Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 31 - Témoignages du 28 février 2018
OTTAWA, le mercredi 28 février 2018
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Aujourd’hui, notre comité étudie le projet de loi C-49, Loi sur la modernisation des transports.
Nous accueillons deux groupes de témoins. Dans le premier groupe, j’aimerais souhaiter la bienvenue à M. Massimo Bergamini, président-directeur général du Conseil national des lignes aériennes du Canada, ainsi qu’à M. Daniel-Robert Gooch, président du Conseil des aéroports du Canada. Je vous remercie d’être ici aujourd’hui.
Les représentants de l’Association du transport aérien international et de l’Association du transport aérien ne peuvent pas assister à notre réunion. Ils nous enverront des témoignages par écrit.
Monsieur Bergamini, vous pouvez livrer votre exposé en premier. M. Gooch livrera ensuite le sien. Après les exposés, nous passerons aux questions.
Massimo Bergamini, président-directeur général, Conseil national des lignes aériennes du Canada : Bonjour, monsieur le président et honorables membres du comité. Je m’appelle Massimo Bergamini et je suis président-directeur général du Conseil national des lignes aériennes du Canada.
Je tiens à vous remercier de me donner l’occasion de comparaître aujourd’hui pour vous présenter la perspective de mon organisme au sujet du projet de loi C-49. Avant de commencer, permettez-moi de dire quelques mots au sujet de notre organisme et de notre industrie.
[Français]
Le Conseil des lignes aériennes du Canada a été créé en 2008 par les quatre principales lignes aériennes du Canada : Air Canada, Air Transat, WestJet et Jazz afin de promouvoir des politiques, des règlements et des lois qui favorisent un réseau de transport aérien sécuritaire et concurrentiel. Collectivement, nos membres transportent plus de 92 p. 100 du trafic aérien intérieur du Canada et 65 p. 100 de son trafic aérien international.
[Traduction]
Selon une étude du Conference Board du Canada, en 2012, notre industrie a contribué près de 35 milliards de dollars au PIB du Canada.
Ces statistiques impressionnantes témoignent du rôle qu’une industrie de l’aviation forte et concurrentielle joue pour assurer la prospérité économique du Canada. Mais pour en venir au point qui nous intéresse, l’aviation commerciale est devenue la seule façon pratique pour des millions de Canadiens de voyager pour visiter leur famille, se rendre au travail ou simplement explorer leur pays. Et ils voyagent beaucoup.
En effet, d’après Statistique Canada, le nombre total de passagers embarqués et débarqués au Canada a augmenté de 30 p. 100 entre 2008 et 2016. Il ne fait aucun doute que l’époque de l’élite du jet set est depuis longtemps révolue. Dans notre pays, la liberté de voyager est considérée comme acquise, et le transport aérien est devenu un lien essentiel entre les gens et les collectivités.
C’est la raison pour laquelle il est tellement important d’avoir une industrie aérienne concurrentielle. C’est la raison pour laquelle les politiques en matière d’aviation sont si importantes. Et c’est la raison pour laquelle il est important de bien faire les choses.
[Français]
Pour être clair, même si nous trouvons que certains aspects du projet de loi nécessitent des éclaircissements — et je sais que mes collègues, hier, vous ont fait part de quelques-unes de leurs suggestions —, nous ne sommes pas opposés à son adoption. Nous croyons toutefois que l’approche du gouvernement est inadéquate, et ce, pour deux raisons principales.
Premièrement, elle fait abstraction du contexte économique, géographique et démographique unique dans lequel évolue l’aviation commerciale au Canada. Elle fait également abstraction de la politique fédérale de l’utilisateur payeur, qui met notre industrie en compétition avec d’autres moyens de transport de passagers souvent grassement subventionnés. Or, le rapport Emerson, auquel ce projet de loi devrait, en principe, constituer un élément de réponse, a cerné ces deux facteurs comme étant des enjeux importants.
[Traduction]
En ne tenant pas compte de l’impact des politiques gouvernementales et du contexte concurrentiel unique au Canada sur les passagers, cette charte des passagers ne reconnaît pas le droit des passagers aériens à un traitement équitable et à des tarifs aériens — pour paraphraser le ministre Garneau — libres de toute une litanie de charges et de frais gouvernementaux.
Deuxièmement, même si le projet de loi réussit bien à faire porter un chapeau noir à l’industrie du transport aérien, il ne tient pas compte du rôle que la myriade d’intervenants dans l’aviation commerciale joue dans le déplacement des passagers.
Il ne fait aucun doute que parfois, dans ce système complexe, les capacités sont surchargées, des erreurs sont commises, des vols sont retardés, des bagages sont perdus et des correspondances sont manquées. C’est pourquoi la précision et la codification des droits des passagers sont des mesures positives qui permettront une plus grande certitude sur le marché. Mais il faut faire intervenir beaucoup d’éléments mobiles pour amener un passager à sa destination. En effet, il faut les efforts coordonnés de centaines de personnes dévouées qui travaillent pour le gouvernement, des sociétés aériennes, des aéroports, des tours de contrôle du trafic aérien, la sécurité aérienne et les services frontaliers.
Toutes les personnes qui participent au déplacement des passagers ont un rôle à jouer, et ce rôle doit être reconnu et reflété dans les lois et les politiques. Croire le contraire serait s’adonner à la pensée magique. Merci.
Daniel-Robert Gooch, président, Conseil des aéroports du Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant votre comité dans le cadre de votre étude sur le projet de loi C-49, Loi sur la modernisation des transports. Je m’appelle Daniel-Robert Gooch, et je suis président du Conseil des aéroports du Canada.
[Français]
Le Conseil des aéroports du Canada, le CAC, compte 52 membres qui exploitent plus de 100 aéroports au Canada, y compris tous les aéroports privés du réseau national des aéroports. Nos membres gèrent plus de 90 p. 100 du trafic aérien commercial du Canada et une proportion encore plus élevée du trafic international.
[Traduction]
Aujourd’hui, les aéroports du Canada connaissent une très forte croissance. Le nombre de passagers a augmenté de 6,3 p. 100 l’an dernier et le trafic international a connu une croissance encore plus forte, soit 9,8 p. 100. Le transport aérien est en plein essor et c’est en partie grâce au gouvernement. En effet, les investissements effectués dans les visas font en sorte qu’il est plus facile pour les touristes étrangers de venir au Canada. Des investissements sont effectués dans la promotion du tourisme par le biais de Destination Canada, qui fait un excellent travail. Nous collaborons avec des collègues de plusieurs ministères en vue d’améliorer les correspondances internationales dans les aéroports.
L’Année du tourisme Canada-Chine accroît notre visibilité sur ce marché, quoiqu’il faudrait améliorer les droits de circulation aérienne pour réaliser pleinement notre potentiel là-bas.
[Français]
Les aéroports sont très achalandés, et c’est un heureux problème. Ils investissent dans les infrastructures afin de faciliter les déplacements des passagers. Comme vous l’avez entendu de nos collègues de l’industrie, le gouvernement a aussi un rôle à jouer.
[Traduction]
Le budget de 2018 renfermait de bonnes nouvelles, notamment l’aide financière supplémentaire de 236 millions de dollars allouée à l’ACSTA, c’est-à-dire l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, afin d’aider à gérer la hausse du nombre de passagers. Une aide financière supplémentaire a également été accordée à l’ASFC, notre agence des services frontaliers. Ces investissements seront utiles, mais puisque le financement accordé à l’ACSTA ne fait que lui permettre de maintenir le niveau de service actuel offert par la société d’État, nous nous attendons à ce que les longues périodes d’attente pour les contrôles de sécurité se poursuivent durant les périodes de pointe, jusqu’à ce que des réformes permanentes soient mises en œuvre.
Nous sommes encouragés par le fait que le gouvernement du Canada envisage une restructuration de l’ACSTA pour que son financement soit mieux adapté à la croissance du trafic aérien. En effet, le budget de 2018 procure une certaine stabilité à l’ACSTA pour que ces travaux puissent procéder de façon prudente, dans le cadre de discussions approfondies avec les aéroports du Canada et nos partenaires de l’industrie.
Les aéroports et les principaux transporteurs aériens du Canada ont recommandé au ministre Garneau un niveau de service qui permettrait à 95 p. 100 des passagers au départ dans les huit plus grands aéroports de passer le contrôle de sécurité en moins de 10 minutes, et même encore plus rapidement pour les passagers en correspondance. Enfin, aucun passager n’attendrait plus de 20 minutes. Toutefois, nous sommes un peu loin de cet objectif aujourd’hui, d’où nos préoccupations au sujet du projet de loi C-49.
Le projet de loi C-49 prévoit un cadre qui permettra à l’ACSTA d’administrer de nouveaux services de contrôle ou des services supplémentaires, selon le modèle de recouvrement des coûts. Les aéroports auront ainsi plus de souplesse pour accroître les services de contrôle de sécurité pour des raisons d’affaires, comme attribuer un niveau de service plus élevé aux voyageurs qui ont un vol de correspondance ou aménager une section d’enregistrement distincte pour les voyageurs ayant une cote plus élevée. Toutefois, tant qu’une norme de service acceptable ne sera pas mise en place avec un soutien financier suffisant, nous craignons que certains aéroports se sentent pressés de payer les services de base de l’ACSTA qui devraient être financés à même les recettes découlant du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien.
Les aéroports fonctionnent selon un mode sans but lucratif, c’est-à-dire que tous leurs coûts supplémentaires doivent être absorbés et récupérés sous forme de frais plus élevés pour les voyageurs ou les transporteurs aériens ou par le biais d’autres sources de revenus que les aéroports utilisent pour maintenir les coûts à un niveau moins élevé, par exemple des entreprises non aéronautiques comme des restaurants et des boutiques.
L’aéroport Pearson de Toronto et l’aéroport international de Vancouver ont déjà dépensé un montant supplémentaire de 14 millions de dollars l’an dernier pour compléter l’aide financière gouvernementale en vue de permettre à l’ACSTA de maintenir son objectif de traiter 85 p. 100 des passagers dans les contrôles de sécurité en 15 minutes ou moins. Puisque nous prévoyons accueillir 6 millions de passagers aériens de plus cette année, la demande sera plus élevée aux contrôles de sécurité et à nos frontières aériennes.
Pendant que vous examinez l’aspect des droits des voyageurs dans le cadre du projet de loi C-49, nous vous exhortons à garder cet élément à l’esprit. Nous avons écouté les témoignages présentés à votre comité sur les droits des voyageurs et les rôles interreliés des parties intéressées dans la chaîne de valeur du voyage. Vous devez tenir compte du rôle du gouvernement fédéral dans la prestation des contrôles de sécurité effectués par l’ACSTA et des services frontaliers dispensés par l’ASFC, puisque cela contribue aux vols manqués par les passagers, aux vols retardés et même aux retards de débarquement à la fin d’un long vol, ce qui cause des retards sur l’aire de trafic.
Les aéroports feront tout leur possible pour s’assurer que les gens arrivent à leur destination à temps et dans un milieu agréable. Mais le gouvernement a aussi certainement un rôle central à jouer. Je vous remercie de votre attention.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Messieurs, bonsoir et bienvenue au Sénat. Vos présentations sont très claires. J’ai quelques questions. La première découle un peu de ma mission d’aider les victimes d’actes criminels. Il se produit parfois des événements malheureux, par exemple lorsqu’on se trouve dans un pays étranger et qu’une personne décède. Or, je reçois plusieurs appels, à mon bureau, de gens qui me disent que les voyageurs qui utilisent les compagnies aériennes ne sont pas bien informés des procédures à suivre pour rapatrier un corps ou les cendres d’une personne défunte.
J’aurais aimé que le projet de loi C-49 prévoie une obligation d’informer, mais on ne pourra pas y insérer tout ce qu’on désire. Les compagnies aériennes font-elles leur possible, ou peuvent-elles en faire plus, pour bien informer les familles et les couples qui voyagent quant aux procédures à suivre dans de tels cas? Ainsi, lorsqu’un événement se produit, ces personnes n’auraient pas à assumer le deuxième fardeau de transiger avec des compagnies aériennes qui n’ont peu ou pas d’information ni de services à cet égard.
M. Bergamini : C’est une question importante et intéressante. Il m’est un peu difficile de répondre au nom de l’industrie. Ce genre de chose est une composante élémentaire du contexte compétitif. C’est un peu le message que les compagnies vous ont donné hier. Les tarifs des compagnies aériennes sont publiés et donnent des détails à ce sujet.
Par ailleurs, depuis deux ans, on constate un peu partout un engagement accru de la part des compagnies aériennes pour informer leurs clients et leurs passagers par l’intermédiaire, notamment, des médias sociaux et numériques. Nos membres ont déployé des efforts à ce sujet et ont pris des engagements, sur une base individuelle, afin d’être plus transparents et de faire un meilleur travail d’information. Par conséquent, je crois que la réponse à votre question est oui.
Cela étant dit, je vous suggère de faire part de vos inquiétudes et de votre point de vue directement aux compagnies aériennes. Je puis vous assurer que je veillerai moi-même à transmettre ce message.
Le sénateur Boisvenu : Puisque nous avons une charte des voyageurs, il me semble que cela devrait être un principe fondamental, surtout compte tenu des actes terroristes qui sont plus fréquents dans le monde. Ce sont des familles complètes qui peuvent être touchées et qui sont prises au dépourvu. Je souhaiterais que des efforts soient faits en ce sens.
Avec les compagnies aériennes, nous avons également abordé la question des coentreprises. À ce sujet, les avis sont vraiment partagés. Nous avions des gens d’Air Transat pour qui, de leur point de vue, la coentreprise frise la fusion. Pour eux, c’est une concurrence un peu déloyale, car il s’agit souvent des mêmes lignes et de la même clientèle. J’aimerais connaître votre position au sujet de la coentreprise dans le cadre de ce projet de loi qui héritera du pouvoir du commissaire de la concurrence. On accordera le pouvoir au ministre et le Bureau de la concurrence deviendra strictement un organisme consultatif, ce qui préoccupe les gens de l’industrie aéronautique.
[Traduction]
Le président : Monsieur Bergamini, avant de répondre à cette question, vous pourriez peut-être énumérer les entreprises représentées par votre organisme, afin que les gens qui nous regardent soient informés.
M. Bergamini : Nous représentons Air Canada, Air Transat, WestJet et Jazz.
[Français]
Pour répondre au sénateur, notre organisme, un peu comme l’organisme de mon collègue, fonctionne sur une base consensuelle. Il est clair que, dans le cadre d’enjeux de nature concurrentielle, notre organisme ne prend pas de position, tout en étant bien au fait des positions et du point de vue de nos membres à cet égard. Malheureusement, je ne peux pas en discuter.
[Traduction]
Le sénateur Dawson : J’ai eu l’occasion de vous rencontrer tous les deux. Vous aviez dit qu’en ce qui vous concernait, vous espériez que ce serait la première étape de la modification des transports. Je ne veux pas parler du transport des marchandises ou des trains. J’espère que la question des trains ne reviendra pas avant quelques années. Nous n’en parlerons pas cette fois-ci.
Je comprends certainement, dans le discours de certains ministres et dans votre demande, que vous espérez un deuxième rapport Emerson, car de nombreuses recommandations formulées par Emerson visaient la gestion et la gouvernance des aéroports. Nous savons que le modèle a maintenant 25 ans. Nous savons que nous ne faisons pas de distinction entre les quatre plus grands aéroports et les petits aéroports. Ils sont tous soumis à une approche universelle, mais il y a quelques années, nous avons rédigé un rapport dans lequel nous avons déterminé que l’approche universelle ne fonctionnait pas. En effet, on ne peut pas comparer l’aéroport de Vancouver avec certains petits aéroports lorsqu’il s’agit des règlements sur la gouvernance.
J’aimerais savoir comment vous allez procéder pour veiller à ce qu’il y ait une deuxième étape. J’espère que la première étape se terminera bientôt, et que la deuxième étape débutera aussi rapidement que possible.
M. Bergamini : Oui, sénateur. C’est une excellente question. Je suis probablement l’une des seules personnes qui étaient heureuses de ne pas voir plus de détails dans le budget qui a été annoncé hier, car honnêtement, cela signifie que nous avons encore le temps de travailler sur certaines questions de politique publique très importantes.
Comme mon collègue l’a indiqué, la question de l’ACSTA est un exemple concret. Cette année, selon ce que nous comprenons, il y a suffisamment de fonds pour veiller à maintenir le niveau de service actuel, mais nous faisons valoir que ce n’est tout simplement pas adéquat.
Dans le cadre de cette deuxième étape et peut-être en raison de considérations financières, on est en train d’établir un plan pour modifier le modèle de gouvernance et le modèle d’affaires de l’ACSTA. Ces travaux sont en cours.
Selon nous, c’est une bonne chose. Nous avons suggéré qu’il serait approprié d’adopter un modèle qui ressemble au modèle de NAV CANADA, mais il faut d’abord se pencher sur des enjeux fondamentaux pour déterminer qui paiera la note. Il faut donc examiner la deuxième étape. C’est le débat qui sera difficile à mener. C’est le système utilisateur-payeur dans lequel nous menons nos activités qui influence tout le reste.
Si on adopte un modèle du type de NAV CANADA et qu’on s’attend ensuite à ce que les utilisateurs — les passagers — assument les coûts liés à l’augmentation des niveaux de service… Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas mentionné des niveaux de service plus élevés? Car cela exigerait des fonds supplémentaires. Qui paiera la note? C’est le voyageur, l’utilisateur. Quelles seront les répercussions sur la demande de services de transport aérien? Quelles seront les répercussions sur les services secondaires? Quelles seront les répercussions sur les aéroports?
Il faut examiner toutes ces questions. Il s’agit d’un énorme débat qui doit se dérouler à l’extérieur des cloisons dans lesquelles certaines de ces discussions sont menées.
Nous exercerons des pressions sur le plan politique — disons que nous commençons aujourd’hui — pour veiller à ce qu’il y ait une deuxième étape, et qu’elle soit utile.
M. Gooch : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je suis très heureux de reconnaître certains visages de cette époque. Je trouve le rapport très utile.
Mon collègue et moi avons déjà parlé de l’ACSTA. Le gouvernement avait pris des engagements à l’égard des normes de niveaux de service, afin de réformer le modèle de financement de l’organisme pour qu’il corresponde à une norme de niveaux de service. Le budget qui a été annoncé hier nous accorde un peu d’argent pour travailler sur ce dossier pendant un certain temps. Cela prendra du temps. C’est un enjeu complexe qui devrait être réglé par l’entremise de discussions avec les représentants des aéroports et avec nos autres partenaires de l’industrie.
Dans le rapport Emerson et dans votre rapport, il y a toute une série d’autres dossiers sur lesquels nous avons déjà livré des exposés. Nous aimerions maintenant voir ces dossiers progresser. Nous avons appris que des mesures avaient été mises en œuvre pour permettre aux petits aéroports, par exemple, de demander du financement d’infrastructure, car ils avaient été exclus. Les petits aéroports avaient été exclus. On a accompli quelques progrès à cet égard, mais on pourrait en faire plus.
Les loyers perçus auprès des aéroports représentent environ 340 millions de dollars, et ce montant est à la hausse. Nous avons livré des exposés sur la façon dont cela complique les décisions liées aux secteurs d’activités pour les aéroports et pour expliquer pourquoi il n’est pas logique de demander un loyer aux petits aéroports.
Il n’y a eu aucun progrès à cet égard dans le budget annoncé hier, mais il y a quelques semaines, nous avons terminé une série de rencontres avec les représentants du gouvernement. Nous espérons voir des progrès à cet égard bientôt.
Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné qu’on s’attendait à de longues périodes d’attente et que cette attente se poursuivra aux contrôles de sécurité pendant les périodes de pointe jusqu’à ce que des réformes soient mises en œuvre.
J’aimerais préciser qu’à Edmonton, où je me rends souvent, les choses se passent très bien, ainsi qu’à Ottawa, en général. Je vous félicite au moins pour ces villes.
Quelles sont les réformes permanentes dont vous parlez dans cette déclaration?
M. Gooch : Le défi qui se pose, c’est que l’ACSTA n’est pas organisée comme une entreprise normale qui a le contrôle sur les coûts et les revenus ou la capacité de les influencer. En effet, l’ACSTA dépend des crédits annuels que lui accorde le gouvernement dans le budget. Chaque année, les représentants de l’ACSTA, nos représentants et tout le reste des intervenants de l’industrie passent beaucoup de temps à livrer des exposés sur la façon dont on devrait financer l’ACSTA, et quelques mois plus tard, il faut tout recommencer.
Le trafic a connu une croissance solide, de l’ordre de plus de 35 p. 100 au cours des cinq dernières années. Toutefois, le financement n’a pas suivi. On demande un droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Lorsque ce droit a été établi, on a promis que les fonds serviraient à financer ce service. Toutefois, tous les fonds ne servent pas à financer le service aujourd’hui, et cela ne se fait pas automatiquement.
Il nous faut une approche plus souple, c’est-à-dire une structure qui permet d’utiliser les ressources perçues auprès des voyageurs, à mesure que leur nombre augmente, pour financer les services que ces voyageurs utilisent. L’approche actuelle n’est pas en mesure de réagir aux demandes changeantes du trafic.
Le sénateur Mitchell : Maintenant, ces fonds s’ajoutent aux recettes générales, et vous devez ensuite quémander plus d’argent?
M. Gooch : C’est exact, monsieur.
Le sénateur Mitchell : Vous préféreriez donc que les fonds vous soient envoyés directement, ce qui vous permettrait au moins de vous adapter au niveau ou au volume de trafic.
M. Gooch : Nous ne demandons pas à ce que les fonds nous soient envoyés, mais qu’ils servent aux services aux voyageurs que fournissent l’ACSTA ou un autre organisme.
Le président : Le droit de sécurité est perçu au moment de l’achat d’un billet, mais cet argent s’ajoute seulement aux recettes générales?
M. Gooch : C’est exact.
Le sénateur Mitchell : C’est une taxe.
Le président : J’aimerais savoir à combien s’élève cette taxe.
Le sénateur Mitchell : Exactement.
Ma prochaine question est très pointue. Je crois qu’elle s’adresse surtout à M. Bergamini.
Vous avez parlé de l’idée d’une charte. L’un des enjeux qui ont été soulevés, c’est que certains droits de douane, ou la plupart des droits de douane, exigeaient un délai minimal de 90 minutes sur l’aire de trafic. Maintenant, cette notion sera apparemment officialisée dans cette charte, et le délai sera de trois heures.
Il me semble que vous êtes quelque peu ambivalent sur la façon dont cette charte est mise en œuvre. Toutefois, croyez-vous que les 90 minutes supplémentaires — ou les trois heures — vous donnent une plus grande marge de manœuvre, étant donné que les conséquences de ne pas respecter ce délai seront beaucoup plus intenses?
M. Bergamini : Je ne peux pas vraiment formuler de commentaires sur la différence de temps.
Je peux vous dire que les détails seront réglés dans le processus qui suivra probablement l’adoption de ce projet de loi, c’est-à-dire le processus d’élaboration des règlements. C’est à ce moment-là que nous obtiendrons un grand nombre des réponses à nos questions.
Selon certaines personnes, cette approche est un mélange de l’approche adoptée par l’Union européenne et les États-Unis, une approche qui est assez rigide et axée sur les pénalités, et de l’approche plus légère que nous pouvons voir à l’œuvre en Australie, en Chine et dans d’autres pays.
Si les conséquences et l’approche reflètent ce que nous voyons dans les pays de l’Union européenne, nous avons des raisons de nous inquiéter, car l’interprétation judiciaire des règles a créé une situation où même les délais causés par des problèmes mécaniques ne sont pas considérés comme étant valides, en ce sens que leur charte a même préséance sur les règlements de sécurité.
Donc, lorsqu’on considère les conséquences de tout cela comme étant un levier économique, les lignes aériennes ne compromettront jamais la sécurité, mais c’est la tendance qui est introduite.
C’est la même chose aux États-Unis. Le système punitif axé sur les amendes a entraîné une baisse des retards sur l’aire de trafic, mais, en raison du degré des amendes, il a aussi entraîné une augmentation du nombre de vols annulés.
Ce ne sont là que quelques-unes des conséquences imprévues contre lesquelles nous devons nous protéger.
Le sénateur Mitchell : Le seuil est passé de 90 minutes à au moins trois heures.
M. Bergamini : C’est une partie du problème.
C’est la raison pour laquelle la mesure législative et la politique doivent reconnaître qu’il n’est pas uniquement question des lignes aériennes. C’est ce que fait le projet de loi dans sa formulation. C’est la raison pour laquelle je dis qu’il fait passer l’industrie pour la méchante, et avec beaucoup de succès, mais qu’il ne règle pas le problème fondamental.
Si l’objectif de la mesure législative est de punir et d’exercer des représailles, c’est facile. Si le but est d’améliorer le transport aérien de passagers, c’est plus complexe.
Le sénateur Mercer : Le sénateur Mitchell a introduit la notion des trois heures, mais je ne suis pas certain de savoir d’où cela vient.
De plus, je ne comprends pas vraiment pourquoi nous parlons beaucoup de la déclaration des droits des passagers. Elle ne figure pas dans ce projet de loi. On y fait référence et on précise qu’elle sera introduite dans le règlement à une date ultérieure. Cependant, puisqu’elle sera introduite dans le règlement, le comité ne pourra pas l’examiner. Ce qui m’ennuie le plus, c’est que la déclaration des droits des passagers devrait être introduite dans le projet de loi afin qu’elle puisse être examinée par un comité à la Chambre des communes et du Sénat. Ainsi, nous pourrions nous prononcer sur cette déclaration et consulter de nombreux témoins.
La référence au financement de l’ACSTA est un problème majeur. Il s’agit maintenant d’une vache à lait. On ne parle plus d’une rémunération à l’acte.
Où, s’il y a lieu, pouvons-nous trouver les informations sur les fonds recueillis par l’entremise du droit de l’ACSTA et la portion de ces fonds qui a été investie dans le service?
M. Gooch : Sénateur, l’un des obstacles auxquels nous avons été confrontés, c’est le manque de transparence concernant l’argent. Parfois, les fonctionnaires avec lesquels nous nous entretenons ignorent la différence entre ce qui est recueilli et ce qui est dépensé. Cependant, chose certaine, on pourrait investir beaucoup plus.
Comme l’a souligné mon collègue, le problème lorsque les fonds sont investis par les aéroports, c’est que les coûts ont tendance à être absorbés dans la structure de coûts et donc à être transférés aux passagers. Les voyageurs paient pour un service et méritent d’en avoir pour leur argent, non seulement en matière de sécurité, mais aussi en ce qui a trait à leur expérience en tant que voyageurs.
Ce que nous recommandons, c’est de sortir de ce cycle et de faire en sorte que la source des fonds soit plus transparente et que les ressources soient utilisées de façon à correspondre davantage aux demandes.
Le sénateur Mercer : On dirait un tour de passe-passe. L’argent est recueilli et dépensé sans que l’on sache vraiment ce qui a été recueilli et ce qui a été dépensé.
L’autre problème, c’est le grand mouvement de modernisation des aéroports que l’on connaît à l’échelle du pays depuis quelques années. De nombreux aéroports ont été modernisés. Chaque semaine, je vole en provenance et à destination d’Halifax et il y a constamment des travaux de modernisation à l’aéroport. Je sais que c’est la même chose à l’échelle du pays. Toutefois, plus il y a de voyageurs, plus la demande est grande en matière de services, auprès de l’ACSTA, oui, mais aussi pour le stationnement, les restaurants et d’autres services offerts dans les aéroports. Les aéroports sont censés être sans but lucratif, mais ils recueillent des sommes d’argent importantes qui, en d’autres circonstances, seraient considérées comme des profits et réinvestissent constamment ces fonds dans la modernisation de leurs infrastructures.
J’ignore combien de fois j’ai remarqué dans un aéroport que des choses qui étaient là la semaine précédente n’y étaient plus. Il y a quelque chose de nouveau. Il s’agit d’une source constante de revenus pour l’aéroport, enfin, on l’espère, mais ces revenus sont constamment réinvestis dans les infrastructures de l’aéroport, et non dans les services aux passagers, eux qui sont la principale raison pour laquelle les aéroports existent. Les aéroports existent pour le transport des passagers, peu importe leur destination ou provenance.
M. Gooch : Je ne suis pas certain de comprendre votre question. Une grande partie des investissements sont faits pour les voyageurs, comme des investissements dans des restaurants, des boutiques et des services, ce qui profite aux voyageurs.
Les mesures de contrôle relèvent du gouvernement. Donc, les fonds ne seront pas investis dans ces mesures, mais plutôt dans les opérations des aéroports afin que les frais facturés aux transporteurs aériens soient les moins élevés possible de façon à ce que les aéroports demeurent concurrentiels. Les hôtels ou restaurants construits sur le terrain d’un aéroport génèrent des fonds qui sont ensuite utilisés pour compenser les frais facturés aux transporteurs aériens. C’est très positif pour tous les intervenants de l’industrie.
Le sénateur Mercer : Vous dites que le loyer des aéroports est élevé. Cela nous met dans une position nettement désavantageuse tout le long de la frontière. De nombreux témoins nous ont dit que les gens partent d’Ottawa pour aller prendre un vol à New York parce que c’est moins dispendieux. Je connais une demi-douzaine de personnes qui font cela, certains sur une base régulière. À mon avis, il faut réagir à une telle concurrence. La solution n’est pas d’augmenter les prix. Il faut être plus efficaces, garder les prix bas et faire en sorte que ces voyageurs recommencent à utiliser nos aéroports.
Cela ne semble pas être l’attitude adoptée. On semble vouloir maintenir le statu quo, que les prix vont augmenter et que les services de l’ACSTA ne seront pas ajustés pour répondre à la demande.
J’exprime la frustration des passagers du transport aérien, car je suis l’un de ces passagers. À mon avis, le fait que ce genre de choses soient incluses dans le règlement et non dans la mesure législative constitue un recul important pour l’obtention des services adéquats pour les passagers du transport aérien au pays.
M. Gooch : Je peux vous répondre en ce qui a trait au loyer des aéroports. Il s’agit d’une source de revenus pour le gouvernement fédéral. Conformément aux baux signés avec le gouvernement fédéral, les aéroports sont tenus de verser ce loyer.
Les aéroports ont déjà dit que si ce loyer était réduit ou éliminé, les économies réalisées seraient transférées aux utilisateurs par l’entremise d’une réduction des frais d’amélioration aéroportuaire et des frais de débarquement, par exemple, mais ces économies seraient entièrement transférées aux utilisateurs. Nous avons déjà dit qu’il faudrait à tout le moins éliminer ce loyer pour les aéroports qui accueillent moins de trois millions de passagers, ce qui est le cas pour la plupart des aéroports qui doivent payer un loyer. Cela serait extrêmement utile.
Toutefois, si le loyer des aéroports est maintenu, il faudrait à tout le moins que les fonds recueillis soient réinvestis dans les services aux voyageurs, notamment pour améliorer le niveau de service de l’ACSTA et, au besoin, ceux de l’ASFC. Je suis tout à fait d’accord avec vous que les fonds recueillis devraient profiter aux voyageurs.
[Français]
La sénatrice Gagné : J’aimerais obtenir une clarification à la suite de la question du sénateur Mitchell. J’aimerais mieux comprendre la dynamique entre les lignes aériennes et les aéroports. Dans le cas où une ligne aérienne reçoit une plainte concernant un retard et que ce retard est causé par le personnel aéroportuaire, qui sera indemnisé, et de quelle façon?
M. Bergamini : Actuellement, la relation entre le passager et la ligne aérienne est dictée par le contrat entre le passager et la ligne aérienne. En cas de litige, c’est l’Office des transports du Canada qui doit trancher. On se souviendra que, dans le dossier concernant Air Transat, l’office a rendu sa décision.
Sans entrer dans les détails de cette discussion, un élément qui en est ressorti et qui semble assez nouveau, c’est la complexité des événements survenus à ce moment-là. En fin de compte, à tort ou à raison, c’est la compagnie aérienne qui a dû payer une amende avec l’option de payer un montant équivalent aux passagers.
Pour reprendre l’argument du sénateur concernant la réglementation qui sera élaborée par l’office, nous craignons que la mise en œuvre de ces règles fasse en sorte que les compagnies aériennes aient beaucoup de difficulté à se soustraire de cas de plaintes qui pourraient être causés par d’autres événements. Permettez-moi de continuer mes commentaires en anglais.
[Traduction]
En raison de la complexité du système, il est question de transparence et de s’assurer que les passagers comprennent leurs droits, mais imaginez être coincé sur l’aire de trafic en raison d’un retard. Vous ignorez la cause du retard. Souvent, même le pilote ignore la cause du retard, car les informations changent rapidement. Le retard est-il attribuable à une décision de la tour de contrôle de clouer tous les vols au sol? Est-ce en raison d’un problème mécanique, ou d’un problème de sécurité? Quelle est la cause?
Tout ce que sait le passager, c’est que son vol est retardé et qu’il risque de manquer son vol de correspondance. Comment le passager peut-il s’y retrouver dans le système? C’est l’une des failles de cette approche et c’est la raison pour laquelle, à mon avis, il est illusoire de croire que la complexité de ce système peut être facilement codifiée pour que les choses soient justes et, surtout, pour améliorer le système.
Nous savons que lorsqu’il a présenté son projet de loi, le ministre Garneau a parlé longuement de l’incident impliquant United Airlines. Cet incident a fait les manchettes partout dans le monde. C’était atroce comme histoire. L’incident est survenu aux États-Unis, où le système est régi par un ensemble de droits de passagers que nous tentons d’imiter. Il est impossible d’être absolument certain qu’il y aura... Dans ce cas-ci, c’est la police aéroportuaire qui a outrepassé la limite de ses compétences.
Je ne crois pas être en mesure de vous répondre de façon efficace. Toutefois, ce qui nous préoccupe, c’est que cette approche ne tient pas compte de la complexité du système. Cela causera confusion et frustration. Le processus réglementaire qui suivra devra en tenir compte afin que tous les intervenants soient protégés.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à M. Bergamini et porte sur les droits des passagers. Dans votre rapport, j’ai remarqué que vous citez le rapport Emerson, dans lequel il est mentionné qu’il est nécessaire de clarifier les obligations des compagnies aériennes pour qu’elles fournissent des services dans les deux langues officielles. On entend, notamment dans les collectivités et partout au pays, ce besoin de recevoir des services dans les deux langues officielles, pas seulement de la part d’Air Canada, mais sans doute d’autres compagnies.
Selon vous, dans le cas de l’ajout à la loi d’une obligation en matière linguistique, de combien de temps auraient besoin les compagnies aériennes pour se conformer à cette obligation?
M. Bergamini : J’ai répondu à une question du sénateur Boisvenu de la même manière. Malheureusement, notre organisation prend des positions en matière de politique sur une base consensuelle. Lorsque des questions sont de nature concurrentielle, tous ces éléments entrent dans l’équation et notre organisme ne prend pas position. C’est aux compagnies aériennes individuelles d’agir selon leur conscience quant à la meilleure façon de faire.
Il y a Air Transat qui est une compagnie québécoise, et dans le cas d’Air Canada, ses responsabilités découlent d’un cadre législatif. Par ailleurs, WestJet a fait des progrès énormes en la matière. Je sais qu’elle vise des critères assez élevés de bilinguisme. Il y a un effort constant qui se fait pour bien refléter la nature linguistique du pays et pour offrir un service exemplaire.
[Traduction]
Le président : La sénatrice Gagné aurait une question complémentaire à poser. Je vais vous redonner la parole par la suite.
[Français]
La sénatrice Gagné : Ma question concerne toujours les langues officielles. Est-ce que les compagnies aériennes, y compris Air Canada, qui est assujettie à la Loi sur les langues officielles, ont d’autres obligations linguistiques qui découleraient d’autres sources, par exemple en matière de directives de sécurité?
M. Bergamini : C’est une bonne question. Je n’ai pas de réponse à vous donner pour le moment, mais je vous la communiquerai cette semaine.
[Traduction]
Le président : Vous pouvez la faire parvenir au greffier.
[Français]
Le sénateur Cormier : J’aimerais faire un dernier commentaire. À la lumière de ce que vous nous avez dit, je comprends que, puisqu’une démarche est déjà en cours, si l’obligation figurait dans le projet de loi, les compagnies aériennes s’y conformeraient et la mettraient en œuvre.
M. Bergamini : Je n’irais pas jusqu’à dire cela. Disons simplement que les compagnies aériennes prennent cette question très au sérieux.
[Traduction]
Le sénateur Housakos : J’aurais quelques commentaires à formuler et quelques questions connexes à vous poser.
De toute évidence, ce projet de loi a été présenté en réaction à un incident survenu il y a quelque temps et qui a attiré l’attention des médias. C’est habituellement ce que font les gouvernements; ils réagissent de façon impulsive. Un incident fait les manchettes, et le gouvernement tente de réagir. C’est bien beau de dire : « Voici une déclaration des droits. Nous avons réglé la question »… Je sais que vous avez un point de vue particulier, car vous représentez des intervenants bien précis, mais, en tant que parlementaire, je trouve la situation un peu troublante. En tant que voyageur occasionnel, je trouve également troublant que les transporteurs aériens du pays, qui sont des enfants privilégiés — ce que je veux dire, c’est qu’ils sont appuyés par la législation gouvernementale. Plusieurs mesures législatives ont été adoptées. Il y a certaines choses au pays que nous ne faisons pas pour soutenir nos transporteurs aériens nationaux, surtout Air Canada. Nous en sommes tous conscients. Toutefois, je trouve étonnant qu’au cours des dernières décennies, ces sociétés ne se soient pas préoccupées, comme elles auraient dû le faire, de leurs résultats nets — et leurs obligations à l’égard des passagers auront un impact sur ces résultats — plutôt que de se préoccuper des droits des passagers lorsqu’ils se font fourvoyer. Pardonnez mon langage.
Le gouvernement s’attaque peut-être à la question d’un mauvais angle, alors qu’il devrait se concentrer sur les obligations des transporteurs aériens à l’égard des passagers plutôt que sur une déclaration des droits des passagers qui, honnêtement, sont occupés. Lorsqu’ils ne peuvent pas prendre un vol ou qu’ils se retrouvent dans une situation fâcheuse, ils descendent de l’avion. Pendant un certain temps, ils sont frustrés, mais finissent par passer à autre chose.
J’aimerais connaître votre opinion sur l’adoption d’obligations pour les transporteurs aériens à l’égard de leurs passagers plutôt que de l’adoption d’une déclaration des droits des passagers.
J’aimerais revenir à ce que disait le sénateur Mercer, car je crois savoir où il voulait en venir. Nous avons investi beaucoup de temps pour mettre en place ces autorités aéroportuaires indépendantes partout au pays qui ont créé ces Taj Mahal. Certains aéroports sont plus beaux que certains hôtels cinq étoiles au pays. Pour y arriver, les autorités se sont endettées; beaucoup d’aéroports sont très endettés. L’aéroport Pearson, à Toronto, a accumulé plus de 1 milliard de dollars de dettes.
Nous avons permis aux autorités aéroportuaires de fonctionner indépendamment du gouvernement croyant qu’elles seraient plus efficaces ainsi. De toute évidence, pour certaines, ce n’est pas le cas. Les aéroports sont devenus des vaches à lait pour le gouvernement. Elles accentuent la pression sur les transporteurs aériens pour que ceux-ci offrent le meilleur service possible, car il s’agit pour les aéroports d’une source de revenus.
Donc, d’un côté, le gouvernement répond publiquement en disant : « Nous aurons une déclaration des droits et, si vous avez des plaintes à formuler, adressez-vous aux commissions de transport. » De l’autre côté, il dit aux autorités aéroportuaires : « Nous allons vous taxer à mort. » En tant que parlementaires, nous savons qu’en taxant à mort les autorités aéroportuaires, ce sont les passagers qui seront facturés à mort.
Je crois que c’est le gouvernement qui devrait encore porter le fardeau de responsabilité, car il considère les aéroports comme une source de revenus plutôt qu’un service offert à la nation. De plus, plusieurs transporteurs aériens ne considèrent pas leurs passagers comme ils le devraient. Ils devraient comprendre qu’ils ont une obligation envers eux.
Il y a quelques semaines, je me suis présenté à l’aéroport de Montréal pour prendre un vol à 8 heures à destination de Hartford. Je me suis rendu au comptoir — et je ne nommerai pas le transporteur aérien — pour me faire dire : « Nous sommes désolés, mais votre vol a été annulé. » Je n’ai reçu aucun appel, aucun courriel. Je n’ai pas été informé à l’avance. C’était une journée magnifique. Donc, le vol n’a pas été annulé en raison des conditions météorologiques. C’était la troisième fois au cours des neuf derniers mois que ce vol en particulier était annulé.
Honnêtement, lorsque les clients se présentent au comptoir, ils se fichent de ce que dit la déclaration des droits. Ce qu’ils veulent savoir, c’est quelles sont les obligations du transporteur aérien à leur égard, au-delà de : « Nous allons vous rembourser ou surclasser votre billet », ou peu importe la solution offerte.
Je sais que c’est un long préambule, et je m’en excuse. Ma question est la suivante : selon vous, ce projet de loi devrait-il plutôt porter davantage sur l’obligation des transporteurs aériens à l’égard des passagers que sur la déclaration des droits des passagers?
M. Bergamini : Je vais tenter d’aborder un à la fois chacun des points que vous avez soulevés. Je vais d’abord parler des aéroports, et peut-être que mon collègue voudra intervenir.
Je crois que nous devrions être tous très fiers de nos aéroports qui sont considérés parmi les meilleurs au monde. Il s’agit d’un avantage pour le Canada.
Cela dit, le sénateur Dawson a souligné que la prochaine étape devrait être l’adoption d’un nouveau système de gouvernance. À notre avis, le système actuel est très singulier et ne convient pas à une politique nationale ou pancanadienne. Par conséquent, les choses varient beaucoup d’une région ou d’une province à l’autre. Nous souhaitons ardemment l’adoption d’un système qui tient compte de la perspective des utilisateurs et des transporteurs aériens, notamment, en ce qui a trait à l’orientation et à la croissance futures.
Les transporteurs aériens établissent des plans d’investissements de 5 à 10 ans qui s’appuient sur des prévisions du marché. Les aéroports fonctionnent de la même façon. Pourquoi ne pourraient-ils pas travailler ensemble? Il ne devrait pas y avoir un rapport d’opposition, comme c’est le cas en ce moment. La nouvelle politique devrait enchâsser un esprit et sentiment de collaboration et de partenariat. C’est le premier point. C’est ce que nous souhaitons.
J’aimerais maintenant parler de la déclaration des droits. Premièrement, le ministre et le gouvernement ont réagi au rapport Emerson. Donc, je ne leur imputerai pas de motifs. Ils ont décidé de la suite des choses.
Tout compte fait, une déclaration des droits ou une déclaration des obligations, c’est un cadre normatif pour les transporteurs aériens. Il s’agit d’un havre capitaliste, au même titre que la Chine qui favorise une approche du marché pour les passagers. L’approche de la Chine s’appuie sur la transparence. Les transporteurs doivent rendre l’information publique. Il y a beaucoup de transparence. Le consommateur fait son choix, et le système fonctionne. Je vais m’arrêter là sur ce sujet.
Je ne suis pas convaincu que la solution soit d’imposer aux transporteurs aériens plus de normes prescrites par l’État. À mon avis, il faut améliorer le contexte économique dans lequel nous fonctionnons ainsi que l’équité modale pour laisser les sociétés de transport aérien se battre entre elles pour offrir le meilleur service possible.
M. Gooch : Merci pour cette question. Les aéroports exigent beaucoup d’investissements. C’est clair. Je crois que l’analogie de l’iceberg est bonne, en ce sens que ce que voient les passagers, ce n’est que la pointe — les pistes et l’équipement de sécurité, par exemple. Il s’agit d’un investissement continu.
L’autre distinction importante qu’il faut faire, c’est que la nature des investissements en infrastructure dans les aéroports est si large que les aéroports doivent faire des prévisions pour les 10 ou 20 prochaines années.
Les aéroports qui ont fait l’objet de critiques par le passé pour construction excessive avaient peut-être peu d’achalandage au moment où le projet a été amorcé, mais bon nombre de ces aéroports fonctionnent désormais au maximum de leur capacité et doivent maintenant chercher de nouveaux investissements. Ils ont atteint leur pleine capacité plus tôt que prévu.
Il est également important de noter que ces investissements ne se font pas en vase clos ou dans une salle de conférence derrière des portes closes. En vertu de leurs baux et des principes de responsabilité envers le public, les aéroports ont certaines exigences à respecter. Ils doivent mener de larges consultations auprès de leurs communautés et de leurs partenaires, y compris la communauté des transporteurs aériens. Les transporteurs aériens ont le pouvoir de dire : « Mettez ce projet sur la glace; nous n’en avons pas besoin pour le moment. » Toutefois, cela ne s’est produit qu’une ou deux fois au cours des 25 années depuis que les aéroports sont devenus des entreprises.
Il s’agit d’un secteur d’activité complexe qui exige beaucoup d’investissements. Certains aéroports ont la capacité de croître. Donc, je crois que nos aéroports se sont bien débrouillés pour satisfaire leurs divers intervenants — les transporteurs aériens et voyageurs, mais aussi, les communautés qu’ils servent.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je vais vous parler du transport régional. On parle d’une charte des voyageurs qui doit prévoir, à mon avis, des services accessibles et un prix abordable. Les services régionaux à travers le Canada, surtout au Québec et dans les Maritimes, se sont constamment dégradés depuis des années. Lorsqu’un compétiteur faisait son apparition pour offrir un service de base, s’il y avait déjà un grand transporteur, celui-ci baissait les prix pour faire concurrence au petit transporteur.
Le gouvernement du Québec mène une réflexion très importante, en ce moment, parce qu’il n’y a plus de transport sur la Côte-Nord à certains endroits, notamment aux Îles-de-la-Madeleine. Ce sont des régions qui sont isolées, et je trouve que les transporteurs aériens ne font pas leur devoir civil en mettant en œuvre des moyens pour servir ces populations. Elles sont dépendantes des transporteurs aériens. La seule façon de sortir de ces régions, c’est par avion. Êtes-vous sensible à cela? Y a-t-il un plan d’action pour veiller à ce que les citoyens de ces régions n’aient pas à payer le prix pour l’aller-retour de Sept-Îles à Montréal? Cela coûte le même prix qu’un voyage à Cuba. On est en 2018. On devrait avoir les moyens d’offrir des services acceptables à ces populations.
M. Bergamini : C’est une question qui est très d’actualité. Encore une fois, ce sont les compagnies aériennes qui décident du niveau de desserte des lignes, et ainsi de suite. Je ne vais pas aborder cette question, sauf pour dire que notre membre WestJet augmente ses services au Québec.
J’aimerais revenir à la question qu’on a abordée tantôt. Il y a un contexte démographique et géographique qui est important en ce qui concerne la densité de la population, si on sort du corridor Québec-Windsor. Cela a un impact sur les coûts des transporteurs aériens et les coûts de tous les transporteurs de passagers. Le gouvernement du Canada devrait entreprendre un exercice, dans le cadre de cette deuxième phase, qui permettrait d’éliminer ou de réduire les coûts pour les transporteurs — auparavant, on évoluait dans un contexte économique beaucoup plus favorable —, et qui encouragerait l’arrivée d’autres compétiteurs. L’une des raisons pour lesquelles les soi-disant « ultra-low-cost carriers » ne durent pas, c’est parce qu’ils ne peuvent pas fonctionner dans le contexte économique canadien. Les coûts sont tout simplement trop élevés. C’est l’une des réalités auxquelles nous sommes confrontés.
J’ai parlé tantôt des politiques qui se font en silos. Hier, dans le budget, à la page 318, il y avait une référence cachée à des subventions destinées à VIA Rail pour l’achat de matériel roulant. Si on veut vraiment causer des ennuis dans les régions, on n’a qu’à subventionner encore davantage le transport ferroviaire dans ce corridor, et créer une compétition avec les compagnies aériennes, qui devront baisser leurs prix. Dans le système actuel, où est-ce que les coûts augmentent? C’est dans les régions. Alors, il y a une incohérence totale au chapitre du développement des politiques de transport aérien au pays. Voilà le plus grand défi que nous devons relever. J’espère que ce comité s’attardera sur cette question. Merci.
[Traduction]
Le président : Merci aux témoins d’avoir accepté notre invitation.
J’aimerais maintenant accueillir Ian Jack, directeur principal, Communications et Relations gouvernementales, Affaires publiques, Association canadienne des automobilistes, John Lawford, directeur général et conseiller juridique général, Centre pour la défense de l’intérêt public, Jacob Charbonneau, cofondateur et président-directeur général, Vol En Retard Canada, et Richard Vanderlubbe, président, Comité d’examen de la Loi sur les transports au Canada, Association canadienne des agences de voyages.
Messieurs, merci de vous être joints à nous.
Ian Jack, directeur général, Communications et Relations gouvernementales, Affaires publiques, Association canadienne des automobilistes : Merci, honorables sénateurs, de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui pour formuler des observations sur le projet de loi C-49, et plus particulièrement sur les droits des voyageurs aériens.
Je vais commencer mon exposé par une brève présentation sur la CAA et ce qui l’a poussée à jouer un rôle de premier plan dans le débat sur les droits des voyageurs aériens.
[Français]
La CAA a été fondée en 1913 en tant qu’organisme sans but lucratif représentant les intérêts des automobilistes. Le monde a bien changé depuis, et notre association aussi. Nous rassemblons aujourd’hui plus de 6 millions de membres d’un océan à l’autre, avec des services qui dépassent largement la seule assistance routière.
[Traduction]
En fait, grâce à ses services en ligne et à son réseau comptant plus de 150 points de service, la CAA est devenue l’un des plus grands exploitants d’agences de voyages d’agrément au Canada. Restant au demeurant une organisation sans but lucratif, la CAA travaille d’abord et avant tout dans l’intérêt de ses membres et des voyageurs canadiens.
Nos agents interagissent chaque jour avec des voyageurs aériens. Nous comprenons donc ce marché, ce qui nous permet en toute connaissance de cause de prendre clairement position en faveur des droits des voyageurs aériens, tout en reconnaissant que les intérêts des consommateurs sont mieux servis lorsque les transporteurs se livrent à une saine concurrence.
Honorables sénateurs, si le régime de protection des voyageurs aériens a progressé ces dernières années aux États-Unis et en Europe, on ne peut en dire autant du Canada. Résultat : le traitement réservé aux voyageurs canadiens accuse maintenant un sérieux retard.
Le moment est venu pour nous de retrousser nos manches et de mieux protéger les voyageurs aériens de notre pays, et l’actuel projet de loi nous semble être un pas dans la bonne direction.
[Français]
De plus, il est très attendu de la population. Un sondage mené par la CAA a révélé que 91 p. 100 des Canadiens trouvent qu’il est grand temps que le Canada ait sa propre charte des voyageurs aériens.
[Traduction]
Le projet de loi C-49 vient régler plusieurs points sur lesquels nous avons milité ces dernières années. Bien entendu, de nombreux éléments qui importent aux consommateurs ne seront traités en détail que lors du processus d’élaboration des règlements qui suivra l’adoption du projet de loi. Par exemple, la définition du traitement dont bénéficieront les passagers dans des situations précises et les niveaux de compensation pour différentes infractions devront être écrits noir sur blanc, tout comme la définition de ce qui constitue une défaillance mécanique relevant du transporteur, par exemple.
Honorables sénateurs, même avec les meilleures intentions du monde, un projet de loi qui n’aboutirait que sur des compensations dérisoires, accordées seulement dans des circonstances exceptionnelles ou difficilement accessibles à tous, n’aura aucun effet positif sur les Canadiens. Nous devons tous veiller à ce que cette situation ne se produise pas.
[Français]
Il est primordial que les voyageurs aériens connaissent leurs droits. Le régime de protection devra donc être clair, transparent, équitable et conséquent. En outre, le processus de réclamation auprès des compagnies aériennes devra être simple, voire s’activer de lui-même dès que requis, car lorsqu’il y a lieu de dédommager le client, le respect des droits des voyageurs devra d’emblée être l’approche privilégiée par les compagnies aériennes.
[Traduction]
La CAA a été ravie d’entendre le ministre Garneau et le président et premier dirigeant de l’OTC, Scott Streiner, affirmer que le régime de protection des voyageurs sera proactif et conçu de façon à ce que les compagnies aériennes aient à dédommager les consommateurs quand une compensation est due. Les consommateurs ne devraient solliciter l’OTC qu’en dernier recours, en cas de manquement de la part de la compagnie aérienne. Un autre avantage d’un tel système serait que l’OTC pourrait alors se concentrer sur les plaintes plus complexes et s’adonner plus activement à des vérifications de conformité pour s’assurer que les droits des consommateurs sont bel et bien respectés.
En effet, un rapport récent du Bureau européen des unions des consommateurs a révélé que seulement 25 p. 100 des voyageurs aériens en Europe obtiennent l’indemnisation prévue à la suite d’un retard indu, les compagnies aériennes n’étant pas tenues de la verser automatiquement. C’est le pire scénario possible, compte tenu de tous les efforts que nous avons tous déployés jusqu’à maintenant pour en arriver là.
Pour terminer, j’aimerais évoquer combien les rapports sur le rendement des compagnies aériennes, qui mesurent les paramètres du régime de protection des voyageurs, sont névralgiques. Aux États-Unis, ces statistiques sont publiées chaque mois. Cela permet bien sûr aux consommateurs et aux autres intervenants d’évaluer la performance des compagnies, mais celles-ci sont aussi encouragées à se faire concurrence pour ne pas avoir le pire dossier, ce qui se traduit par une amélioration des services aux voyageurs et de la façon dont ils sont traités. Les données recueillies devraient reprendre les exigences des mesures législatives et être rendues publiques dans les meilleurs délais. Cette transparence encouragera la droiture.
[Français]
La CAA appuie les dispositions du projet de loi C-49 relatives aux droits des passagers aériens. Nous participerons au processus réglementaire pour nous assurer que les intérêts des consommateurs demeurent au centre du travail effectué. Il s’agit d’un prérequis pour que le nouveau système soit une réussite aux yeux des Canadiens.
[Traduction]
Le voyageur moyen du Canada, qui correspond aussi au client type de la CAA, ne jouit généralement pas des protections qui accompagnent les billets des catégories supérieures. Ces mesures législatives aideront surtout ces passagers, si la réglementation connexe est bien faite.
Nous exhortons le comité à demeurer attentif, au-delà des présentes audiences, afin de s’assurer que le nouveau régime est efficace et profitable pour tous les voyageurs canadiens.
[Français]
Je vous remercie de l’attention que vous m’avez accordée et je reste à votre disposition pour répondre à toute question.
[Traduction]
Merci. Je serai ravi de répondre à vos questions.
John Lawford, directeur général et conseiller juridique général, Centre pour la défense de l’intérêt public : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. Le Centre pour la défense de l’intérêt public est un organisme national sans but lucratif et un organisme de bienfaisance enregistré. Nous fournissons des services juridiques et des services de recherche au nom des consommateurs, en particulier les consommateurs vulnérables, concernant l’offre de services publics importants comme les services de transport aérien.
Le CDIP est actif en matière de transport aérien des consommateurs depuis la fin des années 1980 et a été très présent pendant la fusion d’Air Canada et de Canadian Airlines, en 1999-2000, ainsi qu’à l’époque où le poste de commissaire aux plaintes relatives au transport aérien a été créé puis éliminé, et maintenant, pendant toute la période qui a mené au premier effort sérieux visant la protection des clients des compagnies aériennes, le projet de loi C-49.
Notre message aujourd’hui est simple : nous appuyons le projet de loi C-49 tel qu’il a été libellé. Il va énormément améliorer les voyages en avion du Canadien moyen et va vraisemblablement mener à des niveaux de recours acceptables pour les consommateurs qui ne sont pas bien traités par les compagnies aériennes.
Comment le projet de loi C-49 va-t-il atteindre ces objectifs? Premièrement, il va comporter pour les consommateurs des mesures de protection de base uniformes et claires, y compris des normes minimales à respecter quant au traitement des passagers et des indemnités minimales pour deux des plaintes les plus courantes concernant les voyages en avion : les vols annulés ou retardés, et les refus d’embarquement. Les mesures réglementaires qui seront prises en vertu de la loi vont vraisemblablement énoncer différentes échelles de traitement et d’indemnisation, selon que le transporteur aérien exerçait un contrôle sur la cause des problèmes ou non, ou qu’il s’agissait de questions de sécurité ou d’autres raisons comme les conditions météorologiques. Nous nous attendons à ce que les règles soient justes pour les consommateurs et pour les compagnies aériennes, et favorisent de bonnes pratiques chez les compagnies aériennes.
Deuxièmement, les compagnies aériennes devront verser des indemnités minimales uniformes pour les bagages endommagés, problème tenace des voyages en avion. Les retards sur l’aire de trafic, autre cauchemar pour le consommateur, seront traités de façon uniforme de sorte que les passagers puissent recevoir des renseignements et obtenir, nous l’espérons, un droit clair de retourner dans le terminal et de descendre d’avion sans dépasser une période raisonnable et humainement acceptable.
Troisièmement — et je souligne l’importance de l’uniformité —, le projet de loi C-49 va primer sur les actuels tarifs byzantins des compagnies aériennes, tous différents et impossibles à trouver pour le consommateur moyen, malgré tous les efforts, et encore plus impossibles à utiliser pour le règlement de sa plainte. Les tarifs actuels sont si complexes que des entités à but lucratif y ont vu une occasion d’affaires qui ne devrait tout simplement pas exister.
Des règles uniformes et simplifiées en vertu de la structure du projet de loi C-49 vont donner aux consommateurs qui ne sont pas traités conformément à ces normes le pouvoir d’obtenir réparation grâce à un processus de résolution des différends efficace géré par le consommateur.
Comme vous l’avez entendu, d’autres pays ont de meilleurs régimes de protection des personnes qui voyagent par avion que le Canada. L’Europe a des mesures très poussées de protection des passagers, y compris une indemnité fixe pour les vols retardés ou annulés, et les États-Unis ont de lourdes amendes en cas de retards sur l’aire de trafic. Rien ne justifie que les Canadiens ne puissent pas profiter de mesures de protection de classe mondiale pour le service essentiel que constitue le transport aérien. Il est grand temps.
Je dois admettre notre parti pris dans ce débat. Le CDIP a rédigé un rapport à l’intention du comité Emerson au sujet de l’absence de mesures de protection des consommateurs qui utilisent les services de transport aérien, dans le cadre de l’Examen de la Loi sur les transports au Canada. Ce que le projet de loi C-49 contient se rapproche beaucoup de ce que nous avons recommandé et de ce qui se trouve dans le rapport Emerson.
Si ce comité ou un autre comité recommandait le rejet de ce travail, ce serait le rejet d’années de travail au nom des consommateurs, dans une industrie qui s’est révélée allergique à l’idée de traiter ses propres clients avec dignité.
L’absence de mesures de protection des consommateurs concernant les voyages par avion est en ce moment très semblable à ce que le secteur des télécommunications et le secteur bancaire faisaient avant la création des services d’ombudsman les concernant respectivement, soit la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision et l’ombudsman des services bancaires et d’investissement.
Pourquoi les compagnies aériennes ne seraient-elles pas réglementées d’une façon semblable aux autres grands services essentiels pour les consommateurs? Nous pouvons vous affirmer qu’une charte des droits, un code de protection des consommateurs ou quelque chose de ce genre, conjuguée à l’existence d’un ombudsman comme l’OTC qui est là pour entendre les plaintes, est un moyen efficace et que c’est maintenant la norme dans les industries sous réglementation fédérale.
Tout simplement, le projet de loi C-49 donne aux utilisateurs du transport aérien des normes de base concernant le traitement et les recours. Les compagnies aériennes aimeraient mieux ne pas être soumises à des règles aussi claires et efficaces, mais elles se sont révélées incapables de traiter les clients humainement sans de telles règles. Les consommateurs méritent ce que le projet de loi C-49 va leur apporter.
Nous vous remercions beaucoup de nous avoir permis de comparaître, et nous sommes impatients de répondre à vos questions.
Le président : Monsieur Charbonneau.
[Français]
Jacob Charbonneau, cofondateur et président-directeur général, Vol En Retard Canada : Bonjour. Je me présente, Jacob Charbonneau, cofondateur et PDG de Vol En Retard Canada. Nous sommes fiers et honorés d’avoir été invités à témoigner devant un comité sénatorial dans le cadre du projet de loi C-49. La nouvelle loi et les règlements découlant de ce projet de loi doivent contenir des dispositions claires et sans équivoque afin de limiter les divergences d’interprétation, étant donnée l’existence de zones grises. Cette nouvelle loi facilitera la tâche aux passagers désirant faire valoir leurs droits individuels et permettra de regagner la confiance des voyageurs.
Nous avons tenu compte des tendances actuelles et des meilleures pratiques internationales, et nous vous présentons aujourd’hui 3 amendements parmi les 15 énoncés dans notre mémoire. Ils ont pour but de placer le Canada à l’avant-garde en matière de protection des voyageurs.
Le premier amendement proposé concerne les attentes sur l’aire de trafic. Dans la version actuelle du projet de loi, il est question de :
[...] régir les obligations du transporteur en cas de retard de plus de trois heures sur l’aire de trafic [...]
On propose de remplacer « plus de trois heures » par « plus de 90 minutes ». Notre suggestion est conforme au tarif actuellement en vigueur des compagnies de transport aérien au Canada. Nous sommes d’avis que la formulation actuelle, « plus de trois heures », est un pas dans la mauvaise direction, puisque les conditions tarifaires offrent déjà l’option au passager de descendre après 90 minutes. Les passagers seraient donc moins bien protégés avec la nouvelle loi.
Le deuxième amendement proposé concerne les indemnités minimales. Dans la version actuelle du projet de loi, on traite des normes minimales à respecter. On propose d’ajouter des détails sur les conditions d’application lorsqu’un passager arrive à sa destination finale avec plus de deux heures de retard pour tous les vols internes, ou trois heures pour tous les vols internationaux, à la suite d’un retard, d’une annulation ou d’un refus d’embarquement. Nous croyons fermement que les modalités minimales à respecter ne devraient pas être déléguées à une agence tierce, comme l’Office des transports du Canada. Elles devraient être incorporées au projet de loi et être approuvées par les représentants de la population.
Le troisième amendement concerne les défaillances mécaniques. Dans sa version actuelle, le projet de loi parle des normes minimales à respecter pour le transporteur lorsque le retard, l’annulation ou le refus d’embarquement lui est attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité, notamment en cas de défaillance mécanique. Nous proposons de remplacer les mots « par souci de sécurité, notamment en cas de défaillance mécanique » par l’expression « à la suite d’une circonstance extraordinaire ». Le transporteur n’est pas tenu de verser l’indemnité prévue s’il est en mesure de prouver que le retard, l’annulation ou le refus d’embarquement est dû à des circonstances extraordinaires, qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises, et qui ne sont pas inhérentes à l’activité du transporteur.
À ce sujet, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée à maintes reprises sur l’interprétation des termes « circonstances extraordinaires » au sens du règlement européen. Elle a tranché que, pour les bris mécaniques, et je cite :
[...] le fonctionnement des aéronefs faisant inéluctablement apparaître des problèmes techniques, les transporteurs aériens sont, de manière ordinaire, confrontés, dans le cadre de leur activité, à de tels problèmes. À cet égard, des problèmes techniques révélés lors de l’entretien des aéronefs ou en raison du défaut d’un tel entretien ne sauraient constituer, en tant que tels, des « circonstances extraordinaires » [...]
Et ce, puisque les problèmes techniques sont inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien.
En conclusion, nous croyons fermement que le gouvernement se doit d’adopter une loi qui soit aussi généreuse et transparente que ce que nous voyons à l’échelle internationale. Il faut surtout une loi qui soit humaine, qui protège et facilite l’accès à la compensation, une loi claire, sans équivoque, qui réduise au maximum les zones grises et qui laisse peu de place à l’interprétation. Cette loi est plus que nécessaire pour ramener la confiance des voyageurs envers les transporteurs aériens. Ces mesures permettront de suivre les meilleures pratiques internationales et les tendances en matière de protection des consommateurs. Elles permettront au Canada d’être à l’avant-garde au chapitre de la protection des passagers aériens.
Merci de votre attention. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
[Traduction]
Richard Vanderlubbe, président, Comité d’examen de la Loi sur les transports au Canada, Association canadienne des agences de voyages : Je remercie le comité de m’accueillir.
L’Association canadienne des agences de voyages, l’ACTA, réunit 1 200 membres volontaires d’agences de voyages qui emploient 12 000 agents de voyages. Les agences de voyages vendent près de 40 p. 100 des billets d’avion au Canada. Cela nous donne une perspective de première ligne des défis auxquels les Canadiens qui voyagent par avion font face, parce que nous traitons de près avec eux, mais cela nous permet aussi de comprendre les limites des compagnies aériennes.
Dans l’ensemble, nous sommes favorables au projet de loi C-49, plus précisément en ce qui concerne les obligations du transporteur envers les passagers et la concurrence au sein de l’industrie, mais il faudrait quelques ajustements. Nous croyons que le projet de loi comble une lacune pour les voyageurs canadiens, compte tenu des chartes des droits des passagers qui existent déjà aux États-Unis et en Europe.
Nous trouvons qu’il est important que les mesures réglementaires canadiennes n’entrent pas en conflit avec ce qu’il y a dans d’autres pays, qu’elles ne créent pas d’obstacles pour les Canadiens qui veulent faire une plainte, ou qu’une compagnie aérienne ne se retrouve pas à traiter plusieurs fois ou à indemniser plusieurs fois une même plainte dans des pays différents. Il y a manifestement un déséquilibre entre le pouvoir des compagnies aériennes et celui des consommateurs, et nous trouvons qu’il convient effectivement que le gouvernement prenne des règlements à cet égard.
Les Canadiens vont tous payer chaque billet un peu plus cher en raison de ce projet de loi, car il impose des coûts aux compagnies aériennes, et cela montre vraiment comment les Canadiens veulent être traités quand les choses ne se passent pas comme prévu.
Nous convenons aussi qu’il faut autant que possible laisser les détails aux mesures réglementaires afin qu’elles puissent suivre les réalités du marché du voyage, car ce marché évolue très rapidement. Plus précisément, il y a des éléments qui se trouvent directement dans la loi, comme l’âge des enfants qui ne doivent pas être séparés de leur famille, le nombre de retards sur l’aire de trafic, et même une mention particulière des instruments de musique, ce que nous avons trouvé un peu étrange. Cela pourrait plutôt être lié aux bagages délicats ou relever des modalités relatives aux bagages qu’il vaudrait mieux prévoir dans la réglementation. Cependant, nous trouvons préoccupant que les mesures législatives ne définissent pas ce qui relève du contrôle du transporteur et la mesure dans laquelle un problème mécanique ou un problème de sécurité relève ou non du contrôle du transporteur. Nous ne voulons pas que la sécurité des passagers soit compromise à cause de la pression que subirait le transporteur pour éviter les coûts et les pénalités liés à un retard.
Bien des choses peuvent causer des retards, comme d’autres témoins l’ont dit : les ralentissements à la sécurité, les ralentissements aux douanes, l’immigration américaine, le contrôle du trafic aérien et notamment le pays d’origine de l’avion, l’état de préparation aux points de contrôle, le dégivrage. La liste est longue. Nous admettons que les détails doivent se trouver dans la réglementation, mais cette définition sera de nature délicate, et il se pourrait que les compagnies aériennes se retrouvent avec des pénalités qui auraient dû être imposées à une autre organisation fautive, ou que des Canadiens subissent des pertes qui ne sont pas causées par les compagnies aériennes et qu’ils soient ainsi privés d’une indemnité.
Nous croyons aussi que le déclassement devrait être ajouté aux dispositions sur le refus d’embarquement prévoyant une indemnité. On parle de déclassement quand un voyageur a payé le prix d’un siège privilégié — que ce soit en classe affaires, en classe économique premium ou autre —, mais que ce siège n’existe plus parce que la configuration de l’avion a été changée, ce qui mène à une annulation ou à un changement d’appareil.
Pour ce qui est de la concurrence, peu importe où les parties prenantes vivent, nous croyons que la concurrence dans le transport aérien est une bonne chose, du moment qu’elle est juste et durable. Les Canadiens ont souffert financièrement et ont subi des inconvénients à cause de l’échec de nombreuses jeunes compagnies aériennes. Leur taux de succès est très faible. C’est souvent à cause de leur sous-capitalisation ou même des réactions prédatrices des joueurs déjà présents sur le marché.
Les compagnies aériennes prennent l’argent des consommateurs avant de leur fournir les services, et rien dans le projet de loi C-49 ne régit les finances des compagnies aériennes ni même les fonds qui leur sont versés à l’avance par les consommateurs pour leurs achats. Nous croyons que la protection financière des voyageurs canadiens fait totalement défaut dans le projet de loi C-49, et il faut que le gouvernement fédéral et les provinces envisagent cela dans le cadre d’une stratégie nationale qui permettrait de combler ces lacunes.
[Français]
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup pour vos présentations. Mes questions s’adresseront plutôt à M. Charbonneau. J’aimerais toutefois faire un commentaire sur vos propos au sujet des instruments de musique. J’ai travaillé pendant plus de 20 ans, à titre de musicien, dans le domaine de la musique. J’ai beaucoup voyagé à l’aide de compagnies aériennes. Je n’ai pas de statistique à cet effet, mais je ne peux compter le nombre d’instruments de musique qui ont été détruits par des transporteurs. C’est probablement la raison pour laquelle cet aspect apparaît aussi spécifiquement dans le projet de loi.
Monsieur Charbonneau, vous nous avez parlé de trois amendements ce soir, soit l’attente sur le tarmac, l’indemnité minimale et la défaillance mécanique. Dans le rapport que vous nous avez soumis, vous avez également soulevé certaines questions très pertinentes sur la diffusion et l’accessibilité de l’information, en vertu des obligations des compagnies envers les passagers. Pourriez-vous nous en dire davantage sur vos inquiétudes quant à l’accès à l’information et nous éclairer quant au rôle que pourrait jouer l’Office des transports du Canada, ou un autre organe du gouvernement, pour assurer un meilleur accès à cette information?
M. Charbonneau : C’est une excellente question, merci. Dans le cadre des nombreuses demandes et plaintes que nous recevons, nous voyons deux difficultés pour ce qui est de l’information. La première concerne le coût des événements où les passagers sont très peu informés de ce qui arrive, des raisons et de ce qui va arriver, à savoir comment on va les aider et les ramener à destination.
Le deuxième problème est lié aux conditions afin d’obtenir une indemnisation, selon le modèle européen. Dépendamment des raisons, le vol sera admissible ou non à une compensation. Souvent, les gens se font dire n’importe quoi. Par contre, lorsqu’on demande des raisons écrites, on obtient bien souvent les vraies raisons. On l’a vu souvent cet hiver, étant donné les conditions météorologiques. Verbablement, on évoquait toujours les conditions météorologiques. Toutefois, lorsqu’on obtenait les preuves sur papier, on se rendait compte que, parfois, c’était un manque d’équipage qui était en cause.
Cette information est difficile à obtenir pour le client. Par conséquent, nous proposons, dès que le vol est en retard, annulé ou qu’il y a un refus d’embarquement, de remettre au passager une note écrite pour lui expliquer les raisons.
Dans le deuxième volet de votre question, vous demandiez quel rôle pourrait jouer l’Office des transports du Canada. Dans ce cas-ci, elle pourrait s’assurer que les lignes aériennes suivent les directives.
Le sénateur Cormier : Lors de notre rencontre avec le groupe d’experts précédent, le sénateur Boisvenu a parlé notamment du transport régional. Je suis issu d’une région et d’une communauté de langue officielle en situation minoritaire. Ma question est la suivante : voyez-vous le manque de règlements liés aux langues officielles comme un obstacle possible à l’accès à l’information et à la sécurité des passagers? En d’autres mots, est-ce que, pour vous, la question linguistique est un enjeu en ce qui a trait à l’accès à l’information et à la sécurité des passagers?
M. Charbonneau : À l’heure actuelle, ce que l’on constate, ce n’est pas un enjeu lié aux langues, mais bien un enjeu d’accès à l’information.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : J’entends constamment parler d’une charte des droits des passagers et de toutes sortes de règles et de règlements. Il n’y a rien de tout cela dans le projet de loi. Cela va figurer dans les mesures réglementaires qui suivront. J’ai donc une question pour tout le monde. Pensez-vous qu’il serait mieux de ne pas être ici à parler de quelque chose qui va se faire à l’avenir et plutôt nous pencher sur la réglementation que le gouvernement va proposer comme élément de la charte des droits des voyageurs aériens? Nous parlons tous de ce que cela pourrait être et de ce que cela devrait être, mais nous ne regardons pas ce que ce sera. Nous pourrions alors avoir l’occasion de demander à des organisations comme les vôtres et à des membres du public — les gens qui voyagent effectivement par avion — de nous dire si cela va fonctionner ou pas.
Cela m’irrite, que nous parlions de quelque chose qui n’existe pas. Les mesures réglementaires n’existent pas. Nous n’en sommes pas saisis, et nous ne savons pas quand ce sera le cas.
M. Jack : Je ressens la même chose. C’est un dossier auquel nous travaillons depuis des années, et nous aimerions avoir tous les détails sous les yeux dès maintenant. Cependant, nous trouvons sensé — comme un collègue à l’autre bout l’a souligné — que l’industrie change effectivement. Nous avons sous les yeux un projet de loi qui contient de nombreuses dispositions et dont le cheminement au Parlement prend des mois et des mois. Je ne veux pas des années d’attente pour hausser une indemnité de 250 $ à 500 $ parce que les débats entourant la modification de la loi n’en finissent plus.
C’est un peu un saut dans l’inconnu, mais je pense que vous voyez que plusieurs groupes vont continuer d’exercer des pressions sur le gouvernement et sur l’office pour veiller à ce que la réglementation représente ce que les Canadiens veulent. Je crois que cet enjeu fera l’objet d’une assez forte attention du public pour que ce soit fermement dénoncé si cela ne se produit pas. En fait, dans notre propre déclaration, nous vous avons encouragés à faire comparaître les fonctionnaires, à un moment donné, afin de leur poser toutes les questions que vous pourriez avoir alors.
M. Lawford : Je crois que le projet de loi fait tout ce qu’il peut pour vous amener dans cette direction. Je comprends que du point de vue du législateur, c’est une position inconfortable, mais on y trouve effectivement des normes minimales et des indemnités pour les annulations et les refus d’embarquement. C’est un progrès énorme. Je ne crois pas qu’on puisse rédiger un règlement qui ne comporterait pas de montant d’argent ou de normes minimales, ce qui signifierait qu’on s’occuperait des nuitées et du genre de choses qui sont rendues nécessaires par un refus d’embarquement. Je ne crois tout simplement pas que l’Office des transports du Canada, qui s’est engagé à entendre le public à ce sujet, et ce, très rapidement, ne produira rien, compte tenu du libellé du projet de loi. Autrement dit, je crois que le projet de loi est assez solide pour que vous ayez l’assurance que les mesures réglementaires feront ce que nous demandons.
Le président : Dans votre mémoire, avez-vous suggéré ce format?
M. Lawford : Nous avons indiqué qu’il faut régler ces questions, tenir des consultations publiques et obtenir la contribution de l’industrie, naturellement. Comme certains membres l’ont souligné, sénateur Tkachuk, cela pourrait se situer entre les solutions de l’Europe et des États-Unis, mais nous n’avons pas précisé la structure. Cependant, nous avons dit que nous voulons y voir tous les aspects pour lesquels ils ont dit qu’il y aurait des normes minimales. Nous avons dit qu’il faut que cela se trouve dans le projet de loi visant la protection des consommateurs.
Le président : Vous allez être très content de ce qu’ils ont fait, alors, car cela correspond beaucoup à ce que vous avez recommandé.
M. Lawford : Oui.
Le président : Vous ne vouliez pas tous les éléments des mesures réglementaires dans le projet de loi.
M. Lawford : En effet, car vous ne vous rendriez probablement pas jusqu’à ce point.
[Français]
M. Charbonneau : Je partage votre opinion. De notre côté, ce que nous proposons, c’est d’insérer effectivement le plus de détails possible dans la loi et de laisser le soin à l’office de bonifier après coup. Par contre, les règles minimales et les circonstances auxquelles elles s’appliquent devront être clairement décrites à même le projet de loi et être déterminées par les gens qui représentent le peuple. Il faut éviter de laisser place à des surprises ou de mettre en œuvre une loi où l’on ne tient pas compte des impacts futurs, mais plutôt insérer les impacts à même la loi.
[Traduction]
M. Vanderlubbe : Je trouve convenable de laisser les mesures législatives à l’OTC. Je crois qu’ils ont fait de l’excellent travail, par exemple, avec les règles fédérales en matière de publicité s’appliquant aux compagnies aériennes, qui ont aussi été rédigées en termes généraux. Ils ont mené de vastes consultations et ont fait du bon travail.
L’industrie évolue très rapidement. Quand de telles choses sont ancrées dans la loi, elles sont rapidement dépassées.
Je crois que la loi devrait exprimer plus clairement l’intention quant à la politique publique portant sur ce qui relève de la responsabilité du transporteur et sur ce qui n’en relève pas. Je crois que c’est un aspect qui gagnerait à être clair. Les consommateurs n’ont pour seul recours que les petites créances. Cela prend du temps et ils finissent par abandonner. C’est important.
Je crois que cela va régler bien des irritants liés aux voyages en avion, et je crois que l’OTC va faire du bon travail.
La sénatrice Bovey : J’apprécie le commentaire au sujet des renseignements fournis dans les avions. Au cours des 10 derniers jours, je pense que j’ai pris cinq avions, et aucun n’était à l’heure. J’ai trouvé la situation fascinante lors d’un des vols, de Vancouver à Winnipeg. L’embarquement s’est fait en retard. Nous allions décoller — en retard —, et le pilote a pris le micro pour nous dire : « Merci de votre patience. Je ne peux pas vous dire pourquoi nous sommes en retard, car je ne le sais pas. On a peut-être changé d’appareil parce que la compagnie avait vendu trop de billets. » Cela ne nous a pas été très utile.
Vous avez recommandé qu’on se penche sur les droits des passagers, et qu’on regarde du côté de l’Union européenne. Je suis au courant d’une situation. C’est arrivé à mon gendre, un cycliste compétitif. Il faisait une course en Europe. L’avion est arrivé en retard, et les bagages n’avaient pas suivi. Il ne s’en est pas trop fait parce qu’il savait qu’il aurait une indemnité grâce aux règles de l’Union européenne. Ce qui l’a surpris, cependant, c’est que quand le chèque est arrivé des mois plus tard, c’était le tiers de ce qu’il aurait dû recevoir et il a dû faire une demande pour avoir le reste du montant. Il a reçu un autre tiers du montant quelques mois plus tard, et il a dû faire une autre demande. Ce dernier tiers est arrivé trois mois plus tard. Il a donc fallu neuf mois pour qu’il obtienne l’indemnité en entier.
Il se trouve qu’il est journaliste et qu’il est bien renseigné; il était donc au courant de la manière de présenter sa demande et d’exercer des pressions. Toutefois, qu’en est-il des passagers qui n’ont pas cette chance? Qu’en est-il des passagers qui n’ont pas la force ou l’envie de faire ces démarches ou qui se disent peut-être que ce chèque pour le tiers du montant était tout ce à quoi ils avaient droit? Devons-nous en comprendre que ces gens reçoivent un chèque et que cela les satisfait?
Si nous fondons notre réglementation sur ce qui se fait en Europe et que la réglementation européenne prévoit un montant, inscrirons-nous également dans la réglementation le délai pour l’envoi du paiement? Par ailleurs, le paiement doit-il être remis sous la forme d’un seul montant forfaitaire? Qu’en est-il de la personne qui croit avoir reçu tout le montant auquel elle a droit? Je me pose encore des questions sur l’argent auquel les passagers ont droit, mais qu’ils ne réclament jamais.
[Français]
M. Charbonneau : Vous soulevez des aspects très pertinents. Ce sont des choses que nous voyons au quotidien, puisque nous recevons des demandes et que nous offrons un service clé en main aux passagers pour qu’ils puissent aller chercher des compensations. Lorsqu’on a fondé la compagnie et qu’on s’est mis à regarder le marché, on s’est rendu compte qu’en Amérique du Nord, moins de 2 p. 100 des gens réclament une compensation, parce qu’ils ne connaissent pas leurs droits ou ne veulent pas se battre contre les lignes aériennes. Aujourd’hui, 20 p. 100 de nos clients ont tenté une approche auprès des lignes aériennes qui leur a été refusée, et ils reviennent vers nous par la suite. Donc, il y a vraiment un travail à faire quant à l’éducation des gens et aussi du côté des transporteurs aériens. Il n’est pas normal que les gens qui présentent des demandes se heurtent à des refus, parce que les compagnies aériennes savent que lorsqu’on leur dit non, 95 p. 100 des gens n’iront pas plus loin.
Par ailleurs, je suis très inquiet quant à toute la notion de l’information des clients. Nos publicités à l’aéroport de Montréal ont été retirées à la suite de pressions de la part des lignes aériennes. Nous affichions les droits des consommateurs dans un endroit public. Évidemment, c’est un aspect qui m’inquiète énormément. On ne peut pas informer les gens dans les endroits publics, parce que les lignes aériennes mettent de la pression sur les aéroports. Cela m’inquiète, car les passagers ont des droits, mais ne peuvent pas y avoir recours, parce qu’ils ne les connaissent pas.
[Traduction]
Le président : À quel point le problème est-il grave? Je voyage tout le temps. Les vols sont parfois en retard, et c’est pénible, mais je suis la plupart du temps satisfait, et je voyage souvent. Le problème est-il grave ou sommes-nous seulement une nation de pleurnicheurs qui n’arrêtent pas de se plaindre?
[Français]
M. Charbonneau : Quand on propose d’aller chercher des compensations pour les retards de vol de plus de trois heures, et de plus de deux heures à l’intérieur du Canada, quand on regarde les statistiques de 2014 à 2016, cela représente moins de 1 p. 100 des gens.
Par contre, de 2014 à 2016, le nombre de retards a augmenté au Canada année après année. Il est passé de 10,8 p. 100 en 2014 à 14,1 p. 100 en 2016. Pour les annulations, il y a eu une hausse année après année de 1,2 p. 100 en 2014 à 1,4 p. 100 en 2016. Dans le cas des annulations, quand on regarde les vols soumis aux compensations européennes, on parle de 0,4 p. 100, soit quatre fois moins.
[Traduction]
Le président : C’est vrai, mais nous avons des hivers rigoureux. Réfléchissons-y un instant. Paris se trouve à 25 milles de Londres, ou peu importe la distance. C’est peu. Au Canada, vous embarquez à Montréal, où il y a une certaine météo, et vous débarquez à Toronto, où la météo est totalement différente, puis nous avons des températures de 30 degrés sous zéro à Saskatoon. Je suis en fait surpris que ce soit tout. Lorsque nous pensons à tous les aspects avec lesquels les gens et les transporteurs aériens doivent composer, c’est très peu, n’est-ce pas? Je sais que c’est votre travail de faire la promotion de ces questions.
M. Lawford : C’était la même situation qui prévalait dans les secteurs des banques et des télécommunications avant de nommer des ombudsmans pour ces secteurs. Vous auriez dit que ces entreprises ne recevaient aucune plainte. Or, à la suite de la nomination de l’ombudsman, nous sommes passés de 1 000 à 10 000 plaintes, et les entreprises de télécommunications reçoivent maintenant 30 000 plaintes par année.
Si nous offrons un système simple et que nous donnons aux gens un ensemble uniforme de droits, je crois que vous constaterez que les gens se rendront compte qu’ils ont droit à des indemnités. Je suis heureux d’entendre que vous avez été chanceux jusqu’à présent dans vos déplacements au pays, mais bon nombre de personnes qui nous appellent sont assez déçues pratiquement chaque fois qu’elles prennent l’avion.
M. Vanderlubbe : À mon avis, l’autre élément dont nous devons tenir compte est le statut des personnes autour de la table. Comme M. Jack l’a souligné, les Canadiens moyens voyagent en classe économique et ils doivent composer avec des surréservations et des déclassements; je ne parle pas de la météo. C’est un véritable inconvénient et c’est un problème fréquent.
C’est vrai que la vaste majorité des transactions se déroulent sans heurt. Toutefois, lorsque la situation tourne au vinaigre, les consommateurs ont très peu de recours, parce que cela coûte trop cher et que le processus demande aussi beaucoup de temps. N’empêche qu’à leurs yeux c’est une rupture de contrat.
Je suis propriétaire d’une agence de voyages. Nous avons eu un client qui s’est vu refuser l’embarquement avec un billet de classe affaires à prix réduit pour Sydney, en Australie, parce qu’il y avait une erreur concernant deux lettres. Ce transporteur aérien étranger a en gros tenté d’extorquer une somme exorbitante pour essayer de régler la situation.
Bref, même si dans la majorité des cas tout se passe bien pour les voyageurs, lorsque la situation tourne au vinaigre, le consommateur n’a pas vraiment de recours.
[Français]
La sénatrice Gagné : J’ai été surprise, messieurs Lawford et Charbonneau, que vous n’ayez pas fait allusion au fait que, dans le projet de loi, on ajoute un nouvel article, l’article 67.3. Cet article indique que seule une personne lésée peut déposer une plainte contre un transporteur aérien concernant ses droits, à l’exclusion de tierces parties comme vous. Quelle est votre réaction à cette proposition?
M. Charbonneau : Nous en parlons beaucoup dans notre mémoire. Cela ne nous concerne pas nécessairement, parce que les gens sont représentés par des avocats, et que c’est un droit constitutionnel au Canada. Il s’agit davantage des agences à but non lucratif qui viennent défendre les droits des consommateurs. Nous en parlons amplement dans notre mémoire; effectivement, les gens devraient avoir le droit d’être représentés. Nous présentons un amendement en ce sens au projet de loi.
La sénatrice Gagné : Connaissez-vous la situation du cas de Delta Air Lines Inc. c. Lukács?
M. Charbonneau : Oui.
La sénatrice Gagné : En bref, la Cour suprême a trouvé l’exclusion déraisonnable.
M. Charbonneau : D’accord.
La sénatrice Gagné : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup de vos exposés.
Pendant que je vous écoutais, vous avez souligné quelque chose qui se produit dans les Chambres qui examinent les mesures législatives. D’un côté, nous nous inquiétons qu’il y ait un trop grand nombre d’éléments dans un projet de loi, parce que cela deviendrait un projet de loi omnibus. De l’autre, nous craignons d’oublier des éléments dans le projet de loi et de devoir pallier les lacunes avec des règlements. C’est l’un ou l’autre, mais nous en voyons ici, dans une certaine mesure, un bon exemple.
Monsieur Charbonneau, j’ai bien peur d’être d’accord avec l’argument selon lequel le problème systémique est énorme et qu’il peut en fait nuire à notre capacité d’intervenir rapidement et entraîner par conséquent la prestation d’un piètre service à la clientèle.
Je tiens à souligner les autres points qu’ont fait valoir les trois autres témoins à ce sujet, mais je souhaite aussi confirmer quelque chose qui semble implicite dans ce que vous dites. Il ne fait aucun doute dans votre esprit que vous serez invités à participer à de vastes consultations aux fins de l’élaboration de ces règlements. Nous ne rédigerons pas ces règlements derrière des portes closes sans demander l’avis de l’industrie et des groupes de représentants. Ces mesures réglementaires ne seront pas tenues secrètes; elles seront publiques.
Même si certains s’inquiètent que le comité sénatorial ne soit jamais saisi de ces mesures, nous pouvons décider à tout moment de les étudier au comité.
M. Lawford : Nous nous attendons à ce qu’il y ait des consultations publiques.
Le président : Merci beaucoup, messieurs.
(La séance est levée.)