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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 4 - Témoignages du 20 juin 2016


OTTAWA, le lundi 20 juin 2016

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et comportant d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 16 h 5, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Honorables sénateurs, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Aujourd'hui, nous examinerons le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et comportant d'autres mesures. Ce projet de loi modifierait les exigences qui gouvernent actuellement l'endroit où Air Canada doit procéder à ses activités d'entretien d'aéronefs ainsi que le type ou le volume de ces activités. Il prévoit aussi certaines autres mesures relatives à cette obligation.

Pendant la première heure, nous entendrons le ministre des Transports et ses fonctionnaires. Pendant la seconde heure, nous accueillerons un groupe de deux ministres du gouvernement du Manitoba ainsi qu'un témoin de la Manitoba Federation of Labour. Ils témoigneront par vidéoconférence. Pendant la dernière heure, nous entendrons un groupe de témoins de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, au Canada, et de l'Association des industries aérospatiales du Canada.

Alors que le comité entame son étude du projet de loi, nous accueillons l'honorable Marc Garneau, ministre des Transports. Il est accompagné de Sara Wiebe, directrice générale, Politique du transport aérien, et de Daniel Blasioli, avocat principal.

L'honorable Marc Garneau, C.P., député, ministre des Transports : Merci, sénateur MacDonald, de m'avoir invité à témoigner devant le comité. En ma qualité de ministre, je crois qu'il est important que je vienne discuter d'un projet de loi que j'ai présenté. C'est la deuxième fois que je témoigne devant ce comité, et j'espère que j'aurai bien d'autres occasions de le faire à l'avenir. Je remercie les membres du comité d'avoir accepté ma demande d'étudier les véhicules branchés et automatisés. Cependant, je suis ici pour parler du projet de loi C-10.

[Français]

Je suis heureux d'être ici aujourd'hui devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications afin d'étudier le projet de loi C-10, qui vise à modifier l'alinéa 6(1)d) de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.

L'objectif de ce projet de loi est de permettre à Air Canada d'être compétitive face au secteur du transport aérien qui est en constante évolution en lui offrant davantage de flexibilité quant à l'entretien de ses aéronefs. Ce projet de loi continue de soutenir le secteur aérospatial au Canada en réitérant les attentes du gouvernement selon lesquelles Air Canada devra maintenir un certain niveau d'entretien de ses aéronefs dans certaines régions du pays.

[Traduction]

Ce projet de loi cherche à modifier l'alinéa 6(1)d) de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, qui énonce actuellement que les clauses de prorogation d'Air Canada doivent contenir « des dispositions l'obligeant à maintenir les centres d'entretien et de révision dans les villes de Winnipeg et Mississauga et dans la Communauté urbaine de Montréal [...] »

Le projet de loi C-10 remplacerait la mention de trois villes précises par des allusions aux provinces du Manitoba, de l'Ontario et du Québec. Le projet de loi C-10 propose aussi de retrancher la référence à « centres d'entretien et de révision » et de la remplacer par « activités d'entretien d'aéronefs », faisant remarquer que cette expression englobe le travail relatif aux cellules, aux moteurs, aux composantes, à l'équipement et aux pièces.

Le projet de loi C-10 clarifierait aussi qu'Air Canada n'a pas de limites pour ce qui est du volume et du type d'activités d'entretien d'aéronefs qu'elle mènera au Manitoba, en Ontario et au Québec ou du niveau d'emploi y étant rattaché.

[Français]

Même si cela maintient l'attente qu'Air Canada assure l'entretien d'aéronefs dans les provinces susmentionnées, cela permettrait aussi au transporteur d'organiser ses activités d'une façon plus adaptée à l'évolution du secteur du transport aérien actuel et de l'avenir. Ultimement, le projet de loi permettra à Air Canada d'être plus compétitive dans un marché mondial agressif. Si Air Canada n'était pas en mesure d'obtenir la meilleure valeur possible pour l'argent qu'elle dépense, il en résulterait des coûts plus élevés pour la société et, en fin de compte, des coûts plus élevés pour les utilisateurs de ses services.

Les annonces faites plus tôt cette année par Air Canada nous permettent de croire qu'il est opportun d'agir maintenant. Le fait qu'Air Canada collaborera avec le gouvernement du Québec à la création d'un Centre d'excellence en entretien d'aéronefs, à la suite de l'achat par le transporteur d'environ 75 aéronefs C-Series de Bombardier, est une très bonne nouvelle pour l'industrie. Selon le gouvernement du Québec, ce centre d'excellence pourrait créer jusqu'à 1 000 emplois pour le secteur aérospatial québécois, en plus des emplois qui ont été créés et qui sont liés à la fabrication de ces avions.

À la suite de cette nouvelle, le gouvernement du Québec et Air Canada ont annoncé une entente afin de mettre un terme au litige concernant la conformité d'Air Canada à la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada une fois que l'achat des aéronefs de Bombardier aura été conclu par Air Canada. Cette annonce est importante pour nous, car nous croyons que de telles ententes rapporteront davantage de dividendes pour les travailleurs canadiens dans ce secteur.

[Traduction]

Air Canada a aussi annoncé son intention de collaborer avec le gouvernement du Manitoba en vue d'éventuellement mettre en place un centre d'excellence de l'Ouest canadien dans cette province. S'il est fondé, ce centre pourrait permettre la création de 150 nouveaux emplois dans le secteur de l'entretien des aéronefs dès 2017 et peut-être d'autres emplois par la suite.

Ces développements positifs nous ont portés à croire qu'il s'agit d'une occasion idéale de moderniser la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et de permettre à Air Canada de répondre de façon plus efficace et efficiente aux conditions changeantes du marché.

Pour être concurrentielle à l'avenir, Air Canada doit être en mesure d'adapter sa chaîne d'approvisionnement pour gérer ses coûts, à l'instar de l'ensemble de ses concurrents. Comme nous le savons tous, elle emploie environ 30 000 personnes.

Le projet de loi C-10 aidera Air Canada à continuer de maintenir la norme de sécurité élevée que le Canada exige et à accroître sa compétitivité, ce qui générera des avantages qui finiront par profiter aux clients. Compte tenu de son rôle de fournisseur de services sur le marché canadien, la compétitivité accrue d'Air Canada pourrait aussi avoir une incidence positive sur les clients de sociétés aériennes concurrentes en faisant baisser les coûts en général.

Permettez-moi de vous rappeler que les opérations d'Air Canada sont les seules à être assujetties aux restrictions contenues dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.

Dans un marché aussi mondial que celui de l'industrie du transport aérien, la souplesse et l'innovation sont nécessaires afin d'assurer la viabilité à moyen et à court terme.

[Français]

Selon un expert de l'aviation qui a témoigné au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes :

[...] les compagnies aériennes ont une marge de profit d'environ 2 p. 100, soit l'une des plus petites du secteur du transport. Les compagnies peuvent faire faillite et font faillite. Soixante compagnies aériennes ont fait faillite au Canada, y compris Air Canada une fois.

Si vous choisissez d'avoir un environnement concurrentiel comme base de votre politique, il y a toute une gamme d'enjeux liés à la concurrence, et l'entretien fait partie des enjeux importants, car il représente une large part des coûts des aéronefs. Vous avez une compagnie aérienne qui doit faire concurrence avec d'autres compagnies qui ne sont pas assujetties à ces restrictions.

La revue de l'aérospatiale de 2012 a mis en lumière le fait qu'il y a une croissance importante de fournisseurs à moindres coûts qui offrent des services d'entretien d'aéronefs et qui proviennent des pays en voie de développement. Bon nombre d'entre eux sont plus proches des marchés de croissance comme l'Asie, l'Amérique latine et le Moyen- Orient.

[Traduction]

Il est intéressant de noter que malgré la fermeture d'Aveos en 2012, le secteur de l'entretien, de la réparation et de la révision des aéronefs au Canada a enregistré une croissance considérable au cours des dernières années. Selon les données du rapport de 2015 intitulé L'état de l'industrie aérospatiale canadienne, ce secteur a connu une forte croissance économique de 2004 à 2014, avec une hausse de 37 p. 100 du PIB direct.

[Français]

Cela nous permet de penser que l'alternative au projet de loi C-10 n'est pas le statu quo qui prévalait avant la faillite d'Aveos en 2012. Cela a été un coup dur pour les travailleurs du secteur et leurs familles. D'ailleurs, j'accorde aux personnes touchées par cette fermeture ma plus grande sympathie. Cependant, contrairement à ce qu'on peut nous laisser croire, il n'y a aucune raison de penser que le litige en cours entraînerait le rétablissement du nombre exact d'emplois qui existaient à l'époque de la fermeture, ni qu'il permettrait une réintégration de ces mêmes employés. En somme, le fait que les parties aient choisi de résoudre ce litige crée un contexte dans lequel nous pouvons commencer à bâtir l'avenir de l'industrie afin de la rendre plus compétitive sur la scène mondiale.

En conclusion, le projet de loi C-10 permettra à Air Canada d'être plus flexible quant à ses choix économiques et fera en sorte qu'elle reste déterminée à entreprendre des activités d'entretien d'aéronefs dans les trois provinces mentionnées. Cela permettra désormais au Canada de maintenir un secteur du transport aérien solide et compétitif, tout en favorisant la création d'emplois pour les travailleurs hautement qualifiés dans le secteur de l'aérospatiale. Je vous remercie.

[Traduction]

Le vice-président : Merci, monsieur le ministre, de vos remarques. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs, en commençant par le porte-parole du projet de loi, le sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Merci d'être venu, monsieur le ministre.

J'ai un commentaire ou deux à formuler avant de poser quelques questions. Vous avez fait allusion au fait qu'Air Canada était le seul transporteur aérien sujet aux restrictions imposées par la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, et bien sûr, il s'agit d'une mesure législative qui vise Air Canada. Peut-être vous ai-je mal compris, mais je ne vois pas pourquoi un autre transporteur aérien serait assujetti à une mesure législative qui vise précisément Air Canada.

Dans le comité de la Chambre, vous avez fait valoir que, par-dessus tout, cette mesure législative créerait des emplois au Manitoba et au Québec, alors qu'à quatre occasions, le projet de loi même répète ce qui suit :

Sans éliminer l'exercice d'activités d'entretien d'aéronefs [...], la Société peut [...] modifier le type ou le volume d'une ou de plusieurs de ces activités dans chacune de ces provinces ainsi que le niveau d'emploi rattaché à ces activités.

J'imagine que s'il ne reste qu'un seul poste, on pourrait dire que tous les emplois n'ont pas été éliminés, si bien que le projet de loi même serait conforme à ce que vous dites.

Où est-il écrit que ce projet de loi crée des emplois au Manitoba et au Québec? Air Canada a supposément conclu un accord avec ces deux provinces, mais où est-il écrit que le projet de loi même crée des emplois?

M. Garneau : Merci, sénateur.

Pour répondre à votre première question : oui, il s'agit bien de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Adoptée en 1989, elle ne vise qu'Air Canada à qui elle a imposé les restrictions suivantes au moment de sa privatisation : premièrement, que l'entretien soit effectué à des endroits précis, point sur lequel j'ai donné des détails; deuxièmement, que son administration centrale se trouve à Montréal; troisièmement, qu'elle respecte la Loi sur les langues officielles; et quatrièmement, qu'elle ne puisse pas avoir plus de 25 p. 100 d'investisseurs étrangers, à l'instar de tous les transporteurs aériens au Canada. Les trois autres ne sont pas des restrictions qui ont été imposées à des sociétés comme WestJet, Porter ou Air Transat. Elles sont libres de faire leur entretien au Canada ou ailleurs dans le monde. Elles n'ont pas d'exigences à respecter au titre de la Loi sur les langues officielles et elles peuvent choisir l'emplacement de leur administration centrale.

Bien que le premier ministre de l'époque, Brian Mulroney, ait voulu privatiser Air Canada, grosso modo, il lui a lié les mains avec un certain nombre d'exigences. C'est vraiment là où je voulais en venir lorsque je disais que certaines restrictions avaient été imposées à Air Canada, mais pas aux autres transporteurs aériens.

Vous avez aussi mentionné le fait que le projet de loi en tant que tel ne donne pas d'indications précises concernant des emplois au Manitoba ou au Québec. En fait, Air Canada a conclu un accord avec le gouvernement du Québec et en a fait autant avec le gouvernement manitobain précédent, accords sur lesquels les provinces se sont fondées pour accepter d'abandonner leurs poursuites. Pour sa part, le gouvernement fédéral a décidé de continuer pour deux raisons : parce que les provinces avaient l'intention d'abandonner leurs poursuites après avoir pris des arrangements avec lui, et pour les raisons que j'ai mentionnées dans mes remarques liminaires, c'est-à-dire que nous estimions qu'il était important de donner à Air Canada des conditions plus équitables.

En ce qui concerne le Manitoba, on a publié un communiqué en mars pour annoncer qu'Air Canada créerait 150 emplois dans cette province — je serais d'ailleurs ravi de vous le transmettre. Je crois qu'Air Canada honorera cette intention. Je crois aussi qu'il est possible qu'il y ait d'autres retombées positives pour le Manitoba, car — je vous l'ai déjà dit — cette province est un centre aérospatial important au Canada. Lorsque j'étais président de l'Agence spatiale canadienne, j'ai fait affaire avec Bristol Aerospace. Ils ont construit un satellite pour nous. Je connais très bien les capacités de Winnipeg comme centre d'expertise en aérospatiale, et nous voulons miser dessus. Nous voulons bâtir l'industrie aérospatiale canadienne, car c'est la cinquième au monde.

Je peux vous assurer que le gouvernement du Canada est résolu à bâtir un secteur robuste au Canada, et Winnipeg s'inscrit dans sa démarche.

Le sénateur Plett : Merci, monsieur le ministre. Je suis certain que personne ne doute de votre sincérité dans ce dossier — certainement pas moi. Bien entendu, on nous l'a aussi dit il y a un certain nombre d'années alors que nous faisions l'étude du dossier des CF-18. Je ne pense pas que le Manitoba ne s'en soit jamais remis. C'est clair qu'il ne s'agissait pas d'une décision de votre gouvernement, monsieur le ministre, mais tout de même.

Je disais que le projet de loi ne crée pas d'emplois, tandis qu'Air Canada affirme qu'elle le fera peut-être.

Vous avez dit que vous vouliez assurer la croissance de l'industrie aérospatiale au Manitoba, et cetera. Vous avez dit que le gouvernement précédent avait accepté de suivre l'exemple du gouvernement du Québec et d'abandonner ses poursuites. Je vous ai fait part de certains engagements qui, m'a-t-on dit, ont été pris par le gouvernement précédent — et l'ancien premier ministre provincial a beaucoup insisté pour dire que ces engagements avaient été pris — par un ministre du Manitoba, le ministre responsable de l'emploi. Sans le dire, vous m'avez certainement donné l'impression que vous n'étiez pas nécessairement au courant de ces engagements.

Depuis mardi dernier, avez-vous eu — ou un collègue à vous a-t-il eu — l'occasion de demander à la ministre Mihychuk quels engagements elle avait pris en réalité? Elle a parlé des engagements qu'elle a pris. Le gouvernement est- il prêt à honorer ces engagements à l'égard du Manitoba?

M. Garneau : Merci, sénateur. Je crois comprendre qu'il y a eu des discussions, même si je ne les ai pas lancées, ni Air Canada d'ailleurs, avec le gouvernement précédent concernant le renforcement des capacités de formation dans le secteur aérospatial au Manitoba.

Pour vous mettre en contexte, cela concerne le Collège Red River, que vous connaissez, sénateur Plett. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ont récemment cofinancé, à parts égales, un centre de formation en aérospatiale. C'est déjà de l'histoire ancienne.

Je suis très heureux de vous dire que le gouvernement du Canada a maintenant accepté, de concert avec le gouvernement du Manitoba, de financer l'intégralité de la phase trois du Centre de formation et de technologie en aérospatiale du Collège Red River. Il s'agit d'un programme de 10 millions de dollars qui recevra 2 millions de dollars par année sur les cinq prochaines années.

Je pense qu'il s'agit d'une très bonne nouvelle pour le Manitoba, car elle renforce la capacité de former les gens qui travaillent dans le secteur de l'aérospatiale. Je crois que cela profitera grandement à Winnipeg et à la province du Manitoba.

Le gouvernement fédéral continue de collaborer avec le gouvernement du Manitoba. Comme je l'ai déjà mentionné, nous voulons renforcer ces capacités parce qu'elles sont importantes. Le Manitoba a une masse critique, et nous poursuivrons nos efforts pour bâtir l'industrie aérospatiale au pays, y compris dans la région de Winnipeg.

Le sénateur Plett : Merci. Monsieur le président, j'ai besoin de poser une question supplémentaire, si vous me le permettez.

Premièrement, je connais bien le Collège Red River. C'est là que j'ai fait mes études, et il est clair que je suis heureux que tout financement...

M. Garneau : C'est une simple coïncidence.

Le sénateur Plett : Oui, j'en suis certain. Néanmoins, au nom de tout le monde au Collège Red River, permettez-moi de vous remercier, monsieur le ministre. Cependant, si je laissais entendre que le financement est deux fois moins élevé que ce que la ministre Mihychuk a promis, que diriez-vous? Je trouve étrange que la ministre Mihychuk n'ait pas été appelée à dire devant tout le monde ce qu'elle a promis au gouvernement précédent. L'avez-vous fait?

M. Garneau : Non, je ne l'ai pas fait. Je n'étais pas au courant de ce que vous m'avez mentionné et je ne l'ai pas vérifié. Cependant, je peux vous donner une mise à jour sur les engagements du gouvernement du Canada, nommément la phase trois du programme de création du Centre de formation et de technologie en aérospatiale, et une discussion continue avec le gouvernement du Manitoba actuel.

C'est, bien sûr, en sus des 150 emplois qu'Air Canada a accepté de créer au Manitoba à compter de 2017.

Le sénateur Plett : Pourriez-vous vous engager à vérifier auprès de la ministre Mihychuk et de nous dire ce qu'elle a promis?

M. Garneau : Je crois que le plus important pour moi aujourd'hui est de vous dire ce que le gouvernement fédéral s'engage à faire. Je crois répondre à votre question sur ce point.

Le sénateur Eggleton : Merci, monsieur le ministre, d'être venu.

Ma première question est celle de savoir pourquoi vous remplacez les villes de Montréal, Winnipeg et Mississauga par les trois provinces dans lesquelles elles se trouvent. Le projet de loi fait allusion à des activités d'entretien, ensuite il mentionne les provinces avant d'énoncer que « sans éliminer l'exercice d'activités d'entretien d'aéronefs [...], la Société peut [...] modifier le type ou le volume d'une ou de plusieurs de ces activités dans chacune de ces provinces ». À toutes fins utiles, Air Canada pourrait éliminer 99 p. 100 des postes sans contrevenir à cette disposition du projet de loi.

Si vous essayez de donner à Air Canada une chance égale à celle des autres transporteurs aériens, pourquoi mentionnez-vous même les provinces?

M. Garneau : Nous estimions, sénateur Eggleton, qu'il s'agissait d'une façon raisonnable d'aborder la situation. Nous voulions garder une partie de la responsabilité sans préciser le volume et le type. Nous estimions qu'il s'agissait d'une approche raisonnable dans les circonstances.

À titre d'exemple, au Québec, l'entretien des aéronefs d'Air Canada se fait maintenant à Trois-Rivières, alors que la loi originale parlait de la Communauté urbaine de Montréal, qui n'existe plus, en fait. Nous avons estimé qu'il fallait que la loi soit plus générale à cet égard.

De façon similaire, le projet de loi est plus général en ce sens que d'autres villes canadiennes comme Vancouver nous ont dit qu'elles aimeraient aussi pouvoir soumissionner des contrats d'Air Canada.

Dans les circonstances, nous estimions qu'il s'agissait d'une approche raisonnable à prendre dans le projet de loi.

Le sénateur Eggleton : Si vous essayez d'égaliser les chances, quand libérerons-nous Air Canada des contraintes que nous lui avons imposées — c'est une société privée depuis maintenant près de trois décennies — pour qu'elle puisse être sur un pied d'égalité avec WestJet, Porter et les autres?

M. Garneau : Nous estimons avoir un montant considérable au plan financier, car l'entretien constitue une partie importante des coûts des transporteurs aériens. Nous estimons avoir ouvert les possibilités en ce sens qu'Air Canada peut, en fait, faire faire de l'entretien non seulement dans les autres provinces, mais aussi à l'extérieur du pays. Il s'agit d'une entreprise très difficile et concurrentielle. Comme je l'ai mentionné, les marges de profit sont très serrées. Nous estimons que notre approche nous a permis de trouver le juste équilibre, mais elle donne une latitude accrue à Air Canada.

Pour ce qui concerne l'obligation d'offrir des emplois dans les trois provinces, au plan des affaires, il n'est pas judicieux qu'Air Canada ait moins qu'un certain nombre d'emplois dans un endroit en particulier. Il s'agit d'une grande entreprise. L'idée qu'elle pourrait n'offrir qu'un ou deux emplois dans une des provinces n'a aucun sens. Elle doit avoir une masse critique en raison de son nombre élevé d'aéronefs et de son besoin élevé d'entretien.

Le sénateur Eggleton : Vous y allez avec votre gros bon sens?

M. Garneau : Oui et je parle aussi par expérience.

Le sénateur Eggleton : Le sénateur Plett parlera beaucoup du Manitoba, et il est aussi beaucoup question du Québec. Nous avons ici une lettre du ministre. Où est l'Ontario dans tout cela? Pourquoi n'est-il pas mentionné? Que prévoyez- vous pour cette partie de l'industrie en Ontario?

M. Garneau : L'Ontario est déjà assez important comme centre aérospatial. Il occuperait actuellement le deuxième rang. Il n'a pas participé aux poursuites quand elles ont été intentées. Québec a été la première province à intenter une action en justice contre Air Canada et elle a ensuite été rejointe par le Manitoba, mais pas par l'Ontario.

Le sénateur Eggleton : J'en déduis que cela a quelque chose à voir avec le fait que Pearson est le plus grand aéroport au pays; il s'y trouve donc beaucoup d'aéronefs à entretenir.

M. Garneau : Je ne peux pas faire d'hypothèses, mais il est clair qu'Air Canada est bien présente en Ontario.

Le sénateur Eggleton : Comment les centres d'excellence sont-ils mis en place? Qui les finance? C'est dans ce contexte que vous voyez la création d'emplois, les 1 000 postes au Québec et les 150 au Manitoba.

M. Garneau : C'est, en gros, une entreprise conjointe. Air Canada veut renforcer les capacités au Québec, ce qui comprend l'entretien des aéronefs de la C Series, mais il pourrait aussi y avoir de la recherche et du développement ainsi que des liens avec les universités, ces types de choses. On pourrait retrouver un modèle semblable à une échelle légèrement plus petite au Manitoba. Cependant, le projet manitobain suppose la création ou le financement partiel d'un collège de formation pour les employés dans le secteur de l'aérospatiale. Il y a quelque chose à faire de ce point de vue, y compris créer 150 emplois dans des secteurs précis de l'entretien.

Le sénateur Eggleton : Le gouvernement fédéral joue-t-il un rôle de premier plan dans cette initiative, en plus de participer à son financement?

M. Garneau : Non. Le gouvernement fédéral ne participe pas directement à ce volet. De façon plus générale, nous avons un certain nombre de programmes fédéraux, comme vous le savez, qui sont gérés par mon collègue, Navdeep Bains, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique et qui sont axés sur l'industrie aérospatiale.

Le sénateur Black : Monsieur le ministre, merci beaucoup d'être venu, et merci de votre présentation très rigoureuse et réfléchie. Je vous en sais gré.

Vous savez peut-être que le Comité sénatorial des banques et du commerce a publié, la semaine dernière, un rapport très exhaustif intitulé Des murs à démolir, dans lequel nous faisons valoir que nous estimons fortement qu'il est urgent d'éliminer les barrières au commerce intérieur au Canada.

Étant donné que je siège à ce comité et que j'ai une opinion bien arrêtée au sujet des obstacles, vous ne serez pas surpris d'apprendre que je me demande pourquoi la loi sur Air Canada impose actuellement des restrictions. Selon le ministre Bains, les obstacles peuvent coûter entre 30 et 50 milliards de dollars à l'économie canadienne.

Je comprends les politiques entre le Québec et le Manitoba. La province que je représente au Sénat, l'Alberta, compte un secteur des transports très important; je pense à WestJet et à Air Canada Jazz. Si nous prenons la mauvaise habitude d'énumérer les provinces dans les mesures législatives canadiennes, pourquoi ne pas y ajouter l'Alberta? C'est ma première question.

Ma seconde question est la suivante : pourquoi ne profitez-vous pas de l'occasion pour éliminer toutes les restrictions imposées à Air Canada afin qu'elle puisse être concurrentielle dans le monde entier? À mon avis, c'est ce qu'il convient de faire.

M. Garneau : Merci beaucoup, sénateur Black. Ce n'était pas du tout mon intention d'exclure l'Alberta. Comme je le disais, Air Canada peut choisir de faire faire l'entretien de ses aéronefs dans cette province. L'industrie du transport aérien est bien présente en Alberta. Je me suis rendu à l'administration centrale de la société WestJet qui, de toute évidence, se porte très bien. Elle n'a jamais eu de trimestre négatif au cours de son existence et elle en est fière. Je pense que c'est une réalisation de taille.

Il est clair que je suis très en faveur de l'abolition des barrières entre les provinces. Du point de vue des transports, je vois la difficulté de voyager en camion d'Halifax à Vancouver en raison des différentes règles et exigences à la grandeur du pays. Bien qu'elles ne soient pas liées au commerce, à mon sens, elles le sont, car elles influent sur la quantité de marchandises pouvant être transportée par ces camions, ce qui, au bout du compte, influe sur le commerce au pays. Je suis bien d'accord avec vous. Éliminons ces barrières quand nous pouvons le faire. Cela fait partie de l'engagement que j'ai pris avec les ministres des Transports des provinces.

Le sénateur Black : Quant à la question de savoir pourquoi, dans cet amendement...

M. Garneau : Je ne me suis pas débarrassé de tout?

Le sénateur Black : Pourquoi n'avez-vous pas simplement péché par excès de zèle?

M. Garneau : Nous avons estimé qu'il s'agissait d'une étape relativement importante qui tient compte des résultats financiers d'Air Canada.

[Français]

Le sénateur Pratte : Monsieur le ministre, il reste quelques jours avant l'ajournement de l'été — la Chambre des communes a déjà pris congé. Cependant, il y a une question de date. Le gouvernement a indiqué qu'il souhaitait que le projet de loi soit adopté avant l'ajournement de l'été. Qu'arriverait-il si ce n'était pas le cas?

M. Garneau : Je vais vous confier, sénateur Pratte, que je souhaite personnellement que ce projet de loi soit adopté par le Sénat. Vous êtes maîtres de votre Chambre, bien sûr, mais je crois qu'il est dans l'intérêt national de procéder le plus rapidement possible, non seulement pour Air Canada, mais aussi pour le gouvernement du Québec et celui du Manitoba. Cet aspect est important.

Il y a également des échéanciers associés au projet de loi dans le sens que le Québec et le Manitoba ont déféré sur la question d'aller à la course...Pardon. Air Canada a décidé d'attendre et de faire une prolongation avant de prendre une décision sur la question du litige. Nous avons présenté notre projet de loi, et je crois qu'il serait dans l'intérêt national de le faire adopter le plus tôt possible.

Le sénateur Pratte : Un élément qui revient souvent dans les échanges que j'ai eus avec différentes personnes au sujet des centres d'excellence et des emplois créés ou promis par les centres d'excellence, c'est la question de la confiance envers Air Canada quant à la création de ces emplois. Certaines personnes aimeraient que des ententes soient conclues avec les gouvernements afin d'obtenir la certitude que ces emplois seront créés. Que pouvez-vous répondre à ces gens qui semblent douter du fait que 150 emplois puissent être créés à Winnipeg, et éventuellement jusqu'à 1 000 emplois au Québec?

M. Garneau : D'abord, je voudrais préciser qu'il n'y a pas d'ententes entre le gouvernement fédéral et Air Canada ou le gouvernement du Québec ou celui du Manitoba. Les ententes sont conclues entre Air Canada et les gouvernements du Québec et du Manitoba.

Je suis persuadé que ces ententes seront respectées. Le Québec et le Manitoba — du moins, l'ancien gouvernement — se sont fondés sur ces ententes pour parvenir à la décision de laisser tomber la question du litige. Je crois qu'ils ont fait preuve de bonne foi, et je suis convaincu qu'ils respecteront leurs engagements.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Monsieur le ministre, bienvenue encore une fois à notre comité. Nous sommes toujours ravis de vous voir.

Vous avez parlé plus tôt d'élargir l'industrie aérospatiale au Canada, mais vous ne vous êtes pas donné la peine de le faire dans ce projet de loi puisque vous l'avez limitée au Manitoba, à l'Ontario et au Québec. L'autre jour, nous avons entendu le témoignage d'une personne qui parlait de l'industrie aérospatiale à l'Île-du-Prince-Édouard. Comme vous avez déjà vécu en Nouvelle-Écosse, vous savez que cette province compte une industrie aérospatiale très viable et énergique, avec des entreprises comme IMP et Pratt & Whitney qui ont des opérations dans notre parc aérospatial et bien d'autres qui appuient les postes militaires dans la province, sans oublier Air Canada Jazz, qui a installé son centre d'entretien à Halifax.

Pourquoi ne pas en profiter pour inclure d'autres provinces? Je comprends la politique du Manitoba et du Québec à l'époque, mais c'était le passé. Pour citer le premier ministre, nous sommes maintenant en 2016, et cela m'apparaît comme une occasion à saisir. Vous avez parlé des barrières entre les provinces, comme l'ont fait certains de mes collègues également. Voilà justement l'occasion d'en supprimer quelques-unes.

Ma principale préoccupation, c'est que si nous prenons comme seul point de référence ce qui se passe au Québec, au Manitoba et en Ontario, il y a beaucoup d'autres emplois qui pourraient disparaître, pas seulement des trois provinces, mais de tout le pays, au profit d'autres pays où l'entretien des aéronefs coûterait beaucoup moins cher et nous perdrions ainsi tous les avantages.

Je ne comprends pas; nous disons que nous voulons faire tomber les barrières entre les provinces et que nous voulons élargir la portée du secteur, et nous n'aurons pas d'autre occasion d'en discuter comme nous le faisons ce soir avant de nombreuses années. Alors pourquoi ne pas le faire maintenant?

M. Garneau : Je vous remercie de votre question, sénateur Mercer. Je répondrais que nous avons élargi la portée du secteur. La loi initiale de 1989 obligeait Air Canada à exécuter la totalité de ses activités d'entretien, et je dis bien la totalité, dans trois villes. Aujourd'hui, avec les modifications que nous proposons dans le projet de loi C-10, Air Canada a effectivement des obligations envers trois provinces — en partie pour des motifs historiques —, mais il est clair que ces obligations ne la limitent pas exclusivement à ces trois provinces. Je connais IMP et je connais Pratt & Whitney. Je suis allé les voir en Nouvelle-Écosse. J'étais auparavant porte-parole en matière d'industrie et, par ailleurs, je me suis toujours intéressé au secteur aérospatial. Mais maintenant, si l'entreprise à qui elle aimerait confier certains aspects de l'entretien est située au Canada atlantique, elle est libre de le faire. En ce sens, le projet de loi constitue une ouverture par rapport à la loi initiale.

Le sénateur Mercer : On va mesurer trois provinces, l'Ontario, le Québec et le Manitoba, du point de vue de la législation, mais qu'arrivera-t-il si des activités d'entretien sont dorénavant effectuées à l'étranger — au Mexique, au Chili ou même en Israël? Comment nous protéger contre l'exportation de ces emplois très payants dans le secteur de la technologie de pointe?

M. Garneau : Il est vrai que les modifications proposées à loi n'empêcheront pas Air Canada d'exporter une partie des emplois à l'étranger, pas plus qu'elles n'empêchent WestJet, Porter ou toute autre compagnie aérienne de le faire. Air Canada, qui, comme je l'ai dit, emploie quelque 30 000 personnes, se doit de rester viable et de continuer à croître. C'est l'une des grandes compagnies aériennes dans le monde. Elle aura un brillant avenir si elle joue ses cartes comme il faut. Mais pour ce faire, elle doit être capable de soutenir la concurrence des autres compagnies aériennes et pas seulement les canadiennes, mais celles du monde entier. Notre nouveau gouvernement estime qu'imposer à Air Canada des conditions trop strictes quant au lieu où elle exerce ses activités d'entretien reviendrait à lui ligoter les mains.

Notre secteur de l'aérospatial est riche d'une grande expertise. Nous voulons continuer à bâtir ce secteur. Je crois qu'en subventionnant le Red River College au Manitoba, nous constituerons un nouveau bassin de travailleurs hautement qualifiés dans le secteur de l'aérospatial, ce qui améliorera notre capacité, car nous voulons être solides dans ce domaine et voulons qu'il continue de croître par rapport aux autres pays. Comme c'est un domaine où la concurrence est féroce, monsieur le sénateur, nous avons estimé qu'il fallait accorder à Air Canada une plus grande latitude.

Le sénateur Mercer : Vous venez d'employer l'expression « nouveau gouvernement ». Quand on entend « nouveau gouvernement », ce sont de nouvelles idées, de nouvelles actions qui sont évoquées. Pourtant, vous prônez des idées désuètes en ne conservant encore que les trois mêmes provinces. Ce n'est pas très imaginatif, et j'éprouve de sérieuses réserves quant à la possibilité que l'entretien soit effectué à l'étranger. J'ai les mêmes inquiétudes en ce qui concerne WestJet et les autres, car c'est un gros marché. Je ne serais pas mécontent si l'on déposait un projet de loi empêchant les compagnies aériennes canadiennes d'une certaine taille de conserver tous les avantages d'un système mis en place par la population du Canada, et les obligeant à faire bénéficier les Canadiens de ces avantages en faisant effectuer toutes les activités d'entretien de leurs aéronefs ici au Canada. Et je le répète, ce que je dis ne vaut pas uniquement pour Air Canada. Je pense qu'une telle mesure serait louable.

Ma dernière question concerne l'obligation imposée à Air Canada en 1989 d'offrir ses services dans les deux langues officielles. Cette obligation n'a pas été imposée à ses concurrents. N'est-il pas temps de l'imposer à toutes les compagnies aériennes d'une certaine taille? Ne pensez-vous pas que les Canadiens qui volent avec WestJet ou Porter ou avec toute autre compagnie aérienne canadienne de taille semblable devraient pouvoir être servis dans la langue officielle de leur choix?

M. Garneau : C'est une question intéressante. Elle déborde un peu le cadre de nos discussions aujourd'hui, mais sans y être étrangère dans le sens où Air Canada est la seule compagnie aérienne qui soit tenue d'offrir ses services dans les deux langues officielles et que cette obligation est un vestige de l'époque où elle a été privatisée.

Certes, depuis que le commissaire Fraser a présenté son rapport il y a environ une semaine, le sujet a été soulevé et diverses opinions ont circulé. Je me contenterai de dire qu'à l'heure actuelle, Air Canada est tenue de respecter cette obligation puisqu'elle lui est imposée par la loi. La question de savoir s'il faut en faire une norme uniforme applicable à toutes les compagnies aériennes a été soulevée, mais nous n'avons pas encore eu la chance de l'étudier. Nous n'y songeons pas en ce moment, mais les choses peuvent évoluer.

La sénatrice Unger : Je vous remercie de ces renseignements, monsieur le ministre. Je suis aussi de l'Alberta. J'ai appris beaucoup de choses sur le fonctionnement d'Air Canada et les raisons qui justifient certaines d'entre elles m'échappent toujours.

Mais ma question porte sur ceci : en mai dernier, lors de son témoignage devant le Comité permanent des transports de la Chambre des communes, l'Association des anciens travailleurs des centres de révision d'Air Canada a affirmé qu'au cours des quatre dernières années, 355 avions d'Air Canada avaient été réparés illégalement dans des pays étrangers, notamment aux États-Unis, en Israël, à Singapour et au Japon. L'association a aussi indiqué qu'à l'époque d'Aveos, Air Canada avait prouvé qu'elle était disposée à confier le travail à l'étranger.

J'ai deux ou trois questions à ce sujet. La sous-traitance étrangère est, je pense, un fait admis, mais pourriez-vous me dire si elle a déjà été pratique courante?

M. Garneau : Oui, il ne fait aucun doute qu'Air Canada a fait exécuter une partie de l'entretien de certaines pièces d'aéronefs dans d'autres pays. Je ne connais pas les chiffres exacts.

Je pense que ce que vous dites provient du syndicat des machinistes.

La sénatrice Unger : Oui.

M. Garneau : Oui. Il faudrait que je vérifie les chiffres exacts et de quelles composantes il s'agit au juste, mais je reconnais qu'Air Canada sous-traite certaines de ses activités d'entretien à l'étranger, effectivement.

La sénatrice Unger : Puisque ces renseignements sont exacts, cela ne signifie-t-il pas qu'Air Canada a enfreint la LPPCAC? Si elle a enfreint la loi, pourquoi n'y a-t-il aucune conséquence? Ne devrait-il pas y avoir une amende?

M. Garneau : J'ignore ce qu'il en était de la sous-traitance étrangère autrefois, avant qu'Aveos ne déclare faillite. Quand elle a fermé ses portes, 2 600 employés ont été touchés. Je pense qu'environ 1 800 d'entre eux travaillaient au Québec, environ 400 au Manitoba et les autres en Ontario. C'est probablement la raison pour laquelle le Québec et le Manitoba ont décidé d'intenter une poursuite contre Air Canada.

Cependant, les provinces ont fait savoir récemment qu'elles étaient disposées à abandonner la poursuite moyennant la conclusion d'ententes qui créeront des emplois chez elles dans le secteur de l'aérospatiale. Je suppose, car je ne suis pas partie à ces ententes, que pour le Québec et le Manitoba, c'est la résolution d'un long litige.

La sénatrice Unger : J'ai une dernière question. Je conviens qu'Air Canada est maintenant une société privée et j'ignore donc, comme certains de mes collègues, pourquoi elle est encore assujettie à certaines obligations de l'accord initial.

Par ailleurs, pour ce qui est d'abattre les barrières entre les provinces, Air Canada améliorerait assurément son bilan financier si le travail pouvait passer d'une province à une autre.

M. Garneau : Oui, madame la sénatrice, le travail peut passer d'une province à une autre, car la loi actuelle permet qu'il soit fait dans n'importe quelle des dix provinces. Cependant, Air Canada doit obligatoirement exécuter des activités d'entretien dans trois d'entre elles. Comme je l'ai dit, les initiatives mentionnées aujourd'hui concernant les centres d'excellence et la création d'emplois — les accords ont déjà été conclus, je crois, avec le Manitoba et le Québec, mais ils n'empêchent pas Air Canada de faire effectuer l'entretien de certaines pièces ou de certains équipements en Alberta, en Colombie-Britannique ou en Nouvelle-Écosse.

Le vice-président : Je demanderais aux sénateurs de s'en tenir à une seule question.

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, vous avez déclaré clairement que le gouvernement précédent avait accepté une entente ou accepté de collaborer; je ne me souviens pas des termes que vous avez employés. Mais cela avait été fait avec le gouvernement précédent, parce qu'il y avait eu certains engagements.

Le nouveau gouvernement dit exactement la même chose : il veut conclure ou appuyer une entente, à condition que certains engagements soient respectés. Nous recevrons dans le prochain groupe de témoins la ministre et vice-première ministre et le ministre Cullen, et ces questions leur seront posées.

De toute évidence, des engagements ont été pris, que personne ne nie. L'offre faite au Manitoba ne respecte pas ces engagements. Alors je réitère ma demande, monsieur le ministre. Pourriez-vous demander à la ministre Mihychuk — et nous transmettre sa réponse par écrit — quelle promesse elle a faite au Manitoba? C'est tout ce qu'ils demandent. Ils ne réclament pas 10, 20, 30 ou 40 millions de dollars; ils réclament le respect des engagements.

Monsieur le président, je demande que la ministre Mihychuk nous réponde par écrit ou que nous tenions une autre réunion pour qu'elle vienne nous dire ce qu'elle a promis au Manitoba.

Le sénateur Black : Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre opinion sur deux choses, s'il vous plaît. Je suis sûr que vous conviendrez avec tout le monde dans cette salle que le Canada est une nation commerçante.

M. Garneau : Oui.

Le sénateur Black : Je me demande si vous avez songé au message qui serait envoyé aux entreprises canadiennes ainsi qu'aux entreprises et aux investisseurs étrangers au Canada si nous n'adoptions pas le projet de loi.

M. Garneau : Si nous ne l'adoptons pas rapidement ou si nous ne l'adoptons pas du tout?

Le sénateur Black : Comme l'a dit le sénateur Pratte, il nous reste deux jours d'école, alors je pense qu'il faut l'adopter maintenant. Nous sommes une nation commerçante, et nous devons adopter cette mesure. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vous êtes le ministre.

M. Garneau : Je vais répéter ce que j'ai dit plusieurs fois à la Chambre des communes : il y a deux raisons à ce projet de loi. Nous voulions d'abord mettre un terme aux litiges continuels et avons donc adopté une nouvelle position. Mais l'autre raison — et je crois l'avoir dit dans mes déclarations liminaires — c'est que nous croyons qu'il est important de permettre aux entreprises canadiennes, dans la mesure du possible, d'évoluer dans un contexte où les règles sont équitables pour tous, dans un environnement concurrentiel, et il s'agit d'un environnement extrêmement concurrentiel.

Je pense que nous envoyons le message très clair que nous croyons en la libre entreprise et en l'imposition de règles identiques pour tous les concurrents d'un même secteur afin qu'aucun ne soit désavantagé. Je crois que c'est un important message à envoyer au milieu des affaires dans notre pays.

Le sénateur Black : Tandis que nous faisons progresser cet important secteur de l'économie canadienne, croyez-vous que d'autres compagnies aériennes pourraient commencer à faire réparer leurs aéronefs ici au Canada?

M. Garneau : C'est certainement une possibilité. Quand on songe à nos capacités dans certains domaines où nous sommes les meilleurs, il y a des pays étrangers qui... Je vais vous donner un exemple. Il y a une entreprise à Mirabel qui s'appelle L-3 MAS. L-3 MAS effectue l'entretien des CF-18. Je ne veux pas partir sur une tangente, mais parce qu'on a insisté, il y a plus de trente ans, pour qu'une entreprise canadienne soit capable d'effectuer l'entretien des CF-18, nous avons aujourd'hui une entreprise qui effectue également l'entretien des F-18 australiens. C'est un exemple qui me vient en tête, mais je suis sûr que d'autres entreprises sont en mesure de le faire et le font déjà, bien que je n'aie pas les renseignements à portée de la main.

La sénatrice Lankin : Je reviens d'une réunion avec les machinistes, où j'ai eu l'occasion de leur demander ce qu'ils voulaient réellement, car ils sont entièrement d'accord. Monsieur le ministre, les choses ont changé. Ils croient en la concurrence et croient que nous sommes une nation commerçante. Cependant, ils font valoir un argument que je trouve très convaincant, à savoir que depuis la faillite d'Aveos, ils ont conclu trois conventions collectives où ils ont fait des concessions pour favoriser la concurrence et pendant ce temps, Air Canada a continué de réaliser d'importants profits. On ne leur a pas promis grand-chose en retour.

Bien que le nombre d'emplois n'ait pas été atteint, ce que nous admettons tous, que l'entretien lourd ait disparu et que l'entretien en piste soit en grande partie effectué dans les centres américains par d'autres syndiqués dans les mêmes structures de coûts, ils attendent toujours un engagement à l'égard de la création d'emplois spécialisés permanents. Ce sont non seulement les économies régionales de la génération actuelle qui sont touchées, mais également celles des générations futures.

Ils ont essayé en vain de vous rencontrer et n'ont pas non plus discuté avec la compagnie. Personne ne veut les laisser participer à l'élaboration d'un plan d'affaires pour l'avenir. Pourriez-vous intervenir pour favoriser la création de ces conditions? Nous voulons garder les emplois au Canada s'il est possible de le faire.

M. Garneau : Il est toujours bon de conserver et de créer des emplois au Canada. J'ai d'ailleurs mentionné dans mon exposé que l'industrie de l'entretien des aéronefs avait connu une croissance de 37 p. 100 entre 2004 et 2014. Je crois qu'un examen de l'ensemble des activités liées à l'entretien des aéronefs et au domaine aéronautique au pays permet de conclure que cette industrie a connu une certaine croissance.

J'ai rencontré David Chartrand, le représentant des machinistes de la province de Québec; j'ai tous ses documents et je connais donc son point de vue. Oui, il est regrettable que des gens aient perdu leur emploi. C'est toujours regrettable lorsqu'une personne perd son emploi, mais je crois que nous progressons vers le rétablissement de certains de ces emplois et, je l'espère, le retour de tous ces emplois. Je ne dis pas que ces personnes en particulier retrouveront leur emploi, mais ils seront rétablis dans des secteurs précis par l'entremise d'ententes conclues entre Air Canada et le Québec et le Manitoba.

Je crois que nous stimulerons l'industrie aérospatiale — je peux vous dire que le gouvernement s'est engagé en ce sens. Nous nous sommes également engagés à développer la formation dans ce secteur. Selon moi, les choses s'amélioreront, mais je pense que nous devons également reconnaître qu'Air Canada doit aussi être en mesure d'être concurrentielle dans un domaine très compétitif.

Le vice-président : Merci, monsieur Garneau. J'aimerais également remercier les fonctionnaires qui ont participé à l'audience d'aujourd'hui.

J'aimerais maintenant vous présenter nos prochains témoins. Du gouvernement du Manitoba, nous accueillons l'honorable Heather Stefanson, M.A.L., vice-première ministre et ministre de la Justice et procureure générale, ainsi que l'honorable Cliff Cullen, ministre de la Croissance, de l'Entreprise et du Commerce. Nous accueillons également Kevin Rebeck, président de la Manitoba Federation of Labour.

Mme Stefanson et M. Cullen partageront leur temps, et nous entendrons ensuite M. Rebeck. Après les exposés, les sénateurs vous poseront des questions.

L'honorable Heather Stefanson, M.A.L., vice-première ministre et ministre de la Justice et procureure générale, gouvernement du Manitoba : J'aimerais demander à mon collègue, le ministre de la Croissance, de l'Entreprise et du Commerce, de commencer.

L'honorable Cliff Cullen, M.A.L., ministre de la Croissance, de l'Entreprise et du Commerce, gouvernement du Manitoba : Bonjour, mesdames et messieurs. Permettez-moi tout d'abord de préciser que le secteur de l'aérospatiale du Manitoba est une industrie de classe mondiale. En effet, ce secteur emploie directement environ 5 400 personnes et représente des millions de dollars dans notre économie locale.

L'industrie aérospatiale du Manitoba, la plus grande dans l'Ouest canadien, est réputée pour les emplois stimulants de grande valeur qu'elle offre. De plus, les entreprises du Manitoba sont à l'avant-garde pour l'importance de leurs investissements annuels dans les immobilisations, la recherche et le développement.

Nos entreprises sont diversifiées et à la fine pointe de l'innovation, et le secteur de l'aérospatiale du Manitoba est prometteur. Les entreprises du Manitoba comme Magellan et Bœing, et des installations manitobaines uniques, comme le Composites Innovation Centre, sont souvent les premières à utiliser des procédés de fabrication et des matériaux de pointe.

Cependant, la chaîne d'approvisionnement mondiale est extrêmement concurrentielle, et les entreprises manitobaines doivent faire face à la concurrence d'entreprises situées dans des endroits qui leur permettent d'offrir leurs produits à moindre coût. Les effets de la perte d'emplois spécialisés de haute qualité à la suite de la fermeture d'Aveos, en 2012, se font toujours sentir dans notre province.

Les intérêts du Manitoba sont clairs : la croissance économique, des emplois de haute qualité et une industrie aérospatiale forte et concurrentielle.

Notre nouveau gouvernement a la responsabilité de veiller à ce que l'industrie aérospatiale du Manitoba soit renforcée, et non affaiblie, par les décisions prises par le gouvernement fédéral. Il est dans l'intérêt de notre pays de maintenir une industrie aérospatiale solide et concurrentielle à l'extérieur de l'Est du Canada. À titre de nouveau gouvernement, nous devons veiller à ce qu'on tienne compte du Manitoba de façon adéquate si on envisage de modifier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Il est dans l'intérêt national de maintenir une présence aérospatiale solide dans l'Ouest canadien.

Les mesures prises par le gouvernement fédéral peuvent avoir des répercussions considérables sur la durabilité du secteur de l'aérospatiale du Manitoba. L'une des plus connues concerne le contrat relatif aux CF-18. Ces types de conflits ne profitent à personne et peuvent être évités par l'entremise d'un partenariat proactif. Notre gouvernement continuera de discuter avec ses partenaires du gouvernement fédéral et d'Air Canada, ainsi qu'avec les intervenants locaux sur les répercussions du projet de loi C-10.

En effet, l'adoption du projet de loi C-10 aura des répercussions importantes, et il n'est pas approprié de précipiter les choses sans privilégier la discussion et la réflexion. Cette position fait l'unanimité au Manitoba, car une motion à cet égard présentée à l'Assemblée législative du Manitoba a reçu le soutien unanime de tous les partis.

J'aimerais remercier les membres du comité de leur temps.

Mme Stefanson : Comme mon collègue vient de le dire, les mesures prises par le gouvernement fédéral peuvent avoir des répercussions considérables sur la durabilité du secteur de l'aérospatiale du Manitoba.

En février 2016, le gouvernement provincial précédent a écrit au ministre Garneau pour lui demander à ce que les modifications apportées à la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada soient limitées à l'élargissement de la portée géographique des engagements d'Air Canada au Manitoba. Toutefois, la modification proposée dans le projet de loi C-10 dépasse largement la portée géographique. L'esprit et l'intention initiale du projet de loi étaient de veiller à ce que les emplois spécialisés dans le domaine de l'entretien lourd demeurent au Manitoba. Même s'il peut être approprié d'offrir une certaine souplesse, les modifications proposées élimineraient virtuellement toute obligation de la société de maintenir des emplois spécialisés de haute qualité dans le domaine de l'entretien lourd dans notre province. Cela va à l'encontre des intérêts des Manitobains.

L'industrie aéronautique a beaucoup évolué depuis la privatisation d'Air Canada et l'adoption de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. La compétitivité fait partie intégrante de la croissance économique. Nous acceptons le changement, mais c'est la responsabilité de notre nouveau gouvernement de veiller à ce que l'industrie aérospatiale du Manitoba émerge renforcée, et non affaiblie, sur le marché mondial.

Il n'est pas approprié de précipiter l'adoption de modifications à la loi sans prendre le temps de discuter et de réfléchir, car ces modifications élimineront virtuellement toute obligation d'Air Canada de maintenir des emplois spécialisés de haute qualité liés à l'entretien lourd dans notre province. Le nouveau gouvernement du Manitoba a discuté de cet enjeu avec des intervenants de notre secteur de l'aérospatiale, des partenaires fédéraux et des représentants d'Air Canada. Nous avons clairement exprimé que notre gouvernement s'oppose aux modifications que le gouvernement fédéral prévoit apporter à la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Nous continuerons de nous y opposer jusqu'à ce que le gouvernement fédéral assure aux Manitobains que les changements apportés à la loi et les investissements connexes et la création d'emplois représenteront un avantage net pour l'économie de leur province.

Notre position est appuyée par une motion récemment adoptée unanimement par tous les partis à l'Assemblée législative du Manitoba. Le Manitoba comprend qu'il est nécessaire de moderniser la loi, mais il est tout aussi nécessaire de s'engager à protéger le secteur de l'aérospatiale du Manitoba et l'économie de la province. Nous poursuivons les discussions avec nos partenaires d'Air Canada. Jusqu'ici, ces discussions ont été productives. Toutefois, le manque d'engagement et de suivi des députés fédéraux originaires du Manitoba nous déçoit toujours. Au cours des dernières semaines, notre premier ministre a rencontré le premier ministre du Canada et a indiqué que le Manitoba continuerait d'exercer des pressions pour que le gouvernement fédéral s'engage à assurer la croissance continue du secteur de l'aérospatiale de la province.

Le premier ministre du Canada et le premier ministre provincial conviennent de l'importance de maintenir une industrie aérospatiale florissante au Manitoba. Des membres des communautés des affaires et de l'aérospatiale du Manitoba ont récemment communiqué avec notre gouvernement, car ils sont préoccupés par les répercussions du projet de loi C-10, mais aussi parce qu'ils craignent de plus en plus que le gouvernement fédéral décide de choisir un autre avion que le F-35.

Les représentants de l'industrie et notre gouvernement craignent que ces développements nuisent aux efforts et aux investissements importants effectués dans cette industrie par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial en vue de permettre au Manitoba de profiter des occasions offertes à l'échelle mondiale. Cette industrie a déjà subi de lourdes pertes lorsque des projets de défense ont été annulés alors qu'on avait déjà effectué des investissements importants en ressources humaines et en équipement.

L'un de ces cas les plus connus concerne le contrat des CF-18. Ces types de conflits ne profitent à personne et peuvent être évités par l'entremise d'un partenariat proactif. Les Manitobains craignent que la démarche du gouvernement fédéral favorise les intérêts d'autres régions au détriment de ceux du Manitoba. On ne devrait pas demander au Manitoba d'accepter moins que sa juste part.

Nous espérons toujours que le gouvernement fédéral profitera de cette occasion pour démontrer son engagement à long terme envers la viabilité économique de l'industrie par l'entremise de mesures concrètes. Tant que des engagements précis n'auront pas été pris pour assurer aux Manitobains que les changements apportés à la loi et les investissements connexes et la création d'emplois représenteront un avantage net pour l'économie du Manitoba, nous continuerons de nous opposer à ce projet de loi.

Merci.

Le vice-président : Monsieur Rebeck, veuillez livrer votre exposé.

Kevin Rebeck, président, Manitoba Federation of Labour : Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au comité sénatorial au sujet du projet de loi C-10.

J'ai eu le plaisir de m'adresser au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes en mai dernier au sujet de ce projet de loi. À ce moment-là, j'avais demandé que le projet de loi C-10 soit rejeté, car il était manifestement dommageable pour les emplois et la croissance économique du Manitoba. Le même jour, le gouvernement provincial du Manitoba, représenté par la vice-première ministre Heather Stefanson, a fait une importante présentation sur le projet de loi.

Dans la foulée des délibérations du comité permanent, l'Assemblée législative du Manitoba a adopté une résolution unanime déclarant son opposition au projet de loi C-10. Par ailleurs, la communauté d'affaires du Manitoba s'est également prononcée contre le projet de loi. J'espère sincèrement que le comité sénatorial entendra cet appel solidaire des travailleurs du gouvernement et de la communauté des affaires du Manitoba, qui demandent le rejet du projet de loi C-10.

De tout temps, Air Canada a été un employeur très important, générateur d'activité économique à Winnipeg, et au Manitoba de façon plus élargie. Au cours des dernières années, toutefois, nous avons ressenti les effets néfastes de la réduction des activités d'Air Canada et de son déménagement, car cela a éliminé un grand nombre d'emplois au sein de notre ville. En effet, Air Canada a éliminé des postes d'agent de bord, de pilote et de gestion financière et d'autres postes dans les centres d'appels à Winnipeg. Et bien sûr, plus récemment, nous avons été touchés par l'immense perte de 400 emplois de haute qualité lorsqu'Aveos a mis fin, en 2012, à ses activités d'entretien d'aéronefs à Winnipeg; quelque 350 membres de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale ont également été touchés.

Dans l'ensemble, le nombre total de postes d'Air Canada au Manitoba est passé de près de 2 400 en 2002 à moins de 800 aujourd'hui, soit une réduction de près des deux tiers des emplois. Le projet de loi examiné aujourd'hui porte surtout sur les emplois de révision et d'entretien, et propose précisément d'assouplir les règles qui exigent actuellement qu'Air Canada maintienne des emplois; des exigences que la société a méprisées et a omis de respecter. L'expression « exigences assouplies » ne décrit pas avec exactitude ce que le projet de loi propose de faire. Les modifications qui vous sont présentées anéantissent les obligations d'Air Canada relatives au maintien de bons emplois à Winnipeg, les rendant peu contraignantes et inapplicables.

L'élimination des activités liées à l'entretien lourd à Winnipeg, résultat de l'effondrement d'Aveos, contrevient directement à l'actuelle LPPCAC de 1988, qui oblige explicitement Air Canada à maintenir un centre d'entretien et de révision à Winnipeg, de même qu'à Montréal et à Mississauga.

Nous savons que les gestes d'Air Canada contreviennent à la loi actuelle, puisque cette loi est claire, précise et détaillée. Nous le savons aussi parce que la Cour supérieure du Québec nous l'a confirmé. En réponse à une poursuite déposée par le Québec en avril 2012, à laquelle s'est joint par la suite le Manitoba, la Cour supérieure du Québec a conclu qu'Air Canada contrevenait à la loi parce qu'elle n'avait pas maintenu les activités d'entretien lourd, comme l'exigeait la loi. Lorsqu'Air Canada a interjeté appel de cette décision, la Cour d'appel du Québec s'est prononcée contre la société.

Il est décevant de constater que le gouvernement du Canada refuse jusqu'à présent de faire appliquer ses propres lois. Cette attitude est encore plus difficile à expliquer depuis que la Cour du Québec a prononcé un jugement contre Air Canada.

Cette loi, qui privatisait Air Canada, incluait intentionnellement et précisément des exigences visant à garantir que des emplois hautement qualifiés, de haute technologie et payants soient conservés à Winnipeg et dans d'autres centres canadiens.

Cette loi n'a pas été adoptée accidentellement. Elle était le résultat des préoccupations soulevées à l'époque par les syndicats, les communautés touchées et les administrations locales et provinciales en raison de la possibilité et de la probabilité de perte d'emplois. Ces préoccupations se sont concrétisées par la suite.

Le gouvernement fédéral de l'époque nous avait dit de ne pas nous inquiéter. Le Canada avait dit que les emplois allaient être préservés et que leur nombre allait peut-être même augmenter. Des préoccupations similaires ont été soulevées après la fusion d'Air Canada et de Canadian Airlines, et après la scission de ce qui allait devenir Aveos. Encore une fois, on nous a dit qu'il n'y avait rien à craindre puisque la loi garantissait que les emplois seraient maintenus, mais cela ne s'est pas produit. La fermeture d'Aveos a coûté 400 bons emplois à notre communauté, et le Canada n'a pas réussi à obliger Air Canada à rendre des comptes et à respecter la loi.

Au contraire, le gouvernement fédéral semble avoir participé à des négociations secrètes avec Air Canada, avec pour résultat le projet de loi C-10, qui supprime toutes les exigences substantielles obligeant Air Canada à mener ses activités à Winnipeg et dans d'autres régions du Canada.

Le paragraphe 1(2) de la loi permet à Air Canada de modifier le type ou le volume d'une ou de plusieurs de ses activités d'entretien, et de modifier le niveau d'emploi rattaché à ces activités. Cela revient à éliminer complètement les exigences liées aux emplois et aux activités actuellement prévues par la loi.

Maintenant, Air Canada nous dit qu'elle s'efforce de mettre sur pied un prétendu centre d'excellence à Winnipeg. À la mi-mars de cette année, la société a annoncé qu'elle avait conclu un marché avec le Manitoba, lequel devait prendre la forme d'un protocole d'entente — qui devait créer environ 150 emplois à Winnipeg grâce à la mise sur pied de trois activités de fournisseurs d'Air Canada. Toutefois, peu de détails et de renseignements sont connus au sujet de ce marché, car le protocole d'entente est maintenu secret et n'a pas été rendu public.

Dois-je préciser qu'aucune mention n'a été faite des modifications législatives associées au marché annoncé?

Nous avons donc peu de réponses et de nombreuses questions. Premièrement, nous ignorons si Air Canada est véritablement obligée de créer 150 emplois ou si elle a simplement convenu de faire de son mieux. Est-ce que le nombre annoncé de 150 emplois est un nombre ferme? Ces emplois sont-ils garantis?

Deuxièmement, pendant combien de temps Air Canada doit-elle maintenir ces emplois? Pourraient-ils être supprimés ou éliminés dans un, deux ou trois ans? Que dit le protocole d'entente au sujet des échéances et de la permanence?

Troisièmement, des rapports informels nous permettent de croire qu'Air Canada aurait jusqu'à la fin du mois de juin pour respecter les obligations, quelles qu'elles soient, auxquelles elle a accepté de se soumettre dans le protocole d'entente. Le gouvernement fédéral peut-il confirmer ce délai? Et si c'est bel et bien le cas, pourquoi le gouvernement fédéral propose-t-il de modifier cette loi maintenant, avant de pouvoir vérifier si Air Canada va vraiment donner suite à ses engagements? Pourquoi l'attribution d'une période a-t-elle été utilisée pour relever le plus vite possible Air Canada de ses obligations existantes, des obligations que la société a refusé de respecter pendant des années, avant même de savoir si elle est prête à honorer ses nouveaux engagements tenus secrets?

Les Manitobains méritent d'obtenir des réponses à ces questions. Au nom de la Manitoba Federation of Labour, je demande instamment au comité sénatorial de rejeter ce projet de loi et de recommander au gouvernement d'honorer et d'appliquer la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.

Le vice-président : Merci, monsieur Rebeck, de votre exposé. Nous entendrons maintenant les questions des sénateurs. La première question sera posée par le sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Merci aux ministres Stefanson et Cullen ainsi qu'à M. Rebeck d'être des nôtres ce soir. Nous vous en sommes très reconnaissants. J'aimerais évidemment faire écho à ce que tous les trois avez dit, c'est-à-dire qu'il doit y avoir un bénéfice net pour la province du Manitoba si on souhaite aller de l'avant avec un projet de loi qui me paraît douteux, notamment en raison du moment choisi pour le présenter.

Monsieur Rebeck, j'aimerais tout d'abord vous adresser ma première question, après quoi je poserai quelques questions aux deux ministres.

Monsieur Rebeck, tout d'abord, pouvez-vous me dire qui était le plus grand client d'Aveos?

M. Rebeck : Je pense que c'était Air Canada.

Le sénateur Plett : Je crois que vous avez raison, et l'échec d'Aveos a probablement un lien avec ce fait.

Vous avez parlé du centre d'excellence et de la création de 150 emplois, et vous vous demandiez si c'était une garantie ou non. Selon le communiqué que j'ai ici, on dit : « Le centre devrait créer 150 emplois dès 2017... ». On dit qu'il « devrait » et non pas qu'il « va » créer 150 emplois. Vous avez raison. Lorsque le projet de loi stipule : « Sans éliminer l'exercice d'activités d'entretien d'aéronefs en Ontario, au Québec ou au Manitoba, la Société peut [...] modifier le type ou le volume d'une ou de plusieurs de ces activités dans chacune de ces provinces ainsi que le niveau d'emploi rattaché à ces activités », est-ce que cela vous rassure, dans une certaine mesure, monsieur Rebeck?

M. Rebeck : Cela ne me rassure pas du tout. Il n'y a rien dans ce libellé qui nous laisse croire que la société va respecter ses promesses et les obligations dont elle doit s'acquitter.

Le sénateur Plett : Madame la ministre, vous avez été très claire dès le départ, et je vous félicite d'avoir obtenu le consentement unanime pour votre motion. J'aurais aimé que les députés libéraux du Manitoba veuillent aider le Manitoba autant que les députés libéraux provinciaux. C'est malheureux.

Voici donc ma question. On a parlé des engagements qui ont été pris lors des dernières élections provinciales par une ministre du Manitoba, MaryAnn Mihychuk, et il y a eu un article dans le Free Press le week-end dernier, avec une très mauvaise photo de moi. Cela m'a un peu choqué, mais je vais régler cela plus tard avec la journaliste en question. Quoi qu'il en soit, l'article était très pertinent et, à la fin, la journaliste a indiqué avoir essayé d'entrer en contact avec la ministre Mihychuk pour savoir exactement ce qu'elle avait dit. Elle a reçu une réponse écrite de la part de son bureau dans laquelle elle disait appuyer tout l'Ouest du Canada et, bien sûr, le Manitoba. C'est tout ce qu'elle a répondu lorsqu'on a voulu en savoir davantage au sujet de sa promesse explicite.

J'ai demandé aujourd'hui au ministre des Transports ce qu'il en était de cette promesse et, pour l'amour du ciel, je ne peux pas comprendre cela. Tout le monde semble avoir perdu le numéro de téléphone de la ministre Mihychuk et personne ne peut l'appeler pour avoir l'heure juste sur l'engagement qu'elle a pris.

Pourriez-vous préciser ce que, selon vous, le Manitoba devrait recevoir, au même titre que le ministre Garneau a indiqué qu'il allait octroyer 10 millions de dollars au Collège Red River pour la formation? Aucune somme n'est à prendre à la légère, alors pourriez-vous nous dire, madame la ministre, ce que vous souhaiteriez voir?

Mme Stefanson : Je vous remercie, sénateur, pour votre question. Il s'agit d'une question importante et, depuis le début, nous avons été très clairs à ce sujet; nous devons nous assurer que cela procurera un avantage économique net pour le Manitoba.

Le projet de loi a été déposé par les libéraux fédéraux. Nous avons tenu des discussions avec les ministres Mihychuk et Carr dans ce dossier, et rien jusqu'à présent ne nous indique qu'on va respecter cet engagement. C'est pourquoi il serait important de mettre les choses au clair. Je crois savoir qu'il y a des discussions en ce moment entre les fonctionnaires, mais rien ne nous a laissés croire jusqu'ici que le Manitoba tirera un avantage économique net. C'est pourquoi nous continuerons de nous opposer à ce projet de loi, tant et aussi longtemps que n'aurons pas reçu de confirmation du gouvernement fédéral. J'encourage donc les sénateurs à freiner l'adoption de ce projet de loi pour que nous ayons une discussion. C'est précisément pour cette raison qu'il ne faut pas adopter ce projet de loi avant de pouvoir donner des garanties aux Manitobains.

Le sénateur Plett : Merci à vous deux. Vous pourriez peut-être écrire à quelqu'un ici à Ottawa qui a le numéro de téléphone de la ministre Mihychuk et qui pourrait l'appeler afin qu'on puisse avoir des réponses. Merci.

Le sénateur Black : Mesdames et messieurs les ministres et témoin, je vous remercie de vos exposés très exhaustifs, et je vous remercie également de votre appui très dynamique envers votre province. C'est tout à fait naturel. Je vous félicite aussi pour votre nouveau gouvernement.

Toutefois, je dois vous dire que j'ai quelques problèmes avec ce que vous voudriez qu'on fasse. Si j'ai bien compris ce que vous proposez, vous souhaiteriez qu'on retarde l'adoption du projet de loi, au détriment d'Air Canada et, vraisemblablement, au détriment de deux autres provinces désignées. J'ajouterais rapidement que je représente une province qui n'a pas été énoncée dans le projet de loi et qui pourrait sans doute faire valoir qu'elle non plus ne retirera aucun gain économique net de ce projet de loi.

Vous aimeriez qu'on mette tout cela en suspens pendant que vous continuez à discuter des avantages auxquels vous avez droit — que vous appelez avantages économiques nets — avec Ottawa. Croyez-vous que c'est approprié de demander cela au Sénat du Canada?

Mme Stefanson : Je présume que vous me posez la question?

Le sénateur Black : Je m'adresse aux deux ministres, en effet.

Mme Stefanson : Merci beaucoup, sénateur, pour cette question. En tant que gouvernement nouvellement élu, nous représentons les habitants du Manitoba, et il nous incombe de les représenter du mieux que nous le pouvons. C'est précisément pour cette raison que nous nous trouvons ici devant le comité aujourd'hui. C'est aussi pourquoi j'ai comparu, en compagnie de M. Rebeck, devant la Chambre des communes.

Il est très important que nous défendions les intérêts des Manitobains. C'est notre travail. Nous continuerons de le faire, au nom des Manitobains. On ne nous avait jamais donné l'impression qu'un projet de loi serait présenté de la sorte, mais puisque c'est le cas, nous devons désormais nous porter à la défense des Manitobains. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Je vous rappelle que c'est un comité composé de représentants de tous les partis qui l'a appuyé. Ce n'est donc pas une question d'allégeance politique. Il s'agit ici de défendre les intérêts de notre province.

Le sénateur Black : Je comprends très bien cela et, en tant que sénateur élu dans cette Chambre, je respecte le fait que vous avez des électeurs et que vous devez défendre énergiquement leurs intérêts, et c'est ce que vous faites.

Cependant, vous devez comprendre qu'il y a d'autres intérêts en jeu, et il pourrait ne pas être approprié de se servir d'Air Canada comme monnaie d'échange dans cette conversation. On est peut-être en désaccord sur ce point.

J'aurais une autre question concernant la situation de l'industrie aérospatiale au Manitoba. J'aimerais savoir pourquoi l'industrie n'a pas été en mesure d'attirer d'autres clients : les compagnies Delta, United et Qantas de ce monde. Il y a 300 ou 400 compagnies aériennes partout dans le monde. Pourquoi l'industrie tient-elle à ce point à cette mesure de protection alors que vous n'avez pas pu vous en servir dans le secteur privé, en utilisant les règles du secteur privé?

M. Cullen : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. J'apprécie votre question. Comme vous le savez, nous sommes un nouveau gouvernement. Cela ne fait que sept semaines que nous sommes au pouvoir. Je peux vous garantir que mon portefeuille est touché par le fait qu'on essaie de stimuler l'économie de la province. Nous venons à peine d'entamer le dialogue avec de nombreuses entreprises partout dans le monde, mais chose certaine, nous aimerions attirer des entreprises au Manitoba.

L'industrie aérospatiale est très importante pour le Manitoba. Comme je l'ai mentionné, nous avons 5 400 emplois directs ici et d'autres secteurs directement liés à l'industrie aérospatiale dans la province. Il y a beaucoup de travaux de recherche qui sont effectués au Manitoba dans ce domaine.

Nous avons un groupe d'entreprises très novateur ici qui travaille étroitement avec l'industrie aérospatiale, et nous croyons qu'il y a beaucoup de synergies au Manitoba pour l'industrie. En tant que nouveau gouvernement, nous montrons que nous sommes ouverts aux affaires et que nous voulons attirer des entreprises ici, au Manitoba. Chose certaine, c'est le mandat que nous a confié notre premier ministre, et nous ferons tout notre possible pour y attirer des investissements.

Nos portes sont grandes ouvertes, et nous tenterons d'en ouvrir d'autres afin de stimuler davantage l'investissement ici dans la province. Nous savons que nous avons des ressources, notamment au chapitre des immeubles et de la main- d'œuvre. Nous sommes impatients de discuter avec les entreprises afin de déterminer comment nous pouvons optimiser ces avoirs.

Le sénateur Pratte : Ma question s'adresse aux ministres. Vous voulez vous assurer que le Manitoba tirera un avantage économique net. L'ouverture d'un centre d'excellence pour l'entretien d'aéronefs et la création d'au moins 150 emplois hautement spécialisés à Winnipeg ne constitueraient-ils pas un avantage économique net pour le Manitoba?

Mme Stefanson : Je pense qu'il ne faut pas oublier ici que nous n'étions pas du tout au courant qu'un projet de loi allait être déposé. Nous sommes en pourparlers avec Air Canada, mais ce sont des discussions distinctes. Il s'agit d'un projet de loi dont le Parlement est saisi et où à un certain moment, on nous a indiqué qu'il y aurait un avantage net pour les Manitobains par un accord conclu entre un ancien ministre libéral fédéral et l'ancien gouvernement. Nous voulons simplement nous assurer qu'on respecte cet engagement, et c'est pourquoi nous comparaissons devant vous aujourd'hui. À l'heure actuelle, les libéraux fédéraux ne nous ont pas du tout indiqué qu'ils comptaient donner suite à ces engagements qui ont été pris avant notre arrivée au pouvoir.

Le sénateur Pratte : Si le projet de loi C-10 n'est pas adopté avant le congé estival et avant la fin du délai de la décision de la Cour suprême pour la permission d'appel d'Air Canada, ne craignez-vous pas que cela mette en péril la création des centres d'excellence à Winnipeg et à Montréal et, par conséquent, que cela risque de faire disparaître les 150 emplois à Winnipeg et les 1 000 emplois à Montréal?

Mme Stefanson : Je vous remercie de votre question, sénateur, et je sais que nous avons déjà eu une discussion à ce sujet. Je vous ferai remarquer que, selon le libellé actuel de la loi, il n'y a aucune garantie que ces emplois resteront au Manitoba. C'est notre principale préoccupation. Tant que les libéraux du gouvernement fédéral, qui ont déposé ce projet de loi, ne nous auront pas garanti que le Manitoba tirera un avantage économique net, nous continuerons de nous opposer à ce projet de loi. À l'heure actuelle, il n'y a rien qui nous indique que ce soit le cas.

Le sénateur Pratte : Je comprends votre point de vue, mais, sauf le respect que je vous dois, je considère que votre stratégie est très risquée. Merci beaucoup.

Le sénateur Eggleton : Pour revenir aux questions posées par les sénateurs Black et Pratte, je dois dire que j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi nous utilisons un outil législatif dans le cas d'une société privée qui est en concurrence avec d'autres entreprises du secteur privé, comme WestJet, qui ne fait face à aucune exigence comme celle-ci. Air Canada affirme qu'elle est une société privée depuis près de trois décennies. Je connais son histoire à titre de société d'État, mais maintenant qu'elle est une société privée, elle doit rivaliser avec d'autres compagnies aériennes au Canada et à l'échelle internationale.

Je peux comprendre que les gouvernements offrent des incitatifs à la création d'emplois, mais il s'agit ici d'un outil législatif. Le projet de loi C-10 propose d'inclure les trois provinces plutôt que les trois villes. Si nous adoptons ce projet de loi, ne serait-il pas préférable de parler du « Canada » plutôt que des « trois provinces », pour permettre à la concurrence d'aller où elle veut à l'intérieur du pays? Vaudrait-il mieux parler du Canada en entier?

Mme Stefanson : La Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada est initialement entrée en vigueur dans les années 1980. En fait, c'était le fruit des efforts déployés à l'époque pour veiller à ce qu'il y ait des emplois au Manitoba. Cela ne date donc pas d'hier.

Nous n'avons aucune objection à moderniser en partie la loi. En fait, nous sommes même d'accord. Nous n'avons rien contre le fait de modifier la portée géographique. Ce qui nous pose problème, c'est le fait qu'il y a eu une loi, dont le Parlement a été saisi il y a de nombreuses années, qui a amené des emplois au Manitoba, et aujourd'hui, cette loi nous enlève cette garantie, et ce, sans que le gouvernement fédéral nous ait indiqué que le Manitoba aurait une quelconque compensation ou un avantage économique net. Pour nous, en tant que gouvernement nouvellement élu, nous ne croyons pas que ce soit dans l'intérêt des Manitobains.

M. Rebeck : Effectivement, cela nous préoccupe énormément. Cette loi a été adoptée lorsqu'Air Canada est devenue une entité privée. Cela faisait partie de l'entente lorsqu'elle a obtenu les actifs d'une société d'État. C'était assorti de certaines conditions, notamment celle d'offrir de bons emplois aux Canadiens et de les garder au Canada. On a choisi des régions géographiques. Je n'étais pas à la table des négociations à l'époque, alors je ne sais pas exactement comment cela s'est passé, mais notre province y était. On nous a promis qu'on maintiendrait de bons emplois au Canada. Cela faisait partie de l'entente.

Je ne suis pas surpris que le conseil d'administration d'Air Canada demande au gouvernement d'être libéré de ses obligations. Il a raison de présenter ces arguments. Toutefois, nous représentons les Canadiens, et nous considérons que ce n'est pas une demande équitable. Lorsqu'elle est devenue une entité privée, Air Canada s'était engagée à garder de bons emplois au Canada dans des régions précises. Ces travaux sont toujours nécessaires. Ce n'est pas comme si les aéronefs pouvaient désormais se réparer tout seuls. Ils doivent être réparés quelque part. La société veut être libérée de son obligation d'offrir de bons emplois aux Canadiens. Ce n'est pas une bonne chose, et c'est la raison pour laquelle nous nous y opposons vigoureusement.

Les centres d'excellence ne sont pas prévus dans le projet de loi. On ne dit pas qu'on veut les remplacer par des centres d'excellence et offrir de bons emplois. On nous présente quelque chose pour nous distraire. C'est quelque chose que nous voulons, et peut-être que cela pourrait permettre de concilier certains intérêts. C'est de la foutaise. Une entente a été conclue et on a pris des engagements, mais en toute honnêteté, ces engagements n'ont pas toujours été respectés, et ils doivent l'être.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Je m'adresse maintenant aux ministres. D'après ce que vous avez dit, vous tenez des discussions avec Air Canada. J'aimerais savoir quelle est la nature de ces discussions concernant le centre d'excellence. Vous a-t-on donné des garanties? A-t-on fixé des échéanciers?

Ensuite, votre insistance sur les retombées économiques nettes est dirigée vers vos discussions avec le gouvernement fédéral. Dois-je en déduire que vous envisagez un engagement économique sans rapport, peut-être, avec les emplois réels à Air Canada et les emplois des machinistes dont nous parlions; que vous discutez peut-être de solutions de rechange? Je ne saisis pas trop vos exigences à l'égard d'Air Canada et du gouvernement fédéral.

Mme Stefanson : Je tiens à remercier la sénatrice pour son importante question. Le projet de loi C-10 est le fait du gouvernement libéral fédéral. Encore une fois, nous n'avons rien à redire contre la modernisation de la loi, son changement de portée ou le changement de portée géographique. Mais, pour nous, le problème est l'absence de retombées économiques nettes pour les Manitobains. Ça, nous l'avons dit.

Ce que nous cherchons, c'est l'assurance qu'il y en aura. Nous n'avons pas entendu le gouvernement fédéral assurer aux Manitobains qu'il y en aura. Le projet de loi n'exige plus qu'Air Canada fournisse ces 400 emplois au Manitoba. Quand une nouvelle loi entraîne une perte, c'est la moindre des choses d'assurer à la province des retombées économiques nettes. Nous ne réclamons que justice. Rien d'autre. Nous voulons nouer de bonnes relations, des relations de partenariat avec le gouvernement fédéral. Nous nous en réjouissons d'avance. Actuellement, nous ne recevons aucune de ces assurances du gouvernement fédéral.

La sénatrice Lankin : Une question supplémentaire, si vous permettez.

Alors, si le gouvernement fédéral devait s'engager dans une sorte de programme d'investissements économiques en partenariat avec vous, qui pourrait ne pas englober les emplois syndiqués des machinistes de l'industrie de l'entretien des avions, ai-je raison de penser que vous seriez susceptible d'examiner et d'envisager une solution complètement différente?

Mme Stefanson : Oui. Nous voulons, pour le Manitoba, de la formation et des emplois qui, encore une fois, auront pour nous des retombées économiques nettes. C'est exactement ce que nous recherchons. Vous voulez ajouter quelque chose?

M. Cullen : Nous sommes persuadés que l'aérospatiale peut continuer de se développer ici, au Manitoba. Il est sûr que nous aimerions que le gouvernement fédéral s'engage à cet égard. Nous sommes certainement prêts à discuter d'options, certainement pour l'aérospatiale et ailleurs. Nous croyons déceler ici, au Manitoba, beaucoup d'optimisme pour le climat économique.

Nous voulons discuter avec le gouvernement fédéral. Il serait bon d'avoir une discussion franche et honnête sur les éventuelles possibilités. Jusqu'ici, il n'y en a pas eu. Voilà qui explique la déception de notre gouvernement. M. Rebeck, si on se fie à sa position, est certainement très déçu. Nous en sommes là. Il n'y a pas eu de discussions avec le gouvernement fédéral.

Le sénateur Greene : Merci beaucoup. N'est-il pas raisonnable d'affirmer que toute loi confirme la réalité? Elle permet à un phénomène qui, de toute manière, se produit, de le faire en respectant la loi et, je suppose, ce qui doit continuer d'arriver si on veut qu'Air Canada soit un transporteur capable d'affronter la concurrence mondiale.

Mme Stefanson : Encore une fois, nous n'avons rien à dire contre certaines parties du projet de loi, la modernisation de la loi ou sa portée géographique. Mais quand une disposition précise retranche ce qui faisait partie d'une loi fédérale depuis la fin des années 1980, nous savons, bien sûr, que cette loi a besoin d'être modernisée, mais, en même temps, le Manitoba y perdra quelque chose. C'est pourquoi nous voulions ralentir son adoption tant que les Manitobains ne seraient pas rassurés par l'obtention de retombées économiques nettes. Actuellement, nous n'en avons obtenu aucune assurance.

Le sénateur Pratte : Je pense que M. Rebeck voulait ajouter quelque chose.

Le vice-président : Je suis désolé. Monsieur Rebeck, faites comme chez vous.

M. Rebeck : Toutes ces questions sont intéressantes, mais, en fin de compte, les Canadiens ont conclu une entente dans leur intérêt quand ils ont privatisé une société d'État — c'est-à-dire qu'il y avait obligation de créer de bons emplois au Canada. Nous nous débarrassons de ces obligations. Nous ne sommes pas fidèles à la promesse de fournir ce service aux Canadiens. Nous assouplissons nos exigences au point de les dénaturer complètement.

Je plaide vigoureusement pour le respect de l'entente et de l'engagement dont bénéficiait une région. Il faut les honorer. De façon encore plus générale, les Canadiens s'attendent à ce que leurs représentants, qui sont à leur service, veillent à leurs intérêts, et ce projet de loi ne fait rien pour eux. Il sert seulement les demandes d'une ancienne société d'État avec qui on a conclu un accord et qui veut qu'on oublie désormais cet accord et qu'on la laisse vaquer à ses affaires. Les Canadiens n'en retirent rien.

Nous voulons protéger les emplois. Nous voulons qu'ils demeurent de bons emplois canadiens. L'entreprise a oublié certains de ses engagements envers les régions, et nous voulons qu'elle les honore.

Je pense que nous exprimons des attentes raisonnables, parce que c'était ce qui avait été convenu.

La sénatrice Unger : Madame la ministre, quand votre gouvernement a-t-il pris connaissance du projet de loi C-10? Quelles étaient les circonstances?

Question supplémentaire : Avez-vous l'impression que les négociations se déroulent de bonne foi ou qu'il s'agit seulement de promesses peut-être vaines?

Mme Stefanson : Je vous remercie pour cette excellente question. Nous en avons été avertis dès le début — dès notre arrivée au pouvoir. Comme vous le savez, ce n'est que depuis... Je pense que cela fait maintenant sept semaines. Quand nous l'avons su, il restait quelques jours avant la date limite pour la communication du texte des exposés au comité. Nous avons tout de suite vu la très grande importance, très tôt au début de notre mandat, de rédiger cet exposé, le plus tôt possible. Voilà pourquoi M. Rebeck et moi avons fait un exposé devant le comité permanent de la Chambre des communes, et que nous sommes de retour, quelques semaines plus tard.

Il y a eu très peu de dialogue. Si j'ai bien compris, il pourrait y en avoir un maintenant, et c'est bien. Nous voulons nouer de bons rapports avec le gouvernement fédéral tant qu'il s'agira d'assurer des retombées économiques nettes au Manitoba. C'est la raison pour laquelle les Manitobains nous ont élus, et nous sommes ici pour que cela se produise.

Je conserve l'espoir que cela arrivera avant l'adoption du projet de loi. J'espère qu'il reste du temps pour le faire. Le peu de dialogue qu'il y a eu m'inquiète. Ce n'est pas pour nous faute d'avoir essayé ni faute d'avoir essayé d'assurer, pour les Manitobains, des retombées économiques nettes, mais l'absence de réciprocité, à ce niveau, avec le gouvernement fédéral, nous inquiète.

Nous espérons avoir toutes les discussions que nous pourrons avoir et obtenir du gouvernement fédéral une sorte d'engagement pour assurer au Manitoba des retombées économiques.

La sénatrice Unger : J'ai une autre petite question, sur un recours collectif qui aurait été intenté par d'anciens employés d'Aveos, qui réclament 1 milliard de dollars à Air Canada et au gouvernement du Canada. D'après vous, ces employés perdraient-ils toute possibilité de recours contre Air Canada et les gouvernements du Québec et du Canada si le projet de loi C-10 non modifié recevait la sanction royale? Sinon, pourquoi?

Mme Stefanson : Pardon, vous la posiez à qui?

La sénatrice Unger : À qui voudra répondre. Peut-être à monsieur le ministre.

M. Cullen : Je ne sais pas trop ce qu'il en adviendra. Nous n'en avons pas encore discuté.

La sénatrice Unger : Très bien.

Le président : Pour le deuxième tour, nous poserons de petites questions.

Le sénateur Plett : Chers ministres, permettez-moi de reprendre vos propos. Votre travail est de défendre le Manitoba, ce que vous faites très bien. Tenez bon! C'est votre travail avant tout. En fait, même si l'un de mes collègues semblait penser le contraire, nous avons tous été nommés, et j'insiste là-dessus, pour représenter chacun sa province, d'abord et avant tout; nous sommes des sénateurs canadiens qui représentent chacun sa province. Je vous encourage donc à prendre la défense de ma province le Manitoba, et je sais que vous le ferez.

Madame Stefanson ou monsieur Cullen, mon collègue Pratte a semblé laisser entendre que si nous n'adoptions pas ce projet de loi dans les jours à venir, il mourrait au Feuilleton. Je ne vous ai pas entendus demander de le torpiller, mais de sursoir à son adoption tant que rien ne surviendrait. Le sénateur Pratte est un nouveau; il ne se rappelle pas quand nous avons siégé jusqu'à la troisième semaine de juillet, il y a quelques années. Cela ne risque pas tant d'arriver, encore, seulement parce qu'aujourd'hui nous sommes lundi et que nous voulons ajourner mercredi. Nous pouvons bien nous retrouver tous ici en juillet, au service de tous les Canadiens et de tous les Manitobains.

Madame la ministre, nous avez-vous demandé de torpiller le projet de loi ou de ne pas l'adopter tant que le Manitoba n'aura pas obtenu ses retombées nettes?

Mme Stefanson : Encore une fois, il est sûr que nous respectons certaines parties du projet de loi, avec lesquelles nous sommes d'accord, comme sa modernisation, ainsi que le changement de sa portée géographique.

Mais vous avez raison. Nous demandons seulement de ne pas précipiter l'adoption du projet de loi, tant que nous ne pourrons pas établir le dialogue avec le gouvernement fédéral et obtenir de lui l'assurance de retombées économiques pour le Manitoba. C'est exactement pour cette raison que nous sommes ici.

Encore une fois, nous ne sommes pas d'accord avec certaines dispositions du projet de loi, qui, croyons-nous, pourraient renforcer la loi, mais il y en a d'autres, aussi, qui sont nuisibles pour notre province, et nous continuerons de défendre les Manitobains et de travailler pour eux.

Le sénateur Plett : Je suis contribuable manitobain et je vous en remercie.

Le sénateur Pratte : Je n'ai pas de question. Je voulais seulement préciser l'échéancier. Je sais très bien que le projet de loi ne mourra pas au Feuilleton, même si nous en retardons l'adoption, mais il y a un délai à respecter. La Cour suprême décidera, le 15 juillet, si nous devons refuser à Air Canada l'autorisation de faire appel. Sinon, la décision de la Cour d'appel du Québec tient, et elle pourrait avoir des conséquences importantes, notamment la fin des centres d'excellence à Winnipeg et Montréal. Elle ferait disparaître ces emplois.

Le vice-président : Merci, cher collègue, d'avoir fait le point sur la situation.

Madame et messieurs les témoins, je vous remercie de votre participation.

Permettez-moi de vous présenter les membres du nouveau groupe de témoins. Nous accueillons les représentants de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, M. David Chartrand, coordonnateur québécois de l'association et M. Fred Hospes, directeur et président général du district 140. Nous accueillons aussi le représentant de l'Association des industries aérospatiales du Canada, M. Jim Quick, qui en est le président et chef de la direction.

MM. Chartrand et Hospes se partageront entre eux leur temps de parole, nous entendrons ensuite M. Quick, puis nous irons aux questions.

Fred Hospes, directeur et président général du district 140, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale : Nous remercions le comité de nous avoir invités à présenter notre point de vue sur le projet de loi C- 10. Notre association est le premier syndicat à Air Canada par le nombre de syndiqués. Nous représentons 8 000 travailleurs. Nous représentons aussi les 2 600 travailleurs d'Aveos qui ont perdu leur emploi.

Quand Air Canada a été privatisée, en 1988, par l'adoption de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, nous avons exprimé nos craintes qu'elle ne délocalise à l'étranger ses opérations d'entretien et de révision. La réaction du gouvernement progressiste-conservateur de l'époque a été d'adopter une loi exigeant d'Air Canada le maintien de ses centres opérationnels et de révision à Montréal, à Mississauga et à Winnipeg. En outre, le gouvernement et Air Canada ont publiquement déclaré que la loi garantissait le maintien et même la croissance, dans ces localités, de l'emploi consacré à l'entretien lourd et à la révision des avions.

L'adoption du projet de loi C-10 nous inspire de fortes craintes. Son paragraphe 1(2), notamment, autorise explicitement Air Canada à modifier le type ou le volume d'une ou de plusieurs de ses activités d'entretien d'aéronefs ainsi que le niveau d'emploi rattaché à ces activités. Il est très troublant que le gouvernement fédéral ait déposé le projet de loi sans avoir consulté le public, dans une tentative évidente de neutraliser les jugements récents de la Cour du Québec. Le projet de loi C-10 autorisera simplement Air Canada à délocaliser à l'étranger ses activités d'entretien et de révision, ce qui met en péril des milliers d'emplois au Canada, dans les hautes technologies, des emplois rémunérateurs, hautement qualifiés, pour des décennies à venir.

La version actuelle du projet de loi est trop vague. Elle dépouille le gouvernement de toute influence pour conserver les emplois canadiens dans cette industrie. Sous le régime de la loi en vigueur, les profits d'Air Canada sont passés successivement de 53 millions, en 2012, à 350, à 531, puis à 1 220 millions de dollars et, enfin, au premier trimestre de 2016, à 101 millions.

Nous incitons vivement le comité à renvoyer le projet de la loi à la Chambre avec les recommandations suivantes :

Premièrement, maintenir au moins les niveaux et le volume d'entretien dans les provinces du Canada où la société se livre à des activités d'entretien.

Deuxièmement, contribuer à la création de centres d'excellence au Québec et au Manitoba, tout en maintenant le niveau actuel d'emploi dans l'une ou plusieurs de ces activités au Canada. Plus précisément, la société doit contribuer à la création d'un centre d'excellence au Québec, qui assurera l'entretien lourd d'aéronefs pendant au moins 20 ans, en créant au moins 1 000 emplois en 15 ans.

Troisièmement, contribuer à la création d'un centre d'excellence au Manitoba avec le concours de trois de ses fournisseurs et partenaires dans l'aviation, ce qui créerait au moins 150 emplois.

Quatrièmement, restaurer sa présence dans le secteur de l'entretien lourd et de la révision au Canada par le retour au Canada de 2 600 emplois d'entretien hautement spécialisés qui ont été perdus après la faillite et la liquidation d'Aveos. Ça devra être chose faite pas plus tard qu'en janvier 2019.

Le projet de loi C-10 met en péril la survie de l'industrie canadienne de l'entretien, de la réparation et de la révision d'aéronefs. Les amendements que nous proposons obligent Air Canada à confirmer ses vagues promesses de création d'emplois tout en protégeant l'industrie actuelle et en sécurisant les emplois à venir.

Enfin, nous demandons au comité de proposer et d'appuyer ces recommandations, pour le bien du secteur et celui du pays.

David Chartrand, coordonnateur québécois, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale : Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre accueil. M. Hospes a essentiellement dit ce que nous aimerions obtenir de vous. Nous voudrions des amendements et le maintien de certaines garanties concernant le maintien de notre travail actuel et la récupération de celui que nous faisions. Je vais aborder deux questions.

Quand on se fait balancer une masse de renseignements sur une activité qui a lieu depuis 20 ans, on ressent parfois un besoin d'aide pour les relativiser et éclairer la vraie nature des enjeux. Dans le cas dont je parle, on nous a laissé entendre que si nous obligions Air Canada à s'occuper de sa propre maintenance, comme elle avait l'habitude de le faire, nous allions l'assujettir à nouveau à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Je le dis : c'est faux. Air Canada s'est mise sous la protection de cette loi pour d'autres motifs. Il n'a jamais été dit que c'était la seule explication. Revenons rapidement en arrière et essayons de voir ce qui s'est passé. En même temps, j'essaierai aussi de répondre à certaines questions qui risquent de se poser.

On croit à tort qu'Air Canada a déclaré faillite en raison de ses activités d'entretien. Le fait est qu'au moment où Air Canada s'est placée sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, ou LACC, c'était attribuable à une combinaison parfaite de facteurs dans le milieu du transport aérien. Il y a eu les événements du 11 septembre, le syndrome respiratoire aigu sévère, ou SRAS, puis la flambée des coûts du carburant — qui constituent le gros des dépenses d'un transporteur aérien en activité. Le trafic aérien a chuté de 45 p. 100 après la survenue de tous ces événements en même temps.

Il y a aussi le fait qu'au moment où Air Canada a fait l'acquisition de Canadian Airlines, la société a dû éponger un déficit de 3,5 milliards de dollars. Il faut comprendre qu'elle n'avait aucune dette en 1988, au moment de sa privatisation et de l'adoption du projet de loi. Par la suite, la dette a continué de s'accumuler pour toutes sortes de raisons, mais jamais en raison de l'entretien. De nos jours, je dirais que le joueur de flûte tente de vous faire croire que c'est l'entretien qui pose problème et qu'il faudra peut-être à nouveau placer Air Canada sous la LACC.

Non seulement l'entretien était rentable — les opérations n'auraient pas pu être vendues sinon —, mais en plus, ce volet a remporté des prix en 2012 et avant aussi, ce que vous verrez sur le site web d'Air Canada. Les délais d'exécution étaient rapides, les activités étaient rentables, et des lettres de recommandation vantaient l'excellent travail des centres d'entretien d'un bout à l'autre du Canada.

Je ne crois pas ce qui est dit, et vous ne devriez pas le croire non plus. Je pense que vous devez déterminer si l'entretien était rentable ou non à partir de renseignements justes qui proviennent de ceux qui sont au courant.

Les coûts du carburant ont flambé de 30 p. 100. Le SRAS a eu une incidence majeure, et j'ai toutes sortes d'informations en main au cas où un membre du Sénat s'y intéressait. Nous pouvons vous remettre ces renseignements.

Nous avons même des articles de journaux qui disent la même chose, et qui ont été publiés dans le Globe and Mail et le Devoir — des journaux francophones et anglophones.

À la suite de la fusion au cours de laquelle Air Canada a repris les activités de Canadian Airlines, la société a contracté la dette colossale du transporteur, qu'on estime à 3,4 ou 3,5 millions de dollars. Jamais l'entretien n'a été un problème en soi. Même s'il a été question des coûts de la main-d'œuvre, c'était simplement une discussion générale. Le problème n'était jamais attribuable à l'entretien seulement. En fait, les dirigeants de la société croyaient en général que les coûts de la main-d'œuvre étaient plus élevés.

À vrai dire, les délais d'exécution étaient excellents, la qualité aussi, les coûts étaient compétitifs, et Air Canada remportait des prix, comme vous pouvez le voir en 2002. Sur le plan de l'entretien, de la réparation et de la révision, les Services techniques d'Air Canada, ou STAC, arrivaient au premier rang au Canada, et au quatrième rang en Amérique du Nord, selon le magazine Airline Business.

Chacun d'entre vous doit comprendre qu'on vous fait croire qu'Air Canada devra se replacer sous la LACC en raison de l'entretien. Or, ce n'était pas l'entretien qui posait problème. Là n'était pas le problème. Toutes sortes d'autres facteurs ont été nommés, que ce soit par Robert Milton ou par qui que ce soit d'autre. Ces gens ont toujours maintenu que les problèmes sont ceux que j'ai énumérés tout à l'heure, à savoir le SRAS, les événements du 11 septembre et les coûts du carburant, mais pas l'entretien.

Il faut uniformiser les règles du jeu. Voilà un autre domaine où on vous donne de l'information pour vous demander de le faire, étant donné que nous faisons concurrence à d'autres entreprises qui n'ont pas les mêmes restrictions que nous.

J'ai fait un peu de recherches sur Wikipédia et d'autres sites web, et je peux vous assurer qu'il est faux d'affirmer que les transporteurs ne font plus l'entretien de leur propre parc aérien. Air Canada, l'Association des industries aérospatiales du Canada, ou AIAC, et l'Organisation de l'aviation civile internationale, ou OACI, ont tous plus d'information que nous. Quelques recherches nous ont suffi pour découvrir que bon nombre des entreprises qui font concurrence à Air Canada s'occupent elles-mêmes des activités d'entretien, de réparation et de révision.

La différence, c'est que les gouvernements et les transporteurs aériens appuyaient ces entreprises pour assurer leur compétitivité. Le sénateur Black a demandé tout à l'heure pourquoi Delta ne faisait pas faire son entretien ici. Il faut un point d'ancrage. Il faut qu'une entreprise d'ici soit appuyée. Il faut pouvoir offrir un service pour attirer ces entreprises.

En fait, grâce à une action concertée des services d'ingénierie d'Air China et de partenaires comme CFM International, Safran, GE, Ameco et Lufthansa Technik, la société Air China s'occupe des travaux complets d'entretien, de réparation et de révision sur ses aéronefs, comme nous le faisions ici pour Air Canada.

Aussi, Air France fait la même chose grâce à sa division KLM Engineering & Maintenance. En plus, les activités reçoivent l'appui du gouvernement et du transporteur aérien national.

Le transporteur allemand Lufthansa, par l'intermédiaire de Lufthansa Technik — l'équivalent des STAC pour Air Canada avant leur dissolution ou leur vente à Aveos, qui a fait faillite —, est désormais le chef de file mondial des services d'entretien, de réparation et de révision, et je crois qu'il s'agissait du point de référence d'Air Canada à un moment donné. Nous ne comprenons toutefois pas pourquoi les choses ont changé.

La compagnie aérienne Delta possède Delta TechOps, située à Atlanta, qui s'occupe de tous les travaux d'entretien, de réparation et de révision pour Delta, et qui compte 51 centres dans le monde. Elle offre un programme d'entretien et de services complet au parc aérien de 750 aéronefs.

À Tulsa, American Airlines possède le plus grand centre d'entretien et d'ingénierie au monde appartenant à un transporteur aérien. À la différence d'autres centres d'entretien, de réparation et de révision, American Airlines en est le seul client. Le centre s'occupe de l'entretien complet de tous les aéronefs, il est concurrentiel, et il fait concurrence à Air Canada.

US Airways, qui a fusionné avec American Airlines, avait ses propres centres d'entretien, de réparation et de révision à Pittsburgh et à Charlotte avant la fusion. Ces centres continuent d'ailleurs à faire l'entretien de l'ancien parc aérien d'US Airways.

Je tiens donc à ce que les membres du comité comprennent que toutes les informations colportées sur le bonhomme Sept Heures et sur ce qui va se passer sont fausses — à savoir que la société va fermer ses portes et se placera à nouveau sous la LACC. Si vous prenez le temps de chercher, vous constaterez que l'information est disponible. De nombreuses sociétés s'occupent de leurs propres services complets d'entretien, de réparation et de révision, des services et des travaux qui sont rentables parce qu'ils reçoivent l'appui de leur gouvernement et de leur transporteur national, qui les considèrent comme un atout. En conservant ces opérations au pays, les sociétés ont pu offrir le service à d'autres transporteurs. Nous ne sommes jamais allés jusque-là, et nous n'avons jamais pu obtenir de soutien.

Maintenant, dans le but de respecter l'entente de privatisation de 1998, les arguments sur la compétitivité dans un marché à petite échelle s'appliqueront toujours. Bien des gens veulent savoir pourquoi la loi a été adoptée, et pourquoi nous avons pris cette voie. Eh bien, une méthode sous-tend cette folie.

Dans un grand marché comme celui des États-Unis, si les législateurs de l'époque n'avaient pas voulu protéger ces emplois et conserver l'industrie, ils n'auraient pas proposé des mesures législatives semblables. Par conséquent, lorsque nous avons décidé de privatiser Air Canada et d'obtenir l'approbation, nous avons établi des conditions à respecter sans quoi nous savions que nous allions perdre l'industrie.

Si vous ne vouliez pas protéger ces emplois, pourquoi avoir précisé dans la loi que la propriété étrangère ne peut pas excéder 25 p. 100? Si nous ne voulions pas conserver ces emplois, nous n'aurions pas adopté ces dispositions législatives; nous aurions pu laisser une entreprise américaine acheter le transporteur aérien. Les sièges seraient moins chers, et l'entretien serait fait ailleurs. Il y a une raison pour laquelle ces dispositions ont été adoptées : nous voulions protéger l'industrie et ces emplois en haute technologie bien rémunérés. Je ne vois toutefois pas ce qui a changé aujourd'hui, ni pourquoi nous irions dans une voie qui retirerait ces protections canadiennes.

Pour terminer, nous ne sommes pas devant une situation impossible. Nous sommes en présence d'un manque de volonté, mais pas d'un manque de capacité. Les législateurs doivent décider s'ils vont imposer le respect des conditions qui avaient été acceptées au moment de la privatisation d'Air Canada en 1998. Devrions-nous demander aux tribunaux de nous donner plus de poids? À l'heure actuelle, la question est devant les tribunaux, et lorsque la décision ultime sera rendue, il s'agira du poids dont nous avons besoin pour négocier et veiller à conserver ces emplois ici. Si nous cédons, nous n'aurons plus de pouvoir de négociation.

Allons-nous donner un chèque en blanc à la société qui a tout fait pour se soustraire à ses obligations ces 25 dernières années? C'est une société qui place ses propres intérêts et ceux des intervenants avant ceux de l'industrie canadienne de l'entretien, de la réparation et de la révision, avant ceux de l'aérospatiale canadienne, et avant ceux de tous les Canadiens.

J'aimerais clore avec un commentaire d'un journaliste tiré d'un article du 24 mars 2012. Le journaliste a dit qu'Air Canada a la responsabilité morale de trouver une solution pour conserver au Canada, et plus particulièrement à Montréal, l'entretien essentiel de ses aéronefs. En passant, ce journaliste était André Pratte. Je ne comprends pas ce qui a changé aujourd'hui.

Ce n'est pas qu'une obligation morale, mais légale aussi pour l'instant, compte tenu des dispositions législatives en place. Ce qui est proposé ici retire non seulement l'obligation morale, mais aussi l'obligation légale.

Jim Quick, président et chef de la direction, Association des industries aérospatiales du Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonsoir. Je vous remercie de l'invitation à venir témoigner devant vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-10. Nous sommes heureux d'être ici pour donner notre point de vue sur la façon dont ce projet de loi favorisera la croissance et la compétitivité de l'industrie aérospatiale du Canada.

L'Association des industries aérospatiales du Canada, ou AIAC, représente l'industrie aérospatiale du Canada, y compris les fabricants principaux et leurs fournisseurs. Nos membres représentent un groupe diversifié de sociétés qui sont des leaders mondiaux de la conception, de la fabrication et de la livraison de produits liés aux secteurs de l'aérospatiale, de l'espace et de la défense, ainsi que des programmes d'entretien, de réparation et de révision des aéronefs existants.

L'aérospatiale est une industrie mondiale; il est donc important pour nous et nos membres de prendre des décisions d'affaires, de politique et d'investissement en tenant compte du contexte mondial. Les chaînes d'approvisionnement du secteur aérospatial ne se limitent pas à un seul pays, ni même à un seul continent, et nos membres sont en concurrence pour l'obtention de contrats contre les autres sociétés du monde entier.

L'industrie aérospatiale canadienne est la cinquième industrie aérospatiale en importance au monde. Depuis plusieurs dizaines d'années, nous avons acquis un statut plus qu'enviable sur les marchés mondiaux. Ce statut, nous le devons à nos compétences et à notre capacité de nous maintenir à l'avant-garde de la production de produits et de services aérospatiaux innovants et à haute valeur. L'entreprise canadienne Bombardier est un fabricant d'équipement d'origine, ou FEO, de premier plan, et nous avons soutenu l'établissement d'un réseau de fournisseurs très innovant et bien intégré dans les marchés en croissance du monde entier.

Cette loi, proposée dans le contexte de l'annonce de la création de deux centres d'excellence, permettra de stimuler l'innovation et d'augmenter les capacités du secteur aérospatial à Montréal et à Winnipeg, deux des principaux pôles de l'industrie au Canada. Ces centres d'excellence nous aideront à maintenir notre avantage concurrentiel sur le marché mondial. Ils permettront aux entreprises aérospatiales canadiennes de poursuivre leur croissance et de proposer des solutions innovantes non seulement à Air Canada, mais également aux autres exploitants et grandes sociétés aériennes à travers le monde.

Un centre d'excellence axé sur le maintien de la C Series installé à Montréal sera un avantage concurrentiel important pour les sociétés du secteur de l'entretien, de la réparation et de la révision d'aéronefs.

Bombardier est un fabricant de classe mondiale ayant créé un avion de classe mondiale. Alors que la C Series est maintenant lancée, il s'agit d'une excellente occasion pour les sociétés canadiennes de bénéficier elles aussi d'un avantage concurrentiel pour l'obtention de contrats de MRO pour cet avion — non seulement pour Air Canada, mais aussi pour les autres grandes compagnies aériennes mondiales.

Le Manitoba dispose déjà d'un secteur aérospatial très innovant. Winnipeg abrite la plus grande société de fabrication de composants d'aéronefs en matériaux composites du Canada, une installation d'essai de moteur par temps froid d'avant-garde et la plus grande société indépendante de MRO pour turbine à gaz au monde, StandardAero. La présence d'un centre d'excellence axé sur les activités de MRO représente une nouvelle occasion pour les sociétés du secteur aérospatial manitobain de développer leurs expertises et leurs capacités de production qui pourront être exportées vers les marchés internationaux.

Pour être concurrentielles dans une industrie mondiale, les entreprises doivent évoluer dans un environnement leur permettant de prendre des décisions d'affaires, de politiques et d'investissement en tenant compte du contexte mondial. Pour que nos entreprises survivent, elles doivent pouvoir rivaliser avec le reste du monde, et nous savons qu'elles le peuvent.

Pour l'AIAC et ses membres, le projet de loi C-10 ne concerne pas seulement la prestation de services au Canada ou à une entreprise canadienne. Il met en place un environnement industriel rendant les entreprises du secteur aérospatial canadien plus innovatrices et plus compétitives à l'échelle mondiale, ce qui est plus attrayant pour les compagnies aériennes et les exploitants du monde entier.

Grâce à la force de notre industrie et aux investissements judicieux dans l'innovation tels que ces centres d'excellence, nous sommes convaincus que les sociétés canadiennes continueront de se voir attribuer des contrats avec Air Canada et avec d'autres exploitants d'aéronefs et sociétés aériennes. Nous croyons que le projet de loi C-10 soutient l'innovation, la compétitivité, et la croissance sur les marchés canadien et mondial. Merci de votre attention.

Le vice-président : Merci, monsieur Quick. Nous allons maintenant laisser les sénateurs poser des questions, à commencer par le porte-parole du projet de loi.

Le sénateur Plett : J'ai quelques questions pour chacun d'entre vous. Malheureusement, puisque le sénateur Pratte n'est pas un témoin aujourd'hui, nous ne pourrons pas lui poser de questions sur son article, mais il pourrait décider de le commenter plus tard. Sinon, je vais certainement lui en parler en privé à un moment donné. La question m'intéresse.

Monsieur Chartrand, ma première question s'adresse à vous : avez-vous personnellement discuté du projet de loi C- 10 avec le ministre des Transports?

M. Chartrand : Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question qui me permet de clarifier les choses. J'ai essayé de le faire à un certain nombre d'occasions. Je m'oppose au fait qu'il dise avoir parlé aux travailleurs et à moi dans le cadre d'une discussion, car c'est absolument faux.

Il était présent lors de la certification de la C Series. Je suis à l'emploi de Bombardier depuis 26 ans, et j'ai négocié les quatre derniers contrats là-bas. Je suis fier de la C Series. Il était là pour cet aéronef, et moi aussi. Je l'ai croisé là-bas, et je lui ai demandé si nous pouvions nous rencontrer pour discuter du projet de loi C-10 — ou de l'incidence des pertes d'emploi d'Aveos et de ce genre de choses —, et il m'a dit de parler avec son ministre de cabinet, son...

Le sénateur Plett : Sous-ministre?

M. Chartrand : Exactement. Il a ensuite tourné les talons. J'ai parlé au sous-ministre, mais je n'ai pas réussi à obtenir de rencontre. Nous avons envoyé des lettres. En fait, avant...

Le sénateur Plett : La réponse est donc non.

M. Chartrand : La réponse est non, tout simplement. Nous n'avons pas obtenu de réunion.

Le sénateur Plett : Ma prochaine question est la suivante : lors de la séance du comité de la Chambre, vous avez dit que des modifications comme celles qui sont proposées dans le projet de loi peuvent fonctionner et être mises en place sans problème, mais que le projet de loi ne peut et ne doit pas être adopté.

Comment pourrions-nous mettre en œuvre et accepter...

M. Chartrand : Il faudrait apporter des modifications, monsieur, qui garantiraient au moins ce que nous avons maintenant.

Le sénateur Plett : Il nous faudrait donc tout de même un projet de loi, n'est-ce pas?

M. Chartrand : Tout à fait.

Le sénateur Plett : Bien. Merci.

Quelle est la position de l'industrie canadienne de l'entretien en aérospatiale par rapport à celle du reste du monde? En quoi ce classement changerait-il si nous adoptions le projet de loi C-10?

M. Chartrand : Je crois que notre industrie de l'entretien, de la réparation et de la révision en souffrirait. À l'heure actuelle, 2 600 emplois ont disparu. Il en reste encore 2 400 dans l'entretien en ligne d'Air Canada. Si nous adoptons le projet de loi, nous donnerons un chèque en blanc à la société en lui disant qu'elle n'est pas obligée de faire l'entretien en ligne ici si elle ne le souhaite pas. Nous lui disons aussi que les emplois sont désormais ailleurs, et qu'il n'y a plus de travail non plus. Le travail a été envoyé à l'étranger, et personne n'est tenu de rapatrier ces emplois.

Une des raisons pour lesquelles les sociétés veulent s'établir au Canada dans le milieu de l'aérospatiale, c'est notre diversité, nos capacités et nos connaissances. Si nous cédons les travaux d'entretien, de réparation et de révision, nous perdrons sur le plan des connaissances. Aussi, nous n'aurons plus la capacité et la souplesse nécessaires pour travailler sur toutes sortes d'aéronefs et pour innover, en décelant ce qui cloche avec l'aéronef actuel et en trouvant des façons de construire de meilleures pièces. D'autres sociétés le font : elles étaient spécialistes de l'entretien, de la réparation et de la révision avant de devenir des fabricants.

Le sénateur Plett : Combien Air Canada économiserait-elle en déménageant ses activités d'entretien hors du Canada?

M. Chartrand : C'est Air Canada qui pourra vous répondre. Je ne suis pas la personne à qui vous devez poser la question.

M. Hospes : Je ne peux pas me prononcer non plus.

Le sénateur Plett : Je poserai la question au transporteur.

Monsieur Quick, vous avez parlé de l'achat de l'avion à réaction de Bombardier. Je suis tout à fait d'accord pour dire que c'est un bon aéronef. Je pense que nous avons une excellente industrie de l'aérospatiale au Canada, tant en matière d'entretien que de fabrication des aéronefs.

Certains affirment que si nous n'adoptons pas le projet de loi, l'entente entre Air Canada et Bombardier pour l'achat de 75 avions à réaction pourrait être compromise. Air Canada fait-elle l'acquisition des aéronefs de Bombardier pour calmer la province de Québec, ou le fait-elle parce qu'elle souhaite acheter un avion de qualité?

M. Quick : J'ose espérer que la société fait l'acquisition des aéronefs parce qu'elle trouve que c'est un appareil de classe mondiale.

Le sénateur Plett : Je l'espère moi aussi.

M. Quick : Je n'ai certainement rien entendu qui laisse entendre le contraire, et je n'ai eu vent d'aucune discussion en ce sens. Je pense que l'aéronef présente le développement technologique le meilleur et le plus novateur que nous ayons vu depuis la fin des années 1980, en ce qui concerne la mise au point d'un tout nouvel appareil.

L'appareil sera probablement au premier rang mondial pour ce qui est de sa capacité à réduire notre empreinte écologique, notamment grâce à la réduction du bruit, à l'atterrissage en douceur de l'appareil, de même qu'à la sécurité et au confort des passagers — qui sont sans égal. Je crois que les gens voudront acheter un tel appareil.

Le sénateur Plett : Nous ne devrions donc pas en tenir compte dans nos décisions d'aujourd'hui, n'est-ce pas? La société va probablement acheter les avions à réaction parce qu'elle fait une bonne affaire et qu'il s'agit de bons appareils.

M. Quick : La société achète bel et bien un bon aéronef.

Le sénateur Plett : Je poursuivrai au deuxième tour, monsieur le président.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais poser des questions à M. Chartrand à propos de certaines de ses remarques. Vous avez parlé d'un certain nombre de transporteurs aériens à l'échelle internationale, et vous dites que leur gouvernement national les appuie. J'en déduis qu'il s'agit de transporteurs nationaux et de fleurons de différents pays. Pouvez-vous me dire plus précisément comment les pays leur viennent en aide? Je veux juste deux ou trois exemples.

M. Chartrand : Comme je l'ai dit au sujet de l'information, je n'ai pas de base de données extraordinaire, à l'exception de Wikipédia et du site web des compagnies, pour me pencher sur Delta TechOps, American Airlines et tout cela. Mais, selon les sites web, ces compagnies obtiennent un appui de leur gouvernement fédéral grâce à un certain nombre de subventions, à des allégements fiscaux accordés aux aéroports où elles mènent des activités, à des partenariats dans le cadre desquels le gouvernement et le transporteur national investissent pour pouvoir préserver leurs activités d'entretien, de réparation et de révision, et ainsi de suite. Les gouvernements aident leur industrie de l'entretien, de la réparation et de la révision de différentes façons, ainsi que leurs transporteurs phares à poursuivre leurs propres activités d'entretien. Lorsqu'un transporteur phare ne veut pas s'occuper de l'entretien, il fait comme Air Canada l'a fait avec Services techniques Air Canada, comme l'a fait Delta TechOps, comme l'a fait Lufthansa Technik. Les compagnies se défont de leurs installations d'entretien, mais elles continuent de les soutenir pour assurer l'entretien de leurs avions et offrir ces services à d'autres.

Le sénateur Eggleton : Il s'agit uniquement de mesures incitatives, d'allégements fiscaux et de subventions de tous genres, pas d'une loi comme celle-ci. Ce sont des mesures incitatives.

M. Chartrand : Vous avez raison. J'aimerais toutefois ajouter quelque chose.

Le sénateur Eggleton : Bien sûr.

M. Chartrand : Nous avons WestJet. Nous avons Air Canada. Beaucoup de compagnies se livrent concurrence ici, au Canada. Pourquoi sont-elles traitées différemment? À ma connaissance, la Couronne n'a pas donné 109 avions à WestJet. Je ne pense pas que ces compagnies aient été traitées de la même façon parce qu'elles ne sont pas des sociétés d'État. Je crois que la situation est différente, et c'est ainsi que nous devons la voir; quelqu'un a reçu un coup de pouce, un avantage. On a signé une entente pour obtenir ces avantages et, aujourd'hui, on ne veut plus la respecter. Cela me pose problème.

Le sénateur Black : Monsieur Chartrand, j'ai deux ou trois questions à vous poser, si vous le permettez. À propos des données que vous nous avez présentées, sans me livrer ici à un duel, j'ai une déclaration de 2014 — c'est l'information la plus à jour que j'ai à ma disposition — de l'Association du transport aérien international, une organisation que vous connaissez sûrement très bien. L'association a dit que les compagnies aériennes donnent en sous- traitance 65 p. 100 de leurs activités d'entretien. C'est ce qu'elle a déclaré en 2014. Je n'ai pas de données plus à jour. Avez-vous des observations à formuler à ce sujet?

M. Chartrand : Je n'ai pas ces données. Je ne peux donc pas vraiment en parler.

Le sénateur Black : Merci beaucoup. Vous avez également laissé entendre que nous ne devrions pas être convaincus que l'adoption du projet de loi ferait en sorte, pour une raison ou une autre, qu'Air Canada devrait se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Je n'avais jamais entendu une telle chose. À ma connaissance, personne n'a évoqué cette possibilité. Y a-t-il quelque chose qui m'échappe?

M. Chartrand : Monsieur, avec tout le respect, lorsque j'étais au Sénat la semaine dernière et qu'on y discutait du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, le sénateur Pratte a demandé si nous voulions imposer des restrictions ou continuer d'en imposer à un transporteur aérien qui se retrouvera ou qui pourrait se retrouver dans la même position qu'avant lorsqu'il était sous...

Le sénateur Black : C'est utile, mais vous faites envisager la possibilité que, si nous adoptons ce projet de loi, Air Canada, dont les profits s'élevaient à 1,2 milliard de dollars l'année dernière — et vous avez eu l'obligeance de fournir les chiffres des cinq dernières années — se retrouverait sérieusement dans cette position? Un juge donnerait-il suite à une telle demande?

M. Chartrand : Je ne pense pas.

Le sénateur Black : Je vois. Bien.

M. Chartrand : C'est ce que j'essaie de faire comprendre à tout le monde ici, à savoir que la compagnie n'éprouverait pas les mêmes difficultés qu'avant si elle faisait son propre entretien.

Le sénateur Black : Nous sommes sur la même longueur d'onde.

Monsieur Quick, s'il vous plaît. Mon collègue, le sénateur Plett, a demandé à M. Chartrand s'il croyait que l'adoption du projet de loi C-10 allait nuire à la capacité du Canada de mener des activités d'entretien, de réparation et de révision. Seriez-vous disposé à formuler des commentaires à ce sujet?

M. Quick : Oui. Comme je l'ai mentionné dans mes observations, notre industrie est grandement tournée vers le monde. Tous les programmes et tous les changements de politique que nous demandons au gouvernement d'envisager ont pour but de nous rendre plus concurrentiels, à un niveau supérieur, à l'échelle mondiale. Pour moi, les activités d'entretien, de réparation et de révision ne sont pas différentes de ce que nous ferions pour ce qui est de la fabrication ou de la chaîne d'approvisionnement. Ce que je veux dire, c'est que la mise sur pied de centres d'excellence accroît notre compétitivité à l'échelle mondiale, ce qui nous permet d'exporter nos services dans d'autres pays.

Je comprends donc que des provinces comme le Manitoba veuillent un peu de certitude et de prévisibilité à propos de ce que cela signifie pour elles, mais, en ce qui a trait à la politique nationale, nous dirions que tout ce qui nous rend plus concurrentiels à l'échelle mondiale est une bonne chose pour notre industrie.

Le sénateur Pratte : J'ai une question pour M. Chartrand ou M. Hospes, et une autre pour M. Quick.

Tout d'abord, je tiens à bien comprendre les amendements que vous proposez d'apporter au projet de loi C-10. Si je comprends bien, vous aimeriez que le projet de loi soit amendé de manière à ce qu'Air Canada doive offrir de nouveau les 2 600 emplois qui ont été perdus.

M. Chartrand : L'amendement a pour but de revenir à ce qui était fait en 1988, d'obliger de nouveau Air Canada à faire une partie du travail ici, qu'il s'agisse des éléments constitutifs, des moteurs ou de l'entretien lourd.

Le sénateur Pratte : C'est ce que faisait Aveos en 2012, n'est-ce pas?

M. Chartrand : En effet.

Le sénateur Pratte : Vous voulez alors retrouver les emplois qui ont été perdus en 2012. Vous voulez que les emplois actuels soient garantis, tout comme les futurs emplois dans les centres d'excellence dont parle Air Canada, n'est-ce pas?

M. Chartrand : Des engagements ont été pris. Nous voulons qu'ils servent de garantie, car les anciens engagements, qui ont été pris en vertu de la loi, n'ont pas été respectés. Les engagements verbaux nous donnent donc de la difficulté.

Le sénateur Pratte : Puisque vous avez parlé d'autres compagnies aériennes, de la façon dont elles fonctionnent et ainsi de suite, pouvez-vous me dire si d'autres compagnies aériennes ailleurs dans le monde doivent respecter des engagements de ce genre pris en vertu de la loi pour ce qui est du nombre d'emplois, de l'endroit où l'entretien doit se faire et ainsi de suite.

M. Chartrand : J'aimerais vraiment pouvoir vous donner cette information aujourd'hui, mais je ne l'ai pas.

Le sénateur Pratte : M. Quick, nous faisons maintenant face à deux scénarios. Nous pouvons soit retarder pendant des semaines ou des mois — je ne sais pas — l'adoption du projet de loi C-10, le temps d'obtenir une décision des tribunaux concernant la décision de la Cour d'appel qui serait appliquée et qui, d'une certaine façon, forcerait Air Canada à rétablir les ateliers d'entretien qui existaient avant, ainsi que, peut-être, un certain nombre d'emplois — nous ne sommes pas certains —, soit adopter le projet de loi C-10 et les centres d'excellence de la compagnie, mais avec une dose d'incertitude. Nous ne savons pas exactement combien d'emplois seraient créés. Nous ne savons pas ce qui se fera par rapport aux appareils de la C Series. Nous ne savons pas s'il sera question de 1 000 ou de 500 emplois.

Au nom de l'industrie, pouvez-vous formuler des observations sur ces deux scénarios, car les deux pourraient se traduire par la création d'emplois?

M. Quick : Monsieur le sénateur, nous avons déjà vu des décisions qui ont coûté des emplois au Canada, et les emplois sont vraiment une question de compétences et de capacité, car notre talent réside véritablement dans nos gens. De ce point de vue, les arguments de mes collègues sont fondés du fait que nous avons perdu une partie de ces compétences, de cette capacité. À vrai dire, les centres d'excellence représentent l'un des aspects du projet de loi C-10 que nous aimons vraiment, car ils mèneraient à l'acquisition de nouvelles compétences et d'une nouvelle capacité, ce qui peut s'exporter partout dans le monde.

Nous n'avons pas pris position en disant qu'il faut adopter ou ne pas adopter le projet de loi. Nous voyons que les centres d'excellence offrent une véritable occasion d'accroître la capacité et les compétences au Canada; et nous en serions ravis.

Le vice-président : Avant de passer au deuxième tour, j'aimerais profiter de la présence des témoins pour poser une question.

Il y a quatre ans, lorsqu'Aveos a fait faillite, 2 600 personnes ont perdu leur emploi. Combien d'anciens préposés à l'entretien d'Aveos à Winnipeg, à Montréal et à Mississauga ont-ils été embauchés par Air Canada et d'autres fournisseurs de services d'entretien? Quelqu'un peut-il répondre à cette question?

M. Chartrand : Personne n'a de chiffres exacts à ce sujet étant donné que ce n'est pas tout le monde qui est resté en contact. Pour ce qui est de Lockheed Martin à Montréal et d'A J Walter Aviation Limited, je peux vous dire qu'AJW compte environ 110 anciens employés d'Aveos et Lockheed Martin, environ 110. Le total est d'à peu près 220. De plus, environ 200 anciens employés sont passés à Bombardier, à Rolls-Royce, à Pratt & Whitney et à d'autres entreprises avoisinantes. Je parle seulement du Québec. Je n'ai pas les chiffres du Manitoba. Je peux vous dire qu'environ 400 à 500 personnes se sont déplacées, dont un grand nombre pour faire un autre métier. Il s'agit de techniciens certifiés qui ont été formés pendant huit ans pour faire leur métier et qui travaillent maintenant sur une chaîne de montage parce qu'ils n'ont pas trouvé d'emploi dans le domaine de l'entretien des aéronefs.

Le vice-président : Savez-vous si certains d'entre eux ont quitté le pays pour travailler dans le domaine?

M. Chartrand : Pas le pays. Ils sont nombreux à ne pas s'être déplacés au Canada. Beaucoup ont changé d'emplois et exploré d'autres avenues. Je connais un gars qui travaille pour la Ville de Saint-Sauveur. Ce sont des gens qui ont changé d'emploi et qui ont suivi une nouvelle formation à défaut d'avoir des débouchés en tant que techniciens d'aéronefs.

Le sénateur Plett : Permettez-moi de prendre un moment pour aborder la situation sous un autre angle. J'ai tendance à penser au côté négatif du projet de loi. L'amendement que vous proposez — et je dois comprendre ce qu'il en est — vise à faire revenir tout le personnel d'entretien qui n'est pas là. Je suppose qu'Air Canada n'enfreint pas la loi à l'heure actuelle. Vous hésitez, et je veux donc que vous me donniez une brève réponse à ce sujet. Si Air Canada enfreint la loi, dans quelle mesure le fait-elle selon vous? Je pose la question étant donné que je me sens à l'aise de prendre un vol d'Air Canada lorsque le transporteur n'enfreint pas la loi. Je pense que leurs avions sont plutôt bien entretenus. Il arrive un peu trop souvent qu'un vol soit retardé parce que quelque chose doit être réparé, mais c'est mieux que de partir sans effectuer la réparation; j'en suis conscient. Comment pouvons-nous demander à Air Canada d'offrir un emploi à 2 600 personnes si elle n'a pas de travail à leur donner?

M. Chartrand : S'il n'y avait pas de travail à accomplir, vous ne prendriez pas place à bord d'un avion sécuritaire, monsieur.

Le sénateur Plett : Vous dites qu'ils ont besoin de 2 600 employés supplémentaires.

M. Chartrand : Non. Je dis que tous les emplois sont maintenant à l'étranger. Le travail se fait aux États-Unis, à Duluth, au Minnesota; en Israël; et dans d'autres pays. Avant, le travail se faisait ici.

Le sénateur Plett : Il est maintenant accompli là-bas, n'est-ce pas?

M. Chartrand : Oui.

Le sénateur Plett : Pourquoi alors avons-nous même besoin du projet de loi C-10, si c'est déjà ce qui est fait? Pourquoi avons-nous besoin du projet de loi C-10?

M. Chartrand : Je ne m'obstine pas et je ne m'obstinerai pas. Nous avons le projet de loi C-10, et je vais vous dire pourquoi. C'est parce que la Cour suprême doit maintenant infirmer ou corroborer une décision de la Cour d'appel selon laquelle le transporteur enfreint la loi. En passant, cette décision n'a pas été rendue par trois juges, ce qui est extrêmement rare de la part de la Cour d'appel. Cinq juges ont dit exactement, et de façon unanime, ce qui se trouve maintenant dans le projet de loi. Le niveau d'emploi, le type de travail et toutes ces questions n'ont jamais été aussi clairs depuis cette décision de la Cour d'appel. Le libellé de la loi créait une zone grise. Les gens se tournaient vers les tribunaux pour obtenir des éclaircissements, et les tribunaux ont clairement parlé des éléments constitutifs, des moteurs et de l'entretien dans son ensemble — la maintenance en ligne; l'entretien lourd; tout ce qu'on ne fait plus ici, de A à Z.

Le sénateur Plett : Pour obtenir le niveau d'entretien dont nous avons besoin, que nous voulons au Canada et qu'on procure maintenant illégalement, selon vous, à l'extérieur du pays, nous avons besoin de 2 600 employés supplémentaires.

M. Chartrand : Est-ce que cela équivaut encore à 2 600? La flotte n'est plus la même. Elle ne comporte plus le même nombre d'avions. Il y a de nouveaux avions, qui demandent moins d'entretien. À mon avis, il n'est pas question du même nombre d'emplois. Prenons la C Series. Un centre d'entretien lourd des appareils C Series n'aurait pas de travail avant au moins 10 ou 15 ans parce que ces appareils n'auront pas besoin d'entretien lourd avant d'avoir volé un nombre d'heures donné, avant que ce soit nécessaire. La flotte a maintenant changé. Le nombre d'emplois ne serait peut-être pas le même, mais on enfreint la loi en ne faisant pas le genre de travail que nous étions censés faire.

Le sénateur Plett : Pourquoi ne pouvez-vous pas me dire — et je vais poser la question à Air Canada — le chiffre? Vous devriez connaître le montant supplémentaire qu'Air Canada devra débourser ou le montant qu'elle économisera si l'entretien était fait au Canada? Le fait que vous n'ayez pas le chiffre me pose problème. Vous devriez le connaître. Les syndicats du pays coûtent-ils plus cher que ceux en Israël et à Duluth, ou peu importe où le travail se fait? Je souscris à ce que vous avez dit au début, et vous étiez présent lors de mon discours de deuxième lecture.

M. Chartrand : Oui, j'étais là.

Le sénateur Plett : Vous m'avez entendu dire que je n'ai jamais vu ce problème précis servir d'argument. Je suis d'accord. On a toujours parlé du coût du carburant et du 11 septembre, mais pas de ce problème. J'aimerais encore savoir — et je vais vous laisser tranquille en posant plutôt la question aux gens d'Air Canada — quelles sont les économies réalisées en procédant ainsi.

M. Chartrand : Je ne ressentirais pas le besoin que vous me laissiez tranquille, monsieur.

Le vice-président : Avant de poursuivre, je veux que les sénateurs et le public sachent qu'il ne s'agit pas d'un vote à l'étage supérieur. Le timbre a retenti à cause de certains problèmes liés aux microphones, et la séance a tout simplement été suspendue quelques minutes. Vous pouvez voir cela comme le timbre du dîner, si vous voulez.

D'autres sénateurs ont-ils des questions à poser à nos invités? Avant que vous partiez, j'aimerais poser une autre question concernant l'entretien. Je devrais peut-être la poser à M. Quick.

Des économistes spécialistes des transports ont parlé devant le comité de la Chambre des communes du coût élevé des pièces de rechange et ont dit que les établissements où se fait l'entretien lourd des grands avions ont tendance à se trouver près de l'endroit où sont fabriqués la majorité des avions, à l'extérieur du Canada. Dans le cas de Bombardier, les avions seront fabriqués au Canada. Je suis curieux : est-ce que cela représente une excellente occasion pour les travailleurs canadiens? J'aimerais savoir pourquoi, que la réponse soit oui ou non.

M. Quick : Comme je l'ai mentionné, sénateur, l'amélioration de notre capacité est toujours une bonne chose pour notre industrie et pour les travailleurs. Avoir des centres d'excellence à Montréal et à Winnipeg est très avantageux pour notre industrie. On se livre une concurrence acharnée partout dans le monde pour développer le secteur de l'entretien, de la réparation et de la révision. Dans de nombreux pays, comme Singapour, toute l'industrie aérospatiale repose sur ce secteur. Selon moi, la création d'un centre d'excellence au Canada serait très avantageuse non seulement pour notre industrie, mais aussi pour le développement de notre main-d'œuvre.

Le vice-président : Si je peux me permettre, je vais poser une autre question à ce sujet. Selon les chiffres de votre association, les services d'entretien, de réparation et de révision ont connu au Canada une croissance de l'ordre de 37 p. 100 entre 2004 et 2014. À la suite de la faillite d'Aveos et de la perte d'emplois qui a suivi, le secteur de l'entretien d'avions poursuit-il sa croissance au pays? Continue-t-il malgré tout de prendre de l'expansion?

M. Quick : Oui, la croissance du secteur se poursuit. Il fait face à une concurrence beaucoup plus forte qu'avant, mais il continue de prendre de l'expansion.

Le vice-président : Merci.

S'il n'y a plus de questions, je tiens à remercier M. Chartrand, M. Hospes et M. Quick d'avoir comparu.

Honorables sénateurs, nous allons poursuivre notre séance demain à 9 heures en accueillant un témoin de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et des témoins d'Air Canada. De plus, le comité de direction recommande de procéder à une étude article par article à la fin des rencontres.

Honorables sénateurs, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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