada définit le mot « fomenter » comme étant le soutien actif ou l’instigation et le mot « préconiser » comme étant l’incitation hâtive ou l’encouragement. Le mot conseiller revient à un encouragement actif ou à une incitation à commettre une infraction. Le fait de conseiller à une personne de commettre une infraction revient à en faire la promotion ou à la préconiser. Lorsque les gens ont vu les mots préconiser et promouvoir dans l’infraction actuelle, certains ont associé l’infraction actuelle aux infractions en matière de propagande haineuse et se sont demandé pourquoi il n’y avait pas de défenses ou de distinctions entre les communications privées et publiques.

La réalité, c’est que l’infraction existante était essentiellement une infraction de conseil et qu’il n’y a pas de telles défenses ou distinctions en ce qui concerne le fait de « conseiller ». Grâce aux propositions faites, en utilisant le mot conseiller, cela nous permettrait de clarifier le tout et d’éviter toutes sortes de confusions entre l’infraction prévue à l’article 83.221 et les infractions de propagande haineuses inscrites dans le Code criminel.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Dans la même veine, j’éprouve toujours des craintes lorsqu’on parle de moderniser quand je lis ce projet de loi, car l’intention me semble plutôt d’alléger. Quand je regarde l’article 83.221 du Code criminel, dont on parle à l’article 143 du projet de loi, on semble exclure tout ce qui est — je ne dirais pas nécessairement promotion, mais... Vous savez, ces groupes terroristes utilisent beaucoup les réseaux sociaux pour promouvoir leurs idées extrémistes et faire de la propagande. On l’a vu au Québec : la plupart des gens qui se sont enrôlés dans les groupes terroristes et qui sont allés en Syrie ont fait leurs démarches par l’intermédiaire des réseaux sociaux.

Lorsqu’on parle de conseiller quelque chose à une autre personne, on parle d’une communication privée, et on veut dire : « Je conseille une personne. » Cependant, les réseaux sociaux sont de la communication de masse. Or, je crois que cette notion est exclue du projet de loi, et cela me préoccupe. Pas plus tard que la semaine dernière, les services de police ont indiqué que 190 terroristes comptent revenir au Canada. Sur ce nombre, 90 sont revenus et environ 5 ont été arrêtés. Les policiers le disent, on n’aura pas les ressources nécessaires pour traquer ces gens. La façon dont ce projet de loi est libellé rend le travail des policiers encore plus difficile pour ce qui est d’intercepter ces gens sur les réseaux sociaux et les traduire en justice afin qu’ils soient condamnés. On a complètement exclu cet aspect du projet de loi. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire lorsque vous dites qu’on l’a « modernisé ».

[Traduction]

M. Goodale : Comme je l’ai dit plus tôt, sénateur — et je vais demander à M. Breithaupt de commenter également —, l’objectif, c’est d’utiliser un libellé dans le Code criminel qui facilitera le travail des policiers et des procureurs pour recueillir les preuves appropriées, porter des accusations et les faire tenir.

Comme M. Breithaupt l’a déjà dit, le libellé précédent s’est attiré des critiques légitimes. Certains trouvaient qu’il était trop vague, avait une portée trop large et n’était que très peu présent dans la jurisprudence. Par contre, si nous utilisons le mot « conseiller », cela implique deux choses. Premièrement, c’est un terme de droit bien connu des policiers et des procureurs. Deuxièmement, il ne se limite pas à l’acte de conseiller à une personne en particulier de faire une chose précise, mais comprend aussi le fait de conseiller à une personne de s’impliquer dans des activités liées au terrorisme.

Nous visons à avoir un libellé qui sera plus efficace et plus utile pour nos policiers et nos procureurs. Le meilleur conseil juridique que nous puissions vous donner, c’est que le libellé adopté dans le projet de loi C-59 sera fort probablement plus efficace que le libellé précédent qui figurait dans le Code criminel.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je comprends quand vous le dites de cette façon, monsieur le ministre. Toutefois, si je suis avocat de la défense et que je vais en cour, je vous contredirai, parce que l’article stipule bien : « quiconque conseille à une autre personne ». Il y a une relation personnelle ici. Or, les djihadistes, ou les personnes qui font la promotion de ces idées, diffusent une information de masse. Je crois qu’on a complètement fait abstraction de cette notion. Je ne sais pas si vous seriez d’accord pour que l’on modifie cet article afin de parler plutôt de conseiller une personne ou un groupe de personnes. Le projet de loi ne fait pas du tout allusion à cette même ligne de communication. En cour, si je suis avocat de la défense, je réfuterai votre argument.

[Traduction]

M. Goodale : Nous verrons bien. Je suis prêt à relever le défi.

Le sénateur Boisvenu : Nous verrons ne suffit pas. Nous avons besoin d’être sûrs.

M. Goodale : Je crois que nous avons un bon projet de loi, et permettez-moi de demander à M. Breithaupt de faire part de ses commentaires encore une fois. Pour en revenir à votre observation générale, à savoir si le libellé peut être amélioré...

Le sénateur Boisvenu : Vous savez, au tribunal, c’est une question de mots.

M. Goodale : Je serai heureux d’examiner des suggestions visant à améliorer le projet de loi tout au long du processus. Jusqu’à présent, nous avons reçu 40 amendements. Je crois que cela démontre l’ouverture d’esprit du gouvernement.

Monsieur Breithaupt, pourriez-vous intervenir sur le libellé encore une fois?

M. Breithaupt : Merci, monsieur le ministre. Les mots « une autre personne », indiquent qu’une personne conseille quelqu’un d’autre. Ce quelqu’un d’autre n’a pas à être une personne en particulier ou même une seule personne. Pour qu’il y ait des accusations d’incitation, il faut que le destinataire soit une personne, mais cela n’a pas à être une personne en particulier ou un groupe précis. Pour que l’accusé soit reconnu coupable de conseil, il faut que le destinataire ait eu l’encouragement. Si ce n’est pas le cas, l’accusé pourrait être reconnu coupable de tentative de conseil. Le destinataire n’a pas à être une personne en particulier, mais il doit y avoir un destinataire.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Permettez-moi de vous corriger — et ce sera ma dernière intervention. Dans cet article, on parle de conseiller la commission d’une infraction de terrorisme. Donc, il y a ici une notion d’unicité. Si je me retrouve en cour avec un client qu’on accuse d’avoir fait de la promotion pour le compte d’un groupe, cet article ne sera pas applicable.

[Traduction]

M. Goodale : Pouvez-vous commenter cela, monsieur Breithaupt?

M. Breithaupt : Je n’ai pas entendu la fin de la question, mais je crois...

M. Goodale : Voulez-vous répéter la question?

M. Breithaupt : Vous avez parlé de la situation où on fait affaire avec une autre personne. Cette personne n’a pas à être une personne précise ou même une seule personne. Il faut qu’il y ait un destinataire; autrement, vous pourriez avoir tentative de conseil. Les mots « une autre personne » dans le projet de loi ne nous posent donc pas de problème.

La sénatrice Griffin : Merci, monsieur le ministre, de votre excellent exposé sur le projet de loi. C’est un projet de loi massif, mais j’aime bien qu’il soit divisé en plusieurs parties. Je m’intéresse surtout à la partie 6 et aux articles 129 et 130. L’article 129 vous permet, à titre de ministre, d’inscrire le deuxième prénom et d’autres renseignements des personnes étant inscrites sur la liste d’interdiction de vol. Lorsque vous vous pencherez sur la réglementation, quel autre type de renseignements envisagez-vous d’inscrire également? Selon vous, à quel point ces renseignements supplémentaires permettraient-ils de réduire les cas de faux positifs lorsqu’un voyageur tente de partir à l’étranger?

M. Goodale : Sénatrice, le système actuel a été conçu il y a sept ou huit ans. Je suis certain que ceux qui l’ont conçu avaient les meilleures intentions du monde et pensaient sûrement à la façon d’avoir un système le moins coûteux possible, afin d’économiser l’argent des contribuables, entre autres. À l’époque, c’était un système unique au monde, en vertu duquel le gouvernement tenait à jour une liste d’interdiction de vol, sur laquelle étaient inscrits les noms des personnes qui se seraient vu refuser l’accès à un avion s’ils avaient tenté de monter à bord. Cette liste était remise aux compagnies aériennes, qui l’ont comparée à leur propre liste de passagers, afin de voir si l’un ou l’autre des noms figurait sur leur liste. Je crois que cela a mené à de la confusion, car il y avait un manque de précision quand venait le temps de déterminer si un passager précis était la personne inscrite sur la liste.

Bien sûr, les compagnies aériennes se préoccupent des choses qu’elles aiment savoir, comme si un passager est membre de leur programme de clients privilégiés, par exemple. Après que les compagnies aériennes ont intégré tous ces autres éléments dans leur programme, il n’y avait plus de place pour d’autres identificateurs. Si on avait pu inscrire un deuxième prénom, l’âge ou un autre indicateur, cela aurait pu nous permettre d’éviter certains problèmes.

Les problèmes sont arrivés, car le gouvernement de l’époque avait décidé d’utiliser le système d’information des compagnies aériennes plutôt que d’avoir un système à l’interne, autonome, qui fait partie des opérations gouvernementales. Nous allons créer un système interactif. Une fois qu’un faux positif aura été décelé, le passager en question recevra un numéro d’identification unique. Lorsque ce passager voudra voyager à nouveau, au moment de s’enregistrer en ligne ou à un kiosque, il pourra entrer ce numéro d’identification unique et recevra automatiquement l’autorisation dont il a besoin pour monter à bord de l’avion.

Permettez-moi de demander au sous-ministre Brown de nous parler du processus réglementaire et du type de renseignements qui pourrait être exigé dans la réglementation pour s’assurer que le processus d’approbation des passagers soit approprié.

M. Brown : Le ministre a déjà couvert la majeure partie de la question. Bien souvent, on a simplement besoin de la date de naissance et du nom au complet. Toutefois, les autres renseignements qui se trouvent sur la deuxième ou la troisième page principale de votre passeport sont le type d’identificateur qui pourrait potentiellement être inclus. Tout au long du processus réglementaire, nous allons tenir des consultations prudentes, afin de nous assurer d’avoir un équilibre entre les renseignements qui sont recueillis et les renseignements qui sont réellement nécessaires. Nous voulons éviter de recueillir des renseignements inutiles.

Le processus sera transparent et nous utiliserons le processus réglementaire habituel.

M. Goodale : À titre d’exemple, si l’âge avait été inclus sur la liste d’interdiction de vol, il aurait été évident qu’un enfant de 6 ans ne pouvait être la personne inscrite sur cette liste.

La sénatrice Griffin : Tout à fait. Ces identificateurs uniques sont-ils différents de la référence unique de passager prévue par la Loi sur les douanes? Oui? D’accord, merci.

Le sénateur Oh : Est-ce que je peux vous poser une autre question? Et si une personne n’a pas de deuxième prénom? Vous avez mentionné un deuxième prénom. Parce que je connais un professeur qui prend l’avion. Il a été invité par l’Université Yale à faire une conférence, et il n’a pas de deuxième prénom, alors Air Canada lui a refusé l’accès à bord de l’avion.

M. Brown : Deux noms identiques, mais des dates de naissance différentes. Parfois, vous aurez deux personnes, aussi improbables que cela puisse paraître, avec la même date de naissance. Ensuite, ce serait le lieu de naissance et le pays d’origine. Il y aura une liste en cascade d’information qui vous permettra de fournir la certitude que vous n’êtes pas la personne dont le nom figure sur la liste; que vous êtes quelqu’un qui a la malchance d’avoir le même nom, mais qui n’est évidemment pas la même personne.

Le sénateur Oh : Mais on l’a obligé à descendre de l’avion. Il n’a pas pu voyager.

M. Brown : C’est pourquoi nous proposons ces modifications dans le projet de loi C-59.

M. Goodale : On propose ces modifications pour que de telles situations ne se produisent plus à l’avenir. C’est justement l’objectif, sénateur.

Le sénateur Oh : Merci.

Le sénateur Gold : Bienvenue, monsieur le ministre. Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous aujourd’hui. C’est un privilège d’être le parrain de cet important projet de loi au Sénat.

J’ai quelques questions sur les parties 1 et 2 qui sont, à certains égards, les dispositions les plus novatrices en matière d’examen et de surveillance. Elles marquent vraiment un changement important dans la façon dont les Canadiens comprendront notre système de sécurité. Ce sont des questions pointues, mais j’aimerais profiter de votre présence ici pour vous les poser.

Le projet de loi C-59 propose que l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement soit composé d’un minimum de trois membres et d’un maximum de six membres, en plus d’un président. Les professeurs Roach et Wark, ainsi que des groupes de défense de liberté civile, ont suggéré que, compte tenu de l’éventail des questions que l’office devra maintenant examiner et les compétences différentes qui seraient requises, elle devrait être élargie — de cinq à huit membres, plus le président — afin de tenir compte de la gamme plus large d’expériences nécessaires.

Pouvez-vous nous en parler? J’aurais ensuite une deuxième question au sujet du commissaire au renseignement.

M. Goodale : Nous serons très vigilants pour nous assurer que, à mesure que nous tirerons des leçons de cette nouvelle expérience, nous aurons le bon nombre de membres au sein de l’organisme d’examen. Il y a notamment la recommandation royale qui accompagne ce projet de loi et qui confère l’autorité et le financement nécessaires en ce qui concerne le nombre de membres de l’office qui est établi dans le projet de loi sous sa forme actuelle.

Toutefois, je souligne que la question la plus importante n’est pas tant de savoir combien de membres comptera le nouvel office, mais combien de professionnels en feront partie, et le financement qui sera accordé pour leur permettre d’accomplir leur travail. Il sera important que les membres de l’office fournissent les orientations nécessaires, le jugement, au sujet du travail à accomplir, mais le travail réel, soit l’examen des activités du SCRS et de tous les ministères et organismes du gouvernement, sera effectué par les professionnels travaillant sous l’autorité des membres de l’office.

Nous travaillerons très fort non seulement pour nous assurer d’avoir le bon nombre de membres au sein de l’office, mais aussi qu’ils disposent d’un personnel adéquat et d’un budget suffisant pour faire le travail que nous leur demandons de faire. Ils assumeront non seulement la responsabilité d’examiner le SCRS et le CST, mais aussi tous les ministères et organismes du gouvernement du Canada, dont certains n’ont pas du tout de mécanisme de surveillance à l’heure actuelle.

Le personnel aura un travail important à faire. Le personnel du CSARS et celui du Bureau du commissaire du CST en feront partie, mais il nous faudra du personnel supplémentaire pour nous assurer d’avoir couvert tout ce qui doit l’être.

M. Brown : Il est proposé de doubler les ressources associées aux deux organismes existants qui seront réunis. S’ils sont en mesure de démontrer qu’ils ont besoin de ressources supplémentaires dans le cadre des discussions budgétaires habituelles avec les organismes d’examen, je suis convaincu qu’ils obtiendront l’appui du Cabinet, du ministre des Finances et des fonctionnaires.

Je pense qu’il y a beaucoup de marge de manœuvre. Ainsi, si la demande l’exige, il y aura un approvisionnement en ressources.

Le sénateur Gold : Je reviens au commissaire au renseignement. Le projet de loi C-59 propose que le commissaire soit un juge à la retraite d’une juridiction supérieure, ou l’équivalent, et qu’il occupe un poste à temps partiel. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le projet de loi propose un poste à temps partiel plutôt qu’un poste à temps plein?

M. Goodale : Les fonctions du commissaire au renseignement, comme vous le verrez dans la loi, sont exercées à certains moments précis au cours d’une année. Je vais devoir donner certaines autorisations aux organismes pour qu’ils puissent faire certaines choses, et ces autorisations seront examinées par le nouveau commissaire au renseignement. Je soupçonne que cela se fera selon un cycle annuel assez préétabli et qu’il ne sera pas nécessaire que le commissaire soit au bureau tous les jours. Il devra entreprendre certaines activités à certaines périodes de l’année, mais ce n’est pas un processus continu.

Si, avec le temps, nous constatons que la charge de travail est en fait plus lourde que prévu, nous serions alors tout à fait prêts à revoir le concept et à en faire un poste à temps plein, au besoin.

Le sénateur Gold : Merci.

Le sénateur Oh : Bienvenue encore une fois, monsieur le ministre.

M. Goodale : Merci, monsieur le sénateur.

Le sénateur Oh : Selon Sécurité publique Canada, le projet de loi C-59 est un projet de loi exhaustif qui renforcerait la responsabilité et la transparence des activités de sécurité nationale et du renseignement au Canada, tout en renforçant la sécurité, en protégeant les droits et en respectant les engagements pris par le Parti libéral du Canada pendant la campagne électorale fédérale de 2015 de corriger divers aspects du projet de loi sur la sécurité nationale adopté plus tôt pendant l’année.

Quelles sont les plus grandes menaces à la sécurité nationale du Canada et comment le projet de loi C-59 aiderait-il à les atténuer?

M. Goodale : Pour ce qui est de l’analyse de la menace, je pense que M. Vigneault serait le mieux placé pour répondre à la question. Je vous renvoie à un document qui est publié chaque année, le rapport sur la menace publique, qui a été publié en décembre dernier et qui donne un aperçu des divers risques et menaces que nos organismes de sécurité nationale ont recensés récemment. Cela vous donnera une bonne description générale du contexte de la menace qui existe actuellement, y compris, par exemple, les préoccupations les plus récentes au sein de la communauté internationale à la suite des événements tragiques de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, et la menace de l’extrémisme d’extrême droite menant à la violence. Vous trouverez tous ces renseignements dans le rapport sur la menace publique.

Bien sûr, nous en avons vu des exemples au Canada, comme la fusillade tragique dans une mosquée de Sainte-Foy, au Québec, il y a quelques années.

Pour voir comment toutes ces menaces et tous ces risques sont regroupés, je vous recommande de consulter le rapport sur les menaces, soit le plus récent énoncé des risques recensés par nos organismes et des efforts à déployer. C’est le pain quotidien de M. Vigneault au SCRS. David, vous aimeriez peut-être faire un commentaire général sur le contexte de la menace tel que vous le voyez actuellement.

David Vigneault, directeur, Service canadien du renseignement de sécurité : Merci, sénateur, de votre question. Tout d’abord, je qualifierais le contexte de la menace d’assez complexe et d’évoluant à un rythme qui pose un défi pour tous les services de renseignement de sécurité nationale du monde. Ici, au Canada, nous sommes très préoccupés par la menace de violence découlant de l’extrémisme. Traditionnellement, au cours des dernières années, nous avons vu cette forme d’extrémisme mener à la violence perpétrée par des gens qui invoquent la religion, comme l’islam, par exemple. Des groupes associés à une forme extrême de perversion de l’islam sont ceux qui ont causé le plus de morts récemment.

Le ministre a mentionné que nous sommes de plus en plus préoccupés par le nombre d’extrémistes d’extrême droite, des gens qui invoquent un certain nombre de philosophies et d’approches différentes comme le nationalisme blanc, l’ethnonationalisme et la suprématie blanche. Le ministre a mentionné Sainte-Foy, au Québec; cet attentat terroriste a eu lieu à deux pâtés de maisons de mon lieu de naissance, donc cela me touche de très près.

Nous avons également vu des gens utiliser les méthodes de terroristes pour causer du tort. Je fais ici référence à l’attaque perpétrée à Toronto par quelqu’un qui invoquait la philosophie du célibat involontaire. Ce qui était frappant, c’est que la philosophie n’était pas le seul facteur en jeu. L’auteur de l’attaque voulait causer du tort et semer la peur au sein de la population, mais il a utilisé une technique qui avait été perfectionnée et rendue publique par un certain nombre de groupes terroristes, soit l’utilisation d’un véhicule pour tuer le plus de gens possible.

Nous avons observé un autre phénomène qui est encore très présent dans nos esprits et qui continue de nous préoccuper, surtout à l’approche des élections, soit l’ingérence étrangère dans nos processus démocratiques et électoraux. Comme je l’ai mentionné, nous sommes de plus en plus préoccupés par ce phénomène pour nombre de raisons, et je pourrais y revenir plus tard.

Enfin, je voudrais vous parler de la menace de l’espionnage étranger. Le Canada a la chance d’être un pays à la fine pointe de la technologie, d’avoir des universités et des entreprises avant-gardistes. Toutefois, notre ouverture fait malheureusement de nous une cible pour ceux qui veulent prendre des raccourcis et nous voler cette technologie. Je crois que cela aura des répercussions graves sur notre intérêt national.

Toutes ces menaces s’appuient sur les progrès technologiques très importants. Les gens mal intentionnés profitent des percées dans le monde de la technologie, des communications et du cryptage pour cacher leurs activités. Nous le constatons dans le cybermonde et dans un certain nombre d’autres domaines où les progrès technologiques qui profitent aux Canadiens et à la majeure partie du monde sont également utilisés à des fins malhonnêtes.

Cet environnement est donc très complexe.

Le sénateur Oh : Vous avez en partie répondu à ma question sur l’ingérence étrangère dans nos élections générales. Le projet de loi C-59 sera-t-il d’une aide particulière, monsieur le ministre?

M. Goodale : Le projet de loi C-59 va améliorer l’efficacité dans son ensemble de nos organismes nationaux de sécurité et de renseignement en veillant à ce qu’ils aient les pouvoirs et le cadre juridique nécessaires pour faire leur travail efficacement.

Pour ce qui est des élections à venir, les organismes auront la responsabilité de détecter toute activité malfaisante visant à causer de l’ingérence dans les choix démocratiques que les Canadiens sont en droit de faire. On parle ici d’ingérence de sources étrangères. Il incombera à un organisme, le CST, le SCRS ou la GRC, de déterminer si un gouvernement étranger, des forces armées étrangères ou quelque autre source étrangère tentent de manipuler l’atmosphère publique au Canada.

Comme vous le savez grâce à l’annonce faite plus tôt cette année ou à la fin de l’année dernière, un système a été mis en place, dans le cadre duquel les organismes de sécurité vont informer des hauts fonctionnaires au sein du gouvernement du Canada qui vont décider collectivement si la situation est suffisamment grave pour avertir les Canadiens d’une ingérence. Les partis politiques seront aussi évidemment informés de tout risque auquel ils seraient exposés.

Il y a quelques jours, le CST a publié son plus récent rapport sur les risques et les menaces potentiels. Mme Shelly Bruce peut vous en dire plus à ce sujet.

Ce projet de loi fait en sorte que tous ces organismes, le CST, le SCRS et tous les autres au sein du gouvernement du Canada, aient les outils et les pouvoirs juridiques nécessaires pour informer et conseiller le gouvernement du Canada quant à tout risque étranger qui pourrait nuire à la démocratie canadienne.

La présidente : Nous avons deux autres sénateurs qui veulent poser des questions, monsieur le ministre. Je garde un œil sur l’horloge.

M. Goodale : Je veux bien essayer, madame la présidente.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie d’être ici avec nous, monsieur le ministre. Je tenterai d’être concise. Je sais que vous avez un horaire à respecter.

Il s’agit d’un projet de loi considérable. Je dois dire qu’il contient tellement de mesures qu’il faudrait pas mal de temps pour bien l’étudier.

Je suis toujours un peu méfiante quand les gouvernements créent de nouvelles entités bureaucratiques gigantesques pour tenter de tout réunir sous une même égide. Prenons par exemple la GRC. Actuellement, on lui demande d’en faire de plus en plus avec moins. Avez-vous examiné la possibilité de créer de plus petites unités qui seraient plus efficaces et en mesure de faire ce travail plutôt que de créer ces immenses entités bureaucratiques qui ont tendance à perdre de vue ce qu’elles tentent de faire parce qu’il y a trop de gens et trop de données qui arrivent en même temps? J’aimerais revenir à ce qui a été dit plus tôt concernant le poste à temps partiel. Je crois qu’il s’agit d’un travail énorme et d’un projet de loi énorme également.

M. Goodale : C’est, à n’en pas douter, un projet de loi considérable, sénatrice Stewart Olsen. Il s’agit d’un texte de loi important.

En fait, en ce qui concerne les examens d’experts qui ont été réalisés par le milieu universitaire, l’ampleur et la portée du projet de loi C-59 ont été saluées comme abordant une foule de questions qui devaient être traitées.

Pour ce qui est de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, qui est, je pense, l’objet principal de votre question, le problème par le passé et qui a fait l’objet de nombreuses critiques des milieux universitaires, c’est que les organismes de surveillance fonctionnaient en vase clos; le CSARS pouvait examiner les activités du SCRS, le commissaire pouvait examiner les activités du CST, mais il était impossible de faire un suivi d’un ministère ou d’un organisme à un autre et d’avoir une vue d’ensemble.

Grâce à l’office, il sera possible pour la première fois d’obtenir un examen complet de ce qui se passe à l’échelle gouvernementale. Est-ce une initiative importante? Oui, cela l’est. Cela n’a jamais été entrepris auparavant, mais c’était là le problème. Nous sortons donc de l’isolement et, grâce à l’office, on peut suivre un dossier à la trace, peu importe où cela nous mène, dans tout organisme ou ministère du gouvernement du Canada, et assurer un suivi à un niveau qui n’avait jamais été légalement possible auparavant.

Lorsque nous avons annoncé l’adoption de cette approche, que certains avaient qualifiée de super-CSARS, nombreux sont ceux dans le milieu universitaire qui se sont dit : « Eh bien, nous ne pensions pas qu’ils auraient le courage de le faire. » Eh bien, nous avons eu ce courage, et nous estimons que c’est une innovation importante.

Cependant, j’accepte votre argument que les responsabilités assumées par l’office sont très importantes, nouvelles et plus complètes comparativement à tout organisme d’examen précédent. La structure de cet organisme sera très importante.

Si le poste de commissaire du renseignement doit devenir un poste à temps plein, nous sommes certainement prêts à y songer. Avec la structure actuelle, du moins au début, il n’est pas nécessaire qu’il soit à temps plein, mais si c’était le cas, nous pourrions agir très rapidement.

Quant à la GRC, en fait, nous allons dans la voie opposée que vous avez décrite. La GRC a-t-elle des responsabilités importantes et croissantes? Oui, c’est vrai, mais nous augmentons également ses ressources financières. Pendant un certain temps, avant les dernières années, les budgets de la GRC étaient réduits chaque année. En fait, entre 2012 et 2015 ou 2016, les budgets de la GRC ont été réduits d’environ 500 millions de dollars.

Dans les derniers budgets, nous avons fourni des fonds pour l’intégrité des programmes afin que la GRC augmente ses ressources. Maintenant, avec le nouveau programme de modernisation mis en œuvre par la nouvelle commissaire, la commissaire Lucki, la GRC obtiendra une importante augmentation de ses ressources, comme le dernier budget l’a démontré il y a à peine quelques semaines.

La sénatrice Stewart Olsen : J’aimerais ajouter quelque chose, si vous le permettez.

La présidente : Rapidement, je vous prie.

La sénatrice Stewart Olsen : Oui. Cela aurait peut-être dû arriver plus tôt.

En ce qui concerne le choix du commissaire du renseignement, c’est bien que ce soit un juge, mais cela implique que tout reposera sur des questions de légalité et ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire. Vous savez très bien qu’en matière de renseignement, il faut prendre des décisions difficiles, parfois inacceptables pour la plupart d’entre nous. Je ne m’attends pas à ce que vous répondiez. Je voulais tout simplement soulever cette question afin que vous y réfléchissiez.

M. Goodale : Il ne fait aucun doute que cette personne devra être très compétente. Son rôle consistera à douter de tout, qu’il s’agisse de remettre en question les décisions du ministre de la Défense nationale ou de celui de la Sécurité publique. Il devra examiner toutes les circonstances prises en compte par les ministres dans des situations bien précises et déterminer si leurs décisions sont raisonnables, proportionnelles et nécessaires dans ces cas-là. Cela exigera un jugement hors pair.

La sénatrice McPhedran : Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir rester un peu plus longtemps pour répondre aux questions.

Ma question porte sur la partie 6 du projet de loi et sur l’équilibre entre la sécurité et les droits. Comme nous le savons, nous avons des dispositions de recours dans la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, un renvoi à la partie 6, et des restrictions quant aux renseignements qu’un demandeur peut être en mesure de recevoir sur les raisons de son inscription sur la liste d’interdiction de vol. Comme une partie de ces renseignements peuvent être considérés de nature sensible et secrète, c’est tout à fait acceptable. L’article 16 de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens exige que le juge présidant l’audience entende des renseignements ou des éléments de preuve en l’absence de l’intéressé, le résumé étant fourni à l’intéressé, à l’exclusion des renseignements ayant été jugés préjudiciables à la sécurité nationale ou qui pourraient compromettre la sécurité de quelque personne que ce soit s’ils étaient communiqués.

Monsieur le ministre, étant donné que nous avons déjà un système dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui permet une approche par médiation avec des avocats ayant une autorisation de sécurité qui ont accès aux renseignements secrets à titre d’avocats spéciaux travaillant sous le régime des certificats de sécurité, pourquoi ne pas utiliser un système ayant fait ses preuves dans la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, comme couvert dans le projet de loi?

M. Goodale : Sénatrice McPhedran, je vais vérifier, pour être sûr de ne pas me tromper. Si j’ai bien compris, dans ces circonstances, un juge peut demander l’aide d’un ami de la cour au besoin. Je crois que cela est déjà prévu dans la loi.

Il reviendrait au juge président du tribunal de déterminer si l’aide d’un avocat spécial ou autre ami de la cour serait nécessaire pour veiller à ce que tout se déroule de façon juste pour ceux qui se retrouvent devant le juge.

La sénatrice McPhedran : C’est un énorme exercice du pouvoir discrétionnaire. Si le certificat de sécurité existant avec les avocats spéciaux était en place, les personnes faisant l’objet d’un examen et d’une surveillance seraient systématiquement représentées plutôt que d’être soumises à la possibilité d’une application incohérente dans ce domaine du pouvoir discrétionnaire du juge.

M. Goodale : Je comprends ce que vous dites, mais je vais contre-argumenter en disant que, dans les tribunaux de tout le pays, les juges sont appelés à rendre des jugements de cette nature presque tous les jours.

La sénatrice McPhedran : Mais les jugements ne sont pas entourés d’autant de secrets.

M. Goodale : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Breithaupt?

M. Breithaupt : J’aimerais simplement confirmer que la Cour fédérale a le pouvoir de nommer un amicus curiae ou un ami de la cour pour l’assister dans de telles procédures si le juge de la Cour fédérale estime qu’une telle nomination est justifiée. C’est le genre de décisions qu’ils prennent.

La sénatrice McPhedran : C’est le mot « si » qui m’inquiète. C’est ce que je tenais à souligner.

M. Goodale : Je comprends ce que vous dites, madame la sénatrice.

M. Brown : J’ajouterais que les avocats spéciaux dans le processus des certificats de sécurité ont un rôle très unique à jouer dans un processus très rarement utilisé. Le processus le plus traditionnel pour répondre aux préoccupations que vous soulevez est l’amicus. Je pense que les juristes sont d’avis — et je m’adresse également à Doug à ce sujet — qu’il existe un précédent bien établi en ce qui concerne le recours à l’amicus pour protéger l’intérêt même qui vous préoccupe, et ce, sans avoir à recourir au processus beaucoup plus élaboré et compliqué des avocats spéciaux qui sont liés aux certificats de sécurité.

La présidente : Au nom de tous les membres du comité, j’aimerais vous remercier de votre comparution. Je crois que les hauts fonctionnaires resteront avec nous encore une heure.

Chers collègues, nous allons poursuivre notre discussion avec les représentants du gouvernement. Merci de rester encore 45 minutes pour répondre à nos questions.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Encore une fois, bienvenue à nos témoins. J’aurais peut-être dû poser cette question au ministre, mais je vais tout de même vous la poser. Le ministre a dit que la présidence de l’agence sera un poste très complexe et chargé. Pourquoi cette nomination relève-t-elle strictement du premier ministre, et non de la Chambre des communes? Le fait qu’elle relève du premier ministre signifie que cela devient une nomination politique dans un poste stratégique. Donc, pour éviter des critiques potentielles, pourquoi cette nomination ne relève-t-elle pas de la Chambre des communes, comme pour d’autres hauts fonctionnaires de l’État?

[Traduction]

M. Brown : Je vais me lancer. Vous avez raison, c’est probablement une question que vous auriez dû poser au ministre, car il s’agit d’une question de délibérations du Cabinet. Je peux vous dire que le précédent en matière de consultations pour tous ces types de postes est assez important. Toutefois, traditionnellement, ces consultations demeurent sous la prérogative du premier ministre. Je crois avoir raison de dire que c’est conforme à la pratique et aux précédents établis.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Vigneault, j’ai soumis plus tôt certaines données. Il y a 90 terroristes qui sont venus au Canada et seulement 5 ont été condamnés. Il y en a 190 qui attendent de revenir, donc on parle d’environ 300 terroristes qui seront en sol canadien. Plusieurs sont venus en même temps que le flot d’immigrants illégaux.

Je crois que ce sont les journaux de Toronto qui nous ont appris qu’un terroriste était revenu, qu’il avait été identifié et qu’is avait passé à travers les mailles du chemin Roxham. Cela n’inquiète-t-il pas votre service de savoir qu’une partie de ces gens n’ont pas fait l’objet de poursuites judiciaires — parmi les 90, il n’y en aurait que 5 —, que les crimes qu’ils ont commis soient graves ou non? De plus, cela inquiète-t-il votre service de savoir que ces gens sont maintenant libres dans la nature?

M. Vigneault : Merci, monsieur le sénateur. Évidemment, dès que des individus s’associent activement à un groupe terroriste, comme dans le cas des Canadiens qui sont allés combattre à l’étranger ou des gens qui sont allés appuyer les activités de groupes terroristes... Dans le cas qui nous préoccupe ici, Daech, évidemment, c’est préoccupant. Donc, ce sont des gens qui correspondent à notre définition de soutien aux activités terroristes et qui sont sur notre radar. Cela dit, les gens qui sont revenus ne sont pas tous revenus... Ces chiffres ne font pas tous état de gens qui appuyaient Daech. On parle ici de gens qui appuyaient d’autres groupes, comme le Hezbollah, al-Shabaab et le reste.

Le système fonctionne comme un filet de pêche. Il y a plusieurs agences qui travaillent ensemble et qui ont différents mandats. Notre mandat, au Service canadien du renseignement de sécurité, c’est de s’assurer d’avoir les bons renseignements et les bonnes informations pour être en mesure de gérer la menace. Dans le cas que vous mentionnez, où un certain nombre d’individus ont été judiciarisés, c’est l’information que l’on donne à la GRC pour qu’elle puisse faire son enquête, afin qu’un procureur puisse potentiellement déposer des accusations. C’est un système très complexe et il y a énormément d’éléments. Ce qui nous importe, c’est d’assurer la sécurité publique. Je vais demander à mon collègue d’élaborer à ce sujet.

M. Brown : Je voudrais ajouter quelques éléments.

[Traduction]

Tout d’abord, le ministre Goodale a dit très clairement que pour tout Canadien qui a quitté le Canada pour se livrer à des activités terroristes à l’étranger, l’objectif premier du gouvernement est de recueillir des preuves et de les poursuivre. Les normes en matière de poursuites sont élevées, comme elles devraient l’être, mais l’objectif premier demeure tel.

J’aimerais réitérer les commentaires de mon collègue au sujet du processus de contrôle. Toutes les personnes, qu’elles viennent au Canada de façon irrégulière ou dans le cadre du processus établi de détermination du statut de réfugié, qu’elles soient parrainées par le gouvernement ou par le secteur privé, font l’objet d’un contrôle très rigoureux. Les cas problèmes sont gérés différemment et des démarches sont entreprises.

Je pense que la collectivité a une grande confiance dans les processus de contrôle, dans la surveillance exercée par le service et dans les enquêtes menées par la GRC au sujet des personnes à l’étranger. On se pose des questions à savoir si autant de personnes reviendront au pays comme vous l’avez dit, monsieur. En effet, certaines personnes ne sont peut-être plus de notre monde, et d’autres pourraient préférer le statu quo de leur nouvel environnement à l’accueil potentiellement chaleureux que leur réservent les forces de l’ordre et aux poursuites qui les attendent ici au Canada.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Dans l’article du Journal de Montréal du 30 mars dernier, la GRC utilisait des termes inquiétants et parlait de ressources insuffisantes; des employés disaient qu’ils étaient trop débordés pour faire le suivi de ces gens, et que, à moyen terme, le rythme était invivable.

Pouvez-vous faire rapport au comité, dans un délai assez court, sur les ressources dont vous disposez pour faire ce travail de surveillance? On ne peut pas mettre un policier derrière chacune de ces personnes. Peut-on avoir une bonne idée des ressources dont vous disposez pour faire ce travail de surveillance, afin d’assurer aux Canadiens que le niveau de risque est minimal?

[Traduction]

M. Brown : Je ne parlerai pas au nom du service. Je présume que ce sera difficile d’être précis compte tenu de la nature confidentielle des activités du service.

Dans ses observations, le ministre a mentionné que le dernier budget prévoyait un investissement de plus de 500 millions de dollars dans les programmes de base de la GRC, mais nous allons collaborer avec nos collègues de la GRC pour faire rapport au comité et tenter de répondre à votre question, monsieur.

Le sénateur Pratte : Ma question porte sur les modifications proposées à la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada. Je suis un peu préoccupé par le libellé de ces modifications, par exemple, pour ce qui est des activités portant atteinte à la sécurité du Canada. Une nouvelle définition est proposée et elle comprend une exception pour les activités de défense d’une cause, de protestation, de manifestation d’un désaccord ou d’expression artistique.

Je me serais attendu à ce que cette exception ne protège pas les activités de défense d’une cause, de protestation ou d’expression artistique qui sont liées à une activité violente, mais ce n’est pas le libellé du projet de loi. Le libellé propose plutôt :

[...] à moins d’avoir un lien avec une activité portant atteinte à la sécurité du Canada [...]

Dans la définition des activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada, il n’y a aucune mention de la violence. De plus, aucune mention de menace à la souveraineté du Canada, par exemple, ne semble y figurer.

M. Brown : Je pense que la définition est interprétée au sens large de sorte qu’elle englobe vos préoccupations en ce qui concerne les actes violents, l’extrémisme violent et ce genre de comportement.

Elisabeth Eid, sous-ministre adjointe, Portefeuille de la Sécurité publique, de la Défense et de l’Immigration, Sécurité publique Canada : La définition de « portant atteinte à la sécurité du Canada » se veut large. Ensuite, les précisions qui sont apportées sont des exemples, mais la liste n’est pas exhaustive. Il s’agit de toute activité qui porte atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l’intégrité territoriale du Canada ou encore qui menace la vie ou la sécurité de personnes ou d’individus; il est entendu qu’elle comprend les actes de violence. Toute activité de défense d’une cause ou de protestation en rapport avec un acte de violence pourrait donc être visée aux termes de la loi.

Le sénateur Pratte : Je comprends cela. Je m’inquiète pour certaines personnes qui devraient être protégées par l’exception — les artistes, par exemple — et qui pourraient poser des gestes comme manifester en faveur des droits des Autochtones. Certains peuples autochtones pourraient penser qu’ils devraient se séparer du Canada, par exemple. Cela menacerait l’intégrité territoriale du Canada, mais leurs activités seraient non violentes.

Ce que je dis, c’est que l’exception qui devrait protéger les « activités de défense d’une cause, de protestation, de manifestation d’un désaccord ou d’expression artistique » à moins qu’elles ne soient faites de concert avec une activité « qui porterait atteinte à la sécurité » — je pense que cela est trop vaste. Cela ne protège pas vraiment les artistes ou les défenseurs d’une cause qui pourraient participer à des activités qui pourraient être perçues comme allant à l’encontre de l’intégrité du Canada, entre autres, mais dont les actions ne sont pas du tout violentes.

M. Brown : La dissidence politique, promouvoir la séparation d’une province, porterait atteinte à l’intégrité territoriale du Canada, mais serait clairement visée par l’exception. C’est la même chose concernant l’expression artistique, soit que cela s’applique lorsqu’il y a transition vers la violence. Cela revient à la discussion précédente sur le fait de conseiller la commission d’une infraction. Il y a peut-être d’autres façons. S’il s’agit vraiment d’une activité qui dépasse le cadre d’une activité « artistique » et qui fait la promotion de la violence, où l’élément artistique n’est vraiment qu’une excuse pour promouvoir la violence, c’est la situation dont on parle. Il faut prévoir une interprétation aussi vaste que possible pour protéger la défense légitime d’une cause, une défense qui pourrait nous rendre mal à l’aise, mais qui ne verse pas dans la promotion de la violence.

Le sénateur Pratte : Je ne veux pas trop insister sur ce point, mais j’aimerais que vous puissiez fournir au comité, par l’entremise du greffier, une explication plus détaillée de cela. Franchement, pour l’exception, le libellé ne dit pas « à moins d’avoir un lien avec des activités violentes ». Le libellé indique « à moins d’avoir un lien avec une activité portant atteinte à la sécurité du Canada. » D’après ce que j’en comprends, cela inclurait les activités légitimes — radicales — mais légitimes et non violentes.

M. Brown : Nous pouvons facilement vous fournir l’explication que vous cherchez, parce que je ne crois pas que le problème que vous pensez voir existe vraiment, mais nous allons faire cela pour vous.

Le sénateur Pratte : Si j’étais le seul à avoir soulevé cette préoccupation, je ne serais pas inquiet, mais je crois que l’Association du Barreau canadien, par exemple, a fait de même.

Merci beaucoup.

Le sénateur Gold : Cette question s’adresse surtout à M. Vigneault et à Mme Bruce, mais j’invite n’importe qui d’autre à répondre également. Y a-t-il quelque chose qui vous préoccupe si le projet de loi C-59 n’est pas adopté rapidement? Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure le cadre juridique actuel limite la capacité de vos organismes à protéger les Canadiens?

Shelly Bruce, chef, Centre de la sécurité des télécommunications : Merci de votre question. Le projet de loi devant nous donne au CST de nouveaux pouvoirs pour exercer son mandat en matière de renseignement étranger, et il permet une nouvelle relation avec les propriétaires ou exploitants d’infrastructures essentielles afin qu’il puisse les aider à protéger leurs systèmes et les systèmes importants pour le gouvernement du Canada.

Nous serions donc limités à ce que nous faisons aujourd’hui. Tout ce qui se trouve dans le projet de loi constitue pour nous un précieux ajout. Nous avons une assise solide, et nous allons continuer de fonctionner dans le cadre de ces paramètres, mais nous ne pourrions pas collaborer avec ces exploitants et utiliser le savoir, les outils, les méthodes et les techniques de cyberdéfense que nous avons conçus pour défendre les systèmes gouvernementaux — nous ne pourrions pas les appliquer à des systèmes n’apparentant pas au gouvernement fédéral.

Le sénateur Gold : Pourriez-vous donner un exemple ou deux du genre de système qui devrait être mieux protégé, ou des systèmes qui seraient mieux protégés avec votre aide grâce au projet de loi C-59, mais que vous ne pouvez pas protéger maintenant?

Mme Bruce : Le projet de loi C-59 permet au ministre de désigner des systèmes importants pour le gouvernement du Canada. Il pourrait s’agir de systèmes des secteurs de l’énergie, financiers, des transports, et cetera, s’ils sont désignés en vertu du pouvoir du ministre, et si les propriétaires et exploitants de ces systèmes demandent au CST de les aider à défendre leurs réseaux et systèmes, nous pourrions le faire avec ces pouvoirs.

Les pouvoirs nous permettraient également d’appuyer les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale. Nous pourrions utiliser nos technologies pour leur offrir de l’aide opérationnelle et technique dans la réalisation de leurs mandats. Actuellement, la Loi sur la Défense nationale ne permet pas au CST de le faire.

Il y a deux autres pouvoirs dans ce projet de loi qui permettraient au CST d’utiliser ses capacités pour mener des cyberopérations actives et défensives, pour appuyer les objectifs du gouvernement ou pour défendre l’infrastructure au Canada en se concentrant sur des cibles étrangères à l’extérieur du Canada et, d’une certaine façon, contrer des activités ou les perturber avant qu’elles se manifestent dans l’infrastructure essentielle canadienne ou mondiale de l’information.

Le sénateur Gold : Merci.

Monsieur Vigneault?

M. Vigneault : Merci, sénateur Gold, de poser la question. En réponse à la question du sénateur Oh sur l’environnement de la menace, j’ai dit plus tôt que cet environnement devient en effet de plus en plus complexe et difficile pour les services de renseignement non seulement au Canada, mais partout dans le monde. Je crois que trois pouvoirs précis qui sont précisés ou donnés au SCRS sont la capacité de recueillir, de conserver et d’utiliser des ensembles de données; la clarification de notre mandat de réduction de la menace; et la création d’une justification limitée pour des activités qui seraient autrement légales et qui sont essentielles pour nous acquitter de notre mission.

Vous demandez ce qui se passera si le projet de loi C-59 n’est pas adopté? Tous ces pouvoirs ont une incidence. En tant qu’organisme, nous avons besoin au quotidien des bons outils et pouvoirs pour faire notre travail face aux menaces actuelles. C’est pour nous essentiel afin d’accomplir notre mandat. Nous attendons patiemment de voir si le Parlement décidera de nous donner ces pouvoirs. Ils sont indispensables.

M. Brown : Très brièvement, j’aimerais ajouter trois choses qui, je crois, sont cruciales. Je pense qu’il y a un vaste appui au sujet de la « liste d’interdiction de vol pour les enfants », la liste de protection des passagers et des changements apportés. Si le projet de loi C-59 n’est pas adopté, ces éléments continueront de poser un problème important à de nombreux Canadiens.

Le renforcement et la clarification de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité, et les changements qui y sont apportés, ajoutent d’importantes protections. Nous avons collaboré étroitement avec le commissaire à la protection de la vie privée sur les questions de nécessité, et le projet de loi comble d’importantes lacunes.

Enfin, il y a la question de la surveillance — la capacité de suivre la piste, comme l’a dit le ministre. C’est une approche largement recommandée; elle remonte à il y a de nombreuses années, même à l’enquête sur Air India et d’autres. Bien que cela nous rendra tous dans ce secteur mal à l’aise, comme cela le devrait, puisqu’il s’agit d’une meilleure supervision, c’est absolument essentiel.

C’est une occasion qui serait ratée.

Mme Bruce : Je voudrais mentionner un dernier point au sujet du commissaire au renseignement, et au fait d’avoir un rôle quasi judiciaire dans la loi et dans les activités et les services du CST. À tout le moins dans le contexte du CST, cela répond à certaines critiques qui ont été formulées par les commissaires successifs et donne au CST une meilleure assise juridique à l’avenir.

Le sénateur McIntyre : Merci d’être ici pour répondre à nos questions. Ma première question concerne les audiences d’investigation. Le projet de loi élève le seuil pour utiliser les engagements assortis de conditions, mais il élimine complètement les dispositions sur les audiences d’investigation. Je comprends que ces dispositions du code sont rarement utilisées. En ce qui a trait aux audiences d’investigation, la Cour suprême du Canada a en maintenu la constitutionnalité en application de l’article 83.28 du code. Malgré cela, le projet de loi C-59 abroge les articles 83.28 et 83.29, donc ma question est la suivante : ne vous inquiétez-vous pas que cela placerait nos corps policiers dans une position plus difficile lorsqu’ils seront confrontés à une menace terroriste grave à l’avenir? N’importe qui peut répondre.

M. Breithaupt : Merci de poser la question, monsieur le sénateur. Oui, le projet de loi C-59 propose d’abroger officiellement les audiences d’investigation. Il faut souligner que les dispositions sur les audiences d’investigation ont pris fin le 25 octobre 2018, donc elles n’existent pas actuellement. Elles n’ont jamais été utilisées. Et le projet de loi prévoit leur abrogation.

Le ministre de la Justice a récemment indiqué que le gouvernement avait conclu que le pouvoir de tenir des audiences d’investigation n’était plus nécessaire étant donné que les forces de l’ordre pouvaient utiliser une gamme d’outils pour faire enquête sur les infractions terroristes passées ou à venir. Il y a une vaste gamme d’outils disponible, comme la possibilité d’une durée prolongée pour les autorisations d’écoute électronique.

D’un autre côté, au sujet de l’engagement assorti de conditions, je ne sais pas si vous voulez entendre une réponse à ce sujet?

Le sénateur McIntyre : Eh bien, le gouvernement élève le niveau alors que le gouvernement précédent l’avait abaissé.

M. Breithaupt : Le projet de loi prévoit de remettre en vigueur l’engagement, tel que modifié, si le projet de loi reçoit la sanction royale. Ces dispositions avaient également pris fin le 25 octobre 2018.

Le sénateur McIntyre : Parlant du niveau de la preuve, ma prochaine question concerne les arrestations préventives. Comme nous le savons, et pour être plus précis, l’article ou le paragraphe sur les arrestations préventives n’existait pas avant qu’un ancien gouvernement dépose et adopte le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste, le 15 octobre 2001, à la suite des horribles attaques terroristes à New York.

Cela dit, le projet de loi C-59 élève le niveau de la preuve en exigeant que l’arrestation soit « nécessaire pour empêcher que l’acte terroriste ne soit entrepris ».

Donc, le libellé proposé « nécessaire pour empêcher » et le libellé actuel « aura vraisemblablement pour effet d’empêcher » sont très différents par rapport au niveau de preuve requis, et les corps policiers auront moins de temps pour agir. En vertu du changement proposé, il y aura, c’est le moins qu’on puisse dire, moins d’outils législatifs qui leur permettront d’agir avant que le pire ne se produise.

Comme vous le savez, en Australie et au Royaume-Uni, les dispositions sur les arrestations préventives prévoient une durée pouvant aller jusqu’à 14 jours. Au Canada, une période semblable de détention est limitée à sept jours. Est-ce que cela vous porte à vous demander pourquoi le gouvernement affaiblit encore plus les outils déjà limités que le Canada a?

M. Breithaupt : Je ne peux pas vous répondre à la question du pourquoi, mais je peux vous dire, comme je l’ai déjà dit, que ces dispositions ont été supprimées. Celles-ci seraient rétablies dans le projet de loi C-59 s’il était approuvé et recevait la sanction royale. L’engagement assorti de conditions vise à prévenir la perpétration d’une activité terroriste, et il est suffisamment souple pour qu’on l’utilise dans le cas d’une personne qui pourrait être liée d’une façon ou d’une autre à la perpétration d’une activité terroriste sans pour autant être au cœur de celle-ci.

L’engagement assorti de conditions comporte deux seuils. Un agent de la paix peut présenter des renseignements à un juge d’une cour provinciale s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une activité terroriste pourrait avoir lieu et s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, que l’imposition d’un engagement assorti de conditions à une personne ou son arrestation pourrait empêcher la perpétration de l’activité terroriste. Le projet de loi propose de remplacer les mots « aura vraisemblablement pour effet » par le mot « nécessaire », comme nous l’avons dit précédemment.

La modification proposée aurait pour effet d’exiger que la police prouve qu’il y a un lien plus étroit entre l’engagement assorti de conditions ou l’arrestation et la prévention de l’activité terroriste.

Le sénateur McIntyre : Là où je veux en venir, c’est que les termes sont très importants, comme nous le savons, et il faut comparer le libellé proposé à celui existant. Le libellé existant est très clair, « aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ». Le libellé proposé est « nécessaire pour empêcher ». J’aurais aimé poser cette question au ministre, mais malheureusement nous n’avons pas eu assez de temps. C’est une décision politique que le gouvernement doit prendre, mais je ne comprends pas pourquoi ils utilisent l’expression « nécessaire pour empêcher » plutôt qu’ « aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ».

La loi actuelle indique « aura vraisemblablement pour effet d’empêcher », et je pense que cela ne devrait pas changer, mais on va en rester là.

M. Breithaupt : Le ministre de la Justice a récemment pris connaissance des consultations de 2016 sur le livre vert et du document d’information, et les consultations ont aidé à informer le gouvernement sur la façon dont l’engagement assorti de conditions devrait être modifié. L’engagement assorti de conditions est peu susceptible d’être utilisé, mais il demeure un outil important pour les forces de l’ordre qui peuvent l’utiliser dans les cas appropriés afin de prévenir une activité terroriste.

Le sénateur Gold : J’ai une question ou une observation complémentaire. Je sais que des enjeux importants en matière de liberté individuelle sont en jeu lorsqu’une personne est arrêtée ou détenue, peu importe la situation. Pouvez-vous nous dire quels seraient les effets du changement de formulation, à savoir passer du mot « aura vraisemblablement pour effet » au mot « nécessaire », sur la Constitution ou la Charte?

M. Breithaupt : Merci de votre question. J’inviterais les sénateurs à lire l’énoncé concernant la Charte qui a été présenté lors du dépôt du projet de loi.

La sénatrice Griffin : Ma question porte sur la partie 5 du projet de loi et concerne les modifications proposées à la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada. Vous proposez de modifier cet article pour préciser que lorsqu’une institution fédérale transmet des renseignements à une institution destinataire, la première institution doit être convaincue que « l’incidence de la communication sur le droit à la vie privée d’une personne sera limitée à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. »

Toutefois, aux termes de la Loi sur le SCRS, celui-ci peut recueillir des renseignements « dans la mesure strictement nécessaire ». Quelle est la différence entre ce qui est « raisonnablement nécessaire » et ce qui est « strictement nécessaire »? Pourquoi existerait-il des différences de libellé?

M. Brown : Je vais répondre à la question en premier et peut-être que mon collègue voudra parler des dispositions dans la Loi sur le SCRS.

Il faut dire une chose clairement de prime abord au sujet de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, soit que le seuil est différent parce qu’il ne s’agit pas de recueillir des renseignements. On parle plutôt de la communication d’information qui a déjà franchi un seuil ou un contrôle au moment où elle a été recueillie. Je vais laisser mon collègue parler des seuils, si vous le voulez bien, en ce qui concerne le SCRS.

Nous avons travaillé sur le renforcement du régime, afin de préciser les obligations des ministères qui désirent communiquer de l’information. Cette information aura été recueillie selon les propres règles strictes du ministère en question et pourra par la suite être transmise à un autre ministère. Il faut s’assurer que l’information est exacte. Il existe toute une série de critères. De plus, le ministère destinataire doit clairement indiquer avoir besoin de l’information en question. Un ministère ne peut tout simplement transmettre de l’information et ne plus s’en soucier. Si vous ne pensez pas qu’il est absolument nécessaire de faire quelque chose avec l’information, alors vous vous devez de la détruire.

Ce point soulève beaucoup de confusion. Il est facile de comprendre pourquoi il y a confusion. Voilà pourquoi le gouvernement propose de parler plutôt de communication. Il ne s’agit pas de recueillir des renseignements, mais plutôt de communiquer des renseignements qui ont déjà été recueillis. Je vous dis cela pour tenter de vous expliquer pourquoi il y a une différence de seuil. David, voulez-vous parler des seuils concernant votre propre processus de collecte de données?

M. Vigneault : Le SCRS a un seuil de collecte de renseignements qui prévoit que les renseignements recueillis ne sont que ceux qui sont strictement nécessaires à l’exécution de sa loi. La Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada n’autorisera pas le SCRS à recueillir de nouveaux renseignements. Elle ne bonifie pas ses pouvoirs en la matière. La loi n’obligera pas non plus les organismes à lui communiquer des renseignements. Nous parlons ici d’un pouvoir discrétionnaire, mais la loi fournira un meilleur cadre aux organismes qui pourraient vouloir nous transmettre des renseignements.

La sénatrice Griffin : Merci.

Le sénateur Gold : La sénatrice Stewart Olsen a posé une question au sujet de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et de la structure d’examen qu’on veut mettre en place. Monsieur Vigneault et madame Bruce, pourriez-vous nous dire brièvement quelles seraient les répercussions de ces changements sur votre travail? Comme le ministre l’a dit, vous êtes tous deux habitués à faire l’objet d’examen. Croyez-vous que cela représente un fardeau déraisonnable, ou plutôt un outil qui pourrait améliorer votre travail, ou encore quelque chose entre les deux qui tente de couvrir tous les angles?

Mme Bruce : Merci beaucoup de votre question, monsieur le sénateur. Le CST fait l’objet d’examens depuis 1996. Le Bureau du commissaire du CST et son équipe a toujours eu libre accès à nos renseignements. Je crois qu’à titre d’organisation, nous nous sommes rendu compte que cela ne fait que nous rendre encore meilleurs. Nous avons adopté la grande majorité des recommandations qui nous ont été émises et je crois que, somme toute, nous nous en réjouissons.

Notre organisation s’efforce beaucoup d’être ouverte et transparente. Nous avons désormais le nouveau centre canadien de la cybersécurité, un établissement public au sein de notre organisation. Cela représente un jalon important pour nous. En même temps, une grande partie de nos activités doivent demeurer secrètes. Dans ces cas-là, la fonction d’examen agit un peu comme mandataire pour les Canadiens, afin qu’ils aient confiance en nous. Quand on découvre quelque chose d’inquiétant, on peut en faire part aux Canadiens. Je crois que cela a fait de nous une meilleure organisation et a également amélioré la perception qu’ont les Canadiens de nos activités et en a accru la légitimité.

Nous avons déployé des efforts non négligeables, mais, dans l’ensemble, je crois que les retombées ont été positives et que la légitimité acquise pour nos activités a été bénéfique.

Le sénateur Gold : C’est donc positif?

Mme Bruce : C’est ce que je crois, oui.

M. Brown : C’est parfois désagréable.

Mme Bruce : Vous avez raison, mais c’est somme toute positif.

M. Vigneault : Je suis d’accord avec mon collègue. Divers directeurs du SCRS ont dit publiquement et m’ont dit en privé que cet examen avait fait du SCRS une meilleure organisation. Il est utile d’avoir quelqu’un qui ne s’occupe pas de l’activité quotidienne, mais qui peut adopter une approche après les faits pour déterminer si ce qui se passe est utile. Depuis que je suis directeur, je peux attester que je n’ai pas changé d’avis pour ce qui est de son utilité.

Il y a aussi le fait que les organismes étrangers avec lesquels nous travaillons en étroite collaboration — et parfois contre — viennent souvent de pays qui ne sont pas démocratiques et qui ne respectent pas la primauté du droit. Au Canada, nous avons la chance d’avoir ces protections de sorte que les libertés et les droits fondamentaux sont protégés. En tant que Canadien, je m’en réjouis.

En tant que directeur du SCRS, je dirais que pour fonctionner, je dois avoir la confiance des Canadiens, des institutions, de l’organisme de surveillance et de la Cour fédérale. Il est très important pour moi que grâce à ces outils de reddition de comptes, nous ayons la légitimité sociale nécessaire pour fonctionner en utilisant des outils intrusifs qui sont nécessaires pour protéger les Canadiens. Ce n’est pas un fardeau. Nous allouons les bonnes ressources et dans ce cas, nous sommes prêts à le faire si le projet de loi C-59 reçoit la sanction royale.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins. Ma question, pour revenir aux terroristes, est la suivante : quel est le motif ou la raison pour lequel nous voulons rapatrier les terroristes qui ont quitté le Canada et à qui on a interdit de revenir? Voulons-nous les ramener et les rééduquer? Nous ne savons pas à quel point leur psyché a été perturbée et endommagée et s’il est possible de les rééduquer.

C’est un fardeau pour les contribuables, et nous ne sommes pas tenus de le faire. Nous avons expulsé des immigrants qui viennent ici et qui ne sont pas munis des documents appropriés, et nous vérifions leurs antécédents. Pouvez-vous expliquer les raisons pour lesquelles on souhaite rapatrier ces personnes et créer des problèmes de sécurité?

M. Brown : Je pense que la réponse est assez simple. Je ne crois pas qu’il y ait un désir de rapatrier les personnes que vous avez décrites. Le ministre a été très clair sur ce point, et il y a des obligations légales très précises en ce qui concerne le droit de réadmission. Le ministre Goodale a été très clair publiquement sur le fait qu’il n’a pas pris de mesures proactives, alors je pense pouvoir vous assurer que la prémisse de vouloir rapatrier les personnes que vous avez décrites est incorrecte.

Le sénateur Oh : Mais quelle garantie de sécurité avez-vous quant à ces personnes et pour vous assurer que le public est en sécurité?

M. Brown : Je vais laisser mon collègue, qui s’occupe quotidiennement de cette question, répondre. Toutefois, je pense paraphraser ce qu’a dit le ministre Goodale, à savoir tous les organismes de sécurité nationale travaillent chaque jour pour s’assurer que toutes les mesures de protection puissent être mises en place et qu’elles le sont. Je pense qu’il dirait aussi que rien n’est garanti dans la vie, mais que toutes les sauvegardes et les mesures pouvant être prises le sont.

J’ai mentionné plus tôt que notre principal objectif consiste à poursuivre toute personne pour qui nous pouvons recueillir des preuves, et dans le cas peu probable ou rare où ces personnes entrent au Canada, nous gérerons la situation de manière à tout faire pour protéger les Canadiens, en commençant par les poursuites, la surveillance et la collecte de preuves entre autres. David, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Vigneault : Sénateur, j’ajouterai que si, effectivement, quelqu’un qui s’adonne à une forme quelconque d’activités terroristes ou de soutien au terrorisme revient au Canada, le SCRS et nos partenaires seront fortement mobilisés. Nous sommes manifestement préoccupés par la menace potentielle que représentent ces personnes. Nous analyserons soigneusement l’information dont nous disposons et la menace potentielle représentée par cette personne.

Nous travaillons de façon organisée. La collectivité a mis sur pied ce qu’on appelle le Centre d’opérations conjointes en matière de sécurité nationale, le COCSN. Il s’agit essentiellement de représentants du SCRS, du CST, de la GRC, du ministère de l’Immigration, de Passeport Canada et probablement de certains autres partenaires. Il est essentiel d’examiner les outils dont nous disposons pour nous assurer de gérer correctement la menace.

Dans le cas du SCRS, cela pourrait être de la surveillance. Toutefois, je ne voudrais pas donner l’impression que nous avons la capacité d’exercer une surveillance 24 heures par jour, 7 jours par semaine pour un certain nombre de cibles. Cela signifie également que nous disposons d’autres outils, y compris des mesures de réduction de la menace, qui nous permettent de l’atténuer.

Il n’y a pas que le SCRS ou la GRC, mais tous les autres partenaires à l’échelle fédérale, et les organismes provinciaux ou territoriaux d’application de la loi, qui participent à ces activités lorsqu’une personne revient effectivement au Canada.

Le sénateur Oh : Cela sera très coûteux d’avoir cinq organismes qui les surveillent. Combien de temps prévoyez-vous que cette surveillance se poursuive?

M. Vigneault : Chaque cas est différent, sénateur. Nous évaluons la menace que représente l’individu. Certains d’entre eux reviennent et ne se réengagent pas dans le terrorisme. Ils ne se réengagent pas dans des associations ou en communiquant leurs opinions sur le terrorisme, entre autres. Quant à ceux qui le font, je peux vous assurer que nous sommes au courant. Tel est notre mandat. C’est là que le SCRS, la GRC et les autres partenaires doivent affecter leurs ressources.

Le sénateur McIntyre : Ma prochaine question est d’ordre technique. Elle porte sur la liste des entités terroristes. Dans le système actuel, et compte tenu de l’article 83.01 du code, le terme « entité » est défini comme « une personne, un groupe, une fiducie, une société de personnes ou un fonds, ou une organisation ou une association non dotée de la personnalité morale ». Comme nous le savons, le code établit la procédure à suivre pour placer une entité sur la liste ou la rayer.

J’attire votre attention aux articles 141 et 142 du projet de loi, qui apportent des modifications à la procédure d’inclusion et de retrait des entités inscrites qui participent à des activités terroristes.

D’après ce que je comprends, le paragraphe 141(2) du projet de loi C-59 ajoute le nouveau paragraphe 83.05(1.2) au code. Le ministre de la Sécurité publique est autorisé à changer le nom de l’entité figurant sur la liste, à ajouter tout autre nom à la liste ou à supprimer le nom de l’entité figurant sur la liste.

D’après ce que j’ai compris, cette nouvelle disposition réduit le fardeau de la preuve lorsque le nom d’une entité liée à une entité déjà sur la liste est ajouté. Y a-t-il une raison d’alléger le fardeau de la preuve? Monsieur Breithaupt?

M. Breithaupt : Je vous remercie, sénateur. Je ne suis pas certain de ce que vous voulez dire par « fardeau de la preuve ». Le même processus s’appliquerait, mais le ministre de la Sécurité publique aurait le pouvoir personnellement de modifier le nom principal d’une entité déjà inscrite ou d’ajouter ou de supprimer un pseudonyme qui y figure déjà.

Le sénateur McIntyre : Mais seulement s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une entité inscrite utilise un nom qui ne figure pas sur la liste.

M. Breithaupt : Est-ce le certificat d’erreur d’identité auquel vous faites référence? Toutes mes excuses. La modification proposée ici est que le libellé actuel du paragraphe 83.05(7) permettrait à une entité de présenter une demande de certificat lorsque son nom n’est pas le même ou semblable à celui d’une entité déjà inscrite.

La proposition ici vise à rendre les choses plus claires. Si on lit la disposition, on constate qu’il faut que l’entité dont le nom est identique ou similaire à un nom figurant sur la liste puisse présenter une demande. Il porte donc davantage sur les raisons pour lesquelles elle demanderait un certificat d’erreur d’identité, parce qu’il y a erreur d’identité, mais la disposition actuelle est libellée de façon plus générale. Cela mettrait en quelque sorte l’accent sur la question d’erreur d’identité et inviterait le ministre à délivrer un certificat à cet effet.

Si vous me le permettez, brièvement : lorsque j’ai répondu précédemment à la question sur l’engagement assorti de conditions, j’ai cité le paragraphe 83.3(2). Vous avez parlé d’arrestation préventive, alors je dois aussi mentionner qu’il y a une modification proposée pour remplacer les mots « aura vraisemblablement pour effet » par « nécessaire », également au paragraphe 83.3(4) du Code criminel, qui porte davantage sur des questions d’arrestations préventives. Je voulais clarifier cela, parce que j’avais lu le libellé pour les critères au paragraphe 83.3(2), mais il existe un changement semblable au paragraphe 83.3(4).

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie de cette précision. Une dernière question, si vous me le permettez : pour en revenir à la liste des entités, si j’ai bien compris, l’examen périodique de cette liste a lieu tous les deux ans. Dans le projet de loi, l’examen périodique des entités aurait lieu tous les cinq ans. Je me demande pourquoi vous apportez ce changement.

M. Brown : Le fait est qu’il s’agit d’un processus très complet et complexe, et qu’il n’y a souvent pas beaucoup de changements sur une période de deux ans. L’idée était d’utiliser plus efficacement les ressources et de le faire sur une plus longue période. Il y a toujours une disposition, advenant un événement ou des renseignements, qui permet d’agir plus rapidement, mais que l’examen permanent prévu par la loi serait effectué sur une période de cinq ans. Il s’agit donc d’un effort pour utiliser les ressources de façon plus efficace et il s’agit d’examiner la liste existante et de confirmer que ces organisations devraient y demeurer. L’ajout peut se produire en tout temps, et s’il y avait des exigences en raison d’un événement particulier, il pourrait y avoir une disposition pour retirer quelqu’un ou une organisation plus rapidement, en fonction d’événements externes.

Le sénateur McIntyre : Et tout cela serait suivi par une publication dans la Gazette royale?

M. Brown : Tout serait transparent.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie.

La présidente : Au nom du comité, je tiens à remercier les hauts fonctionnaires qui se sont joints à nous au cours des deux dernières heures. Cela nous aide grandement à nous préparer à l’étude de ce projet de loi. Monsieur Brown, plus particulièrement, je sais que les sénateurs se joignent à moi pour vous souhaiter une très heureuse retraite.

(La séance est levée.)

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