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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule no 45 - Témoignages du 3 juin 2019


OTTAWA, le lundi 3 juin 2019

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui, à 13 heures, pour étudier la teneur des sections 10 et 21 de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures.

La sénatrice Gwen Boniface (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. J’invite tout d’abord les sénateurs à se présenter.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je suis le sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec. Bonjour.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La présidente : Gwen Boniface, de l’Ontario. Aujourd’hui, nous étudions la teneur des sections 10 et 21 de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Nous commençons aujourd’hui par recueillir les témoignages de fonctionnaires. De Sécurité publique Canada, nous accueillons Randall Koops, directeur général, Services de réglementation des armes à feu, Programme canadien des armes à feu. Bon retour parmi nous. Du ministère de la Justice, nous avons Jacques Talbot, conseiller juridique. Enfin, de la Gendarmerie royale du Canada, nous recevons Philip McLinton, directeur principal par intérim, Politique stratégique et des affaires gouvernementales.

Monsieur Koops, à vous la parole.

Randall Koops, directeur général, Services de réglementation des armes à feu, Programme canadien des armes à feu, Sécurité publique Canada : Honorables sénateurs, nous sommes heureux de comparaître pour aider le comité dans son étude de la section 10 de la partie 4 du projet de loi C-97. Le projet de loi propose de modifier la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada afin de créer un nouveau Conseil consultatif de gestion chargé de conseiller le commissaire de la GRC au sujet de l’administration et de la gestion de la gendarmerie.

Le projet de loi définit le mandat et la composition du conseil, les modalités de son administration et d’autres exigences. La création de ce conseil est l’une des mesures que le gouvernement prend pour apporter des changements fondamentaux de façon à aider la GRC à obtenir de meilleurs résultats à long terme. En janvier 2019, le gouvernement a accepté les recommandations contenues dans deux rapports sur le harcèlement dans la GRC, l’un produit par la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, la CCETP, et l’autre par l’ancienne vérificatrice générale du Canada, Mme Sheila Fraser. Ces examens ont conclu, comme d’autres l’avaient fait auparavant, qu’un changement dans les modalités de gouvernance s’impose si on veut éliminer le harcèlement dans les rangs de la GRC.

Le Conseil consultatif de gestion aidera à orienter les changements fondamentaux nécessaires dans le corps policier et à atteindre les résultats établis par le programme de transformation de la commissaire.

[Français]

Le Conseil consultatif de gestion proposé appuierait la commissaire de la GRC dans la réalisation de son engagement et de son mandat, qui sont de diriger la Gendarmerie royale du Canada pendant sa transformation, de la moderniser et de réformer sa culture, d’assurer une saine gestion globale de la GRC, de protéger la santé et la sécurité des employés de la GRC et de s’assurer que la GRC fournisse des services de police de haute qualité, fondés sur les bonnes priorités, tout en assurant la sécurité des Canadiens et en protégeant leurs libertés civiles.

[Traduction]

Ce conseil doit non seulement aider la commissaire Lucki à constituer un effectif sain et durable, mais aussi lui fournir un soutien systémique, de sorte que la GRC soit bien positionnée pour obtenir les résultats que le Parlement a définis dans le projet de loi C-65 pour lutter contre le harcèlement.

Le Conseil consultatif de gestion aura pour mandat de conseiller le commissaire de la GRC sur l’administration et la gestion de la GRC, ce qui englobe ses ressources humaines, ses contrôles de gestion, sa planification organisationnelle et ses budgets.

Le conseil consultatif serait composé d’au plus 13 membres, dont un président et un vice-président, nommés par le gouverneur en conseil à temps partiel pour une période d’au plus quatre ans. Le gouvernement a précisé que, pour choisir les membres, il tiendrait compte de divers facteurs : la diversité régionale et de genre, la réconciliation avec les peuples autochtones et les aptitudes, l’expérience et les compétences en gestion au niveau de la haute direction, notamment en ressources humaines, en relations de travail, en technologie de l’information, en gestion du changement et en innovation.

Le projet de loi permettrait au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de consulter au sujet de ces nominations les gouvernements provinciaux et territoriaux qui font appel aux services de la GRC, et il établit les motifs d’inadmissibilité, surtout pour éviter les conflits d’intérêts réels, possibles ou apparents pour les membres.

La Chambre étudie deux amendements, qui en sont actuellement à l’étape du rapport. Premièrement, que le conseil soit tenu de prendre en compte les répercussions de ses conseils sur les femmes, les hommes et les personnes de diverses identités de genre; deuxièmement, que le ministre tienne compte de la diversité et du mérite lorsqu’il recommande des nominations.

[Français]

En ce qui a trait à ses opérations, le Conseil consultatif de gestion établirait ses propres priorités, plans de travail et procédures. Les membres du conseil pourront se réunir en personne au moins une fois par trimestre au cours de l’année financière. Le sous-ministre de la Sécurité publique et la commissaire de la GRC pourront assister à toutes les réunions du conseil à titre d’observateurs. Afin que le conseil soit en mesure de prodiguer des conseils sur tous les éléments qui touchent son mandat, la GRC fournira au conseil les informations que ce dernier estime nécessaires. Le conseil pourra communiquer au ministre les conseils prodigués à la commissaire.

[Traduction]

Fait important, la création du Conseil consultatif de gestion aux termes du projet de loi ne modifierait pas les rôles, responsabilités ou comptes à rendre du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, qui sera toujours responsable de la GRC devant le Parlement et conservera le pouvoir de donner des directives au commissaire et d’établir des priorités stratégiques pour la GRC, ni ceux du commissaire de la GRC, qui conservera le contrôle et la gestion de la GRC.

Le Conseil consultatif de gestion n’est pas un organe d’examen et il n’assurera pas la surveillance de la GRC. Il ne remplacera ni ne limitera les pouvoirs de surveillance du ministre ni ne modifiera les mandats, rôles, responsabilités ou les obligations redditionnelles des organes d’examen existants, c’est-à-dire du Comité externe d’examen ou de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes. Il ne modifiera pas non plus les pouvoirs des organes de surveillance de la sécurité nationale, dont le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, établi par le Parlement en 2017, et l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, l’OSSNR, proposé dans le projet de loi C-59, que votre comité a étudié récemment.

La création du Conseil consultatif de gestion n’influe en rien non plus sur la relation de la GRC avec son employeur, le Conseil du Trésor. Le projet de loi C-7, sanctionné en 2017, prévoyait la syndicalisation des membres et des réservistes de la GRC, processus qui est maintenant en cours. Dans le projet de loi C-7, le Parlement a réaffirmé que le Conseil du Trésor était l’employeur de la GRC et rien, dans les modifications proposées ici, ne remet en question la décision du Parlement ni ne perturbe ces relations.

Le projet de loi respecte pleinement un principe fondamental des services de police au Canada : l’indépendance de la police est à la base de la primauté du droit. Le conseil n’empiétera aucunement sur l’indépendance des opérations policières de la GRC. Il ne sera pas autorisé à demander des renseignements qui pourraient nuire à une enquête ou à une poursuite ou les compromettre. Il n’aura pas accès non plus aux renseignements personnels ni aux documents confidentiels du Cabinet.

Si le projet de loi reçoit la sanction royale, les modifications entreront en vigueur à la date fixée par le gouverneur en conseil.

Si le gouvernement, entre-temps,, crée un conseil provisoire en ayant recours aux pouvoirs prévus dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, une disposition transitoire du projet de loi C-97 permettra de maintenir le mandat de ces membres en vertu des nouvelles dispositions permanentes de la Loi sur la GRC.

Je conclus. La commissaire de la GRC a déclaré que la création du Conseil consultatif de gestion est une étape essentielle qui aidera à moderniser la GRC et à en soutenir la diversité, la santé et l’efficacité. Le projet de loi C-97 rendrait ce rôle permanent afin d’appuyer la commissaire actuelle dans son engagement à diriger la GRC pendant une période de transformation et d’aider les futurs commissaires à maintenir une force à laquelle les Canadiens font confiance pour son excellence policière.

Nous serons heureux de répondre aux questions du comité.

La présidente : Merci beaucoup. Passons maintenant aux questions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Ma première question s’adresse à M. McLinton. J’aimerais savoir quel sera le budget du Conseil consultatif de gestion composé de 13 membres qui sera mis en place pour conseiller la commissaire de la GRC. Quelle sera la fréquence de ses réunions? La nature des travaux de ce groupe sera-t-elle confidentielle?

Philip McLinton, directeur principal par intérim, Politique stratégique et des affaires gouvernementales, Gendarmerie royale du Canada : Merci de votre question. Je vais répondre en anglais pour être clair et précis.

[Traduction]

Le coût estimatif est de 1,6 million de dollars de façon constante, soit environ 7 millions de dollars sur cinq ans et 1,6 million de dollars par année.

Quant à la fréquence des réunions, le projet de loi dispose que le conseil tiendra au moins quatre réunions en personne par année, soit une par trimestre d’exercice. Quant à votre troisième question, qui concerne les réunions elles-mêmes et l’échange de renseignements, si je vous ai bien compris, les réunions et les renseignements seront confidentiels dans la mesure où les réunions auront lieu à l’intérieur de l’appareil gouvernemental, mais une disposition de la loi permettrait que les conseils ou les renseignements soient fournis au commissaire et au ministre également.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je comprends très bien qu’il y a des dispositions dans la loi qui protègent la confidentialité de la teneur de ces réunions. Cependant, ne trouvez-vous pas que, avec les événements que nous avons vécus par le passé, cela exige un peu plus de transparence? Les contribuables vont quand même payer la somme de 7 millions de dollars sur cinq ans. Ne pensez-vous pas qu’ils pourraient au moins connaître la teneur des réunions de ce conseil?

[Traduction]

M. McLinton : Eh bien, je peux dire que la commissaire a exprimé très publiquement son appui à la création du conseil. Elle considère qu’il s’agit d’une étape cruciale pour l’aider à appliquer son programme de modernisation, appelé Vision 150. Donc, pour les cinq prochaines années, soit jusqu’en 2023, la commissaire a élaboré un plan qu’elle veut mettre en œuvre. La communication avec les employés en est un élément majeur. Elle a déployé de très nombreux efforts pour mobiliser tous les détachements au Canada, tout notre personnel et toutes les collectivités que nous servons.

Je m’attends à ce que les conseils fournis à la commissaire et les décisions prises relativement à ces plans soient communiqués régulièrement au public.

[Français]

Le sénateur Dagenais : La somme de 7 millions de dollars sera-t-elle tirée d’un budget supplémentaire pour la GRC ou à même les fonds dont dispose la GRC?

[Traduction]

M. McLinton : Cet argent proviendra de nos niveaux de référence actuels.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie.

Ma seconde question s’adresse à M. Koops. Monsieur Koops, le fait que le comité consultatif communique ses vues au ministre n’est-il pas de nature à créer de l’ingérence politique pour faire pression sur les opérations de la GRC?

[Traduction]

M. Koops : Aucune disposition du projet de loi ne permettrait au Conseil consultatif de gestion d’intervenir dans la direction des activités de la GRC, assurée par le commissaire. Il serait expressément interdit au conseil d’avoir accès aux renseignements liés aux enquêtes ou aux poursuites.

Au quotidien, le conseil communiquera surtout avec le commissaire, aux termes du projet de loi. Le conseil déciderait, dans le contexte plus large de sa propre capacité d’établir ses procédures à lui, quand il veut porter une question à l’attention du ministre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je comprends très bien qu’il ne s’agit pas de faire de l’ingérence dans les enquêtes de la GRC, mais le fait de créer un comité consultatif pourrait-il permettre au ministre non pas de s’ingérer dans les enquêtes, mais du moins dans l’administration de la GRC?

[Traduction]

M. Koops : Le Conseil consultatif de gestion ne donnerait des conseils qu’au commissaire. Il n’intervient pas entre le commissaire et le ministre, celui-ci ayant comme rôle de donner des directives au commissaire et ce dernier ayant la responsabilité de ses décisions dans la gestion de la GRC.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Permettez-moi d’insister. Lorsqu’on prodigue des conseils à la commissaire de la GRC, n’est-ce pas là un peu de l’ingérence politique?

[Traduction]

M. Koops : À titre de fonctionnaire, je crains de ne pouvoir vous répondre, monsieur le sénateur. Toutefois, le projet de loi, dans son état actuel, prévoit dans la mesure du possible que le Conseil consultatif de gestion n’a aucun rôle à jouer à l’égard des deux grands principes que le Parlement a mis en place concernant la GRC et ses relations avec le gouvernement et le Parlement. Le premier veut que seul le ministre puisse donner des directives au commissaire et le deuxième, que le pouvoir du gouvernement ne compromette pas l’indépendance de la fonction policière de la GRC.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Griffin : Je remercie les témoins d’être parmi nous.

À l’heure actuelle, qui conseille la commissaire sur les questions dont nous discutons ici?

M. McLinton : Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par « les questions dont nous discutons »?

La sénatrice Griffin : Le harcèlement, la diversité, l’inclusion, les éléments dont il est question dans le projet de loi C-97.

M. McLinton : La commissaire a, comme les sous-ministres, un comité de haute direction formé de représentants de divers secteurs d’activité. Il y a des équivalents du niveau SMA dans les domaines des ressources humaines, de la lutte contre le harcèlement, des finances, ainsi que dans les secteurs opérationnels qui touchent la police fédérale et d’autres secteurs. Elle a des cadres supérieurs qui lui dispensent leurs conseils.

La sénatrice Griffin : Il s’agit donc essentiellement d’un mécanisme interne et non externe. Le projet de loi prévoit un processus externe. Ce que je trouve intéressant dans le projet de loi, si on le compare à... Sauf erreur, la note d’information précise que le conseil pourrait compter un maximum de 13 membres nommés par le gouverneur en conseil et que le gouvernement a énuméré les facteurs qui guideront le choix des membres. Cependant, la Chambre des communes va plus loin, disant que le ministre doit tenir compte de la diversité et du mérite lorsqu’il recommande des nominations. C’est une bonne chose de rendre ces dispositions plus fermes et d’application obligatoire.

Pourquoi le conseil proposé dans le projet de loi C-97 n’a-t-il pas reçu le mandat explicite de s’attaquer aux problèmes de harcèlement, de diversité et d’inclusion à l’intérieur de la GRC? Le savez-vous?

M. Koops : Le mandat du conseil est très vaste et concerne, si nous examinons le premier élément du mandat, au paragraphe 45.18(2), l’élaboration et la mise en œuvre de plans de modernisation et de transformation. Dans la lettre de mandat qu’il a adressée à la commissaire, le ministre lui a demandé d’examiner en priorité deux questions liées aux plans de transformation et de modernisation, dont le bien-être des membres de la GRC, y compris leur santé mentale et leur protection contre le harcèlement en milieu de travail. La deuxième est la réconciliation avec les peuples autochtones.

Nous pouvons donc dire, par extension, que cela constitue une partie importante du mandat du Conseil consultatif de gestion. Dans la pratique, le conseil doit normalement appuyer le commissaire dans l’élaboration de pratiques de gestion des ressources humaines qui permettent de bâtir un effectif sain, diversifié et efficace. À court terme, le conseil peut choisir de donner des avis au commissaire sur le respect des obligations que le Parlement a définies dans le projet de loi C-65 et, en fait, lui offrir un éventail plus vaste d’expertise sur la façon de diriger la transformation de la culture d’une organisation aussi vaste, diversifiée et complexe que la GRC.

La sénatrice Griffin : D’accord. Je suppose que l’un des avantages est qu’il y a peut-être une perception plus positive de la gestion de la GRC. Il y a eu beaucoup de publicité négative au sujet du harcèlement, surtout des femmes. Je trouve cela positif. J’espère que cela sera perçu comme positif par le public. Je suis sûre que c’est aussi votre objectif.

M. Koops : Je pense que c’est l’objectif du gouvernement, effectivement.

La sénatrice Griffin : J’espère que c’est l’objectif de tout le monde.

M. Koops : C’est un objectif que nous avons en commun.

Le sénateur McIntyre : Ma question s’adresse à vous trois.

La plupart des grands corps policiers d’autres administrations au Canada, comme la Police provinciale de l’Ontario et la Sûreté du Québec, ou d’autres pays, ont-ils des conseils consultatifs de gestion? Sinon, pourquoi pas? Si oui, comment ces conseils ont-ils amélioré le fonctionnement des forces policières?

[Français]

Jacques Talbot, conseiller juridique, ministère de la Justice Canada : Nous n’avons pas essayé ici de reproduire ce qui se fait à l’échelon provincial, soit au Québec ou en Ontario. Il faut bien comprendre que la GRC a sa propre histoire. Les lois ont suivi leur propre évolution. Nous avons développé une solution spécifique pour la GRC. Il n’y a pas vraiment d’équivalent à l’étranger pour ce que nous avons essayé de faire ici. Donc, il est assez difficile de comparer; ce serait comme comparer des oranges et des pommes.

Le sénateur McIntyre : Et dans les autres pays?

M. Talbot : Dans les autres pays non plus. Par exemple, en Ontario, nous avons des commissions de police, mais nous n’essayons pas dans ce cas-ci de créer une commission de police.

Le partage des responsabilités et de la reddition de comptes n’est pas le même. Comme M. Koops l’a expliqué, nous avons respecté les responsabilités existantes; le ministre demeure responsable de la GRC devant le Parlement, le Conseil du Trésor est toujours l’employeur, les structures internes existantes au sein de la GRC restent en place, les organismes de surveillance conservent leurs responsabilités à l’égard de la GRC. Donc, il s’agit d’un comité-conseil doté d’un mandat très spécifique, qui est celui qui est décrit dans le projet de loi.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Le projet de loi ne prévoit aucun secrétariat pour aider le conseil à s’acquitter de son mandat. En établira-t-on un pour le faire? De quel personnel et de quelles ressources aurait-il besoin?

M. McLinton : Oui, un secrétariat sera mis sur pied à la GRC dans le secteur où je travaille. Bien sûr, cela dépend de la volonté du Parlement, qui adoptera ou non la mesure à l’étude, mais nous nous préparons à la création d’un conseil. Nous avons une idée de l’ampleur des ressources nécessaires. Nous imaginons qu’un secrétaire serait responsable de ce secrétariat et aurait un personnel chargé de la politique et de l’administration.

Selon ce que le projet de loi prévoit, le conseil décidera de son travail et de ses priorités. Une fois que le gouvernement aura annoncé le nom des membres du conseil, le secrétariat communiquera avec eux pour élaborer un plan de travail et définir les priorités qu’ils voudront se donner.

Le sénateur McIntyre : Sauf erreur, si le projet de loi C-59, c’est-à-dire la Loi de 2017 sur la sécurité nationale, et le projet de loi C-97 entrent en vigueur, quatre entités civiles auront le pouvoir d’examiner les activités de la GRC ou de fournir des conseils au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile au sujet du fonctionnement de ce corps policier. Comment ces entités travailleraient-elles ensemble pour éviter le dédoublement inutile des efforts et le gaspillage des ressources?

M. Koops : Monsieur le sénateur, les lois que le Parlement mettra en place pour définir leur mandat éviteront, à dessein, le double emploi. Le Conseil consultatif de gestion n’aurait aucune responsabilité d’examen. Les organes d’examen ne sont pas chargés de conseiller le commissaire au sujet de la gestion de la GRC, qui est une organisation de 5 milliards de dollars.

Le Conseil consultatif de gestion ne pourra pas recevoir de renseignements sur des opérations policières précises, ce qui est très différent du mandat confié aux organes d’examen existants ou au nouvel organe d’examen de la sécurité nationale. Dans ce dernier cas, le Parlement met en place un régime qui donnerait à cette entité accès à certains types de renseignements sur les services de police pour appuyer un examen des activités de la GRC dans le cadre de sa fonction policière par opposition à sa fonction de gestion d’une organisation.

Le sénateur McIntyre : Si ces entités formulaient des recommandations contradictoires, comment le ministre de la Sécurité publique choisirait-il celles qu’il y a lieu de mettre en œuvre?

M. Koops : Cela tient à la nature du mandat que le Parlement a confié au ministre; en fin de compte, c’est le ministre qui prend la décision lorsqu’il faut choisir entre des conseils contradictoires. Dans ce cas-ci, il faut rappeler que le Conseil consultatif de gestion ne serait pas là pour donner des conseils sur les détails des opérations policières.

Le sénateur Pratte : Je voudrais revenir sur les questions du sénateur McIntyre au sujet des risques de chevauchement entre les mandats des différents organes d’examen.

Vous avez dit que le conseil n’est pas un organe d’examen et qu’il n’assurera pas la surveillance de la GRC. C’est donc entendu. Toutefois, dans le mandat, par exemple à l’alinéa 45.18(1)b), il est question de l’« utilisation efficace et efficiente des ressources ». On pourrait sans doute dire que le comité de parlementaires ou l’OSSNR peuvent formuler des recommandations au sujet de l’utilisation efficace des ressources de la GRC. Ce n’est qu’un exemple.

Si je ne m’abuse, il n’y a rien dans le projet de loi au sujet du rapport possible avec le projet de loi C-59, par exemple. Il y a des dispositions sur la façon dont les différentes entités vont interagir les unes avec les autres, mais il n’y a ici rien du tout à cet égard. Y a-t-on pensé? Êtes-vous absolument convaincu qu’il n’y a aucun risque de chevauchement?

M. Koops : On en a absolument tenu compte au stade de la conception. Lorsque le gouvernement a présenté des mesures successives concernant la GRC, il a pris de grandes précautions. Dans le cas du Conseil consultatif de gestion, son mandat est unique, car il consiste à conseiller le commissaire et n’a aucun lien avec les mandats d’examen confiés à des entités existantes ou proposées.

Vous avez signalé l’alinéa b) du mandat, soit l’utilisation efficace et efficiente des ressources. Selon moi, il faut l’interpréter à la lumière de la première partie du paragraphe, qui décrit le rôle du conseil : dispenser des conseils et fournir des renseignements et des rapports relativement à l’administration et à la gestion de la gendarmerie, plutôt qu’examiner des enquêtes ou des décisions prises par elle relativement à ses opérations policières.

Le sénateur Pratte : Merci. C’est très utile. Le projet de loi dit que le conseil « peut » fournir au ministre une copie ou un résumé de ses conseils. A-t-on envisagé d’en faire une obligation plutôt qu’une option?

M. Koops : On en a discuté à fond dans l’autre Chambre, qui a refusé d’apporter un amendement en ce sens.

Le principe selon lequel le conseil est le mieux placé pour décider, lorsqu’il veut fournir au ministre une copie de l’avis qu’il donne au commissaire, est conforme au principe selon lequel il lui revient d’établir ses propres règles de fonctionnement. On veut aussi éviter que toutes les interactions entre le commissaire et le conseil, qui peuvent être nombreuses et répétitives, doivent être portées à l’attention du ministre.

Par contre, le régime garantit aussi que ce qui se passe au conseil ne se fait pas à l’insu du ministre et que le conseil ne fait rien qui puisse surprendre le ministre. Il est prévu en effet que le sous-ministre de la Sécurité publique, autrement dit le sous-chef du ministère, est membre d’office du conseil. Essentiellement, l’alter ego du ministre voit directement ce qui se passe au conseil.

Le sénateur Pratte : Un dernier point, si vous permettez. A-t-on envisagé la possibilité de donner au conseil le pouvoir de rendre publiques certaines de ses recommandations?

M. Koops : Le conseil serait le mieux placé pour en décider selon la façon dont il choisirait d’exercer sa prérogative d’établir ses propres règles de fonctionnement. Il y aura cependant des cas où les renseignements portés à sa connaissance ne seront pas nécessairement du domaine public. Il faudrait alors, je pense, que le conseil et le commissaire règlent cela entre eux.

Les membres du conseil seraient tenus d’avoir une habilitation de sécurité. Il y a une disposition selon laquelle le conseil peut être appelé à traiter d’achat d’immobilisations, par exemple, ou d’un autre dossier dont les renseignements ne se prêtent pas aisément à une divulgation publique. Dans la proposition que nous avons ici, c’est le conseil qui prendrait ces décisions.

Le sénateur Oh : Messieurs et mesdames les témoins, j’en reviens à la composition du conseil. Il semble qu’à ce jour, aucun membre n’ait encore été nommé. Est-ce exact?

M. Koops : C’est exact.

Le sénateur Oh : Quel est l’échéancier prévu pour la nomination des membres? En avez-vous une idée?

M. Koops : Le ministre a dit récemment dans les médias qu’il s’attendait à ce que ce soit très bientôt. Le gouvernement a annoncé en janvier son intention de voir immédiatement à mettre en place un conseil intérimaire en vertu d’un pouvoir statutaire déjà établi, donc, si vous voulez, un arrangement provisoire. À l’heure actuelle, le Cabinet n’a pas pris de décision à cet égard, alors il n’y a pas eu de nominations.

Le projet de loi, tel qu’il est rédigé, permettrait au gouvernement de s’en remettre d’abord à un conseil intérimaire, qui deviendrait ensuite le conseil à plein titre, ou si le projet de loi C-97 est adopté avant cela, de constituer le conseil ab initio en vertu de ses dispositions.

Le sénateur Oh : Que se passe-t-il si le projet de loi C-97 n’entre pas en vigueur? Pendant combien de temps aurions-nous un conseil consultatif intérimaire de gestion?

M. Koops : Il appartiendrait au Cabinet d’en décider en rédigeant le décret de nomination des membres intérimaires.

Le sénateur Oh : Avons-nous une idée des qualités requises, ou y a-t-il une rémunération prévue pour les membres du conseil?

M. Koops : Les membres du conseil recevraient une indemnité journalière selon l’échelle établie par le Bureau du Conseil privé. Leur place dans cette échelle fait partie de la décision du Cabinet de procéder à leur nomination. Je ne sais pas quelle serait leur rémunération quotidienne.

Le sénateur Oh : Quelles sont les qualités requises pour être membre du conseil?

M. Koops : D’après ce que le ministre a dit en public, on recherche des gens qui apporteraient au conseil des qualités parmi les suivantes : des compétences de gestion, savoir diriger la transformation de grandes organisations, des compétences en matière de lutte contre le harcèlement à la tête de grandes organisations, la réconciliation avec les peuples autochtones et tous autres facteurs que le Cabinet peut vouloir considérer pour réunir la combinaison nécessaire de compétences dans ce qui est, essentiellement, un conseil assez modeste par rapport à une organisation plutôt imposante.

Le sénateur Oh : Les questions de genre entrent-elles en ligne de compte dans le processus de sélection?

M. Koops : Le ministre a dit que oui, et l’amendement dont la Chambre est saisie l’obligerait à prendre en considération la diversité de la société canadienne dans ses recommandations au gouverneur en conseil.

Le sénateur Oh : Bien. Merci.

Le sénateur Richards : Je ne sais pas si on peut répondre à cette question, mais je vais la poser. De nombreux conseils nommés ont une triste réputation de querelles internes. Comment ferait-on pour les résoudre, pour peu qu’elles puissent l’être, et comment cela pourrait-il affecter le moral de la GRC si elles ne l’étaient pas?

M. Koops : C’est une question qui relève du pouvoir du conseil d’établir ses propres règles de fonctionnement. Le conseil serait libre d’y mettre, s’il le voulait, une sorte de mécanisme de règlement des différends. Nous espérons que ce ne sera pas nécessaire, mais il n’y a rien dans le projet de loi qui prescrive une façon de procéder. Cela relèverait simplement du pouvoir général du conseil de prendre ses propres décisions quant à son organisation.

Le sénateur Richards : Mais nous savons que, ces dernières années, certains conseils exposés au regard du public ont dû rendre des comptes en raison de démissions et de querelles internes. Cela a certainement une incidence sur le moral, non seulement au sein de l’organisme même, mais aussi chez les gens qui essaient de s’en occuper et d’aider. C’est pourquoi je pose la question.

M. Koops : Monsieur, je pourrais citer le paragraphe 45.19(3), qui dit que les membres sont nommés à titre amovible; à la rigueur, le ministre pourrait avoir le pouvoir de proposer un changement de composition, s’il le faut, pour que le conseil puisse continuer à épauler efficacement le commissaire dans l’exécution de son mandat.

Le sénateur Gold : Dans votre déclaration préliminaire, monsieur Koops, vous avez fait le point sur ce qui a donné lieu à cette recommandation, le problème de harcèlement relevé à la GRC et les rapports qui disent que la fin du harcèlement passe nécessairement par un changement de gouvernance. Nous comprenons donc qu’au moins un des problèmes est le harcèlement et qu’au moins une partie de la solution pourrait être un changement de gouvernance.

Pourriez-vous nous parler des problèmes de gouvernance qui ont donné lieu aux rapports? C’est-à-dire, pourquoi la gouvernance est-elle le problème, et comment pensez-vous ou comment espérez-vous que ce conseil consultatif contribuera réellement à changer au fil du temps la culture qui commence par la gouvernance?

M. Koops : Je pense, monsieur le sénateur, que si nous remontons au moins une quinzaine d’années en arrière pour voir tout ce qu’il s’est fait d’études, d’enquêtes et d’examens sur les difficultés qui se posent à une organisation aussi vaste et complexe que la GRC, un des thèmes qui reviennent sans cesse est qu’il est impossible de changer la culture de la GRC sans modifier la structure de direction de la GRC. C’est particulièrement ardu dans le contexte des services de police, mais ce n’est pas unique au contexte des services de police. C’est le cas aussi dans de nombreuses autres grandes organisations.

L’idée qu’un conseil puisse faire partie de ces changements de gouvernance revient aussi souvent, et de nombreuses recommandations au cours des années ont présenté de nombreuses variantes de ce qu’il pourrait être et de ce qu’il pourrait faire. Le gouvernement a choisi une variante qui s’insérerait dans la relation actuelle entre le commissaire et le ministre et entre le ministre et le Parlement.

On espère, comme dans toute grande organisation nationale complexe, fournir au chef ou, dans ce cas-ci, au sous-chef de l’organisation le soutien et les conseils le plus étendus possible sur des questions qui ne sont pas nécessairement du ressort d’une organisation policière. La conception de la TI, la réconciliation avec les peuples autochtones, ce sont des choses souvent plus complexes que l’activité première d’un corps policier. On espère rendre service au commissaire en lui donnant accès à des experts de l’extérieur, comme des gens qui ont mené le combat de la syndicalisation dans de grandes entreprises, d’autres qui ont peut-être une vaste expérience dans les milieux policiers au Canada, et qui peuvent faire peser différents points de vue.

Cela ne s’arrête pas là. La commissaire actuelle a signalé son intention d’aller de l’avant sur de nombreux autres fronts qui réunissent les conditions de réussite d’un changement de culture au sein de l’organisation, parce que le simple fait de changer la mécanique au sommet est probablement une condition nécessaire, mais pas suffisante.

Si on regarde ce qu’elle fait avec les pratiques internes en matière de harcèlement, si on envisage de placer davantage de civils avec un bagage extérieur à des postes de direction de la GRC, ce sont là autant de mesures qui, prises dans leur ensemble, augmentent la probabilité que des changements structurels pourront à leur tour amener des changements culturels au sein de l’organisation.

Le sénateur Gold : Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne la condition suffisante nécessaire. Le changement de gouvernance est une condition nécessaire, et bien que ce ne soit peut-être pas aussi difficile qu’un changement de culture — nous sommes tous passés par là, ici et ailleurs —, la question est de savoir si ce comité consultatif, avec ses attributions très étendues, sans parler des lettres de mandat, pourra se concentrer vraiment sur la gouvernance, qui est un enjeu de taille et une discipline en soi dans une organisation aussi diversifiée et dispersée que la GRC.

Est-ce qu’il saura se concentrer suffisamment sur la gouvernance pour faire au moins cette partie-là du travail, pour appuyer le commissaire et d’autres personnes dans tous les efforts nécessaires et, espérons-le, suffisants?

M. Koops : Considérant les propos qu’elle a tenus le jour où le ministre a annoncé son intention de créer le conseil, la commissaire était très en faveur de cette idée. Ce qui va se passer ensuite, je pense, ce sera vraiment une conversation entre le conseil et la commissaire pour savoir où il pourra le mieux la conseiller et où elle verra le mieux les avantages à en tirer.

Philip, avez-vous quelque chose à ajouter du point de vue de la GRC?

M. McLinton : Je vais simplement répéter que la commissaire a dit très clairement qu’elle était en faveur de ce conseil et qu’elle y voyait une mesure importante pour l’aider à faire avancer le programme de modernisation qu’elle a devant elle, qui touche notamment à la gouvernance, à la culture et à nos relations interpersonnelles. Elle voit le conseil jouer un rôle important pour l’éclairer dans ce programme très ambitieux, dont la gouvernance fait partie intégrante.

Le sénateur Gold : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’aimerais poser une question à M. McLinton.

On parle beaucoup de la modernisation de la GRC, mais je dois vous dire que cela passe également par la syndicalisation de ses membres. Est-ce que le comité va aussi conseiller la commissaire à ce sujet? Si c’est le cas, je vous dirais que cela vient confirmer le fait que le projet n’a pas beaucoup évolué depuis son approbation.

[Traduction]

M. McLinton : Si j’ai bien compris la question, il s’agit de savoir si le conseil donnerait des avis en matière de syndicalisation? Est-ce que je comprends...

[Français]

Le sénateur Dagenais : C’est cela. On parle de moderniser la GRC; vous le savez comme moi, il y a un projet de loi qui autorise maintenant les membres de la GRC à se syndiquer. Je sais que le dossier n’avance pas beaucoup et que c’est assez difficile.

Est-ce que le même conseil va prodiguer ses conseils à la commissaire en ce qui a trait à la syndicalisation des membres de la GRC?

On parle de modernisation — vous me corrigerez si je me trompe —, mais je crois que c’est le seul corps policier qui n’est pas encore syndiqué au Canada.

[Traduction]

M. McLinton : Conformément au projet de loi, le conseil lui-même aura les coudées franches pour examiner un certain nombre de questions touchant la gestion et l’administration de l’organisation, mais ce sera lui en fin de compte qui décidera lesquelles. La commissaire prendra certainement part aux discussions qui porteront là-dessus.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci.

J’aimerais poser une dernière question, qui s’adresse à M. Koops. On sait que, sous le gouvernement actuel, le ministre demeure responsable quand il le veut bien. On se demande aussi très souvent pourquoi il le reste quand il le veut bien. Le projet de loi C-97 prévoit que le ministre se réserve le droit d’agir, alors que, avec le projet de loi C-71, il se départit de ce pouvoir, puisque c’est la GRC qui prendra des décisions sur l’autorisation et l’interdiction de certaines armes à feu; ne trouvez-vous pas cela quelque peu incohérent?

[Traduction]

M. Koops : Je ne saurais pas vous dire où s’arrête le pouvoir du ministre de donner des instructions au commissaire et où commence l’indépendance policière de la GRC vis-à-vis de ces décisions. Je crains de ne pas avoir les compétences nécessaires pour me prononcer à ce sujet.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous comprendrez que, lorsque le ministre s’est présenté devant nous dans le cadre de notre étude du projet de loi C-71, il ne voulait pas nécessairement être responsable, alors qu’aujourd’hui on dit qu’il se réserve le droit d’agir.

Je ne vous blâme pas de ne pas me répondre, mais, si l’on parle de perception, cela me semble un peu bizarre que, pour certains dossiers, il devienne responsable, alors que, pour d’autres, il ne l’est pas et il donne le droit à la GRC de prendre ces décisions.

J’ai posé la question au ministre il y a environ deux semaines et aujourd’hui, comme on dit, c’est mi-figue, mi-raisin.

[Traduction]

M. Koops : Je dirais seulement que, dans les deux cas, le ministre agit dans les limites du cadre législatif que le Parlement lui a donné.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous vous en sortez bien, monsieur Koops.

[Traduction]

La présidente : J’aurais quelques questions à poser, si vous permettez, sur l’objet précis de ce conseil. Je vois bien que c’est un organe consultatif, et je suppose que c’était intentionnel, tant dans sa conception que dans la façon dont vous le verriez exercer son rôle consultatif.

J’aimerais savoir comment, selon vous, le conseil pourrait faire la démarcation entre le rôle opérationnel de la GRC et son rôle consultatif à lui. Ce qui me préoccupe, c’est la question des ressources.

Quand vous avez des ressources multiples avec un mandat énorme — la GRC a raison quand elle dit que c’est différent ailleurs, quoique je pourrais faire des comparaisons avec d’autres pays. Un des problèmes est le déploiement des ressources. Lorsqu’on parle du bien-être des membres, un des thèmes de l’heure dans la littérature mondiale sur les services de police, c’est que le moral des troupes se ressent du manque de ressources. Cette question de l’affectation des ressources, pensez-vous que le Conseil consultatif de gestion pourrait décider de s’en occuper ou se pencher dessus à la demande du commissaire?

M. Koops : Je pense qu’il appartient clairement au conseil de donner des avis sur la meilleure façon de procéder, et qu’il appartient clairement au commissaire de décider quand et où le faire.

Si vous me permettez, madame la présidente, une des questions les plus épineuses, si on regarde son évolution au cours des années, a été de savoir ce que ferait un conseil créé pour la GRC. Tous les commentateurs et observateurs se sont demandé jusqu’où devrait aller son autorité financière ou son pouvoir d’orienter le commissaire dans ce domaine.

Si on se reporte au rapport Brown ou à l’excellent travail du Conseil de mise en œuvre de la réforme, dont votre collègue, la sénatrice Busson, faisait partie, on garde l’impression que le conseil devrait avoir un certain pouvoir, un certain rôle de surveillance en matière budgétaire. Il était question alors que la GRC devienne un employeur distinct et que le conseil prenne effectivement le relais des pouvoirs du Conseil du Trésor. Ni le gouvernement de l’époque ni le gouvernement actuel ne se sont engagés dans cette voie. Entre-temps, le Parlement a réglé un élément important avec le projet de loi C-7, en confirmant le Conseil du Trésor dans son rôle d’employeur.

Ce que le gouvernement a choisi de faire en proposant ce modèle, c’est de donner au conseil toute la latitude voulue pour donner des avis et faire des recherches sur des dossiers où le commissaire en profiterait, mais de laisser les décisions concernant le déploiement des ressources à la seule discrétion du commissaire, sous la direction du ministre.

Le raisonnement ici, c’est qu’on empêche de brouiller la démarcation entre ces deux acteurs quant à savoir à qui appartient la décision en dernier ressort, puis qui doit en rendre compte.

La présidente : L’autre point que je veux soulever concerne la transparence. Un certain nombre de personnes en ont parlé comme du degré d’ouverture du conseil consultatif. Comme vous le savez, la plupart des commissions des services policiers, du moins dans la province d’où je viens, tiennent des réunions publiques. Certaines se déroulent à huis clos, mais beaucoup sont publiques. D’après ce que j’ai entendu ici, tout se ferait à huis clos, pas nécessairement dans une enceinte publique. Je suppose que vous allez dire que c’est parce qu’il s’agit d’un rôle différent et d’une perspective différente.

M. Koops : On est loin d’une commission de police en tout cas, au sens où on l’entend dans d’autres administrations au pays.

La présidente : Je dirais quand même — et je vais le faire sous forme de question — que ce conseil devra afficher une certaine transparence pour convaincre le public et les membres de la GRC qu’il apporte bien le changement que vous aviez prévu. Je pose donc ma question : comment voyez-vous cette transparence se manifester aux yeux du public?

M. Koops : Vous soulevez un élément important, celui de la transparence aux yeux du public. Je dirais qu’il y en a un deuxième, à savoir la transparence pour les membres de la GRC également.

La présidente : C’est la même chose.

M. Koops : Oui, vous avez bien raison. Je pense qu’il y aurait lieu pour le commissaire et son Conseil consultatif de gestion de discuter et de convenir au plus tôt des moments et des lieux où le conseil devrait envisager de donner des avis qui sont de nature publique, et de ceux où le commissaire aurait besoin d’avis sur des sujets qui, faisant partie de quelque autre processus, pourraient exiger le sceau de la confidence.

La présidente : Je vais vous donner un exemple. Il est utile, je pense, de voir un peu ce qui se fait en Irlande, où un inspectorat examine les politiques, fait des recommandations et suggère des actions. Son rapport doit être déposé au Dáil, la Chambre basse du Parlement, dans les 30 jours suivant la mise au point finale du dossier. C’est ainsi que le public peut avoir une idée de la portée de ces recommandations dans le processus de modernisation. Ma mise en garde, c’est que le maintien d’une certaine forme de secret ou d’impression de secret ne sera d’aucune utilité pour l’avenir de la GRC.

Le sénateur Pratte : Monsieur Koops, vous avez mentionné à quelques reprises que le conseil devra décider de la manière dont il communiquera avec le public et s’il doit rendre publics certains rapports ou avis. Cette possibilité ne figure toutefois pas du tout dans le projet de loi. Le fait que ce ne soit pas mentionné dans le projet de loi empêche-t-il le conseil de rendre certaines choses publiques? Ne devrait-il pas être prévu dans le projet de loi que le conseil puisse rendre publics certains de ses travaux?

M. Koops : Le projet de loi ne prévoit pas que le Conseil consultatif de gestion rende ses rapports publics comme tels, au sens où on l’entend dans d’autres organisations, pour deux raisons. Le conseil n’est pas chargé de l’administration d’une loi, dont il doit faire rapport, et il ne joue pas un rôle d’examen dans le contexte strict de l’exercice des responsabilités qui ont été désignées par le Parlement.

Je pense qu’au-delà de cela, il est prévu qu’il y aura peut-être des cas où le conseil devra exercer des pouvoirs en toute confidentialité, par exemple, en ce qui concerne certaines questions de ressources humaines ou, comme il a été mentionné auparavant, la planification des immobilisations ou ce genre de choses. Cependant, rien n’empêche le conseil de rendre publics certains aspects des conseils qu’il donne.

Le sénateur Pratte : C’est de cela que je voulais m’assurer. D’un point de vue juridique, le fait que ce ne soit pas mentionné ni prévu dans le projet de loi n’empêcherait pas le conseil de publier quelque chose.

M. Koops : Non. Comme mon collègue, M. Talbot, me l’a gentiment rappelé, le conseil serait de toute façon assujetti à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il est soumis aux mêmes règles de divulgation que toute autre institution publique.

Le sénateur Gold : Cela s’inscrit simplement dans le prolongement du même thème. Il s’agit d’une recommandation non sollicitée. Je crois comprendre la nature consultative de ce rôle. Je pense, comme l’a dit ma collègue, la sénatrice Griffin, que c’est une bonne chose.

Toutefois, le commissaire a évidemment un rôle important à jouer pour expliquer aux membres de la GRC, mais aussi au public, le déroulement du processus de changement. Je recommande que le commissaire soit chargé de communiquer, le cas échéant, le genre de conseils qui sont donnés et la façon dont ils sont pris en compte. Je pense que cela ne dépendrait pas du fait que le comité diffuse ou non certains de ses conseils, afin que le public comprenne comment les choses se déroulent, ce qui, il est à souhaiter, est pour le mieux. Merci.

La présidente : Monsieur Koops, monsieur Talbot et monsieur McLinton, merci beaucoup d’avoir comparu devant nous. Vos témoignages ont été très utiles. Comme vous le savez, c’est une question qui intéresse beaucoup les Canadiens, alors nous vous remercions de vous être déplacés.

Mesdames et messieurs les sénateurs, dans notre deuxième groupe de témoins d’aujourd’hui, nous sommes heureux d’accueillir Michelaine Lahaie, présidente, et Laurent Solasse, enquêteur principal, de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC. Bienvenue à vous deux.

Madame Lahaie, je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Allez-y.

Michelaine Lahaie, présidente, Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC : Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’avoir invitée à vous parler aujourd’hui du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures.

En tant que présidente de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, je suis heureuse d’avoir l’occasion de vous faire part de mon point de vue sur ce projet de loi. Mes observations d’aujourd’hui seront axées sur la section 10 de la partie 4 du projet de loi, qui vise à modifier la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et à établir un Conseil consultatif de gestion.

Avant d’aborder le rôle limité qu’a joué la commission que je représente dans l’élaboration du projet de loi que vous avez devant vous, je crois qu’il est nécessaire que je vous explique notre mandat précis. La commission est un organisme indépendant, distinct de la GRC. Son rôle est de veiller à ce que les plaintes du public concernant la conduite des membres de la GRC soient examinées de façon équitable et impartiale. Nous formulons des recommandations et des conclusions concernant son fonctionnement, mais pas son administration.

Cela dit, la Loi sur la GRC donne au président de la commission la latitude nécessaire pour entreprendre un examen de certaines activités de la GRC. Le ministre de la Sécurité publique peut également demander à la commission de mener des enquêtes sur des problèmes systémiques de la GRC.

[Français]

C’est dans ce contexte que, en 2017, la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC a présenté un rapport portant sur le harcèlement en milieu de travail à la GRC et sur l’incapacité de cette organisation à résoudre ce problème persistant.

[Traduction]

Toutefois, ce n’était pas la première fois que la commission se penchait sur cette question. En 2013, la commission avait publié un rapport qui contenait 11 raisons de lutter contre le harcèlement et de favoriser des milieux de travail respectueux au sein de la GRC.

Dans ce rapport de 2013, il convient de souligner que la commission n’a pas fait de recommandations sur la gouvernance et l’administration de la GRC. Le rapport recommandait plutôt la mise en œuvre de politiques et de procédures qui aideraient la GRC à lutter contre le harcèlement en milieu de travail dans sa structure existante.

Par la suite, dans le cadre de son examen de la même question en 2017, la commission a constaté que la GRC n’avait mis en œuvre que partiellement ou de façon inappropriée la plupart des recommandations formulées dans son rapport de 2013. Le rapport de 2017 avait conclu que la GRC n’avait pas été en mesure d’apporter elle-même les changements nécessaires à sa culture en milieu de travail.

Le rapport de 2017 de la commission contenait 9 conclusions et 10 recommandations. L’élément le plus pertinent dans le contexte du projet de loi dont vous êtes saisis aujourd’hui est la conclusion no 3 de ce rapport, qui dit :

Étant donné le piètre rendement de la GRC en matière de mise en œuvre de changements, une surveillance civile rigoureuse et un solide leadership du gouvernement sont essentiels pour garantir une réforme durable.

Il y a également la recommandation no 3, qui dit :

Que le ministre de la Sécurité publique prenne des mesures immédiates pour amorcer un changement culturel au sein de la GRC en modernisant sa structure de gouvernance de manière à y ajouter des fonctions de gouvernance ou de surveillance civile et à améliorer la reddition de comptes.

[Français]

Cette recommandation de 2017 propose différentes options, dont un conseil civil de gestion très similaire à la proposition contenue dans le projet de loi qui est devant nous.

[Traduction]

Le rapport de 2017 considérait un changement de gouvernance comme une façon d’assurer la reddition de comptes dans de nombreux domaines, mais plus particulièrement dans ceux de la prévention du harcèlement en milieu de travail, de l’intimidation et du harcèlement sexuel.

Je dois souligner que la recommandation de la commission faisait écho à de nombreux appels à la création d’un conseil de gestion civil qui assurerait la gérance et l’orientation générale de la GRC, moderniserait l’organisation et améliorerait la reddition de comptes au public dans son ensemble, sous une forme appropriée.

Les plus complètes des recommandations antérieures à ce sujet étaient celles du Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC publiées en 2007. Dans un rapport, communément appelé le rapport Brown, il était question d’un conseil de gestion qui :

[...] effectuerait la surveillance (gérance) de l’organisation et de l’administration de la GRC ainsi que la surveillance de la gestion des ressources, des services, des biens, du personnel et des contrats.

En réponse aux conclusions du rapport Brown, le Conseil de mise en œuvre de la réforme a été créé en 2008, afin de diriger et d’orienter le processus de renouvellement de la GRC. Dès le départ, le Conseil de mise en œuvre de la réforme a déterminé que la création d’un conseil de gestion représentait un aspect essentiel d’une réforme réussie et durable de la GRC. Dans son dernier rapport, en 2010, le conseil a déclaré que la santé et l’efficacité de la GRC ne pouvaient être tenues pour acquises. Le renouvellement est une priorité absolue pour les dirigeants de la GRC, qui nécessite aussi un soutien continu de la part du gouvernement et du public.

Ce point de vue a été réitéré en 2017 par l’ancienne vérificatrice générale du Canada, Sheila Fraser, dans un rapport qui examinait les cas de quatre femmes qui avaient intenté des poursuites civiles contre la GRC alléguant du harcèlement en milieu de travail. Le rapport Fraser traitait du harcèlement au sein de la GRC et indiquait que la culture organisationnelle constituait un obstacle au changement. Il citait en outre la recommandation du rapport Brown demandant la création d’un conseil de gestion comme mécanisme de changement organisationnel au sein de la GRC.

C’est dans le contexte de ces rapports que la commission a formulé sa recommandation de 2017 concernant un nouveau modèle de gouvernance pour la GRC. En fait, la commission ne possède aucune expertise particulière en matière de gouvernance. Par ailleurs, la Loi sur la GRC lui confère le pouvoir de formuler des recommandations et des conclusions concernant le fonctionnement de la GRC, mais pas son administration.

Je considère néanmoins le projet de loi C-97 comme une première étape positive vers des changements fondamentaux et nécessaires à la culture de la GRC en milieu de travail.

[Français]

Merci d’avoir pris le temps de m’écouter. C’est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Madame Lahaie, j’aimerais tout d’abord qu’on aborde la question du conseil consultatif qui coûtera 1,6 million de dollars par année; quel genre d’appui pensez-vous recevoir de la part de ce comité? Croyez-vous que cela va changer quelque chose dans vos façons de faire à la Commission civile d’examen?

Mme Lahaie : Monsieur le sénateur, je ne crois pas que cela va changer quoi que ce soit pour nos comités d’examen, en fait. Je crois que les deux mandats sont vraiment distincts. Nous allons continuer d’examiner les politiques et les procédures des activités opérationnelles des forces. À mes yeux, le conseil consultatif est plutôt une entité qui prodigue des conseils au commissaire. Cela n’empêche pas que, dans nos fonctions, nous pouvons fournir des avis au commissaire, mais il s’agit de deux entités distinctes. Je ne vois pas comment cela pourrait avoir trait à notre mandat en ce moment.

Le sénateur Dagenais : À l’heure actuelle, quand les gens portent plainte contre la police, ils ont souvent l’impression que leurs causes peuvent traîner en longueur. Combien de plaintes examinez-vous par année, et combien de temps prenez-vous pour étudier chacune de ces plaintes? Vous m’avez déjà dit que le projet de loi n’améliorerait pas vos façons de faire, mais parlons du nombre de plaintes que vous recevez et du temps que vous accordez à chaque plainte.

Est-il vrai que cela peut être long?

Mme Lahaie : Cela peut être long, assurément. La commission reçoit en ce moment environ 2 500 plaintes par année. Ce nombre a augmenté cette année. D’habitude, ces 2 500 plaintes que nous recevons chaque année sont envoyées à la GRC, qui va elle-même enquêter. Si la personne qui a porté plainte n’est pas satisfaite de la réponse de la GRC, elle peut nous demander de réviser son cas. Nous recevons donc environ 2 500 plaintes par année, et nous en révisons de 200 à 300. Bien entendu, nous avons des normes de procédure. Une fois que nous avons reçu la plainte, car la plupart arrivent dans notre système, nous avons quatre jours pour l’envoyer à la GRC. Quand nous recevons une demande de révision, nous demandons à la GRC de nous envoyer toute la documentation pertinente ayant trait au dossier. Une fois que nous avons reçu cette documentation, notre délai de service est de 90 jours environ. C’est ce qui constitue la norme.

Or, souvent, nous dépassons ce délai. Une grande partie du problème tient au fait que nous n’avons pas de contrôle sur le temps que va prendre la GRC pour traiter une plainte, et nous devons attendre qu’elle ait terminé avant de prendre le relais. Je crois que la GRC commence à mettre en place des politiques pour essayer de résoudre ce problème. Parfois, cela peut prendre beaucoup de temps. Idéalement, une plainte devrait se résoudre en moins d’un an, mais il est arrivé que cela prenne plus de temps.

De plus, nous faisons des enquêtes qui relèvent de l’intérêt public. Ce sont des cas plus importants sur lesquels nous enquêtons nous-mêmes, et cela peut prendre encore plus de temps, car nous devons rencontrer plusieurs témoins.

Le sénateur Dagenais : Si je faisais un parallèle avec ce qui se passe au Québec, je dirais que vous êtes un espèce de comité de déontologie qui transfère ses plaintes à la Sûreté du Québec, au comité de discipline. Cela fait beaucoup de monde.

Mme Lahaie : C’est ça.

Le sénateur Dagenais : On parle de délais. Je veux revenir sur le harcèlement sexuel dans les rangs de la GRC. Est-ce qu’on a besoin d’un autre examen sur le harcèlement sexuel, alors qu’il est évident que plusieurs recommandations contenues dans des études qui ont déjà été publiées n’ont toujours pas été mises en vigueur? Beaucoup de recommandations ont été faites à la GRC en ce qui a trait au harcèlement sexuel, et vous dites vous-même que le dossier n’a pas beaucoup avancé, pour ne pas dire que tout cela dort sur des tablettes. A-t-on besoin d’un autre examen sur le harcèlement?

Mme Lahaie : Je dirais que non. Je pense que nous avons ce qu’il faut. Je crois que ce que nous avons mis en place ces derniers temps avec la GRC va certainement aider. En effet, la GRC a mis en place la politique Vision 150, par laquelle elle tente de procéder à un renouvellement de la force. De plus, la lettre de mandat de la commissaire était très claire, et on voit de toute évidence que des changements sont en cours. La GRC a entrepris des démarches en vue de moderniser la force, alors je ne crois pas qu’une autre enquête et un autre rapport sur le harcèlement dans la GRC vont aider. Je pense que ce dont nous avons besoin, c’est d’action, et je crois c’est ce que nous voyons en ce moment.

Le sénateur Dagenais : Ne trouvez-vous pas que le plus difficile à changer au sein de la GRC, c’est la culture, qui est enracinée depuis plusieurs années? Comme ancien policier, je connais bien la culture de la GRC, et vous aussi d’ailleurs. Il y a des exemples frappants. Il y a un projet de loi sur la syndicalisation qui n’avance pas; il y a la question du harcèlement sexuel qui n’avance pas non plus. Je comprends toute la bonne volonté de votre comité, mais tout cela renvoie à l’administration de la GRC. On dirait que, lorsque quelque chose tombe entre les mains de l’administration de la GRC, c’est long, c’est difficile, c’est lent et cela prend du temps. Cela fait partie de la culture de la GRC qui, selon moi, n’a pas encore changé. Peut-être ne faudrait-il pas seulement la moderniser, mais la transformer en entier? On ne peut pas changer quelque chose qui existe depuis 200 ans. Êtes-vous d’accord avec moi?

Mme Lahaie : Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’il n’y a rien de plus difficile que de changer la culture. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué dans mes notes biographiques, mais je viens d’une autre force en uniforme, soit les Forces armées canadiennes; je comprends très bien ce qu’est la culture et comment il peut être difficile de la changer. Je crois que nous assistons à quelque chose à la tête de la GRC; je ne parle pas seulement de la commissaire, mais aussi de ses commissaires adjoints. J’ai eu la chance de rendre visite à plusieurs gendarmes et, du côté du leadership — si vous me permettez d’utiliser ce mot plutôt que le terme « encadrement » —, ce que j’ai observé, c’est un changement. Ils essaient actuellement d’ouvrir les portes pour faire entrer de l’air et de la lumière et pour apporter du changement. On sait très bien qu’on ne change pas une culture avec des politiques. On peut changer une culture du bas vers le haut. C’est assurément difficile, mais je crois que, en ce moment, la GRC est vraiment motivée à faire des changements, et il y a grande une volonté de modernisation.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame.

Mme Lahaie : Merci.

Le sénateur McIntyre : Merci, madame Lahaie, de votre présentation.

[Traduction]

Vous avez parlé d’au moins trois rapports, le rapport Brown, le rapport Fraser et, bien sûr, le rapport de la commission. Ils contiennent tous de nombreuses recommandations. Peu d’entre elles ont été mises en œuvre, mais certaines l’ont été. Pourriez-vous nous parler brièvement de certaines des recommandations qui ont été mises en œuvre par la GRC?

Mme Lahaie : Certainement. Nous avons le rapport de 2017 et je peux parler de celles qui ont été partiellement mises en œuvre.

Si vous regardez notre rapport, notre première recommandation portait sur la professionnalisation des éléments de la structure organisationnelle de la GRC, grâce au recrutement de spécialistes civils pour assumer des rôles non liés aux opérations, y compris aux échelons supérieurs des secteurs des ressources humaines et des relations de travail. Les efforts en ce sens se poursuivent. En fait, il y a pas mal de civils de haut rang au sein de l’organisation qui s’occupent de ces aspects.

Notre deuxième recommandation portait sur l’établissement d’une culture du leadership reposant sur des critères d’avancement professionnel qui tiennent compte des compétences en gestion, ainsi que sur la mise en place de programmes de perfectionnement en leadership rigoureux et obligatoire à l’intention de tous les superviseurs, gestionnaires et cadres de direction déjà en poste et récemment nommés, y compris des cours de niveau universitaire appropriés.

Cette démarche est en cours. La commissaire Lucki prend cela très au sérieux. Je sais qu’elle s’est intéressée à d’autres services, ainsi qu’aux Forces armées canadiennes, pour voir ce qui s’y fait en matière de perfectionnement en leadership.

La recommandation no 3, que j’ai mentionnée dans mon exposé, prévoyait que des mesures immédiates soient prises pour amorcer un changement culturel au sein de la GRC en modernisant sa structure de gouvernance de manière à y ajouter des fonctions de gouvernance ou de surveillance civile et à améliorer la reddition de comptes.

Il ne fait aucun doute que le projet de loi dont vous êtes saisis, le projet de loi C-97, va dans ce sens. Il n’y est pas précisément question de surveillance, mais d’une capacité de consultation.

Qui plus est, un signal important a été envoyé à la GRC. Lorsque la commissaire a été nommée à son poste, elle a reçu une lettre de mandat très précise qui soulignait l’importance de moderniser l’organisation. À la commission, nous sommes souvent en contact avec la GRC. Je suis certaine que cela n’étonnera personne. Ils nous ont informés à plusieurs reprises de la façon dont ils modernisent leur culture. J’ai eu l’occasion de me rendre à la Division Dépôt, où on assure la formation des membres, et d’y passer du temps. Il est très clair que l’on essaie d’adopter une approche plus moderne en matière de formation en leadership et de perception de cette fonction.

Pour ce qui est de la définition du harcèlement, qui faisait partie de notre recommandation no 4, je dois admettre que je ne sais pas trop où ils en sont. Lorsque nous avons présenté notre rapport en 2017, nous avons déterminé que cela faisait partie des lacunes à combler. Je ne suis pas certaine de ce qui a été fait parce que nous n’avons pas encore mené de vérification du rapport à ce sujet.

Le reste de nos recommandations avaient trait à leurs politiques et procédures. Selon ce que la commissaire m’a dit, des travaux sont en cours. On continue d’y travailler. Dans une organisation comme la GRC, qui comporte plusieurs niveaux, ce n’est pas aussi facile qu’on pourrait le croire parfois. Il se fait donc du travail sur ces éléments. Notre dernière recommandation concernait la formation continue donnée en classe et portant sur la prise de décisions, et je sais que du travail a également été fait dans ce domaine.

Je dirais que la majorité de nos recommandations ont été mises en œuvre en partie, mais pas entièrement. Je pense que ce qu’il faut en fait, c’est un peu d’expertise. Il ne fait aucun doute que le Conseil consultatif de gestion peut jouer un rôle important en fournissant une partie de cette expertise.

Le sénateur McIntyre : Le rapport Fraser est daté de mars 2017. Le rapport de votre commission remonte à avril 2017. Les recommandations contenues dans les deux rapports sont-elles essentiellement les mêmes, ou y a-t-il des recommandations dans un qui ne se retrouvent pas dans l’autre? Je suppose qu’il y a consensus dans les recommandations.

Mme Lahaie : Il y a certainement un consensus dans les recommandations. Je pense que le rapport Fraser examine la question dans une perspective plus large, ce qui fait que les recommandations qu’il contient sont plus exhaustives. Pour ce qui est des recommandations contenues dans le rapport de la commission, elles sont plus précises et ciblées. Il existe toutefois un dénominateur commun, à savoir un modèle de gouvernance plus vaste pour aider à régler certains des problèmes qui se posent.

Le sénateur McIntyre : Serait-il juste de dire que, depuis des décennies, la GRC est aux prises non seulement avec ce problème de harcèlement en milieu de travail, mais aussi d’intimidation et de harcèlement sexuel?

Mme Lahaie : On pourrait, à juste titre, dire que oui. C’est exactement ce que nous avons constaté dans notre rapport de 2017.

Le sénateur McIntyre : Merci.

[Français]

Le sénateur Pratte : J’ai une très courte question, madame Lahaie. Vous avez dit, à la fin de votre présentation, que vous considériez que la création du conseil consultatif était un bon premier pas. À votre avis, quels seraient les pas que l’on devrait franchir par la suite?

Mme Lahaie : Je crois que l’on doit vraiment examiner l’impact que le conseil aura sur les activités de la GRC avant d’être en mesure de le savoir. On ne parle pas d’un comité de gestion, dans ce cas-ci, mais d’un conseil. C’est quand même un bon premier pas.

Je crois que, en ce moment, avec le leadership en place à la GRC, il y a une volonté d’apporter des changements. Je crois donc qu’il faut faire ce premier pas avant de décider ce que l’on devra faire ensuite. Si on constate que ce que fait le conseil consultatif n’est pas suffisant, il faudrait peut-être justement diriger nos efforts vers un comité de gestion ou une autre organisation.

Le sénateur Pratte : Ne craignez-vous pas que, étant donné le caractère très vaste du mandat du conseil — qui est si vaste qu’il touche notamment à l’allocation des ressources et à la gestion des ressources —, vous vous marchiez un peu sur les pieds?

Mme Lahaie : Ce sera évidemment un peu difficile pour le conseil. Son rôle est justement de donner des conseils à la commissaire, et il faudra vraiment que la commissaire mette ces conseils à profit. Cela pourrait créer des problèmes, mais je crois quand même que c’est un bon début. De plus, il faudra voir si on a besoin de plus de profondeur dans la structure du conseil avant de prendre cette décision.

Je crois vraiment que la force veut changer ses façons de faire. C’est une bonne première étape, et je crois que, en ce moment, ce conseil consultatif sera mieux accepté par la GRC qu’un comité de gestion.

Le sénateur Pratte : D’accord, merci.

Mme Lahaie : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Gold : Le Conseil consultatif de gestion joue, comme son nom l’indique, un rôle consultatif, et je vous remercie de vos commentaires à ce sujet. Compte tenu de votre expérience de la culture et des opérations de la GRC, quels conseils donneriez-vous à ce conseil qui sera quant à lui chargé de conseiller le commissaire?

Mme Lahaie : D’abord et avant tout, je pense qu’ils doivent apprendre à connaître l’organisation qu’ils vont conseiller. Cela signifie aller parler aux agents qui font le travail tous les jours. Cela signifie consulter les dirigeants de l’organisation. Cela signifie aussi s’adresser aux gouvernements provinciaux, dans le cas des services de police contractuels, parce qu’il s’agit d’un domaine très précis. Comme je l’ai constaté dans le cadre de mes attributions, le contexte varie beaucoup d’une province à l’autre.

Le plus important, c’est d’apprendre à connaître cette culture de l’intérieur. Il ne fait aucun doute que la GRC a une longue histoire au Canada. Étant jeunes, nous savions tous ce que le Stetson et la tunique rouge représentaient. Nous comprenons cela. Cela fait partie de la culture canadienne. Je crois toutefois qu’il est important d’apprendre à connaître l’organisation à partir de la base.

Il est important de visiter la Division Dépôt, de parler aux recrues et d’apprendre pourquoi les jeunes Canadiens veulent se joindre à cette organisation; de connaître leurs motivations. Ensuite, il faut aller dans certaines des grandes localités où la GRC est présente. Surtout, il faut se rendre dans les petites localités; dans le Nord; à Iqaluit. Il faut voir à quoi ressemble un détachement de deux personnes; comprendre leurs défis. Il faut aller à Surrey, alors que des agents de la GRC s’y trouvent encore, et voir quels sont les défis uniques auxquels ils font face. Il importe de profiter de l’occasion pour visiter chaque province, discuter avec les dirigeants et comprendre leurs défis particuliers. C’est de cette façon qu’il sera possible d’apprendre à connaître l’organisation de l’intérieur.

Je pense aussi qu’il est important de parler aux autres services de police. À mon avis, il faudrait parler au Service de police de Toronto, à la SQ, au Service de police d’Ottawa et au Service de police de Calgary. Cela pourrait éclairer certaines des recommandations qui sont faites. Il est certain que les services de police devraient être harmonisés d’un bout à l’autre du pays, et je pense qu’il est important de savoir comment les autres organisations font leur travail.

Le sénateur Gold : C’est un bon conseil. Merci.

La présidente : Y a-t-il d’autres questions, mesdames et messieurs les sénateurs?

Madame Lahaie et monsieur Solasse, nous vous remercions d’être venus aujourd’hui et de nous aider dans notre étude du projet de loi C-97. Votre contribution est très appréciée.

Nous accueillons maintenant Angelina Rivers, directrice nationale, et Janet Merlo, ancienne membre de la GRC, toutes deux de la National Women in Law Enforcement Association.

Je crois comprendre que vous avez toutes les deux des commentaires à faire. Vous avez la parole.

Janet Merlo, ancienne membre de la GRC, National Women in Law Enforcement Association : Bonjour. Je m’appelle Janet Merlo et je suis membre retraitée de la GRC et représentante demanderesse dans le recours collectif contre la GRC pour harcèlement fondé sur le sexe. J’aimerais commencer par vous remercier de me donner l’occasion de parler d’un sujet qui me tient à cœur.

En octobre, il y aura bientôt trois ans, j’assistais à une conférence de presse, juste ici à côté, pour entendre le commissaire de l’époque, Bob Paulson. Je l’ai vu verser une larme et s’excuser auprès des femmes de la gendarmerie pour le traitement qu’elles avaient subi. Il avait alors dit que la GRC nous avait laissé tomber, et c’est bien ce qui s’est produit.

Une partie du règlement dont il a été question ce jour-là prévoyait la création d’un organisme de surveillance indépendant de la GRC. Cela était bel et bien inclus dans le règlement qui a été signé. Je tiens à vous rappeler que, au bout du compte, 3 100 femmes ont présenté des plaintes, soit trois fois plus que ce à quoi nous nous attendions, ce qui montre que la situation était plus toxique que nous le croyions à la GRC.

Je comparais devant vous aujourd’hui pour une autre raison. Depuis ce temps, rien n’a changé, et des gens meurent. La surveillance indépendante est non seulement nécessaire le plus tôt possible, mais elle doit être assurée correctement parce qu’on ne peut plus faire confiance à la GRC.

Ce que nous avons toujours demandé, c’est une surveillance indépendante. Toutes les études effectuées à la GRC recommandent une surveillance indépendante, et le mot clé est « indépendante ».

Un comité consultatif n’a pas besoin d’une structure complexe. Il doit avoir un mandat fort et des gens dévoués et ne doit absolument pas avoir de lien avec la GRC. Il n’est pas nécessaire de comprendre le travail de la police pour déterminer que les actes des harceleurs et des intimidateurs sont non seulement inacceptables, mais parfois criminels.

Il doit y avoir une équité procédurale dans une organisation où règne l’aveuglement volontaire.

Dans notre recours collectif, nous avons dû renoncer à la possibilité que l’un ou l’autre des harceleurs fasse l’objet d’une enquête et d’accusations. Pour nous, cela signifie que nous ne sommes pas égaux devant la loi. Il est possible que des centaines d’accusations à caractère sexuel ne soient jamais portées, et nous avons obtenu une somme dérisoire pour nos salaires perdus, de même qu’une promesse qui n’a pas été tenue.

Le comité de surveillance indépendant doit donc avoir la capacité de recommander des enquêtes à des corps policiers de l’extérieur. On ne peut pas laisser la GRC enquêter sur elle-même. C’est ce qui s’est produit dans mon cas, et cela a pris deux ans. La personne qui a présenté le rapport final, rempli de faussetés, en disant que toutes mes allégations n’étaient pas fondées, a également été désignée dans de nombreux autres cas comme quelqu’un qui a joué un rôle dans la tentative de faire disparaître ces allégations de harcèlement.

On lui a permis de rester. Elle a quitté la GRC par la grande porte. Elle est maintenant commissaire à l’éthique et protège les dénonciateurs en Alberta. Pourtant, elle n’a rien fait pour protéger les dénonciateurs de la GRC. Elle était le pire cauchemar de tous les dénonciateurs, selon moi. Dans tous les dossiers nous concernant, elle aurait dû être accusée d’avoir manqué à son devoir et elle aurait dû être congédiée.

La surveillance indépendante doit également protéger les membres civils ainsi que les employés municipaux qui travaillent pour la GRC. Certes, ils sont souvent soutenus par un syndicat, mais celui-ci craint souvent de s’attaquer à la GRC et recule devant les menaces selon lesquelles, si le syndicat fait des histoires, la GRC va se débarrasser de lui et passer en sous-traitance lors des prochaines négociations. Cette menace constante a l’effet d’un bâillon sur le personnel municipal.

Comme nous avons pu le constater, la GRC a fait la preuve qu’elle n’était pas prête à lancer des enquêtes et à porter des accusations contre ces gens-là. Lorsqu’il s’agit de harcèlement en interne, d’intimidation et d’inconduite, on ne devrait pas avoir le luxe de décider de ne pas faire enquête. On opte pour l’aveuglement volontaire et on élude le problème par favoritisme. Voilà qui doit cesser.

Afin d’apporter des précisions et d’ouvrir les perspectives, j’aimerais proposer que le comité de surveillance indépendant soit composé d’une grande variété de groupes sociaux : des enseignants, des parents, des étudiants universitaires, des membres de la communauté LGBTQ2S, des membres des minorités et des communautés autochtones. La loi est faite par les gens, pour les gens. Il faut simplement qu’une personne raisonnable examine les dossiers et constate la gravité du problème.

Au cours de ce processus, j’ai perdu deux amies très chères : Krista Carle, qui s’est enlevé la vie l’an dernier, et Margie Lau, qui est décédée en raison de complications attribuables à une santé physique compromise par le harcèlement brutal qu’elle a subi.

Un des harceleurs a été muté sept fois dans son milieu de travail en raison de plaintes de harcèlement. Vingt-huit personnes ont dit avoir été harcelées par lui. La dernière fois qu’il a été muté, c’est parce qu’un membre sous sa supervision s’était pendu.

À la National Women in Law Enforcement Association, nous tenterons d’aider toute personne qui nous approche. Nous ne recevons pas de financement. Nous donnons de notre temps pour aider les autres à lutter contre ce système qui est resté inchangé. Presque chaque semaine, une nouvelle victime du harcèlement brutal qui a cours au sein de la GRC communique avec nous.

Au moyen du recours collectif, nous avons porté notre cause devant le plus haut tribunal du pays et nous avons gagné. Maintenant, c’est à votre tour. Je vous demande de bien vouloir nommer des personnes pour former un groupe solide à même d’insuffler le changement dont la GRC a besoin. Donnez à ce groupe l’indépendance, le pouvoir et l’autorité pour recommander la tenue d’une enquête criminelle externe, au besoin. Si vous ne leur donnez pas ce pouvoir, nous devrons revenir ici plus tard pour reparler du même problème. Vous devez veiller à ce que les membres soient en sécurité lorsqu’ils s’adressent à ce groupe, sans qu’ils aient à craindre que cela ne détruise leur carrière.

Je vous demande de bien vouloir adopter ce projet de loi et aider les agents qui se dévouent quotidiennement pour la sécurité de notre pays. Ils méritent mieux que cela en reconnaissance de leur service. Les Canadiens aussi méritent mieux que cela. On ne peut accepter que, lorsqu’ils répondent à des demandes d’intervention, les agents soient en état de stress en raison de leur milieu de travail toxique — et parfois violent — et qu’ils soient déjà démolis par les activités criminelles et de l’inconduite qui y ont cours.

Nous ne voulons pas perdre d’autres amis ou d’autres collègues. Nous tous qui n’avons jamais voulu que de telles choses arrivent, nous célébrerons le jour où ce projet de loi sera adopté et où un mécanisme de surveillance externe sera créé. Merci.

La présidente : Merci, madame Merlo.

Madame Rivers, c’est à vous.

Angelina Rivers, directrice nationale, National Women in Law Enforcement Association : Merci. J’aimerais commencer par présenter la National Women in Law Enforcement Association, pour ceux dans la salle qui ne la connaissent pas. Il s’agit d’un organisme communautaire qui soutient les femmes dans leur effort en vue de faire appliquer la loi et dans leur lutte contre le harcèlement et l’inégalité en milieu de travail partout au Canada.

Tout d’abord, je parlerai très brièvement de la section 21, qui modifie la Loi sur le bien-être des vétérans afin d’élargir les critères d’admissibilité à l’allocation pour études et formation de manière à ce que les militaires de la Réserve supplémentaire y aient droit. Les personnes ayant fait des sacrifices pour leur pays et pour leur communauté ont droit à une transition plus douce vers la vie civile. Les connaissances, les compétences et les capacités requises pour être policier ou militaire se transposent difficilement, dans la plupart des cas, au marché du travail en général. Par exemple, l’adresse au tir ou la connaissance du Code criminel sont difficilement utilisables.

Souvent, s’ils possèdent de l’expérience de travail, les militaires n’ont pas les études nécessaires pour occuper un emploi civil. Pour éviter la maladie mentale, il se peut qu’ils doivent effectuer une transition vers un domaine complètement différent de leur carrière militaire. S’ils avaient cette possibilité, leur qualité de vie s’en trouverait améliorée.

J’aimerais maintenant parler de la section 10, qui modifie la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada pour constituer le Conseil consultatif de gestion qui est chargé de fournir des conseils relativement à l’administration et à la gestion de la GRC au commissaire de la force policière.

La National Women in Law Enforcement Association demande que le projet de loi C-97 soit adopté avec des modifications au mandat du Conseil consultatif de gestion. Ce mandat devrait comprendre une disposition permettant aux agents de faire rapport directement aux membres du conseil. De plus, les membres du conseil devraient recevoir une bonne formation portant sur tous les aspects de la culture policière. Le conseil devrait aussi superviser les processus de discipline et de promotion.

La GRC est la référence en matière de services de police au Canada. C’est une source de fierté nationale. Toutefois, il est grand temps qu’il y ait une surveillance externe indépendante des services de police.

Pour que le Conseil consultatif de gestion soit efficace, ses membres devraient bien connaître la culture de la police, un sujet qui commence à peine à faire l’objet de recherches à l’échelle nationale au Canada. Aujourd’hui, des agents en service et d’anciens agents dénoncent les injustices commises en interne. Si elles sont difficiles à entendre, les histoires des agents doivent néanmoins être racontées. Surtout, il faut en tirer des leçons. On a cerné divers enjeux importants comme la discrimination fondée sur le sexe, l’intimidation, le harcèlement et la maladie mentale. Ces problèmes, ainsi que la mauvaise gestion à leur égard, créent un milieu de travail toxique, suscitent de la méfiance et de la peur chez les membres et entraînent inévitablement une érosion de la confiance du public. Au moyen d’un conseil qui comprend la culture de la police, on peut apporter des changements significatifs et durables.

Lesley Bikos, une ancienne policière qui est candidate au doctorat à l’Université Western de London, en Ontario, est en train de mener deux études nationales sur la culture de la police, études qui passent par des sondages et des entrevues. À ce jour, elle a interviewé plus de 115 policiers de tous les rangs au sein de 31 corps policiers fédéraux, provinciaux et municipaux au Canada. Des publications universitaires présentant certains résultats de ces études sont en cours de préparation.

Voici un extrait du document de recherche intitulé I Took the Blue pill, de Lesley Bikos :

Les participants ont parlé des agents de sexe masculin qui pouvaient toujours s’en tirer et rester chef simplement en raison de leur popularité et de leur sexe.

Ce document est fondé sur l’expérience des femmes dans les services de police. Il comprend des données provenant de 15 policières ontariennes. Les résultats ont incité Mme Bikos à poursuivre ses recherches afin d’inclure des agents de sexe masculin et d’explorer le champ de la culture policière. Nous attendons avec impatience ses résultats et ses conclusions.

En résumé, notre organisme recommande de faire du changement de la culture policière une priorité. Nous souhaiterions que le conseil soit composé uniquement de civils et qu’il comprenne un nombre égal d’hommes et de femmes. Nous aimerions que le conseil puisse recevoir les rapports des agents directement. Merci beaucoup d’avoir pris le temps de m’écouter.

La présidente : Merci beaucoup. Nous passons maintenant aux questions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos deux invités. Je les remercie particulièrement du courage dont ils font preuve en venant témoigner ici.

Je connais très bien la culture de la GRC. J’ai été policier longtemps et j’ai côtoyé plusieurs membres de la GRC. Il est question de modernisation, mais j’aimerais aussi parler de la syndicalisation des policières et des policiers de la GRC. On me dit que, à l’heure actuelle, les policières et les policiers de la GRC qui se font prendre à parler de syndicalisation dans les locaux de la GRC se font menacer de suspension par les surintendants. Je comprends que ceux qui ont fait ces affirmations aient choisi de le faire sous le couvert de l’anonymat, car ils craignent les représailles de leurs officiers. Cette réalité existe depuis des décennies. Les agents participent à des œuvres caritatives et on leur demande parfois de porter leur uniforme. L’uniforme de la GRC est très bien vu au Canada. C’est une image de marque. Or, on leur dit qu’ils n’ont pas l’autorisation de prendre part à une œuvre caritative en uniforme sous peine d’être traduits devant un conseil de discipline. Imaginez où nous en sommes! De plus, cette réalité ne date pas d’hier.

Je constate donc qu’une modernisation est nécessaire, et la structure du conseil doit être assez rigide pour changer la culture. Avez-vous l’impression que le conseil consultatif sera un élément qui retardera les efforts visant à transformer la GRC et sa culture, surtout en matière de harcèlement? Je suggérerais que le conseil soit composé au moins d’un policier qui comprend bien la culture. Les corps policiers forment des clans, et il n’y a rien de mieux qu’un policier pour comprendre un autre policier. Pensez-vous que cela pourrait être un élément qui retardera les choses? Vous pouvez répondre toutes les deux.

[Traduction]

Mme Merlo : Je pense qu’au-delà du conseil consultatif, il faut pouvoir s’en remettre à une entité de surveillance indépendante. La GRC ne changera pas si ce sont ses propres membres qui présentent des recommandations. Pour surveiller l’atmosphère toxique qui sévit au sein de ce corps policier, il faut une entité externe. De plus, cette entité devra être composée non seulement de femmes, mais aussi d’hommes. Il y a aussi beaucoup d’agents de sexe masculin qui s’adressent à nous lorsqu’ils sont au bout du rouleau, au bord du suicide, et qu’ils n’ont nulle part où aller. Ils se tournent vers nous parce qu’ils ont épuisé tous les recours au sein de la GRC.

Ce conseil consultatif est une excellente idée, mais il faut lui donner le mordant nécessaire, la capacité de surveiller ce qui se passe en interne et la capacité de s’adresser aux bonnes personnes ou de recommander que des accusations criminelles soient portées. Sinon, à la GRC, on ne sera pas ouvert à l’idée, selon moi, et on n’y prêtera pas l’oreille.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je peux comprendre que des gens du public soient membres du conseil, mais on devrait nommer au moins un représentant des policiers de la GRC, et pas un surintendant. Il faudrait nommer quelqu’un de la base, peut-être même quelqu’un qui vient du syndicat de la GRC. Ce sont ces gens-là qui connaissent vraiment la culture de la GRC. Je ne veux rien enlever aux membres civils qui siégeront au conseil d’administration. Pour ce qui est de la culture à la GRC, il faut nommer quelqu’un de la base, quelqu’un qui possède une expérience dans les postes de police, quelqu’un qui comprend très bien la situation. Vous l’avez mentionné, je crois, au début de votre témoignage. Il arrive que des incidents surviennent dans des postes isolés. On pratique la culture du silence en se disant que, si on répète des choses, on sera transféré ailleurs et très loin. Souvent, l’officier supérieur est protégé et le membre de la base peut être menacé. J’en ai entendu « des vertes et des pas mûres » pendant 30 ans. Je les côtoyais régulièrement. Un policier de la base ne devrait-il pas faire partie de ce conseil, puisqu’il connaît les vrais problèmes?

[Traduction]

Mme Merlo : Je représente environ 3 100 agents de police et enquêteurs qualifiés actifs ou à la retraite. Nous avons tous perdu nos carrières et nos vies parce qu’ils n’aimaient pas les femmes.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous devriez être la première à faire partie du conseil, parce que vous comprenez les gens de la base. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Pratte : Madame Merlo, merci de nous avoir raconté votre histoire. J’essaie de comprendre ce que vous souhaiteriez que nous fassions. Vous nous demandez d’adopter ce projet de loi et, partant, de mettre en œuvre ce conseil consultatif. Pourtant, le conseil ou l’entité que vous décrivez, et qui contribuerait à résoudre les problèmes que vous voyez au sein de la GRC, est très différent de ce conseil consultatif, qui ne sert en fait qu’à donner des conseils sur la gestion. Il sert à donner des conseils, n’est-ce pas?

Mme Merlo : Oui, c’est peut-être quelque chose de complètement différent. Lorsque nous avons signé notre règlement, on nous a promis une surveillance indépendante. Trois ans plus tard, il n’y a toujours rien. Donc, soit ce comité consultatif change, soit il est légèrement modifié pour qu’il ait un recours au cas où la GRC n’écouterait pas ses conseils, ce qui n’aurait rien pour me surprendre. Je suis un peu déchirée sur la question, parce que je pense que l’entité indépendante doit avoir du mordant pour pouvoir s’en prendre à la GRC. Nous nous occupons actuellement de femmes qui subissent un harcèlement brutal et nous n’avons personne vers qui nous tourner. J’ai envoyé des déclarations et des renseignements à la commissaire Lucki et nous avons été à même d’obtenir une mutation en dehors du détachement de police où la personne vit d’horribles problèmes de harcèlement. Il faut donc donner du pouvoir au conseil consultatif.

Le sénateur Pratte : Merci. Vous avez peut-être entendu le témoignage de la présidente de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives de la GRC. Mme Lahaie a décrit les dirigeants de la GRC comme des personnes ayant l’intention de changer profondément la culture de leur corps de police et de prendre des mesures pour que ce changement de culture se produise. Elle semblait plutôt persuadée que des changements allaient se produire.

Vous décrivez, au contraire, un corps de police où il n’y a pas de changement du tout, voire aucune volonté de changer la culture de l’organisation.

Comment pouvez-vous expliquer cette différence de perspective entre vous et Mme Lahaie?

Mme Merlo : Je pense que c’est parce que son organisme reçoit probablement plus de plaintes du public relatives au comportement des policiers lors d’une demande d’intervention, à savoir si les policiers ont prodigué un bon service ou un mauvais service à la population.

En cas de problème de harcèlement à la GRC, je ne peux pas m’adresser à ce service des plaintes. Ce n’est pas à moi de le faire. On parle ici d’un policier qui répond à une demande d’intervention du public. Les plaintes que l’organisme reçoit en interne sont limitées. De plus, l’organisme n’a pas le pouvoir d’intervenir et d’aider qui que ce soit.

À l’heure actuelle, dans le corps de police, il n’y a rien. Il n’y a pas de programme d’aide aux membres ni de convention collective. Les changements prennent du temps, je suppose, mais c’est extrêmement lent en ce moment et des personnes perdent tout ce qu’elles ont.

Le sénateur Pratte : Avez-vous à tout le moins l’impression que les dirigeants de la GRC, à commencer par la commissaire, ont la volonté de changer cette culture du harcèlement que vous décrivez?

Mme Merlo : Je pense que oui. J’ai eu des échanges avec elle et je crois que, au fond, elle veut changer les choses. Je ne pense pas que cela se fera assez rapidement, à moins qu’il n’y ait une supervision externe sommant le corps de police de faire le ménage sur-le-champ.

Mme Rivers : Si vous me le permettez, j’ajouterais qu’il ne s’agit pas seulement de la GRC. Il y a de nombreux services de police au Canada. À ma connaissance, aucun service de police n’a mis en place le système approprié jusqu’à maintenant. Si je me trompe, j’aimerais bien entrer en communication avec ce service.

Nous constatons une grande déconnexion entre la haute direction, d’une part, et les agents sur le terrain, c’est-à-dire les agents qui répondent aux demandes d’intervention et qui travaillent tous les jours, de l’autre. Il n’y a presque aucune communication entre les agents des rangs supérieurs et ceux des rangs inférieurs. Voilà qui concerne la structure paramilitaire et hiérarchique. Lorsqu’on désire s’exprimer, il y a une voie à suivre. Plus le rang d’un membre du service de police est élevé, plus il est difficile de lui parler, d’où cette grande déconnexion. C’est très décourageant. La plupart n’essaient même pas.

Le sénateur Pratte : Merci.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie tous les deux de vos exposés.

Merci, madame Merlo, de nous avoir fait part de votre histoire, comme l’a si bien dit le sénateur Pratte. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il devrait y avoir un comité de surveillance indépendant pour examiner ces problèmes.

Si j’ai bien compris, la GRC compte un peu plus de 30 000 employés répartis dans trois catégories : les fonctionnaires, les membres réguliers et les membres civils.

Serait-il juste de dire qu’au fil des ans, au sein de la GRC, les trois catégories d’employés ont été touchées — ou sont encore touchées — par le problème du harcèlement en milieu de travail, de l’intimidation et du harcèlement sexuel?

Mme Merlo : Tout à fait. Je dirais que 90 p. 100 des gens avec qui j’ai travaillé étaient d’excellents agents. Le problème de la GRC, ce sont les agents des rangs intermédiaires et de la haute direction, qui resteront fermés devant la nécessité des changements. Je travaille avec des gars et des filles formidables, éthiques et honnêtes. Je ne veux pas donner l’impression de mettre tout le monde dans le même panier.

Un soir, au sous-sol du poste de police où je travaillais, une femme a été saisie, menottée à la rampe et laissée là pendant quatre heures parce qu’elle refusait d’avoir des relations sexuelles avec un des agents dont l’épouse se trouvait à l’extérieur de la ville. Cet agent est parti répondre à quelques appels de service. Il a dit qu’il reviendrait la chercher plus tard. Elle est restée attachée à la rampe pendant quatre heures, en se demandant ce qui lui arriverait s’il y avait un tremblement de terre ou un incendie. Si le poste avait brûlé et qu’elle avait crié en vain, comment aurait-on pu expliquer la découverte de ce corps menotté à la rampe? C’était une employée municipale.

Elle n’a rien dit à personne, de peur qu’on lui retire son habilitation de sécurité et qu’on la congédie. Environ deux mois avant les événements, alors qu’elle se trouvait à son bureau, le même agent lui avait vaporisé du gaz poivré au visage, parce qu’elle avait refusé ses avances. Tout le monde dans l’édifice toussait et crachait, parce que le gaz poivré s’était propagé à travers le système de ventilation.

Ils savaient qu’il y avait un problème. C’était une voie de fait. Au sous-sol, c’était une voie de fait, une séquestration et des menaces. En fin de compte, l’agent a été muté parce qu’il a menacé de mort une répartitrice du 911. Il n’a pas été congédié. Il n’a pas été puni. Il a été muté après avoir menacé de tirer sur quelqu’un. Je ne vous raconterai pas le reste de l’histoire.

Voilà ce qui se produit dans ces édifices. Ce sont des hommes et des femmes qui sont touchés. Nous avons fait ce que nous pouvions relativement aux problèmes qui concernent les relations hommes-femmes à la GRC. On a découvert que le type qui a perdu son poste après sept incidents — et après le suicide d’un policier — avait détourné beaucoup d’argent, sans doute plus de 3 millions de dollars. Il n’a jamais fait l’objet d’une enquête. Il n’a jamais été accusé. De plus, l’enquête de Sheila Fraser a indiqué qu’il ne fallait pas chercher l’argent, qu’il valait mieux ne rien faire. Ne cherchez pas l’argent, avait-elle dit. Lors de la plainte de la policière pour harcèlement, le négociateur a dit que c’était le pire cas de harcèlement qu’il avait vu de sa vie. Le type en question était un ancien militaire et l’argent qu’il avait détourné aurait été remboursé par la GRC à la société volée. Ce gars n’a jamais fait l’objet d’une enquête, il n’a jamais été accusé. On ne lui a jamais demandé de rembourser l’argent ou de rendre quoi que ce soit. Il a pu rester en poste jusqu’à ses 36 ans de service et prendre sa retraite avec une pension complète.

La fille qui a intenté des poursuites civiles contre lui a perdu son emploi. Elle est en congé d’invalidité et elle ne travaillera sans doute plus jamais. Il se passe énormément de choses en sous-main, des choses que les gens ne voient pas et qu’aucun conseil consultatif ne pourra changer.

Je suis ici aujourd’hui pour vous demander à quoi ressemblera ce conseil consultatif. Celui-ci doit être indépendant de la GRC. Il faut que les agents puissent se tourner vers ce conseil, car à l’heure actuelle, ils n’ont nulle part où aller.

Le sénateur McIntyre : J’aurais peut-être une dernière question, madame Merlo. En gardant à l’esprit les trois catégories d’employés — les fonctionnaires, les membres réguliers et les membres civils —, y a-t-il un plus grand nombre de plaintes dans une catégorie en particulier?

Mme Merlo : Je ne suis pas tout à fait sûre. Je connais une secrétaire qui a subi un harcèlement si brutal qu’on a ordonné à l’agent harceleur, au sein du détachement, de ne pas se trouver seul avec elle dans l’édifice. Lorsqu’il était dans l’édifice, il devait être accompagné d’une autre personne pour éviter qu’il soit laissé seul avec elle. La secrétaire a pris un congé de maladie, elle aussi. Ils lui ont retiré ses prestations. Elle n’arrive pas à payer ses médicaments et son hypothèque. Nous sommes vraiment inquiets pour elle.

Je pense qu’il arrive que les employés civils et municipaux souffrent encore plus que nous à cause de la hiérarchie. Les policiers prennent de haut les secrétaires, les gardiens et les préposés à l’entretien. Il faut aussi s’attaquer à ce problème, car tout le monde devrait être sur un pied d’égalité.

Le sénateur McIntyre : Quel conseil donneriez-vous à une jeune femme qui souhaiterait entrer au service de la GRC aujourd’hui?

Mme Merlo : C’est drôle que vous disiez cela, parce que j’ai une fille de 26 ans qui en parle de temps en temps. J’ai commencé par lui recommander de changer de nom, parce qu’elle n’aurait probablement aucune chance avec mon nom de famille.

Dans l’état actuel des choses, je ne recommanderais à personne de s’enrôler. La semaine dernière, j’ai pris un café avec un gendarme à la retraite dont le fils en parle. Il ne veut pas que son fils s’enrôle, parce qu’il ne veut pas que celui-ci devienne comme les autres. Il veut que son fils soit un homme bien et un bon policier, et ce serait effectivement le cas, mais il ne veut pas de cet environnement toxique où, si on ne suit pas les directives, si on ne se la ferme pas, si on ne sourit pas et ne hoche pas la tête quand il faut, on va avoir énormément de difficultés. Il ne veut pas de cela pour son fils.

Je recommanderais à ma fille de devenir policière. J’adorais mon travail. J’ai bien dit : « j’adorais ». Toutefois, dans le climat actuel, non.

Le sénateur Richards : Je fais un peu suite aux propos des sénateurs Pratte et McIntyre, parce que je crois que vous êtes venues ici un peu en désespoir de cause, parce que, en fait, ce n’est pas le projet de loi dont vous avez besoin. C’est une question de surveillance pour la direction, mais vous parlez de responsabilité criminelle et d’agression criminelle. Je ne sais pas si vous pouvez obtenir ce que vous voulez dans ce projet de loi. Je ne sais vraiment pas si ce projet de loi va assez loin pour en tirer ce dont vous avez besoin, à moins qu’il ne soit modifié en profondeur à une certaine étape. Peut-être dans le cadre d’un autre projet de loi. Je n’en suis pas sûr.

Quant au comité consultatif — mais je ne suis pas avocat —, il faudrait, semble-t-il, un comité de surveillance juridique chargé des cas de harcèlement et d’agression dont vous avez parlé ici. Qu’en pensez-vous?

Mme Merlo : Ils ont signé le règlement prévoyant un comité consultatif indépendant. Je me suis dit à ce moment-là que c’était le début du processus. Je me suis dit que, si on entamait quelque chose qui deviendrait le comité promis, qu’ils ont fait serment de créer, c’était le début de sa création.

Pour être tout à fait honnête, je pense qu’un groupe consultatif chargé de donner des conseils ne peut pas aller bien loin. On n’en est pas au point où ils écouteraient des conseils venant de l’extérieur.

Le sénateur Richards : Comme l’a dit le sénateur Dagenais, si quelqu’un comme vous faisait partie du comité consultatif — je ne parle pas de vous en particulier, mais de quelqu’un qui aurait de l’expérience, comme un agent de la GRC ou un policier —, il pourrait peut-être donner des conseils utiles au sujet de ces incidents.

Mme Merlo : Effectivement. Tout à fait.

Le sénateur Gold : Je vous remercie d’être parmi nous et de nous avoir fait part de vos expériences, aussi difficiles et terribles qu’elles aient pu être ou qu’elles soient encore, j’en suis sûr, pour vous et pour beaucoup d’autres qui sont encore en fonction ou ne le sont plus.

J’allais vous poser une série de questions du genre boy scout, par exemple : voilà un comité consultatif de gestion; quels conseils lui donneriez-vous et quels conseils donnerait-il au commissaire, et ainsi de suite. Tout cela est bien beau. Je ne dis pas de ne pas essayer, mais, compte tenu de ce que vous avez décrit, je n’arrive pas vraiment à éprouver tant d’enthousiasme que cela.

Je tiens quand même à dire ceci. Ce n’est pas la première fois que nous ou le public entendons parler de cela. C’est tout simplement inacceptable au Canada. Notre comité et le Sénat ont l’obligation d’écouter, de donner suite, et de recommander des mesures. Je ne prétends pas un seul instant qu’une seule mesure ou qu’un seul organisme puisse tout régler. Il faut manifestement donner suite à vos recommandations en matière de surveillance indépendante et d’engagement. Le gouvernement doit rendre des comptes. Le Parlement s’ajournera très bientôt. Il y aura des élections, un nouveau gouvernement et une nouvelle législature. Le Sénat reprendra ses travaux, et le comité aussi.

Je tiens à dire, pour mémoire, que nous ferions un bon usage de notre temps et de nos ressources en prenant au sérieux le problème que vous avez soulevé et que la GRC affronte et essaye de régler. Nous pourrions utiliser nos bureaux, si modestes qu’ils soient, pour donner voix aux préoccupations, pour faire un suivi et, peut-être, pour vérifier quelles structures permettraient de faire avancer ce dossier.

Les témoins antérieurs — nous le savons tous et vous le savez mieux que nous — savent à quel point il est long et difficile de transformer des mentalités. C’est vraiment de cela qu’on a besoin. Selon un dicton de ma tradition, on n’a pas l’obligation de terminer le travail, mais on a l’obligation de faire les premiers pas et d’essayer.

Je n’ai pas de question. Je voulais vous remercier de votre présence. Vous m’avez un peu ouvert les yeux, et je suis sûr que c’est aussi le cas de ceux qui nous regardent. Soyez assurée que les membres du comité n’auront pas oublié votre témoignage lorsque le Parlement reprendra ses travaux. Nous ferons tout ce que nous pourrons, avec nos moyens, pour faire avancer les choses. Merci.

La présidente : Avant de terminer, je voudrais revenir sur l’une de vos réponses et peut-être en faire une matière à réflexion. On parlait de remonter la chaîne de commandement.

Comme on l’a dit tout à l’heure, le conseil consultatif aura, entre autres, pour responsabilité — prioritaire — de s’occuper des problèmes de harcèlement. Auriez-vous des suggestions à faire sur les mesures qu’il serait possible de prendre à cet égard? Je vous demande d’y réfléchir si vous voulez bien. Pensez-vous que vous pourriez créer un mécanisme permettant de contourner la chaîne de commandement et de vous adresser à une personne indépendante? Est-ce que ce serait un bon moyen d’accélérer le traitement de cette information pour, d’une part, garantir la sécurité de la victime, mais aussi, d’autre part, pour porter ces choses à l’attention du comité consultatif? Pas du point de vue de l’enquête, puisqu’il n’assume pas ce rôle, mais du point de vue de l’évaluation de la situation. Comme vous le savez, ce qu’on évalue est suivi de mesures concrètes.

Cela pourrait être un mécanisme parmi d’autres. Je suis sûre qu’il y en a beaucoup d’autres, qui demanderaient du temps de réflexion, mais nous devons trouver des moyens de mettre les choses en route pour que le comité consultatif soit en mesure de dire : si vous voulez que cela soit efficace, il faut prendre certaines mesures pour veiller à ce que ces questions ne soient pas enterrées au bas de l’échelle et à ce qu’elles se rendent effectivement jusqu’au niveau qui les bloque.

Je pense que la recherche en cours sera utile pour établir ce principe. Vous avez entendu les témoins.

J’en ferais une question : est-ce que ce serait matière à réflexion pour vous?

Mme Merlo : Absolument. C’est devenu une passion pour moi, surtout depuis que mon amie s’est suicidée. Nous sommes entrées au service de la GRC ensemble. Nous étions des compagnes de troupe. Nous sommes parties le même jour, pour les mêmes raisons. C’est une affaire personnelle pour moi que de continuer ce que nous avons commencé dans ce recours collectif jusqu’à obtenir certains changements. Des gens nous approchent régulièrement pour nous parler de choses très sombres. Ils ne s’adressent pas à la GRC quand ils vont mal.

Mme Rivers : Non, ils s’adressent à nous. Bon nombre d’entre eux sont au plus bas. Ils sont suicidaires et n’ont nulle part où aller. À l’heure actuelle, quand nous sommes sollicitées et y sommes autorisées, nous sommes le moyen de contourner la chaîne de commandement. Nous assumons ce rôle. Toutefois, comme l’a dit Mme Merlo, nous le faisons à nos frais et pendant notre temps libre. Il y a des limites à ce que nous pouvons faire, mais nous essayons.

La présidente : Au nom de tous les membres du comité, permettez-moi de vous remercier du travail que vous faites. Merci à vous deux d’avoir servi votre pays comme policières. Soyez assurées que vous avez changé le cours des choses. Et vous continuerez, non seulement pour les femmes, mais aussi pour les hommes de la GRC. Nous saluons tous le travail que vous avez accompli et nous vous souhaitons bonne chance.

Mme Merlo : Puis-je ajouter quelque chose? En 2007, j’étais sur le point de tout perdre. Mon mariage s’effondrait. Ma carrière s’effondrait. J’ai donc remonté la chaîne de commandement. En fait, j’ai contourné la chaîne de commandement, parce que personne dans mon détachement ne m’aurait écoutée. J’ai écrit au commissaire Elliott et je lui ai dit ce qui se passait. J’ai demandé, j’ai supplié que quelqu’un intervienne.

Savez-vous combien de temps il a fallu pour obtenir une réponse? J’ai bien reçu une lettre où on me disait à quel point on prenait au sérieux la question du harcèlement dans la GRC et où on me promettait une enquête rapide. On m’a envoyé cette lettre 25 mois plus tard, pour me dire à quel point c’était grave.

Ensuite, il y a eu une enquête de deux ans. On nous a répondu qu’il n’y avait rien de fondé. « Personne n’a confirmé quoi que ce soit. Merci de vous être exprimée. Au revoir. » Ensuite, quand nous avons sollicité des avocats, ceux-ci m’ont demandé de jouer le rôle de demandeure représentante, et nous avons obtenu gain de cause. C’est toujours le seul recours des membres de la GRC, c’est tout ce qu’ils ont. Ce n’est pas suffisant parce que, comme je l’ai dit, des gens meurent. Des gens perdent tout et se suicident, et il faut que cela cesse.

Votre comité n’est probablement pas l’entité compétente. Soit vous lui donnez le pouvoir de l’être, soit il faut faire autre chose.

La présidente : Je pense que vos paroles mesurées ont été clairement entendues par le comité. Encore une fois, merci beaucoup de votre franchise et de votre dévouement pour l’avenir des policiers et des policières partout au Canada. Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, pour notre dernier groupe de témoins, nous accueillons aujourd’hui Mme Faith McIntyre, directrice générale, Division des politiques et de la recherche, Politique stratégique et Commémoration, Anciens Combattants Canada.

Madame McIntyre, je crois que vous avez quelques remarques préliminaires à faire. Allez-y.

Faith McIntyre, directrice générale, Division de la politique et de la recherche, Politiques stratégiques et Commémoration, Anciens Combattants Canada : Merci beaucoup, madame la présidente. Je vais lire l’aperçu inclus dans la Loi d’exécution du budget, simplement pour situer la section 21 de la partie 4 dont je vais parler.

Essentiellement, il s’agit d’un élargissement des critères d’admissibilité pour que les militaires de la Réserve supplémentaire aient droit à l’allocation pour études et formation en vertu de la Loi sur le bien-être des anciens combattants.

C’est le 1er avril 2018 qu’a été instaurée l’allocation pour études et formation. Il s’agit d’une prestation imposable, d’une valeur maximale de 40 960 $ pour les anciens combattants ayant au moins 6 années de service dans les Forces canadiennes et de 81 920 $ pour les anciens combattants ayant au moins 12 années de service dans les Forces canadiennes, qui leur est accordée pour couvrir les frais de scolarité, les frais de fournitures et certains frais accessoires et frais de subsistance pendant qu’ils fréquentent l’école.

[Français]

À l’heure actuelle, les membres de la Force régulière et de la Force de réserve, y compris les membres de la Réserve supplémentaire, n’ont pas accès à l’allocation pour études et formation. Cependant, en raison du manque de possibilités en matière d’éducation et de formation pour les vétérans membres de la Réserve supplémentaire, Anciens Combattants Canada élargira l’accès à l’allocation pour études et formation à ces personnes. Cette approche permettra de s’assurer que les vétérans qui sont membres de la Réserve supplémentaire n’ont pas à choisir entre rester au sein de la Réserve supplémentaire ou recevoir l’allocation pour études et formation.

[Traduction]

L’élargissement des critères d’attribution de l’allocation pour études et formation aux membres de la Réserve supplémentaire entrera en vigueur le 5 juillet 2019.

Je suis prête à répondre à vos questions.

La présidente : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame McIntyre, si je comprends bien, les membres de la Force de réserve pourront continuer de bénéficier de cette allocation? Pourriez-vous nous donner plus de détails sur cette allocation qu’ils pourront toujours recevoir?

Mme McIntyre : Merci beaucoup de votre question, sénateur. L’allocation pour études et formation a été lancée le 1er avril 2018 pour les vétérans qui ont servi dans la Force régulière ainsi que dans la Force de réserve pendant une période de 6 à 12 ans. Selon les années de service, les allocations sont respectivement de 40 000 $ et de 80 000 $. Cependant, les gens qui sortent des Forces armées canadiennes, mais qui décident de rester dans la Réserve supplémentaire n’y ont pas accès actuellement.

L’élargissement proposé dans le projet de loi suppose d’inclure les membres qui sortent des forces, mais qui restent dans la Réserve supplémentaire. Les membres de la Réserve supplémentaire ne sont pas considérés comme étant en service actif.

Depuis que le programme est en place, les gens devaient faire un choix entre bénéficier du programme d’études ou continuer leur service en qualité de membre de la Réserve supplémentaire. Nous ne voulons pas leur imposer ce choix. Nous voulons qu’ils puissent bénéficier des deux possibilités en même temps.

Le sénateur Dagenais : Puisqu’on parle d’argent, si le projet de loi adopté, est-ce que l’allocation sera rétroactive?

Mme McIntyre : C’est une bonne question, merci. Depuis le 1er avril 2018, on a mis de côté les demandes d’inscription au programme des membres de la Réserve supplémentaire. On va ressortir toutes les demandes dès le 5 juillet de cette année afin d’étudier leur admissibilité. On ne veut pas que les gens soient pénalisés à cause du fait qu’on envisage d’élargir l’accès au programme.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Merci d’être venue nous voir.

Pour donner suite à la même question, combien de réservistes supplémentaires et quel pourcentage d’entre eux profiteraient de l’allocation pour études et formation?

Mme McIntyre : L’allocation pour études et formation vise un nouveau groupe de clients d’Anciens Combattants Canada. Essentiellement, tous ceux qui sont libérés des Forces canadiennes pourraient s’adresser à Anciens Combattants Canada et avoir accès au programme. Nous ne pouvons pas prévoir leur nombre avec précision, mais nous savons qu’environ 98 000 anciens combattants libérés depuis le 1er avril 2006 pourraient y avoir accès. Certains d’entre eux sont sûrement des réservistes supplémentaires. Nous savons aussi que le programme est très populaire depuis sa création le 1er avril 2018.

Pour vous donner un exemple, à la fin du dernier exercice, le 31 mars 2019, nous avions reçu 4 540 demandes dans le cadre du programme d’allocation pour études et formation.

Pour répondre à votre question, nous ne pouvons pas dire précisément quel serait le taux de participation au programme, car il s’agit d’un tout nouveau groupe de clients d’Anciens Combattants Canada.

Le sénateur Oh : Sur les plus de 4 000 demandes, combien ont été approuvées ou sont en voie de l’être?

Mme McIntyre : Sur les 4 500 environ que nous avons reçues à la fin de mars, 2 353 ont été approuvées. Les refus sont dus en majorité au fait que les demandeurs en question sont encore en service. Ils présentent une demande pendant qu’ils sont encore en service et, évidemment, compte tenu du mode de fonctionnement du programme, ils ne peuvent pas y avoir accès à moins d’être réserviste supplémentaire à partir de juillet. C’est donc le nombre de demandes approuvées jusqu’à maintenant.

Le sénateur Oh : Pensez-vous que vous allez dans la bonne direction?

Mme McIntyre : Monsieur le sénateur, je pense effectivement que c’est très positif. Nous ouvrons l’admissibilité à une allocation très importante pour les anciens combattants, pour qu’ils puissent étudier et suivre une formation. Nous l’ouvrons au groupe des réservistes supplémentaires, qui n’ont pas accès à l’éducation et à la formation par l’entremise des Forces canadiennes pendant qu’ils sont membres de la Réserve supplémentaire. Il semble y avoir ce que nous appelons un « groupe laissé pour compte » — un groupe involontairement laissé pour compte, auquel nous revenons maintenant pour corriger la situation.

Le sénateur Oh : Très bien. Merci.

La sénatrice Griffin : Félicitations, je pense que c’est formidable. Je pense qu’on ouvre là un excellent programme pour en faire profiter plus de gens, surtout des gens à qui les Canadiens doivent beaucoup.

Pour que cette mesure soit prise, qui a été consulté? Je suppose que l’ombudsman des anciens combattants a été un participant de première importance, mais est-ce que d’autres groupes ou d’autres personnes ont été particulièrement efficaces à faire valoir leur cause?

Mme McIntyre : Honorable sénatrice, je vous remercie beaucoup de votre question. En fait, nous avons travaillé avec beaucoup de gens pour faire avancer ce dossier. L’ombudsman, comme vous l’avez dit, en fait partie.

On savait déjà qu’il fallait faire quelque chose pour permettre à ce groupe d’avoir accès à l’allocation. Les Forces canadiennes, et notamment les Réserves, ont participé activement aux consultations. Nous avons eu des discussions avec certains de nos groupes consultatifs ministériels. Nous avons six groupes consultatifs ministériels qui sont composés de divers intervenants, et il y a, en périphérie de ceux-ci, des organisations clés comme la Légion royale canadienne et ANAVETS, qui sont aussi membres de ces groupes consultatifs.

La sénatrice Griffin : Merci.

[Français]

Le sénateur Pratte : Pour les gens qui connaissent moins bien les Forces armées canadiennes, j’aimerais que vous nous disiez de qui il est question quand on parle de « Réserve supplémentaire », par rapport à la « Réserve non supplémentaire »?

Mme McIntyre : Merci de la question. La Force de réserve comprend plusieurs parties : la classe A, la classe B et la classe C, et il y a également la Réserve supplémentaire. La Réserve supplémentaire est la seule partie de la Réserve où les membres ne sont pas considérés comme étant en service actif. Pour cette raison, il est logique de les inclure.

De plus, ils n’ont pas accès aux différents programmes dont peuvent bénéficier les autres classes de réservistes. Ils ont un accès différent aux programmes offerts par les Forces armées canadiennes selon les heures qu’ils donnent à la Réserve et selon qu’ils font partie de la classe A, B ou C,.

L’engagement était d’offrir un programme d’éducation et de formation pour les vétérans, donc, techniquement, pour les gens qui sortent des Forces armées canadiennes. Comme je viens de le définir, les gens qui font partie de la Réserve supplémentaire sont sur une liste supplémentaire et ils ne sont pas considérés comme étant en service actif. Il était donc logique de les inclure, même si on veut conserver la politique telle quelle.

Le sénateur Pratte : Vous avez dit plus tôt qu’il ne fallait pas forcer les gens à faire un choix entre faire partie de la Réserve supplémentaire ou étudier. Savez-vous s’il y a effectivement des gens qui ont quitté la Réserve supplémentaire pour cette raison?

Mme McIntyre : Je vous remercie de votre question, sénateur. Effectivement, des collègues des Forces armées canadiennes ont indiqué que des gens ont décidé de ne pas s’inscrire dans la Réserve supplémentaire, parce qu’ils voulaient faire partie du programme pour l’éducation et la formation.

Le sénateur Pratte : J’imagine que cela a un impact sur les forces armées si ces gens ne sont pas là?

Mme McIntyre : Exactement.

Le sénateur Pratte : Vous avez dit qu’il était difficile d’avoir une idée exacte de la clientèle, mais avez-vous estimé les coûts de l’élargissement de ce programme?

Mme McIntyre : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai mentionné plus tôt, on ne peut pas estimer les coûts du programme actuellement. Lorsqu’il a été créé il y a environ un an, ce groupe était inclus dans les prévisions budgétaires que nous utilisions. On ne s’attend donc pas à ce qu’il y ait des coûts supplémentaires.

Si c’est le cas, ces coûts seront minimes et ils seront inclus dans le budget déjà existant d’Anciens Combattants Canada.

Le sénateur Pratte : Quel est le coût total du programme comme tel?

Mme McIntyre : Je n’ai pas cette information avec moi, mais je pourrai vous revenir à ce sujet.

Le sénateur Pratte : Oui, je l’apprécierais. Merci beaucoup.

Le sénateur Dagenais : Est-ce que les programmes qui intéressent les anciens combattants sont offerts un peu partout au Canada, ou certains doivent-ils se déplacer ou déménager pour avoir accès à ces formations?

Mme McIntyre : Je vous remercie de la question. Le programme fonctionne de la façon suivante pour ceux et celles qui y sont admissibles : il existe, à Emploi et Développement social Canada et à Service Canada, une liste formelle d’établissements accrédités. En ce qui concerne les programmes formels, le collège, l’institut, l’université ou toute autre organisation doit figurer sur cette liste formelle d’établissements accrédités.

Les gens ont également accès à un programme court. Il s’agit d’un montant d’environ 5 100 $ auquel l’individu a droit, et qui provient du budget global. Pour ce qui est du programme plus court, les gens peuvent suivre une formation en gestion de projets, par exemple. L’objectif de ce programme est d’aider les gens à se trouver un domaine d’intérêt différent que celui du programme formel. Ce volet est donc un peu plus vaste.

Le sénateur Dagenais : On sait qu’il y a des programmes d’études disponibles en ligne actuellement. Est-ce qu’il serait envisageable d’offrir ces programmes de formation de cette manière afin de permettre à plusieurs usagers de suivre une formation à distance?

Dans quels domaines d’études se dirigent principalement ceux qui bénéficient de ces programmes?

Mme McIntyre : Je vous remercie de vos questions. En ce qui a trait à la formation à distance, oui, c’est envisageable. Par exemple, je sais que l’Université du Québec à Montréal offre beaucoup de programmes de formation à distance. C’est une université accréditée par Emploi et Développement social Canada et Service Canada. Si les gens s’inscrivent à ces programmes, ils ont accès à la formation à distance sans problème.

Pour ce qui est des domaines d’études, ils sont très variés. Nous avons vu pratiquement tout ce qui existe. Je dirais que le programme le plus populaire est celui d’administration des affaires. Par ailleurs, il y a des gens qui veulent étudier en théologie, d’autres en médecine, alors que d’autres font une maîtrise parce qu’ils possèdent déjà un baccalauréat. C’est donc très varié.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente : Madame McIntyre, merci beaucoup, encore une fois, d’être venue nous voir aujourd’hui. Nous vous sommes reconnaissants de votre contribution à notre étude du projet de loi C-97. Merci encore.

Mme McIntyre : Merci beaucoup. Bon après-midi.

La présidente : Honorables sénateurs, nous allons maintenant siéger à huis clos pour donner des instructions de rédaction à nos analystes.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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