Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 34 - Témoignages du 9 mai 2018
OTTAWA, le mercredi 9 mai 2018
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi S-245, Loi prévoyant que le projet de pipeline Trans Mountain Pipeline et des ouvrages connexes sont déclarés d’intérêt général pour le Canada, se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour procéder à l’étude article par article du projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, le comité se réunit ce soir pour terminer son étude du projet de loi S-245. La séance d’aujourd’hui se déroulera en trois temps, en raison des directives que nous avons reçues du Sénat au sujet des amendements au projet de loi C-49. Nous passerons environ 45 à 50 minutes avec notre premier groupe de témoins. Je vous demanderais donc de garder vos questions brèves et je demanderais aux témoins d’en faire de même.
Nous examinerons ensuite les directives du Sénat concernant le projet de loi C-49 avant de procéder à l’étude article par article. Voilà l’ordre du jour pour cette séance.
J’aimerais maintenant vous présenter notre premier groupe de témoins. Nous accueillons le chef Ian Campbell, nation Squamish, Colombie-Britannique, et le chef Nathan Matthew, Première Nation Simpcw.
J’inviterais le chef Campbell à nous présenter son exposé, suivi du chef Matthew. Nous passerons ensuite aux questions des membres.
Messieurs, vous avez la parole.
Chef Ian Campbell, nation Squamish, Colombie-Britannique : Bonjour à tous. Merci de nous offrir cette occasion de venir témoigner. Cette question tient beaucoup à cœur à la nation Squamish et à bon nombre de résidents de la côte ouest de Vancouver.
Nous travaillons depuis de nombreuses années à établir une relation entre le Canada et les peuples des Premières Nations et à l’obtention d’un véritable consentement, ce qui n’a pas été le cas dans ce dossier. Cela nous préoccupe beaucoup quant à l’avenir et au sort de nos terres et de nos eaux.
Nous sommes insatisfaits de l’équité procédurale dont a fait preuve le Canada à l’égard de la nation Squamish et de Trans Mountain par rapport aux principes de la DNUDPA sur le consentement préalable, libre et informé ou tout autre participation significative qui permettrait à la nation Squamish de donner son consentement. Le Canada a plutôt choisi de procéder comme s’il y avait eu une consultation adéquate et qu’il lui revenait de décider si oui ou non le critère de la consultation a été rempli.
Selon nous, le critère de la consultation avec la nation n’a pas été rempli. Malgré tout, nous sommes ici aujourd’hui pour discuter de ce projet de loi qui aurait de graves conséquences pour mon peuple, ainsi que sur mes droits autochtones et le titre de mes terres. Nous occupons un territoire non cédé pour lequel nous n’avons conclu aucun traité avec la Couronne. Donc, nous remettons en question le pouvoir de la Couronne à donner des droits à des tierces parties en plus de nos droits autochtones.
Nous avons deux examens judiciaires devant les tribunaux : un contre le gouvernement fédéral pour son approbation du projet Trans Mountain, et un contre la province de la Colombie-Britannique pour son approbation du projet sans avoir d’abord obtenu notre consentement.
Nous avons rencontré plusieurs ministres et avons envoyé à maintes reprises des délégations à Ottawa afin d’implorer la Couronne de créer un cadre d’engagement adéquat qui mènerait à de véritables possibilités de nation à nation pour réconcilier notre capacité à travailler collectivement.
Le Canada a plutôt choisi de formuler la question comme s’il s’agissait d’un « intérêt national », un nouveau terme que nous avons entendu à maintes reprises auparavant et qui signifie tout simplement que l’on continue d’empiéter sur nos intérêts particuliers au nom des colons. Cette situation continue d’être embarrassante et va à l’encontre de l’esprit de la réconciliation.
Toutefois, nous demeurons optimistes et avons bon espoir que nous pouvons mûrir en tant que société et créer un véritable cadre de nation à nation axé sur la prise de décision et la gouvernance partagées pour la nation Squamish et d’autres Premières Nations; axé sur la prospérité économique permettant aux peuples autochtones de laisser derrière eux cette affreuse pauvreté et de prendre la place qui leur revient afin de pouvoir s’épanouir et prospérer grâce aux projets développés sur leurs terres; et qui repose sur la gouvernance environnementale de nos terres et de nos eaux, gouvernance qui ne s’appuie pas uniquement sur la science occidentale, mais qui tient compte de la science autochtone que nous utilisons depuis des millénaires et un nombre incalculable de générations pour gérer nos terres et nos eaux.
Ces connaissances ont énormément de valeur dans le contexte mondial, notamment en ce qui a trait aux changements climatiques et à l’élévation du niveau de la mer qui entraînent énormément de risques pour les épaulards qui vivent dans notre région. Nos stocks de saumon sauvage sont en péril, tout comme nos langues autochtones. Nous avons été éloignés de nos eaux sans notre consentement et sans compensation et avons été marginalisés. Ces pratiques continuent d’être le modus operandi. Encore une fois, cela inquiète beaucoup mon peuple, mes résidents, mes aînés et, surtout, nos générations futures.
Il s’agit, à mon avis, d’un moment décisif de notre époque. Nous devons régler ces questions avec franchise et d’une manière utile afin que les décisions que vous devez prendre ne constituent pas simplement un veto sur mes droits de titre, mais qu’elles reposent sur une consultation de nation à nation sans que nous ayons à quémander auprès d’autres ordres de gouvernement pour leur demander de considérer nos intérêts. Il doit s’agir d’une relation significative qui accorde de l’importance aux peuples des Premières Nations et qui leur permet de participer aux projets d’envergure sur leurs terres et territoires.
Ceci met fin à mon exposé. Merci beaucoup.
Le président : Merci.
Chef Nathan Matthew, vous avez la parole.
Chef Nathan Matthew, Première Nation Simpcw : Je suis le chef Nathan Matthew de la Première Nation Simpcw, une division de la nation Secwepemc, à l’intérieur de la Colombie-Britannique.
La raison pour laquelle nous nous exprimons sur cette question, c’est que, comme l’a souligné le chef Campbell, nous occupons un territoire non cédé et que nous traitons avec deux ordres de gouvernement. De plus, nous suivons avec intérêt les discussions relatives à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la mesure dans laquelle les gouvernements fédéral et provincial ont accepté les principes et articles de cette déclaration. Parmi les sujets d’intérêt, il y a bien entendu les articles concernant la reconnaissance des droits des peuples autochtones et les titres de leurs terres traditionnelles, ainsi que le droit à l’autodétermination et à l’autogouvernance sur leurs peuples et leurs terres et ressources. C’est donc la perspective avec laquelle nous abordons cette question.
Parlons de ce projet de pipeline. Nous avons acquis beaucoup d’expérience avec le projet Kinder Morgan. En 2006, l’entreprise a doublé la ligne entre Jasper et Valemount, dans la partie nord de notre territoire. Nous avons amorcé des discussions avec l’entreprise et participé à des consultations et avons signé un accord concernant cette section du pipeline. Donc, l’entreprise et ses processus nous sont familiers. L’entreprise a certainement reconnu nos droits territoriaux et nous avons eu des discussions sur la question.
Nous avons écouté avec intérêt les récentes discussions entre le Canada, la Colombie-Britannique et Kinder Morgan et croyons sincèrement que, en tant que Première Nation, nous devrions participer à ces discussions, comme c’est le cas pour d’autres aspects de la mise en valeur des ressources sur nos territoires. Les Premières Nations qui s’opposent au projet semblent avoir attiré l’attention de beaucoup de médias. Nous voulions simplement préciser que la Première Nation Simpcw et la Première Nation Secwepemc ont conclu un accord avec Kinder Morgan en 2015 et que nous allons de l’avant avec ce projet conformément aux paramètres de cet accord.
Nous respectons les processus décisionnels des autres Premières Nations — elles ont les mêmes droits que nous — et le fait qu’elles peuvent adopter la position qui leur convient par rapport à ce projet. Nous souhaitons simplement jouir du même respect.
Le tiers du pipeline passe sur notre territoire sur une distance d’environ 400 kilomètres. Nous croyons qu’il s’agit d’une distance importante et qu’il est de notre responsabilité de faire connaître nos décisions par rapport à ce pipeline.
Encore une fois, nous suivons avec intérêt les discussions en cours sur la question et croyons fermement que, comme d’autres Premières Nations, nous devrions participer à ces discussions et négociations.
Je n’en dirai pas plus sur le sujet.
J’ai quelques informations à vous fournir au sujet des avantages mutuels de cet accord que nous avons conclu. Inutile de dire que nous avons effectué notre propre évaluation environnementale et mené nos propres recherches sur notre patrimoine culturel le long du droit de passage du pipeline. Nous avons également organisé des séances d’information communautaires. Tout cela s’est déroulé sur une période de plus de deux ans. À la fin, nous avons soumis l’accord à un vote des membres de la nation Simpcw qui ont voté en faveur de l’accord. Nous avons donc signé l’accord.
C’est ce que j’ai à dire pour le moment. Merci de m’avoir écouté.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup pour ces exposés. Je suis heureuse de faire votre connaissance par l’entremise de la vidéoconférence.
Ce pipeline de Kinder Morgan existe depuis 60 ans. J’ai lu qu’il y a eu plusieurs fuites et déversements de pétrole au cours de cette période. Avez-vous eu à composer avec ces déversements? Pourriez-vous nous en parler? Quel est l’impact de ces déversements sur la terre et l’eau, sur les gens et l’écosystème? Pourriez-vous nous parler de certains des impacts?
M. Campbell : Merci pour cette question.
Le pipeline actuel a été mis en place à une époque où la Première Nation Squamish n’avait aucun recours juridique en vertu de la législation canadienne. Il nous a donc été imposé, tout comme ce nouveau pipeline proposé. Cela fut un défi pour nous, car nous avons constaté la dégradation de notre environnement autour de ce que nous appelons Lheklhukwaytn, le nom traditionnel pour le mont Burnaby où se trouve le terminal actuel. Il s’agit de l’une de nos meilleures régions pour la pêche à l’oursin, un de mes mets préférés. Malheureusement, il n’y a plus d’oursins dans cette région le long de la basse plage en raison des activités qui ont un impact continu sur la dégradation de l’environnement.
L’autre incidence notable du pipeline actuel est que la région de l’anse Burrard, où se fait l’expédition était auparavant un lieu traditionnel de mise bas pour les épaulards. Les épaulards ne vivent plus dans l’anse Burrard et nous ne pouvons plus profiter de la beauté de cette relation avec les épaulards et des valeurs spirituelles et culturelles qui en découlent.
Pour répondre plus précisément à votre question, il y a eu des déversements — j’oublie quand exactement, mais il y en a eu récemment, au cours des 10 dernières années. Il y a eu un incident où, dans le cadre de travaux de terrassement, une pelle rétrocaveuse a perforé une ligne entraînant un déversement de pétrole. La région résidentielle de Burnaby a dû être évacuée, mais il a fallu attendre de nombreuses heures avant que les autorités n’interviennent pour fermer le pipeline et commencer le nettoyage.
Le pétrole qui s’est déversé s’est rendu jusque dans l’anse Burrard favorisant davantage la dégradation du rivage et de la basse plage, ainsi que les zones intertidales sur lesquelles notre peuple compte depuis des millénaires pour sa subsistance. Nous ne pouvons plus manger la nourriture provenant de cette région.
La sénatrice Galvez : Merci.
Selon les statistiques, plus de 80 p. 100 des fuites sont signalées par des citoyens ou travailleurs; elles ne sont pas détectées grâce à des inspections et à des méthodes automatiques. Auriez-vous un commentaire à formuler à ce sujet? Les membres de vos Premières Nations ont-ils signalé des fuites?
Vous dites que, dans le cadre de l’incident auquel vous avez fait référence, de nombreuses heures se sont écoulées avant que le pipeline ne soit fermé. Si l’on multiplie le débit par le temps qui s’est écoulé, on saura combien de barils ou de litres ont été déversés.
Ma question est la suivante : pourriez-vous nous confirmer que lorsqu’il y a des fuites, ce sont principalement les citoyens qui les remarquent et les signalent, qu’elles ne sont pas détectées par des systèmes de surveillance?
M. Matthew : J’aurais un commentaire à formuler à ce sujet. Le pipeline traverse une grande partie de notre territoire depuis 50 ou 60 ans et il n’y a eu aucun déversement majeur. Il y a probablement eu des déversements ou des fuites de moindre importance. Nous n’avons pas été aussi touchés. Nous avons pu continuer à avoir accès au territoire que traverse le pipeline pour pratiquer la chasse, la pêche et la cueillette, notamment.
Nous savons que les fuites sont mineures et nous comprenons mieux comment l’entreprise assure l’entretien de la ligne. Elle n’a pas tout simplement laissé le pipeline dans le sol pendant 50 ans; elle effectue un entretien régulier. D’ailleurs, nous avons conclu un marché avec Kinder Morgan afin de participer à l’entretien du pipeline. Donc, nous sommes de plus en plus confiants dans la façon dont fonctionne le système.
Cela ne veut pas dire qu’il y a un risque de déversement ou de fuite majeure. Nous n’avons pas connu la même expérience qui nous ferait dire que la présence du pipeline aurait entraîné la perte d’espèces de plantes ou d’animaux.
Le président : Chef Campbell, je ne suis pas convaincu d’avoir bien compris votre réponse concernant les oursins et les épaulards. Est-ce que vous dites que les oursins et les épaulards sont partis en raison du pipeline ou y a-t-il d’autres raisons pour expliquer leur départ?
M. Campbell : Dès que le pipeline a été mis en place et que les activités ont commencé, nous avons remarqué un impact cumulatif sur les mollusques et crustacés, notamment les oursins, impact qui a entraîné la disparition des oursins et autres mollusques et crustacés dans la région, à un point tel que nous ne pouvons plus consommer d’oursins, d’huîtres ou tout autre mollusque ou crustacé, y compris le crabe. Cet impact est directement lié aux activités entourant le pipeline.
Avant cela, nous pouvions exercer nos droits autochtones en capturant des mollusques et crustacés pour notre propre communauté et pour des raisons culturelles, mais depuis l’arrivée du pipeline, nous ne pouvons plus mener ces activités. D’ailleurs, nous ne pouvons même pas mettre les pieds sur la plage en raison des mesures de sécurité et de haute surveillance imposées par l’entreprise. Kinder Morgan poursuivra en justice quiconque s’approche de ses installations. Notre peuple est donc complètement aliéné de cette partie de son territoire.
Le président : L’entreprise souhaite simplement vous tenir éloignés du pipeline pour des raisons de sécurité; est-ce que c’est ce que vous dites?
M. Campbell : Nous ne pouvons plus nous approcher des installations de l’entreprise pour mener des activités culturelles, que ce soit la récolte des oursins ou toute autre activité, en raison des mesures de sécurité imposées autour de ces installations.
La sénatrice Bovey : Je tiens à vous remercier tous les deux d’avoir accepté notre invitation. Je vous suis reconnaissante d’avoir accepté de nous parler de vos expériences.
Si vous me le permettez, j’aimerais aborder quelques définitions. Ce projet de loi parle des ouvrages connexes qui sont déclarés d’intérêt général pour le Canada. Chef Campbell, je crois que c’est vous qui avez parlé d’intérêt national. Ma première question est la suivante : j’aimerais savoir comment vous définissez tous les deux « intérêt national ».
Vos deux nations semblent avoir vécu des expériences et processus de consultations différents et, par conséquent, un processus décisionnel différent. J’aimerais connaître votre définition de ce qu’est la consultation. Cette consultation était-elle adéquate?
Ce sont les deux questions que j’aimerais vous poser à tous les deux.
M. Campbell : Ce qui nous inquiète par rapport à l’expression « intérêt national », c’est que nous avons vu des vagues successives de colons déferler sur nos terres et leurs intérêts fondamentaux ont toujours été retenus au détriment des nations autochtones.
Nous l’avons vécu avec la ruée vers l’or. Nous l’avons vécu avec la pêche commerciale, la déforestation de nos forêts anciennes et la traite des fourrures qui a pris fin vers les années 1841 le long de la côte ouest de nos terres. Aujourd’hui, c’est l’exploitation pétrolière, gazière et minière pour laquelle on utilise l’expression moderne d’intérêt national, mais selon notre expérience avec les gouvernements c’est la même chose qui se répète, soit que les colons ont préséance sur les peuples autochtones, peu importe que nous nous opposions ou non à un projet.
Pour qu’il y ait un véritable consentement… Je remercie mon collègue d’avoir parlé de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. J’aimerais attirer votre attention sur un exercice que nous avons mené récemment, soit une évaluation environnementale indépendante concernant une installation d’exportations pour un GNL — gaz naturel liquéfié — de fibre de bois près de la ville de Squamish. La nation Squamish a mené sa propre évaluation environnementale, un processus parallèle à celui mené par le ministère fédéral. Nous avons effectué une analyse scientifique occidentale ainsi que plusieurs études sur les valeurs culturelles et spirituelles et avons émis 25 conditions exécutoires au promoteur du projet, conditions qu’il a acceptées.
C’était donc un exercice pour obtenir l’approbation pour un projet où nous pouvions examiner les effluents qui pourraient potentiellement se déverser dans la baie Howe et qui auraient des effets néfastes sur la biomasse du hareng, qui est enfin revenu dans nos eaux après des décennies d’absence, de même que sur les cétacés qui chassent le hareng, tels que les marsouins résidents, les épaulards et toutes les autres espèces de cétacés qui sont de retour dans la baie Howe.
Dans le cadre de la conception du projet, nous avons également fait en sorte d’éviter complètement l’estuaire de la rivière Squamish par l’entremise de forage dirigé. Nous avons été en mesure de déplacer en dehors des limites municipales les stations de compression, qui représentaient un danger pour nos résidants à proximité de nos réserves habitées.
Ce sont trois modifications majeures que nous avons pu apporter à la conception grâce à un processus adéquat et à une collaboration avec le gouvernement et les promoteurs, ce qui a assuré la viabilité du projet et accru le degré de certitude entourant l’exigence finale de l’entente sur les répercussions et les avantages voulant que nos citoyens doivent participer à la chaîne de valeur. C’est donc le processus décisionnel, la chaîne de valeur et la gérance environnementale, et nous avons dû veiller à ce que les personnes concernées participent activement au processus et que les décisions soient prises conjointement afin d’obtenir notre consentement.
C’était un contraste frappant avec le processus de l’Office national de l’énergie, où l’équité procédurale continue de nous consterner.
La sénatrice Bovey : Puis-je demander au chef Matthew de répondre à la question? J’aimerais entendre votre opinion également.
M. Matthew : Mon opinion est légèrement différente à ce sujet, mais tout de même assez similaire.
En ce qui concerne les relations que nous avons entretenues avec les colonisateurs, la colonie de la province et la création du Canada, la perspective raciste colonialiste qu’on nous a contraints d’adopter était très réelle, et cette approche à l’égard de nos relations était très désavantageuse pour nos Premières Nations.
J’imagine qu’initialement, le fait que les membres des Premières Nations n’étaient pas autorisés à voter était dans l’intérêt national. Je suppose que c’était le raisonnement, ou qu’il était dans l’intérêt national de coloniser les terres des peuples des Premières Nations et d’offrir des terres pratiquement gratuites aux colonisateurs, qui étaient converties en terres en fief simple, qui est un sujet dont les gouvernements fédéral et provinciaux soutiennent que nous ne pouvons pas discuter à l’heure actuelle. C’est la majorité des terres. C’était il y a très longtemps. Je présume que l’établissement du réseau du CN sur notre territoire, qui s’étend sur les mêmes 400 kilomètres, était dans l’intérêt national également. Les chemins de fer étaient très avantagés pour ce qui est de l’accès aux terres, et nous n’avions tout simplement pas voix au chapitre.
En ce qui concerne les autoroutes, les lois fédérales sur les pêches, le parc national Jasper, qui sont sur notre territoire traditionnel, je présume que ces terres et ces ressources ont été subtilisées dans l’intérêt du pays, et nous n’avions pas voix au chapitre.
Il est tard dans le processus pour l’allocation des ressources dans notre territoire. Pratiquement, chaque pied carré de notre territoire est occupé par des intérêts protégés par la Constitution du Canada et de la province de la Colombie-Britannique. Nous avons l’impression d’être acculés au pied du mur pour ce qui est d’avoir notre mot à dire. Si nous appliquions l’intention complète de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones concernant les droits et les titres de nos territoires traditionnels, nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Et ce projet de pipeline n’est qu’un autre exemple de nos expériences pour ce qui est d’avoir des discussions avec les gouvernements fédéral et provinciaux et les exploitants des ressources naturelles sur notre territoire. Cela semble être un problème de taille, mais c’est une situation qui perdure depuis très longtemps, et nous espérons que des changements positifs seront apportés dans le futur.
La sénatrice Bovey : Donc, vous avez tenu des consultations sur ce projet et avez conclu des ententes, n’est-ce pas?
M. Matthew : Je n’ai pas entendu votre question.
La sénatrice Bovey : Je suis désolée. Vous avez mentionné que vous avez une entente d’avantages mutuels dans le cadre de ce projet?
M. Matthew : Nous avons une entente avec Kinder Morgan. Dans le cadre de cette entente, nous disons que vous pouvez faire passer votre pipeline sur notre territoire, oui.
Le sénateur Sinclair : Merci à vous deux d’avoir accepté de comparaître.
Je voulais apporter une précision et m’assurer que les sénateurs comprennent que si une entente sur les avantages adéquate peut être négociée, chef Campbell, et que vos conditions sont respectées, vous n’êtes pas opposé en principe au projet de pipeline, mais vous voulez que votre consentement soit obtenu et que vos conditions soient respectées. Est-ce que j’ai raison?
M. Campbell : Je pense que c’est tout à fait exact, monsieur le sénateur. L’intégralité du port de Vancouver a été construit sans la participation de la nation Squamish et des Premières Nations Musqueam et Tsleil Waututh. Nous espérons que nous ferions preuve de maturité en tant que société et que le Canada nous consulterait d’une manière significative et appropriée pour examiner la chaîne de valeur de ces projets, de manière à ce que nous ayons un rôle à jouer dans la prise de décisions, les stimulants économiques générés par ces projets et la gérance environnementale.
Si nous pouvons créer un cadre qui se penche sur ces principes et qui met à jour la relation de nation à nation, nous ne nous opposons pas aux progrès ou aux projets de développement, dans la mesure où nous ne sommes pas toujours ceux qui paient le prix ultime et qui héritent des risques associés à ces projets.
Le sénateur Sinclair : Chef Matthew, voulez-vous répondre à ces observations?
M. Matthew : Je pense y avoir déjà répondu. Nous étions libres de discuter de n’importe quel enjeu que nous voulions aborder concernant le pipeline traversant notre territoire, et nous l’avons fait. Nous croyons avoir examiné les problèmes qui étaient pertinents pour nous, y compris l’environnement, nos valeurs patrimoniales et les avantages que nous voulons que l’on reconnaisse et qui découleront du projet de pipeline qui traversera sur notre territoire.
Donc, oui, nous avons examiné le projet de façon approfondie et, en fin de compte, nous avons donné notre aval.
Le sénateur Sinclair : La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones fait état du principe de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dans des projets de cette nature.
Chef Campbell, je sais que vous avez utilisé le terme « consentement » à quelques reprises. Je veux m’assurer que les sénateurs comprennent : quand faut-il obtenir le consentement, d’après vous ? Y a-t-il des circonstances où le consentement n’est pas nécessaire et où de simples consultations suffiraient?
M. Campbell : Je pense que nous devons examiner la jurisprudence, où l’ampleur de la violation détermine l’importance des consultations. Quelle est la portée dans les décisions judiciaires?
Lorsque nous voulons obtenir le consentement pour un projet que le Canada juge d’intérêt national, la barre devrait être beaucoup plus élevée pour ce qui est de faire participer les peuples des Premières Nations.
Le fait de tenir quelques rencontres avec un ministre sans avoir de véritable plan et de prétendre qu’il s’agit de consultations ne laisse rien présager de bon pour l’esprit de réconciliation où l’on affirme vouloir entretenir des relations de nation à nation.
Si c’est si important pour le Canada, alors le niveau de participation devrait refléter cette importance de manière appropriée. Dans le cadre du projet de pipeline Trans Moutain, notre principale doléance porte sur l’équité procédurale et sur le fait que nous n’avons pas eu véritablement la possibilité de participer à une analyse sérieuse. Nous nous sommes fiés uniquement à ce que Kinder Morgan a soumis au processus de l’ONE. Nous étions des intervenants. Nous n’avons pas pu vérifier l’information. Seulement deux demandes de renseignements ont été présentées au promoteur, et les réponses reçues étaient très génériques et ne mentionnaient rien à propos de nos intérêts.
Donc, pour que la Couronne s’acquitte de ses obligations de consultation et dise, « On nous a consultés adéquatement », l’une des questions à se poser est la suivante : « D’après qui? » Les Premières Nations sont les seules qui peuvent s’acquitter des fonctions de consultation et dire si nos intérêts ont été entendus, s’il y a des mesures d’atténuation sur lesquelles nous pouvons nous entendre et si le projet est dans l’intérêt supérieur de tous les Canadiens, y compris les peuples autochtones.
Le président : Si je comprends bien, vous avez participé à la consultation; vous n’êtes tout simplement pas satisfait du résultat. Est-ce que quelque chose m’échappe? Vous parlez de ce qui s’est passé et que telle chose n’a pas fonctionné et telle autre chose non plus. Allez-vous bénéficier d’une façon quelconque du pipeline de Kinder Morgan?
M. Campbell : Nous n’avons pas d’entente pour l’instant en ce qui concerne le pipeline de Kinder Morgan. Nous ne voyons aucun avantage à une augmentation du trafic de pétroliers dans nos eaux sans l’entière participation de la nation Squamish. Nous n’allons pas demander aux membres de notre nation d’être simplement les préposés au nettoyage en cas d’incident.
Les paramètres, la quantification et la qualification de la façon dont un projet est réputé être dans l’intérêt national n’ont pas été communiqués à la nation Squamish, comment le Canada en est arrivé à cette conclusion. Le Canada n’a pas fait participer de manière significative la nation Squamish pour examiner comment le pays a évalué la solidité de la revendication.
Notre évaluation de la solidité de la revendication du Canada serait très faible, à savoir que le Canada n’a pas le droit de veto légitime d’imposer des projets de ce genre sur nos terres ancestrales. Ces points de friction sont de véritables occasions pour nous de grandir.
Nous avons participé en tant qu’intervenants au processus de l’ONE, mais c’était un simulacre. Le processus n’était pas bon pour bien des gens, et de nombreuses Premières Nations étaient complètement insatisfaites de ce processus.
Le président : Bien des gens le sont.
M. Campbell : Et je ne parle pas au nom de ces autres Premières Nations, sauf votre respect. Je suis un chef héréditaire et un représentant élu de mes terres et de mes eaux ancestrales ici à Vancouver, et de la mer des Salish, et nous entretenons des liens solides avec les Salish du littoral. Ces territoires chevauchent la frontière du Canada et des États-Unis, et bon nombre de nos tribus aux États-Unis ont partagé nos préoccupations et étaient aussi des intervenants dans le processus de l’ONE.
La sénatrice Gagné : Merci d’être ici ce soir.
J’ai une question brève à poser : à votre avis, quelle sera la prochaine mesure que nous devrons prendre si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle?
M. Matthew : Je présume que si le projet de loi est adopté, alors il est réputé être d’intérêt national et le gouvernement donnera le feu vert à nouveau, ce qui fera pencher le balancier pour aller de l’avant avec ce projet.
La sénatrice Gagné : Chef Campbell?
M. Campbell : Je serais extrêmement découragé si ce projet allait de l’avant, à la lumière des renseignements que nous vous communiquons. Je crois que les Canadiens méritent mieux. Nous pouvons faire mieux en cette ère moderne. Je pense que cela se rapporte et est contraire à l’esprit de la réconciliation et de la « réconcili-action » — les mesures connexes à prendre. Je pense que ce serait simplement le modus operandi du Canada de continuer de bafouer mes droits et mes titres autochtones, ce qui serait une perte énorme pour tous les Canadiens.
Si ce projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, je poserais la question suivante : quelle est la vision pour la collaboration de nation à nation? À quoi ressemble-t-elle? Quelles mesures doivent être adoptées? Si nous allons partager la prise de décisions, à quoi cette collaboration ressemblera-t-elle? À l’heure actuelle, il y a beaucoup d’incertitude. C’est une grande source de préoccupation pour nos peuples.
L’augmentation du trafic maritime dans nos eaux représente un risque. Il y a eu des déversements dans la baie English, et il faut jusqu’à 11 heures pour que quelqu’un puisse même signaler ces déversements, et c’est encore plus long avant qu’on puisse intervenir. Cela a une incidence directe non seulement sur la nation Squamish, mais aussi sur les citoyens de Vancouver et d’autres régions qui dépendent de cela pour leur qualité de vie.
La sénatrice Gagné : Si ce projet de loi est adopté dans sa forme actuelle — et, de toute évidence, le gouvernement n’a pas obtenu votre consentement —, votre nation intentera-t-elle des poursuites contre le gouvernement fédéral?
M. Campbell : Une action en justice est toujours un outil que les Squamish sont disposés à envisager. Nous avons actuellement deux révisions judiciaires qui sont devant les tribunaux. Elles portent sur les décisions judiciaires dans le cadre du projet Northern Gateway et du projet d’Enbridge, où il n’y a pas eu de consultations suffisantes. Bon nombre de nos arguments sont très semblables. Les caractéristiques de ce projet ressemblent beaucoup à celles du projet Northern Gateway.
Si cette dynamique change soudainement, nous serions intéressés à connaître quels sont ces changements par rapport à la jurisprudence actuelle.
M. Matthew : En ce qui concerne les relations de nation à nation, nous convenons tous que c’est une façon appropriée d’établir et d’entretenir une relation avec les peuples des Premières Nations au pays. Il semblerait que le Parlement du Canada ne pourrait pas prendre une décision définitive et tout simplement dire, « D’accord, procédons à un vote et adoptons une loi. » C’est ce que vous êtes en train de faire à l’heure actuelle. Avez-vous l’intention de faire la même chose la prochaine fois que vous serez saisis d’un projet d’intérêt national concernant les ressources naturelles au pays, où le Parlement du Canada dira : « Nous allons tout simplement procéder à un vote pour approuver ou non ces projets »? À mon sens, cette façon de faire ne respecte aucunement les critères pour entretenir des relations de nation à nation afin de prendre des décisions concernant les ressources naturelles sur les territoires des peuples des Premières Nations.
Ce n’est qu’un cas dans ce vaste dossier. Comment, dans 10, 15 ou 50 ans, le Canada entretiendra-t-il des relations de nation à nation avec les peuples des Premières Nations?
Nos démarches sont insuffisantes, à mon avis. Ce n’est qu’un vote. Pourquoi ne pas simplement nous donner ce que nous voulons? Nous allons procéder à un vote et nous allons vous dire ce que nous allons faire avec votre territoire. Comment réagiriez-vous si vous étiez à notre place et représentiez notre nation?
Le sénateur D. Black : Merci beaucoup d’être ici, messieurs. Je tiens à préciser, pour que vous sachiez quelle est ma participation dans ce dossier, que je suis le parrain du projet de loi. Je vous remercie de votre présence ici et du travail que vous avez fait jusqu’à présent.
Chef Campbell, je retiens de vos remarques que vous avez participé activement en tant qu’intervenant à l’audience de l’ONE. Avez-vous également participé activement aux audiences du groupe d’experts du Bureau d’évaluation environnementale de la Colombie-Britannique?
M. Campbell : Je n’ai pas participé à ces audiences.
Le sénateur D. Black : Ce pipeline a deux permis, un de l’ONE et un autre de la Colombie-Britannique, qui ont été assujettis au processus exhaustif que je viens de mentionner. Vous m’avez dit que vous n’avez pas participé à ce processus.
Comme vous le savez sans doute, le 27 janvier et le 17 mai 2016, avant que la décision de l’ONE ait été rendue, le gouvernement du Canada a jugé, à deux occasions distinctes, qu’il serait approprié de tenir des consultations additionnelles avec les peuples des Premières Nations. L’une était par l’entremise des mesures provisoires pour l’examen des projets de pipeline et la deuxième était pour des consultations avec un groupe de travail ministériel. Avez-vous participé à l’un ou l’autre de ces processus?
M. Campbell : Avec la prolongation de six mois du processus de consultation?
Le sénateur D. Black : Oui.
M. Campbell : Oui. Nous avons eu une rencontre avec le ministre Carr, je crois, durant cette période. Nous espérions que les six mois additionnels seraient utiles. Malheureusement, il n’y avait pas de véritable plan et de réponse pour expliquer comment le Canada concilierait nos intérêts et prendrait nos questions et nos préoccupations au sérieux sans avoir de processus analytique réel et sans communiquer à la nation Squamish les conclusions aux questions que nous avons posées.
Nous y avons donc participé, mais à notre avis, il n’y avait aucune vraie substance. On n’a répondu à aucune de nos préoccupations, et c’est ce qui a mené à des poursuites, au bout du compte. Pour bon nombre des points que nous soulevons, il s’agit de savoir pourquoi le Canada ne prend pas cela suffisamment au sérieux pour répondre à nos questions sur la capacité de nettoyer le bitume dilué et d’autres préoccupations concernant les activités, le trafic maritime et les répercussions.
Le sénateur D. Black : Vous nous avez dit aujourd’hui que vous croyez qu’on ne peut pas aller de l’avant avec le pipeline sans qu’il y ait ce que vous appelez un véritable consentement. Avez-vous également dit au ministre Carr que seules les Premières Nations peuvent déterminer à quel moment les consultations seront terminées?
M. Campbell : Oui.
Le sénateur D. Black : Merci.
Parlons maintenant de Kinder Morgan. Avez-vous eu des discussions avec Kinder Morgan?
M. Campbell : Oui. Nous avons accueilli le président, M. Anderson, dans nos bureaux à une occasion. Nous avons discuté avec lui, et nous lui avons indiqué que nos préoccupations concernent le Canada, que nous demandons qu’un processus de consultation approprié soit suivi, et que nous avons de sérieuses préoccupations concernant le processus dans lequel le Canada estime que c’est dans l’intérêt national, et les choses ne se passent pas de manière à ce que la nation Squamish puisse obtenir le consentement.
Le sénateur D. Black : Je vous remercie de cette réponse.
Je vais vous citer un passage du rapport de consultation des Autochtones de juin 2017 concernant le projet de pipeline Trans Mountain. L’article 3.61 porte sur la nation Squamish. Il s’agit d’un document public. Je vais le lire et vous pourrez faire vos observations. Voici le passage :
Trans Mountain a pris contact avec la NS…
— la nation Squamish —
… concernant les permis et les plans environnementaux […] au sujet des conditions de l’ONE et de […]
— la Colombie-Britannique.
En date de juin 2017, la NS n’a pas formulé de commentaires sur les permis et les plans environnementaux […].
Trans Mountain continuera de collaborer avec la NS pour comprendre toutes ses préoccupations et obtenir ses commentaires.
On dit ensuite ce qui suit :
Trans Mountain a invité la NS à participer à un atelier […] portant sur la protection environnementale et la construction; cependant, elle a refusé d’envoyer des participants.
Pouvez-vous le confirmer?
M. Campbell : Oui.
Le sénateur D. Black : Je veux revenir sur une question très importante que vous a posée la sénatrice Bovey, chef Campbell, concernant les répercussions que vous, les membres de votre nation et le Canada subirez, si ce projet de pipeline se réalise. Nous avons entendu vos observations générales aujourd’hui.
Vous pouvez me dire si c’est vrai ou faux, mais je vais vous citer les observations rapportées récemment par la presse, le 2 mai, qu’a faites un homme qui se décrit lui-même comme étant Khelsilem. Le connaissez-vous?
M. Campbell : Oui.
Le sénateur D. Black : Voici ce qu’on peut lire dans les articles :
« Je crois que nous assistons à la naissance de ce qui deviendra probablement la plus vaste campagne de désobéissance civile de toute l’histoire du Canada ». C’est ce qu’a dit aux journalistes Khelsilem, un membre élu de la nation Squamish, qui utilise son nom traditionnel, mercredi.
« Les membres de notre peuple sont prêts à risquer leur vie pour cela. »
Êtes-vous de cet avis?
M. Campbell : Je vais revenir sur ce que vous avez dit avant, car vous êtes passé à un autre sujet. Si je peux prendre un moment pour parler du document de consultation que vous avez cité, dans nos écrits, nous avons dit très clairement au gouvernement que notre processus consiste à ne pas collaborer avec le promoteur tant que le processus avec le Canada ne convient pas.
Nous continuons une campagne épistolaire. Je suis sûr que c’est dans votre documentation. C’est également du domaine public et les tribunaux en sont saisis. Cela porte sur l’état de nos consultations avec le Canada, de même qu’avec le promoteur.
Dans le processus de l’ONE, nous avons posé une série de questions liées à nos préoccupations quant au risque que le projet pose pour nos terres et nos eaux. On nous a donné des réponses vagues et très générales dans lesquelles on faisait référence à toutes les Premières Nations plutôt qu’à la nation Squamish.
Voici la question que nous avons posée à la Couronne : comment en êtes-vous arrivée à votre évaluation concernant les consultations? Dans le cadre de quel processus de consultation, et à quoi le dossier ressemble-t-il? Quelles sont les priorités et quels sont les éléments? Dans quelle mesure avez-vous répondu de façon significative aux préoccupations exprimées? De plus, comment le Canada a-t-il jugé la force de la revendication concernant la nation Squamish sans même n’avoir jamais obtenu cette information d’une autre manière que dans le cadre du processus de l’ONE? Comment le Canada en est-il arrivé à cette conclusion?
Ce sont des questions très légitimes et raisonnables que nous avons posées à la Couronne. C’est toujours sur cette dernière que portaient nos préoccupations, c’est-à-dire que nous nous attendons à mieux.
Le président : Je suis désolé, chef Campbell. Je croyais que vous aviez terminé. Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Campbell : Non. Je vais m’arrêter ici pour le moment. Veuillez continuer avec votre deuxième question. Merci.
Le sénateur Neufeld : Je vous remercie tous les deux de comparaître devant notre comité ce soir et de nous parler de ce projet.
Chef Matthew, vous avez dit que le tiers du pipeline traverse votre territoire, ce qui représente environ 400 kilomètres. Est-ce exact?
M. Matthew : Oui.
Le sénateur Neufeld : Vous avez eu des discussions avec l’ancien propriétaire du pipeline, Terasen Gas, et j’imagine que d’autres l’ont précédé. Avez-vous conclu des ententes avec eux concernant les activités, les emplois et le partage des avantages avant l’arrivée de Kinder Morgan?
M. Matthew : Non. Je crois que les liens et l’obligation de consulter n’existent que depuis ces dernières années. Nous aurions été certainement tout à fait disposés à discuter de tout type de sujets possibles qui sont importants pour nous concernant le passage de ce pipeline sur notre territoire. Or, il n’en était simplement pas question même il y a 10 ans. Nous n’aurions pas pu mettre un pied dans la porte. Ils nous auraient dit qu’ils n’étaient aucunement obligés de discuter de ce projet avec nous.
De la même façon, concernant le Canadien National, si nous allions lui dire qu’il expédie des produits valant 1 milliard de dollars en passant sur nos territoires chaque mois, que nous devrions en discuter, parler des dangers auxquels il nous expose et de la façon dont nos droits sont reconnus concernant son droit de passage et ses activités, il nous dirait de partir.
Je crois que ces relations évoluent. Aujourd’hui, en tant que membres d’une Première Nation, et je suis sûr qu’il en est de même pour Ian, un grand nombre de négociations ont lieu maintenant que nos droits sont en quelque sorte reconnus, et nous faisons notre chemin ici et là.
Il va sans dire que nous sommes prêts à participer à un grand nombre de discussions, de consultations et de négociations sur la façon dont les ressources naturelles sont exploitées sur notre territoire, et nous prévoyons certainement en faire davantage. C’est seulement qu’une bonne partie des avantages que des entreprises, des individus, la province et le Canada ont tirés de l’exploitation de nos ressources dans le passé sont disparus depuis longtemps.
Il s’agit donc d’un bon défi pour nous et pour nos relations. Nous sommes plus que prêts. Maintenant, chaque jour, nous négocions sur divers aspects de l’exploitation des ressources sur notre territoire, et nous sommes certes disposés à le faire dans l’évolution des liens, en ce sens que nos droits sont reconnus et respectés et font de plus en plus partie des activités courantes du gouvernement et des sociétés.
Nous en sommes ravis, mais nous croyons qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire quant à la reconnaissance de la valeur que d’autres personnes, qui ne font pas partie de nos Premières Nations, ont été capables de tirer de l’exploitation de nos ressources naturelles — des milliards de dollars. La richesse de ce pays et de cette province a été accumulée aux dépens des Premières Nations, qui sont exclues depuis longtemps pour des raisons bien précises, à mon avis.
Encore une fois, le pipeline fait partie d’un contexte plus général, et nous sommes prêts à continuer de jouer notre rôle.
Le sénateur Neufeld : Chef Campbell, pourriez-vous me dire quelle portion de votre territoire traverse le pipeline?
M. Campbell : Le pipeline en tant que tel arrive de l’est et va jusqu’au mont Burnaby, qui correspond à la limite est de notre territoire. Je ne sais pas combien de kilomètres carrés sont couverts, mais l’un des risques que posent les activités de forage dans la montagne est lié au risque d’activité sismique et à la capacité de fermer les vannes et de faire le nettoyage et les réparations.
La vraie crainte, en plus de celle qui concerne la conduite forcée, c’est la circulation accrue de pétroliers dans l’inlet Burrard et la mer des Salish. L’une des questions que nous avons posées dans l’examen de l’ONE et notre révision judiciaire est la suivante : est-ce l’endroit qui convient? Pourquoi pas le Deltaport, où l’on peut accéder directement au détroit de Juan de Fuca, jusqu’à l’océan Pacifique, où on évite de passer par les deux chenaux étroits dans l’inlet Burrard, pour pouvoir ainsi éviter complètement cette zone? A-t-on mené des études pour examiner d’autres endroits? C’est l’une des questions que nous avons posées. Il semble que des analyses ont été effectuées sur d’autres endroits, mais on a choisi de s’en tenir à celui-là.
Donc, pour répondre à votre question, c’est vraiment le transport qui se fait près de trois de nos réserves dans lesquelles vivent la majorité des membres de notre nation Squamish ainsi que de bon nombre de nos réserves inoccupées également, par la région de Vancouver.
Le sénateur Neufeld : Il traverse donc très peu de propriétés. Puisque je connais quelque peu la situation géographique, je sais où se trouve le mont Burnaby.
Vos préoccupations concernent surtout le transport maritime, alors. Ai-je bien compris? Mis à part tous les autres éléments qui sont liés aux consultations — nous en avons beaucoup parlé — l’une de vos préoccupations concerne le transport maritime. Est-ce exact?
M. Campbell : Absolument. C’est l’une de nos principales préoccupations, mais les activités de forage au mont Burnaby qui posent des risques sur le plan de l’activité sismique nous préoccupent également. Cela a fait l’objet d’une autre question de notre part. Pourquoi approuver le projet avant que l’analyse soit terminée?
Le sénateur Mercer : Dans vos déclarations préliminaires, vous avez parlé d’une évaluation environnementale et de l’utilisation de données scientifiques à cet égard, ce qui, je crois, est une bonne chose. Or, chef Campbell, lorsque vous avez parlé de l’absence des épaulards et des mollusques et crustacés, vous n’avez pas mentionné des travaux scientifiques comme méthode visant à déterminer pourquoi ce phénomène s’est produit. Il s’agissait de données empiriques. N’a-t-on pas mené de travaux scientifiques pour essayer de déterminer pourquoi les épaulards et les mollusques et crustacés ont disparu? Vous nous avez donné l’impression qu’à votre avis, c’était à cause du pipeline.
M. Campbell : Du côté de la nation Squamish, nous avons nos propres méthodologies de science autochtone, qui remontent à des milliers d’années. Nous connaissons notre territoire et nos terres. Il y a des noms de lieux, une histoire, des villages, des lieux de sépulture et des lieux de cueillettes de ressources qui ont été administrés par nos ancêtres dans les régimes de gestion qui sont inscrits dans nos lois, nos cérémonies et notre langue.
Ces responsabilités continuent d’être transmises d’une génération à l’autre, et elles ont même survécu aux pensionnats, au moyen desquels on a tenté délibérément de les éliminer sous les régimes canadiens.
Nous évaluons ces éléments en fonction de nos paramètres, de notre histoire, de nos connaissances et des cérémonies que nous continuons de pratiquer. Or, nous jumelons cela à la science occidentale.
Lorsque nous avons posé les questions dans le cadre du processus de l’ONE pour obtenir de plus amples renseignements et qu’on ne nous a donné que des réponses d’ordre général, nous nous sommes alors demandé pourquoi n’y avait-il pas davantage d’évaluations incluant tant la science occidentale que la science autochtone. Nous nous retrouvons avec des lacunes quant à notre capacité de prendre des décisions éclairées sur ces projets et cela nous indique que nos préoccupations ne sont pas prises au sérieux.
Pour répondre à votre question, j’aimerais vraiment que les activités de recherche soient menées pour répondre à la question suivante : pourquoi n’y a-t-il plus d’oursin vert ou d’épaulard dans l’inlet Burrard, et est-ce lié aux activités de Kinder Morgan? Cela devrait préoccuper les Canadiens.
Le président : Merci, chefs Campbell et Matthew. Les discussions ont été animées et intéressantes. Nous vous remercions beaucoup de votre participation.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons poursuivre nos travaux à huis clos pour discuter des directives du Sénat. Nous reprendrons la séance en public par la suite pour adopter le rapport du comité.
Cela dit, nous allons suspendre la séance deux ou trois minutes pour passer à huis clos et nous reviendrons tout de suite après.
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
Le président : Nous reprenons la séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Il est maintenant question du rapport sur les amendements concernant le projet de loi C-49.
Est-il convenu que le rapport décrivant les raisons expliquant l’insistance concernant les amendements du Sénat soit adopté, et que le président présente le rapport au Sénat?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord.
Est-il convenu que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à approuver la version définitive du rapport en tenant compte des discussions d’aujourd’hui et en y apportant tout changement jugé nécessaire, que ce soit au niveau de la forme, de la grammaire ou de la traduction, le cas échéant?
Des voix : D’accord.
Le président : Nous avons donc terminé et nous passons à l’étude article par article du projet de loi S-245.
Avant que nous commencions, sénateurs, je dois vous dire que je vais mentionner chaque article dans l’ordre où ils figurent dans le projet de loi. Si l’un de vous souhaite proposer un amendement, veuillez me le dire et je vous céderai la parole à ce moment-là.
Je vous demande de lire votre amendement d’abord et de permettre au personnel d’en distribuer des copies à tous les membres du comité avant que nous commencions le débat. Je crois comprendre qu’il y a des amendements, et je crois qu’ils vous ont été distribués.
Après l’examen de tous les articles, si certains d’entre eux ont été réservés ou qu’il a été décidé d’en reporter l’étude, ils seront examinés dans l’ordre où ils ont été réservés. Je vous rappelle que si un sénateur s’oppose à un article complet, le processus indiqué ne consiste pas à présenter une motion visant à supprimer l’article, mais plutôt à voter contre l’article prévu dans le projet de loi.
Je veux rappeler aux sénateurs que s’il y a des doutes quant au résultat d’un vote oral ou d’un vote à main levée, la solution la plus efficace consiste à demander un vote par appel nominal qui, évidemment, donne des résultats clairs. Les sénateurs savent que lorsqu’il y a égalité des voix, la motion est rejetée.
Si vous n’avez pas de questions, nous pouvons commencer.
Plaît-il au comité de procéder à l’étude article par article du projet de loi S-245, Loi prévoyant que le projet de pipeline Trans Mountain et les ouvrages connexes sont déclarés d’intérêt général pour le Canada?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord.
L’étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord.
L’étude du préambule est-elle reportée? Je crois comprendre que le sénateur Sinclair présentera un amendement, de sorte que le comité examinera le préambule à la fin. D’accord?
Des voix : D’accord.
Le président : L’étude de l’article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Adopté.
L’article 3 est-il adopté?
Le sénateur Sinclair : Je propose un amendement.
J’attire votre attention sur un document intitulé MS-1 dans lequel je propose la modification de deux ou trois lignes. Je vais lire la première partie.
Je propose que le projet de loi S-245 soit modifié à l’article 3, à la page 2 :
a) par substitution, à la ligne 4 de ce qui suit :
« conformément à la Constitution du Canada, à la législation fédérale et au certificat »;
On ajoute simplement à ces lignes les termes « Constitution du Canada ». Si vous le désirez, je peux vous expliquer cet amendement.
La loi elle-même concerne la Constitution du Canada. Son objet se lirait maintenant comme suit :
[...] d’assurer l’exécution, conformément à la Constitution du Canada, à la législation fédérale [...] du projet de pipeline Trans Mountain et des ouvrages connexes…
Cette précision est importante, parce qu’il y aura un renvoi à l’article 35 de la Constitution dans un amendement à venir. Il convient donc d’ajouter ces termes pour harmoniser le tout.
En outre, nous invoquons déjà de facto la Constitution en déclarant qu’il s’agit d’un projet de compétence fédérale. Comme nous modifions le statut juridique du projet par l’entremise de cette déclaration parlementaire, il est tout à fait approprié que nous fassions référence à la Constitution dans le libellé de cette loi.
Il y a également une deuxième raison. Par l’intermédiaire de cette loi, nous y allons de cette déclaration que je n’ai aucunement l’intention par ailleurs, comme vous pourrez le constater, de modifier de quelque façon que ce soit, et la référence à la Constitution du Canada permettra à chacun de bien voir que nous n’avons pas négligé cet aspect.
Le président : Si cet amendement est rejeté, y aurait-il une incidence sur votre autre amendement?
Le sénateur Sinclair : Probablement pas, car toute loi est réputée être assujettie à la Constitution du Canada.
Le président : Alors, pourquoi avons-nous besoin de cette précision?
Le sénateur Sinclair : C’est simplement pour bien montrer que nous avons réfléchi à la question. Il n’y a pas de mal à ajouter cette mention, qui nous permettra de faire valoir que nous avons bien pesé tous les aspects.
Le sénateur D. Black : Je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Sinclair lorsqu’il dit que la mise en œuvre des mesures législatives proposées est assujettie à l’ensemble des lois du Canada et, bien évidemment, à notre Constitution. Il n’est pas nécessaire que nous le précisions ici et nous devrions même éviter de le faire, car c’est seulement du remplissage. Cela n’ajoute rien. Nous savons déjà que tout projet devra être conforme à notre Constitution et aux lois canadiennes. Il s’agit simplement ici de s’assurer que l’on pourra exécuter le projet en application du certificat d’utilité publique. Il est bien évident que les lois applicables devront être respectées. Je crois donc que cet ajout n’est d’aucune utilité.
La sénatrice Galvez : Dans bon nombre des affaires dont les tribunaux ont été saisis, la Constitution du Canada a été invoquée. En outre, dans toutes les causes actuellement devant les tribunaux concernant les droits des Autochtones à l’égard de n’importe quel projet, on a évoqué la Constitution du Canada. Je crois qu’il est important que…
Le sénateur MacDonald : Ce n’est pas nécessaire, si vous dites qu’on l’a évoqué, cela montre que ce n’est pas essentiel.
Le président : Sénateur MacDonald, je vais inscrire votre nom sur la liste des intervenants, après quoi nous écouterons le sénateur Mercer avant de revenir au sénateur Sinclair. J’essaie seulement de m’assurer que tout se déroule dans l’ordre.
Sénatrice Galvez.
La sénatrice Galvez : Je crois que c’est dans un souci de clarté. C’est peut-être redondant, mais comme ce projet de loi est très court, ce ne sont pas deux ou trois mots de plus qui vont faire une grande différence.
Le sénateur MacDonald : Vous dites que la Constitution est sans cesse évoquée devant les tribunaux…
La sénatrice Galvez : Durant les instances.
Le sénateur MacDonald : Il me semble que cela répond justement à votre question. La Constitution est sans cesse présente dans nos esprits et est toujours mise en application.
Le sénateur Mercer : C’est peut-être vrai, mais nous nous acquittons ici d’un rôle politique en nous penchant sur ce projet de loi. Les gens qui en prendront connaissance éventuellement voudront juger de la façon dont les choses se déroulaient à ce moment-ci de notre histoire. Il importe que nous puissions affirmer que nous avons effectivement discuté de cet aspect, et la seule façon de le faire, c’est de le préciser dans la loi elle-même.
Le sénateur Sinclair : L’argument du sénateur Black portait seulement sur la seconde des deux justifications que j’ai fournies quant à la pertinence de cet ajout. J’avais d’abord indiqué que c’était parce que l’on faisait référence plus loin à l’article 35 de la Constitution. J’estime important de garder cette considération à l’esprit dans notre étude de ce projet de loi de telle sorte que chacun puisse prendre bien conscience de l’importance que nous avons accordée à la Constitution du Canada, et plus particulièrement à l’article 35, dans le cadre de cette démarche. Je vous prierais donc de consentir à ce que l’on ajoute cette précision.
La sénatrice Bovey : Je suis d’accord avec cette inclusion. Cela permet selon moi de clarifier les choses et de mettre cet aspect en évidence.
[Français]
La sénatrice Gagné : Je crois que l’amendement comporte des avantages. En exerçant un tel pouvoir, on assure à la population qu’on ne va pas outrepasser les limites de la Constitution. On ne va pas au-delà de la Constitution.
[Traduction]
Le président : Il n’y a plus d’autre intervention? Que tous ceux qui sont favorables à l’amendement veuillent bien lever la main. Un, deux, trois, quatre, cinq.
Ceux qui s’y opposent? Un, deux, trois, quatre, cinq.
Il y a égalité. La motion est rejetée.
Le sénateur Sinclair : Puis-je demander un vote par appel nominal?
Le président : Certainement. Nous pouvons le faire. Est-ce que je peux avoir la liste?
Oh, désolé, la motion est rejetée de toute manière. C’est donc réglé.
Alors, vous voulez un vote par appel nominal? Donnez-moi la liste. Je vais l’utiliser pour m’assurer de n’oublier personne. Je vais maintenant demander à notre greffier de nommer tous les sénateurs présents qui ont droit de vote.
Victor Senna, greffier du comité : L’honorable sénateur Tkachuk, l’honorable sénateur Black, l’honorable sénateur Boisvenu, l’honorable sénatrice Bovey.
[Français]
L’honorable sénatrice Gagné. L’honorable sénatrice Galvez.
[Traduction]
L’honorable sénateur MacDonald, l’honorable sénateur Mercer, l’honorable sénateur Neufeld, l’honorable sénateur Oh, l’honorable sénateur Sinclair.
Le président : Nous allons donc débuter au haut de la liste. Un sénateur peut choisir de s’abstenir. Le greffier va maintenant nommer tous les sénateurs, en commençant par la présidence, en ordre alphabétique. À l’appel de son nom, chacun doit indiquer son choix en disant « oui », « non » ou « abstention ». Le greffier annoncera les résultats à la fin du vote, après quoi le président déclarera si la motion est adoptée ou rejetée.
Le sénateur Neufeld : C’est donc une motion visant à modifier cet article.
Le président : C’est bien cela.
M. Senna : L’honorable sénateur Tkachuk?
Le président : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Black?
Le sénateur D. Black : Non.
[Français]
M. Senna : L’honorable sénateur Boisvenu?
Le sénateur Boisvenu : Non.
[Traduction]
M. Senna : L’honorable sénatrice Bovey?
La sénatrice Bovey : Oui.
[Français]
M. Senna : L’honorable sénatrice Gagné?
La sénatrice Gagné : Oui.
M. Senna : L’honorable sénatrice Galvez?
La sénatrice Galvez : Oui.
[Traduction]
M. Senna : L’honorable sénateur MacDonald?
Le sénateur MacDonald : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Mercer?
Le sénateur Mercer : Oui.
M. Senna : L’honorable sénateur Neufeld?
Le sénateur Neufeld : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Oh?
Le sénateur Oh : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Sinclair?
Le sénateur Sinclair : Oui.
Le président : La motion est rejetée et l’article 3 est donc adopté.
L’article 4 est-il adopté?
Le sénateur Sinclair : J’ai un autre amendement concernant l’article 3.
Le président : La motion a été rejetée par 6 voix contre 5.
Le sénateur Sinclair : J’ai un autre amendement à l’article 3 que je voudrais proposer :
b) par substitution, à la ligne 8, de ce qui suit :
« ni retards indus. »
Cet amendement vise seulement à ajouter l’adjectif « indus ». La disposition originale n’écarte pas la possibilité que des procédures judiciaires puissent retarder l’exécution du projet. Il m’apparaît donc nécessaire d’ajouter la précision « indus » pour montrer que s’il peut y avoir des délais dus à des procédures judiciaires, il ne peut toutefois pas y avoir de retards indus.
Le président : S’il y a des procédures judiciaires, le projet ne sera-t-il pas retardé de toute manière?
Le sénateur Sinclair : C’est exactement ce que je dis. Sinon, on pourrait se contenter d’écrire « sans entraves ni retards. »
Le président : Vous avez raison. C’est le libellé actuel.
Le sénateur Sinclair : Il est de toute façon implicite que l’on parle de retards « indus », mais cet ajout clarifierait les choses en précisant que le projet ne peut pas être retardé indûment.
Le président : Nous avons donc un autre amendement qui nous est soumis.
Le sénateur D. Black : Je vais me contenter de répéter mon argument de tout à l’heure. L’adjectif « indus » n’ajoute absolument rien. S’il y a des poursuites judiciaires, il est bien certain que l’on devra en tenir compte. Ce n’est pas comme si l’on devait décorer un arbre de Noël. Le terme « indus » n’est pas nécessaire. Il n’ajoute absolument rien.
Le président : Y a-t-il d’autres interventions? S’il n’y en a pas, tous ceux qui sont pour…
Le sénateur Sinclair : Je veux réagir à l’argument du sénateur Black. D’un point de vue juridique, il est extrêmement important de bien analyser des phrases comme celle-ci. Conformément à la formulation actuelle, la loi vise à faire en sorte que le projet puisse être exécuté sans entraves ni retards. En ajoutant l’adjectif « indus », nous préciserions qu’il y a effectivement des motifs valables pouvant entraîner un retard. Dans ce cas particulier, une poursuite devant un tribunal serait sans doute le seul de ces motifs valables. Contrairement à l’amendement précédent, le terme dont on propose l’ajout revêt une importance capitale. Je crois que nous devrions envisager son inclusion.
Le président : Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter cette motion d’amendement? Tous ceux qui sont pour? Tous ceux qui sont contre?
La sénatrice Galvez : Je demande un vote par appel nominal.
Le sénateur Sinclair : Pouvons-nous présumer que les votes iront dans le même sens que pour l’amendement précédent?
Le président : Je crois qu’il faut recommencer le processus du début. Si vous demandez un vote par appel nominal, nous devons procéder à un appel nominal, et c’est ce que nous allons faire.
Le greffier va donc faire l’appel des noms.
M. Senna : L’honorable sénateur Tkachuk?
Le sénateur Tkachuk : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Black?
Le sénateur D. Black : Non.
[Français]
M. Senna : L’honorable sénateur Boisvenu?
Le sénateur Boisvenu : Non.
[Traduction]
M. Senna : L’honorable sénatrice Bovey?
La sénatrice Bovey : Non.
[Français]
M. Senna : L’honorable sénatrice Gagné?
La sénatrice Gagné : Oui.
M. Senna : L’honorable sénatrice Galvez?
La sénatrice Galvez : Oui.
[Traduction]
M. Senna : L’honorable sénateur MacDonald?
Le sénateur MacDonald : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Mercer?
Le sénateur Mercer : Oui.
M. Senna : L’honorable sénateur Neufeld?
Le sénateur Neufeld : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Oh?
Le sénateur Oh : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Sinclair?
Le sénateur Sinclair : Oui.
Le président : L’amendement est rejeté par six voix contre cinq.
L’article 3 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 4 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Sinclair : J’ai un amendement visant l’ajout d’un nouvel article 5.
Le président : Un nouvel article 5. On ajouterait donc cet article après l’article 4. Vous pouvez nous le présenter.
Désolé, il s’agit de l’amendement MS-2B.
Le sénateur Sinclair : Dans le document qui vous a été remis, vous trouverez le libellé du nouvel article que je propose via l’amendement MS-2B. Conformément aux recommandations des membres du personnel, certains termes ont été ajoutés au libellé que je proposais au départ. Permettez-moi de vous lire l’amendement proposé :
Que le projet de loi S-245 soit modifié, à la page 2, par adjonction, après la ligne 10, de ce qui suit :
« Droits des Autochtones
5 Il est entendu que la présente Loi ne porte pas atteinte à la protection des droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada découlant de leur reconnaissance et de leur confirmation au titre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, y compris le droit d’être consulté adéquatement et de fournir, si nécessaire, un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. »
L’article proposé fait référence à la disposition de la Loi constitutionnelle de 1982 qui indique que les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. Il est établi que Kinder Morgan a négocié, sous la direction de l’Office national de l’énergie ou de sa propre initiative, des ententes sur les retombées avec certaines des Premières Nations vivant le long du parcours, mais pas avec la totalité d’entre elles. Il est indiqué très clairement dans la loi qu’il doit y avoir une entente avec toutes les Premières Nations et tous les autres groupes autochtones protégés par la Loi constitutionnelle.
La question du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause est soulevée directement par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones que le Canada a signée en déclarant l’accepter sans réserve aux Nations Unies en 2016. Le Canada s’est donc lui-même engagé à obtenir dans tous les cas ce consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
La Cour suprême du Canada a toutefois indiqué dans différents jugements, y compris l’arrêt Tsilhqot’in, que dans les cas où les répercussions se font ressentir dans un territoire au titre duquel un groupe autochtone a un droit clairement établi, le consentement est nécessaire. Les consultations peuvent être plus ou moins poussées lorsqu’il n’y a pas de droit établi ou que la propriété des terres est moins claire. Cependant, lorsque les droits territoriaux sont bien établis, le consentement est exigé comme c’est le cas par exemple en vertu de la Loi sur les Indiens quand on traverse le territoire d’une réserve. Il faut que les Autochtones renoncent officiellement à leur droit et que l’on obtienne leur consentement de cette manière.
L’article que l’on propose d’ajouter ici vise à faire en sorte que le gouvernement et les parties en cause comprennent bien que l’on n’a aucunement l’intention de faire fi de l’ensemble des droits conférés aux Autochtones par la Constitution. Il s’agit en outre de préciser clairement qu’il faut consulter adéquatement les Autochtones et obtenir au besoin leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Le sénateur D. Black : Sénateur Sinclair, merci beaucoup pour ces explications.
Il y aurait encore une fois ici une ou deux précisions à apporter. Il faut d’abord dire que l’article 35 de la Loi constitutionnelle reconnaît les droits des Autochtones. Ces droits sont ainsi reconnus officiellement, que nous le voulions ou non. Comme c’est prévu dans la loi, nous devons reconnaître ces droits.
En laissant entendre que la consultation doit se conclure par un consentement, le sénateur Sinclair fait carrément fausse route du point de vue juridique.
Sénateur Sinclair, je présume que vous avez pris connaissance de l’arrêt Clyde River et de l’autre décision rendue le même jour concernant une affaire dans le Sud de l’Ontario. Les exigences de consultation y sont établies très clairement, si bien que les faits deviennent déterminants. Dans l’arrêt Clyde River, les consultations n’étaient pas adéquates, alors qu’elles l’étaient pour le jugement Thames. C’est ce que nous cherchons à déterminer ici.
Nous devons faire montre d’une extrême prudence en parlant d’un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. On ne peut tout simplement pas laisser entendre de quelque manière que ce soit que la Déclaration des Nations Unies a force de loi au Canada. M. Newman nous l’a d’ailleurs indiqué très clairement hier. Les deux décisions de la Cour suprême que je viens de citer ne font aucunement mention de cette déclaration. Pourquoi donc? Parce que cette déclaration ne se retrouve pas dans nos lois. Il serait donc très risqué pour nous de faire mention de ce type de consentement. À mes yeux, ce serait irresponsable de notre part.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Sinclair, lorsque vous écrivez dans votre texte l’expression « consentement préalable », si, par exemple, il y avait une collectivité sur 30 qui ne donnait pas son consentement, cela aurait-il pour effet de mettre le projet en péril?
[Traduction]
Le sénateur Sinclair : Pour cette collectivité.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je comprends. Cependant, si, par exemple, il manque un kilomètre de tuyaux entre le début et la fin du territoire de la collectivité et que ce kilomètre n’est pas construit parce que la collectivité n’est pas d’accord, cela risque de remettre le projet en question, n’est-ce pas?
[Traduction]
Le sénateur Sinclair : Exactement, et c’est là qu’interviennent les titres autochtones.
Pour répondre à l’argument avancé par le sénateur Black, j’aimerais rappeler à mes collègues que la question de la consultation auprès des Inuits a été soulevée lorsque notre comité s’est penché sur le projet de loi S-203 qui portait sur les dauphins et les baleines. En l’absence d’une disposition en ce sens dans le projet de loi, on mettait en péril les droits des Inuits quant à la chasse de ces espèces et à la vente du produit de cette chasse. Pour éviter ce problème, une disposition de non-dérogation, à l’instar de ce qui est proposé ici, a donc été incluse dans le projet de loi à l’initiative des sénateurs conservateurs.
Je veux donc souligner que votre parti s’est déjà dit grandement préoccupé par ces considérations. Cette proposition va donc tout à fait dans le sens de l’approche législative que vous avez préconisée par le passé. Je vous encourage donc à vous montrer cohérents.
Le sénateur D. Black : Pour répondre à ce dernier argument, il faudrait savoir si l’article 35 pourrait effectivement s’appliquer à cette mesure législative dont vous parlez, mais c’est une question d’ordre davantage juridique. L’article 35 s’applique en l’espèce, si bien qu’il n’est pas nécessaire de le mentionner explicitement.
Je vous ai distribué une note la semaine dernière. Il est important que tous les sénateurs sachent bien que 43 groupes des Premières Nations vivant le long du parcours du pipeline ont conclu une entente sur les retombées. Cela représente 80 p. 100 des groupes des Premières Nations le long de ce parcours. Comme le dirait Donald Trump, c’est un fait, et nous devons en tenir compte.
Le président : Plait-il aux honorables sénateurs d’adopter l’amendement proposé?
Des voix : Non.
Le président : Non. La motion est rejetée.
Vous voulez un vote par appel nominal? C’est ce que nous allons faire. Veuillez nous lire la liste des membres présents qui ont le droit de vote.
M. Senna : L’honorable sénateur Tkachuk, l’honorable sénateur Black, l’honorable sénateur Boisvenu, l’honorable sénatrice Bovey, l’honorable sénatrice Gagné, l’honorable sénatrice Galvez, l’honorable sénateur MacDonald, l’honorable sénateur Mercer, l’honorable sénateur Neufeld, l’honorable sénateur Oh, l’honorable sénateur Sinclair.
Le président : Nous pouvons maintenant commencer le vote.
M. Senna : L’honorable sénateur Tkachuk?
Le président : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Black?
Le sénateur D. Black : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Boisvenu?
Le sénateur Boisvenu : Non.
M. Senna : L’honorable sénatrice Bovey?
La sénatrice Bovey : Oui.
M. Senna : L’honorable sénatrice Gagné?
La sénatrice Gagné : Abstention.
M. Senna : L’honorable sénatrice Galvez?
La sénatrice Galvez : Oui.
M. Senna : L’honorable sénateur MacDonald?
Le sénateur MacDonald : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Mercer?
Le sénateur Mercer : Oui.
M. Senna : L’honorable sénateur Neufeld?
Le sénateur Neufeld : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Oh?
Le sénateur Oh : Non.
M. Senna : L’honorable sénateur Sinclair?
Le sénateur Sinclair : Oui.
Le président : La motion est rejetée par six voix contre quatre avec une abstention.
L’article 1, qui renferme le titre abrégé, est-il adopté? Nous n’avons pas d’article 5.
M. Senna : La motion est donc rejetée.
Le président : Oui, elle est rejetée. Désolé.
J’ai été interrompu. L’article 1, qui renferme le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le préambule est-il adopté?
Le sénateur Sinclair : J’ai un amendement à proposer.
Je vous prie de vous référer à la motion MS-3 qui propose certains changements au préambule. Je vais maintenant vous en faire lecture :
Que le projet de loi S-245 soit modifié au préambule, à la page 1 :
a) par substitution, dans la version anglaise, à la ligne 8 de ce qui suit :
« qu’il est entendu, pour ce qui est du partage des compétences… »;
b) par substitution, à la ligne 14 de ce qui suit :
« La Loi constitutionnelle de 1867,
Que des sections du projet de pipeline Trans Mountain traversent des terres autochtones;
Que des peuples autochtones ont intenté des recours judiciaires dans lesquels ils soutiennent, entre autres choses, qu’ils n’ont pas été adéquatement consultés et qu’ils n’ont pas donné leur consentement alors qu’il fallait l’obtenir, à l’égard des sections du projet de pipeline Trans Mountain touchant des terres autochtones;
Que la présente déclaration, qui porte sur la compétence du Parlement du Canada sur le projet de pipeline Trans Mountain, ne devrait pas être interprétée de façon à porter atteinte aux droits existants des peuples autochtones du Canada; ».
C’est ce que prévoit mon amendement.
Le président : Peut-être que notre greffier législatif pourrait nous aider à y voir plus clair.
D’après ce qu’il m’indique, la motion MS-3 peut être adoptée seulement si la motion MS-2 l’a été également. Comme la motion MS-2 a été rejetée, celle-ci est irrecevable.
Le sénateur Sinclair : Je veux seulement m’adresser à notre greffier législatif pour bien comprendre son interprétation.
Conformément aux recommandations de notre greffier législatif, je vais retirer l’amendement proposé.
Le président : Le préambule est-il alors adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le projet de loi modifié est-il adopté?
Le sénateur Sinclair : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence.
Le comité souhaite-t-il joindre des observations au rapport?
Le sénateur D. Black : Je vous prie de m’excuser, monsieur le président. Il est possible que j’aie mal entendu, mais est-ce que vous avez demandé si le projet de loi modifié est adopté?
Le président : Je suis désolé. J’ai eu une longue journée. Je vous prie de m’en excuser.
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le comité souhaite-t-il joindre des observations au rapport?
Des voix : Non.
Le président : Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord.
Y a-t-il autre chose?
Le sénateur Sinclair : Je tiens à aviser mes collègues que j’ai encore l’intention de proposer des amendements à l’étape de la troisième lecture au Sénat.
Le président : D’accord.
(La séance est levée.)