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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 3 juin 2021

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), par vidéoconférence, pour discuter du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale).

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette séance publique du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je m’appelle Diane Griffin. Je suis une sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard et j’ai le plaisir de présider le comité.

Avant de commencer, je rappelle aux sénateurs et aux témoins qu’ils doivent garder leur micro éteint en tout temps, à moins d’être nommé par la présidence, et éviter de passer d’une langue à l’autre dans le cadre d’une même intervention. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Je demande à tous les sénateurs d’utiliser la fonction « Lever la main » lorsqu’ils souhaitent intervenir.

Veuillez aviser la présidence ou la greffière en cas de problème technique, surtout s’il a trait à l’interprétation. Si vous avez d’autres problèmes techniques, veuillez communiquer avec le Centre de services de la DSI. Il se peut que nous devions suspendre la séance pour veiller à ce que tous les membres puissent y participer pleinement.

Enfin, je rappelle à tous les participants qu’ils ne peuvent copier, enregistrer ou photographier leur écran Zoom. Vous pourrez utiliser et partager la diffusion officielle des délibérations du site Web SenVu au besoin.

Cela étant dit, j’aimerais maintenant vous présenter les membres du comité qui participent à la réunion d’aujourd’hui : le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse, qui est vice-président du comité; le sénateur Oh, également vice-président du comité; le sénateur Mercer, quatrième membre du comité directeur; le sénateur Black, de l’Ontario; le sénateur Forest, porte-parole du projet de loi; la sénatrice Hartling; la sénatrice Mégie; et la sénatrice Petitclerc.

Avant d’entendre les témoins, je demanderais la permission aux membres du comité pour proposer une motion de régie interne. Acceptez-vous que, pour la durée de la session, deux membres du personnel de la présidente et un membre du personnel pour chaque membre du comité présent soient autorisés à joindre les réunions à huis clos tenues par vidéoconférence?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord. La motion est adoptée. Merci à tous.

Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’entendre les témoins au sujet du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale).

Je demande aux sénateurs et aux témoins d’être brefs dans leurs interventions, afin de veiller à ce que tous les membres puissent poser au moins une question, étant donné le peu de temps dont nous disposons. Si le temps le permet, nous pourrons tenir une deuxième série de questions.

Sur ce, nous souhaitons la bienvenue à M. Larry Maguire, député et parrain du projet de loi. Il disposera de cinq minutes pour son discours préliminaire. Les sénateurs disposeront ensuite de deux minutes chacun pour une première série de questions.

Monsieur Maguire, je vous remercie, au nom du comité, de comparaître devant nous. Vous avez la parole.

Larry Maguire, député de Brandon—Souris, Manitoba : Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis heureux de comparaître aujourd’hui devant le Comité de l’agriculture au sujet du projet de loi C-208.

Avant de prononcer mon discours, je tiens à remercier le Sénat d’avoir adopté le projet de loi rapidement lors de la deuxième lecture et de l’avoir renvoyé devant le comité. Je tiens à vous remercier personnellement, sénatrice Griffin, d’avoir accepté de parrainer le projet de loi et à remercier le sénateur Forest d’en avoir parlé lors de la deuxième lecture également.

Le projet de loi vise un objectif assez direct : il uniformiserait les règles du jeu en donnant aux familles le même traitement fiscal si elles transfèrent leur entreprise ou leur exploitation à leurs enfants que si elles la transfèrent à un étranger.

Comme vous le savez, à l’heure actuelle, il existe deux ensembles de règles. Dans certains cas, elles donnent lieu à une différence de plusieurs centaines de milliers de dollars dans le cadre d’une vente. Pour certains, ce n’est peut-être pas beaucoup, mais dans de nombreux cas, une telle différence peut forcer un parent à prendre la décision difficile de vendre son entreprise à un étranger plutôt qu’à ses propres enfants ou à ses petits‑enfants.

Le projet de loi C-208 permettrait aux petites entreprises et aux sociétés agricoles ou de pêche familiales admissibles de bénéficier du même taux d’imposition lorsqu’elles vendent leur exploitation à un membre de la famille que lorsqu’elles la vendent à un tiers. À l’heure actuelle, lorsqu’une personne vend sa petite entreprise à un membre de sa famille, la différence entre la vente et le prix d’achat initial est considérée à titre de dividende. Toutefois, si l’entreprise est vendue à une personne en dehors de la famille, la vente est considérée à titre de gain en capital, qui est associé à un taux d’imposition beaucoup plus bas et qui permet au vendeur d’avoir recours à l’exonération cumulative des gains en capital.

L’adoption du projet de loi C-208 permettra de maintenir les entreprises locales dans nos administrations. Ces entreprises s’investissent pleinement dans nos collectivités et offrent des emplois stables à de nombreuses personnes. Le projet de loi permettra de garder les sociétés agricoles ou de pêche dans la famille. Il enverra un message d’espoir aux jeunes agriculteurs qui veulent poursuivre ce que leurs parents ont entrepris.

Par-dessus tout, le projet de loi fera en sorte que la Loi de l’impôt sur le revenu soit équitable. Ainsi, les parents n’auront plus à choisir entre une prime de retraite plus généreuse s’ils vendent leur entreprise à un étranger et une énorme charge fiscale s’ils la vendent à un membre de leur famille, à leur enfant ou à leurs petits-enfants. Toutes les collectivités du Canada profiteront de l’adoption de ce projet de loi.

La présente mesure législative obtient l’appui de tous les partis. Avant d’être renvoyé devant le Comité des finances de la Chambre des communes, le projet de loi C-208 n’avait obtenu l’appui que de deux députés libéraux. Toutefois, après que le Comité des finances a réalisé son étude et a parlé aux experts en fiscalité et aux représentants de Finances Canada, 19 députés libéraux ont voté pour le projet de loi lors de la troisième lecture. Je dois vous dire que le président du Comité des finances a voté pour le projet de loi lors de la troisième lecture. Il a de plus participé au débat et a exhorté les autres membres du comité à appuyer le projet de loi. Je l’en remercie.

J’ai parlé à de nombreux intervenants, experts en fiscalité et propriétaires d’entreprises familiales du projet de loi, et je suis heureux de vous dire que le projet de loi C-208 obtient un appui presque unanime. Nous savons ce que le projet de loi coûtera, d’après l’analyse du directeur parlementaire du budget. Nous savons que le projet de loi compte des mesures de protection pour veiller à ce que personne ne puisse contourner les règles fiscales. Nous savons que le projet de loi se centre sur les petites entreprises. Nous savons que la mesure législative, telle qu’elle a été rédigée, atteindra l’objectif souhaité : uniformiser les règles du jeu en éliminant les différences entre deux ensembles de règles fiscales.

Depuis que le projet de loi a franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes, il ne se passe pas une journée sans que quelqu’un communique avec mon bureau pour demander quand il sera adopté. De nombreux parents sont prêts à transférer leur entreprise à leurs enfants ou leurs petits-enfants, mais ne veulent pas payer des impôts injustement. Enfin, nous pouvons régler une fois pour toutes ce problème de longue date auquel ont dû faire face tant de parents lorsqu’ils ont vendu leur entreprise ou leur exploitation à leurs propres enfants.

Sur ce, je serai heureux de répondre à vos questions. Je vous remercie encore une fois d’étudier ce projet de loi en temps opportun.

La présidente : Nous vous remercions pour votre déclaration, monsieur Maguire.

Nous allons maintenant passer aux questions. Les vice‑présidents interviendront en premier et les autres sénateurs pourront prendre la parole selon un ordre alphabétique. Lorsque nous entendrons le prochain témoin, nous procéderons selon l’ordre inverse, d’accord?

Sur ce, sénateur Oh, vous êtes le premier intervenant. Avez‑vous une question?

Le sénateur Oh : Monsieur Maguire, votre projet de loi permettra d’aider les petites entreprises, surtout les entreprises familiales du Canada, ce qui est une bonne chose. Ma question est la suivante : quelles sont les conséquences prévues du projet de loi C-208 à court, moyen et long terme pour le secteur de l’agriculture et — je suppose que c’est la même chose — le secteur de la pêche du Canada?

M. Maguire : À long terme, sénateur Oh, les gens auront la fierté de garder leur petite entreprise, qu’ils ont créée, entre les mains de leur famille. C’est une fierté pour eux. En plus de cela, l’argent restera dans la collectivité plutôt que d’être imposé et de constituer le revenu général du pays. En effectuant ce changement fiscal et en uniformisant les règles du jeu, nous n’aurons pas à aider ces familles plus tard. Il n’est pas question d’avantager qui que ce soit. Il faut seulement uniformiser les règles pour que ces gens aient droit à l’exonération des gains en capital. En règle générale, les familles ne partent pas bien loin lorsque la prochaine génération — les petits-enfants, habituellement — prend la relève. L’argent reste dans la collectivité. C’est très important, pour les aider.

Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante — vous l’entendrez peut-être plus tard, lorsque les témoins comparaîtront —, près de la moitié des propriétaires choisiraient de transférer leur petite entreprise à un membre de la famille. Il s’agit aussi de très bonnes occasions d’emploi.

Le sénateur Oh : Avez-vous une idée des répercussions sur les revenus du gouvernement? Je suppose que votre étude fait valoir que la chose la plus importante, c’est de veiller à ce que la prochaine génération prenne la relève de l’entreprise familiale... pour promouvoir les petites entreprises. Qu’en est-il des revenus? Avez-vous une idée?

M. Maguire : Oui, j’ai parlé au directeur parlementaire du budget. Son bureau a réalisé une étude à ce sujet, tout comme la Bibliothèque du Parlement. Le changement serait de 178 à 300 millions de dollars par année, selon le nombre d’entreprises transférées, par opposition aux 1,2 milliard de dollars qui ont été évoqués dans les versions précédentes du projet de loi présenté devant le Parlement. Pour arriver à ce montant, il aurait fallu que toutes les entreprises soient vendues d’un seul coup, ce qui n’arrivera pas. Il n’y aurait qu’un certain pourcentage de ventes par année. C’est donc entre 178 et 300 millions de dollars.

Le sénateur Oh : Merci, monsieur Maguire. Je vais laisser les autres membres du comité vous poser des questions.

Le sénateur C. Deacon : Nous vous remercions de votre présence, monsieur Maguire. J’ai passé plusieurs années dans votre coin de pays dans les années 1970, dans la région de Deloraine, au Manitoba, et dans votre circonscription. Je la connais bien et j’en garde de précieux souvenirs.

J’aimerais comprendre pourquoi certaines personnes sont contre le projet de loi à Finances Canada. L’équité de notre système fiscal est un principe fondamental, et je sais qu’elle fait défaut dans de nombreux domaines. On m’a fait part d’une préoccupation, et j’aimerais savoir quelles sont les préoccupations qui ont été portées à votre attention, parce que je n’arrive pas à faire la lumière sur ce sujet. On dit qu’il pourrait servir de mécanisme pour « flipper » une société agricole ou de pêche et éviter de payer des impôts. Je n’arrive pas à comprendre; j’espère que vous pourrez m’expliquer d’où viennent les critiques à l’égard du projet de loi. Nous allons entendre les représentants du ministère, mais j’aimerais vous entendre au sujet des arguments qui ont été présentés à ce sujet.

Je tiens à vous remercier, une fois de plus, pour votre travail. Il faut encourager les jeunes familles — les descendants des agriculteurs — à prendre la relève des entreprises familiales. C’est essentiel. Il faut encourager les jeunes à aller vers l’agriculture. Merci pour votre travail.

La présidente : Avant que vous ne répondiez, monsieur Maguire, je dois préciser que le sénateur Deacon a utilisé la presque totalité des deux minutes qui lui étaient accordées, mais je vais vous laisser lui répondre rapidement, s’il vous plaît.

M. Maguire : Je vous remercie pour vos commentaires, sénateur Deacon. Je suis on ne peut plus d’accord avec vous : l’agriculture est essentielle, mais le projet de loi vise les petites entreprises. Il aidera le secteur de l’agriculture et de la pêche, mais aussi toutes les petites entreprises, qu’il s’agisse d’une boulangerie, d’une boutique de vêtements, d’une bijouterie... et même les agences d’assurance du Canada. L’Association canadienne de planificateurs financiers figure parmi les défenseurs du projet de loi, en plus de l’Association des courtiers d’assurances du Canada. Certaines personnes ont fait valoir qu’il ne fallait pas laisser les gens riches profiter d’échappatoires fiscales. C’est ce que j’ai entendu à la Chambre. Premièrement, le projet de loi vise les petites entreprises. Il ne s’applique pas aux grandes sociétés. Même celles qu’on appelle les moyennes entreprises ne seront probablement pas visées par le projet de loi. On parle aussi des actions admissibles d’une société familiale.

Je vous ai donné les chiffres en ce qui a trait aux répercussions sur les revenus fiscaux du Canada. Pour moi, chaque dollar compte, mais étant donné la portée du budget du gouvernement fédéral, ce n’est pas une grande dépense. Toutefois, ce qu’on oublie, c’est que l’argent restera dans les collectivités et les aidera à croître; les gens continueront de travailler dans le même secteur, qu’ils soient dans une petite collectivité, comme Deloraine, ou à Toronto. Je crois que c’est très important.

C’est la seule préoccupation qui est évoquée en ce qui a trait au projet de loi, mais les mesures de protection qu’il contient permettent de l’aborder. Si le propriétaire ne conserve pas les actions pendant cinq ans, il devra payer les impôts.

Le sénateur R. Black : Merci et bonjour, monsieur Maguire. Nous vous remercions de vous joindre à nous aujourd’hui. Comme vous le savez, j’ai travaillé dans le domaine de l’agriculture et des affaires rurales. J’aimerais tout d’abord vous féliciter pour votre travail. Je sais que le projet de loi va changer les choses pour l’agriculture, les fermes familiales et les collectivités.

J’aimerais que vous nous parliez des répercussions que pourrait avoir le projet de loi sur les collectivités rurales du Canada, aux fins du compte rendu. Merci.

M. Maguire : Merci beaucoup, sénateur Black. Je sais que vous entendrez d’autres témoins sur le sujet également. Les représentants de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et la Fédération canadienne de l’agriculture témoigneront devant vous aujourd’hui. M. Janzen pourra probablement répondre mieux que moi à la question du sénateur Deacon au sujet des changements associés aux exigences fiscales.

Sénateur Black, l’élément le plus important, c’est que l’argent restera dans les collectivités locales. Le projet de loi facilitera les transferts. J’ai grandi sur une ferme. Je sais que j’ai été la main‑d’œuvre bon marché — je ne parlerai pas de travail forcé ici — de mon père jusqu’à ce que je puisse lui racheter l’entreprise. Je sais que mon père m’a rendu la pareille en travaillant gratuitement, si l’on veut, pour l’entreprise lorsqu’il a pris sa retraite. Il n’est pas allé bien loin. Il a voyagé un peu, mais il était toujours là pour la saison agricole.

Je crois que c’est une excellente façon de garder les fermes familiales unies et de maintenir les petites entreprises. Qu’il s’agisse d’une boutique de vêtements ou de la boulangerie du coin, en gardant les familles unies, on garde les collectivités unies également. Comme je l’ai dit, cela m’est égal s’il s’agit d’une ferme dans une communauté comme celle décrite par le sénateur Deacon — et je dirai bonjour à la famille Franklin, à la famille Caldwell et à tout le monde là-bas pour vous —, ou s’il s’agit d’une entreprise de Toronto. Je crois que c’est important. Monsieur Black, mon père disait toujours : si tu prends soin de la terre, elle prendra soin de toi.

Je crois que nous avons discuté de l’étude des sols que vous vouliez faire. J’étais là lorsque le sénateur Sparrow a réalisé l’étude que vous voulez remplacer, il y a 30 ou 40 ans. Je crois que si l’on connaît bien la terre, on pourra mieux s’en occuper.

[Français]

Le sénateur Forest : D’abord, bravo, monsieur Maguire, pour cette initiative. D’ailleurs, vous prenez la balle au bond de l’ex-député de Rimouski, Guy Caron, qui allait dans le même sens.

Une de mes préoccupations est liée au fait qu’on assiste, particulièrement dans le domaine des pêches et de l’agriculture, à des transferts à des étrangers. C’est une mesure qui est foncièrement inéquitable. Selon mes valeurs, le gouvernement se doit d’avoir des mesures qui sont équitables à la base.

Souvent, les agriculteurs vont prendre la décision de démanteler leur ferme. Ils vendent les quotas, l’équipement et les bâtiments. En plus d’envoyer l’argent à l’extérieur de nos localités, cela vient fragiliser le tissu de l’infrastructure des entreprises agricoles en région, au Canada.

Avez-vous réussi à mener une évaluation? Ma sous-question sera la suivante : est-ce que, dans votre réflexion, vous avez été en mesure de voir quelles règles fiscales s’appliquent dans des cas semblables, dans d’autres administrations ou dans d’autres pays?

[Traduction]

M. Maguire : C’est une très bonne question, monsieur le sénateur. Pour ce qui est des autres pays, je reviendrais en arrière, à 1986, lorsque j’étais au Kansas et que la première loi agricole des États-Unis a été mise en œuvre. Les Américains avaient leurs propres plateformes et programmes agricoles pour appuyer leurs industries au fil des années également. Je ne sais pas ce qu’il en est des lois similaires pour le Canada. Je me suis uniquement centré sur notre situation. Vous avez raison. Guy Caron était l’ancien chef intérimaire du NPD, et c’est lui qui a présenté le projet de loi. La formulation est exactement la même. J’ai parlé au directeur parlementaire du budget et au personnel de la Bibliothèque du Parlement pour voir si des modifications devaient y être apportées, mais selon eux, tout était là. On aurait pu débattre de tout changement lorsque le projet de loi a été intégré aux règlements, mais il n’y avait aucun obstacle qui pourrait nuire à son adoption. Je crois que c’était une des questions qui me préoccupaient le plus.

Cela remonte aussi à Emmanuel Debourg. Nous avons été quatre à être élus dans le cadre d’une élection partielle à l’automne 2013 : Emmanuel Debourg, un libéral de Montréal; moi-même; Ted Falk, un autre conservateur du Sud-Est du Manitoba; et une jeune femme nommée Chrystia Freeland, qui est aujourd’hui notre ministre des Finances. M. Debourg a lui aussi présenté le projet de loi en 2015, mais il est mort au Feuilleton en raison des élections. C’est pourquoi je demande au Sénat d’adopter le projet de loi le plus rapidement possible à la troisième lecture, lorsque vous aurez entendu les témoins. Des élections pourraient être déclenchées à tout moment, avec le gouvernement minoritaire, et nous avons l’occasion d’adopter ce projet de loi. Merci.

La sénatrice Hartling : Merci, monsieur Maguire, de présenter le projet de loi. Il semble que ce soit un projet de loi très pratique qui pourrait aider de nombreux Canadiens. Je viens du Nouveau-Brunswick, une province très rurale où la pêche, l’agriculture et d’autres activités du genre sont importantes pour l’économie. Je me demande si, dans le cadre de votre travail sur le projet de loi, vous avez obtenu des rétroactions du Canada atlantique sur les répercussions qu’il pourrait avoir sur la région. Est-ce que les habitants appuient le projet de loi? Je suis curieuse quant au transfert des entreprises aux membres d’une même famille. Est-ce que le projet de loi encouragera les jeunes à travailler dans ces secteurs? Merci.

M. Maguire : Merci, sénatrice Hartling. Nous sommes encouragés du soutien que nous recevons dans l’ensemble du Canada, y compris du secteur de la pêche sur les deux côtes, en plus du secteur de la pêche continentale, avec le lac Winnipeg ici, au Manitoba.

Oui, le projet de loi aidera les plus jeunes à poursuivre le travail de leur famille, parce que ces quelques centaines de milliers de dollars représentent habituellement la prime de retraite pour les personnes qui vendent l’entreprise agricole ou de pêche familiale, ou le dépanneur du coin. À mon avis, il s’agit d’un avantage pour le gouvernement canadien parce que nous n’avons pas à nous préoccuper de ces primes de retraite. On assure aussi la continuité dans ces secteurs et le soutien des entreprises du pays. Le gouvernement sait alors que les recettes fiscales provenant de ces petites entreprises se maintiendront et qu’elles continueront d’être gérées de façon juste et franche.

Donc, pour répondre à votre question, oui, les membres de l’industrie montrent un grand appui à l’égard du projet de loi. Les gens se demandent parfois ce qu’ont les entreprises de pêche. Elles ont des navires. Ce ne sont pas des bateaux. Ce sont des navires qu’utilise l’industrie de la pêche, et ils sont très coûteux.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je remercie le témoin des informations qu’il a données. Lors d’une des discussions, justement sur ce projet de loi, j’ai compris qu’il arrive parfois que, quand la famille veut passer le flambeau à d’autres membres de la famille, elle fixe un prix, et après, les fonctionnaires peuvent remettre le prix en question en disant que cela ne devrait pas être vendu aussi cher, comme si c’était dans le but de frauder.

Je me demandais s’il existe des évaluateurs, comme il y en a en immobilier un peu partout, spécialisés dans ce genre d’entreprises, qui pourraient les évaluer avant la vente. Cela éviterait ainsi des difficultés au vendeur, que ce soit pour vendre à un étranger ou à la famille.

[Traduction]

M. Maguire : Oui, ces évaluateurs existent, sénatrice Mégie. Je vous remercie pour cette importante question. Même lorsque j’ai acheté l’entreprise familiale — et même lorsque mon père est décédé —, il y avait des règles sur les mesures qui pouvaient être utilisées pour déterminer la valeur d’une propriété. C’est le cas de façon particulière pour les terres agricoles, et pour les petites entreprises. Cela fonctionne dans les deux sens. C’est pour éviter qu’on ne fixe un prix trop bas ou qu’on profite des avantages de fixer un prix plus élevé que ce qu’on souhaite avoir, en évitant de payer trop d’impôt si on revend l’entreprise 20 ans plus tard. Il y a des règles à cet égard. Il faut déclarer la valeur de l’entreprise, qui doit être considérée comme étant raisonnable.

[Français]

La sénatrice Mégie : S’il y a déjà des évaluateurs spécialisés, pourquoi les gens hésitent-ils à appuyer ce projet de loi, puisque l’évaluateur pourrait juste venir évaluer l’entreprise et établir un prix?

[Traduction]

M. Maguire : Merci. Je ne pense pas qu’ils s’inquiètent du prix, mais plutôt du fait que la transaction peut n’être qu’une transaction sur papier et que l’argent ne passe pas réellement d’une génération à l’autre. C’est la raison pour laquelle des garanties sont prévues, à savoir que l’acheteur doit conserver les actions pendant cinq ans, à moins qu’il ne décède avant. C’est ce que j’entends par des garanties intégrées dans ce projet de loi. M. Caron a été très clair en les intégrant au projet de loi dès le départ.

Le sénateur Mercer : Merci, monsieur Maguire, pour les efforts que vous avez déployés dans le cadre de ce projet de loi. Il s’agit d’une importante mesure législative. Je siège à ce comité depuis 18 ans et j’ai vu toutes les versions de ce projet de loi, et c’est celle qui se rapproche le plus de notre objectif. Vous avez fait du bon travail pour faire aboutir nos efforts.

J’ai beaucoup de questions, mais je n’en ai pas beaucoup pour vous. Ce qui me préoccupe, ce sont toutes ces personnes qui s’inquiètent de la somme d’argent qui ne sera pas versée au Trésor public en raison de cette modification. Avons-nous intégré des garanties à ce projet de loi pour nous permettre d’en examiner l’incidence sur le Trésor public?

Vous avez tout à fait raison. Si tout le monde vendait sa propriété en un an, ce serait un coup dur. Est-ce que quelqu’un a effectué cette analyse sur une plus longue période?

M. Maguire : Merci beaucoup, sénateur Mercer. Je pense que la plus grande garantie contre cette situation est que l’Agence du revenu du Canada, ou l’ARC, peut soumettre n’importe qui à une vérification en tout temps. Ce projet de loi ne contient aucune disposition qui empêcherait l’ARC d’effectuer les vérifications qu’elle ferait de toute façon dans le cours normal de ses activités.

Vous avez aussi tout à fait raison de juger que la détermination des valeurs globales a une incidence sur le Trésor public. Le directeur parlementaire du budget a procédé à l’évaluation, comme je l’ai proposé. C’est la seule que j’ai demandée, et c’est la même que Guy Caron a demandée. Les directeurs parlementaires du budget ont été très clairs dans leur analyse, et ils ont peut-être utilisé une partie de l’analyse de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante en tant que telle. Il y a un plafond pour une petite entreprise. Une fois que vous avez atteint la barre des 10 millions de dollars, celle-ci est réduite à néant par 15 millions de dollars de toute façon, et tout ce qui dépasse cette somme ne permet pas à une société de répondre à la définition de petite entreprise.

Je ne sais pas si cela répond clairement à votre question, mais si vous avez besoin de plus de détails, je suis sûr que M. Janzen de Deloitte pourra y répondre sous peu.

La présidente : Merci.

La sénatrice Petitclerc : Merci, monsieur Maguire, d’être ici avec nous. J’ai une question brève et j’essaie de me faire une idée de l’incidence réelle et concrète que ce projet de loi pourrait avoir, en particulier sur l’agriculture. Parce que lorsque j’ai fait des recherches et que je me suis préparée en vue de la séance d’aujourd’hui, j’ai été choquée de lire que dans ma province, au Québec, nous perdons une ferme par jour. C’est ce que j’ai lu. Au Québec, la majorité des rachats d’entreprises se font en milieu rural, et 44 % des petites et moyennes entreprises appartiennent à des entrepreneurs qui ont repris une entreprise.

Je sais qu’un projet de loi ne peut pas tout régler, mais avons‑nous une idée du type d’incidence concrète que ce projet de loi pourrait avoir sur cette situation — ou disposons-nous de chiffres ou d’un scénario pour le savoir?

M. Maguire : Oui. Merci beaucoup, sénatrice Petitclerc.

Il y a une autre incidence que je n’ai pas mentionnée plus tôt. Lorsque je faisais mes études en agriculture — et comme vous pouvez le voir à mes cheveux vénérables, c’était il y a longtemps —, il n’y avait que quelques jeunes femmes dans ma classe. Aujourd’hui, seulement 29 % des entreprises au Canada, des petites entreprises, sont gérées et exploitées par des femmes.

Je pense qu’il s’agit d’une occasion extraordinaire pour l’agriculture, en particulier parce que je vois davantage de jeunes femmes revenir diriger ces exploitations, non seulement avec des diplômes en agriculture, mais aussi en gestion. Avec un projet de loi comme celui-ci, il y aura une égalisation des chances entre les sexes en ce qui concerne les revenus, car il encouragera davantage de femmes à rester dans le secteur.

Je sais que dans la petite collectivité où j’ai grandi, Elgin, qui ne comptait que 400 habitants, il n’en reste probablement plus que 150 aujourd’hui. Cependant, il y a une forte zone agricole autour d’elles, ici dans le Sud-Ouest du Manitoba, comme dans toutes les régions rurales du Canada. Il y a là de grandes possibilités pour la prochaine génération. Nous voyons beaucoup de changements dans cette région. La mise en œuvre de cette mesure législative profitera grandement à ces collectivités.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

La présidente : Merci, mesdames et messieurs. J’apprécie la coopération de chacun. Nous nous sommes très bien débrouillés côté temps. Je tiens à remercier le député Larry Maguire d’être avec nous aujourd’hui.

Nous allons passer à notre prochain témoin, M. Brian Janzen, qui est gestionnaire principal de la fiscalité chez Deloitte.

Brian Janzen, gestionnaire principal de la fiscalité, Deloitte : Je vous remercie de me permettre de témoigner aujourd’hui. Je suis gestionnaire principal de la fiscalité chez Deloitte Winnipeg. Je fais ce travail depuis 34 ans, et nous attendons cette solution depuis une trentaine d’années. C’est une solution fantastique. Mais ce n’est pas la panacée. Personnellement, j’aimerais que cette mesure soit appliquée à un plus grand nombre de sociétés, mais je ne vais pas me plaindre parce que c’est un excellent début.

Mon introduction contient de nombreux éléments identiques à ceux de M. Maguire, mais je vais tout de même y revenir, car il est important de comprendre pourquoi nous sommes dans cette position.

Le projet de loi C-208 va corriger l’article 84.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui a été instauré à l’origine en tant qu’article anti-évitement pour empêcher les gens de retirer de l’argent de leur société sans payer d’impôt personnel en utilisant leur exemption pour gains en capital.

Malheureusement, les dispositions anti-évitement ont eu raison de nombreuses transactions commerciales valables, soit la vente de petites entreprises de parents à leurs enfants ou petits-enfants. Elles ont créé un contexte dans lequel les parents n’avaient d’autre choix que de vendre à un étranger plutôt qu’à leurs propres enfants en raison de l’incidence fiscale négative de l’article 84.1.

Les dispositions actuelles prévoient une pénalité importante si un parent vend à son enfant. Dans le pire des cas, si une personne possédant une société agricole évaluée à 1 million de dollars — en raison de l’article 84.1 — la vend à un Américain non apparenté, elle ne paie aucun impôt. Elle utilise son exemption et repart avec 1 million de dollars dans sa poche. Cependant, si elle la vend à la société de son fils, l’impôt potentiel au Manitoba serait d’environ 450 000 $. C’est une différence substantielle dans cet exemple précis.

La question que j’entends est la suivante : « Qui pourrait bien s’opposer à cette mesure? » Je pense que les personnes qui s’y opposent considèrent qu’il s’agit d’une échappatoire au profit de riches entrepreneurs ou agriculteurs. Cependant, la plupart de ces personnes n’ont pas de régime de retraite défini. Ils n’ont pas beaucoup de REER. Toute leur retraite sera constituée par la vente de la société. S’ils en perdent presque la moitié, les conséquences peuvent être dévastatrices.

Le projet de loi C-208 contribue grandement à corriger cette anomalie. Les dispositions de la mesure législative proposée font en sorte qu’elle ne s’applique qu’aux transferts réels d’une génération à l’autre et qu’aux petites sociétés. Le délai de cinq ans garantit que le transfert est un véritable transfert intergénérationnel à un enfant qui poursuivra l’activité de l’entreprise. L’article 84.1 permettra toujours de repérer les transactions frauduleuses effectuées dans le seul but de soutirer de l’argent à une société.

D’après mon expérience des 15 à 20 dernières années, c’est la grande préoccupation des responsables de Finances Canada. Ils ne sont pas en faveur de ces correctifs parce qu’ils pensent toujours que l’article 84.1 est nécessaire, et il l’est, mais seulement pour détecter ce que j’appelle les transactions artificielles.

Les ébauches de ce projet de loi ont été largement diffusées parmi mes pairs et mes collègues à la grandeur du Canada. Tout le monde est aux anges. Je n’ai jamais vu pareil soutien unanime pour un projet de loi. Il s’agit d’une excellente option pour garder les entreprises au Canada et dans la famille, si c’est ce qu’elle choisit. Le projet de loi contient suffisamment de garanties pour éviter les fraudes. J’ai parlé avec de nombreux professionnels et propriétaires d’entreprises dans tout le Canada au cours des derniers mois, et le soutien pour une mesure comme celle-ci est unanime. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une échappatoire. Il s’agit de corriger une pénalité fiscale qui existe depuis trop longtemps lorsqu’un transfert légitime d’entreprise est effectué au sein d’une famille.

La présidente : Merci, monsieur Janzen.

Nous allons passer aux questions.

Le sénateur Oh : Merci, monsieur Janzen, d’être parmi nous. Ma question est la suivante : dans quelle mesure le report de l’impôt sur les gains en capital par le transfert intergénérationnel des fermes familiales est-il visé par le projet de loi C-208?

M. Janzen : Désolé, je ne suis pas tout à fait sûr d’avoir compris la question.

Le sénateur Oh : Dans quelle mesure le report de l’impôt sur les gains en capital par le transfert intergénérationnel des fermes familiales ou des sociétés de pêche répond-il à la préoccupation politique soulevée dans le projet de loi C-208?

M. Janzen : Il existe des dispositions qui permettent uniquement aux fermes et aux sociétés de pêche, et non aux petites entreprises, d’être transférées d’un parent à un enfant sur la base d’un transfert avec report d’impôt. Elles ne sont pas abordées dans le projet de loi C-208.

Le projet de loi C-208 traite de la vente sur le marché équitable. Pour les petites entreprises, les sociétés agricoles et les sociétés de pêche, c’est la vente que le projet de loi C-208 va vraiment aborder. Il ne s’agit pas vraiment d’un report, à mon avis. Il s’agit plutôt de niveler les règles du jeu afin que la taxe payée par le vendeur soit la même que celle qu’il paierait s’il vendait à un tiers étranger.

Il existe encore des possibilités de report que ce projet de loi ne traite pas, mais le transfert par roulement des parents à l’enfant n’offre aucune solution de retraite aux parents s’il n’y a pas de prix. Ce projet de loi permet de réaliser une transaction commerciale conforme au marché et d’offrir ainsi une épargne‑retraite aux parents, car ils paieraient le même montant d’impôt que s’ils vendaient à un étranger.

La présidente : Merci, monsieur Janzen.

Le sénateur C. Deacon : Nous allons entendre les représentants de Finances Canada après la réunion d’aujourd’hui. Pourriez-vous nous faire part de toute autre réaction négative, de tout autre problème qu’ils pourraient soulever et qui pourrait nuire au soutien de ce projet de loi? Vous avez fait un bon résumé. Je vous en suis reconnaissant, mais si vous pensez que d’autres questions pourraient être soulevées, nous aimerions entendre vos arguments à leur sujet. Je vous remercie.

M. Janzen : D’après ce que j’ai compris, ils continuent de penser que cette situation peut entraîner des fraudes. Je pense qu’ils considèrent qu’il ne s’agit pas d’un transfert légitime. Ils croient que le père restera actif dans l’entreprise et qu’il n’utilisera l’exemption pour gains en capital que pour retirer de l’argent de la société. Ce projet de loi contient des garanties pour s’assurer qu’il s’agit d’un transfert légitime, par exemple que l’enfant en soit le propriétaire pendant au moins cinq ans. C’était le premier point.

Le second point qui a été abordé précédemment est l’évaluation. Ce projet de loi précise qu’il faut prouver la valeur de l’entreprise au ministre.

L’un des sénateurs avait demandé s’il existait des évaluateurs. Chaque cabinet d’experts-comptables compte des professionnels appelés des experts en évaluation d’entreprise qui se spécialisent dans l’évaluation des entreprises. Nous pensons tous qu’il est important d’obtenir cette évaluation lors de ce type de transfert. On garantit donc que la valeur est correcte, que les taxes payées sont correctes, qu’il s’agit d’un transfert légitime et que vous utilisez les dispositions légitimes de la loi, comme l’exonération des gains en capital, qui sont accessibles à tout le monde.

J’aimerais pouvoir fournir plus d’arguments potentiels, mais je ne les vois tout simplement pas. C’est mon problème.

La présidente : Merci, monsieur.

La sénatrice Petitclerc : Ma question ira dans le sens de celle du sénateur Deacon, car il s’agit d’une petite objection destinée aux quelques personnes qui reprochent à ce projet de loi de modifier deux règles anti-évitement très complexes de la Loi de l’impôt sur le revenu. Certaines personnes ont affirmé que cette complexité exigeait plus de débats, d’études et de questions.

Dans vos remarques liminaires, vous avez dit que vous aviez consulté de nombreuses personnes. Sommes-nous prêts à adopter cette mesure législative ou devons-nous approfondir notre étude? Avons-nous d’autres choses à découvrir?

M. Janzen : Excusez-moi, mais je vais être un peu direct. Cela fait 25 ans que ce sujet est étudié sous tous les angles. Il s’agit d’une solution parfaite pour le projet de loi, mais elle a déjà été tentée dans des versions antérieures. Je suis désolé, j’ai oublié son nom, mais en 2015, un député libéral avait proposé un très bon projet de loi qui aurait également remédié à ce problème.

Cette solution existe depuis longtemps. Il s’agit d’un projet de loi très simple qui propose des garanties fondamentales et claires. Il ne laisse pas de place pour les échappatoires.

Mes collègues de tout le pays l’ont étudié. Ils en sont très satisfaits. Ils souhaiteraient que son seuil soit plus élevé pour les entreprises de taille moyenne, mais il constitue un excellent point de départ.

Pour répondre à votre question, nous n’avons absolument pas besoin de réaliser plus d’études sur ce sujet. Il serait inutile de poser plus de questions. C’est la première fois que j’ai l’occasion de contribuer à un projet de loi, et je n’ai jamais été aussi fier d’apporter mon aide.

Le projet de loi ne peut que faire l’unanimité. Je ne vois pas comment on pourrait s’opposer à aider les petites entreprises à transférer leurs activités à leurs enfants. Il s’agit de mettre tout le monde sur un pied d’égalité.

Le sénateur Mercer : Merci, monsieur Janzen, d’être présent. Je vais parler d’un cas pratique que je connais bien et qui se trouve ici, en Nouvelle-Écosse. Il s’agit d’une exploitation agricole de taille raisonnable. Le père exploitait la ferme avec ses enfants et a maintenant pris sa retraite. Il s’agit d’un cas réel d’agriculteur qui a pris sa retraite. La ferme est maintenant exploitée par les enfants, mais ils se partagent les activités. L’un des fils se charge de la production d’œufs, qu’il a rendue très rentable. L’autre enfant a repris le reste de l’exploitation, qui comprend quelques quotas de lait et un peu d’élevage bovin.

Quelle incidence ce projet de loi aura-t-il sur eux lorsque leur mère ou leur père voudra vendre l’exploitation à non pas un, mais deux de leurs enfants?

M. Janzen : Ce projet de loi accomplit deux choses. Il comporte un article distinct qui exempte désormais les frères et sœurs des règles de l’article 55. L’article 84.1 est l’article le plus compliqué de la loi, après l’article 55.

Ce projet de loi permet de diviser cette exploitation en deux sans conséquence fiscale immédiate. Par ailleurs, si le père vendait une partie de son exploitation à chacun de ses enfants, ce projet de loi l’aiderait également à le faire.

Sans entrer dans les détails techniques, parce que ces articles sont extrêmement complexes, ce projet de loi aidera également à diviser une exploitation en deux, de sorte qu’un enfant puisse prendre les œufs et l’autre, le blé ou autre, ce qui facilitera les choses.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’ai entendu parler tout à l’heure de transactions réelles par opposition aux transactions artificielles. Pouvez-vous nous donner un exemple, et nous expliquer les critères sur lesquels on s’appuie pour savoir si la personne a vendu de bonne foi à ses enfants, ou au contraire pour dire que c’est une transaction artificielle?

[Traduction]

M. Janzen : C’est une bonne question. La vente d’une entreprise de parents à enfants pour que ces derniers reprennent cette activité constitue une transaction réelle.

Lorsque j’utilise le mot « artificiel », je m’éloigne un peu du transfert réel, car ce qui a entraîné la création de l’article 84.1 est le fait que les praticiens de mon domaine utilisaient l’exonération des gains en capital pour effectuer des transferts artificiels qui consistaient tout simplement à vendre votre société à une société de portefeuille dont vous étiez le propriétaire et à demander l’exonération des gains en capital sur cette vente, ce qui vous permettait de récupérer 500 000 $ ou 800 000 $ en franchise d’impôt.

C’est ce que j’appelle une transaction artificielle. L’article 84.1 s’appliquera encore à ce type de transaction.

Dans le cas de la vente aux enfants, il n’y a pas vraiment de transaction artificielle. C’est assez simple. Tant que la vente est effectuée, rien n’empêche le père de jouer le rôle de conseiller et de participer à la gestion de l’entreprise, mais les enfants doivent reprendre l’actionnariat, et ce sont eux qui en seront les propriétaires pendant les cinq années suivantes. C’est pourquoi ce projet de loi empêche tout type de transaction artificielle qui pourrait être révoquée. Une transaction artificielle consiste à rendre l’entreprise au père sur une période de quelques années, uniquement pour utiliser l’exemption des enfants. Ce projet de loi empêche que cela se produise.

La sénatrice Hartling : J’ai une question pour M. Janzen. C’est si agréable de voir des fiscalistes s’enthousiasmer pour le projet. Je vous en remercie. Quand vous êtes emballés, c’est une bonne chose, et je vous en remercie.

D’autres mesures pourraient-elles être prises après l’adoption de ce projet de loi? Que faudrait-il faire ensuite? Il s’agirait d’une étape importante qui permettrait de résoudre un gros problème. Quelles difficultés pourraient en découler ou s’ensuivre?

M. Janzen : Oh, s’il n’en tenait qu’à moi, j’aimerais que l’on fasse deux ou trois choses. En ce moment, j’aimerais que l’exemption qui s’applique aux ventes entre des parents et leurs enfants et petits-enfants s’applique aux ventes entre frères et sœurs. Ce serait une bonne chose. J’aimerais que le seuil finisse par être relevé, car de nos jours, il ne faut pas grand-chose pour atteindre 10 millions de dollars de capital imposable, et les règles commencent alors à ne plus s’appliquer à ce type de sociétés. Ces changements peuvent être apportés en temps voulu.

Je trouve que la période de cinq ans est un peu longue, mais elle nous convient. Dans le monde actuel, les choses changent rapidement. Nombre d’entre nous aimeraient que le seuil soit fixé à trois ans, car c’est le seuil appliqué à de nombreuses autres transactions dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Cependant, à l’avenir, nous aimerions que cette mesure s’applique aux frères et sœurs. J’aimerais que les choses aillent dans cette direction.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Forest : D’entrée de jeu, j’offre mes excuses au député Maguire et à M. Janzen, étant donné que le Canadien a battu les Jets hier soir; on essayera de faire attention pour les prochaines parties...

Monsieur Janzen, en ce qui concerne l’exonération cumulative des gains en capital, actuellement, le seuil est à 883 384 $ pour les petites entreprises, et 1 000 000 $ pour les entreprises agricoles et de pêche. Pourriez-vous nous expliquer plus précisément, à titre de comptable, le principe de l’exonération cumulative des gains en capital, pour qu’on puisse bien saisir la différence entre cela et un versement de dividendes, dont le taux d’imposition est beaucoup plus important, et ce, en vue de nos prochaines réunions avec les représentants de l’Agence du revenu du Canada?

[Traduction]

M. Janzen : Oui, par exemple, si vous venez d’utiliser 1 million de dollars pour une société agricole. Imaginez que vous bénéficiez de l’exonération des gains en capital si vous vendiez une société agricole dont le montant s’élève à 1 million de dollars — il s’agit toujours d’un gain en capital. Tant que votre société agricole est admissible, l’intégralité de cette somme sera admissible à l’exonération des gains en capital, et vous ne paierez pas d’impôt.

Soit dit en passant, vous paierez probablement une somme importante au titre de l’impôt minimum de remplacement, dont le montant peut être considérable. C’est une somme que vous récupérerez au fil des ans. Il arrive souvent qu’elle ne soit pas totalement exempte d’impôt, mais elle finira par l’être.

Il existe différentes façons de structurer ces ventes. La pire consiste à ce que votre fils crée une société et que vous, en qualité de père ou de mère, lui vendiez des actions. Tout à coup, votre gain en capital est converti en dividende par la Loi de l’impôt sur le revenu et ce dividende — j’utilise les taux du Manitoba et nous avons pratiquement les taux les plus élevés du pays — est soumis à un taux d’imposition de 45 %, et il est imposable en totalité, et non seulement à moitié, comme un gain en capital. En tant que contribuable, vous avez donc intérêt à structurer vos affaires de la meilleure façon possible. Vous devez faire en sorte qu’il s’agisse d’un gain en capital et qu’il soit admissible à l’exonération des gains en capital, ce qui est le cas si vous vendez votre exploitation à un étranger.

[Français]

Le sénateur Forest : La notion de cumulation vient du fait que, au fil des ans, plus le gain en capital augmente, plus il est considéré, c’est bien cela?

[Traduction]

M. Janzen : Oui, c’est une exonération cumulative, alors personne ne peut obtenir une exonération de plus de 1 million de dollars. Pour les petites entreprises, celles qui ne sont pas des sociétés agricoles, le montant est rajusté en fonction de l’inflation chaque année. Je crois qu’il se situe déjà à environ 860 000 $. Toutefois, comme je l’ai dit, c’est un montant cumulatif. Il ne peut être utilisé qu’une seule fois. Si une personne vend son entreprise 5 millions de dollars, un montant de 4 millions sera assujetti à l’impôt sur les gains en capital. Les gens ne s’en tirent donc pas en ne payant aucun impôt.

Le sénateur R. Black : Monsieur Janzen, je vous remercie de votre présence et de vos exemples clairs, qui ont vraiment beaucoup de sens.

Selon votre avis d’expert, dans quelle mesure la mise en œuvre du projet de loi ouvrira-t-elle la porte à d’autres pratiques d’évitement fiscal non désirées?

M. Janzen : Demandez-vous si ce projet de loi créera plus d’échappatoires dans la planification fiscale par des gens comme nous?

Le sénateur R. Black : C’est exact, merci.

M. Janzen : Nous ne voyons aucune échappatoire. C’est une réponse honnête parce que j’ai parlé avec Larry Maguire et ses collaborateurs tout au long du processus, et si nous avions vu des échappatoires potentielles, nous les aurions déjà signalées parce que, avant toute chose, nous voulons que ce projet de loi soit adopté. Le gouvernement a fait un excellent travail au cours des 30 dernières années pour éliminer les échappatoires, et ce projet de loi n’en crée pas de nouvelles. Il se pourrait que quelqu’un, quelque part, trouve quelque chose, mais de nombreux fiscalistes ont vu l’ébauche de ce projet de loi et personne n’a trouvé une échappatoire à ce jour.

Le sénateur R. Black : Je vous remercie, monsieur Janzen.

La présidente : Je vous remercie, chers collègues, d’avoir tous procédé rapidement. Je vous en suis très reconnaissante. Je vous remercie également, monsieur Janzen. C’était un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui. Nous avons eu d’excellentes questions et réponses.

Honorables sénateurs, cela met fin à notre rencontre avec ce témoin, et nous sommes prêts à passer aux trois témoins qui seront avec nous pendant la dernière heure. Nous accueillons Corinne Pohlmann, vice-présidente principale, Affaires nationales et partenariats, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante; Scott Ross, directeur exécutif adjoint, de la Fédération canadienne de l’agriculture; et Rick Williams, directeur de recherche, du Conseil canadien des pêcheurs professionnels.

Nous avons un représentant pour chacune des trois parties de cette mesure législative que nous proposons. Chacun d’eux dispose de cinq minutes pour présenter sa déclaration liminaire, et les sénateurs auront chacun quatre minutes pour poser des questions.

Madame Pohlmann, pouvez-vous commencer, s’il vous plaît? Vous avez la parole.

Corinne Pohlmann, vice-présidente principale, Affaires nationales et partenariats, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante : Je vous remercie, madame la présidente. Bonjour.

Pour ceux qui ne le savent peut-être pas, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, ou FCEI, est une organisation non partisane à but non lucratif qui représente 95 000 petites et moyennes entreprises, toutes des entreprises canadiennes indépendantes. Nos membres se trouvent dans tous les secteurs de l’économie et dans toutes les régions du pays.

La FCEI se concentre sur trois éléments : nous défendons les intérêts de nos membres en soulevant leurs problèmes auprès de tous les échelons de gouvernement; nous leur offrons de l’aide et des conseils par l’entremise de notre ligne d’assistance et notre site Web; et nous leur faisons réaliser des économies sur les produits et les services dont ils ont besoin pour gérer leur entreprise. Nous sommes aussi très orientés vers la recherche, alors nous nous appuyons sur la rétroaction que nous fournissent nos membres lors de nos sondages pour orienter notre programme d’action, et je vous en parlerai un peu aujourd’hui.

Je tiens à vous remercier de nous donner l’occasion de vous faire part de notre point de vue sur cet important projet de loi qui vise à corriger le traitement fiscal injuste dont font l’objet les propriétaires de petite entreprise qui souhaitent vendre leur entreprise à leurs enfants.

À ma connaissance — et je pense que c’est ce qu’a expliqué le témoin précédent —, lorsqu’un propriétaire d’entreprise vend son entreprise à quelqu’un non apparenté, la vente est considérée comme un gain en capital, et il peut demander une exonération cumulative des gains en capital pour maximiser l’investissement, mais lorsqu’il la vend à ses enfants, la vente est considérée comme un dividende et donc imposée à un taux plus élevé, et il ne peut obtenir l’exonération cumulative des gains en capital.

Il s’agit d’un problème soulevé depuis longtemps par la FCEI qui a appuyé les différentes moutures de ce projet de loi lors des législatures précédentes, notamment celles présentées par l’opposition libérale en 2015, puis par le NPD en 2017, et, en fait, une aussi par le Bloc québécois au même moment. L’actuel gouvernement a même soulevé la question lors des consultations pour remédier à ce problème en 2017 lorsque d’autres changements fiscaux visant les petites entreprises ont été présentés la première fois, mais ces consultations n’ont jamais abouti. Nous espérons que cette mouture proposée par les conservateurs nous mènera enfin aux changements nécessaires pour remédier à ce traitement fiscal injuste de longue date pour les petites entreprises. Comme c’est un problème qui a été soulevé au fil des ans par tous les partis politiques, nous considérons qu’il bénéficie clairement d’appuis au sein de tous les partis.

J’aimerais toutefois commencer par vous expliquer pourquoi cela est si important à l’heure actuelle. Je vais faire référence à des graphiques qui font partie des diapositives que j’ai fait parvenir à la greffière avant mon exposé pour que vous puissiez les voir et suivre avec moi. Sur la diapositive 3, vous voyez essentiellement des données qui ont été recueillies en 2018. Nous nous sommes penchés sur la relève pour mieux comprendre les projets des propriétaires de petite entreprise à ce moment. Nous avons appris que 72 % des propriétaires prévoient céder leur entreprise au cours des 10 prochaines années, ce qui représente un transfert d’actifs d’environ 1,5 billion de dollars d’une génération à la suivante.

Sur la diapositive 4, vous pouvez voir que la plupart des propriétaires de petite entreprise — 81 % — prévoyaient céder leur entreprise pour prendre leur retraite, et que seulement 1 sur 10 prévoyait démarrer une autre entreprise. Il s’agit d’une information importante parce que la plupart des propriétaires de petite entreprise comptent sur le produit de la vente pour financer leur retraite, la raison étant que ces propriétaires n’ont pas de régime de pension. Comme ils sont nombreux à se payer en dividendes, ils peuvent aussi avoir peu de REER. C’est donc souvent le produit de la vente de leur entreprise qui constitue leur plan de retraite et c’est pourquoi il est important pour eux d’en tirer le plus possible pour leur permettre d’avoir une retraite décente.

Sur la diapositive 5, vous voyez que près de 1 propriétaire sur 2 espère vendre son entreprise à un acheteur non apparenté, mais que 1 sur 4 souhaite la vendre à ses enfants. Le projet de loi C-208 aiderait ces propriétaires à faire en sorte que leur entreprise reste dans la famille et qu’ils obtiennent les ressources dont ils ont besoin pour prendre une retraite confortable.

J’aimerais souligner rapidement quelques autres éléments importants tirés de ce rapport de 2018 qui pourraient vous intéresser. Nous avons appris que la moitié des propriétaires de petite entreprise n’ont pas de plan de relève, et que parmi ceux qui en ont un, ce plan est souvent informel et sans doute moins bien préparé qu’il le devrait.

C’est important, parce qu’en ayant un plan de relève, ils augmentent leur chance que la transition se passe bien, et c’est un élément que nous encourageons. Toutefois, plus ils sont près du moment de céder leur entreprise — et c’est la bonne nouvelle —, plus ils sont susceptibles d’avoir un plan formel, mais même dans ce cas, la majorité a un plan informel. Nous travaillons très fort pour offrir à nos membres des façons de leur simplifier la vie pour préparer ces plans et les mettre par écrit, afin que le plan pour l’entreprise soit clair pour toutes les parties concernées. Nous avons une page pivot qui contient de l’information, des directives et des outils pour que nos membres puissent le faire.

Au bout du compte, toutefois, comme vous pouvez le voir sur la diapositive 8 si vous avez la présentation devant vous, ce qui constitue le plus gros obstacle pour eux, c’est de trouver un acheteur qui convient, et vient ensuite la façon de bien déterminer la valeur de leur entreprise. Trouver un acheteur étant l’obstacle le plus important pour eux, nous voulons nous assurer qu’ils disposent de beaucoup de bonnes options. Nous voulons nous assurer qu’ils ont aussi la possibilité de vendre leur entreprise à leurs enfants. Comme ils sont nombreux à vouloir le faire, nous croyons qu’ils ne devraient pas être traités différemment de ceux qui veulent la vendre à un tiers.

C’est pourquoi nos membres appuient fermement l’idée voulant que ceux qui veulent transférer leur petite entreprise à leurs enfants bénéficient des mêmes avantages fiscaux que ceux qui veulent la transférer à un tiers. On peut le voir clairement sur la diapositive 9 : 78 % sont en faveur d’un traitement fiscal équitable.

Le projet de loi C-208 permettra enfin de remédier à l’iniquité fiscale de longue date qui fait en sorte que les propriétaires de petite entreprise doivent payer plus d’impôt s’ils souhaitent vendre leur entreprise à leurs enfants plutôt qu’à un tiers. Ce changement fiscal se fait attendre depuis très longtemps. Remédier à cette iniquité en adoptant ce projet de loi rapidement serait une bonne nouvelle qui tomberait bien dans une année où tant de propriétaires de petite entreprise ont connu leur lot de difficultés. Nous aimerions de plus que l’exonération cumulative des gains en capital soit simplifiée et sa portée élargie pour inclure à tout le moins certains actifs — elle ne s’applique actuellement qu’aux actions d’une entreprise — et que le montant soit porté à un million de dollars pour toutes les petites entreprises, et pas seulement pour les pêcheurs et les agriculteurs.

Je vous remercie de votre attention, et je serai heureuse de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie de votre exposé. Je vais maintenant céder la parole à Scott Ross et lui demander de nous présenter sa déclaration liminaire.

Scott Ross, directeur exécutif adjoint, Fédération canadienne de l’agriculture : Je vous remercie, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du comité, de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Je m’appelle Scott Ross et je suis directeur exécutif adjoint à la Fédération canadienne de l’agriculture, ou FCA. Nous sommes la plus grande organisation agricole générale du Canada et représentons près de 200 000 familles agricoles canadiennes d’un océan à l’autre. J’aimerais commencer par remercier le comité d’avoir invité la FCA à prendre la parole au sujet du projet de loi C-208, car faciliter le transfert d’une ferme familiale est d’une importance cruciale pour la FCA et ses membres.

L’agriculture est une activité à forte concentration de capitaux, et la planification de la relève est indispensable à un secteur où des dizaines de milliards de dollars d’actifs seront transférés à la prochaine génération au cours de la présente décennie uniquement. La COVID-19 a eu des répercussions profondes sur le Canada et sur les perspectives économiques mondiales. L’agriculture canadienne n’y échappe pas, mais le secteur est bien placé pour être le moteur de la relance économique du pays. Toutefois, la moyenne d’âge des agriculteurs canadiens dépasse maintenant 55 ans et les possibilités qui s’offrent à eux s’étendent à la prochaine génération.

Comme il s’agit d’un secteur où la vaste majorité des entreprises demeurent la propriété d’un membre de la famille, il est essentiel d’assurer la santé financière de ces entreprises d’une génération à l’autre. C’est aussi dans l’intérêt de tous les Canadiens puisque des études ont démontré que les entreprises agricoles familiales favorisent la croissance durable, une saine gestion de l’environnement et un accroissement des dépenses au sein de la communauté, sans compter leur apport au tissu social du Canada rural.

Au sujet du projet de loi C-208, je commencerai par souligner que je ne suis pas un expert en fiscalité. Cependant, en 2012, j’ai appuyé un comité sur la fiscalité à la FCA, composé de fiscalistes et de dirigeants agricoles de partout au Canada, dont le mandat était de recenser et d’examiner les problèmes fiscaux les plus importants auxquels font face les agriculteurs canadiens. L’effet dissuasif de l’article 84.1 sur les transferts d’exploitation agricole familiale — sur lequel porte principalement le projet de loi C-208 — a été recensé comme une priorité par ce comité et est au centre des efforts de la FCA depuis lors.

De plus, lors de l’assemblée générale annuelle de la FCA cette année, les dirigeants agricoles de tout le Canada ont adopté une résolution pour exhorter le Parlement à appuyer l’adoption du projet de loi C-208 avant les prochaines élections fédérales, en en faisant une priorité pour les agriculteurs canadiens.

En termes simples, le libellé actuel de la Loi de l’impôt sur le revenu pénalise un agriculteur qui choisit de transférer son entreprise agricole à un membre de sa famille plutôt qu’à un tiers anonyme. Lorsqu’un agriculteur qui prend sa retraite vend son entreprise à ses enfants, il risque de payer beaucoup plus d’impôts que s’il la vend à un étranger. Cette différence de traitement peut se chiffrer en centaines de milliers de dollars. Cela se traduit par une baisse de productivité, un risque financier accru et des possibilités perdues à un moment où le secteur présente un immense potentiel de croissance.

Il existe plus de 43 000 entreprises agricoles familiales au Canada, qui exploitent plus de 50 millions d’acres de terre. Si leur transfert se faisait au sein de la famille, chacune d’elles serait désavantagée et ferait face à ce fardeau fiscal indu.

La FCA appuie le projet de loi C-208 parce qu’il garantit essentiellement que les gains en capital seront traités de la même manière lors d’un transfert familial réel que lors d’une vente à un tiers non apparenté, et non pas que la différence sera considérée comme un dividende imposé à un taux plus élevé et sans droit à l’exonération cumulative des gains en capital.

La FCA appuie les mesures de protection prévues dans le projet de loi C-208 pour empêcher le dépouillement des surplus en s’assurant qu’une véritable transaction a eu lieu. Par exemple, si les actions sont vendues par l’enfant dans les cinq ans suivant leur acquisition, la transaction est réputée avoir porté sur des dividendes et l’impôt sera exigé rétroactivement.

Nous ne cherchons pas à obtenir un traitement préférentiel pour les fermes familiales, mais plutôt à faire en sorte que la Loi de l’impôt sur le revenu reconnaisse les véritables transferts d’entreprise intergénérationnels et les traite en conséquence.

En conclusion, j’aimerais remercier les membres du comité pour le temps qu’ils nous ont accordé et souligner que la FCA sollicite votre appui pour l’adoption rapide du projet de loi C-208 puisqu’il en est à sa troisième mouture et qu’il a été présenté à la Chambre des communes par trois partis différents. Il a reçu un appui multipartite en troisième lecture et est maintenant rendu plus loin que toutes ses moutures précédentes. La possibilité d’éliminer cet obstacle de longue date au transfert intergénérationnel des exploitations agricoles familiales n’a jamais été autant à notre portée.

Je vous remercie et je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie de votre exposé, monsieur Ross. Nous allons passer à M. Williams. Vous avez la parole.

M. Rick Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels : Je vous remercie, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du comité, de votre invitation à témoigner.

Dans la foulée de la nouvelle Loi sur les pêches — le projet de loi C-68 en 2019 — et de ses nouveaux règlements en 2020 pour soutenir les pêches de l’Atlantique, le ministère des Pêches et des Océans a récemment pris un engagement historique pour assurer la viabilité des pêches commerciales sur la côte Est, une industrie composée de petites entreprises indépendantes et communautaires. La citation suivante est tirée de la publication du nouveau règlement dans la Gazette du Canada :

La pêche demeure l’une des principales industries des régions rurales côtières de l’Est du Canada, générant environ 1,7 milliard de dollars en valeur au débarquement (flottes côtières seulement) en 2017 et soutenant de nombreuses communautés dépendantes de la pêche.

Au Canada atlantique et au Québec, l’industrie de la pêche emploie plus de 59 000 pêcheurs et travailleurs de la transformation du poisson. L’objectif stratégique du gouvernement du Canada est que la richesse reste entre les mains des personnes qui pêchent activement et que la richesse accumulée soit réinvestie et dépensée dans les communautés côtières plutôt que d’être concentrée entre les mains de quelques riches sociétés dans les grands centres urbains.

Pour mener à bien cette politique, trois éléments sont requis : des stocks de poissons commerciaux en santé, le développement continu de marchés mondiaux de produits de la mer et l’accès à ces marchés, ainsi que la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée et d’une nouvelle génération d’exploitants propriétaires d’entreprises. Après les 18 mois chaotiques que nous venons de vivre, nous serions tous d’accord pour dire que rien n’est certain, mais je dirais que les deux premières de ces exigences sont largement maîtrisées pour les 25 prochaines années.

La gestion écosystémique et l’application de limites de prises durables pour la plupart des stocks de poissons commercialement importants progressent bien, même si le changement climatique constitue une menace imminente. La résilience des marchés des produits de la mer a été mise à rude épreuve par la pandémie mondiale, mais l’industrie a bien survécu, et cette année, elle établira de nouveaux records en matière de recettes d’exportation. Le fait que, dans les limites d’une exploitation durable, l’approvisionnement en produits de la mer sauvages soit plus ou moins fixe, face à une demande mondiale en croissance rapide, signifie que l’avenir économique de la pêche est prometteur.

Je soutiens que le troisième facteur représente la menace la plus sérieuse et la plus immédiate pour la viabilité de base et la durabilité économique de la pêche commerciale. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le récent rapport intitulé The Big Reset qu’a publié la Newfoundland and Labrador Economic Recovery Team, qui est présidée par Dame Moya Greene. Le rapport affirme que les réalités démographiques vont bientôt nous forcer à réduire radicalement la pêche et que les grandes entreprises vont reprendre les quotas des petites entreprises défaillantes. Le rapport tient pour acquis qu’il n’y a pas assez de personnes dans les communautés rurales de Terre-Neuve-et-Labrador pour soutenir le type de pêche que la nouvelle politique et les nouveaux règlements du MPO visent à perpétuer dans l’avenir.

Autres faits saillants : pour 100 travailleurs ayant atteint l’âge de la retraite dans les collectivités rurales du Canada atlantique, il n’y a que 50 à 65 jeunes qui entrent sur le marché du travail dans les différentes provinces. De 40 à 50 % des emplois ne seront pas dotés si nous ne prenons des mesures extraordinaires pour attirer et maintenir en poste de nouveaux travailleurs de l’extérieur. En 2018, l’âge moyen des pêcheurs, des capitaines et des membres d’équipage en activité au Canada s’élevait à 47 ans. En l’an 2000, 14 % des pêcheurs actifs étaient âgés de 54 ans, c’est-à-dire qu’ils avaient atteint l’âge de la retraite. En 2018, 36 % d’entre eux étaient âgés de plus de 54 ans et étaient prêts à prendre leur retraite. Selon des estimations prudentes, 40 % des propriétaires d’entreprises de pêche auront dépassé l’âge traditionnel de la retraite et chercheront des acheteurs pour pouvoir quitter le secteur d’ici 2025. L’essor de l’économie de la pêche — dont les revenus de la pêche après inflation connaissent une croissance de 75 % et dont la valeur des débarquements après inflation a enregistré une croissance de 80 % de 2010 à 2018 — signifie que la juste valeur marchande des entreprises de pêche ne cesse d’augmenter.

La relève intergénérationnelle et le renouvellement de la main‑d’œuvre représentent des défis de taille dans le secteur de la pêche qui menacent la viabilité des flottes des propriétaires exploitants et des communautés côtières qui en dépendent. Il sera nécessaire d’avoir recours à un large éventail d’interventions en matière de politiques et de programmes et notamment d’avoir accès à des renseignements sur le marché du travail pour faire la promotion des carrières, pour mettre en œuvre des programmes de formation, pour favoriser l’immigration internationale, pour offrir des incitations financières, et cetera.

Si les économies d’impôt mentionnées dans le projet de loi C-208 deviennent une réalité pour les entreprises de pêche, cela les aidera considérablement à relever ces défis de trois façons importantes. La facilitation d’un plus grand nombre de transferts intergénérationnels au sein des familles contribuera à conserver les jeunes dans l’industrie et dans les communautés rurales côtières. Une certaine réduction de la pression à la hausse exercée sur les entreprises se produira en raison des répercussions fiscales après la retraite et de revenus nets pour les vendeurs. Les mesures fiscales qui rendent les transferts au sein des familles plus attrayants et financièrement avantageux peuvent réduire les cas de rachat d’entreprises de pêche par des sociétés.

Pendant la courte période que j’ai eue depuis hier pour recueillir des commentaires sur cette question, je crois avoir compris que les dirigeants et les organisations de pêcheurs sont grandement favorables à cette mesure législative. Merci beaucoup.

La présidente : Merci, monsieur Williams.

Sénateurs, vous venez d’entendre trois excellents exposés. Vous disposez maintenant de quatre minutes chacun pour poser des questions. Si vous n’avez pas besoin de tout ce temps, nous aurons l’occasion de procéder à une deuxième série de questions pour ceux qui auraient des questions plus longues à poser. En gardant cela à l’esprit, je vais céder la parole à ceux qui ont des questions à poser, en commençant par les vice-présidents.

Le sénateur Oh : Je remercie les membres du groupe de témoins de leurs excellents exposés.

La question que j’adresse à tous les témoins est la suivante : qui, au sein de l’industrie, bénéficiera de la loi modifiée, les petites ou les grandes entreprises? Quel genre d’amendements cherchez-vous à apporter au projet de loi C-208? Votre fédération ou votre association a-t-elle besoin que des modifications soient apportées pour améliorer le projet de loi C-208?

Mme Pohlmann : Assurément. Si vous avez été en mesure de prendre connaissance de notre rapport qui a été distribué aux membres du comité, vous savez que les petites entreprises manifestent beaucoup d’intérêt à l’égard du projet de loi. Je dirais, en me basant sur nos propres recherches, que ce sont les petites entreprises qui en profiteront le plus. Elles sont plus susceptibles de vouloir vendre ou transférer une entreprise à leurs enfants.

Ces propriétaires en profiteront aussi davantage parce que, comme je l’ai mentionné, pour bon nombre d’entre eux, c’est le produit de la vente de leur entreprise qui les aidera réellement à prendre leur retraite. Le fait de pouvoir tirer le maximum de la valeur de leur entreprise leur permettra d’avoir une retraite plus confortable et de ne pas être forcés de continuer à travailler jusqu’à un âge avancé. Il s’agit donc d’une ressource importante à cet égard.

Le projet de loi est extrêmement populaire, surtout parmi nos membres. Nous avons également des membres qui font partie des industries de la pêche et de l’agriculture, et ils sont particulièrement aux prises avec ce problème. La mesure législative revêt aussi d’une grande importance pour de nombreuses autres entreprises partout au Canada, dont 25 % des propriétaires veulent vendre leur entreprise à leurs enfants.

Quant aux amendements, ils sont attendus depuis longtemps. Nous avons franchi de nombreuses étapes auparavant. Comme nous l’avons mentionné, c’est la troisième fois au cours des six dernières années que nous sommes témoins de l’étude d’un projet de loi d’initiative parlementaire à cet égard. À ce stade, nous voulons simplement qu’une mesure aille de l’avant afin qu’elle permette à certaines entreprises de commencer à utiliser ce traitement fiscal particulier, étant donné qu’un grand nombre d’entreprises prévoient de mettre fin à leurs activités au cours des 8 à 10 prochaines années, disons.

Il y a certains problèmes liés au fait que ce traitement fiscal n’est pas disponible une fois que l’entreprise atteint une valeur de 10 millions de dollars de capital imposable — ou qu’elle commence au moins à perdre cet accès, qui disparaît complètement lorsque sa valeur atteint 15 millions de dollars. Il serait bon de relever un peu ce seuil, car bon nombre de petites entreprises réaliseront des gains en capital imposable si elles vendent de la machinerie lourde, par exemple. Mais comme ce sont toujours de petites entreprises, elles ne pourront peut-être pas y avoir accès.

Par conséquent, des détails de ce genre pourraient certainement améliorer le projet de loi. Mais à ce stade, nous aimerions qu’une mesure législative aille de l’avant et soit adoptée, car il s’agit d’une mesure tellement importante que nous ne voulons pas qu’un amendement ralentisse son adoption. Pour l’instant, c’est ce que nous pensons du projet de loi.

Le sénateur Oh : Merci. Monsieur Ross, avez-vous quelque chose à dire?

M. Ross : Oui, je me fais l’écho d’une grande partie des propos de Mme Pohlmann.

De plus, de notre point de vue, lorsque nous parlons de la taille des entreprises touchées, l’expression « société agricole » est souvent utilisée de manière assez vague. Il est important de noter qu’environ 25 % des exploitations agricoles canadiennes sont actuellement constituées en société et que ce chiffre est en hausse. Mais il s’agit principalement d’entreprises familiales. Près de 98 % des exploitations agricoles canadiennes sont des entreprises familiales. Les exploitations agricoles qui se constituent en société le font pour diverses raisons, qu’il s’agisse de questions fiscales ou de questions de responsabilité.

Nous constatons que la taille des exploitations agricoles augmente au fil du temps et qu’elles font vivre plusieurs familles. À bien des égards, les structures d’entreprise contribuent également à ce phénomène.

Il est important de noter que les exploitations agricoles constituées en société sont encore principalement des petites et moyennes entreprises dirigées par des familles canadiennes. Nous considérons qu’il s’agit d’une mesure législative très importante pour toutes ces exploitations agricoles constituées en société.

Je me fais l’écho du sentiment qu’il s’agit de la troisième itération de ce projet de loi. Nous avons mené de nombreuses consultations à son sujet, tant auprès de nos membres agriculteurs que des fiscalistes. Bien qu’il y ait toujours d’autres dispositions fiscales que nous aimerions voir figurer dans le projet de loi — je pense qu’un témoin a mentionné tout à l’heure le désir de voir les relations familiales élargies dans le cadre d’une mesure comme celle-ci —, nous souhaiterions certainement que certaines des dispositions de transfert en franchise d’impôt dans le domaine de l’agriculture soient étendues à un plus grand nombre de membres de la famille. Mais je considère qu’il s’agit d’une discussion distincte qu’il serait préférable d’avoir un autre jour, et je vous fais observer que nos membres souhaitent vraiment voir le projet de loi progresser dans sa forme actuelle.

Nous voyons que des dispositions solides ont été mises en place pour nous prémunir contre l’évasion fiscale et qu’en dehors des seuils qui ont été mentionnés précédemment, nous observons une vaste admissibilité dont les propriétaires d’exploitations familiales pourront tirer profit de pour contribuer à faciliter les transferts d’exploitations familiales, ce qui sera essentiel pour la santé financière de ceux qui prennent leur retraite et aussi pour les nouvelles générations qui arrivent et commencent à gérer leurs entreprises, alors qu’ils remarquent les nombreux débouchés offerts à notre secteur.

Le sénateur C. Deacon : Je remercie nos témoins de leur participation. Leurs exposés étaient excellents. J’adresse ma question surtout à Mme Pohlmann. C’est un plaisir de vous revoir. Je vous remercie de tout le travail que vous réalisez, et je tiens à vous dire que j’ai beaucoup aimé votre rapport.

Je veux m’appuyer sur l’une des questions posées par la sénatrice Mégie au cours de l’heure précédente, qui visait simplement à essayer de découvrir les raisons de la réticence du ministère des Finances du Canada à l’égard de cette question d’équité, en ce qui me concerne, en matière d’évaluation. Nous voyons de plus en plus de petites entreprises — certainement dans le monde dans lequel j’ai passé beaucoup de temps — qui reposent sur des biens intangibles et qui sont principalement des entreprises numériques. Les exploitations agricoles et de pêche sont des entreprises très tangibles. Mais à mesure que nous évoluons vers de petites entreprises fondées sur des biens intangibles, la question de l’évaluation de l’entreprise devient très complexe. J’en suis personnellement conscient, car j’ai vécu cette situation.

Étant donné qu’il s’agit de l’un des principaux obstacles à la relève agricole et qu’il s’agit de l’un des points de pression du ministère des Finances du Canada à l’égard du projet de loi, avez-vous examiné cette question et la façon dont le projet de loi est structuré, afin de vous assurer qu’une évaluation équitable est en place — que des évaluations défendables sont en place — pour les entreprises qui sont fondées sur des biens intangibles, comparativement à d’autres exploitations?

Mme Pohlmann : Merci, sénateur Deacon.

Je ne sais pas si j’ai une bonne réponse à vous donner. Il s’agit d’un problème croissant. Comme vous l’avez constaté dans les recherches que nous avons menées, l’évaluation d’une entreprise est le deuxième plus grand défi à relever après avoir trouvé un successeur adéquat. C’est un problème que nous nous sommes efforcés de résoudre. Il ne fait aucun doute qu’à mesure que certaines de ces petites entreprises deviendront plus innovantes et feront les choses différemment, cela deviendra un problème plus difficile à résoudre.

Je précise encore une fois que je ne suis pas sûre que ce soit une bonne raison d’empêcher l’adoption d’un projet de loi comme celui-ci, cette raison étant que certains secteurs dans certaines régions pourraient avoir plus de difficultés à évaluer l’entreprise. Nous devons trouver des moyens de mieux évaluer les entreprises dont la valeur pourrait être liée à une marque de commerce, un droit d’auteur, une propriété intellectuelle ou quelque chose de ce genre.

Toutefois, la grande majorité des entreprises ne font probablement pas encore partie de cette catégorie. Par conséquent, ce n’est pas une raison pour laquelle ce projet de loi devrait être retardé. Nous pouvons nous concentrer sur les moyens de déterminer comment on peut évaluer un peu différemment ces entreprises qui ne possèdent peut-être pas autant d’éléments tangibles.

Voilà mes premières réflexions sur la question. Il est clair qu’il y a encore du travail à faire pour s’occuper de ce groupe, mais cela ne devrait pas empêcher l’adoption du projet de loi, étant donné qu’il s’agit d’un problème qui existe depuis longtemps.

Le sénateur C. Deacon : Merci.

Le sénateur R. Black : Je remercie nos témoins de leurs exposés. J’adresse ma première question à M. Ross. Monsieur Ross, je suis heureux de vous revoir.

Vous avez souligné qu’il y a 43 000 sociétés agricoles familiales à l’échelle nationale. En moyenne, combien de transferts intergénérationnels de sociétés agricoles familiales qualifiées de petites entreprises ont lieu chaque année? Pouvez‑vous donner au comité un aperçu de la façon dont ces transactions sont généralement structurées et de l’incidence qu’elles ont sur les familles qui dirigent les exploitations ou qui participent à leurs activités?

M. Ross : Je ne connais pas par cœur le nombre exact de transitions qui se produisent chaque année. Cependant, nous constatons que ce taux varie énormément, notamment en raison de l’évolution démographique. Nous nous attendons à ce que les transferts vers la génération suivante augmentent, en particulier au cours de la prochaine décennie. Étant donné que l’âge moyen des propriétaires d’exploitations agricoles familiales dépasse maintenant 55 ans, nous prévoyons qu’au cours de la prochaine décennie, plus de 50 milliards de dollars d’actifs agricoles seront transférés.

Un quart des exploitations agricoles sont constituées en société, et ce nombre ne cesse d’augmenter. En général, il ne s’agit pas de grandes entreprises, mais plutôt de grandes exploitations agricoles qui, comme je l’ai dit, font souvent vivre plusieurs familles. De ce fait, vous pouvez voir que nous parlons d’une quantité importante d’actifs qui changent de mains, étant donné que le capital moyen d’une exploitation agricole dépasse maintenant 2 millions de dollars.

Lorsque nous parlons d’exploitations familiales constituées en société, le résultat escompté consiste à maintenir la santé financière de l’exploitation au profit de la prochaine génération et à veiller à ce que l’agriculteur qui prend sa retraite puisse la prendre dans des conditions financièrement viables. Pour ce faire, cet agriculteur compte principalement sur le produit de cette transaction.

Ce qui se produit souvent — et je suis loin d’être un expert en fiscalité —, c’est qu’une corporation de portefeuille est créée pour atténuer les problèmes de liquidités qui se présentent. Ainsi, des actions de l’entreprise sont vendues à une société de portefeuille qui appartient à la prochaine génération, ce qui permet un transfert harmonieux des actifs d’une génération à l’autre. Grâce aux dispositions du projet de loi, la génération suivante pourra bénéficier de l’exonération cumulative des gains en capital, en plus de l’allégement du fardeau fiscal associé aux taux d’imposition des gains en capital par rapport à ceux des dividendes.

Nous avons vu des exemples de ferme modèle où plus de 300 000 $ supplémentaires étaient imposés à un membre de la famille recevant la ferme par rapport à un tiers anonyme. Nous trouvons cette mesure dissuasive très problématique. Il y a tellement de raisons pour lesquelles l’agriculture familiale est essentielle au paysage agricole et à l’économie du Canada.

Le sénateur R. Black : Je vous remercie infiniment, monsieur Ross.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci, sénateur Black, de me laisser le reste de votre temps de parole. J’en aurai besoin.

Ma première question s’adresse à Mme Pohlmann; j’apprécierais une réponse brève. Est-ce que la fédération a évalué les mesures fiscales en vigueur dans d’autres pays en ce qui a trait au transfert des petites et moyennes entreprises à la famille ou à des étrangers?

Si c’est le cas, serait-il possible de faire parvenir cette analyse à la greffière du comité?

[Traduction]

Mme Pohlmann : Non, nous n’avons pas réalisé ce genre d’analyse.

[Français]

Le sénateur Forest : Parmi les autres témoins, est-ce qu’une telle analyse comparative a pu être faite entre les législations quant aux règles des agences du revenu d’autres pays?

[Traduction]

M. Ross : La Fédération canadienne de l’agriculture ne l’a pas fait.

M. Williams : Non.

[Français]

Le sénateur Forest : Cette analyse serait intéressante à faire, éventuellement.

Monsieur Ross, un des problèmes qu’on vit d’une façon assez marquée chez nous, et probablement dans les autres régions du Canada, c’est que souvent, pour l’agriculteur, l’environnement fiscal est tellement pénalisant s’il veut transférer son entreprise à ses enfants qu’il procède à un démantèlement de son entreprise agricole — il vend ses quotas de lait, son équipement, sa ferme —, et on assiste à une diminution du nombre d’entreprises agricoles dans nos petites communautés. Ce problème se voit aussi dans le secteur des pêches lorsqu’un pêcheur doit vendre ses quotas.

Est-ce que vous avez des statistiques sur le nombre d’entreprises agricoles qui, au lieu d’être transférées à des étrangers ou à la famille, ont été carrément démantelées?

Plusieurs exemples me viennent à l’esprit, mais est-ce que vous avez des statistiques sur ce phénomène, à l’échelle du Canada?

[Traduction]

M. Ross : Il est très difficile d’analyser les facteurs qui entraînent les regroupements des fermes ou leur démantèlement. Ce que nous constatons, c’est qu’à chaque cycle du recensement, nous perdons environ 5 000 fermes, tandis que la taille moyenne des exploitations augmente généralement. Le plus souvent, en raison des obstacles dont nous parlons ayant trait à la planification de la relève de ces petites entreprises, il est de plus en plus difficile de passer une entreprise de petite taille à la génération suivante, ce qui favorise la consolidation dans une certaine mesure. Ce n’est pas nécessairement un problème, loin de là. Il y a des économies d’échelle à réaliser et diverses raisons pour lesquelles les exploitations agricoles augmentent en taille. En revanche, il est certain que les obstacles fiscaux au transfert en douceur des exploitations touchent de façon disproportionnée les petites entreprises qui sont constituées en société. Il est difficile de poursuivre les opérations à cette échelle.

[Français]

Le sénateur Forest : L’impact est visible en ce qui concerne l’activité agricole, mais aussi dans nos communautés. On perd des familles, on perd des jeunes dans les écoles parce que la ferme est démantelée; il n’y a plus d’activité agricole.

Dans les petites communautés, cela peut avoir un impact considérable sur la survie de la communauté — tellement considérable que l’on doit créer un environnement fiscal qui favoriserait le transfert de ces petites entreprises agricoles.

Encore une fois, on vit la même chose dans le secteur des pêches.

[Traduction]

La sénatrice Hartling : Je remercie les témoins. Il est très intéressant d’entendre différents témoignages sur ces enjeux. J’ai beaucoup songé à la pandémie, à la sécurité alimentaire et à d’autres enjeux semblables. Je me demande si le projet de loi tombe à point nommé à cet égard. Au Nouveau-Brunswick, bien des gens reviennent s’installer dans la province, et surtout des familles. Je me demande ce que vous en pensez et si vous avez fait des recherches sur le sujet. Croyez-vous que la tendance incitera des membres de la famille à s’impliquer dans l’entreprise familiale? Le projet de loi facilitera-t-il ce transfert?

M. Ross : Oui. Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Nous remarquons effectivement qu’il y a une occasion unique en ce moment en raison de la COVID. L’exode des centres urbains vers les milieux ruraux est essentiel pour dynamiser certains milieux aux prises avec une stagnation de la population. Nous voyons le projet de loi comme une occasion de réparer le tissu social des localités rurales et de veiller à ce que les petites entreprises aient une foule de possibilités.

Un des défis que nous avons remarqué plus particulièrement au cours des 10 à 15 dernières années est la rétention de la prochaine génération dans ces régions. Notre secteur offre un avantage unique en portant une attention supplémentaire à la qualité de vie en milieu rural. Avec les possibilités de croissance économique dans notre secteur, je pense que ce projet de loi arriverait à point nommé et stimulerait certainement la santé financière du secteur pour la prochaine génération.

M. Williams : La question est fort intéressante. Les chefs de file de notre secteur estiment bel et bien qu’un tel changement fait partie des nombreuses choses à accomplir, en plus d’être utile et important. Ce que j’entends actuellement de la bouche des dirigeants du secteur, c’est que toutes les entreprises de pêche qui sont mises en vente trouvent des acheteurs. Le véritable problème consiste à recruter de nouveaux membres d’équipage et de nouveaux travailleurs. Le retour des gens dans les collectivités rurales comme le Nouveau-Brunswick a eu une incidence sur la présence d’acheteurs d’entreprises — des gens qui veulent se lancer dans une entreprise prospère. En revanche, l’exode n’a peut-être pas permis de rétablir la main-d’œuvre de base. Le paradoxe, c’est que les jeunes qui envisagent une carrière et qui voient la valeur croissante des entreprises de pêche doivent savoir qu’il existe un moyen de devenir propriétaires-exploitants. Ce genre de mesures fiscales, d’incitatifs et de soutiens seront extrêmement importants à cet égard.

Mme Pohlmann : Je voulais ajouter que nous avons constaté une chose dans le cadre de nos travaux sur la pandémie. Une de ses répercussions considérables parmi tant d’autres, c’est que bon nombre de gens qui voulaient prendre leur retraite d’ici cinq ou six ans doivent maintenant repousser leur projet en raison évidemment de l’évaluation de l’entreprise, de l’incertitude afférente et des dettes qu’ils n’avaient pas auparavant. Le projet de loi pourrait contribuer à accélérer les choses jusqu’à ce qu’ils atteignent le niveau souhaité. Ils pourront ainsi transmettre l’entreprise à leurs enfants comme ils l’avaient prévu, peut-être rembourser une partie de leur dette ou d’autres choses, et avoir l’argent dont ils ont besoin de sorte que l’entreprise puisse passer aux mains de leurs enfants. C’est un élément fondamental que je voulais ajouter.

La sénatrice Hartling : Je vous remercie.

Le sénateur Mercer : Je remercie les témoins d’être ici. Je n’ai pas de véritable question, mais plutôt une remarque. La question du sénateur Forest à propos des données est fort importante lorsque nous envisageons l’effet qu’aura l’adoption du projet de loi. Plus tard, lorsque nous siégerons ici dans cinq ans, nous aurons enfin des données, car nous savons que le ministère tiendra des registres de ceux qui ont bénéficié de cette mesure. Ces données seront-elles suffisantes à l’avenir? Il semble que nous perdons une ferme par jour au Québec, et nous ignorons ce qu’elle devient.

En fait, ce n’est pas la ferme qui disparaît, mais bien sa propriété. Aurons-nous suffisamment de données à l’avenir pour nous aider à mieux planifier?

La présidente : Voulez-vous commencer, madame Pohlmann?

Mme Pohlmann : C’est ce que j’espère. Je pense que toute mesure fiscale comportera toujours un certain risque. Ce que j’aime connaître, c’est l’ampleur de ce risque, mais nous devons également pouvoir observer, comptabiliser et surveiller les bienfaits. Combien d’entreprises ont été sauvées? Combien sont restées dans la famille? Alors que nous recueillons des données à ce sujet, je veux m’assurer que nous ne nous limitions pas à repérer les abus — je pense que le projet de loi comporte beaucoup de mises en garde pour l’éviter autant que possible. Il faut également surveiller les avantages que les dispositions apportent à l’économie, aux entreprises et aux collectivités où elles ont pu poursuivre leurs activités d’une manière qui n’aurait peut-être pas été possible si la mesure n’avait pas été en place.

La présidente : Monsieur Williams.

M. Williams : Je n’ai pas fait d’études internationales sur la législation fiscale ou les mesures fiscales. J’ai étudié dans quelle mesure différents pays — les grands pays de pêche concurrents du Canada, comme les États-Unis, l’Islande, la Norvège et les autres — ont des stratégies globales pour reconstituer la main‑d’œuvre et soutenir la relève intergénérationnelle. Parmi les grands pays de pêche, le Canada est presque le seul à ne pas avoir de stratégie dans ce secteur. Il n’y a pas d’organisme principal qui prend les rênes dans ce domaine. Dans le secteur de l’agriculture, la Commission canadienne du prêt agricole — maintenant connue sous le nom de Financement agricole Canada — et d’autres programmes d’Agriculture Canada sont très actifs pour soutenir la relève. Toutefois, je tiens à signaler que du côté des pêches, il s’agit d’une véritable lacune à laquelle il faut remédier.

La présidente : Je vous remercie.

Monsieur Ross, avez-vous une remarque à faire en réponse à la question?

M. Ross : Je me ferais l’écho des préoccupations de M. Williams concernant la main-d’œuvre. J’aimerais également souligner que ce projet de loi prévoit la signature d’un affidavit à l’intention de l’ARC pour ces transactions, ce qui permettrait de mieux voir et surveiller ce qui se passe dans le secteur. Nous aurions alors une meilleure compréhension des activités de transfert de fermes familiales.

Le sénateur Mercer : Merci aux témoins. Je vous demande pardon. Je dois me rendre à une autre réunion sous peu. Il se peut que je ne sois pas là au prochain tour.

La présidente : Merci de votre participation et de nous avoir prévenus de votre départ.

La sénatrice Petitclerc : Merci à nos témoins pour leurs remarques préliminaires et leurs réponses. Dans le premier panel, nous avons eu le parrain du projet de loi, le député Maguire, qui a mentionné que si le projet de loi était adopté, il pourrait avoir un impact sur la participation des femmes dans les petites entreprises et l’industrie agricole. Lorsque je regarde ces chiffres, je constate que seulement 16 % des petites et moyennes entreprises et seulement 29 % des exploitations agricoles familiales sont détenues majoritairement par des femmes.

Je veux entendre l’avis de chacun d’entre vous à ce sujet. Pensez-vous qu’un tel projet de loi aura un impact sur la participation des femmes qui sont clairement non représentées? Je ne sais pas qui veut commencer. Peut-être voulez-vous aborder cette question, madame Pohlmann?

Mme Pohlmann : Je pense que c’est une question intéressante. Je n’ai pas de preuves ou de données qui permettent de dire si c’est le cas ou non. Cependant, j’imagine que cela aiderait probablement à encourager davantage la transition vers les filles de la famille par rapport à ce qui se fait actuellement. Je n’ose pas me prononcer là-dessus, cependant.

D’une manière générale, nous encourageons toutes les femmes à s’impliquer davantage dans la gestion d’une entreprise. Elles sont de plus en plus nombreuses à participer à la gestion d’une entreprise, qu’il s’agisse d’une entreprise à participation majoritaire ou d’un partenariat. Nous constatons que lorsque l’entreprise est détenue par un partenaire, les femmes sont presque à parts égales dans le partenariat. C’est une bonne nouvelle. Je pense que cela pourrait aider à encourager plus les propriétaires d’entreprises familiales à les transmettre à leurs enfants, que ce soit leur fille ou leur fils.

La sénatrice Petitclerc : Merci. Les autres témoins veulent‑ils répondre? Je sais que c’est probablement difficile à quantifier, mais j’aimerais connaître les commentaires ou réactions de vos organisations.

M. Williams : Je sais que dans l’industrie de la pêche, la participation des femmes à la main-d’œuvre de la pêche a augmenté d’environ 10 % au cours des 15 dernières années. Il y aura donc plus de femmes qui envisageront de devenir propriétaires exploitantes, peut-être lorsque leurs parents seront prêts à prendre leur retraite. Elles bénéficieraient de cette mesure.

M. Ross : Je ferais remarquer que nous avons vu une augmentation formelle dans les statistiques sur les femmes propriétaires exploitantes dans l’agriculture. Ce que je dirais, c’est que les statistiques ne tiennent compte ni du travail non reconnu et non rémunéré ni de la gestion non reconnue des femmes dans l’agriculture. L’un des aspects sur lesquels nous sommes très concentrés à la FCA est d’essayer de faire en sorte que les contributions des femmes à notre secteur soient mieux saisies dans les enquêtes et les données recueillies. À l’heure actuelle, il y a beaucoup de femmes qui gèrent des exploitations agricoles et qui ne sont pas prises en compte dans les enquêtes. Je pense qu’il s’agit en partie de mieux s’assurer que nous recueillons les bonnes données et que nous posons les bonnes questions pour refléter la gestion et le leadership que nous voyons chez les femmes dans notre industrie.

[Français]

Le sénateur Forest : Quand on parle de 5 000 fermes qui disparaissent chaque année uniquement au Québec, à mon point de vue, à moins que j’aie mal lu les statistiques, ce ne sont pas des transferts d’entreprise, mais plutôt de fermes dont les opérations cessent, donc qui ont été démantelées. C’est ce qui est très préoccupant.

Ma question est la suivante : la principale crainte relative à la fiscalité est liée aux échappatoires et aux abus du système. La principale mesure qu’on met en place est celle permettant que l’enfant acquéreur maintienne l’exploitation pour une durée minimale de cinq ans, ce qui m’apparaît tout à fait correct; c’est une mesure qui empêcherait les abus liés aux échappatoires fiscales. Je m’adresse notamment à Mme Pohlmann, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante : y a-t-il d’autres mesures qui ont été évaluées? Cette mesure, de mon point de vue, semble suffisante, mais selon votre expertise, ai-je raison de penser qu’on devrait mettre des bretelles avec nos ceintures?

[Traduction]

Mme Pohlmann : Je pense effectivement que c’est suffisant. Même que cinq ans, c’est un peu long. Cependant, encore une fois, nous tenons à ce que ce projet de loi particulier soit adopté et entre en vigueur afin que nous puissions ensuite nous en servir et déterminer où se trouvent certaines des lacunes à l’avenir.

Je sais que dans les versions précédentes du projet de loi, la période était moins longue. C’était l’une des critiques dont on a tenu compte dans ce projet de loi et, je pense, dans le précédent. Exiger de quelqu’un qu’il garde l’entreprise pendant au moins cinq ans — cela ne tient pas compte des aléas de la vie. La vie suit son cours et il y a des accidents de parcours, alors j’espère qu’il y aura une certaine souplesse au fil du temps pour tenir compte du fait que les circonstances peuvent changer dans une famille et qu’elle peut avoir à s’en défaire dans un délai de cinq ans. J’espère qu’une certaine souplesse pourra être intégrée au texte pour le permettre — pas lorsqu’il s’agit d’abus, mais lorsque les circonstances font qu’il soit nécessaire de se défaire de l’entreprise avant que les cinq ans se soient écoulés.

La présidente : Allez-y, monsieur Williams.

M. Williams : Il y a un défi particulier dans l’industrie de la pêche en ce sens que la politique actuelle de délivrance de permis dans les principales pêcheries — homard, crabe des neiges, et cetera — du Canada atlantique exige que le propriétaire du permis soit un pêcheur actif.

Il y a déjà eu des arrangements sous la table par lesquels les entreprises de transformation du poisson prennent le contrôle effectif de la propriété effective du permis en finançant la transaction.

Si un enfant rachète l’entreprise à son parent, il faudra faire preuve de diligence raisonnable en ce qui concerne les permis du MPO pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une manœuvre par laquelle une entité corporative externe prend effectivement le contrôle du permis. Il s’agit là d’un cas de figure particulier du secteur des pêches.

[Français]

Le sénateur Forest : Monsieur Williams, je pense qu’il s’agit d’une excellente mesure d’exiger que, pour permettre le transfert d’un permis de crabe, de homard ou de pêche hauturière, le détenteur soit un pêcheur actif. Cela nous protège contre des intégrations verticales d’immenses entreprises, qui acquerraient des droits de pêche et priveraient nos collectivités rurales d’un apport financier et d’une activité économique fort importante. Ai-je raison de penser cela? Je vais à la pêche en vous disant cela.

[Traduction]

M. Williams : C’est absolument l’intention de la nouvelle réglementation à laquelle j’ai fait référence dans ma présentation. Comme je l’ai dit, il faudra faire preuve de diligence raisonnable pour examiner les transactions au sein des familles afin de s’assurer qu’elles sont réellement ce qu’elles semblent être.

La présidente : Sénateur Deacon?

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie, madame la présidente. Nous avons entendu d’excellents témoignages, et je vais céder la parole au sénateur Black.

Le sénateur R. Black : Je tiens à remercier le sénateur Deacon.

Ma question s’adresse à M. Ross. Mais avant, j’aimerais vous féliciter pour votre nouveau-né, monsieur Ross.

M. Ross : C’est très gentil.

Le sénateur R. Black : Il est bon de vous voir ce matin. La nuit n’a pas dû être facile pour papa.

Je cherche à obtenir des précisions. Est-ce que vous vous attendez à des répercussions sur les communautés rurales du Canada? Je sais que vous travaillez pour la Fédération canadienne de l’agriculture, mais il est évident que la vie rurale est un enjeu important. Je vous prie de nous parler des impacts sur le Canada rural. Merci.

M. Ross : Bien sûr. Le projet de loi comporte certainement des avantages pour le Canada rural. Si l’on considère l’obligation fiscale qui pourrait être augmentée en vertu de la structure actuelle de 200 000 $ à 300 000 $ pour bon nombre de ces entreprises, c’est du capital qui restera dans ces entreprises agricoles qui dépensent de façon disproportionnée dans leurs collectivités locales. Les effets d’entraînement de ces 43 000 fermes incorporées sont immenses pour le Canada rural. Non seulement cela contribue au maintien de communautés de petites entreprises dynamiques, mais cela entraîne aussi beaucoup de dépenses supplémentaires dans ces communautés.

Le sénateur R. Black : Je vous remercie, monsieur Ross.

La présidente : Je tiens à remercier les témoins. Nous avons reçu beaucoup d’excellentes informations.

J’aimerais également remercier les sénateurs pour le temps et l’énergie qu’ils ont consacrés aujourd’hui à poser des questions. Nous nous réunirons de nouveau dans une semaine pour entendre les représentants du ministère.

(La séance est levée.)

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