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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 15 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui, à 13 h 15, pour étudier la teneur des éléments des sections 12 et 19 de la partie 4 du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, bienvenue à la réunion du lundi 15 mai 2017 du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale de la défense.

Avant de commencer, je tiens à présenter les gens autour de la table. Je m’appelle Dan Lang, je suis sénateur du Yukon. À ma gauche se trouve le greffier du comité, Adam Thompson.

J’invite maintenant chaque sénateur à se présenter et à préciser la région qu’il représente, en commençant par la vice-présidente.

La sénatrice Jaffer : Je m’appelle Mobina Jaffer et je suis de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Bonjour. Raymonde Saint-Germain, sénatrice du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Lankin : Frances Lankin, de l’Ontario.

Le sénateur Woo : Bonjour. Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, Ontario.

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec. Bienvenue.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l’Ontario. Bienvenue.

Le président : Merci, chers collègues. Je souhaite la bienvenue à nos témoins.

Il y aura seulement deux groupes de témoins aujourd’hui en raison de la communication tardive liée à l’étude du projet de loi C-44. Lorsque nous avons tenté de communiquer avec des gens pour leur demander de comparaître devant le comité, le délai était très court, et nous devrons donc déterminer si nous tiendrons d’autres audiences à ce sujet le 29 mai. Ce n’est pas faute d’efforts du bureau du greffier et des autres intervenants, qui ont tout fait pour que nous ayons une journée entière, mais c’est ainsi que les choses se sont passées. Nous prendrons les décisions qui s’imposent.

Encore une fois, avant de commencer, je tiens à remercier le greffier et son personnel de l’excellent travail qu’ils ont fait relativement à l’Examen de la politique de défense et à la communication de ce document précis au grand public. Ils se sont rendus partout au pays pour y arriver. Encore une fois, merci beaucoup.

Chers collègues, nous allons aujourd’hui nous réunir pendant deux heures pour examiner les sections 12 et 19 du projet de loi C-44, le projet de loi d’exécution du budget.

Nous accueillons aujourd’hui au sein du premier groupe de témoins, Mme Lisa Pezzack, directrice, Division des systèmes financiers, Direction de la politique du secteur financier du ministère des Finances, et M. Dan Lambert, directeur adjoint du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada.

Bienvenue au comité. Je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire. Allez-y, s’il vous plaît. Nous avons une heure à vous consacrer.

Lisa Pezzack, directrice, Division des systèmes financiers, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du comité.

Le gouvernement propose d’apporter des modifications législatives à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la LRPCFAT, afin de soutenir les efforts du Canada pour combattre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Les modifications proposées permettraient d’élargir la liste des destinataires des divulgations pouvant recevoir des renseignements financiers liés aux menaces à la sécurité du Canada pour y inclure le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes.

Ensuite, on aura accès à de meilleurs renseignements sur les propriétaires bénéficiaires des personnes morales.

Finalement, on apporterait divers changements techniques et autres modifications pour renforcer le cadre, appuyer la conformité et améliorer la capacité des entités déclarantes à opérationnaliser la loi et s’assurer que les dispositions législatives sont exécutées comme prévu.

Un secteur financier sécuritaire et stable est crucial à l’économie canadienne. Pour cette raison, le gouvernement est déterminé à s’assurer que le secteur financier ne peut pas être exploité par des particuliers et des entités associés avec des organisations criminelles et terroristes pour faire des gains illicites. Il est important d’améliorer la réglementation associée à notre cadre de lutte au recyclage de produits de la criminalité et au financement des activités terroristes pour nous attaquer aux nouveaux risques et maintenir le leadership international du Canada en matière de lutte contre le recyclage de produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Le gouvernement renforcera ses efforts pour combattre le recyclage des produits de la criminalité, le financement des activités terroristes et la fraude fiscale. Cela inclura prendre des mesures pour améliorer la transparence des sociétés de façon à ce que les responsables de l’application de la loi et d’autres autorités aient accès en temps opportun à des renseignements sur les propriétaires bénéficiaires.

Je vous fournirai des renseignements plus détaillés au sujet des trois types de modification proposés.

Pour ce qui est d’élargir le bassin des destinataires de divulgation liés à des menaces à la sécurité du Canada de façon à inclure le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes, je tiens à dire clairement que nous allons utiliser les définitions de menace à la sécurité du Canada de la Loi sur le SCRS. Nous n’élargissons pas la définition. La définition sera très claire et concise.

Pour ce qui est de permettre l’accès à de meilleurs renseignements sur les propriétaires bénéficiaires des personnes morales, nous allons permettre au CANAFE de communiquer des renseignements sur les propriétaires bénéficiaires aux autorités compétentes appropriées. Le Centre a parfois cette information dans ses dossiers, mais n’a pas actuellement le droit de communiquer les renseignements aux autorités compétentes comme les organisations d’application de la loi, et les changements qu’on veut apporter aujourd’hui permettraient de le faire.

Enfin, permettez-moi de décrire certains des changements techniques que nous prévoyons apporter. Premièrement, nous allons tenter de préciser certaines définitions. Par exemple, la définition de « client » a été mal comprise par diverses entités déclarantes, alors nous précisons d’un point de vue juridique ce que nous voulons dire lorsque nous utilisons le thème « client » dans la loi.

Nous allons préciser et rationaliser le pouvoir de réglementation, qui inclut actuellement un très grand nombre d’options quant au type de règlements que nous pouvons prendre. Nous allons préciser que toutes les sociétés de fiducie qui sont constituées en personne morale au Canada, mais qui ne sont pas actuellement réglementées seront assujetties aux exigences redditionnelles.

Nous allons préciser que les entreprises de services monétaires, lesquelles sont assujetties aux Nations Unies ou à la Loi sur les mesures économiques spéciales, la LMES, qui sont visées par des sanctions au titre d’une des deux lois ne pourront pas s’enregistrer en tant qu’entreprise de services financiers au Canada auprès du CANAFE.

Enfin, il y a un certain nombre de changements qui permettront de corriger les versions anglaise et française et, entre autres, de resserrer la concordance entre les deux.

Voilà, monsieur le président, qui met fin à ma déclaration préliminaire. Je serai heureuse de répondre aux questions.

Le président : Chers collègues, permettez-moi de donner le ton, ici, du moins en ce qui a trait aux préoccupations que j’ai et qu’ont probablement la plupart des membres, et j’ai nommé la question de la protection des droits à la vie privée des Canadiens et le droit des autorités, premièrement, d’avoir accès à l’information, et deuxièmement, de fournir l’information à d’autres pays.

D’abord, je dois dire que je suis un peu troublé par le fait que cette loi est abordée dans un projet de loi d’exécution du budget parce que, très franchement, je crois qu’il s’agit d’un enjeu distinct et indépendant ou que ce devrait l’être.

Pouvez-vous nous dire si l’information à laquelle vous voulez avoir accès et que vous voulez ensuite pouvoir transférer à d’autres organismes qui, eux, pourront aussi la transférer à d’autres pays — si je comprends bien —, eh bien, est-ce que tout cela exigera un mandat pour justifier ce type d’intrusion dans le domaine privé?

Mme Pezzack : L’information qui est recueillie par le CANAFE auprès des entités déclarantes n’est pas assujettie à un mandat, mais permettez-moi de prendre un peu de recul pour commencer.

La Loi sur le recyclage des produits et de la criminalité et le financement des activités terroristes a été rédigée très soigneusement; les rédacteurs ont essayé de trouver un juste équilibre entre les droits à la vie privée des particuliers en matière de protection des renseignements personnels et au titre de la Charte, et le besoin de dissiper les préoccupations liées à la sécurité nationale, d’autre part. Par conséquent, tout ce que nous tentons de faire avec ce texte législatif vise à s’assurer qu’on maintiendra cet équilibre.

De plus, en vertu de la loi, le CANAFE, qui est le destinataire de ces renseignements déclarés, fait l’objet de vérifications régulières par le commissaire à la protection de la vie privée pour que l’on puisse s’assurer qu’il protège la vie privée des particuliers. Par conséquent, avant que le CANAFE puisse communiquer de l’information à qui que ce soit, il doit satisfaire à deux critères. Dans un premier temps, il faut respecter le critère en vertu duquel on a des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements sont liés à une menace envers la sécurité du Canada ou qu’ils sont clairement liés au recyclage des produits de la criminalité.

Puis, le CANAFE doit avoir des motifs raisonnables de croire qu’il est nécessaire de pousser plus loin. Le CANAFE recueille l’information, réalise des analyses, mais ne peut pas tout simplement envoyer le tout à qui que ce soit pour n’importe quelle raison. Il y a des critères précis dans la loi qui définissent de quelle façon il faut traiter l’information, à qui elle peut être communiquée et de quelle façon on peut le faire.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie tous les trois d’être là. Je suis reconnaissante de votre présence et de vos déclarations.

J’aimerais obtenir une précision relativement à la notion d’autorités compétentes. De qui parlez-vous?

Mme Pezzack : Au titre de la loi, tout dépend du genre d’information dont on parle. Il y a une diversité d’autorités compétentes mentionnées dans la loi selon le type d’information concernée.

Dans la modification dont il est question, ici, l’autorité compétente serait le ministère de la Défense nationale. Dans d’autres cas, il s’agirait d’un organisme d’application de la loi, donc un service de police, la GRC ou des services de police provinciaux. L’Agence du revenu du Canada est une autorité compétente à cet égard, tout comme le Centre de la sécurité des télécommunications, le CST, le SCRS, et, dans certains cas, l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC, parce qu’il y a des infractions liées à l’importation illégale d’argent.

La sénatrice Jaffer : Dans votre déclaration, vous avez parlé des menaces pour le Canada, et, évidemment, nous voulons tous protéger le Canada, mais qu’arriverait-il s’il ne s’agit pas d’une menace pour le Canada?

Mme Pezzack : Alors le CANAFE n’aurait aucune raison de communiquer l’information au ministère de la Défense nationale.

La sénatrice Jaffer : Le Centre ne communiquera pas l’information? Vous en êtes sûre?

Mme Pezzack : Oui. Comme je l’ai dit, le Centre fait régulièrement l’objet de vérifications liées à la protection des renseignements personnels; on souhaite s’assurer qu’il communique seulement l’information à qui de droit conformément aux critères établis dans la loi.

La sénatrice Jaffer : Et seulement pour des menaces qui pèsent sur le Canada?

Mme Pezzack : Dans le cas de l’amendement dont nous discutons aujourd’hui.

La sénatrice Jaffer : Il y a une question qui me trotte dans la tête. Dans le paragraphe principal 56.1(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes… Je parle plus précisément des modifications du libellé du paragraphe 56.1(1) dans lequel on retire l’exigence en vertu de laquelle le CANAFE peut seulement communiquer l’information aux organisations internationales si les organisations en question sont établies par les gouvernements d’États étrangers. Cependant, lorsque je lis la définition d’« organisation internationale », on ne précise pas qu’il s’agit d’organisations établies par des gouvernements d’États étrangers. Que voulez-vous dire ici?

Mme Pezzack : Au titre de la loi, le CANAFE peut signer des protocoles d’entente avec un service de renseignements financiers d’un autre pays; on parle donc de l’équivalent du CANAFE dans un autre pays. Certains jouent exactement le même type de rôle administratif, tandis que d’autres sont des organismes à caractère plus opérationnel, si je peux m’exprimer ainsi, qui ont un mandat d’application de la loi.

La sénatrice Jaffer : Pour ce qui est des autres pays, je comprends. Pour moi, une organisation internationale pourrait être les Nations Unies, par exemple. Je ne vois pas pourquoi vous voudriez communiquer de tels renseignements aux Nations Unies, mais il y a peut-être des raisons. Ici, je lis qu’une organisation internationale n’a pas nécessairement à être une organisation établie par le gouvernement d’un État étranger.

: Maxime Beaupré, chef, Division des systèmes financiers, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances du Canada: Cela fait partie des modifications techniques du projet de loi, alors ce n’est pas un changement stratégique. Dans toute la loi, on fait référence aux lois d’un pays et nous avons appris, grâce à des examens et des discussions internes, que, dans certains cas, il peut y avoir des obligations dans des pays étrangers, des obligations qui ne sont pas nécessairement à l’échelon national, mais qui entrent en jeu à un échelon subnational. Par conséquent, nous avons relevé tous les endroits dans la loi où on mentionne les lois d’un pays et nous nous sommes assurés d’aussi tenir compte de ces situations.

La sénatrice Jaffer : Je ne comprends toujours pas, alors expliquez-moi. Prenons l’exemple que vous m’avez donné. Il s’agit d’une entité créée par un gouvernement, une sous-agence. C’est ainsi que j’ai compris votre exemple. Cependant, ici, la définition précise qu’il ne doit pas s’agir nécessairement d’une organisation établie par le gouvernement d’un État étranger.

Mme Pezzack : Une telle organisation pourrait être Interpol, par exemple. Elle n’est pas nécessairement créée par un seul gouvernement, c’est une organisation intergouvernementale. Interpol est l’un des types d’organisations avec lesquelles le CANAFE doit interagir.

La sénatrice Jaffer : Je ne veux pas trop insister là-dessus, mais Interpol est créé par des États étrangers. Ce n’est peut-être pas parfaitement adéquat, mais vous pouvez peut-être y réfléchir, et je vous en reparlerai durant la deuxième série de questions.

Le président : Chers collègues, il y a beaucoup d’intervenants. Si nous raccourcissons nos préambules, nous pourrons obtenir toutes les réponses que nous voulons.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup d’être ici. Je suis un peu surpris par cette mesure. D’un côté, le gouvernement annonce un assouplissement des politiques en matière de contrôle du terrorisme; d’un autre côté, on veut resserrer les liens. Je suis un peu confus quant à l’approche du gouvernement. En ce qui concerne l'application de cette politique, le commissaire à la protection de la vie privée ou l’Association du Barreau canadien ont-ils été consultés? Le cas échéant, s'agissait-il d'une consultation ouverte ou tenue en vase clos?

M. Beaupré : Il n’y a pas eu de consultation formelle liée à l'élaboration de ces mesures spécifiques. Le processus parlementaire offre cette possibilité. Par contre, l’inspiration pour plusieurs de ces mesures vient de nos interactions fréquentes avec nos partenaires au sein du Régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes et avec des entités qui fournissent des renseignements au CANAFE. Nous tenons constamment des discussions avec l’industrie. Dans le cas de plusieurs des changements de nature technique dont il est question ici, il peut y avoir de la confusion, comme l'a constaté l’industrie. Ce sont ces discussions qui ont mené aux ajustements mis en place ici.

Nous n'avons donc pas tenu de préconsultation formelle avant le dépôt du projet de loi, mais nous discutons régulièrement de questions afin d'améliorer le régime. C’est dans ce contexte qu’on pourrait dire qu’il y a eu une certaine consultation.

Le sénateur Boisvenu : Je comprends que le commissaire à la vie privée n’a pas été consulté. J’ai peut-être mal compris votre présentation, mais est-ce que ce type d’information pourrait être donné à une autre nation, tels les États-Unis?

M. Beaupré : La loi permet au CANAFE d’échanger de l’information avec ses entités homologues étrangères lorsqu’il y a un protocole d’entente dûment signé entre ces deux organisations.

Le sénateur Boisvenu : J’essaie de comprendre la logique. Un grand nombre d’immigrants illégaux s'introduisent au Canada à l'heure actuelle. Le Canada semble vouloir refuser de donner de l’information aux Américains sur les réseaux de passeurs en provenance des États-Unis. D’un autre côté, nous sommes prêts à transmettre de l’information de nature criminelle. Quelle est la logique en matière de gestion du terrorisme et de l’entrée d’immigrants illégaux, dont certains pourraient être des terroristes? J’essaie de comprendre la logique de tout cela. D’un côté, on dit non; de l’autre, oui.

Mme Pezzack : Dans ce cas-ci, l’échange d’information est strictement lié au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme. C’est ce que la loi est...

Le sénateur Boisvenu : Je comprends, mais on est toujours...

[Traduction]

Le président : Je suis désolé, mais la liste est longue.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Je comprends très bien le contexte, l’environnement de sécurité et les risques terroristes sous l’angle financier.

Quant à la section 19 de la partie 4, soit les modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, je voudrais en savoir davantage sur les motifs et la portée de la modification qui améliorerait le renseignement sur les propriétaires bénéficiaires des personnes morales. Expliquez-moi la nécessité d’aller jusqu’aux propriétaires bénéficiaires des personnes morales et la portée de cette modification, s’il vous plaît.

M. Beaupré : Le gouvernement a annoncé, dans le budget de 2017, un programme assez ambitieux visant à travailler avec les provinces et territoires pour améliorer la disponibilité des renseignements sur les propriétaires bénéficiaires de personnes morales. Il s’agit d’un objectif important pour améliorer la façon dont notre régime fonctionne contre le blanchiment d’argent et le financement d'activités terroristes. Il vise une technique assez connue que des individus qui souhaitent soit blanchir de l’argent ou financer des activités terroristes utilisent pour tenter d’obscurcir l’origine ou la destination de leurs fonds au moyen de personnes morales.

La sénatrice Saint-Germain : Des organismes de charité, par exemple?

M. Beaupré : Effectivement. L’idée est de mettre à disposition des forces de l’ordre de meilleurs renseignements lorsqu’elles mènent des enquêtes. Voilà l’objectif poursuivi par cette mesure. Dans le cadre du projet de loi de mise en œuvre du budget, c’est une mesure beaucoup plus étroite que l’on met de l’avant. Il s’agit, comme Lisa l’a mentionné dans ses remarques d’ouverture, de faire en sorte que le CANAFE, lorsqu’il a ce type d’information à sa disposition, puisse la rendre disponible aux forces de l’ordre afin que celles-ci puissent obtenir, au moyen de mandats de perquisition, des informations adéquates auprès des entités visées.

La sénatrice Saint-Germain : Qu’est-ce qui balise votre capacité de transférer de l’information aux forces de l’ordre? On expliquait tout à l’heure que des permissions devaient être obtenues. Dans le cas des organismes de charité ou des ONG en général, quelles sont vos balises?

M. Beaupré : La loi prévoit des mesures très strictes en ce qui a trait au contrôle de l’information qui peut être rendue disponible au CANAFE. Celui-ci ne peut divulguer que de l’information spécifiquement désignée dans la loi. Aujourd’hui, on propose d’ajouter à cette liste l’information sur les propriétaires bénéficiaires. Cette information ne peut être divulguée qu’à des destinataires de divulgation spécifiquement énoncés dans la loi. Il y a une mesure aujourd’hui qui permettrait au CANAFE, une fois les conditions remplies, de divulguer de l’information au ministère de la Défense nationale et aux Forces armées canadiennes. Voilà donc deux balises clairement définies par la loi : le type d’information qui peut être divulguée, et à qui elle est divulguée.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Merci de votre exposé qui a été très instructif. Pouvez-vous me dire si, en ce qui a trait aux fiducies ou au ministère de la Défense nationale, une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée a été réalisée dans l’un ou l’autre des cas?

Mme Pezzack : Non, nous n’avons pas réalisé d’évaluation des facteurs relatifs à la vie privée dans ces deux cas, parce que nous n’avons pas encore déposé le projet de loi. Cependant, l’ensemble de la loi a fait l’objet d’une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée dans le passé.

La sénatrice Beyak : Pour ceux qui nous regardent à la maison, vous avez mentionné certains des groupes auxquels vous communiquerez l’information, comme le SCRS, l’ASFC et le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada. Y a-t-il un endroit où les citoyens ordinaires peuvent se rendre pour voir les autres entités auxquelles vous communiquerez l’information afin de garantir la protection de la vie privée? Je sais que, s’ils ne s’adonnent pas au recyclage de produits de la criminalité et à au financement d’activités terroristes, ils n’ont rien à craindre, mais juste à titre informatif.

Dan Lambert, directeur adjoint, Renseignements, Opérations, Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada : Bonjour. Le site web du CANAFE et notre loi dressent la liste de tous les organismes à qui nous pouvons communiquer de l’information. Au Canada, nous avons mentionné l’ASFC, le CST et les organismes d’application de la loi, pour ne nommer que ceux-là. Nous n’en ajoutons pas à la liste à part les Forces canadiennes. Nous ne créons pas de nouveaux pouvoirs connexes. Nous communiquons des renseignements sur les menaces à la GRC et au SCRS comme nous le faisons actuellement.

Pour ce qui est du MDN, il a besoin, en raison du travail des Forces canadiennes et de leurs unités nationales de renseignements criminels, de recevoir ces renseignements sur les menaces et d’en bénéficier. Il n’y a aucune expansion en ce qui a trait aux renseignements que nous recueillons. Ce sont des renseignements sur les mêmes propriétaires bénéficiaires que ceux précisés par les entités déclarantes.

Ce qui peut être communiqué — parce que j’autorise toutes les divulgations —, l’est conformément à un seuil très strict quant aux motifs raisonnables de soupçonner que l’information serait liée à une enquête associée au recyclage de produits de la criminalité ou au financement d’activités terroristes. Lorsque nous produisons un rapport, pour qu’il soit communiqué à une organisation d’application de la loi ou à une entité responsable de la sécurité nationale, comme le SCRS, nous devons être convaincus que le droit à la vie privée des Canadiens est respecté et qu’il y a des motifs raisonnables de soupçonner que l’information est pertinente. On réalise donc un contrôle judiciaire au sein du CANAFE dès que nous divulguons de l’information à ces entités, qu’on parle d’entités au Canada ou à l’étranger. Il faut aussi bien comprendre que, si nous devions divulguer de l’information à l’étranger, à un pays avec lequel nous avons conclu un protocole d’entente, il n’y a pas d’obligation de divulgation. Nous n’avons pas à divulguer l’information. Nous pouvons le faire. Nous devons respecter les seuils établis, et nous le faisons de façon très judicieuse en raison des types d’information que nous divulguons.

La sénatrice Beyak : C’est très utile.

Le président : Chers collègues, afin de ne pas perdre de vue la série de questions, qui confronte le droit à la vie privée des Canadiens et la nature des renseignements pouvant être divulgués, pourquoi, dans le cadre de la préparation du projet de loi, n’avez-vous pas consulté de commissaire à la protection de la vie privée avant de présenter le projet de loi en disant que les critères ont été respectés?

Mme Pezzack : Le processus de divulgation a déjà été présenté au commissaire à la protection de la vie privée. Ce dernier réalise des vérifications chaque…

Le président : Oui, mais pas de la section précise que vous nous présentez et pas au sujet de l’expansion des pouvoirs que vous demandez relativement à la question de la confiance et des autres sujets de préoccupation. La question était la suivante: pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant de venir ici afin que nous puissions connaître la position du commissaire à la protection de la vie privée?

M. Beaupré : Tout le cadre a été conçu afin de trouver le juste équilibre entre ces considérations. Ici, nous ne modifions pas fondamentalement l’équilibre au sein de la loi. En fait, nous ne faisons qu’apporter de petits rajustements périphériques, et nous avons donc réalisé une évaluation parce que nous tentons toujours de trouver ce juste équilibre, et c’est la raison pour laquelle nous en avons tenu compte lorsque nous avons rédigé ce changement. Lorsque nous apportons des changements techniques à la loi, nous ne réinventons pas nécessairement tout le cadre.

Le sénateur Woo : Je veux poursuivre sur la même lancée et vous demander dans quelle mesure ces modifications changent ou non la portée et le cadre de la loi actuelle. Je sais que le cadre actuel du CANAFE lui permet de communiquer de l’information à des entités étrangères lorsqu’il a conclu un protocole d’entente. Vous ajoutez maintenant le MDN et les Forces armées canadiennes dans les cas de menace à la sécurité nationale. Dans certains cas, cette information pourrait aussi être communiquée à des entités étrangères, lorsqu’il y a un protocole d’entente.

Ma question est donc la suivante : est-ce que les modifications changent de façon importante la portée et la taille des divulgations, les renseignements communiqués aux entités étrangères, ou parle-t-on simplement du même type de procédure de communication avec des entités étrangères en y ajoutant le MDN et les Forces armées canadiennes?

Mme Pezzack : Comprenez-moi bien, actuellement, la plupart des renseignements que nous communiquons sont transmis à des autorités compétentes canadiennes et non étrangères.

Le sénateur Woo : Oui.

Mme Pezzack : L’ajout des protocoles d’entente permettra au CANAFE de communiquer de l’information à des gouvernements étrangers.

Cependant, pour ce qui est de la façon dont nous communiquerions des renseignements liés à la sécurité nationale procéderait-on de façon fondamentalement différente s’il s’agit du MDN plutôt que du SCRS ou d’une autre autorité compétente? Non, nous ne croyons pas que ce soit le cas.

Le sénateur Woo : Non. Laissez-moi reposer la question. Actuellement, les renseignements qui sont fournis au SCRS, au CST, à la GRC et ainsi de suite… de temps en temps, cette information peut être communiquée à des entités étrangères si un protocole d’entente a été conclu. C’est exact?

Mme Pezzack : Le CANAFE peut partager le protocole d’entente. L’information n’est pas transmise directement.

Le sénateur Woo : Je vois.

Mme Pezzack : C’est peut-être là la source de confusion, et je n’ai peut-être pas été claire. Le CANAFE a conclu des protocoles d’entente qui lui permettent de communiquer de l’information à ses homologues, des services de renseignements étrangers dans d’autres pays qui font la même chose que le CANAFE fait, ici. Comme Dan l’a souligné, le CANAFE peut communiquer l’information, il n’est pas obligé de le faire.

Le sénateur Woo : Oui.

Mme Pezzack : Dans le contexte national, lorsque le CANAFE communique de l’information à des autorités compétentes, ici, comme nous l’avons dit, il y a deux critères stricts qu’il faut respecter. Dans ce cas, les mêmes types de critères seront appliqués ici comme ils le sont déjà lorsque des renseignements sont communiqués au pays.

Il n’est pas question de la façon dont ces autres organisations communiquent des renseignements à l’échelle internationale. On parle ici seulement de ce que fait le CANAFE et des exigences établies relativement à sa capacité de communiquer l’information.

Le sénateur Woo : Malgré l’ajout du MDN et des Forces armées canadiennes, la communication de l’information à des organismes étrangers continuera de passer par le CANAFE?

Mme Pezzack : Le CANAFE communiquerait l’information.

Le sénateur Woo : Lorsqu’il y a des protocoles d’entente?

Mme Pezzack : Oui, lorsqu’il y a des protocoles d’entente.

Le sénateur Woo : Le système reste essentiellement le même à part l’ajout de deux entités nationales pouvant recevoir de l’information?

Mme Pezzack : Oui.

Le sénateur Woo : Merci beaucoup.

La sénatrice Lankin : J’ai deux ou trois questions. Vous me direz si mon temps est écoulé. Si c’est le cas, je poursuivrai durant la deuxième série. Je voulais simplement vous avertir, monsieur le président.

Ma première question concerne le fait d’étoffer la liste des autorités compétentes. Je comprends le fonctionnement du CANAFE et sa relation avec le SCRS et les autres. Vous avez mentionné à un certain nombre d’occasions le fait d’accroître ce qu’il peut faire avec les organisations d’application de la loi, alors j’essaie de distinguer l’ajout des autorités compétentes. Si j’ai compris, vous ajoutez le MDN et les Forces armées canadiennes, et c’est tout.

Mme Pezzack : Oui.

La sénatrice Lankin : Il y a actuellement des exigences précises dans la loi qui ne concernent pas seulement le seuil et les définitions qu’il faut respecter, mais qui énoncent aussi dans quelles circonstances les renseignements peuvent être communiqués et quel type d’information peut l’être. Et là, on parle seulement des menaces pour la sécurité nationale en utilisant des mots de portée générale pour décrire ce qu’on ajoute: des renseignements qui sont liés à une menace envers la sécurité du Canada, puisqu’ils sont liés au ministère de la Défense nationale et aux Forces armées canadiennes. Ce n’est pas vraiment une définition et cela ne décrit pas vraiment la portée. Le seuil, je le comprends, et le seuil reste élevé. De quelle nature pourrait être l’information pertinente pour le MDN et les Forces armées canadiennes ou celle qui est liée à ces entités?

M. Lambert : La définition d’une menace envers la sécurité du Canada figure dans la Loi sur le SCRS. Il y a par exemple les activités influencées par l’étranger, l’espionnage et la violence pour des motifs politiques.

Donc le contexte des échanges est décrit, ici, mais en ce qui concerne le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. On parle donc précisément de ces entités: quand elles ont des forces à l’étranger, quand elles ont des membres, affectés ici, au Canada, si ces personnes font l’objet d’une certaine influence étrangère — l’espionnage est un autre exemple — et ainsi de suite. Nous pouvons communiquer de l’information, des renseignements financiers, si le seuil est respecté relativement au MDN et aux domaines dont il a la responsabilité, lorsque l’information le concerne précisément.

La sénatrice Lankin : Je pense à des cas connus où une personne au sein du MDN ou des forces armées a communiqué de l’information à des entités étrangères. N’auriez-vous pas pu informer le MDN ou les Forces armées canadiennes avant en leur fournissant des renseignements financiers pour qu’ils fassent un suivi? Est-ce qu’une telle communication aurait été interdite?

M. Lambert : Ce l’aurait été. Les exigences en matière de divulgation dont nous avons parlé tantôt sont définies dans la loi et décrivent ce que nous pouvons faire. Pour être honnête avec vous, si nous avions respecté nos critères dans cette situation, nous aurions divulgué l’information au Service canadien du renseignement de sécurité.

La sénatrice Lankin : D’accord.

Le président : Sénatrice Lankin?

La sénatrice Lankin : Je vais poser une dernière question dans cette série. Pouvez-vous rajouter mon nom à nouveau à la liste, s’il vous plaît?

L’un des enjeux qui m’intéressent toujours lorsqu’une information est communiquée au SCRS — et vous pouvez aussi communiquer de l’information aux organismes d’application de la loi —, c’est toute la question du renseignement et des éléments de preuve. Craignez-vous qu’il y ait quoi que ce soit dans l’élargissement de la liste des autorités compétentes auxquelles vous pouvez fournir de l’information qui a pour effet de commencer à brouiller les limites, ici? Parce que, dans le passé, comme vous l’avez dit, lorsque vous aviez des renseignements, vous les communiquez aux services de renseignement. Et là, on parle de branches du gouvernement plus actives, le MDN et les Forces canadiennes.

M. Lambert : Non, je ne crois pas qu’il y ait de changement fondamental. Je veux vous donner un exemple. L’un des principaux destinataires de renseignements financiers du CANAFE, c’est la GRC. Par conséquent, la GRC obtient ces renseignements. C’est à elle — en fonction de son enquête — d’obtenir un mandat afin d’obtenir la documentation et tout le reste pour réunir la preuve. Nous ne produisons pas d’élément de preuve, nous fournissons des renseignements. L’information que nous fournissons au Service canadien du renseignement de sécurité est similaire à ce que nous fournirons au MDN.

La sénatrice Lankin : C’est très utile. Merci.

Le sénateur McIntyre : J’ai deux brèves questions. L’une concerne le rôle ou la participation des intervenants, et l’autre, les fiducies non réglementées.

Est-ce que des intervenants vous ont communiqué des préoccupations liées à ces propositions ou les ont communiquées au cabinet du ministre? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous décrire ces préoccupations? Et qui sont ces intervenants?

Mme Pezzack : Les principaux intervenants, ici, ce sont les 31 000 entités déclarantes à l’échelle du Canada. Cela inclut les institutions financières, comme les banques et les coopératives de crédit. Cela inclut aussi quiconque participe à des transactions financières, on parle donc des agents immobiliers, des comptables et des entreprises de services monétaires. Nous n’avons eu vent d’aucune préoccupation des intervenants découlant de ces propositions législatives. En fait, ce que nous tentons de faire en précisant les définitions et le libellé, c’est de dissiper certaines de leurs préoccupations. La définition de « client », par exemple, est quelque chose que nous précisons parce qu’ils sont venus nous voir et nous ont dit: « Nous ne savons pas exactement de quelle façon appliquer cette notion. Parle-t-on de la personne qui se présente pour faire la transaction? Si quelqu’un vient faire un dépôt au nom de son entreprise, le client est-il la personne qui fait le dépôt ou l’entreprise qui l’a envoyé pour le faire? C’est l’une des choses que nous tentons de faire pour faciliter le travail des entités déclarantes.

Le sénateur McIntyre : J’ai remarqué une proposition pour ajouter les fiducies non réglementées à la liste des entités déclarantes au titre de la LRPCFAT. Voici ma question: quelle est la justification stratégique liée à la proposition d’un tel ajout, soit l’ajout des fiducies non réglementées qui sont constituées en personne morale ou créées au titre d’une loi provinciale afin qu’elles figurent sur la liste des entités déclarantes?

Mme Pezzack : Certaines fiducies sont constituées en personnes morales au titre d’une loi provinciale, sans pour autant être réglementées, et le libellé actuel de la loi, c’est que toutes les sociétés de fiducie réglementées doivent présenter des rapports au CANAFE. On ajouterait ainsi les fiducies qui ont été constituées en personne morale dans une province, mais qui ne sont pas réglementées par la province.

Le sénateur McIntyre : Si le projet de loi C-44 est adopté, de quelle façon le CANAFE déterminera-t-il lorsqu’une fiducie non réglementée a été constituée en personne morale ou formée dans une province?

M. Beaupré : La raison pour laquelle nous apportons cette précision, c’est qu’il y a un petit nombre de sociétés de fiducie qui possèdent un modèle opérationnel différent de la plupart des sociétés de fiducie réglementées par les provinces. Par conséquent, le projet de loi propose de nouvelles obligations pour de telles fiducies, y compris le fait d’avoir un lieu d’affaires au Canada où les directives du CANAFE pourraient être signifiées. C’est un exemple de situation où le CANAFE serait plus à même d’interagir avec ces sociétés de fiducie.

[Français]

La sénatrice Moncion : Vous avez mentionné à quelques reprises que le changement ne touchait pas nécessairement la Loi sur le blanchiment d’argent. Donc, le changement ne concerne pas l’accès à l’information personnelle et la divulgation des sommes. Le changement concerne plutôt les personnes qui pourront utiliser l’information. Si je comprends bien, vous ajoutez la Défense nationale et les Forces armées canadiennes et, à la base, tout ce qui se fait à l'heure actuelle au chapitre de la lutte au blanchiment d’argent ne change pas.

Mme Pezzack : Plus ou moins, oui.

La sénatrice Moncion : À l’heure actuelle, lorsqu’il y a des enquêtes, le commissaire à la protection de la vie privée n’est pas impliqué, car les activités qui font l'objet d'une enquête comportent un élément de doute quant à la légitimité des transactions. Ces activités ne sont pas visées par la Loi sur la protection des renseignements personnels et font l’objet d’enquêtes et de transferts d’information entre les nations.

M. Beaupré : J’aimerais apporter quelques précisions. Le CANAFE n’enquête pas sur de telles activités.

La sénatrice Moncion : Il reçoit de l’information.

M. Beaupré : Le CANAFE reçoit de l’information, développe du renseignement financier, mais ne fait pas d’enquêtes. Il analyse des renseignements.

Il faut comprendre que ces renseignements sont complexes et que, de ce fait, le CANAFE a du personnel spécialisé qui, dans les cas très complexes de blanchiment d’argent, analyse les renseignements et les transmet aux autorités compétentes afin qu’elles puissent lancer une enquête.

Vous avez mentionné le fait de passer outre la loi. Je précise que le CANAFE respecte toutes les lois en vigueur et qu’il ne passe pas par-dessus les lois. Tout se fait en fonction des dispositions législatives prévues.

La sénatrice Moncion : D’accord. Pour revenir à la question des renseignements personnels, ce que je disais, c’est que tout ce que font le CANAFE et le commissaire à la protection des renseignements personnels est conforme.Le changement que vous avez fait vise à déterminer qui a accès à cette information, soit la Défense nationale et les Forces armées canadiennes.

M. Beaupré : C’est le principal changement. Le rapport contient tout de même une vingtaine de pages, et d’autres changements sont apportés, mais le principal changement, c’est effectivement celui-là.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, nous allons procéder à une deuxième série, mais j’aimerais poser une question de suivi, si vous me le permettez. Comme nous le savons tous, le projet de loi C-51 a été adopté il y a un certain nombre d’années et fait l’objet d’un examen en ce moment même. Des modifications ou un tout nouveau projet de loi seront proposés très bientôt. Ce principe précis s’applique dans le projet de loi C-51; je voulais replacer les choses dans leur contexte.

Lorsque le comité sénatorial a examiné le projet de loi C-51, nous avons réalisé une étude approfondie du projet de loi. Tout au long de l’étude, la préoccupation concernait la protection des renseignements personnels des Canadiens et la question de la communication d’information sur les Canadiens à d’autres entités, et plus précisément des entités étrangères et les ramifications d’une telle communication.

Dans notre rapport, nous avons recommandé au gouvernement de définir des autorités législatives parmi les organismes responsables de la sécurité nationale afin de permettre la communication de renseignements opérationnels, de renvoi aux fins d’enquêtes, de réalisation d’enquêtes conjointes, de coordination et de préparation des rapports.

Je comprends le CANAFE. Au sens strict, le CANAFE réunit tous les renseignements, puis, sous réserve de certaines conditions, transfère l’information aux autorités. Ça, je le comprends.

Ma question est la suivante : est-ce que les autorités législatives réglementaires ont été établies pour que l’on puisse s’assurer que, parmi les 17 ministères — ou d’autres entités étrangères —, on bénéficie de tels accords et que l’information est transférée conformément à un certain accord prévu dans ces ententes? Cette structure est-elle en place?

Mme Pezzack : Je suis désolée, nous nous sommes consultés parce que je croyais que vous parliez de la LCISC, la Loi sur la communication de l’information ayant trait à la sécurité du Canada.

Au titre de la loi, le CANAFE est tellement limité en ce qui a trait à ce qu’il peut ou non communiquer, à qui il peut le faire et de quelle façon il doit procéder, que nous n’avons rien vu ici qui soit susceptible de modifier cet équilibre. La question plus générale de la communication des renseignements protégés a, selon moi, été abordée, mais si vous voulez…

Le président : Pardonnez-moi, je ne veux pas sombrer dans la polémique, mais l’exigence de mettre en place des autorités législatives afin que l’on comprenne bien de quelle façon l’information peut être transférée, qui l’a fait et dans quelles conditions on peut le faire… je suppose que cela s’appliquerait au CANAFE et à tout autre ministère — le même type de lignes directrices réglementaires —, afin qu’il n’y ait pas de malentendu.

Est-ce que je me trompe? Pouvez-vous, s’il vous plaît, le préciser pour le comité?

M. Lambert : Je vais vous donner un exemple. Si nous recevons des renseignements communiqués volontairement par la GRC relativement à une enquête qu’elle mène relativement au recyclage des produits de la criminalité, une personne sur laquelle elle enquête, nous prenons cette information et nous l’analysons pour voir s’il y a là des renseignements financiers que nous aurions dû recevoir au titre de la LRPCFAT d’une des 31 000 entités déclarantes. Si nous respectons les critères, nous pouvons communiquer l’information à la GRC. Cette information appartient à la Gendarmerie Royale du Canada lorsque nous la communiquons. Nous avons respecté nos critères. Nous avons respecté le seuil établi. Nous ne transférons pas de renseignements. Nous communiquons de façon licite, au titre de la loi et de toutes les lois en vigueur, l’information à la GRC. Elle peut utiliser l’information comme bon lui semble — conformément à sa propre législation habilitante — et elle peut faire ce qu’elle veut dans le cadre d’une enquête ou peu importe de quelle façon elle veut traiter l’information.

Le président : Vous n’avez toujours pas répondu à ma question quant à savoir si les autorités législatives ont été établies. C’est une question distincte, et vous ne connaissez pas la réponse.

La sénatrice Jaffer : Merci de vos réponses. Dès que je parle à des représentants d’institutions financières, ils me parlent toujours des coûts des différentes demandes venant du gouvernement. Avez-vous réalisé une analyse de ce que coûtera cette obligation supplémentaire pour les institutions financières?

Mme Pezzack : Eh bien, puisqu’ils ont déjà l’obligation de déclarer, on parle tout simplement ici de la façon dont le CANAFE traitera l’information qu’il reçoit déjà. Par conséquent, nous ne croyons pas que cela créera un fardeau supplémentaire. C’est quelque chose dont nous tenons vraiment compte. Nous savons nous aussi que les institutions financières ont toutes ces préoccupations.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Dans le cas d’une enquête criminelle interne de blanchiment d’argent, la loi permet à un corps policier, et ce, de façon assez claire, d’aller chercher de l’information auprès d’une institution financière. Cependant, dans le cas où le même corps policier demande la même information afin de la transférer à un tiers, à ce moment-là, la loi n’est pas nécessairement aussi claire.

Avez-vous consulté l’Association des banquiers canadiens pour savoir si elle livrerait cette information de façon très volontaire, sachant qu’elle n’est pas destinée à la GRC, par exemple, mais plutôt au FBI? Est-ce que l’Association des banquiers canadiens serait d’accord et tout à fait à l’aise avec cela?

[Traduction]

Mme Pezzack : Je crois que vous devriez probablement leur poser la question.

Dans la première situation, cependant, les institutions financières communiqueraient l’information au CANAFE, et le CANAFE ne l’ébruiterait pas, sauf, comme nous l’avons expliqué, si l’information respecte les deux critères et peut être communiquée à un tiers pays, à une autorité nationale compétente ou à une entité à l’échelle internationale avec laquelle il a conclu un protocole d’entente.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que l’Association des banquiers canadiens a été consultée? Le cas échéant, est-elle d’accord avec cette procédure?

[Traduction]

Mme Pezzack : Mais il n’y a rien, ici, qui modifie le processus.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que l’Association des banquiers canadiens a été consultée?

Mme Pezzack : Oui, mais cela ne change pas le processus de partage d'information avec le CANAFE.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : En ce qui a trait à ma première question, pourriez-vous déposer une liste des protocoles d’entente conclus avec des entités étrangères en ce qui concerne les Canadiens et les fiducies?

Mme Pezzack : Bien sûr.

La sénatrice Beyak : Merci.

Mme Pezzack : Je suis désolée, pour les fiducies? Les fiducies ne sont pas liées.

La sénatrice Beyak : Tout ce qui concerne les Canadiens, tous les protocoles d’entente conclus avec des entités étrangères qui peuvent recevoir des renseignements.

Mme Pezzack : Les protocoles d’entente que le CANAFE a conclus avec des services de renseignements étrangers dans d’autres pays, oui.

La sénatrice Beyak : Parfait. Merci.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Je tiens à formuler un commentaire ou à faire une suggestion pour l’avenir: en fait, je n’ai pas trouvé votre mémoire très utile pour nous aider à comprendre ce qu’on fait ici. Je crois que cela explique certaines des questions qui vous sont posées.

Nous avons parlé tantôt de l’élargissement de la liste des destinataires de divulgation à qui le CANAFE peut fournir de l’information — les deux nouveaux groupes, ici — lorsqu’il est question d’une menace à la sécurité et qu’on respecte le seuil très élevé et toutes les mêmes procédures que le commissaire à la protection de la vie privée a déjà vérifiées et approuvées.

Je ne vais pas parler des modifications techniques, parce que, en fait, je n’ai pas eu le temps de toutes les comprendre.

Les deux éléments consistent à permettre d’obtenir de meilleurs renseignements sur les propriétaires bénéficiaires des personnes morales. Lorsque j’examine et que je lis les changements proposés, je constate qu’on ne dit pas grand-chose à part autoriser le Centre à communiquer l’information liée aux propriétaires bénéficiaires. La communication de cette information était-elle interdite avant? L’objectif est-il de dire clairement qu’on peut le faire? Est-ce que cette situation soulevait un questionnement avant? Quel est le problème qu’on tente de régler?

M. Lambert : Le recyclage des produits de la criminalité est un enjeu très complexe lorsqu’il est question de l’acte lui-même de blanchiment. Je ne veux pas citer un récent rapport de la CBC, mais c’est probablement une très bonne indication de la façon dont l’argent transige dans le monde. Les fonds sont déplacés par l’intermédiaire de sociétés, d’entités, de fiducies sous différents aspects et tout le reste.

Le CANAFE recueille les renseignements que lui fournissent les 31 000 entités déclarantes. La Loi précise clairement en quoi consiste une information désignée et ce que nous pouvons fournir. Il y a seulement certains types d'information que nous pouvons fournir.

Ce qu’on fait ici, en ce qui a trait aux propriétaires bénéficiaires — et le point de vue, ici, c’est que la propriété bénéficiaire peut être utilisée en tant que composante du processus de recyclage des produits de la criminalité —, eh bien, lorsqu’il y a des renseignements élargis déjà recueillis par les 31 000 entités déclarantes — pas toutes ces entités, mais, disons, par les grandes banques et ainsi de suite — lorsque nous respectons nos critères, nous pouvons divulguer ces renseignements que les entités ont recueillis et qu’ils nous ont fournis aux organisations d’application de la loi dans le cadre de leurs enquêtes sur le recyclage des produits de la criminalité. Puisqu’on leur fournit plus de renseignements, ils peuvent réaliser plus efficacement leurs enquêtes sur les cas de recyclage des produits de la criminalité.

Actuellement, nous ne pouvons pas communiquer cette information, non.

La sénatrice Lankin : Merci. Par conséquent, vous ne pouvez pas actuellement communiquer cette information, mais vous la recevez des entités déclarantes?

M. Lambert : Nous recevons parfois cette information. Pas tout le temps, mais parfois, oui.

La sénatrice Lankin : Cela exigera des entités déclarantes de vous fournir cette information à l’avenir?

M. Lambert : D’après ce que j’ai compris, oui, lorsqu’elles possèdent de tels renseignements, elles devraient les fournir au CANAFE.

M. Beaupré : Pour ce qui est de l’obligation qu’ont les entités déclarantes de recueillir cette information, pour celles qui sont assujetties à cette obligation, elles doivent déjà le faire. La responsabilité du CANAFE de communiquer l’information aux destinataires des divulgations est de nature législative.

Une fois que les entités déclarantes ont l’information, elles ont une obligation réglementaire en fonction du type d’information qu’elles doivent fournir. C’est vraiment une question de formulaires, comme la présentation des divers formulaires.

La sénatrice Lankin : Voici où j’essaie d’en venir: vous avez répondu à une question tantôt et dit que tout cela ne constitue pas un fardeau pour les entités déclarantes. Je veux simplement savoir: maintenant que le droit, l’obligation ou je ne sais quoi du CANAFE de divulguer l’information aux autorités compétentes et, en vertu des protocoles d’entente, aux entités étrangères, sont maintenant clairs, les modifications entraînent-elles, pour les entités déclarantes qui n’ont pas actuellement à le faire, un fardeau supplémentaire au moment de recueillir ou de recueillir et de communiquer l’information au CANAFE?

M. Beaupré : L’obligation de recueillir l’information existe déjà. L’obligation de la déclarer est une obligation réglementaire. Actuellement, il n’y a aucune obligation prévue par règlement de fournir cette information au CANAFE, mais c’est quelque chose qu’on pourrait faire grâce à une modification de la réglementation. Dans le projet de loi, on fait en sorte que, lorsque le CANAFE a l’information, il pourra la communiquer aux organisations d’application de la loi ou aux autres entités déclarantes.

La sénatrice Lankin : Puis-je poser deux ou trois autres questions sur le même sujet?

Le président : Je crois que vous le devriez, sénatrice Lankin.

La sénatrice Lankin : Je voudrais être sûre de comprendre; ainsi, la réglementation qui oblige les entités déclarantes à communiquer de l’information sur les propriétaires bénéficiaires s’applique à certaines entités, mais pas à d’autres, et il serait possible, éventuellement, d’élargir cette obligation réglementaire?

M. Beaupré : Je vais apporter une clarification. Si le centre reçoit parfois de l’information sur les propriétaires bénéficiaires — ce sera un peu technique —, c’est que les entités déclarantes envoient à notre centre certains rapports où on trouve un champ d’information ouvert. C’est pour cette raison que le régime canadien fourmille littéralement de détails, et cela aide le CANAFE à faire un travail pertinent. C’est dans ce champ libre qu’une entité déclarante peut ajouter de l’information sur les propriétaires bénéficiaires. Les entités n’y sont pas obligées, mais, si elles estiment que si cela permet d’expliquer pourquoi une transaction est suspecte, elles vont transmettre cette information.

La sénatrice Lankin : C’est parfait. Nous commençons à avancer. Je vais pousser davantage.

M. Beaupré : Elles sont déjà tenues de recueillir ces renseignements. Parfois, lorsqu’elles estiment que ces renseignements étoffent leurs explications touchant le caractère suspect d’une transaction en particulier, elles vont les transmettre au CANAFE.

La sénatrice Lankin : Ce n’est donc pas le fruit du hasard; les entités déclarantes ont un motif d’agir ainsi. Quand il recevra à l’occasion ce genre d’information, le CANAFE pourra désormais communiquer les informations, sous réserve des critères, à deux autres autorités compétentes, si cela est pertinent et si cela est lié aux activités en question.

Vous pourrez à l’avenir obliger, par voie réglementaire, davantage de bénéficiaires à transmettre ces informations; pourtant, vous pouviez le faire dès maintenant et vous ne l’avez pas fait. Ce n’est pas l’objectif de notre comité. Si c’était le cas, la question serait soumise au comité parlementaire des réglementations, qui pourrait un jour étudier cette question, et le Parlement surveillerait la mise en œuvre ou l’application de ce pouvoir de réglementation, n’est-ce pas?

Mme Pezzack : Cela suivrait le processus de réglementation normal, c’est-à-dire que cela serait publié dans la Gazette et que le public pourrait formuler ses commentaires; après quoi, il faudrait passer par le processus d’approbation.

La sénatrice Lankin : D’accord. Et cela pourrait être fait dès maintenant. Pourquoi est-ce que cela se retrouve dans un projet de loi sur le budget?

Mme Pezzack : Cela relève du mandat et du pouvoir du ministre des Finances. C’est lui le responsable du régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes.

La sénatrice Lankin : Est-ce qu’il vous arrive de présenter des projets de loi de nature financière — je parle sous l’angle des politiques — qui ne sont pas intégrés à un projet de loi sur le budget?

Mme Pezzack : Cela arrive de temps à autre, oui.

Le président : Chers collègues, nous n’aurons bientôt plus de temps. J’aimerais revenir sur deux ou trois autres sujets, si vous me le permettez, et, si d’autres parmi vous veulent aussi revenir sur certains sujets, je crois qu’il nous reste quand même un peu de temps.

Madame Pezzack, vous avez parlé d’une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée qui a été faite à un moment donné. Je suppose qu’elle visait le CANAFE. Pourriez-vous nous dire en quoi cela a consisté? Est-ce que notre comité pourrait prendre connaissance des résultats?

Mme Pezzack : Je devrais me renseigner. Si j’ai bien compris, cette évaluation aurait été effectuée au moment où le projet de loi a été déposé, mais je devrais me renseigner pour le savoir.

Le président : Pourriez-vous nous transmettre un exemplaire de ce document?

Mme Pezzack : Oui.

Le président : Je crois que c’est très important.

L’autre sujet dont je voulais parler, parce que cela préoccupe énormément les Canadiens, c’est le fait que les renseignements les concernant font parfois l’objet, par méprise, d’un examen mené par le CANAFE, lorsqu’ils sont une partie ou une tierce partie dans certaines transactions dont ils ignorent tout, et pourtant leur nom et des renseignements les concernant se retrouvent visés par cet examen général. Quand on songe à ce qui s’est déjà passé, à WikiLeaks et aux divers types de renseignements que le gouvernement a reçus, des renseignements concernant la vie privée de ses citoyens, cette discussion s’impose. Pourquoi le gouvernement avait-il ces renseignements? Que fait-il avec ces renseignements?

Il serait tout aussi important de savoir à quel moment se prend la décision de caviarder ces renseignements? Autrement dit, au bout du compte, ces renseignements seront effacés.

Pouvez-vous me donner l’assurance que les renseignements que vous demandez — et je ne parle pas seulement du contexte canadien, je parle du contexte international —, que les renseignements concernant des Canadiens ne seront pas utilisés à des fins que les Canadiens jugent inacceptables? Quelles assurances pouvez-vous nous donner?

M. Lambert : En ce qui concerne, pour commencer, la communication d’information à d’autres autorités canadiennes, et tout le reste, nous prenons vraiment le temps de réfléchir comme il faut aux renseignements que nous allons communiquer à propos de personnes et d’entités. Nous ne communiquons aucune information si nous ne pouvons pas nous justifier. Cela arrive tous les jours. Nous ne communiquons que des renseignements vraiment précis qui ont une pertinence dans notre enquête sur le blanchiment d’argent, quand nous considérons qu’il s’agit d’un renseignement important. Cela ne va pas plus loin, et les voies de communication sont aussitôt refermées. Comme je l’ai dit, il faut chaque fois que cela soit autorisé par une personne responsable, moi, par exemple, et je suis assujetti à toutes les lois qui concernent l’autorisation de divulgation aux termes d’une loi.

En ce qui concerne nos échanges avec des entités étrangères avec lesquelles nous avons établi un protocole d’entente et avec des unités du renseignement financier du monde entier, dans le cas où nous faisons affaire avec l’unité du renseignement financier d’un autre pays, c’est parce que l’enquête sur le blanchiment d’argent nous a permis d’établir un lien direct entre des ressortissants d’un certain pays et des particuliers se trouvant peut-être au Canada. Donc, encore une fois, tout cela est très limité puisqu’il faut qu’il y ait un lien précis entre l’enquête et les renseignements qui sont communiqués. C’est toujours en fonction de cette relation. Cela ne va pas plus loin, et il n’y a pas de deuxième, troisième ou quatrième mises en cause, une personne qui n’est peut-être partie à l’affaire.

Tout cela est réfléchi, puisque nous devons avoir des motifs raisonnables de soupçonner, des motifs qui sont pertinents dans le cadre de notre enquête, surtout, encore une fois, avant de communiquer des renseignements. Nous n’avons pas à décider à quel moment nous communiquons ces renseignements à des entités de l’étranger. Encore une fois, nous avons le pouvoir de communiquer cette information, mais seulement lorsque cela est justifié.

Le président : Chers collègues, est-ce que quelqu’un a encore des questions à poser?

Nous vous remercions d’avoir pris le temps de comparaître devant nous. Encore une fois, merci.

Nous recevons maintenant, pour discuter de la section 12 du projet de loi C-44, Mme Faith McIntyre, directrice générale, Division de la politique et de la recherche, Politiques stratégiques et commémoration, Anciens Combattants Canada.

Madame McIntyre, nous vous souhaitons la bienvenue. Je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire à faire.

Faith McIntyre, directrice générale, Division de la politique et de la recherche, Politiques stratégiques et commémoration, Anciens Combattants Canada : Merci beaucoup. Monsieur le président, honorables membres, c’est un privilège certain, pour moi, de pouvoir m’adresser à vous aujourd’hui.

S’il y a une chose sur laquelle les Canadiens s’entendent, c’est qu’ils ont une dette de reconnaissance à l’égard des anciens combattants, pour les services qu’ils ont rendus. Ils ont contribué de manière désintéressée, et c’est pourquoi le gouvernement et la population du Canada doivent leur offrir le soutien dont ils ont besoin pour revenir à la vie civile. Et c’est pourquoi c’est un plaisir pour moi de pouvoir parler à votre comité de la section 12 de la Loi d’exécution du budget.

Le gouvernement du Canada s’est engagé à assurer la sécurité financière des anciens combattants. Le budget de 2016 prévoyait un investissement de 5,6 milliards de dollars pour offrir des avantages financiers supplémentaires aux anciens combattants et à leur famille. Entre autres initiatives, le gouvernement fera passer le plafond des indemnités d’invalidité à 360 000 $ en plus de rouvrir neuf bureaux et d’en ouvrir un tout nouveau.

On pourrait dire que les initiatives du budget de 2016 qui ciblaient les anciens combattants étaient un investissement dans la sécurité financière et l’amélioration du service; le budget de 2017 vise davantage le soutien à la transition de la vie militaire à la vie civile, l’amélioration du soutien aux familles et les investissements dans la santé mentale.

Nous sommes venus ici pour parler du projet de loi d’exécution du budget, qui comprend trois des huit initiatives concernant Anciens Combattants Canada prévues dans le budget, à savoir l’allocation pour les études et la formation à l’intention des vétérans, un programme des Services de transition de carrière qui a été repensé, la nouvelle allocation de reconnaissance des aidants naturels, ainsi qu’une modification du nom de la loi et des améliorations qui en simplifieront l’administration. Toutes ces initiatives seront en œuvre dès le 1er avril 2018 et coûteront au total, 624 millions de dollars, sur cinq ans.

Pour commencer, nous proposons de changer le nom de la loi, qui passerait de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes à Loi sur le bien-être des vétérans. Ce changement soulignerait le lien important avec notre objectif ultime, le bien-être des anciens combattants. Plus précisément, le bien-être, c’est plus qu’une question d’aide financière. Le résultat ultime qu’ACC vise à atteindre, c’est le bien-être des anciens combattants et de leur famille.

Nous savons que le bien-être comporte de multiples dimensions, et nous avons élaboré l’énoncé suivant pour le décrire: un ancien combattant satisfait et heureux, qui a un but dans la vie, dont la sécurité financière est assurée, qui a un logement sécuritaire, est en bonne santé physique et mentale, qui est très résilient face au changement, est intégré dans sa collectivité, conscient et fier de ce qu’il a accompli et qui est apprécié et reconnu.

Comme je l’ai dit plus tôt, trois initiatives prévues dans le budget de 2017 ont été intégrées dans le projet de loi d’exécution du budget. Actuellement, l’allocation pour relève d’un aidant familial verse une aide annuelle d’un peu plus de 7 000 $ aux anciens combattants, qui peuvent s’en servir pour donner un répit à leur aidant naturel. Cependant, les aidants naturels ont dit haut et fort qu’ils préféreraient que l’aide leur soit versée directement, en reconnaissance de leur travail.

Par conséquent, l’allocation pour relève d’un aidant familial sera remplacée par l’allocation de reconnaissance des aidants naturels, un versement de 1 000 $ non imposable qui sera versé chaque mois directement aux aidants naturels et sera indexé chaque année. Ce versement soulignera le rôle précieux que jouent les aidants naturels, qui soutiennent les anciens combattants gravement handicapés.

En plus de soutenir les familles et les aidants, nous aiderons davantage les anciens combattants qui reviennent à la vie civile après avoir servi dans les forces. Nous créons la prestation pour les études et la formation à l’intention des vétérans. La prestation couvrira les frais de scolarité et les autres coûts jusqu’à concurrence de 40 000 $ pour les anciens combattants qui comptent au moins 6 années de service et de 80 000 $ pour ceux qui comptent au moins 12 années de service. Un montant pouvant atteindre 5 000 $ pourrait servir à payer des cours de perfectionnement professionnel et personnel, par exemple les cours permettant d’obtenir un permis d’agent immobilier. Cette prestation est destinée à tous les anciens combattants libérés honorablement le 1er avril 2006 ou après cette date.

Depuis sept ans, Anciens Combattants Canada mène une Étude sur la vie après le service militaire pour mieux comprendre les besoins des soldats qui retournent à la vie civile. Cette étude a révélé que 27 p. 100 des anciens combattants ont de la difficulté à s’adapter de nouveau à la vie civile et que la majorité d’entre eux, 60 p. 100, n’avaient pas été libérés pour des raisons médicales.

Le soutien aux études et au perfectionnement professionnel nous permettra de nous assurer qu’un nombre accru de militaires libérés trouvent un nouveau sens à leur vie et utilisent leurs compétences pour réussir leur retour à la vie civile.

[Français]

Nous remanions les Services de transition de carrière que nous offrons afin qu’un plus grand nombre de personnes puissent les utiliser, y compris les membres actuels des Forces armées canadiennes, les survivants, les époux et les conjoints de fait des anciens combattants. Les services fournis, tels que l’information sur le marché du travail, l’orientation professionnelle et l’aide à la recherche d’emploi, seront offerts en fonction des besoins. Les prestataires de services auront accès à l’aide à la recherche d’emploi et au counseling pour travailler avec les anciens combattants et les employeurs afin d’assurer leur réussite. Les anciens combattants seront accompagnés de conseillers qui comprennent la vie et la culture militaire.

Le programme remanié vise à s’harmoniser avec l’allocation pour études et formation destinée aux anciens combattants. Par exemple, lorsqu’une personne mettra fin à sa carrière militaire, elle pourra obtenir des services d’orientation professionnelle au moyen de ce programme, améliorer ses compétences et sa scolarité au moyen de l’allocation pour études et formation, et retourner aux Services de transition de carrière afin d’obtenir une aide à la recherche d’emploi. Le but du programme est de faciliter une transition plus harmonieuse entre la vie militaire et la vie civile.

[Traduction]

Nous allons également ajouter des mesures pour rationaliser la prestation des programmes. Le projet de loi prévoit un système de traitement des demandes plus simple, qui permettra au ministère de traiter les demandes de prestations plus rapidement et de prendre des décisions lorsque les renseignements nécessaires se trouvent déjà dans ses dossiers. Ce changement est intégré au projet de loi en tant que disposition générale et s’appliquera en conséquence à tous les programmes.

J’aimerais aussi m’arrêter brièvement sur quelques-uns des investissements prévus au budget qui n’ont pas été inclus dans le projet de loi d’exécution du budget. Il faut voir tout cela comme un ensemble de mesures, je le répète, visant à soutenir le bien-être des anciens combattants et de leur famille.

Nous savons que la transition entre la vie militaire et la vie civile peut être compliquée pour certains anciens combattants et les membres de leur famille, et c’est pourquoi, pour faire suite au projet pilote lancé en 2015, nous allons élargir l’accès au Programme de soutien aux familles des militaires, qui sera offert dans les 32 centres de ressources pour les familles des militaires; ce programme s’adresse à tous les anciens combattants libérés pour des raisons médicales ainsi qu’aux membres de leur famille. Ce programme comprend entre autres une ligne téléphonique d’information pour les familles et un site web pour les familles.

Pour aider encore davantage les familles, nous allons supprimer le délai maximal d’un an imposé aux époux et aux survivants admissibles qui désirent présenter une demande au titre du Programme des services de réadaptation et d’assistance professionnelle. Ils pourront présenter leur demande quand ils le désirent, c’est-à-dire quand ils sont prêts à retourner au travail.

[Français]

Dans une volonté de faire preuve de plus de souplesse et de capacité d’adaptation et d’innovation, nous lancerons trois nouvelles initiatives dans l’année à venir.

Premièrement, nous créerons un nouveau centre d’excellence sur le trouble de stress post-traumatique et les états de santé mentale connexes. Prenant comme modèle les centres d’excellence aux États-Unis et en Australie, le centre créera et diffusera des connaissances, des lignes directrices de pratique clinique et des résultats de traitement. Cette information contribuera au traitement des anciens combattants qui ont des troubles de santé mentale et profitera aussi aux premiers intervenants et aux autres Canadiens touchés par des traumatismes.

Deuxièmement, afin de promouvoir et d'appuyer l’action communautaire, nous mettrons sur pied un Fonds pour le bien-être des vétérans et de leur famille pour financer des projets qui visent à renforcer les connaissances sur les enjeux qui touchent les anciens combattants et à élaborer les services qui permettront de répondre à ces besoins. Le budget annuel sera de 3 millions de dollars.

Enfin, bien que la gamme d’allocations et de services offerts aux anciens combattants soit vaste, il y a toujours des situations uniques qui surgissent et que le gouvernement ne peut pas prévoir. À ce titre, nous mettrons sur pied un fonds d’urgence qui nous donnera la souplesse nécessaire pour intervenir dans les situations urgentes lorsque le bien-être des anciens combattants et de leur famille est à risque.

[Traduction]

Pour terminer, les mesures prévues dans le budget 2017 contribueront grandement à soutenir les anciens combattants et leur famille lorsqu’ils quittent la vie militaire pour reprendre la vie civile. Toutefois, le travail n’est pas encore terminé. Des mesures supplémentaires seront annoncées cet automne; conformément à son mandat, le ministre prendra une décision touchant le versement d’une pension à vie. Le ministère est déterminé à poursuivre ses recherches et ses travaux afin de comprendre les besoins des anciens combattants et de leur famille, et veut y répondre de façon utile. C’est le moins que l’on puisse faire pour les femmes et les hommes courageux qui servent notre pays.

Encore une fois, je vous remercie de m’avoir invitée à m’adresser à vous aujourd’hui. Je répondrai avec grand plaisir à toutes vos questions.

Le président : Merci beaucoup; nous commençons par la sénatrice Jaffer.

La sénatrice Jaffer : Merci, madame McIntyre. Vous êtes bien aimable, comme toujours, de venir nous présenter un exposé à si bref préavis; nous apprécions le travail que vous et vos collègues faites pour les anciens combattants et pour le Canada.

D’abord, j’ai une question de clarification. On discute toujours de la question de savoir s’il est préférable de verser le montant en une seule fois ou par mensualités. Est-ce que cette mesure a été mise en œuvre? Savez-vous de quoi je parle?

Mme McIntyre : Je comprends la question, oui, merci beaucoup.

Nous versons actuellement une indemnité d’invalidité, en reconnaissance de la douleur et de la souffrance. Le budget de 2016 a fait passer le montant maximal versé en cas d’invalidité totale à 360 000 $. Les bénéficiaires peuvent demander que le montant soit réparti en versements annuels. Mais il s’agit en fait d’un montant forfaitaire.

Ce dont je parlais, à la fin — c’est tiré du texte du budget de 2017 —, c’est qu’il reste certainement des éléments à ajouter pour compléter la trousse des programmes de sécurité financière destinés aux anciens combattants. Je crois que vous vouliez parler d’un de ces éléments, c’est-à-dire la pension à vie que reçoivent les anciens combattants, sous forme de versements mensuels, et nous sommes engagés dans des consultations avec les intervenants concernés, car nous voulons pouvoir présenter nos propositions au gouvernement cet automne.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup. Nous avons bien hâte que vous nous en disiez plus à ce sujet. Votre exposé était très complet. Ma première question concerne les anciens combattants libérés pour des raisons médicales. Auront-ils droit à la prestation pour les études et la formation que vous allez offrir?

Mme McIntyre : Encore une fois, merci beaucoup. Je dois dire que c’est vraiment une question d’actualité. Nous offrons déjà le Programme de services de réadaptation et d’assistance professionnelle, qui s’adresse principalement aux soldats libérés pour des raisons médicales. Ce programme prévoit bien sûr un volet éducatif.

Après avoir terminé ce programme, les participants pourront demander à recevoir la prestation pour les études et la formation à l’intention des vétérans. Les anciens combattants admissibles sont ceux qui ne participent plus ou qui ne sont plus admissibles au programme de réadaptation et d’assistance professionnelle; ils pourront ainsi, eux aussi, avoir accès à du soutien pour leurs études et leur formation.

Nous aimons utiliser l’exemple de l’ancien combattant qui voudrait suivre un programme de baccalauréat en profitant des services de réadaptation professionnelle. Cet ancien combattant a été libéré pour des raisons médicales, et il est donc admissible à ce programme; il peut aussi demander une prestation de 40 000 ou de 80 000 $, montant qui sera établi en fonction de ses années de service, pour poursuivre ses études et faire une maîtrise en administration des affaires.

La sénatrice Jaffer : Il n’a pas accès à ces deux programmes en même temps?

Mme McIntyre : Il ne peut pas utiliser les deux programmes en même temps, vous avez raison.

La sénatrice Jaffer : Je vais poser une question épineuse, mais des soldats sont exclus pour cause d’indignité pour toutes sortes de raisons, et j’ai bien compris vos commentaires; je comprends que ces programmes s’adressent uniquement aux personnes qui ont obtenu une libération honorable. Comment justifiez-vous cela?

Mme McIntyre : Nous avons bien sûr longuement réfléchi à cette question, vous pouvez certainement l’imaginer, sous l’angle des politiques, au moment d’élaborer ces éléments. Mais je dois vous dire que la définition proprement dite sera inscrite dans le Règlement, dont nous sommes en train d’ébaucher une version qui sera présentée au Secrétariat du Conseil du Trésor.

Nous avons réfléchi bien sûr au fait que les bénéficiaires aient réussi à obtenir une libération honorable, et nous nous appuyons pour dire cela, si vous voulez, sur le principe sur lequel s’appuient les Forces armées canadiennes elles-mêmes. Nous cherchons encore la meilleure définition à proposer. Nous allons fort probablement nous inspirer de ce qui existe déjà.

Toutefois, cela étant dit, nous essayons de prévoir des cas d’exception dans lesquels le ministre pourrait intervenir, si tant est que de tels cas soient possibles.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : À titre de membre du Sous-comité sur les anciens combattants, je constate votre volonté de donner suite à la nécessité d’adapter, d’améliorer et de renforcer les services. Je tiens absolument à le souligner.

L’allocation mensuelle pour les aidants sera non imposable; quant à l’allocation pour études, sera-t-elle imposable?

Mme McIntyre : Oui, l’allocation pour les études sera imposable.

La sénatrice Saint-Germain : Selon quels critères avez-vous déterminé la somme de 40 000 $ qui sera accordée aux gens qui sont libérés honorablement après 6 ans, et 80 000 $ après 12 ans?

Mme McIntyre : Je vous remercie de la question. Deux volets ont été évalués pour établir les montants alloués et les années de service. Premièrement, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les Forces armées canadiennes pour déterminer ces critères. Nous voulions éviter que notre démarche leur nuise. C’était un principe tout de même assez important. Nous voulions les aider en ce qui a trait au recrutement. Après plus ou moins six ans de service, les membres ont tendance à prendre des décisions importantes. C’est ce que les Forces armées nous ont rapporté. C’est donc un bon moment pour utiliser un incitatif afin de les garder plus longtemps. C’est ainsi que nous avons déterminé nos critères.

Quant aux sommes, un baccalauréat coûte environ 20 000 $ par année. Cela inclut les frais de scolarité, les fournitures scolaires et même l'hébergement. Nous avons tenu compte de la grande disparité des frais de scolarité au sein de notre vaste pays, ainsi que du nombre d’années de service.

La sénatrice Saint-Germain : Vous avez parlé de mesures additionnelles qui ne figurent pas dans le budget. Toutefois, j’en vois au moins deux qui ont une incidence budgétaire. La première vise à appuyer l’action communautaire, soit le Fonds pour le bien-être des vétérans au montant de 3 millions de dollars, et le fonds d’urgence.

Le fonds de 3 millions de dollars est-il financé par le ministère? D’où provient l’argent? Pourquoi le fonds d’urgence n’est-il pas inclus dans le budget? Il s’agit du fonds consolidé?

Mme McIntyre : Oui.

La sénatrice Saint-Germain : Comment expliquez-vous qu’il ne soit pas prévu dans la loi budgétaire, alors qu’il y a une incidence financière?

Mme McIntyre : Merci de la question. Ces deux fonds ont été annoncés, à titre de financement, par le gouvernement, dans le budget de 2017. Comme il n’y a pas de changement à la loi ou aux règlements, ils ne sont pas inclus dans les modifications à la loi que vous avez devant vous. Cependant, l’autorité financière a été émise par le truchement de l’annonce budgétaire faite par le gouvernement au mois de mars.

La sénatrice Saint-Germain : Vous confirmez la conformité de cette façon de faire quant aux règles budgétaires,

Mme McIntyre : Exactement.

Le sénateur Boisvenu : Madame McIntyre, je soupçonne, de par votre accent, que vous êtes du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse ou de l’Île-du-Prince-Édouard; bref, vous êtes Acadienne.Bienvenue et merci.

La plus petite des mesures va favoriser nos anciens combattants, et je crois qu'il s'agit d'une obligation que le Canada a à leur égard.

J’ai une série de petites questions. Les demandes actuelles correspondent-elles à celles qu'expriment les anciens combattants depuis plusieurs années?

Mme McIntyre : Tout d'abord, je dois dire que l’allocation pour études figurait dans le mandat du ministre des Anciens Combattants. Elle fait donc partie de son mandat. La réponse à votre question est oui.L’allocation pour études existe depuis longtemps aux États-Unis sous l’appellation « USGI Bill », et il y en a plusieurs versions. Nos anciens combattants, voyant cela, s'y intéressaient vivement.

D’autre part, nous n’avions pas de programme pour les membres des forces qui se retiraient lorsqu'ils étaient encore en santé. C’est le premier programme du genre au Canada. Ce programme est très important à tous les points de vue, y compris en matière de transition à la vie civile. Les chiffres que je vous ai fournis en témoignent à titre de statistiques.

En ce qui concerne l’allocation pour les aidants, nous en avons fait l’essai dans le budget de 2015, avec le programme actuel de 7 000 $ par année qui est payé directement aux anciens combattants. Or, on a entendu beaucoup de commentaires selon lesquels ce n’était pas la bonne façon de procéder, car les aidants voulaient être reconnus. Le changement a donc été apporté. Désormais, un montant mensuel sera versé directement à l’aidant.

Ensuite, il y a eu un remaniement des services de transition de carrière. Ce programme existe. Il s’agit d’un montant maximum de 1 000 $ remboursable. Les anciens combattants qui obtiennent de l’aide pour rédiger leur curriculum vitae doivent présenter leur facture et, par la suite, nous les rembourserons. Toutefois, cette mesure ne répond pas à la demande et peu de personnes y ont accès. On constate encore beaucoup de défis avec la transition. On a donc voulu remanier complètement le programme pour pouvoir offrir, par l'intermédiaire d'un sous-traitant, le service de transition à travers le pays. La réponse à votre question est donc oui.

Le sénateur Boisvenu : Les sommes de 40 000 $ et de 80 000 $, je suppose, représentent les sommes maximums. Le montant doit correspondre aux frais réels. Si, par exemple, au Québec, il en coûte 20 000 $, ce sera 20 000 $ qui sera remboursé et non 40 000 $. Si, en Colombie-Britannique il en coûte 40 000 $, étant donné que les frais de scolarité sont plus élevés, ce sera 40 000 $ qui sera remboursé. Il ne s’agit pas d’une allocation fixe de 40 000 $. Il faut que la somme corresponde aux frais réels jusqu’à un montant maximum.

Mme McIntyre : Pas exactement. Vous posez une très bonne question. Plusieurs modèles existent. Quant aux règlements, nous sommes en train de déterminer comment le programme sera développé. On ne demandera pas de facture ou de chiffres. Bien sûr, nous allons travailler avec l’ancien combattant pour déterminer s’il participera à un programme. Le candidat devra être accepté par l’université, le collège ou l’école technique visé. Le montant doit inclure, au-delà des frais de scolarité et de l’achat des livres, les frais de subsistance. Il est possible, par exemple, que les anciens combattants ne soient pas en mesure de travailler s’ils étudient à temps plein. Le montant fixe est de 40 000 $, dans le cas où ils ont six ans de service. Cette somme ne sera pas remboursable sur présentation de factures.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que cela signifie que l'ancien combattant pourrait bénéficier à la fois de cette allocation et d’un programme de bourses d'études? Certaines provinces ont des programmes de bourses très généreux. Peut-il s’agir d’une combinaison des deux? S’il est admissible à une bourse, réduit-on le montant de 40 000 $?

Mme McIntyre : Voilà une autre question importante. C’est là où nous en sommes. Pour l’instant, je dirais qu’on n’a pas l’intention de diminuer le montant. On travaille de près avec les autres ministères qui versent de l’argent aux anciens combattants. Toutefois, la réponse est non, ce n’est pas du tout l’intention de l’allocation.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que cette mesure ou l’ensemble des mesures que vous nous présentez aujourd’hui s'appliquent de façon rétroactive? Les anciens combattants qui se sont retirés des Forces armées il y a quelques années peuvent-ils bénéficier de ces mesures?

Mme McIntyre : Oui. Le projet de loi que vous examinez aujourd’hui prévoit que l’allocation pour études s'applique à partir du 1er avril 2006, moment où la nouvelle Charte est entrée en vigueur. Les anciens combattants ont 10 ans, à partir de la date de mise en œuvre du 1er avril 2018, pour faire une demande d’accès au programme.

Quant au programme en faveur des aidants, la date visée est le 1er avril 2018 pour les années à venir, car le programme existe déjà. Pour les services de transition de carrière, on peut retourner jusqu’à 2006.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Merci, madame McIntyre, de votre exposé. « McIntyre » est un bon nom écossais, c’est évident.

Cela dit, si j’ai bien suivi votre exposé, la section 12 du projet de loi C-44 prévoit apporter d’importants changements en créant des services de soutien pour la transition de carrière, la création d’une prestation pour les études et la formation et la création d’une allocation de reconnaissance des aidants naturels.

Ma question porte sur les services de transition de carrière et sur les liens entre ces services et le Règlement. Autrement dit, est-ce que le Règlement continuerait de stipuler que les anciens combattants ont droit à un montant maximal de 1 000 $ pour les services de transition professionnelle, même si la plupart des autres volets de ce programme, qui étaient autrefois prévus dans le Règlement, seront désormais intégrés à ce projet de loi?

Mme McIntyre : Merci beaucoup de poser la question.

Il s’agit là en effet d’une des raisons pour lesquelles nous avons repensé le programme, et le Règlement sera bien sûr modifié. Nous avons constaté, d’abord et avant tout, qu’un montant de 1 000 $ n’était pas suffisant. Il ne s’agissait que d’un programme de remboursement. Il n’était pas non plus très populaire. Il n’offrait pas vraiment ce que nous voulions en matière de transition, d’objectifs et de résultats. Nous allons collaborer avec un fournisseur national — ou des fournisseurs, puisque nous ne savons pas exactement quel marché sera conclu — de façon à pouvoir assurer des services uniformes et bilingues dans toutes les régions du pays, sans limites monétaires. Ce programme-ci s’applique également aux survivants et aux conjoints de fait, qui n’auront pas à présenter de reçus. Ils feront affaire directement avec le fournisseur.

Le sénateur McIntyre : Pensez-vous qu’il pourrait y avoir un chevauchement entre les programmes d’Anciens Combattants Canada et ceux du ministère de la Défense nationale? Le cas échéant, quelles mesures faudrait-il prendre pour l’empêcher?

Mme McIntyre : Merci beaucoup de poser la question. Je crois que la plupart d’entre vous savent que nous nous efforçons d’assurer une transition sans hiatus, que nous faisons tout pour nous assurer qu’il n’y aura aucun chevauchement et que la transition, pour les personnes qui quittent les forces, se fera en douceur et en souplesse.

Nous avons collaboré très étroitement avec les Forces armées canadiennes.

Le programme a donc été repensé et il offrira différents points d’accès. Les personnes qui servent toujours peuvent, évidemment, s’adresser à leurs propres officiers des services au personnel et travailler avec eux. Mais cela concerne surtout les personnes qui continuent à servir dans l’armée et qui en gravissent les échelons; cela concerne moins les gens qui s’informent sur la vie civile pour le moment où ils seront prêts à y retourner.

Mais, peu importe ce qu’ils recherchent, ces gens pourront obtenir certains services en ligne, par exemple de l’information sur le marché du travail. Ces services pourraient les aider à choisir un lieu de résidence pour le moment où ils seront libérés. Lorsqu’ils s’approcheront de leur libération, ils auront accès à des services un peu plus nombreux, puis, en fin de compte, ils pourront accéder aux services d’encadrement, de counseling et d’aide à la recherche d’emploi. Nous ne voulons certainement pas qu’il y ait des chevauchements. Nous avons collaboré très étroitement avec les Forces armées canadiennes au moment de concevoir et de revoir ce programme, monsieur McIntyre, et nous sommes convaincus qu’il n’y aura pas de chevauchement. Cela est dû en partie, comme je l’ai dit, au travail constant que nous faisons avec les Forces armées canadiennes en ce qui concerne la transition.

Le sénateur McIntyre : Merci.

La sénatrice Lankin : J’aimerais faire un commentaire général, puis je poserai une question précise touchant l’allocation pour relève d’un aidant naturel. De manière générale, je suis tout à fait en faveur de mesures comme celle-là. Je crois que c’est un gigantesque pas en avant. C’est un investissement important, et je suis ravie que ce soit inscrit dans le budget.

J’aimerais souligner que certaines dispositions qui figurent dans le Règlement figurent également dans le projet de loi et que d’autres dispositions seront intégrées au Règlement. J’aimerais tout simplement vous présenter une idée, à laquelle le Sous-comité des affaires des anciens combattants aura peut-être avantage un jour à réfléchir au moment d’élaborer le Règlement. On permet ici au ministre d’évaluer la nécessité d’une transition professionnelle, et il y a aussi des dispositions qui lui permettent de suspendre des paiements, mais on ne peut pas savoir clairement comment cela fonctionnera. Je suis convaincue que vous mettrez tous les éléments en place avec les meilleures intentions qui soient pour favoriser le bien-être des anciens combattants. Je crois qu’il vaudrait la peine de bien examiner tout cela, afin de comprendre comment tout cela fonctionnera.

Ma question concerne l’allocation de reconnaissance des aidants naturels. Je crois savoir que vous avez tenu de nombreuses consultations. Je sais que les aidants familiaux vous ont dit très clairement qu’ils voulaient que cette allocation leur soit versée directement. Il me semble que cela va à contre-courant de ce qui se fait depuis un certain nombre d’années dans d’autres programmes qui ont trait à la santé, à l’autonomie d’une personne et aux soutiens auxquels les bénéficiaires ont eux-mêmes accès.

Prenons l’exemple d’une personne handicapée qui aurait besoin de soins pendant de nombreuses années. Un contrat est signé, et l’argent est versé directement au fournisseur de soins. Il ne s’agit pas nécessairement d’un membre de la famille; il peut s’agir d’un employé d’une agence, peu importe. Mais les bénéficiaires réclament eux-mêmes que cet argent leur soit versé directement, de façon qu’ils puissent, conformément à certaines normes, choisir eux-mêmes leur fournisseur de soins, en fonction de ce qui leur convient, plutôt que de se les voir imposer.

Cela me préoccupe, car, même si les aidants familiaux sont pour la plupart des gens merveilleux, il arrive des cas où des gens à risque sont vulnérables face aux personnes qui leur fournissent des soins, même s’il s’agit d’un membre de leur propre famille. Mais comme le fournisseur de soins et l’ancien combattant ont l’obligation de signaler une rupture du contrat, cela pourrait donner lieu à certains cas d’abus. Je suis assez préoccupée par cette possibilité. Je suis assez préoccupée de l’image que cela donne des anciens combattants eux-mêmes, de leur autonomie et de leur capacité de choisir les programmes de relève. Il s’agit ici d’offrir du répit à l’aidant familial, et l’ancien combattant devra pouvoir disposer de cet argent afin d’embaucher quelqu’un qui viendra prendre soin de lui lorsque l’aidant familial profite de son répit. Pourriez-vous réagir à cette préoccupation?

Mme McIntyre : Oui, certainement, merci beaucoup. En ce qui concerne votre premier point, nous sommes tout à fait disposés à nous occuper comme il le faut de ce qui figurera dans le Règlement et à vous laisser, vous et vos collègues, décider de la meilleure façon de faire tout cela.

Et, je le confirme, notre objectif est clair, c’est le bien-être des anciens combattants, et nous voulons être certains que ce que nous allons inclure dans le Règlement nous donne la marge de manœuvre nécessaire; c’est d’ailleurs pourquoi nous inscrivons ces dispositions dans le Règlement plutôt que dans la loi, voire même dans la politique: pour disposer au besoin d’une marge de manœuvre encore plus grande. C’est le processus que nous sommes actuellement en train d’examiner.

En ce qui concerne l’allocation pour relève d’un aidant familial, nous avons bien écouté les points que vous avez soulevés, qui sont tout à fait pertinents. Je crois que ce que nous voulions, c’est d’être en mesure de reconnaître le travail des aidants, et Anciens Combattants Canada n’a jamais pris de mesures, ni financières ni autres, pour reconnaître ce travail, et c’est une critique que nous avons reçue. C’est pourquoi nous voulions modifier cette allocation.

Le ministre pourra, s’il entretient quelque préoccupation que ce soit, mener une enquête plus poussée si l’on soupçonne qu’il y a abus, et il pourra suspendre les paiements. Le fonctionnaire qui exerce les pouvoirs délégués pourra faire la même chose. Nous voulons nous assurer que des mesures de protection sont en place et que tout se fera de manière appropriée.

En ce qui concerne la mesure de répit, il existe, c’est certain, d’autres programmes ou prestations de traitement qui permettent eux aussi à un ancien combattant d’obtenir de l’aide pour accorder un répit à un aidant, et nous estimons que c’est en vue de rendre le transfert possible. Souvent, comme vous le savez, les conjoints ne peuvent pas travailler à temps plein, ou même conserver leur emploi, tout dépend de la situation, pour prodiguer des soins à leur époux, un ancien combattant blessé ou malade.

Et cette mesure vise en réalité à mobiliser les conjoints et à leur accorder cette reconnaissance; toutefois, les points que vous avez soulevés sont très pertinents, je les ai pris en note, et nous allons en tenir compte pendant que nous travaillerons sur le Règlement et la politique et, aussi, lorsque nous élaborerons d’autres politiques. Merci.

La sénatrice Lankin : Il me semble plutôt que cette reconnaissance s’accompagne d’une rémunération minime, que cette reconnaissance n’est pas à la hauteur du montant de l’allocation pour relève d’un aidant naturel. Il n’y a rien ici, pas dans ce que j’ai lu, du moins, qui concerne le répit. On remplace le montant d’une certaine allocation que les anciens combattants pouvaient utiliser comme bon leur semblait pour retenir les services d’une personne qu’ils pouvaient choisir lorsque l’aidant familial avait besoin d’un répit.

Mme McIntyre : Oui.

La sénatrice Lankin : Je me demandais donc, en fait, si cette nouvelle allocation devrait remplacer l’autre, plutôt que s’ajouter à cette dernière, mais j’ai déjà dit ce que je pensais.

J’ai un petit commentaire à faire. Oui, le Règlement vous donnera une plus grande marge de manœuvre, et la politique encore davantage, pour prendre des mesures en fonction de ce que vous découvrirez, mais chacune de ces dispositions rogne sur les droits des anciens combattants, qui veulent savoir exactement ce qui leur est offert afin de pouvoir réclamer leur dû. Il faut en arriver à un équilibre, et je crois que c’est un des aspects sur lesquels tout le milieu devrait se pencher.

Mme McIntyre : C’est entendu.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup de votre exposé, il était sincère. J’ai siégé pendant de nombreuses années au Sous-comité des anciens combattants, et j’apprécie votre collaboration, les suggestions du gouvernement précédent et du gouvernement actuel, de toutes les parties, de tous les intervenants. Notre comité sénatorial demande depuis quelque temps que l’on adopte, quand il est question de l’armée, c’est-à-dire l’approvisionnement, l’équipement, les anciens combattants, tout cela, une approche neutre, et tout cela est très gratifiant, c’est pourquoi je vous remercie.

Ma question est la suivante : est-ce que les intervenants vous ont parlé d’aspects dont il n’a pas été question ici? J’aimerais aussi, si vous le pouviez, que vous les présentiez.

Mme McIntyre : Oui. Merci beaucoup de vos commentaires. Comme je l’ai dit, nous y travaillons encore. Le travail n’est pas terminé. Cela peut sembler évident, mais l’engagement prévu dans notre mandat — il avait été évoqué dans la toute première question qu’on m’a posée au sujet de la pension à vie — est toujours au premier rang sur la liste des préoccupations et des commentaires que les intervenants nous soumettent. Je peux dire sans craindre de me tromper que tout ce que nous proposons, dans le projet de loi d’exécution du budget, a été bien reçu. Toutefois, ce qui manque, c’est un élément qui figurait en toutes lettres dans l’engagement prévu dans le mandat de notre ministre.

Je pense moi aussi que nous devons, à mesure que nous progressons et que nous examinons comme il convient l’accent mis sur le bien-être et toutes les facettes de l’approche en matière de bien-être, sous l’angle des politiques, demander aux intervenants de participer davantage à la conversation.

Le président : J’aimerais poursuivre, si vous me le permettez, madame McIntyre, pour parler de la prestation pour les études et la formation des anciens combattants, qui couvre les droits de scolarité jusqu’à concurrence de 40 000 $ pour ceux qui ont servi pendant 6 ans et de 80 000 $ pour ceux qui ont servi pendant 12 ans.

Vous pourriez peut-être nous dire, pour que cela figure au compte rendu, quelles mesures sont actuellement offertes aux anciens combattants, parallèlement à la prestation pour les études et la formation, par rapport à ce que nous recommandons ici?

Mme McIntyre : Bien sûr, certainement, monsieur le président.

Le président : Veuillez aussi préciser les montants.

Mme McIntyre : Certainement. À l’heure actuelle, nous offrons le Programme des services de réadaptation et d’assistance professionnelle, qui donne droit à un montant maximal de 75 800 $, je crois. Cette somme ne peut servir qu’à couvrir les dépenses réellement engagées dans le cadre d’un programme de formation et de réadaptation. Le programme s’adresse aux anciens combattants libérés pour une raison médicale, à savoir, le plus souvent, pour une invalidité liée au service.

Mais le programme est également offert aux anciens combattants qui n’ont pas été blessés dans le cadre de leur service, mais ils ont 120 jours pour s’en prévaloir. Ils ont un certain délai pour présenter leur demande. Encore une fois, l’admissibilité est principalement fondée sur la libération du service pour raisons médicales. Les bénéficiaires pourraient en même temps avoir droit à une compensation financière, en l’occurrence à l’allocation pour perte de revenus.

La prestation pour les études et la formation s’adresse à un tout autre groupe de personnes. Comme je l’ai dit plus tôt, tous les militaires libérés honorablement, peu importe les circonstances de cette libération honorable, ont droit à une somme de 40 000 ou de 80 000 $, montant établi en fonction de leurs années de service.

Le président : Donc, les anciens combattants régis par la précédente politique qui ont été libérés pour des raisons médicales seront directement informés quant aux mesures qui leur sont offertes et à la façon dont ils peuvent toucher les montants en question?

Mme McIntyre : Oui. Ce n’est pas que l’un remplace l’autre.

Le président : Non, je l’avais compris.

Mme McIntyre : L’allocation pour perte de revenus et pour la réadaptation professionnelle qui, comme vous le savez, a été revue à la hausse en octobre 2016, n’a pas été abandonnée et est toujours en place. Comme je l’ai dit plus tôt, une personne qui a épuisé cette source de financement et qui n’est plus admissible peut à ce moment-là demander la prestation pour les études et la formation. Il lui faudra communiquer avec le gestionnaire de cas qui s’occupe de son dossier dans le cadre du Programme des services de réadaptation et d’assistance professionnelle.

La transition professionnelle, c’est un élément de l’ensemble. Les anciens combattants suivent leurs cours de formation, puis s’adressent de nouveau aux intervenants des Services de transition de carrière pour obtenir des conseils touchant l’emploi. Tous ces éléments s’emboîtent de façon harmonieuse, et tous les secteurs d’ACC travaillent de concert pour que les anciens combattants, peu importe le motif de leur libération, aient accès aux programmes appropriés.

Le président : Avant de redonner la parole à la sénatrice Jaffer, j’aimerais faire une observation. La sénatrice Lankin a abordé ce sujet en parlant des aidants. Personnellement, j’estime qu’elle a formulé un point de vue raisonnable qui mériterait d’être examiné. Au bout du compte, cette responsabilité revient à l’ancien combattant lui-même et à personne d’autre. Je crois que nous devrions faire très attention, puisque nous administrons l’argent des contribuables, de le dépenser de la bonne manière.

J’aimerais maintenant céder la parole à la sénatrice Jaffer.

La sénatrice Jaffer : Merci, monsieur le président. Je suis certaine que cette prestation n’est pas rétroactive; elle est maintenue pour les bénéficiaires actuels? Un ancien combattant qui a été libéré honorablement ou qui a quitté le service l’an dernier n’y aura pas droit, n’est-ce pas?

Mme McIntyre : En fait, oui. La prestation pour les études et la formation, de même que la prestation versée pour la transition de carrière existent depuis le 1er avril 2006. Ce n’est pas le cas, toutefois, de l’allocation de reconnaissance des aidants naturels, laquelle n’est pas rétroactive.

La sénatrice Jaffer : Il y a beaucoup de changements, et c’est bien louable — j’en suis heureuse —, mais cela devient de plus en plus labyrinthique. Par exemple, les Services de transition de carrière continueront-ils à verser un montant de 1 000 $? Est-ce que c’est distinct du fonds pour l’éducation? Est-ce que ce sera maintenu?

Mme McIntyre : Je le répète, je vois très bien où va chacun des morceaux de ce casse-tête. J’aurais deux choses à dire à ce sujet: premièrement, les nouveaux Services de transition de carrière prennent la place du modèle actuel. Le remboursement de 1 000 $ est donc éliminé. Mais les bénéficiaires se verront offrir bien plus dans le cadre du nouveau programme.

J’ajouterais que le budget de 2017 avait prévu une somme de 24 millions de dollars sur six ans pour les activités de sensibilisation et de communication. Tout se tient. Comme je l’ai dit, il est certainement assez difficile de s’y retrouver, et c’est pourquoi il faut bien présenter et expliquer les choses à nos membres, nos clients, nos anciens combattants et leur famille.

La sénatrice Jaffer : Et qu’en est-il du Régime d’assurance-revenu militaire du ministère de la Défense et d’Anciens Combattants Canada? Est-ce que ce régime est maintenu?

Mme McIntyre : Encore une fois, c’est une excellente question et c’est un sujet prioritaire. En ce qui concerne l’assurance-revenu — et il en a également été question dans le discours du budget de 2017 —, nous cherchons encore un moyen de consolider les prestations financières: les prestations versées par les Forces armées canadiennes conformément à leur programme d’assurance-revenu et celles que nous versons en tant qu’allocations pour perte de revenu. Nous espérons que, l’année prochaine, le gouvernement aura quelque chose à nous soumettre, qu’il aura brossé un tableau d’ensemble et qu’il proposera une voie à suivre.

La sénatrice Jaffer : Ma question concerne non pas directement les changements dont il est ici question, mais plutôt la solution à un des problèmes des anciens combattants, c’est-à-dire le guichet unique. Nous entendons souvent dire que, quand un soldat quitte les Forces armées canadiennes, il pourrait y avoir jusqu’à 15 ministères de concernés.

Nous avons également entendu dire que, lorsque vous faites partie des Forces armées canadiennes, vous vous adressez à un seul endroit et vous obtenez réponse à tous vos besoins. C’est vraiment un choc culturel, pour quelqu’un qui quitte les forces et qui doit traiter avec toutes sortes de groupes différents. Tout se passe comme si, un jour, on s’occupe de vous à partir du moment où vous vous levez jusqu’au moment où vous vous couchez et que, le lendemain, vous devez tout faire vous-même. Pour quelqu’un qui a longtemps fait partie des forces armées, c’est vraiment un choc culturel. Quel soutien leur offrons-nous?

Mme McIntyre : Je reconnais que les trois éléments inscrits dans le projet de loi d’exécution du budget sont assez particuliers et que, quand il est question de bien-être, leurs objectifs et leurs résultats ont de l’importance.

Cela dit, toutefois, il sera également très important de s’attacher à la façon dont nous allons mettre ces mesures en œuvre, de concert avec les Forces armées canadiennes; une question a déjà été posée à ce sujet. Les mesures que nous allons prendre, c’est-à-dire que le gouvernement va prendre, pour s’occuper des anciens combattants et de leur famille, du berceau jusqu’à la tombe, les mesures que nous allons prendre pour nous assurer que les soutiens et cette culture restent en tête de nos priorités, si vous voulez, le travail que nous sommes en train de faire, c’est dans l’espoir que le gouvernement va bientôt avoir une proposition à présenter quant à la meilleure façon d’y arriver.

Quoi qu’il en soit, nous travaillons activement et au quotidien avec les Forces armées canadiennes pour réduire au minimum le nombre des interventions. Je vous ai aujourd’hui donné l’exemple de la dérogation, qui fait que, lorsque nous avons déjà dans le dossier tous les renseignements à partir desquels évaluer l’admissibilité, nous n’avons pas à demander d’autres documents, par exemple le dossier des états de service, ou peu importe. Nous pouvons maintenant orienter une personne avant même qu’elle soit libérée, ce qui nous était auparavant interdit. Cela fait deux ou trois ans. Donc, une personne peut maintenant demander des prestations même si elle est encore en service, et, je le répète, c’est un aspect très important.

Nous n’en sommes pas tout à fait rendus là, mais nous sommes renseignés et nous travaillons activement avec nos homologues des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, nous sommes arrivés à une conclusion. Je vais me faire l’écho de ce que la sénatrice Lankin a dit à propos des mesures présentées ici. Je sais qu’elles seront bien accueillies par les anciens combattants et qu’elles se révèleront efficaces pour corriger certaines des injustices qui les ont affectés dans le passé.

J’aimerais dire une dernière chose; je crois que c’est pertinent. Une fois que ces dispositions seront mises en œuvre, elles représenteront pour un jeune homme ou une jeune femme une raison de plus de s’enrôler dans l’armée. Au bout du compte, les forces armées procurent des avantages, en particulier au chapitre de la formation et de l’éducation, et, par ailleurs, bien des Canadiens n’ont pas droit à la même reconnaissance pour leur engagement.

J’aimerais souligner qu’il faudrait que cela soit clairement présenté comme un avantage du ministère de la Défense nationale et des forces armées, ce qui encouragerait davantage de jeunes Canadiens à s’enrôler.

Chers collègues, je vais laisser nos témoins partir. Merci beaucoup.

J’aimerais que nous poursuivions à huis clos, pendant quelques minutes, une fois que les témoins, et toutes les autres personnes qui doivent le faire, auront quitté la pièce. Nous allons prendre une pause de deux minutes avant de poursuivre à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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