LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 10 juin 2021
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), par vidéoconférence, pour discuter du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale).
La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je m’appelle Diane Griffin, sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard, et j’ai l’honneur de présider ce comité.
Aujourd’hui, nous tenons une séance publique du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts par vidéoconférence. Avant de commencer, je rappelle aux sénateurs et aux témoins qu’ils doivent garder leur micro éteint en tout temps, à moins que je leur accorde la parole. Je demande aux sénateurs d’utiliser la fonction « Lever la main » lorsqu’ils souhaitent intervenir.
Veuillez m’aviser ou aviser la greffière en cas de problème technique, surtout s’il a trait à l’interprétation. Si vous avez d’autres problèmes techniques, veuillez communiquer avec le Centre de services de la DSI.
Sur ce, bonjour et bienvenue à la séance d’aujourd’hui. Je vais présenter les membres du comité qui sont présents aujourd’hui : le sénateur Colin Deacon, vice-président du comité; le sénateur Victor Oh, vice-président du comité; le sénateur Terry Mercer; le sénateur Robert Black; le sénateur Éric Forest, porte-parole pour le projet de loi C-208; la sénatrice Nancy Hartling; le sénateur Tony Loffreda; la sénatrice Chantal Petitclerc; le sénateur Larry Smith; et la sénatrice Carolyn Stewart Olsen. Nous accueillons aussi aujourd’hui le sénateur Mark Gold, représentant du gouvernement au Sénat, et le sénateur Don Plett, leader de l’opposition. Je vous remercie, chers collègues.
Nous reprenons aujourd’hui nos délibérations sur le projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale).
Pendant la première heure, nous accueillons des représentants du ministère des Finances Canada, soit Shawn Porter, sous‑ministre adjoint délégué, Direction de la politique de l’impôt, et Trevor McGowan, directeur général, Division de la législation de l’impôt, Direction de la politique de l’impôt.
M. McGowan dispose de cinq minutes pour nous présenter sa déclaration liminaire, et les sénateurs disposeront ensuite de quatre minutes chacun pour poser des questions. Si le temps le permet, nous pourrons avoir deux séries de questions.
Monsieur McGowan, au nom du comité, je vous remercie de comparaître, et je vous cède la parole.
Trevor McGowan, directeur général, Division de la législation de l’impôt, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Je vous remercie beaucoup. Je suis heureux de vous présenter ma déclaration liminaire sur le projet de loi C-208.
Le projet de loi vise principalement à faciliter les transferts intergénérationnels d’entreprises qui seraient autrement visés par une règle anti-évitement prévue à l’article 84.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cette règle anti-évitement vise à contrer ce qui est connu au sein des cercles de planification fiscale comme le dépouillement des surplus, une technique dont l’objectif est essentiellement de déplacer des actions au sein d’un groupe ayant un lien de dépendance afin de convertir ce qui serait un dividende imposable [Difficultés techniques] en un gain en capital. Cette opération est avantageuse parce que les gains en capital sont imposés à des taux inférieurs aux dividendes imposables — dans ces cas, la différence est habituellement d’environ 20 % —, et les gains en capital peuvent être totalement exonérés d’impôt lorsque l’exonération cumulative des gains en capital s’applique.
La règle anti-dépouillement des surplus vise à prévenir le transfert des profits d’une société, normalement considérés comme des dividendes, en gains en capital pour les assujettir aux taux d’imposition des gains en capital.
J’ai mentionné que la planification porte sur des opérations avec liens de dépendance, et c’est ce qui a entraîné des problèmes pour les transferts intergénérationnels d’entreprises, car lorsque les actions sont transférées à une société détenue par un enfant, ce transfert se fait avec lien de dépendance, et ce genre d’opération peut être assujetti actuellement à la règle anti‑évitement.
J’ai souligné que le transfert a lieu entre un parent et une société avec lien de dépendance. C’est un élément important. De nombreux transferts intergénérationnels d’entreprises ne sont pas assujettis à la règle anti-dépouillement de surplus. Par exemple, la vente d’une entreprise directement à un enfant n’est pas assujettie à cette règle. Selon le type de bien transféré, le transfert direct d’une entreprise à un enfant peut également bénéficier de l’exonération cumulative des gains en capital, d’un roulement à impôt différé ou d’une réserve pour gains en capital de 10 ans. On parle donc uniquement des transferts d’actions à une société détenue par un enfant ou un petit-enfant.
Il est important de noter également que ce projet de loi, qui concerne les sociétés agricoles ou de pêche familiale, ne se limite pas seulement à elles et qu’il pourrait s’appliquer à toute petite entreprise. Sa portée s’étend donc à tout secteur d’activités au Canada, et pas seulement à l’agriculture et aux pêches.
Ce projet de loi soulève un problème fondamental. Il vise les transferts intergénérationnels d’actions, mais sans prévoir de mesures de protection pour s’assurer que cela ne servira qu’aux transferts intergénérationnels authentiques, si bien que si les règles actuelles renferment une règle anti-évitement qui ne prévoit pas d’exception pour les transferts authentiques entre générations, le projet de loi C-208 crée, quant à lui, essentiellement une échappatoire qui n’est pas accompagnée de mesures de protection appropriées garantissant que cela ne sera utilisé que pour des transferts authentiques entre générations.
Par conséquent, l’échappatoire introduite par ce projet de loi pourrait être utilisée par des particuliers fortunés pour éviter de payer des impôts sans qu’il n’y ait de transfert d’entreprise entre générations. Le défi législatif est de déterminer comment faire une distinction entre les transferts authentiques entre générations et les stratagèmes d’évitement fiscal. Le projet de loi ne fait pas cette distinction. Il crée plutôt simplement une échappatoire qui pourrait être utilisée dans un cas comme dans l’autre.
Au sujet du manque de mesures de protection, plus précisément, rien n’oblige le parent à réduire ou à mettre fin à sa participation à l’entreprise. L’enfant n’est pas obligé de jouer un rôle quelconque dans la gestion de l’entreprise après le transfert d’actions. En fait, il n’y a aucune obligation pour l’enfant de conserver quelque intérêt que ce soit dans l’entreprise après l’opération de dépouillement de surplus.
Un exemple permettra d’illustrer comment ces modifications seraient utilisées afin d’éviter de payer de l’impôt. Supposons qu’un couple fortuné dirige une entreprise de négociation de titres par l’entremise d’une société. Les deux sont assujettis à l’impôt au taux marginal maximal en Ontario. Ils ont 1,6 million de bénéfices après impôt dans leur société. S’ils versaient cette somme sous forme de dividende, ils paieraient environ 764 000 $ d’impôt. Au lieu de se verser un dividende, ils effectuent plutôt une série d’opérations afin de profiter des nouvelles règles proposées dans le projet de loi. D’abord, leur enfant de 18 ans constitue une société de portefeuille. Il ne s’intéresse pas du tout à la négociation de titres et veut devenir chef ou avoir une autre carrière, mais il est disposé à aider ses parents. Les parents procèdent ensuite à une réorganisation de leurs actions dans l’entreprise. Ils conservent une partie de leurs actions ordinaires et convertissent l’autre partie en actions privilégiées sans droit de vote d’une valeur de 1,6 million de dollars, au moyen d’un échange d’actions à imposition différée. Les actions privilégiées seraient donc rachetables au gré du détenteur pour 1,6 million de dollars, moins le montant du dividende versé, alors au moment du transfert elles valent 1,6 million de dollars. Toutefois, une fois le dividende versé, elles n’ont essentiellement aucune valeur.
Les parents vendent ensuite les actions privilégiées à la société de portefeuille de l’enfant pour un billet à ordre de 1,6 million de dollars. Maintenant, afin d’acheminer la somme de 1,6 million de dollars aux parents, la société de négociation des titres verse un dividende intercorporatif non imposable de 1,6 million de dollars à la société de portefeuille de l’enfant, qui utilise cet argent pour rembourser le billet à ordre dû aux parents.
À ce moment, le montant de 1,6 million de dollars a été transféré et se trouve entre les mains des parents. À l’heure actuelle, la règle anti-évitement s’appliquerait afin de considérer la somme reçue par les parents comme un dividende. En revanche, selon les modifications prévues dans le projet de loi C-208, les parents seraient considérés comme n’ayant aucun lien de dépendance avec la société de portefeuille de l’enfant, ce qui leur permettrait d’utiliser une partie de leur exonération cumulative de gains en capital pour recevoir la somme de 1,6 million de dollars de façon non imposable, évitant ainsi d’avoir à payer environ 764 000 $ d’impôt.
Pour revenir à l’exemple et clore l’histoire, les actions privilégiées détenues par la société de portefeuille de l’enfant n’auraient essentiellement aucune valeur après le paiement du dividende. Ainsi, les actions de la société de portefeuille pourraient être vendues aux parents pour une somme symbolique. Même si le projet de loi obligeait la société de portefeuille à détenir les actions privilégiées pendant un certain temps, cela n’a pas d’importance parce que l’enfant ne la détient plus; elle est revenue entre les mains des parents.
Il importe de souligner, de plus, que les parents pourraient refaire cette planification dans l’avenir. Après avoir utilisé leur exonération cumulative des gains en capital restante, ils seraient imposés aux taux des gains en capital qui, comme nous l’avons mentionné, produit toujours des économies d’impôt substantielles par rapport au taux d’imposition des dividendes.
Qui plus est, à aucun moment, les parents ne seraient obligés de renoncer au contrôle de l’entreprise. L’enfant n’aurait jamais besoin de jouer un rôle dans l’entreprise ou, comme nous l’avons montré dans l’exemple, d’avoir un intérêt économique continu dans l’entreprise.
Ce sont donc nos observations concernant la modification de l’article 84.1, mais d’autres éléments préoccupants du projet de loi C-208 doivent aussi être mentionnés.
La présidente : Monsieur McGowan, ces autres éléments pourront être discutés pendant la période de questions. Je vous remercie de votre exposé.
Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs, en commençant par les vice-présidents du comité.
Le sénateur Oh : Ma question pour les témoins est la suivante : selon votre avis d’experts, le projet de loi C-208 crée‑t-il des problèmes ou des échappatoires? Si oui, comment peut‑on y remédier de façon efficace dans le projet de loi?
M. McGowan : Je vous remercie de poser la question. La réponse est oui, comme je l’ai montré dans l’exemple, le projet de loi ouvre la porte à une planification qui permettrait son utilisation pour d’autres types de transfert que les transferts intergénérationnels d’entreprises.
Il serait possible d’améliorer considérablement le projet de loi en imposant des conditions pour vérifier s’il y a bien eu un transfert d’entreprise. Les règles au Québec peuvent servir de modèle à cet égard. Une règle semblable existe sur les transferts intergénérationnels dans cette province, mais on exige la participation des parents dans l’entreprise avant le transfert — une participation significative —, une renonciation au contrôle de l’entreprise dans le cadre du transfert, et un certain niveau de participation de l’enfant au sein de l’entreprise.
Je ne suis pas un expert du droit québécois, mais je souligne qu’il existe des modèles qui pourraient servir à établir ce qu’est réellement un transfert intergénérationnel pour faire en sorte que le projet de loi soit plus ciblé.
Le sénateur Oh : Que peut-on faire pour régler les problèmes liés aux transferts intergénérationnels que vous avez soulevés dans le projet de loi? Y a-t-il une façon de le faire?
M. McGowan : Comme je l’ai mentionné, on améliorerait considérablement le projet de loi en imposant des conditions pour s’assurer qu’il s’agit d’un transfert intergénérationnel authentique.
Il y a aussi des problèmes techniques, mais je vais me concentrer sur le portrait global et les considérations stratégiques.
Pour ce qui est des mécanismes précis à utiliser, c’est vaste. Les conditions peuvent être ajoutées dans le projet de loi, ou être ajoutées par l’entremise d’un pouvoir de réglementation ajouté un peu plus tard par le gouvernement. Il y a donc différentes façons d’ajouter ces conditions. C’est vraiment l’absence de conditions qui cause problème avec la modification de l’article 84.1.
Le sénateur Oh : Je vous remercie.
La présidente : Il est très important de souligner que les règlements jouent un rôle, bien sûr, dans tout ce qui touche aux activités du gouvernement, tant qu’ils sont autorisés dans le cadre de la loi.
Le sénateur C. Deacon : Monsieur McGowan, je vous remercie d’être avec nous.
Vous avez mentionné que le statu quo présente des conséquences imprévues, et que la mise à jour de la loi proposée dans le projet de loi pourrait présenter elle aussi des conséquences imprévues.
Le problème ne date pas d’hier. On discute de ce projet de loi, qui a pris plusieurs formes, depuis un bon bout de temps. Avez‑vous présenté des solutions avant aujourd’hui?
J’ai l’impression qu’il existe une injustice bien sentie. J’ai grandi dans une ferme au sein d’une communauté agricole. J’ai travaillé avec mon oncle de 70 ans, de 80 ans, dans les années 1970 et 1980 sur cette ferme au moment du transfert à son fils. Ce transfert de connaissances intergénérationnel est très naturel et vraiment essentiel.
On discute de ce problème depuis longtemps. Pourquoi n’y avez-vous pas remédié jusqu’à maintenant en proposant ce que vous venez de mentionner?
M. McGowan : Je ne peux me prononcer sur les raisons pour lesquelles le gouvernement a ou n’a pas pris de mesures particulières. J’aimerais mentionner que le problème a, bien sûr, été soulevé lors des consultations menées auprès des entreprises privées en 2017 dans le cadre desquelles le gouvernement a annoncé qu’il allait discuter du problème avec les intervenants.
La disposition des règles régissant le transfert intergénérationnel dans le régime fiscal faisait partie de la lettre de mandat du ministre des Finances, tout comme de celle de la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, alors il s’agit d’un problème dans la mire du gouvernement. C’est un problème sur lequel nous travaillons, mais le gouvernement n’a pas annoncé de mesures précises à ce sujet jusqu’à maintenant.
Comme je l’ai mentionné, il n’est pas facile de faire la distinction entre un transfert de société authentique et ce qui relève purement de la planification fiscale.
Toutefois, comme je l’ai mentionné, le gouvernement n’a pas soumis de propositions précises à ce sujet jusqu’à maintenant.
Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie de cette mise en contexte.
Shawn Porter, sous-ministre adjoint délégué, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : J’aimerais intervenir et ajouter un peu d’information.
Sénateur, il se pourrait que vous ne soyez pas vraiment satisfait de la réponse à votre question sur le temps que cela prend, mais c’est une question très complexe. Je voudrais insister sur ce point un peu, car cela touche à une de nos préoccupations concernant les règles sur le transfert intergénérationnel. Il s’agit essentiellement de dépouillement des surplus — l’exemple qu’a donné M. McGowan. Par ailleurs, toutefois, on peut simplement justifier pour des motifs de neutralité, d’un point de vue politique, que cette situation nécessite une exemption à l’application des règles touchant le dépouillement des surplus. C’est vraiment l’essence de ce projet de loi.
On ne se penche, dans ce projet de loi, que sur une petite mesure législative qui vient se greffer à diverses dispositions d’une loi existante. En fait, on signalerait ainsi une certaine ambivalence dans la Loi de l’impôt sur le revenu dans son ensemble — un peu plus d’ambivalence sans doute — en matière de tolérance à l’égard du dépouillement des surplus.
C’est ce qui explique en gros pourquoi nous croyons qu’il est très important de restreindre et de cibler toute règle concernant le transfert intergénérationnel.
Il y a à l’heure actuelle — et M. McGowan a fait allusion à la consultation de 2017 à cet égard — un dépouillement de surplus qui a lieu, dans la pratique, en dehors du contexte d’un véritable transfert intergénérationnel. Le milieu de la fiscalité dispose d’une documentation générale sur ce type de planification fiscale de dépouillement de surplus, que je qualifie d’admissible. Dans certains milieux, le fait de penser que le dépouillement de surplus est permis est pratiquement une contradiction en soi. Toutefois, dans les cercles de planification fiscale — et nous dirions les cercles de planification fiscale traditionnels — en raison de certaines décisions des tribunaux, les contribuables et leurs conseillers ont interprété ces décisions comme si elles autorisaient un niveau considérable de dépouillement de surplus.
Certains croient déjà qu’ils n’ont pas besoin de cette règle parce qu’ils peuvent dépouiller le surplus en dehors du contexte d’un transfert. Une partie de la réaction supplémentaire à votre question — juste pour essayer d’établir les raisons pour lesquelles il s’agit d’un domaine aussi compliqué — est attribuable à ce qu’un changement comme des restrictions relatives au transfert intergénérationnel ou des exceptions relatives au dépouillement de surplus indiquerait par rapport au domaine plus large du dépouillement de surplus, lequel — je pense qu’il est juste de le dire — fait l’objet d’un examen et d’une surveillance continus de notre part et de la part du gouvernement.
Le sénateur C. Deacon : Merci, messieurs Porter et McGowan.
La sénatrice Stewart Olsen : Je dois avouer que c’est la première fois depuis de nombreuses années que j’entends des fonctionnaires, qui assistent à une audience du Sénat concernant un projet de loi qui a déjà été adopté par la Chambre, démolir ce projet de loi aussi publiquement. Je ne comprends pas pourquoi cette question n’a pas été abordée à la Chambre des communes. La Chambre des communes a-t-elle, peut-être, décidé que ce problème pouvait être réglé dans le règlement? Le projet de loi a été largement appuyé, et il a été adopté par une grande majorité des députés. Ces droits sont nuisibles pour un grand nombre de nos agriculteurs, et je suis en fait très étonnée de votre réaction.
Pourriez-vous répondre à mes observations, s’il vous plaît? N’avez-vous pas adressé ces commentaires à la Chambre des communes? Pourquoi les députés ne vous ont-ils pas écoutés?
M. McGowan : Je vous remercie de votre question. Je peux dire que nos commentaires d’aujourd’hui sont conformes à ceux que nous avons formulés devant le Comité des finances de la Chambre des communes. Comme cela a été signalé, le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes. J’aborde maintenant un autre de vos commentaires qui concerne le pouvoir de réglementation, puisque vous avez soulevé cette question. À l’heure actuelle, le projet de loi ne prévoit pas le pouvoir de prendre des règlements — d’imposer des restrictions supplémentaires. Donc, en l’absence d’amendements, ce n’est pas quelque chose qui pourrait être fait.
La sénatrice Stewart Olsen : Je m’interroge toujours à ce sujet. Le projet de loi n’a pas changé depuis qu’il a été adopté par nos représentants élus. Nous sommes maintenant ici, et vous voulez que le Sénat corrige quelque chose que nos représentants élus ont approuvé. Je m’interroge vraiment à ce sujet, monsieur McGowan.
M. McGowan : Merci. Comme je l’ai mentionné, nos commentaires techniques sur l’ampleur et la portée du projet de loi n’ont pas changé depuis notre comparution devant le Comité des finances de la Chambre des communes. Le point de vue du gouvernement sur le projet de loi n’a pas changé non plus depuis lors. Nous formulons des observations techniques sur la façon dont la portée des dispositions actuelles du projet de loi permettrait une planification fiscale qui va bien plus loin que l’objectif déclaré du projet de loi, et ces observations ont également été communiquées plus tôt.
Quant à la façon dont les députés ont réagi à ces commentaires, je ne serais évidemment pas en mesure de vous le dire. Cependant, il est certain que nos commentaires techniques sur le projet de loi sont demeurés inchangés.
La sénatrice Stewart Olsen : Je crois savoir que le projet de loi a également reçu l’appui des députés ministériels.
La présidente : Je ne sais pas s’il s’agit d’une question ou non.
La sénatrice Stewart Olsen : C’est bien. Merci.
La présidente : C’est néanmoins vrai. Toutefois, je dirais qu’il s’agit d’une observation.
Le sénateur Smith : Je suis un nouveau membre du comité, et je suis heureux d’avoir l’occasion d’entendre parler d’une question aussi importante. J’aimerais revenir sur la notion de réglementation. Existe-t-il d’autres possibilités de prendre des règlements ou de les rectifier qui pourraient permettre un transfert intergénérationnel approprié? Sur le plan social, il s’agit d’une question tellement importante, surtout pour la communauté agricole — et je ne veux pas dire quoi que ce soit de négatif, mais c’est important surtout pour la communauté agricole de l’Ouest canadien, où les investissements et les obligations des familles d’agriculteurs sont plus importants. L’une des choses qu’il est essentiel de comprendre, c’est que les familles qui possèdent ces fermes doivent assumer des obligations qui sont très importantes en ce qui concerne la réalité de l’entreprise elle-même. Il ne s’agit pas seulement du transfert et des avantages dont les jeunes peuvent bénéficier en obtenant ces propriétés, mais aussi des obligations et des dettes qu’ils prennent en charge — du facteur de risque.
Les familles qui font cela assument un énorme facteur de risque, alors je me demandais si vous pouviez formuler des observations à ce sujet en ce qui concerne la réglementation. Quel type de réglementation pourrait être réellement mis en place pour que le projet de loi fonctionne pour tous les intervenants — le gouvernement, les particuliers, les familles et les gens de l’Ouest canadien — qui participent à des activités de ce genre? Je m’adresse à M. Porter ou à quiconque souhaite aborder ce concept.
M. Porter : C’est avec plaisir que je commencerai à répondre à cette question, monsieur McGowan. Une petite partie de mon intervention reprendra les sujets que nous avons abordés précédemment, car le contexte est important à cet égard.
Il est concevable que les conditions de transfert intergénérationnel puissent être renforcées, que ce soit dans le projet de loi ou dans le règlement, afin d’arriver à un stade où nous sommes convaincus que ces conditions, en elles-mêmes, ne créent pas une vulnérabilité particulièrement importante.
Le défi contextuel — et je comprends que vous puissiez trouver ces explications plus techniques que ce que vous recherchiez —, c’est le contexte plus large du dépouillement de surplus et la simple idée de traiter uniquement les transferts intergénérationnels. Aussi méritoire que soit cette situation d’allégement ciblé — en l’absence, premièrement, d’un ciblage adéquat, qui est délicat, mais faisable, et, deuxièmement, du contexte plus large en ce qui concerne le message que le projet de loi envoie en général aux responsables d’un large éventail de planification fiscale qui se fait dans ce secteur, et pas seulement au sein de la communauté agricole, mais aussi dans le secteur commercial en général —, votre groupe comprendra que nous avons affaire à l’ensemble des entreprises privées du Canada lorsque nous parlons du dépouillement de surplus.
Nous parlons d’une différence de taux d’imposition de 20 points de pourcentage entre l’extraction de fonds d’une société privée au taux d’imposition des dividendes, plutôt qu’au taux d’imposition des gains en capital. Il s’agit donc de l’incidence et des conséquences d’une opération d’allégement limitée, dans un domaine où il y a déjà une communauté de planification fiscale assez active — ce qui n’est pas surprenant compte tenu des montants en jeu — qui pratique le dépouillement de surplus d’une manière plus générale qu’en dehors de ce contexte particulier. Je pense que le contexte est la clé de la réponse à cette question.
Le sénateur Smith : Eh bien, le contexte est important. Cependant, le fait est que vous dites que, parce que vous vous inquiétez de ce qui se passera dans la population générale, vous allez finir par pénaliser les personnes qui se trouvent dans cette situation particulière. La communauté agricole représente une partie importante de notre histoire. C’est une partie importante de notre pays. Cette population veut être traitée équitablement. Je suppose que la question est la suivante : au lieu de nous demander ce que nous pourrions faire pour que ces transferts s’inscrivent dans un cadre plus étroit, que proposez-vous comme recommandations pour que les rôles ne soient pas inversés et que nous fassions le travail à votre place?
La présidente : Sénateur Smith, le temps qui nous était imparti est écoulé.
Le sénateur Smith : Merci, madame la présidente.
La présidente : C’était là une grande question. Quelqu’un d’autre va peut-être la relancer.
Le sénateur Plett : Madame la présidente, je ne veux pas m’imposer dans la façon dont vous dirigez la réunion, mais j’étais la dernière personne à avoir levé la main. Je ne pense pas qu’il soit juste que vous me donniez la parole avant les autres intervenants. J’attendrai jusqu’à la fin, en toute équité.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Vous comprendrez que beaucoup de questions vont dans le même sens parce que nous sommes saisis de ce projet de loi qui, comme la sénatrice Stewart Olsen l’a mentionné, a obtenu un solide appui à la Chambre des communes. Nous avons entendu des témoins, nous avons lu des documents et nous avons reçu des communications qui appuyaient ce projet de loi de façon unanime.
En tant que Québécoise, je suis très préoccupée par la situation, notamment en ce qui a trait aux transferts entre les générations pour les fermes.
Ma question est assez large. D’un côté, nous avons obtenu cet appui. Certains témoins qui ont comparu devant notre comité nous ont dit qu’il fallait faire plus d’études et qu’il y avait des risques d’échappatoire. On nous a confirmé que cette question avait fait partie de l’étude et qu’on était prêt. D’un autre côté, vous nous avez donné des exemples qui me semblent assez exceptionnels, mais nous n’avons pas d’étude ou de raisons de croire que ce sera si...
Comprenez-vous dans quelle situation nous nous trouvons? D’un côté, nous avons quelque chose de très puissant et, de l’autre côté, un risque potentiel.
Je ne sais pas vraiment comment poser ma question, mais en fait, quelle est votre position face à cet enjeu?
[Traduction]
M. McGowan : Je vous remercie de vos commentaires. Je pourrais peut-être commencer par reprendre la discussion précédente. Il y avait une question concernant la réglementation. Les règlements ne peuvent pas être promulgués pour annuler les mots qui figurent explicitement dans une loi en l’absence d’un pouvoir explicite de réglementation. Le projet de loi ne permet pas de prendre des règlements supplémentaires qui pourraient mieux cibler le projet de loi sur les véritables transferts intergénérationnels d’actions. Il faudrait que le pouvoir de prendre des règlements soit ajouté au projet de loi.
Pour ce qui est de la forme que pourrait prendre ce règlement, le gouvernement n’a rien annoncé. Mais je voudrais simplement rappeler que, par exemple, le Québec a ses propres règles en matière de partage intergénérationnel. Il y a un ensemble de conditions à remplir pour pouvoir procéder à un tel partage. Il ne s’agit donc pas d’un problème insurmontable, puisque c’est un problème qui a déjà été envisagé. Au moins une solution au problème pourrait consister à examiner les règles du Québec.
Je pense que votre commentaire va au cœur de la question. Comme en témoigne la lettre de mandat de la ministre des Finances, il est important d’offrir un véritable appui aux transferts intergénérationnels d’entreprises. Ce qui nous préoccupe et les questions que nous avons soulevées sont liés au fait que les dispositions du projet de loi vont bien au-delà de ces transferts.
En ce qui concerne la réaction comportementale attendue et le fait que les entreprises pourront tirer parti de la nouvelle possibilité ou de la possibilité plus explicite de planification, il est bien sûr toujours difficile de prévoir ce qui va se passer. Mais compte tenu de la valeur de la possibilité, la capacité d’utiliser l’exonération à vie des gains en capital par le biais d’une transaction comme celle que j’ai décrite, qui n’est pas terriblement complexe et qui utilise des techniques de planification assez bien connues, représente une économie d’impôt assez importante. Bien qu’il soit difficile de quantifier précisément le coût attendu de cette mesure, il semble raisonnable de s’attendre à ce que ce type de planification se produise.
J’ai mentionné la valeur attendue. Comme on l’a noté, chaque personne a droit à une exemption à vie de 900 000 $ de gains en capital. Les dividendes sont imposés à 47,74 %, c’est-à-dire au taux marginal le plus élevé en Ontario — je continue d’expliquer mes exemples. Donc, 47 % multiplié par l’exonération de gains en capital de 900 000 $ représenterait une économie d’impôt d’environ 430 000 $ dans la mesure où l’exonération des gains en capital peut être utilisée dans le dépouillement de surplus. Il s’agit donc d’un avantage fiscal très intéressant qui pourrait être obtenu, et il semble raisonnable de s’attendre à ce qu’il soit obtenu.
La présidente : Si quelqu’un a un comptable agréé qui vaut son pesant d’or, je suis sûr que ce serait le cas.
J’ai une précision à apporter, car la sénatrice Petitclerc a épuisé son temps de parole. Il s’agit d’une modification de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ailleurs dans la Loi de l’impôt sur le revenu, je suis sûre qu’il y a une disposition qui permet de prendre des règlements et de publier des bulletins d’interprétation de l’impôt. Est-ce exact? Oui ou non?
M. McGowan : Il n’y a rien de précis au sujet des bulletins d’interprétation. L’Agence du revenu du Canada, ou ARC, fournit son interprétation des règles fiscales, mais ces interprétations n’ont pas force de loi. Il y a un pouvoir de réglementation général et de nombreuses dispositions ont leur propre pouvoir de réglementation particulier, mais cet amendement ne prévoit pas un pouvoir de réglementation explicite qui permettrait d’annuler une mesure en prenant des règlements.
Le sénateur Mercer : Chers témoins, je vous remercie de votre présence. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Je pense que vous avez répondu complètement à nos questions. Le projet de loi ne prévoit pas de réglementation, et il peut nous exposer, nous les Canadiens, à être exploités parce que nous n’avons pas précisément réfléchi à la question. Toutefois, j’appuie grandement l’idée de prévoir un transfert interfamilial plus profitable.
Soit dit en passant, le sénateur Smith a déclaré qu’il s’agit peut-être d’un problème particulier à l’Ouest. Ce n’est pas un problème particulier à l’Ouest. C’est un problème qui survient dans n’importe quelle communauté agricole du pays, peu importe qu’elle se trouve en Nouvelle-Écosse ou en Alberta. Cette question est très importante. Non loin de ma maison où je me trouve en ce moment, je peux trouver une ferme à Masstown qui était plus grande autrefois. Le transfert intergénérationnel a créé deux fermes. Dans l’une de ces deux fermes, il y a un jeune homme qui vient d’obtenir son diplôme de l’Université Dalhousie après avoir suivi son programme d’agriculture et qui veut être le prochain à reprendre l’entreprise de production d’œufs très rentable de son père. Ces transferts sont une question importante pour nous tous.
Aux fonctionnaires, je pose la question suivante : serait-il préférable que nous nous asseyions et que nous disions : « D’accord, il n’y a rien dans le projet de loi qui parle de réglementation » et que nous apportions un amendement pour prévoir une réglementation et pour rendre le projet de loi plus efficace? Je suis très préoccupé par le fait que ce projet de loi, qui avait pour but d’aider les agriculteurs et les pêcheurs — car c’est également un gros problème pour la pêche côtière... Il me semble que nous manquons une occasion de réfléchir et que nous nous précipitons pour faire adopter ce projet sans écouter les fonctionnaires qui nous disent qu’un problème existe.
Le directeur parlementaire du budget a cité les montants dont le trésor public allait être privé. L’une de ses estimations atteignait presque 300 millions de dollars. Aux fonctionnaires, je pose la question suivante : pensez-vous que le directeur parlementaire du budget a raison de dire que les chiffres seront aussi élevés, ou pourraient-ils être encore plus élevés?
M. McGowan : Je vous remercie de cette question. Comme vous le savez, le Bureau du directeur parlementaire du budget a fourni des estimations. Le ministère des Finances ne dispose pas de son propre calcul des coûts des modifications apportées par le projet de loi. Comme on l’a fait remarquer, l’évaluation de ces coûts peut être extrêmement complexe lorsqu’il faut examinez les réactions comportementales découlant d’un projet de loi et, en particulier, de la création d’une nouvelle possibilité de planification fiscale, ou d’une échappatoire, pour utiliser la terminologie plus courante.
Lorsque vous examinez les réactions comportementales et que vous essayez d’anticiper la quantité de planification fiscale qui serait réalisée, il est souvent très difficile d’arriver à un chiffre précis. Vous pouvez estimer le coût du véritable transfert intergénérationnel d’une entreprise, ou le coût d’une mesure qui prévoit ces transferts. Mais dès que l’on s’intéresse à la réaction comportementale des personnes qui ont recours à la planification fiscale, cela devient beaucoup plus difficile à déterminer.
Le ministère des Finances ne dispose pas de chiffre précis quant à l’incidence que le projet de loi C-208 aurait sur le fisc, bien que nous ayons passé en revue certains des chiffres, y compris mon exemple des répercussions que le projet de loi pourrait avoir et des économies d’impôt qu’il pourrait procurer, afin de vous donner une idée de sa portée.
Le sénateur Gold : Bienvenue, messieurs. Je voudrais poursuivre sur le même sujet et vous demander si vous pouvez nous en dire un peu plus sur ce que vous savez ou sur ce que vous pouvez nous dire sur les répercussions que ce projet de loi pourrait avoir sur le cadre fiscal.
Vous avez indiqué que des estimations ont été réalisées — par le passé du moins — au sujet d’un autre projet de loi. Comme le temps a manqué, vous aideriez le comité en complétant la réponse à la question du sénateur Mercer.
M. Porter : Comme M. McGowan l’a indiqué, nous n’avons pas d’estimation. Permettez-moi de tenter d’illustrer un peu plus à quel point c’est difficile.
Il n’y a pas que la question de l’élaboration de la règle du transfert intergénérationnel et du coût d’une règle adéquatement ciblée qui entre en compte, car il y aurait un coût pour le Trésor; ce serait un choix stratégique explicite. Il faudrait aussi évaluer ce qu’il en coûterait au Trésor si la règle était trop souple et accordait plus d’exonération que ce qu’il était peut-être prévu dans la politique. C’est un niveau supplémentaire de complexité dans tout effort d’évaluation du coût.
Je reviendrai enfin à un point que M. McGowan et moi-même avons soulevé en répondant à des questions précédentes, c’est-à-dire qu’il faut tenir compte des répercussions générales sur le signal et la réponse comportementale raisonnablement prévisible dans le contexte global, en dehors des simples transferts intergénérationnels. Il est très difficile de chiffrer le coût.
Le sénateur Loffreda : Je remercie nos témoins de comparaître.
Si nous regardons vers l’avenir, à quel point serait-il préoccupant que nous élargissions l’admissibilité à toutes les entreprises familiales, sans égard à la taille et aux revenus? L’ARC a-t-elle réalisé des travaux ou des études sur cette possibilité? Peut-être qu’un portrait historique nous aiderait à mieux comprendre la raison d’être, l’application et la mise en œuvre de l’article 84.1 de la loi, même si vous avez expliqué qu’il est difficile d’établir des chiffres.
Si je peux ajouter une question, à quel point serait-il, ou est-il, préoccupant d’élargir l’admissibilité aux ventes partielles d’entreprise ou de la propriété, par exemple dans des situations où les propriétaires veulent y rester actifs afin d’assurer la formation adéquate de leurs enfants, de leur succession?
En ce qui concerne les échappatoires, je pense qu’avec une bonne planification, il y a toujours moyen de les éliminer. Vous avez évoqué le Québec au sujet de la cession du contrôle et de la participation des enfants à l’exploitation de l’entreprise. Je pense qu’il existe des moyens d’éliminer les échappatoires, mais ma question concerne l’élargissement de la mesure législative à toutes les entreprises et ventes partielles d’entreprise.
M. McGowan : Je vous remercie de la question. Je ferais remarquer que le projet de loi lui-même s’applique aux ventes d’actions d’une entreprise agricole ou de pêche familiale ou d’une petite société admissible. Il ne se limite donc pas aux secteurs de l’agriculture et de la pêche; il peut s’appliquer à toute petite entreprise admissible.
Le sénateur Loffreda : Et si on l’élargissait davantage et ne nous limitions pas aux petites entreprises?
M. McGowan : Mieux vaudrait répondre à cette question après la première. S’il est difficile d’établir des règles pour déterminer s’il y a transfert, c’est parce qu’il n’y a pas toujours de transfert net des parents aux enfants. Souvent, comme nous l’avons fait remarquer, il y a une période de transition au cours de laquelle les parents offrent de la formation ou transfèrent graduellement la propriété et les responsabilités de la société à leurs enfants. Les parents restent parfois actifs au sein de l’entreprise pour prodiguer aide et conseils à la génération suivante.
Bien entendu, ce sont toutes des choses auxquelles nous réfléchissons dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi et qui doivent être prises en compte afin d’imposer des conditions rigoureuses et adéquates qu’il faudra satisfaire pour garantir un transfert authentique d’entreprise. Cela nous ramène à la complexité que nous avons évoquée pour expliquer pourquoi il n’est pas si simple d’établir les conditions immédiatement. La chose exige une réflexion approfondie.
Pour ce qui est du transfert des entreprises qui ne sont pas petites — ou qui sont de grande taille, je suppose —, alors il s’agit de transfert d’investissements passifs. Le principe de transfert intergénérationnel implique, du point de vue conceptuel, un transfert du contrôle d’une entreprise à la génération suivante.
Le sénateur Loffreda : Ce ne sont pas toutes les grandes entreprises qui sont des investissements passifs, cependant.
M. McGowan : Non. S’il s’agit d’un simple transfert d’actions d’une grande société que l’on possède sans avoir sur elle le moindre contrôle ou que l’on ne gère pas, ce serait, à mon sens, un simple transfert d’investissements passifs et non un transfert intergénérationnel normal. Si l’entreprise est suffisamment grande pour que les parents n’y exercent aucun contrôle, alors l’exonération que l’on entend accorder ne s’appliquerait pas.
Je dirais que pour être admissibles, les petites sociétés ne doivent pas nécessairement être ce qu’on considère généralement comme petites.
Le sénateur Loffreda : C’est exactement là où je veux en venir. Je voudrais discuter des entreprises familiales qui sont de grandes sociétés dont les revenus excèdent les paramètres du présent projet de loi. Pourquoi ce dernier ne s’appliquerait-il pas à toutes les entreprises familiales? Il existe des moyens d’éliminer les échappatoires dans l’avenir.
La présidente : Sénateur Loffreda, votre temps est écoulé. Voulez-vous être inscrit au deuxième tour?
Le sénateur Loffreda : Oui, je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci aux témoins. J’ai bien écouté votre intervention et votre introduction. L’article 84.1 est foncièrement inéquitable, quand on compare le transfert d’une entreprise à un étranger par rapport au transfert réel à un parent. La complexité réside dans un seul fait, et c’est d’être en mesure de distinguer un transfert réel à un parent de manœuvres d’évitement fiscal. Elle est là, la difficulté.
D’ailleurs, le Québec s’est déjà penché sur la question. L’impact qui m’interpelle énormément, c’est lorsqu’on parle, à l’échelle du pays, des entreprises agricoles et des pêches. L’article 84.1 favorise le démantèlement de nos entreprises. On observe alors une perte d’activité économique, mais également une perte de revenus. Or, ce facteur n’est pas pris en considération dans votre réflexion.
Tout ceci favorise la dévitalisation parce que de nombreuses fermes, au Québec par exemple, vont vendre leur quota, leurs troupeaux, leur équipement et que l’activité s’arrête. Cela dévitalise nos villages. C’est un impact majeur dans nos sociétés rurales et cela me semble très important.
Voici la question que je voudrais vous poser; il s’agit d’un problème qui existe depuis de nombreuses années. D’ailleurs, des projets de loi ont été déposés par plusieurs personnes avant nous, particulièrement par Guy Caron, qui était député du NPD pour la circonscription de Rimouski. Cela se trouvait dans la lettre de mandat du ministre des Finances en décembre 2019. Qu’avez-vous fait au ministère des Finances pour régler ce problème et pour vous assurer d’avoir des conditions et un environnement fiscal équitables dans le transfert de nos entreprises? Vous l’avez dit : il est possible de faire la distinction... Pourtant, on dirait que vous réagissez a posteriori au lieu d’être proactifs. Qu’est-ce que vous avez fait au ministère des Finances pour être en mesure de créer cet environnement équitable et pour favoriser le transfert de nos entreprises de manière équitable, que ce soit à un étranger ou à un parent affilié?
[Traduction]
M. McGowan : Je vous remercie de la question. Comme nous l’avons souligné, il s’agit d’une question complexe, mais importante à laquelle le gouvernement et nous, à titre de fonctionnaires, travaillons. Ce n’est pas quelque chose qui a été annoncé dans les paramètres d’un transfert intergénérationnel.
[Français]
Le sénateur Forest : Qu’avez-vous apporté comme solution? Je ne vois rien. Je vois des réactions à un projet de loi qui tente de remédier à cette iniquité, mais concrètement, qu’est-ce que vous avez fait pour régler cette situation? La complexité réside dans la façon de distinguer un transfert réel d’une manœuvre d’évitement fiscal. Elle est là, la difficulté.
[Traduction]
M. McGowan : On peut probablement répartir l’intervention en deux volets. Le premier prend la forme des efforts visant à faire progresser le dossier intergénérationnel. En raison des règles de confidentialité et des renseignements confidentiels du Cabinet, je ne peux pas expliquer en détail tout ce qui se fait dans les coulisses.
À cela s’ajoutent les efforts déployés pour que les règles fiscales fonctionnent comme prévu du point de vue de l’intégrité, et c’est un dossier auxquels le gouvernement et nous, à titre de fonctionnaires, travaillons afin d’offrir une aide pertinente au besoin pour que les règles fiscales ne soient pas exploitées à des fins inappropriées pour obtenir des bénéfices quand la situation ne s’y prête pas. Ce sont deux facettes différentes de la question, et je ne peux malheureusement pas fournir d’autres renseignements que ceux annoncés par le gouvernement.
La présidente : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Forest : J’aimerais m’inscrire à la deuxième ronde de questions. Nous ne sommes pas dans les coulisses, mais dans un comité public.
[Traduction]
La sénatrice Hartling : Je remercie les témoins. La semaine dernière, les témoins que nous avons entendus étaient très favorables au projet de loi, y compris certains comptables fiscalistes d’un enthousiasme que l’on ne voit habituellement pas.
Je trouve vos préoccupations intéressantes et fort utiles. Je suis originaire du Nouveau-Brunswick, où la pêche et l’agriculture constituent les principales industries et le principal gagne-pain de la population, particulièrement pendant la pandémie en raison des problèmes de sécurité alimentaire. Comment pouvons-nous atténuer les préoccupations fiscales tout en assurant la sécurité alimentaire et la stabilité à long terme de l’industrie?
Je sais que vous examinez tout un éventail de questions pour déterminer comment vous pouvez résoudre le problème. Vous êtes-vous intéressés à d’autres pays pour voir s’ils ont des projets de loi semblables à celui-ci et comment ils les gèrent? Je pense que ce sont des renseignements intéressants à prendre en compte pour voir ce que nous pouvons faire à cet égard. Je vous remercie.
M. McGowan : Je vous remercie de la question. La réponse est « oui », nous avons étudié d’autres pays pour trouver des précédents et des exemples.
Comme je l’ai fait remarquer plus tôt, le Québec constitue un excellent exemple au Canada, mais nous pouvons aussi nous inspirer des règles fiscales des États-Unis, lesquelles autorisent les transferts intergénérationnels d’entreprise dans certaines circonstances. Dans le cadre de nos travaux, le ministère s’est intéressé aux précédents internationaux et aux autres ensembles de règles là où les mêmes problèmes se posent.
Comme je l’ai indiqué dans ma déclaration d’ouverture, je dirais que les mesures dont nous parlons dans le cadre du présent projet de loi s’appliquent exclusivement à la vente d’actions à une société contrôlée par un enfant ou un petit-enfant. Il existe d’autres moyens de transférer une entreprise à la génération suivante qui permettraient le recours à l’exonération cumulative des gains en capital, au roulement à impôt différé et à la réserve pour gains en capital de 10 ans. Nous mettons l’accent sur un petit segment des règles fiscales qui portent sur les transferts intergénérationnels.
La présidente : Sénatrice Hartling, avez-vous une autre question?
La sénatrice Hartling : Non, je vous remercie beaucoup.
Le sénateur R. Black : Je veux remercier la sénatrice Stewart Olsen de ses observations initiales. Je pense que je vais proposer votre candidature à titre d’agrologue honoraire tant vos remarques étaient pertinentes.
Je remercie nos témoins. Je viens d’un milieu agricole et j’ai constaté à quel point le transfert de la propriété d’une ferme familiale est difficile entre des membres d’une même famille. Selon mon expérience et mon opinion, la situation est extrêmement préjudiciable à nos communautés rurales et agricoles. Ces dernières disparaîtront si nous ne pouvons pas aider la jeune génération à prendre les commandes des fermes et des entreprises familiales. Je souligne que le problème ne se limite pas aux agriculteurs et aux pêcheurs. Je veux donc vous remercier, monsieur McGowan, de votre exemple, qui n’incluait pas l’agriculture. Il aurait pu le faire, mais il ne l’a pas fait. Cela m’a plu, car la situation ne touche pas que le secteur agricole.
Je maintiens mon appui au projet de loi. S’il est adopté, prévoyez-vous qu’il y aura davantage de transferts intergénérationnels? Vous attentez-vous à une hausse des dépouillements de surplus, un terme qui m’est relativement nouveau? Pensez-vous qu’il y aura d’autres projets de loi pour éliminer des échappatoires résiduelles? Ce sont là mes questions.
M. Porter : Je pense que la réponse à toutes ces questions est peut-être étonnamment brève : oui, il y aura plus de transferts intergénérationnels grâce à ce projet de loi, et oui, il y aura plus de dépouillements de surplus. Quand je dis « il y aura », c’est parce que je pense que c’est une attente raisonnable.
Pour ce qui est de dire s’il y aura d’autres projets de loi, nous nous en remettons au gouvernement, à son programme et à ses priorités. Je pense toutefois que c’est un oui assez bref aux premières questions.
Le sénateur R. Black : Je poursuivrai. Quelqu’un d’autre a posé la question et je la poserai de nouveau : pourquoi n’en avez‑vous pas fait davantage avant? Un comptable nous a indiqué au cours d’une séance précédente que c’est un problème depuis 30 ans. Vous dites que oui, il y aura quelque chose, mais pourquoi rien n’avait encore été fait? Je vous remercie.
M. Porter : Je ne pense pas que nous ayons grand-chose de nouveau à ajouter aux réponses données aux questions précédentes. Vous comprendrez que la réponse à cette question ne relève pas entièrement de nous.
Nos explications portent davantage sur les points d’ordre technique afin de vous sensibiliser à la complexité du dossier. Je prendrai juste 15 secondes pour indiquer que les sénateurs devraient savoir que le dépouillement de surplus fait l’objet de moult litiges au Canada.
Un grand nombre de dossiers concernent le domaine général des pratiques et de la planification fiscales, alors qu’un pourcentage substantiel des dossiers relatifs à la règle anti‑évitement concernent le dépouillement de surplus, une pratique qui emprunte bien des formes, que ce soit au pays ou par-delà les frontières.
Ici encore, je ne m’attends pas à ce que cette réponse allège les préoccupations qui taraudent bon nombre d’entre vous à propos du délai et de l’urgence, mais il est fort complexe et très délicat de modifier les dispositions prévues à l’article 84.1. Il faut apprendre à les connaître. Il existe d’autres dispositions faisant partie du cadre général du droit fiscal qui encouragent des contribuables et des conseillers fiscaux à effectuer des transactions dans le cadre desquelles ils s’adonnent au dépouillement de surplus.
Vous devriez savoir — et je pense que cela a fait l’objet d’une question ou d’une observation de la part de la présidente — que ce n’est pas le ministère des Finances qui interprète la loi; cette tâche incombe à l’Agence du revenu du Canada, qui a publié, au sujet des transactions faisant intervenir le dépouillement de surplus, un certain nombre d’interprétations qui entrent en contradiction avec les pratiques de certains contribuables et planificateurs fiscaux. Ses interprétations sont parfois contraires à celles que les tribunaux font de la loi dans sa forme actuelle.
ll est donc très difficile de modifier la loi. Je pense qu’il est pertinent d’intervenir d’une manière légèrement plus holistique plutôt que d’instaurer une forme circonscrite d’exonération ciblée.
Le sénateur R. Black : Je vous remercie.
Le sénateur Plett : Je ne prolongerai pas le débat pour que vous puissiez passer au deuxième tour.
Tout d’abord, permettez-moi d’appuyer la nomination de la sénatrice Stewart Olsen proposée par le sénateur Black. Je voulais faire écho à une bonne partie des propos qu’a tenus la sénatrice Stewart Olsen au début, ainsi qu’à ceux d’autres sénateurs, dont les sénateurs Deacon et Black.
Comme la sénatrice Stewart Olsen a soulevé de sérieux soupçons, une partie des miens ont trouvé réponse. Je comprends maintenant pourquoi le gouvernement voulait que la présente séance se déroule une semaine plus tard que ce que vous vouliez initialement, madame la présidente. C’était pour que tout le monde puisse avoir l’heure juste grâce aux témoignages.
Je viens du Manitoba, province d’origine de Larry Maguire, l’architecte de ce projet de loi d’initiative parlementaire. Comme c’est le cas pour d’autres provinces, l’agriculture y est fort présente, et je pense qu’il s’agit d’un excellent projet de loi qui aidera les fermes familiales et d’autres entreprises.
Selon ce que j’ai entendu, tous les membres du comité de la Chambre — tous les partis, du moins — ont voté en faveur de ce projet de loi. Ce ne sont donc pas que les partis de l’opposition qui l’ont appuyé, mais tous les membres, y compris ceux du gouvernement. Je ne suis habituellement pas favorable aux gouvernements minoritaires, mais ici, nous voyons le bon côté d’un gouvernement minoritaire alors que tous les partis appuient un projet de loi.
Ce sont principalement des observations que j’ai à formuler, madame la présidente, et les témoins peuvent y donner suite à la fin s’ils le souhaitent. Ils n’ont pas à le faire s’ils ne le veulent pas.
Tous les gouvernements peuvent faire quelque chose en prenant des règlements. Tous les gouvernements peuvent amender des projets de loi s’ils les jugent inacceptables. Tous les gouvernements peuvent rejeter des projets de loi. On nous a toutefois fait savoir que nous devrions amender le projet de loi. Permettez-moi de rappeler à tous mes collègues ici présents que le gouvernement nous indiquera certainement au cours de la prochaine semaine et demie que nous ne devrions pas amender de projets de loi, car ils mourront au Feuilleton si nous les modifions à cette étape tardive du calendrier parlementaire. Il ne faut donc pas croire que nous pouvons amender ce projet de loi et le renvoyer à la Chambre et qu’il sera adopté.
Je veux toutefois dire aux témoins que je n’accepte tout simplement par le fait que le gouvernement ne peut pas agir par voie de règlement et ne peut pas trouver de moyens pour apporter des correctifs si quelque chose cloche ici. Si vous voulez formuler une remarque à ce sujet, libre à vous de le faire. Dans le cas contraire, je pense que vous devez porter vos observations au compte rendu. C’est ce que j’ai fait pour les miennes.
Je pense que rien n’est coulé dans le béton pour l’éternité. Ce qui se fait depuis je ne sais combien de dizaines d’années ne fonctionne pas. Voici une mesure qui tente d’améliorer le régime actuel et si elle ne fonctionne pas, on peut certainement la modifier de nouveau dans l’avenir.
Madame la présidente, ce sont simplement des commentaires et des observations. Je ne sais pas si j’ai des questions. Je veux remercier les témoins de comparaître aujourd’hui. Je vous remercie.
La présidente : Je vous remercie, sénateur Plett. Nous considérerons qu’il s’agit d’observations, dont certaines ont trouvé réponse précédemment.
Selon ce que je peux voir, quatre personnes veulent participer à un deuxième tour. Veuillez limiter vos questions à deux minutes. Nous avons dépassé le temps que nous devions accorder à notre premier groupe de témoins, mais cela ne me dérange pas, car nous discutons de questions très importantes.
Le sénateur Mercer : Je comprends que le temps file. Ma question pour le témoin est simple. Nous avons reçu des commentaires très positifs sur la réglementation québécoise. Serait-il utile d’intégrer au projet de loi des dispositions semblables à celles du Québec pour répondre à nos préoccupations quant à son caractère trop large?
La présidente : Je vous prie de donner une réponse rapide à cette question courte.
M. McGowan : Je vous remercie pour la question.
Comme je l’ai déjà dit, le Québec a des règles semblables. Cette province a sa propre législation fiscale. Les règles du Québec pourraient servir de précédent, mais on ne peut pas simplement les intégrer à la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale parce qu’elles ne sont pas établies exactement de la même façon.
Cela étant dit, elles sont certainement utiles en ce sens qu’elles peuvent servir de précédent et d’exemple donnés par des personnes très intelligentes s’étant penchées sur la question.
Le sénateur Mercer : Nous sommes tous des adultes. J’aimerais que le gouvernement arrive à concevoir un plan.
Le sénateur Loffreda : Si l’on élimine les échappatoires, comme le Québec l’a fait avec beaucoup de succès, vous croyez comme moi qu’il serait positif d’élargir l’admissibilité à la vente partielle de la propriété; vous l’avez mentionné. Vous vous êtes dit d’accord avec moi sur le transfert des compétences parfois requis. C’est donc une possibilité. J’aimerais que vous répondiez par un simple oui ou non.
Peut-être qu’à une date ultérieure, vous pourriez nous fournir des données sur l’élargissement de l’admissibilité à toutes les entreprises familiales, comme de nombreuses entreprises familiales sont plus grandes que ce que vise le projet de loi. Nous pourrions nous pencher là-dessus plus tard.
Je crois aussi qu’il ne serait pas idéal de modifier le projet de loi maintenant. Je propose donc que nous nous tournions vers l’avenir et que nous cherchions des façons d’améliorer la mesure législative lorsque nous aurons le temps et la possibilité de le faire. Je vous remercie.
La présidente : Merci, sénateur Loffreda. Nous considérerons votre intervention comme une suggestion.
Le sénateur Loffreda : Puis-je recevoir une réponse rapide? Le témoin est-il d’accord avec moi qu’il serait positif d’élargir l’admissibilité à la vente partielle d’entreprise? Il l’a dit plus tôt.
M. McGowan : Je vous remercie de me donner l’occasion de clarifier. Malheureusement, la question n’est pas si simple; tout dépend des circonstances. Par rapport à l’exemple que j’ai donné tout à l’heure, je pourrais parler d’une série de transferts partiels d’entreprise réalisés dans le but ultime de transférer la totalité de l’entreprise; en pareil cas, le transfert intergénérationnel de l’entreprise n’est pas fait d’un seul coup, mais petit à petit.
C’est là un exemple de vente partielle d’entreprise menant ultimement au transfert de l’entreprise à la prochaine génération. J’opposerais cet exemple à celui que j’ai présenté dans ma déclaration préliminaire, qui pourrait aussi comprendre le transfert partiel, bien qu’éphémère, d’une entreprise à une société de portefeuille appartenant à un enfant adulte dans le cadre d’un arrangement de planification fiscale.
Je ne pense pas qu’il soit possible de donner une réponse générale à la question du transfert partiel d’actions ou d’entreprises, mais c’est un enjeu important.
Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie, messieurs, pour vos réponses franches et directes.
Je souligne que le problème existe depuis, disons, 30 ans. Divers gouvernements ont été en place durant cette période, et la mesure a reçu le soutien de tous les partis. Aujourd’hui, nous tentons enfin de régler ce dossier, qui a fait partie de programmes parlementaires, mais auquel on n’a jamais donné suite. Voici ma question rapide : à votre connaissance, depuis quand la réglementation québécoise est-elle en place?
M. McGowan : Je suis désolé, je ne peux pas vous répondre de mémoire. Je vois aussi M. Porter secouer la tête. Je suis certain que nous pourrions trouver la réponse et vous la transmettre, mais je ne saurais vous le dire maintenant.
Le sénateur C. Deacon : Dans ce cas, quand votre groupe au sein du ministère en a-t-il pris connaissance?
M. McGowan : Je ne m’en souviens plus. Je me rappelle en avoir entendu parler en 2017 dans le contexte du document sur la planification fiscale. Avant que le dossier des transferts intergénérationnels passe à l’étape législative, je n’en étais pas le principal responsable; j’ai donc peut-être des collègues qui en savent plus que moi à ce sujet.
M. Porter : J’ajouterais qu’on peut affirmer que cela fait plusieurs années. Évidemment, il s’agit d’un simple renseignement que nous pourrons vous envoyer.
J’aimerais réagir à l’observation concernant les 30 ans. Dans ce secteur, d’autres facteurs ont modifié la nature et les vulnérabilités des régimes fiscaux en ce qui a trait au dépouillement de surplus. Le facteur le plus important sur lequel je veux attirer votre attention, c’est l’augmentation des taux d’imposition du revenu des particuliers — il y en a eu une récemment —, de pair avec des réductions importantes des taux d’imposition des sociétés. Au cours des 20 dernières années, les taux d’imposition des sociétés sont passés des alentours de 45 % à environ 25 %. Je parle ici du taux général d’imposition des sociétés, ce qui comprend les taxes provinciales. Je ne parle pas des petites entreprises. J’essaie simplement de souligner que dans les 20 dernières années du moins, les taux d’imposition des sociétés ont diminué considérablement, les taux d’imposition des particuliers ont augmenté et le taux d’inclusion des gains en capital a été maintenu à 50 %. Ce sont là les facteurs principaux qui distinguent un impôt sur les dividendes d’un impôt sur les gains en capital.
L’une des raisons pour lesquelles nous insistons sur la complexité et les risques liés au revenu, c’est en quelque sorte parce que la différence entre le taux d’imposition des dividendes et le taux des gains en capital n’a jamais été aussi élevée : elle est de 20 points de pourcentage. C’est pourquoi ce secteur est très actif.
Je tenais à souligner que bien que la structure des dispositions législatives liées au dépouillement de surplus puisse demeurer inchangée pendant plusieurs années, les facteurs externes, eux, peuvent être modifiés et ils ont des répercussions importantes sur les activités entreprises dans ce secteur particulier de la planification. Rien n’est immuable.
Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie, monsieur Porter.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci aux témoins.
Rapidement, je crois que ce projet de loi est tout de même assez circonscrit. On parle d’une valeur de capital de 15 millions de dollars et d’un lien qui est très proche de la définition du terme « parent ». Je suis plutôt d’avis que, même s’il n’est pas parfait, on devrait adopter ce projet de loi.
Selon vous, compte tenu de la possibilité que nous donnent notamment les bulletins d’interprétation de l’Agence du revenu du Canada, et compte tenu de la Loi de l’impôt sur le revenu, pourrait-on potentiellement colmater les brèches et faire certaines améliorations à ce projet de loi à l’avenir, après son adoption?
[Traduction]
M. McGowan : Je vous remercie pour la question.
Le Parlement a toujours la possibilité de modifier ultérieurement tout projet de loi ou toute loi, mais pour ce faire, il doit suivre le processus parlementaire. Comme nous l’avons souligné plus tôt, bien qu’il soit possible de mettre en place des règlements, le projet de loi ne prévoit pas expressément de pouvoir de réglementation. En règle générale, le gouvernement ne peut pas faire fi de la volonté du Parlement exprimée dans un projet de loi en établissant simplement un règlement.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’Agence du revenu du Canada, son rôle est d’appliquer la loi telle qu’elle est et non comme elle voudrait qu’elle soit. Elle doit se conformer aux mesures prises; elle serait donc chargée d’appliquer la loi de la manière prévue par le projet de loi, ce qui comprend les limites relatives au type de planification. Ainsi, le champ d’action de l’Agence du revenu du Canada serait limité par les dispositions législatives contenues dans le projet de loi.
Ce serait difficile pour elle de contester la planification faite sans enfreindre les dispositions du projet de loi. Au bout du compte, son mandat est d’appliquer la loi, et c’est ce qu’elle devra faire.
La présidente : Honorables sénateurs, notre temps avec les témoins est maintenant écoulé. Je tiens à remercier encore une fois MM. Porter et McGowan de s’être joints à nous aujourd’hui.
Nous allons procéder à l’étude article par article du projet de loi.
Le sénateur Mercer : Madame la présidente, avant que nous effectuions l’étude article par article, j’aimerais que nous recevions d’autres témoins pour examiner plus à fond les violations que pourrait entraîner l’adoption hâtive du projet de loi. Je ne dis pas que je ne l’appuie pas, mais je tiens à ce que nous sachions exactement ce qui pourrait arriver.
J’hésite à adopter un projet de loi alors que nous avons encore des questions et des préoccupations. Pour cette raison, je propose que nous ne procédions pas à l’étude article par article aujourd’hui afin de nous donner la possibilité d’entendre d’autres témoins sur les conséquences non voulues éventuelles relatives à l’évitement fiscal et sur les mesures de protection supplémentaires à prendre pour lutter contre l’évitement.
La présidente : J’aimerais inviter nos deux témoins à se retirer puisque notre temps avec eux est écoulé. Merci, messieurs.
M. Porter : Merci.
Le sénateur C. Deacon : Merci.
La présidente : Voulez-vous que nous mettions aux voix la proposition de recevoir d’autres témoins, honorables sénateurs? Nous en avons accueilli six la semaine dernière, je crois, en plus des représentants du ministère aujourd’hui. Voulez-vous mettre la proposition aux voix? Sénateur Plett, votre main est levée, et la vôtre aussi, sénatrice Stewart Olsen. Souhaitez-vous intervenir là-dessus ou sur un autre sujet?
Le sénateur Plett : Je ne sais pas trop quoi dire. La décision de procéder à l’étude article par article aujourd’hui n’a pas été prise aujourd’hui, madame la présidente. On peut toujours recevoir d’autres témoins, et ce, indéfiniment. Il y aura toujours des gens pour et des gens contre. Le projet de loi a reçu un si large soutien.
Le président du Comité des finances, M. Wayne Easter, a expliqué que le projet de loi avait d’abord été présenté par un député libéral, puis par un député néo-démocrate, et maintenant par un député conservateur. Il est largement appuyé. Comme M. Easter l’a exprimé clairement, madame la présidente :
Je dirais même que je suis d’accord avec ceux qui disent qu’un projet de loi d’initiative parlementaire n’est pas le meilleur moyen pour modifier les politiques fiscales. C’est vrai. Or, nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant cette inégalité qui désavantage les familles qui souhaitent transférer leur entreprise à la prochaine génération. Il faut maintenant accepter la seule proposition de modification [...]
... la seule proposition, et ces paroles sont celles d’un député libéral, président du Comité des finances...
[...] qui ait été faite pour corriger la situation, soit le projet de loi C-208.
Madame la présidente, la décision avait été prise d’effectuer l’étude article par article aujourd’hui. À n’en pas douter, interrompre le processus maintenant, alors qu’il nous reste au plus une semaine et demie... Le sénateur Mercer sait très bien que si nous ne procédons pas à l’étude article par article, le projet de loi sera mis de côté, et son examen ne sera pas terminé avant la fin de la session. Il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Or la Chambre dispose d’un temps limité pour se pencher sur les affaires émanant des députés. Nous serons saisis de projets de loi émanant du gouvernement qui prendront tout notre temps; il a donc tort d’affirmer que nous avons beaucoup de temps.
Je vais m’arrêter là, madame la présidente. Toutefois, je le répète, la décision a été prise avant la réunion d’aujourd’hui. Franchement, je ne crois pas que la proposition devrait être mise aux voix puisque la décision a déjà été prise.
La présidente : D’accord, je vous remercie. Trois autres mains sont levées. Vos interventions se rapportent-elles aux propos du sénateur Plett? D’accord.
La sénatrice Stewart Olsen : Je pense aux observations que les fonctionnaires ont présentées aujourd’hui. Ils m’ont assuré qu’ils avaient abordé les mêmes sujets durant les délibérations à la Chambre des communes, où leurs observations n’ont pas retardé l’adoption du projet de loi ni suscité de grandes préoccupations. Je ne vois donc pas pourquoi elles retarderaient l’adoption du projet de loi aujourd’hui.
Je suis d’accord avec le sénateur Plett : le comité avait décidé de procéder à l’étude article par article aujourd’hui. Si je comprends bien, vous l’avez déjà reportée d’une semaine, alors j’ignore pourquoi nous ne pouvons pas simplement aller de l’avant. Comme vous le savez, si des modifications doivent être apportées à un projet de loi, n’importe quel gouvernement peut le faire en un instant.
Je ne veux pas décevoir les centaines d’agriculteurs et de pêcheurs qui comptent sur nous pour approuver la décision de la Chambre des communes.
La présidente : Chers collègues, j’aimerais maintenant suspendre brièvement la séance. Nous allons procéder à l’étude article par article, et vous pourrez soulever vos préoccupations à ce moment-là. J’ajouterais, par rapport à l’équilibre, que nous avons attendu les fonctionnaires pendant une semaine, comme on l’a déjà dit. Nous avons également examiné attentivement des listes de témoins éventuels, par souci d’équilibre, afin de trouver des personnes qui seraient peut-être contre le projet de loi, mais nous n’en avons pas trouvées.
Chers collègues, j’aimerais vous rappeler les détails suivants pour ce qui est des rouages du processus. Lorsque plus d’un amendement est proposé concernant un même article, ces amendements doivent être présentés suivant l’ordre des lignes du texte à modifier. Si un sénateur s’oppose à la totalité d’un article, je vous rappelle que la façon de procéder en comité n’est pas de présenter une motion visant à supprimer l’article au complet, mais plutôt de voter contre son adoption.
Si des membres du comité ont des questions concernant le processus ou le bien-fondé de quoi que ce soit, je les invite à invoquer le Règlement. En ma qualité de présidente, j’écouterai alors les arguments, je déciderai quand les arguments présentés sont suffisants pour en arriver à une décision et je rendrai une décision.
Le comité est le maître de ses travaux dans les limites établies par le Sénat, et il est possible d’interjeter appel d’une décision de la présidence en demandant à l’ensemble du comité si cette décision doit être maintenue.
Enfin, je tiens à rappeler aux sénateurs que, s’ils ont le moindre doute, la méthode la plus efficace est de demander un vote par appel nominal, lequel produira, bien entendu, des résultats sans équivoque. Les sénateurs savent en outre qu’en cas d’égalité des voix, la motion sera rejetée.
Y a-t-il des questions sur ce que je viens de dire? D’accord, dans ce cas, commençons. Est-il convenu, honorables sénateurs, de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale)?
Des voix : Oui.
La présidente : Êtes-vous d’accord de suspendre l’adoption du titre?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 1 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Gold : Avec dissidence, s’il vous plaît, madame la présidente.
La présidente : Avec dissidence. Je vous remercie, sénateur Gold.
L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Gold : Avec dissidence, s’il vous plaît.
La présidente : L’article 2 est adopté avec dissidence.
Le titre est-il adopté?
Des voix : Oui.
La présidente : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le sénateur Gold : Avec dissidence, je vous prie.
La présidente : Avec dissidence. Merci, sénateur Gold.
Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport?
Le sénateur Mercer : Oui, madame la présidente. J’aimerais le faire. J’ai déjà envoyé une ébauche des règlements à la greffière.
La présidente : Sénateur Mercer, l’avez-vous dans les deux langues officielles?
Le sénateur Mercer : Oui.
La sénatrice Stewart Olsen : C’est incroyable que cela ait été aussi rapide.
Le sénateur Mercer : Je sais fort bien, sénatrice Stewart Olsen, que je n’arrête pas de vous étonner.
La sénatrice Stewart Olsen : Je suis totalement stupéfaite.
La présidente : Nous étions censés présenter nos amendements ou nos observations hier. S’agit-il d’une circonstance exceptionnelle, honorables sénateurs?
Le sénateur Mercer : Oui. La greffière aura mon observation, et je lui demanderai de vous la faire parvenir à tous. Elle est dans les deux langues officielles. Je vais la lire. Je ne la lirai que dans une seule langue, mais les deux y sont.
Votre comité souligne des inquiétudes quant à d’éventuelles conséquences financières non désirées que pourrait avoir l’adoption de ce projet de loi. Ainsi, dans l’année suivant la sanction royale de ce projet de loi, votre comité recommande qu’un examen complet soit entrepris par un comité du Sénat, de la Chambre des communes ou des deux chambres du Parlement qui pourrait être désigné ou constitué par le Sénat, la Chambre des communes ou les deux chambres du Parlement, selon le cas, à cette fin.
Votre comité recommande également que, dans un délai d’un an ou dans tout autre délai autorisé par le Sénat, la Chambre des communes ou les deux chambres du Parlement, selon le cas, après le début de l’examen, le comité mentionné précédemment présente un rapport sur cet examen au Sénat, à la Chambre des communes ou aux deux chambres du Parlement, selon le cas, y compris un énoncé de tout changement recommandé par ce comité.
La présidente : Merci, sénateur Mercer. Je ne pense pas que les gens aient déjà reçu le document, et nous devons le voir dans les deux langues officielles.
Le sénateur Mercer : Vérifiez votre courriel. Madame la greffière, vous l’avez reçu?
Evelyne Côté, greffière du comité : Oui. J’essaie de l’envoyer à tout le monde. Un moment, s’il vous plaît.
La présidente : D’accord. Nous devons recevoir les documents.
Trois sénateurs ont la main levée. Je suppose qu’ils souhaitent formuler des commentaires relatifs à l’observation. Normalement, nous aurions dû nous réunir à huis clos pour tenir cette discussion. Je ne suis pas certaine que nous ayons besoin de le faire dans ce cas, car si elle est adoptée, l’observation sera de toute façon présentée au Sénat cet après-midi.
Mon option ici est d’attendre que tout le monde ait le document écrit en main ou d’entendre les commentaires fondés à ce stade sur ce que vous avez entendu lorsque le sénateur Mercer a lu l’observation. Nous ne voterons certainement pas avant que tout le monde ait le document en main ou soit prêt à dire qu’il estime avoir bien compris l’observation.
Voilà nos options.
Afin de gagner du temps, je vais consulter les sénateurs qui ont la main levée.
Le sénateur Loffreda : J’appuie le projet de loi. Je veux répondre à la question du sénateur Deacon. Je n’ai pas répondu quand les fonctionnaires étaient ici. Je n’ai pas la date exacte — je n’ai pas fait de recherche sur Google ou ailleurs; la question s’adressait à notre groupe. Carlos Leitão est celui qui, je pense, a parrainé ce projet de loi au Québec et qui l’a présenté. Il a également tenu des discussions avec le gouvernement.
Je suis déçu qu’ils ne le sachent pas. Ils auraient dû faire leurs devoirs, d’autant plus qu’au Québec, le projet de loi a été couronné de succès.
Ce projet de loi contient une iniquité, mais c’est mieux que rien. Il doit être adopté.
Il y a moyen de l’améliorer, et j’ai expliqué comment le faire. Tout d’abord, il devrait viser toutes les entreprises. Il évoquait les investissements passifs. Il ne s’agit pas d’investissements passifs. Mais j’aimerais qu’on fasse des recherches pour savoir ce que cela impliquerait et quelle serait la perte de revenus. Cela dit, le projet de loi ne devrait pas viser uniquement les petites entreprises. Il devrait être élargi, et il est d’accord avec cette idée, bien qu’il essaie de nous expliquer en quoi consiste une vente partielle. J’ai travaillé comme expert-comptable pendant 35 ans. Nous savons tous ce qu’est une vente partielle.
Mais nous devrions étendre cette admissibilité aux ventes partielles d’entreprises. La succession est un problème au Canada. Les propriétaires vieillissent. Les PDG de sociétés vieillissent. Parfois, ils vendent une partie de l’entreprise à la famille et continuent d’y travailler.
Il faudra s’en préoccuper à l’avenir, tout en cherchant comment supprimer ces échappatoires grâce à une planification fiscale appropriée.
Nous ne pouvons pas le faire en deux minutes ou dans le cadre d’une courte réunion. J’appuie le projet de loi. Je pense qu’il doit être adopté, car il doit y avoir une certaine équité pour les entreprises familiales. Mais j’aimerais que l’on se penche sur la question ultérieurement. Ce n’est pas le nombre de témoins qui va changer quoi que ce soit. Quel que soit le nombre de témoins que nous interrogeons, nous savons à ce stade que ce projet de loi pourrait être amélioré. Faisons-le à l’avenir. Adoptons-le maintenant.
Ce sont mes commentaires. Merci.
Le sénateur Mercer : Madame la présidente, j’aimerais préciser que la version qui vous a été envoyée est une version simplifiée de ce que j’ai lu. Vous devriez l’avoir sous les yeux.
Le sénateur Plett : Nous l’avons, sénateur Mercer.
Le sénateur Mercer : Merci.
La présidente : Elle vient d’arriver.
[Français]
Le sénateur Forest : Je n’ai pas encore reçu la remarque, mais, comme information générale, je pense qu’il faut être préoccupé par la façon de colmater les brèches. À l’intention des gestionnaires et des législateurs, je voulais dire que, dans le cadre de la Loi de l’impôt sur le revenu, la règle générale anti‑évitement, en vertu des articles 245 et 246, permettrait de colmater les brèches après l’adoption du projet de loi.
Ils nous disent que c’est très difficile et qu’il faudrait modifier le projet de loi. Je pense qu’il nous faut l’adopter tel quel et que nous avons les outils législatifs nécessaires pour nous permettre de colmater les brèches par la suite.
Ce sont les commentaires que je voulais faire, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente : Sénateur Forest, dites-vous que vous vous prononcez en faveur de l’observation?
Le sénateur Forest : Non, je viens tout juste de la recevoir.
La présidente : Je n’aurais pas dû vous poser la question avant de m’assurer que vous l’aviez reçue.
Le sénateur Loffreda : Je ne l’ai pas reçue. Je ne figure peut‑être pas sur la liste, mais si vous pouviez me l’envoyer, je vous en serais reconnaissant.
Le sénateur Mercer : La greffière fait signe de la tête qu’elle vous l’envoie.
La présidente : Je vais la relire, puis nous entendrons le sénateur Plett. Je sais que vous êtes tous en train de la recevoir.
Sénateur Forest, avez-vous déjà reçu une copie de l’observation?
Le sénateur Mercer : Il a dit que oui.
Le sénateur Forest : Oui.
La présidente : D’accord. Voici l’observation :
Votre comité souligne des inquiétudes quant à d’éventuelles conséquences financières non désirées que pourrait avoir l’adoption de ce projet de loi. Ainsi, dans l’année qui suit la sanction royale de ce projet de loi, votre comité recommande qu’un comité parlementaire entreprenne un examen complet du régime proposé. Votre comité recommande également que, dans un délai d’un an après le début de l’examen, le comité mentionné précédemment dépose un rapport sur cet examen, y compris un énoncé de tout changement recommandé par ce comité.
Avez-vous tous reçu le document ou êtes-vous convaincu de savoir ce qu’il dit?
Des voix : Oui.
La présidente : Y a-t-il quelqu’un qui n’est pas convaincu de savoir ce qu’il dit?
Le sénateur Plett : Je pense que le sénateur Forest a été éloquent. Vous lui avez demandé s’il s’exprimait en faveur ou contre l’observation. J’ai bien compris qu’il était opposé aux observations, tout comme moi. Je pense qu’il est temps que ce projet de loi aille de l’avant. Comme l’a dit le sénateur Loffreda, il n’y aura jamais de projet de loi parfait. C’est un grand pas dans la bonne direction. Il aurait dû être adopté depuis longtemps. Avec tout le respect que je dois au sénateur Mercer, en brouillant les pistes, nous allons presque au-delà d’une observation. Nous sommes à la limite d’un amendement, et ce n’en est pas un.
Cependant, il est clair que je m’oppose à cette observation. Le gouvernement a le droit — comme tous les gouvernements — de légiférer soit en prenant des règlements, soit en modifiant les lois et en instaurant d’autres mesures si elles ne fonctionnent pas.
Ce n’est pas quelque chose que nous devons dire au gouvernement de faire. Cette mesure a obtenu l’appui de tous les partis à l’autre endroit. De toute évidence, il a obtenu le soutien de tous les partis, de tous les caucus, de tous les groupes, quel que soit le nom qu’on leur donne au Sénat. Je pense que ce projet de loi bénéficie d’un soutien écrasant, et je suggère que nous l’adoptions tel quel et sûrement pas avec cette observation. Il est clair que je m’opposerai à cette observation. Merci beaucoup, madame la présidente.
Le sénateur C. Deacon : Merci, madame la présidente. Je suis ravi que le sénateur Plett accélère le processus législatif. J’espère que c’est une nouvelle tendance sur laquelle nous pouvons compter. Je pense que les fonctionnaires des finances sont très motivés pour effectuer cet examen de leur propre chef et suggérer les changements qui peuvent ou non être nécessaires dans une loi d’exécution du budget ou un budget. Je ne pense pas que ce soit quelque chose que nous devions faire. Il a été bien noté qu’ils ont des préoccupations à cet égard, et ils peuvent s’inspirer d’un cadre réglementaire. Je pense qu’ils sont motivés à le faire, et je leur en laisserais la responsabilité.
Le sénateur Mercer : Tout le monde a commenté le soutien de tous les partis à la Chambre des communes. Personne n’a commenté le fait qu’un grand nombre de personnes n’ont pas voté en sa faveur, et il s’agissait tous de membres du conseil exécutif. Aucun membre du Cabinet ne l’a appuyé. La ministre des Pêches et la ministre de l’Agriculture n’y étaient pas favorables. On peut affirmer qu’il a bénéficié du soutien de tous les partis parce que certains députés ont voté en sa faveur, mais ne nous leurrons pas — aucune des personnes actuellement chargées de le mettre en œuvre ne l’a soutenu. C’est pourquoi l’observation devient importante. Elle met en évidence le fait que nous voulons que cette mesure soit examinée et peut-être élargie ou restreinte une fois que nous aurons les données nécessaires. Les fonctionnaires nous ont dit qu’il n’y avait pas de données.
La sénatrice Stewart Olsen : C’est bon de savoir que la ministre de l’Agriculture et la ministre des Pêches n’ont pas soutenu ce projet de loi — c’est intéressant.
Le sénateur Plett : Madame la présidente, certains d’entre nous doivent assister à une réunion du CIBA dans quelques minutes.
La présidente : Sénateur Forest, en tant que porte-parole du projet de loi, vous avez une minute.
[Français]
Le sénateur Forest : J’aimerais simplement donner des précisions sur l’information et peut-être même rectifier certains faits.
D’une part, la demande de remédier à cette situation se trouve dans la lettre de mandat du premier ministre au ministre des Finances. Notre projet de loi représente également un excellent pas dans la bonne direction en vue de rectifier la situation. D’autre part, la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a déclaré qu’elle souhaitait mettre fin à cette iniquité, et je pense qu’il y a quand même deux poids lourds au sein du Conseil des ministres qui, même sans avoir voté, se sont montrés en faveur du projet de loi.
[Traduction]
La présidente : Tout d’abord, je dois vous demander si vous êtes en faveur de l’observation ou non. Si je ne peux pas déterminer si vous l’êtes ou non, nous ferons alors un sondage. Que tous ceux qui sont en faveur de l’observation présentée par le sénateur Mercer disent « oui ».
Des voix : Oui.
La présidente : Que tous ceux qui s’y opposent disent « non ».
Des voix : Non.
Le sénateur Mercer : J’ai le cœur brisé.
La présidente : Je pense que le « non » l’emporte.
Est-il convenu que je fasse rapport de ce projet de loi au Sénat?
Des voix : Convenu.
La présidente : Y a-t-il d’autres questions, honorables sénateurs? S’il n’y en a pas, nous allons lever la séance.
(La séance est levée.)