LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 2 juin 2021
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui à huis clos, à 18 h 30 (HE), par vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8 et 9 de la partie 4 du projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures; et, en public, pour étudier le projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).
Le sénateur Howard Wetston (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
Le président : J’aimerais tout d’abord souhaiter la bienvenue aux membres du comité, à nos témoins ainsi qu’à ceux qui nous regardent sur le Web pour la partie publique de notre réunion. Je m’appelle Howard Wetston, je viens de l’Ontario et je suis le président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous entamons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).
Je demanderais maintenant aux membres du comité de se présenter, en commençant par les vice-présidents.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, sénatrice indépendante de la Saskatchewan.
Le sénateur Smith : Larry Smith, vice-président, du Québec.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, sénateur indépendant de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
Le sénateur Loffreda : Tony Loffreda, du Québec.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
Le sénateur Klyne : Marty Klyne, de la Saskatchewan. Je reconnais que je me trouve sur le territoire du Traité no 4, le territoire des Métis en Saskatchewan.
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Bellemare : Diane Bellemare, du Québec.
Le sénateur Cotter : Brent Cotter, de la Saskatchewan. Je suis aussi le sénateur le plus récent.
Le président : Avant de commencer, je demanderais aux sénateurs et aux témoins d’être aussi brefs que possible lors de leurs interventions afin que chaque membre du comité puisse poser une question et, nous l’espérons, d’avoir une seconde période de questions avec le peu de temps qui nous est alloué pour la comparution de nos témoins. Si le temps nous le permet, nous aurons une seconde période de questions.
Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons Paul Burns, président et chef de la direction de la Canadian Gaming Association, et Randy Ambrosie, commissaire de la Ligue canadienne de football. Je vous remercie d’être parmi nous ce soir. Je suis désolé que l’invitation se soit faite avec si peu de préavis, mais les choses évoluent rapidement et nous en sommes à la période de l’année où il faut faire preuve de souplesse. Commençons avec vous, monsieur Burns, puis ce sera au tour de M. Ambrosie.
Paul Burns, président et chef de la direction, Canadian Gaming Association : Bonsoir et merci de me permettre de comparaître devant vous aujourd’hui. La Canadian Gaming Association est une association commerciale nationale qui représente les principaux opérateurs et fournisseurs des secteurs des jeux de casino, des paris sportifs, des sports électroniques et des loteries au Canada, soit un éventail complet d’entreprises allant des opérateurs de casinos classiques et en ligne aux fournisseurs de technologie et de contenus de jeu exclusifs internationaux.
L’industrie canadienne du jeu, qui représente 17 milliards de dollars, redonne annuellement plus de 9 milliards de dollars aux gouvernements provinciaux, municipaux et aux Premières Nations. Elle contribue positivement à l’économie canadienne en offrant des salaires moyens dépassant les 65 000 $ par année. Notre industrie représente plus de 180 000 emplois au Canada et contribue près de 19 millions de dollars en valeur ajoutée au PIB. Chaque année, nous achetons pour plus de 14,5 milliards de dollars en biens et services, la plupart dans les collectivités où nous faisons affaire.
Notre industrie, comme bien d’autres, a été durement affectée par la pandémie. La plupart de nos casinos n’ont pas rouvert leurs portes depuis le mois de mars 2020, mais lorsqu’ils ont été autorisés à le faire, ils l’ont fait avec une capacité d’accueil limitée. En 2019, les revenus du secteur des casinos représentaient plus de 50 % des revenus annuels de 17 milliards de dollars — approximativement 9 milliards de dollars. En 2020, le secteur a rapporté 900 millions de dollars, ce qui représente une baisse de 90 %. La tendance à la baisse se poursuit, car la plupart des casinos au Canada sont fermés depuis le début de l’année 2021.
La plupart des 90 000 employés de première ligne n’ont pas pu travailler au cours de la dernière année, ce qui a généré de terribles et majeures [Difficultés techniques].
C’est l’une des raisons pour lesquelles notre industrie continue d’appuyer l’amendement au Code criminel proposé que vous étudiez présentement. Avec la reprise, la possibilité d’offrir des paris sur une seule épreuve sportive lorsque nous pourrons rouvrir en toute sécurité sera un avantage considérable pour les opérateurs de jeux canadiens et leurs employés.
Pendant que nous étions fermés et que nous respections ainsi les consignes de nos autorités locales de santé publique, le crime organisé a continué ses opérations de prise de paris sportifs clandestins en ligne et à l’étranger. Chaque année, les Canadiens dépensent plus de 4 milliards de dollars en paris sportifs en ligne à l’étranger et environ 10 milliards de dollars en paris clandestins gérés par le crime organisé.
En comparaison, les Canadiens dépensent environ 500 millions de dollars en produits légaux de loterie sportive offerts par les provinces. Le Canada offre des paris sportifs légaux depuis des décennies. Il est temps d’uniformiser les règles du jeu et de permettre aux opérateurs de jeux canadiens d’offrir le même produit dans un milieu légal, autorisé et hautement réglementé afin que les bénéfices reviennent à nos communautés et au bien public. Notre industrie, tout comme nos partenaires des gouvernements provinciaux demandent cet amendement depuis plus d’une décennie. Tout au long du processus parlementaire, vous avez vu que cet amendement obtient l’appui des entreprises et des organisations syndicales, des professionnels des forces de l’ordre, des organisations de sport professionnel et amateur, des municipalités et des organisations de jeu responsable.
En 1985, les gouvernements fédéral et provinciaux ont convenu que les provinces auraient le droit exclusif d’exploiter et de réglementer les jeux de hasard sur leur territoire. Au cours des 35 dernières années, les gouvernements provinciaux ont travaillé à la création de milieux de jeu sûrs et hautement réglementés. Nous avons élaboré et mis en œuvre des programmes de jeu responsable de classe mondiale qui permettent aux opérateurs de jeu canadiens d’offrir des expériences de jeu de qualité dans un milieu sûr et sécurisé.
Ce sont les provinces, par l’entremise des organismes provinciaux de réglementation du jeu, qui veilleront à ce que les paris sportifs soient offerts avec le niveau de contrôle et de surveillance approprié. L’industrie du jeu s’attend à ce qu’il y ait des règles et des normes claires au Canada, telles que : les sports sur lesquels il sera permis de parier et ceux qui seront interdits, comme les sports qui impliquent des mineurs ou des jeunes; une vérification de l’âge et de l’identité pour que des mineurs ne puissent parier; veiller à ce que des outils de jeu responsable tels que des options d’auto-exclusion soient facilement disponibles; des ententes de partage d’information et de données entre les organisations sportives, les opérateurs de paris sportifs, les organismes de réglementation du jeu et les forces de l’ordre pour protéger l’intégrité du sport et des athlètes et prévenir le trucage de matchs; l’interdiction pour les joueurs, les entraîneurs et les officiels de parier sur les sports; et des normes en publicité et en marketing, car les paris sportifs et événementiels sont des activités de divertissement qui ne devraient être accessibles qu’aux adultes et la publicité et le marketing doivent être conçus en conséquence.
En conclusion, ce n’est qu’en réglementant les paris sur une seule épreuve sportive que nous pouvons assurer la protection des consommateurs, des athlètes et des sports et veiller à ce que les bénéfices économiques restent dans les provinces où ils sont générés et à ce que les entreprises canadiennes puissent rivaliser sur un pied d’égalité. Merci beaucoup.
Randy Ambrosie, commissaire, Ligue canadienne de football : Bonjour à tous. Au nom de la Ligue canadienne de football, j’aimerais remercier le comité de me permettre de comparaître aujourd’hui et de son engagement continu envers la fonction publique et le Canada.
J’aimerais saluer le vice-président, le sénateur Larry Smith, qui, avec son dévouement à la communauté et au pays, a eu une longue et brillante carrière dans le milieu du football canadien à titre de joueur de la LCF, président et président-directeur général des Alouettes de Montréal et même à titre de commissaire de la LCF. Je suis certain que vous comprendrez, en tant que titulaires de charge publique, que plus vous occupez un poste longtemps, plus vous appréciez ceux qui vous ont précédé.
Je suis ici aujourd’hui pour répéter et souligner notre appui au projet de loi C-218. Nous sommes en faveur de la décision d’amender le Code criminel pour permettre les paris sportifs sur une seule épreuve sportive pour deux raisons.
Tout d’abord, cet amendement permettra d’extirper les paris sportifs des ténèbres pour les exposer à la lumière du jour, là où ils devraient être. Les Canadiens dépensent déjà des milliards de dollars chaque année en paris sportifs à l’étranger ou en paris illégaux gérés par le crime organisé. Le projet de loi C-218 donnera aux provinces la capacité d’élaborer des normes réglementaires et des mesures d’application de la loi robustes pour veiller à ce que les paris sportifs soient offerts avec le niveau de contrôle et de supervision approprié. Il s’agit notamment de veiller à ce que les mineurs ne puissent pas prendre part aux paris. Il existe des façons d’avoir accès à des outils qui font la promotion du jeu responsable. Les organisations sportives, les opérateurs de paris sportifs, les organismes de réglementation du jeu et les forces de l’ordre se partagent de l’information et des données pour garantir une concurrence loyale et honnête sur le terrain, car l’intégrité de notre jeu est d’une importance capitale pour nous, et nous chercherons à la protéger. Nous pourrions en faire nettement plus avec des règlements robustes et transparents et avec la collaboration et l’appui des autorités provinciales. En réglementant les paris, ceux-ci sortiront des ténèbres et nous pourrons protéger les fans, tout en veillant à ce que les paris soient justes et à ce que toutes les activités soient sécuritaires.
De plus, nous appuyons le projet de loi C-218, car il permettra de garder les bénéfices économiques au Canada, au profit des gouvernements provinciaux, des entreprises canadiennes et des collectivités locales. Dans notre cas, le projet de loi nous permettra d’établir des partenariats avec des leaders de l’industrie pour obtenir de nouveaux fans dans plus de marchés, ce qui nous fera vendre plus de billets et de marchandises, augmentera nos cotes d’écoute et générera d’autres possibilités pour notre contenu.
Tout comme bien d’autres entreprises canadiennes, nous avons été durement affectés par la pandémie de COVID-19. Nous avons perdu notre saison 2020 et nous avons déjà dû raccourcir notre saison 2021, même si nous visons à reprendre les matchs cet été. Il est crucial pour notre avenir, maintenant plus que jamais, d’accroître notre nombre de fans. Nous savons que ce projet de loi pourrait avoir des répercussions fort positives sur l’ensemble des industries du sport et du divertissement, alors que nous tenterons de nous relever.
Ce projet de loi était attendu depuis longtemps et il devrait être évalué rapidement avant les vacances d’été. Avec la possibilité d’une élection à l’automne, nous craignons qu’un retard fasse mourir ce projet de loi au Feuilleton et qu’une autre année, ou plusieurs, même, puissent être perdues. Les Canadiens appuient fortement le projet de loi C-218. Il a obtenu l’appui de la grande majorité des députés de la Chambre des communes. Les industries du sport et du divertissement l’appuient et je peux vous garantir que c’est aussi le cas de la Ligue canadienne de football et des neuf clubs membres. Nous exhortons le Sénat à agir rapidement pour l’examen et l’adoption du projet de loi C-218.
Merci beaucoup, chers membres du comité, et je suis reconnaissant du temps que vous m’avez alloué ce soir.
Le président : Je vous remercie, messieurs.
La sénatrice Wallin : J’ai une brève question pour vous deux. Comme vous le savez, ce projet de loi a suscité bien des discussions. Certains veulent des amendements précis. Je me demande si l’un d’entre vous se préoccuperait d’un amendement qui stipulerait explicitement que le trucage de match est illégal. Je pense que tout le monde tient cela pour acquis, mais ce n’est pas clairement inscrit dans le projet de loi. Cela vous poserait-il problème?
M. Burns : Nous croyons fermement qu’il existe déjà des dispositions dans le Code criminel qui interdisent le trucage de matchs, et il existe aussi des dispositions sur la tricherie au jeu dans l’article sur le jeu du Code criminel. Il y a d’autres articles, et, en fait, un cas précis s’est rendu en Cour suprême en 2015. Il s’agit du cas Riesberry. Je ne suis pas avocat et je ne prétends pas l’être. Cela dit, le Code criminel dispose déjà de dispositions à ce sujet. Elles ont passé l’épreuve des tribunaux et ont été maintenues par la Cour suprême. Nous estimons qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un amendement explicite à ce sujet pour l’instant et que le Code criminel traite efficacement de cet enjeu.
M. Ambrosie : Si je puis me permettre, j’aimerais ajouter quelque chose. Comme M. Burns, je ne suis pas avocat ou législateur. Ce que je peux vous dire, c’est que nous estimons disposer de protections robustes dans le système actuel. Nous travaillons de concert avec les organismes provinciaux de réglementation pour veiller à garantir l’intégrité du jeu.
Je vous référerais à la constitution de notre ligue, et plus précisément à l’article 10.08, qui prévoit précisément des pénalités pouvant aller jusqu’à la suspension à vie pour quiconque serait reconnu coupable de trucage de matchs.
Nous avons des règlements, comme celui à l’article 1(a), qui interdit précisément toute activité liée au trucage de matchs. Notre convention collective avec nos joueurs nous relie à ces deux éléments, l’un dans notre constitution et l’autre dans nos règlements. Je suis absolument convaincu que nos joueurs et notre association de joueurs marcheront à nos côtés au fur et à mesure que nous apprendrons et grandirons pour veiller à ce que les joueurs jouent de façon juste et en respectant les règles.
La sénatrice Wallin : Je vous remercie, messieurs.
Le sénateur Smith : J’aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je vais commencer avec vous, monsieur le commissaire. Certains ont dit que ce projet de loi pourrait augmenter le nombre de téléspectateurs chez les jeunes Canadiens qui utilisent leurs cellulaires pour faire des paris sportifs divers. L’ouverture des paris sportifs sur une seule épreuve sportive pourrait permettre d’attirer des fans non traditionnels vers la ligue, et donc d’en augmenter le nombre de téléspectateurs, ainsi que la vente de billets et de marchandises. La LCF a-t-elle réfléchi à la façon dont elle pourrait s’adapter aux fans diversifiés et potentiellement de plus en plus nombreux si ce projet de loi est adopté?
M. Ambrosie : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur Smith. Nous avons travaillé de concert avec Paul Burns et ses collègues. Nous allons faire appel à des experts dans ce domaine pour qu’ils nous aident à comprendre comment aller chercher ces nouveaux fans, mais aussi comment générer de l’excitation pour les paris sportifs et créer cette connexion et cette mobilisation fondamentale.
Il s’agit, selon nous, d’une excellente occasion d’attirer de nouveaux fans et de créer un sentiment d’appartenance au jeu; vous ne faites pas que regarder la partie, mais vous y participez aussi. Nous constatons que des ligues sportives du monde entier ont su tirer profit des paris sportifs sur une seule épreuve sportive pour créer des liens solides. Il s’agit peut-être d’une des plus grandes occasions jamais offertes à la Ligue canadienne de football, et le moment ne saurait être mieux choisi. Comme je l’ai expliqué dans mes remarques liminaires, les temps ont été difficiles en raison de la pandémie. Selon nous, cet amendement pourrait nous permettre d’avoir une reprise plus rapide après la crise.
Le sénateur Smith : Merci, commissaire.
Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités de ce groupe. Tout d’abord, j’ai deux questions rapides pour Paul Burns, et si le temps me le permet, je passerai à la LCF ou à la deuxième série de questions.
Je vous remercie d’avoir fait part à ce comité de certaines des retombées sociales et économiques positives que l’industrie du jeu réglementé a eues sur le Canada. Au-delà des recettes fiscales potentielles et du fait de donner aux amateurs de sport canadiens une autre raison de suivre de près leurs événements sportifs professionnels favoris, y compris les Roughriders de la Saskatchewan qui définissent la LCF, si ce projet de loi est adopté, monsieur Burns, comment le Canada pourrait-il bénéficier d’une forme de pari légal qui n’existe pas actuellement?
M. Burns : Les retombées vont des recettes fiscales pour les gouvernements provinciaux à la création d’emplois et de possibilités économiques. Il y a beaucoup de fuites dans le monde des paris sportifs qui quittent le pays et qui ne génèrent aucun avantage fiscal pour notre pays. En fait, on estime que les attentes en matière d’emploi pourraient dépasser au moins un millier de personnes et que le PIB, par l’entremise des effets directs, indirects et induits, pourrait augmenter de près de 400 millions de dollars.
Nous avons vu qu’il y a beaucoup de potentiel dans ce domaine parce que le Canada a un grand secteur technologique qui y participe. Il y a des entreprises comme theScore, qui est une entreprise canadienne, établie à Toronto, qui participe au marché réglementé des paris sportifs aux États-Unis et à cinq marchés sous licence. Elles embauchent des gens dans le secteur de la technologie. Elles embauchent des personnes dans des emplois très bien rémunérés et très qualifiés. Ce sont là les possibilités pour ces entreprises de continuer à croître et à prospérer au Canada.
Le sénateur Klyne : Une partie des recettes provenant de l’industrie du jeu réglementée au Canada est généralement consacrée à l’éducation au jeu responsable et au soutien des joueurs compulsifs et des joueurs dépendants. Les dépendances au jeu qui se développent sans préavis ni intervention, et sans les soutiens correspondants, ont de graves répercussions négatives sur la personne et ses proches. Ces répercussions négatives peuvent inclure l’érosion de la situation financière de l’entreprise familiale et même mener à l’insolvabilité, la fraude, le vol, la violence domestique, la dépression, l’éclatement de la famille, l’itinérance et le suicide.
Pouvez-vous fournir au comité des détails supplémentaires sur les programmes soutenus par les revenus actuels des jeux réservés au jeu problématique et à la dépendance au jeu? Comment les revenus des paris sportifs réglementés dans le cadre d’événement unique contribueraient-ils au jeu responsable et au soutien des personnes souffrant de dépendance au jeu?
M. Burns : Merci, sénateur. L’industrie canadienne du jeu est devenue un chef de file mondial dans les programmes de jeu responsable. Grâce aux partenariats avec les gouvernements provinciaux et à leur participation dans le secteur du jeu à l’échelle du pays, nous avons assisté à l’élaboration d’outils d’éducation des joueurs de classe mondiale, de programmes d’éducation pour les personnes et de traitement, ainsi qu’à la réalisation de nombreux travaux de recherche de qualité dans ce pays. Nous avons d’excellents programmes qui, en fait, sont exportés dans d’autres parties du monde. La British Columbia Lottery Corporation, par exemple, a pu mettre au point un excellent programme d’éducation des joueurs, donnant aux gens des choix éclairés et des outils pour gérer leur jeu et les éduquer sur les pièges du jeu excessif. Ce programme est utilisé par MGM dans toutes ses propriétés aux États-Unis. Il est utilisé par les États de l’Oregon et du Massachusetts et par de nombreuses autres provinces du Canada.
Nous avons eu cet investissement. Cela fait partie de l’ADN de l’industrie, de la façon dont les produits sont déployés à la façon dont les installations de jeu sont créées. Tout cela est fait dans l’optique du jeu responsable. Nous avons quelques-uns des meilleurs programmes et la capacité de continuer à offrir d’excellents programmes pour nous assurer que nos clients sont en santé, qu’ils jouent en toute sécurité et qu’ils disposent des informations dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés.
Le sénateur Wells : Merci, messieurs Burns et Ambrosie, de comparaître et de fournir des renseignements dont le comité a besoin pour son étude. Ma première question s’adresse à M. Burns. Vous avez mentionné que les dépenses au Canada l’année dernière étaient de 14 milliards de dollars. Y a-t-il des estimations ou des projections sur ce que cela pourrait être, si ce projet de loi est légalisé?
M. Burns : Il y en a eu. PwC a rédigé un rapport qui a été largement diffusé, et il y a eu de nombreux rapports indépendants. Je vais utiliser celui-là pour ce soir. On s’attend à ce que nous assistions à une croissance très importante et à une diminution du marché illégal. Va-t-il disparaître? Non, pas tout de suite. Ce que nous verrons, c’est que les Canadiens auront une option légale et réglementée.
En ce qui concerne les revenus bruts de jeu, qui sont les revenus réels — les données que j’ai citées plus tôt sont en fait les paris totaux — lorsque vous regardez les paris dans ce domaine, nous nous attendons à ce que ce chiffre passe probablement de, aujourd’hui, plus d’un milliard de dollars de revenus à 1,1 ou 1,2 milliard de dollars la première année. Les sociétés de loterie gagnent beaucoup moins que cela à l’heure actuelle. Je pense que nous verrons la fin du marché illégal, et le marché réglementé [Difficultés techniques] pourra croître et prospérer. C’est en partie grâce à l’éducation — les Canadiens comprennent que des sites légaux et réglementés sont maintenant disponibles. Notre bureau reçoit assez régulièrement des appels de personnes qui ont du mal à retirer leur argent de sites à l’étranger. De nombreux Canadiens ne réalisent pas que ces sites ne sont pas réglementés et ne sont pas légaux dans le pays. Malheureusement, ils l’apprennent parfois à leurs dépens et ne parviennent pas à retirer leur argent de ces sites.
Le sénateur Wells : Je comprends cela, mais existe-t-il une projection sur le montant qui serait dépensé pour les paris sportifs légaux? Je veux comparer les 14 milliards de dollars que vous avez mentionnés à ce qui se passera l’an prochain, si ce projet de loi est adopté.
M. Burns : Deloitte a utilisé des chiffres de plus de 7 milliards de dollars qui seraient versés immédiatement dans le marché légal. Au cours des cinq prochaines années, ce montant atteindrait environ 28 milliards de dollars. C’est une estimation qu’ils ont faite. Il y aurait une croissance, ce qui n’est pas négligeable, au-delà des paris actuels et, espérons-le, une grande partie du marché illégal se tournera vers le marché légal et réglementé. Lorsque les Canadiens sauront qu’ils ont le choix et qu’ils comprendront où va l’argent de leurs paris — et quels en sont les avantages —, nous verrons cette transition. Cela prendra du temps. Selon une évaluation, la croissance pourrait atteindre 28 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.
Le sénateur Wells : Merci de ces remarques.
Monsieur Ambrosie, expliquez-moi comment cela fonctionne. Une personne parie sur un match de la LCF. Admettons qu’elle parie 20 $. Le pari n’est pas gagnant, alors elle perd son pari. Où vont les 20 $? Sont-ils versés à la société de loterie qui les distribue à la ligue? Sont-ils versés à la ligue? Expliquez-moi comment le processus des paris perdus fonctionne.
M. Ambrosie : Eh bien, sénateur Wells, je dois avouer que je ne suis pas un expert dans le domaine du jeu. Ce que je vois comme avantage pour la LCF, ce sont les relations avec les fournisseurs — les exploitants — qui seraient évidemment intéressés à encourager les gens à envisager de parier sur un match de la Ligue canadienne de football. Les mécanismes de l’industrie du jeu sont vraiment du ressort de M. Burns, et il serait mal avisé de ma part d’essayer de prétendre être un expert dans ce domaine particulier.
Le sénateur Wells : Est-ce que je pourrais demander à M. Burns de répondre à cette question? Que se passe-t-il quand une personne parie 20 $ et les perd? Où va cet argent?
M. Burns : Je serai bref. Les ligues sportives professionnelles ne participeront pas au pari. Ce qu’elles font, elles le font par l’entremise de relations en vendant des données et leurs renseignements, de partenariats de marketing et d’autres partenariats de ce genre. C’est là que les revenus sont reversés aux organisations, équipes, stades et autres.
Le sénateur Wells : Merci.
Le sénateur Loffreda : Merci à nos témoins d’être présents. J’ai une question pour le commissaire de la LCF, M. Randy Ambrosie, mais aussi pour M. Burns, de la Canadian Gaming Association. Monsieur Burns, vous avez mentionné 4 milliards de dollars de paris à l’étranger, actuellement, et 10 milliards de dollars de paris du crime organisé. Selon les projections de Deloitte, nous récupérerons, avec ce projet de loi, de 7 à 28 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Avec les 14 milliards de dollars qui sont actuellement illégaux, nous récupérerons 28 milliards de dollars. Ce qui m’inquiète, c’est qu’avec ce projet de loi, nous faisons croître ce marché. Sommes-nous en train de mener de nombreux Canadiens vers une dépendance au jeu?
Voici une petite question pour M. Ambrosie : quelle est l’incidence économique du projet de loi C-218 sur la LCF? Verrons-nous davantage de partenariats avec des paris sportifs, comme je crois que certaines équipes de la LCF l’envisagent actuellement? Y aura-t-il un tourisme sportif d’élite avec la venue d’un plus grand nombre de citoyens américains? Cela fera-t-il croître la LCF?
M. Burns : Ce que nous avons vu, c’est que, oui, il y aura une croissance du marché. Il y a eu une légère croissance du marché du jeu au fil du temps, et il continuera à croître au fil du temps. Ce sont des estimations faites par des groupes indépendants. Sont-elles exactement celles qui se réaliseront? Ce que nous avons vu, c’est que les Canadiens aiment parier sur les sports, mais nous avons également vu que nous avons certains des meilleurs programmes de jeu responsable au monde. Une recherche récente publiée par l’Alberta Gaming Research Institute montre également que les taux de jeu problématique dans ce pays, entre 2002 et 2018, ont diminué de 45 %. Nos programmes d’éducation fonctionnent, et les Canadiens sont de plus en plus habitués à comprendre ce qu’est le jeu et ce qui ne l’est pas. Ce que nous avons vu, c’est une stabilisation du jeu problématique au cours de la dernière décennie ou plus et de nombreuses diminutions récentes — et le jeu a pris de l’expansion dans ce pays pendant ce temps.
La réalité est que ce n’est pas parce qu’il y a un nouveau produit qu’il y a de nouveaux joueurs à problèmes. Il y a aujourd’hui beaucoup de personnes qui jouent illégalement sur des marchés illégaux. Ces programmes sont à la disposition des gens aujourd’hui s’ils se manifestent, mais le problème réside dans des choses comme le crédit. Les Hells Angels sont heureux de vous accorder du crédit n’importe quand. Il y a moins d’une poignée de casinos dans ce pays qui vous accordent un crédit, et c’est comme demander un prêt hypothécaire. Nous n’accordons pas beaucoup de crédit. Cela n’arrivera pas en ligne. Il y a beaucoup de différences qui viendront avec un marché réglementé et contrôlé.
M. Ambrosie : Je vais revenir sur ce point, puis je répondrai à la question plus directe du sénateur Loffreda. L’un des problèmes auxquels nous nous heurtons de nos jours, alors qu’une grande partie de ces activités sont réalisées à l’étranger, est que nous n’avons pas une idée claire de ce qui se passe ou d’accès à une surveillance. Nous ne pouvons dire si quelque chose se passe dans les coulisses, qui pourrait nous conduire à une enquête plus approfondie, plus complète.
L’une des choses que nous aimons le plus dans le cadre de ce projet, c’est l’occasion de travailler avec les exploitants de jeux, les organismes de réglementation provinciaux et les forces de l’ordre pour nous assurer que nous avons une idée claire pour voir si quelque chose d’insensé a lieu. M. Burns nous a dit que tous ces outils peuvent être mis à notre disposition pour rendre le jeu plus sûr et élever le niveau d’intégrité de notre jeu.
Pour répondre à la question plus directe du sénateur Loffreda, nous pensons qu’il s’agit d’une formidable occasion pour générer des revenus. Nous ne savons pas exactement combien. Nous pensons que cela aura une incidence sur notre capacité de créer un engagement avec les amateurs, et d’attirer de nouveaux amateurs, aux quatre coins de notre grand pays et dans d’autres parties du monde, qui seront plus attirés par le fait de regarder un match parce qu’ils peuvent parier 5 ou 10 $. Ils resteront peut-être plus longtemps. Nous savons, grâce à nos conversations avec notre partenaire de diffusion, par exemple, que l’amélioration de l’audimat ne tient pas seulement au nombre de personnes qui regardent un match, mais aussi à la durée de ce dernier. Si quelqu’un reste pendant les trois dernières minutes du match parce qu’il a fait un pari de 5 $, cela va nous aider à améliorer notre taux d’audience.
Il y a des avantages pour nous dans tout l’écosystème. Comme l’a dit M. Burns, il y aura des possibilités concernant les données et d’autres choses de ce genre. Il suffit de dire que nous sommes très enthousiastes. Nous ne pensons pas avoir vu une occasion d’accroître les revenus à un degré aussi élevé que ce que nous avons vu et voyons dans le projet de loi C-218.
La sénatrice Moncion : Pouvez-vous nous parler des mesures prises par le secteur pour exclure les acteurs pathologiques? C’est la première question. Disposez-vous de données sur l’efficacité de vos programmes de jeu responsable?
M. Burns : Merci, sénatrice. Des outils d’auto-exclusion sont disponibles pour les clients. Une des choses que nous avons apprises et dont les experts parleront, c’est que dans la mesure où il est possible de contrôler l’environnement et de fournir un personnel hautement qualifié, chaque membre du personnel d’un casino de première ligne est formé au jeu responsable et à la manière de détecter les personnes en détresse et ayant des problèmes, et de les aider à trouver des sources d’aide. Il faut aussi qu’elles veuillent s’aider elles-mêmes. Il existe des outils d’auto-exclusion pour cela.
Dans l’espace en ligne, il existe des contrôles pour les joueurs afin qu’ils puissent fixer des budgets et le temps passé sur les appareils. Ils peuvent contrôler et leur donner les outils nécessaires pour qu’ils soient en mesure de contrôler leurs dépenses et leur donner les informations dont ils ont besoin pour faire ces choix éclairés.
En ce qui concerne l’efficacité, il est évident que les taux de jeu problématique sont stables et en baisse dans ce pays, et nos programmes et initiatives d’éducation se poursuivent sans relâche et nous continuons à élaborer des programmes et des moyens nouveaux et novateurs pour atteindre et éduquer les joueurs. Vous entendrez de nombreux professionnels du secteur du jeu responsable qui, je le sais, viendront témoigner et vous expliqueront en détail comment ils travaillent à l’élaboration de ces programmes dans nos environnements de jeu et dans les provinces.
La sénatrice Marshall : Merci d’être ici ce soir. J’ai une question simple.
Pour que cela entre en vigueur, si nous adoptons ce projet de loi avant la fin du mois, combien de temps faudra-t-il pour que tous les partenaires soient prêts et que nous puissions commencer à faire nos paris? S’agit-il de mois ou d’années? Si je pose cette question, c’est parce que nous étudions beaucoup de lois gouvernementales et que, bien souvent, les délais sont très éloignés — cinq ans, sept ans — et, dans certains cas, les dates limites ou les échéances ne sont même pas mentionnées, tant elles sont éloignées.
J’appuie le projet de loi et il est attendu depuis longtemps, mais pour être réaliste, combien de temps pensez-vous qu’il faudra pour que tous les joueurs soient prêts?
M. Burns : Merci, sénatrice. Je crois que les gouvernements provinciaux sont en train de demander aux organismes provinciaux de réglementation du jeu d’élaborer des règlements provinciaux. Comme vous le savez, ils ont une longue et solide histoire de réglementation de l’industrie du jeu. Pour être en mesure de nous préparer, nous apprenons d’autres instances.
Ce serait une question de mois. D’ici l’automne, vous verrez des instances commencer à proposer des offres très solides. Avec les sociétés de loterie provinciales, par l’entremise de leurs propres sites et en travaillant avec les organismes de réglementation provinciaux, cela pourrait prendre quelques semaines, car le produit sportif est là. Il est offert aujourd’hui. De nouvelles règles doivent être mises en place, et je peux vous dire que les organismes de réglementation du jeu d’un océan à l’autre y travaillent en ce moment même afin d’être prêts à saisir l’occasion lorsqu’elle se présentera.
La sénatrice Marshall : Vos organisations sont-elles prêtes? On dirait qu’on pourrait y aller de l’avant dans un an et qu’on est prêt à se lancer.
M. Burns : Nous sommes prêts. La B.C. Lottery Corporation a une offre sportive très solide sur sa plateforme en ligne à l’heure actuelle. La Gaming Policy and Enforcement Branch de la Colombie-Britannique, l’organisme de réglementation de cette province, rédige actuellement des règlements. La Commission des alcools et des jeux de l’Ontario fait de même. Ils se préparent à être bientôt prêts.
La sénatrice Marshall : Donnez-moi un délai.
M. Burns : Avant la fête du Travail.
La sénatrice Marshall : Avant la fête du Travail de cette année?
M. Burns : Oui.
La sénatrice Marshall : J’attendrai que vous reveniez témoigner la prochaine fois. Merci.
Le président : Je pense que ce que la sénatrice Marshall veut dire, c’est qu’il vaut mieux promettre peu et dépasser ses engagements. Néanmoins, je suis sûr que vous ferez du mieux que vous pourrez.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Ma question s’adresse aux deux participants, que je remercie d’être parmi nous.
J’ai quelques difficultés avec cela, car c’est un peu inquiétant quand on se met à voter sur des paris sportifs individuels. Je m’interroge sur l’effet de cette situation sur les équipes professionnelles comparativement aux équipes semi-professionnelles.
Je me posais la question suivante : n’y a-t-il pas un plus grand risque de tricherie dans les paris sportifs qui impliquent des équipes semi-professionnelles? Les sommes sont peut-être moins importantes, et cela pourrait donc passer inaperçu.
Serait-il préférable d’inclure une disposition spécifique dans le Code criminel au sujet des paris sur les équipes semi-professionnelles ou alors, à votre avis, il n’y a pas de problème particulier entre les deux catégories de sport?
[Traduction]
M. Burns : Les sports sur lesquels on parie sont très particuliers. Ce n’est pas parce qu’un événement sportif a lieu que les gens vont parier dessus ou, plus important encore, que les preneurs de paris sportifs vont accepter de parier sur ce produit. En fait, il y aura une ligne de démarcation très nette. C’est là que les gouvernements provinciaux et les organismes de réglementation entrent en ligne de compte.
Au cours des trois dernières décennies, les provinces ont été en mesure de prendre le Code criminel et d’appliquer leurs propres règlements, lois et mesures de surveillance provinciaux pour être en mesure de faire respecter ces mécanismes. C’est l’un des domaines où elles interviendront et diront : « Nous interdirons les paris sportifs sur ces sports. Nous autoriserons les paris sportifs sur ces sports. »
Il existe une série de critères et de pratiques exemplaires dans le monde entier. En ce qui concerne les mineurs, ce serait probablement non. Existe-t-il des données sécurisées qui permettent de comprendre comment le pari est satisfait? Parce que s’il s’agit d’un groupe de personnes qui jouent dans un champ, il n’y a personne qui regarde, il n’y a pas de données, donc ils ne prendront pas de paris sur cela. Ils prendront des paris principalement sur des événements sportifs professionnels parce qu’ils peuvent garantir l’intégrité des données pour régler les paris. Les opérateurs ne veulent pas être lésés et ne veulent pas prendre de paris dans des domaines où ils ne sont pas certains de ce qui peut se passer.
Le président : Monsieur Ambrosie, avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Ambrosie : Malheureusement, je n’ai pas entendu l’interprétation de la question. Je suis désolé de ne pas être en mesure d’y répondre.
Le président : Je n’aime pas gagner du temps de cette façon, mais je suis désolé que vous n’ayez pas eu l’information.
Sénatrice Bellemare, êtes-vous satisfaite de la réponse de M. Burns?
La sénatrice Bellemare : Oui. Il aurait été intéressant d’avoir votre opinion. Brièvement, je me demandais si la tricherie serait plus facile pour les groupes semi-professionnels que pour les groupes professionnels. M. Burns m’a dit que les paris ne seront probablement pas autorisés parce que les données ne seraient pas aussi solides pour les ligues semi-professionnelles ou pour d’autres types d’épreuves se déroulant dans un parc — avec des jeunes, par exemple.
Le président : Monsieur Ambrosie, pouvez-vous nous donner rapidement votre avis sur cette question?
M. Ambrosie : Encore une fois, sénatrice Bellemare, je suis désolé. Je n’avais pas compris votre question la première fois, mais je la comprends maintenant. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais je crois comprendre qu’il y aura des restrictions importantes sur les types de sports et d’activités sur lesquels on peut parier. L’admissibilité sera subordonnée à un certain degré de raffinement et de contrôle. Je pense que certains des sports semi-professionnels ou des sports plus informels seront tout simplement exclus de cet écosystème. Je pense également que nous aurons la responsabilité positive — pour la formation, l’éducation et l’apprentissage continu — de nous assurer d’être un partenaire compétent et professionnel dans cette démarche.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai une question pour M. Burns et M. Ambrosie. Je vais commencer avec M. Burns.
Actuellement, les Canadiens font des paris par l’intermédiaire d’Internet, même dans des casinos américains. On ne se cachera pas qu’ils font aussi des paris avec des organisations illicites. Quels avantages allez-vous offrir aux parieurs pour qu’ils dépensent leur argent au Canada? Est-ce que ce sera plus payant avec vous qu’avec les autres organisations?
[Traduction]
M. Burns : Il y a certaines choses qui se passent également de ces temps-ci. Le Canada a un marché gris des jeux en ligne parce que la loi n’est pas claire quant à l’endroit où le pari est effectué. Nous ne pouvons pas faire appliquer nos lois hors de notre territoire. Lorsque vous allez en ligne et que le serveur se trouve à Malte ou au Royaume-Uni, le pari a réellement lieu dans ce serveur et non là où vous vous trouvez, dans votre salon au Canada. C’est en partie ce qui a été éludé dans la loi.
Le gouvernement de l’Ontario est en train d’essayer de changer cela et de mettre en place un système réglementé pour tous les jeux en ligne. C’est important, car cela va créer un marché noir et un marché légal, dans la province de l’Ontario. D’autres provinces du pays attendent de voir les solutions que l’Ontario va choisir pour essayer de freiner les dépenses en ligne à l’étranger, de créer un marché et de faire la promotion de ces licences.
À l’échelle du Canada, nous devons veiller à ce que les gens sachent que les sites sont justes et réglementés et qu’il s’agit d’entreprises de premier ordre qui respectent les normes de contrôle les plus strictes. Nous évoluons dans un secteur hautement réglementé et nous sommes fiers de pouvoir offrir des environnements sûrs et sécurisés.
La clé est de rétablir cela. À cette fin, il faut faire valoir que les sites canadiens sont autorisés, et il faut constamment signaler aux gens que certains des sites qu’ils ont choisis ne sont pas légaux et qu’ils courent le risque de ne pas être payés dans certains cas, selon leur emplacement.
Il y a des sites qui sont réglementés au Royaume-Uni et sur lesquels les Canadiens font des paris. Mais ils ne parient pas sur les États-Unis, car ces sites ne proposent pas de services. Les lois des États-Unis sont très claires — noir sur blanc. La plupart de ces sites sont donc des sites européens ou d’autres pays d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Ambrosie, on sait que les organisations sportives professionnelles ont l’habitude de monnayer chèrement leur marque de commerce. Allez-vous recevoir votre juste part des gains?
[Traduction]
M. Ambrosie : Monsieur le président, je m’excuse. Je travaille avec votre personnel pour voir si je peux entendre l’interprétation, mais faute de services d’interprétation, je ne peux pas répondre à la question.
Le sénateur Dagenais : Combien obtenez-vous pour votre marque de commerce, monsieur Ambrosie?
M. Ambrosie : En ce qui concerne cette occasion particulière?
Le sénateur Dagenais : Oui.
M. Ambrosie : Pour l’instant, nous ne le savons pas exactement. Il reste encore beaucoup d’éléments à définir pour cette initiative. Nous pensons que c’est une occasion importante. Bien entendu, nous obtiendrons ces réponses lors des prochaines étapes, une fois le projet de loi adopté. Nous espérons que le Sénat l’adoptera, et nous pensons qu’à ce moment-là, de nombreuses réponses deviendront beaucoup plus claires. Nous pensons qu’il s’agit d’une mesure importante et, comme je l’ai dit plus tôt, peut-être d’une occasion unique d’augmenter les revenus à un moment où nous en avons désespérément besoin.
La sénatrice Ringuette : Ma question s’adresse à nos deux témoins. Ma préoccupation concerne l’application de la loi. Vous allez dire, bon, personne ne fait respecter les paris extraterritoriaux qui ont lieu en ce moment. Pour certains éléments, les provinces prennent des règlements, mais l’application n’est pas celle à laquelle on pourrait s’attendre.
Pour me donner une idée du mécanisme d’application provincial, au cours des cinq dernières années, monsieur Burns, en ce qui concerne les membres de votre association, combien de contraventions la province a-t-elle dressées à vos membres?
M. Burns : Nos membres, évidemment, détiennent des licences dans les territoires où ils opèrent, et ils tiennent à ces licences. Évidemment, il arrive parfois que les choses ne se passent pas comme prévu. Cependant, il est arrivé en de très rares occasions — à ma connaissance pour l’instant, et je ne peux pas donner un nombre précis — que des questions soient soulevées au sein du marché actuel, où les licences sont réglementées. La plupart des exploitants ont des programmes de conformité et de sélection très sophistiqués pour les employés et les fournisseurs. Il existe de multiples procédures concernant la manière dont les salles de jeux et les sites en ligne fonctionnent au pays, car ils sont réglementés.
Ce qui n’est pas clair dans la loi canadienne, c’est la façon de bloquer les sites extraterritoriaux en ligne. Où le pari est-il effectué? C’est un aspect sur lequel la Couronne et les organismes d’application de la loi n’ont pas souhaité se pencher, car le résultat est incertain. Ce qu’ils font est-il illégal? Le pari a-t-il lieu au Canada?
Il y a eu un cas en Colombie-Britannique, celui de Starnet. Les serveurs se trouvaient en territoire canadien et ils ont été fermés. Les exploitants ont été condamnés à une amende et les opérations ont cessé.
Cependant, quand les serveurs ne sont pas au Canada et que les activités se déroulent à l’étranger, la loi n’est pas claire. C’est pourquoi la province de l’Ontario a choisi de créer un cadre légal de délivrance de licences pour les jeux en ligne à tous les niveaux. Les personnes qui veulent offrir leurs services dans la province de l’Ontario doivent obtenir une licence. Ils devront passer un test de sécurité et d’intégrité pour obtenir une licence. Cela garantira l’existence d’un marché noir et d’un marché légal. Il y aura des marchés légaux et illégaux clairement définis en Ontario d’ici la fin de l’année. C’est une mesure très productive de la part de la province. En tant qu’association industrielle, nous demandons que les jeux sur Internet soient entièrement réglementés dans ce pays depuis notre création en 2006.
M. Ambrosie : J’ajouterais que nous sommes extrêmement motivés par l’idée d’une surveillance rigoureuse. Nous sommes très motivés par l’idée d’une application stricte, car c’est l’intégrité fondamentale de notre sport qui est en jeu. Au nom de nos neuf clubs membres et de tous mes collègues de la ligue, nous voulons nous assurer que cette nouvelle étape vers la légalisation des paris sportifs sera franchie en partenariat avec les autorités, avec les organismes de réglementation provinciaux, car sans cela, l’intégrité fondamentale de notre sport sera menacée. Tout ce que je peux vous dire, c’est que je pense que nous serons un très bon partenaire dans ce processus, car notre degré de motivation est exceptionnellement élevé.
Le président : Merci beaucoup. Comme certains de mes commentaires le montrent, nous sommes quelque peu pressés par le temps. Nous avons un autre groupe de témoins. Je tiens à vous remercier tous les deux de vos témoignages de ce soir. Comme vous pouvez l’imaginer, nous aurons encore plusieurs réunions et nous entendrons d’autres témoins afin d’acquérir une compréhension complète et approfondie des enjeux. Je peux dire, en mon nom et au nom du comité, que nous vous sommes très reconnaissants de votre participation de ce soir. Nous vous en sommes reconnaissants.
Merci, messieurs Ambrosie et Burns.
Bienvenue à notre deuxième groupe de témoins, composé de Mme Deer et de M. Hansen. Merci beaucoup de votre présence. Je m’excuse du très court préavis que nous vous avons donné pour votre participation à notre réunion de ce soir, mais c’est très apprécié. Veuillez vous présenter et expliquer votre rôle, puis nous entendrons pour commencer la déclaration liminaire de la chef Deer.
Gina Deer, chef, Conseil des Mohawks de Kahnawà:keBonsoir, je suis la chef Gina Deer, je fais partie du Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke et je suis responsable des relations gouvernementales externes.
Zane Hansen, président et chef de la direction, Saskatchewan Indian Gaming Authority : Bonsoir aux membres du comité sénatorial. Je m’appelle Zane Hansen. Je suis président et chef de la direction de la Saskatchewan Indian Gaming Authority. Nous exploitons en Saskatchewan un certain nombre de casinos appartenant aux Premières Nations de notre province.
Le président : Si vous me le permettez — si vous le voulez bien —, j’aimerais vous exprimer tout le regret et la consternation du comité concernant la tragédie qui s’est produite au pensionnat indien de Kamloops, en Colombie-Britannique. J’espère que vous me permettez de vous mentionner cela. Nous vous remercions d’être venus ce soir.
Mme Deer : Wat’kwanonweraton.
Je tiens à souligner que les délibérations d’aujourd’hui se déroulent sur le territoire non cédé Anishinaabe Aki des Algonquins.
Je tiens également à souligner que nous avons le cœur lourd à la suite de la découverte des restes de 215 enfants autochtones dans un ancien pensionnat de Kamloops. Nous sommes solidaires de la nation Secwépemc. Nous sommes unis dans le chagrin.
Mesdames et messieurs les membres du comité, au nom du Conseil mohawk de Kahnawà:ke, je suis heureuse d’être ici aujourd’hui pour relayer des éléments de discussions qui sont bien nécessaires autour du projet de loi C-218. Nous espérons que notre témoignage mettra en lumière les risques que court le gouvernement fédéral en élaborant des lois tout en choisissant de ne pas tenir compte des droits et des intérêts fondamentaux des communautés autochtones, dont la nôtre.
Je tiens d’abord à préciser que notre communauté approuve la teneur du projet de loi C-218. En effet, les Canadiens devraient avoir le droit de parier sur des épreuves sportives ou athlétiques particulières.
Le problème que nous avons avec le projet de loi C-218, dans son libellé actuel, est qu’il ne tient pas compte des droits et des intérêts des peuples autochtones, surtout dans un cas comme celui de Kahnawà:ke, où nous sommes déjà présents dans ce secteur.
Pour mettre les choses en contexte, les Mohawks de Kahnawà:ke et les Mohawks en général s’adonnent aux jeux de hasard et aux paris sportifs depuis des temps immémoriaux. Les jeux de hasard et les paris sur des épreuves sportives telles que la crosse font partie intégrante de la culture mohawk.
Le Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke, dans sa version la plus récente, exerce ce droit en réglementant, en facilitant et en organisant des jeux sur le territoire et en ligne. Notre communauté l’a fait en exerçant son droit inhérent à l’autodétermination et en adoptant la loi sur les jeux de Kahnawà:ke. L’exercice de ce droit est manifestement compatible avec le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.
Au cours des 25 dernières années, nous avons misé sur notre ingéniosité et sur nos propres ressources pour bâtir une industrie du jeu prospère, solide et respectée, tant en ligne que sur le territoire. Cette industrie nous a permis d’obtenir des ressources à l’appui des besoins socio-économiques de notre communauté — des besoins fondamentaux qui, autrement, seraient sous-financés et non comblés.
Cette industrie génère des fonds indispensables pour répondre à ces besoins et à d’autres initiatives socio-économiques au profit des Mohawks de Kahnawà:ke. Nous avons fait cela par nous-mêmes.
Ce bilan met en lumière le secret le moins bien gardé au Canada : les initiatives dirigées par les Autochtones, mises en œuvre par et pour les Autochtones, peuvent connaître un succès éclatant. Nous avons toujours su prendre soin des nôtres. Loin du cadre paternaliste uniformisé, nous créons, nourrissons et prospérons.
Encore une fois, je vais rappeler l’évidence : Kahnawà:ke ne s’oppose pas à la modification du Code criminel afin de permettre aux provinces de faciliter les paris sportifs. Nous reconnaissons que le projet de loi C-218 est une mesure positive pour l’industrie du jeu au Canada. Cependant, nous déplorons que le projet de loi ne tienne pas compte des intérêts des peuples autochtones et ne les concilie pas.
Pour couronner le tout, à aucun moment de l’étude et du cheminement de ce projet de loi à la Chambre, les préoccupations et les solutions proposées n’ont été prises en compte de manière significative. Nous ne savons pas quels sont les intérêts qui ont poussé la Chambre des communes à faire évoluer ce projet de loi sans tenir réellement compte de nos points de vue et des solutions proposées. Et nous cherchons à obtenir des éclaircissements du ministre Lametti à ce sujet.
Cependant, nous savons que la tâche de redresser un tort évident a été laissée au Sénat, dont le rôle est de soumettre les projets de loi à un second examen objectif. Sans amendements, le projet de loi C-218 perpétue le détournement persistant des droits et des intérêts des Autochtones en ne prévoyant pas de processus qui permettrait aux nations autochtones de négocier des accords directement avec le gouvernement fédéral.
Nous vous demandons instamment de travailler avec nous dans un véritable esprit de réconciliation afin de trouver une voie à suivre qui soit satisfaisante pour toutes les parties et qui offre aux Canadiens de nouveaux droits sans que cela se fasse au détriment des nôtres.
Dans un souci d’aller de l’avant, nous fournissons des recommandations précises sur la façon d’y parvenir concrètement. Nous proposons des modifications précises et tangibles du libellé qui tiennent compte des intérêts des Autochtones en créant simplement un moyen pour les gouvernements autochtones de négocier des accords particuliers directement avec le gouvernement fédéral.
Sénateurs, il n’y a pas de raccourci vers la réconciliation. Le Canada doit faire confiance à l’expertise et écouter l’expérience vécue des communautés autochtones. Nous sommes ici; cela commence maintenant.
Nous vous remercions de votre temps et sommes impatients de répondre à vos questions. Je suis accompagnée du chef Ross Montour, qui participe aussi à la réunion.
Le président : Bienvenue, chef Montour.
Merci beaucoup, chef Deer.
M. Hansen : Bonsoir, mesdames et messieurs les membres du comité sénatorial. Je m’appelle Zane Hansen et je représente la Saskatchewan Indian Gaming Authority. C’est un plaisir de vous parler ce soir des paris sur des épreuves sportives.
Comme je l’ai mentionné, nous sommes une entreprise d’exploitation de casinos qui exerce ses activités dans la province de la Saskatchewan depuis environ 25 ans maintenant. Nous sommes la propriété collective des 74 Premières Nations de notre province. Nous sommes assujettis à un accord-cadre sur les jeux que notre organe législatif central, ici dans la province, a négocié avec le gouvernement. Cela nous a permis de créer sept casinos. Nous avons récemment convenu de modalités pour l’ajout du jeu en ligne en tant que fournisseur d’une application à l’échelle de la province. Nous sommes donc très engagés dans l’industrie du jeu et cela nous a apporté de nombreux avantages.
La raison pour laquelle nous nous sommes lancés dans cette industrie n’est pas différente de celle des autres gouvernements. Il s’agit de créer des emplois, de soutenir le développement économique et de générer des revenus pour nos communautés. Depuis le début des années 1990, l’industrie a été résiliente, et nous avons bien rempli notre mandat en ce qui concerne les avantages attendus.
Dans nos sept casinos, nous avons créé des emplois pour 1 800 personnes, dont les deux tiers sont d’origine autochtone. Nous soutenons le développement économique des réserves et nous avons contribué à la création d’infrastructures et d’assiettes fiscales locales.
Grâce à nos gains et à nos recettes, nous consacrons plus de 2 millions de dollars par an à des programmes de jeu responsable par l’intermédiaire de fondations de lutte contre la toxicomanie. En outre, nous sommes un organisme sans but lucratif, ce qui signifie que nous remettons chaque année des millions de dollars en bénéfices à nos communautés des Premières Nations, au gouvernement et à des fondations caritatives régionales.
Dans le contexte du développement économique des Premières Nations et de ce que nous avons pu réaliser avec l’industrie du jeu, ces bénéfices sont d’une importance capitale. Comme nous le savons tous, ce que nous vivons en ce moment est tout sauf normal. La COVID-19 a dévasté le secteur des casinos au cours des 15 derniers mois. À l’heure actuelle, nous sommes confrontés à des pertes croissantes, et un grand pourcentage de nos employés sont toujours sans emploi.
Il est bon d’entendre parler des efforts de vaccination et de voir cela se matérialiser, et nous avons hâte de redémarrer nos casinos sur une base limitée. Nous allons nous engager sur la voie de la reprise.
Une fois tout cela approuvé, l’outil que représentent les paris sur des épreuves sportives va nous aider à nous rétablir. Ce projet de loi est important et il va nous venir en aide, ainsi qu’à d’autres exploitants de jeux à travers le pays.
L’industrie du jeu n’est pas différente des autres secteurs de l’économie où les progrès technologiques et l’évolution des préférences des clients entraînent des changements constants. Les paris sur des épreuves sportives en sont un exemple clé : les estimations de l’industrie montrent qu’il s’agit de la forme préférée de paris sportifs, mais cette activité reste non réglementée et se pratique principalement par l’intermédiaire de canaux en ligne et mobiles, une nouvelle façon axée sur la technologie de proposer des jeux.
En tant qu’exploitants, nous estimons que le projet de loi C-218 nous permet de faire un certain nombre de choses.
Premièrement, il nous donne l’occasion d’être concurrentiels et d’offrir un produit que nos clients réclament. À l’heure actuelle, des exploitants du marché gris sont présents dans notre province sans que les parties prenantes en retirent d’avantages. Le projet de loi C-218 permettra également à notre entreprise d’offrir une expérience améliorée à nos clients en matière de sports. Nous aurons la possibilité d’intégrer les paris sportifs en ligne tout en permettant à nos clients de regarder les sports dans les installations de restauration de nos casinos, et cela leur procurera une superbe expérience. Cette approche à canaux multiples nous permet non seulement de diversifier notre base de revenus, mais aussi de réinvestir et de ramener plus d’emplois dans nos casinos.
Soumettre les paris sur les épreuves sportives à la loi contribue également à protéger les intérêts de nos clients. Nous veillons toujours à ce que nos clients soient bien informés sur les jeux que nous proposons, et l’intégrité de nos jeux est soumise à des normes élevées. Comme je l’ai dit, en tant qu’exploitants, nous sommes tenus par les dispositions réglementaires du secteur de nous soumettre à des normes élevées en matière de responsabilité, de jeu responsable et de traitement des transactions financières. Ce ne sont là que quelques-uns des avantages que nous entrevoyons avec le projet de loi C-218.
Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole ce soir.
Le président : Merci à vous deux.
La sénatrice Wallin : Merci d’être là. Monsieur Hansen, êtes-vous satisfait du projet de loi dans sa forme actuelle?
M. Hansen : Nous serions du côté d’une application étroite du projet de loi. Il devient possible pour l’industrie dans laquelle nous évoluons d’offrir des paris sur des épreuves sportives. Nous n’avons pas pu le faire dans le passé. Je comprends l’intérêt et l’importance de reconnaître la compétence des Premières Nations dans le Code criminel, mais c’est une question beaucoup plus importante que celle que le projet de loi C-218 cherche à régler.
La sénatrice Wallin : Merci. C’est ce que j’ai dit à la chef Deer. J’ai l’impression qu’à votre avis, vous ne devriez aucunement être assujettis à la réglementation, et cette question semble distincte de la question de savoir si le projet de loi C-218 ou son amendement serait avantageux pour vous. Pouvez-vous donner des précisions à ce sujet? Pensez-vous que cela ne devrait pas s’appliquer dans votre cas?
Mme Deer : Non. Comme je l’ai dit dans le mémoire, l’entente doit être conclue avec le gouvernement fédéral. Contrairement à d’autres provinces qui ont des ententes avec les collectivités autochtones, il n’y en a pas ici au Québec.
La sénatrice Wallin : Appuyez-vous le projet de loi C-218?
Mme Deer : Nous aimerions voir un compromis pour les Autochtones dans le projet de loi C-218. Son libellé ne règle pas la question. Nous avons donné un libellé précis pour le projet de loi C-218 que nous aimerions voir pour les collectivités autochtones.
La sénatrice Wallin : À qui avez-vous donné un libellé, était-ce au comité ou lorsque vous faisiez affaire avec le gouvernement?
Mme Deer : À la Chambre lorsque nous avons présenté la position initiale pour Kahnawà:ke.
La sénatrice Wallin : Vous voulez l’amender, et vous ne l’appuieriez pas dans sa forme actuelle, n’est-ce pas?
Mme Deer : Dans sa forme actuelle, non. Nous avons le libellé. Nous pourrions vous le remettre si vous voulez. Le chef Montour peut vous le lire.
La sénatrice Wallin : C’est bon. Je voulais tirer la question au clair. Merci.
Le sénateur Smith : Monsieur Hansen, vous avez dit que votre organisation a créé plus de 1 800 emplois, principalement pour les Premières Nations. Comme beaucoup de secteurs de notre économie, le vôtre n’a pas échappé aux répercussions de la pandémie de COVID-19. Vous avez dû fermer un grand nombre de vos propriétés et vous avez perdu beaucoup de personnel. Beaucoup d’intervenants, y compris vous-même, affirment être pour la mesure législative, en disant à quel point elle pourrait être importante pour le rétablissement de votre industrie.
Quel genre d’analyse de la mesure législative avez-vous effectuée, et que pourrait-elle signifier pour vos membres en vue de récupérer les revenus perdus pendant la pandémie?
Deuxièmement, avec quelle rapidité serez-vous en mesure de générer ou d’intégrer les paris sur des épreuves sportives dans vos casinos?
M. Hansen : C’est essentiellement une des formes de jeu auxquelles nous ne pouvons pas nous adonner légalement. Nous aurions donc un autre produit à offrir à notre clientèle, pour servir nos clients et générer des revenus.
On ne crée pas de nouvelles sortes de jeu. On le fait déjà, mais c’est dans les mains d’exploitants qui ne sont pas autorisés à le réglementer dans notre province. En passant à un environnement réglementé, nous pouvons l’offrir correctement, de manière sécuritaire et avec un haut niveau d’intégrité.
Lorsqu’on regarde les paris sur une épreuve sportive dans le contexte plus vaste de tous les jeux au pays, cela mènera probablement à une hausse de 5 à 6 % des revenus globaux. Ce n’est pas excessivement énorme dans le contexte général du jeu, mais tout est utile lorsqu’on se remet des répercussions de la COVID-19. C’est une excellente activité axée sur des épreuves qui augmentera aussi le nombre de visites à nos propriétés.
Le sénateur Smith : Chef Deer, je comprends ce que vous nous avez expliqué, votre frustration. Pourriez-vous, en termes simples, expliquer exactement ce que vous voulez dans ce projet de loi pour vous aider à aller de l’avant en tant que partenaire dynamique dans le processus?
Mme Deer : Nous voulons que l’amendement soit retenu, et nous avons fourni un libellé. C’était au paragraphe 207(1) du Code criminel, et nous avions une disposition :
a) Un organisme autochtone peut mettre sur pied et exploiter des jeux conformément aux modalités d’une entente avec le gouvernement du Canada;
On retrouve plus bas une définition d’« organisme autochtone », soit :
[...] un conseil, un gouvernement ou une autre entité autorisés à agir au nom d’un groupe, d’une communauté ou d’un peuple autochtone qui détient des droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 [...]
Le sénateur Smith : À l’heure actuelle, pour ce qui est de votre capacité à agir et à faire ce que vous faites avec les casinos, la relation est avec le Québec, n’est-ce pas?
Mme Deer : Nous n’avons pas de relation avec le Québec. Nous avons affirmé notre souveraineté. Nous menons ces activités depuis plus de 25 ans, depuis l’entrée en vigueur de notre loi à Kahnawà:ke, et nous le faisons en ligne depuis plus de 20 ans.
Le sénateur Smith : Les Québécois parmi nous reconnaissent votre succès et envient probablement ce que vous avez réussi à accomplir. Merci beaucoup.
Ross Montour, chef, Conseil des Mohawks de Kahnawà:keIl est très important de souligner qu’une des raisons pour lesquelles nous avons entrepris il y a 25 ans d’affirmer notre souveraineté pour commencer ces activités et augmenter les recettes de notre communauté, c’est parce que le Québec ne voulait pas nous parler. La province ne souhaitait pas discuter avec les Mohawks de Kahnawà:ke pour parvenir à une sorte d’entente.
Vingt-cinq années se sont écoulées, et nous avons mis sur pied et développé un réseau dans la communauté, que même le ministre de la Justice, M. David Lametti, a décrit comme un lieu de jeux qui mérite d’être reconnu. C’était après nous être adressé au premier ministre du Canada pour lui expliquer nos préoccupations relativement au projet de loi après en avoir entendu parler la première fois. Nous étions censés rencontrer le ministre Lametti; nous l’avons rencontré de bonne foi pour tenter de trouver une solution pratique. C’est ce qu’on nous a dit. Et jusqu’à maintenant, nous n’y sommes pas parvenus.
Je veux souligner que l’industrie du jeu, en particulier ce que nous faisons en ligne, a généré près de 10 millions de dollars seulement au cours de la dernière année pour que nous puissions assumer nous-mêmes les coûts liés à la pandémie, pour compenser les pertes de revenus des gens et ainsi de suite. Nous n’avons pas compté sur les programmes canadiens. Nous avons fourni l’argent nécessaire.
C’est l’objectif de notre industrie du jeu, soit subvenir aux besoins de nos gens, de notre communauté. L’idée n’est pas de faire des profits. C’est une entreprise qui cherche uniquement à servir les intérêts des Mohawks de Kahnawà:ke. Notre peuple n’a jamais voulu quêter. Nous avons toujours voulu nous tenir debout, et c’est ce que nous avons fait au fil du temps.
L’absence d’exclusion menace notre capacité à continuer de subvenir aux besoins de notre communauté, de notre peuple. C’est une grave lacune pour nous si le projet de loi ne comprend pas les amendements que nous avons proposés.
Le président : Merci, chef Montour.
La sénatrice Ringuette : Je comprends. Dans ma collectivité, Edmundston, nous avons nos propres communautés autochtones qui exploitent un casino, et elles le font avec beaucoup de succès.
Ma question est pour la chef Deer. Si vous menez vos activités depuis 25 ans sans l’accord du Québec, et que c’est la province qui est l’autorité en matière de jeu, de quelle façon ce projet de loi s’ingère-t-il dans vos activités actuelles ou les activités que vous envisagez? Si je comprends bien, le projet de loi n’élimine aucunement votre capacité actuelle ou future. Vous agissez de votre propre chef. Le Québec semble être d’accord, indirectement.
Mme Deer : Merci de poser la question. En 1985, il n’y a eu aucune consultation lorsque les provinces ont pris le contrôle des droits en matière de jeu. Ces droits ont été vendus sans consulter les Autochtones. Maintenant que nous avons une modification devant nous et que le Canada a parlé de la relation de nation à nation, c’est ce que nous cherchons ici, une relation de nation à nation entre le gouvernement fédéral et les communautés autochtones.
C’est très difficile pour nous lorsque des lois sont créées pour nous chasser de certaines industries, et c’est ce qu’il se produit. On nous a chassés d’industries au fil du temps, y compris de l’industrie du tabac, qui était initialement notre produit. Je suis donc devant vous aujourd’hui; je porte une robe rouge qui représente les femmes autochtones assassinées ou disparues et je parle des 215 enfants qu’on a trouvés. En tant que parent ayant perdu un enfant, c’est très difficile pour moi de savoir que ces parents n’ont jamais connu le sort de leur enfant. Ils n’ont jamais pu passer leurs derniers moments avec leur enfant.
Je suis maintenant ici devant le Sénat, après m’être rendue à la Chambre, pour demander qu’on tienne compte de nous pour que nous puissions avoir un véritable développement économique et que nous soyons responsables de nos propres affaires, plutôt que de compter sur le gouvernement qui n’a pas réussi à remplir ses responsabilités et les engagements qu’il a pris au fil du temps.
Notre peuple s’est occupé de lui-même, comme l’a dit le chef Montour, mais des lois sont constamment créées pour nous chasser d’industries très lucratives. Les riches s’enrichissent, et nous continuons d’éprouver des difficultés et de demander qu’on tienne compte de nous pour trouver un compromis. Il est très difficile de croire en une véritable réconciliation et en un redressement des torts du passé.
Je ne devrais même pas avoir à comparaître ici aujourd’hui. On aurait dû tenir compte de moi bien avant que ce projet de loi ou d’autres projets de loi en arrivent là, comme nous l’avons déjà dit.
Le président : Merci, chef Deer.
Le sénateur Klyne : Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
La première question est pour M. Zane Hansen. Beaucoup de bonnes choses ont découlé de l’entente-cadre sur le jeu à laquelle vous avez fait allusion. Le Trésor provincial en a profité. Le développement économique des Premières Nations et des Métis s’est accéléré. Les Saskatchewanais ont des options de divertissement dans leur propre province, plutôt que de devoir conduire vers d’autres provinces ou le Nord des États-Unis, ou de devoir prendre l’avion jusqu’à Las Vegas.
Je vous remercie d’avoir donné des exemples de la façon dont le jeu a favorisé l’avancement social et économique pour les Premières Nations en Saskatchewan ainsi que des répercussions économiques positives directes et indirectes où se trouvent les casinos de la Saskatchewan Indian Gaming Authority, ou la SIGA.
Nous soulignons que 66 % des employés des casinos de la SIGA s’identifient comme Autochtones, ce qui signifie que nos lieux de jeu ont aussi un effet positif sur l’emploi des non-Autochtones. Vos casinos offrent directement un travail de qualité et des possibilités d’emploi, mais leurs activités soutiennent aussi des entrepreneurs locaux, des travailleurs qualifiés, des fournisseurs de services alimentaires et des artistes, pour ne nommer que ceux-là.
Du point de vue des Premières Nations et compte tenu de la contribution importante que les casinos des Premières Nations de la Saskatchewan apportent déjà, quel nouvel effet supplémentaire pourrait avoir l’autorisation des paris sur des épreuves sportives au moyen de plateformes de jeu en ligne?
M. Hansen : Merci, sénateur Klyne. Premièrement, je veux juste dire que nous sommes sans aucun doute conscients des différentes façons dont la politique du jeu est appliquée d’un bout à l’autre du Canada, et nous sympathisons avec vous. Nous sommes chanceux d’avoir eu des leaders qui nous ont permis de nous tailler une place dans cette industrie. Le gouvernement a franchi le pas, il a mis au point une politique et il a travaillé avec eux pour nous permettre de nous faire une place, d’avoir accès aux effets et aux avantages dont vous avez parlé.
Le projet de loi C-218, dans le contexte de ce qu’il accomplit maintenant, nous permet simplement de livrer concurrence dans ce milieu. Nous pouvons faire une offre concurrentielle dans le domaine des paris sur des épreuves sportives et prendre place dans le marché. C’est impossible pour l’instant. C’est ce qui nous permettra de le faire.
Dans le passage plus vaste et très important sur la reconnaissance des Premières Nations ou d’une compétence dans le contexte du Code criminel du Canada, ce n’est pas ce que fait le projet de loi C-218. C’est une question très importante, mais aussi très vaste et complexe. Nous prenons cela très au sérieux.
Le sénateur Klyne : Espérons que l’entente-cadre sur le jeu vous permettra de vous y retrouver là-dedans, comme il porte sur les plateformes de jeu en ligne.
Chef Montour, nous savons que le Québec s’est un peu tenu en retrait de l’industrie du jeu que vous avez créée, que vous avez développée et qui est devenue florissante au profit de vos communautés. Depuis l’annonce du projet de loi C-218, le Québec a-t-il approché votre conseil pour discuter d’ententes ou de règles? Est-il nécessaire d’établir quelque chose, ou pourrez-vous tout simplement poursuivre vos activités?
M. Montour : À ce stade-ci, le Québec ne nous a pas beaucoup tendu la main. Il est préoccupé par les établissements terrestres de jeu. Essentiellement, ce qui nous préoccupe se rapporte à la possibilité de prendre des paris sur des épreuves sportives, à un produit offert par un établissement en ligne. Il ne nous en a pas parlé.
Je trouve curieux qu’après autant d’années, à vrai dire des décennies, sans manifester le moindre intérêt, qu’il y ait maintenant un problème parce que c’est une chose qui les préoccupe. Cela ne nous préoccupe pas. Mais entretemps, depuis 1985, lorsque le gouvernement fédéral a accordé aux provinces la compétence en matière de jeu — peu importe la raison à l’époque —, on n’a jamais tenté de régler la question de la compétence des Premières Nations, des nations autochtones.
On dit beaucoup de choses sur la réconciliation dans la Constitution du Canada et dans le discours politique actuel, lorsque nous parlons du projet de loi C-15 et ainsi de suite. On semble toutefois toujours loin de reconnaître notre compétence comme étant légitime. Saviez-vous que nous avons un des systèmes les mieux gérés et les mieux surveillés qui soient? Nous étions récemment en lice pour recevoir un prix. Nous nous sommes retrouvés sur la courte liste de cinq entreprises de jeu en ligne pour l’obtention d’un prix destiné aux entreprises en démarrage. Nous avons un système bien gouverné et bien surveillé, et nous pouvons le faire valoir partout dans le monde. On a reconnu le mérite de Kahnawà:ke.
Ce qui est d’abord très important pour nous, c’est que le gouvernement du Canada prenne un engagement honnête envers les Autochtones. Je ne parle pas seulement de Kahnawà:ke. Nous espérons que l’ajout de ces amendements donnera des possibilités à d’autres nations autochtones d’un bout à l’autre du pays en tant que nations et instances gouvernementales. Le gouvernement tient ce discours depuis des décennies en parlant aussi de relation de nation à nation, de la reconnaissance, comme vous le savez. C’est la façon pour lui de reconnaître ce droit.
À mon avis, nous ne demandons rien de plus que les autres administrations au pays. Ce n’est rien de plus que ce que demande la province de l’Ontario. C’est une réelle préoccupation pour nous. On nous a pris à partie et traités comme des étrangers, comme l’éléphant dans la pièce, alors que nous ne le sommes pas. Nous sommes tout simplement une nation qui tente de subvenir aux besoins de ses gens. Pour qu’il y ait vraiment une reconnaissance de la réconciliation et une nouvelle relation au pays, il faut se concentrer à nouveau sur le premier point et admettre que nous sommes capables de nous doter d’un moyen et d’un mécanisme pour utiliser le jeu de manière responsable, et que nous sommes en mesure de le faire nous-mêmes, que nous avons compétence en la matière.
Le président : Monsieur Montour, je suis désolé, mais je dois vous arrêter ici. Je ne veux pas paraître impoli.
M. Montour : C’est bon.
Le sénateur Loffreda : Je remercie la chef Deer, le chef Montour et M. Hansen d’être ici ce soir. Je leur en suis très reconnaissant. Il y a actuellement 4 milliards de dollars de paris à l’étranger et 10 milliards de dollars de paris associés au crime organisé — les deux sont illégaux — pour un total de 14 milliards de dollars. Vous investissez vos revenus dans vos communautés pour assurer leur bien-être, et je vous en remercie. C’est un excellent travail. Continuez de le faire, et félicitations.
Est-il possible selon vous de récupérer une partie de ces revenus? Le cas échéant, avez-vous préparé des projections du pourcentage ou de la quantité de ces revenus que vous pouvez récupérer ou augmenter d’un bout à l’autre du Canada et que vous pouvez continuer d’investir dans le bien-être de vos communautés? Je pose la question à tous les témoins.
M. Hansen : Je peux donner un exemple de ce que représente le potentiel pour nous. Lorsqu’on survole le potentiel du secteur d’activités, on examine souvent la capacité de générer des revenus grâce aux paris sur des épreuves sportives en fonction de la population adulte de la région ou de la province et on retient une somme dépensée chaque année. Il y a différentes estimations. Je pense que le potentiel, pour l’application à l’échelle de la province, serait de l’ordre de 25 $ par adulte. Il faudrait de trois à quatre ans pour y parvenir. Dans le contexte de la Saskatchewan et de sa population de 900 000 personnes — notre province comprend moins de monde —, on obtiendrait plus de 20 millions de dollars grâce aux principales activités.
Ce qu’il est important de retenir quand on entend parler d’une somme de 14 milliards de dollars en paris sportifs, c’est qu’il est question des paris. Le montant qui provient de ce que nous appelons l’« avantage de la maison » ou de ce que nous retenons comme revenu lors d’un pari sur une épreuve est plutôt de 5 à 7 % de cette somme. C’est à partir de là qu’il faut creuser pour trouver le véritable potentiel. Ces paris se feraient conformément à une norme de haut niveau, et les retombées seraient remises à nos communautés sans chercher à faire de profits.
M. Montour : Selon nos prévisions, si nous avions la possibilité de poursuivre nos activités et d’obtenir une exemption au titre de la loi... Comme je l’ai dit, l’an dernier uniquement, ces activités ont généré 10 millions de dollars pour notre communauté. Bref, avec une exemption, les prévisions montrent une croissance soutenue. Malheureusement, sans celle-ci, ce sera... Vous savez, l’Ontario est un marché de premier plan pour le jeu en ligne. Et, vu son approche relative à la conduite et à la gestion des jeux en ligne, la province nous empêchera même de fonctionner.
Si ce projet de loi est adopté sans les amendements que nous suggérons, et que nous estimons nécessaires, l’avenir est sombre quant à notre capacité à fournir ces revenus à notre communauté. Voilà ce qui nous intéresse : l’autosuffisance et la capacité de redonner à la communauté et de s’occuper des personnes dans le besoin.
Le président : Merci, chef Montour.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Des reportages récents ont fait état d’opérations menées par des entreprises de paris sportifs comme BET99 qui se produisent lors des matchs de la Ligue nationale de hockey. On dit que ces entreprises de paris sportifs ont choisi de s’installer sur votre territoire, à Kahnawà:ke, pour se soustraire aux lois du Québec. Pouvez-vous nous expliquer la démarche que vous avez faite pour contourner la loi?
[Traduction]
Mme Deer : Il n’y a que notre marque qui est établie à Kahnawà:ke. Si vous n’avez pas de licence de la Kahnawà:ke Gaming Commission, vous ne pouvez pas être là. La seule entité permise est Sports Interaction, qui appartient à Mohawk Online et au Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke. Je crois que certains de vos renseignements sont erronés. Nos règles sont strictes.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Pouvez-vous nous dire pourquoi, selon certains reportages que nous avons vus tout récemment, les communautés autochtones s’associent avec des individus identifiés au crime organisé pour créer de nouveaux casinos, notamment à Bécancour et à Oka?
[Traduction]
Mme Deer : Je ne peux pas me prononcer au nom d’Oka. À ce que je sache, il n’y a pas de commission des jeux de hasard là-bas. Oka ne fait pas partie de notre communauté. Kahnawà:ke est tout à fait distincte d’Oka. En fait, quand j’ai parlé au ministre Lafrenière, ici, au Québec, je l’ai avisé que, lorsqu’il est question de jeux de hasard et d’autres choses que son ministère essaie de cerner, nous pouvons le sensibiliser à notre réalité. Nous faisons partie de cette industrie depuis très longtemps, et nous avons les normes de protection des joueurs les plus strictes au monde. Au Canada, pas même Loto-Québec ou tout autre organisme du genre n’applique des critères d’autoexclusion aussi stricts pour protéger les joueurs. Nos pratiques sont reconnues dans le monde entier. Nous avons conclu des accords avec différentes autorités dans le monde et collaboré avec la Division of Gaming Enforcement de l’État du New Jersey.
Nous bénéficions donc de cette reconnaissance, mais pour ce qui est du Canada, nous n’avons pas réussi à conclure le moindre accord ni à obtenir le moindre accommodement pour nos activités. Comme l’a expliqué le chef Montour, nous sommes en quelque sorte vus comme l’éléphant dans la pièce. Soit dit en passant, il tient cette image d’une déclaration faite par un représentant de la Canadian Gaming Association à l’une de ses réunions. Les gens savent que ce que nous faisons est légitime, et nous espérons que le gouvernement fédéral le reconnaîtra.
Le président : Chef Montour, je reviendrai à vous. Deux sénateurs souhaitent poser des questions. Je n’irai pas dans les détails, mais je vais revenir pour vous permettre de répondre, si vous me le permettez.
La sénatrice Marshall : Ma première question s’adresse à la chef Deer.
Chef Deer, en ce qui a trait à l’amendement que vous avez proposé, y a-t-il un autre moyen que vous jugeriez satisfaisant? D’après votre réponse à la sénatrice Ringuette, j’ai l’impression que c’est cet amendement que vous souhaitez, c’est-à-dire une relation de nation à nation. Pourriez-vous me le confirmer?
Mme Deer : Oui, c’est exact.
La sénatrice Marshall : Donc, ce n’est pas un accord que vous voulez, mais cet amendement.
Si le projet de loi est adopté tel quel, sans l’amendement que vous proposez, pouvez-vous nous dire ce que vous ferez? Allez-vous simplement prendre le projet de loi et l’intégrer à votre industrie du jeu ou chercher à le faire amender? Quelles sont vos options si l’amendement n’est pas inclus dans la législation?
Mme Deer : Eh bien, c’est le problème que nous avons. Ce que l’expérience nous montre, c’est que, s’il n’est pas inclus, il y a des personnes qui ne pourront plus travailler avec nous. Il se produit différentes choses au sein de l’industrie, et nous avons besoin de certains fournisseurs de services de traitement des paiements et de certaines plateformes que nous voulons utiliser à des fins promotionnelles, mais d’aucuns nous ont dit ne pas pouvoir faire affaire avec Kahnawà:ke, car cela les empêcherait de faire affaire avec d’autres provinces. C’est une des façons employées pour tenter de nous sortir de l’industrie.
Essentiellement, nous nous partageons la cagnotte. Les provinces aimeraient vraiment nous exclure. Nous avons une bonne plateforme et un bon produit. Comme l’a souligné le chef Montour, nous étions en lice pour un prix de l’industrie. Les gens comprennent ce que nous faisons. Il s’agit d’activités professionnelles qui nous permettent d’empocher cet argent, donc nous sommes la concurrence. D’où cette impression qu’on nous pousse vers la sortie.
La sénatrice Marshall : Monsieur Hansen, vous avez affirmé être assujetti à un accord-cadre sur les jeux. Avec qui avez-vous conclu cet accord?
M. Hansen : Oui, cet accord a été conclu entre la province et notre organe législatif central, soit la Fédération des nations autochtones souveraines. Elle agit au nom de toutes les Premières Nations de la province et a conclu cet accord-cadre avec la Saskatchewan.
La sénatrice Marshall : Si le projet de loi est adopté, est-ce que l’accord-cadre existant demeurera en vigueur ou vous en faudra-t-il un nouveau?
M. Hansen : Nous pourrions modifier l’accord existant afin d’y inclure les paris sur une seule épreuve sportive et d’établir la meilleure façon d’intégrer le marché et d’offrir ce produit.
La sénatrice Marshall : Merci.
Le sénateur Wells : Merci beaucoup. La sénatrice Marshall a posé une excellente question, car j’allais demander [Difficultés techniques] — Je vais m’adresser à la chef Deer et au chef Montour, avec qui des collègues et moi-même avons tenu une vidéoconférence Zoom...
Le président : Sénateur Wells, vous parlez un peu trop bas.
Le sénateur Wells : Je souhaitais simplement souligner que j’ai eu quelques appels téléphoniques avec la chef Deer et une vidéoconférence Zoom avec leur groupe, ce que j’ai trouvé très utile.
Chef Deer, si ce projet de loi est adopté sans amendement, de quelle façon les activités de la commission des jeux de hasard qui relève des Mohawks vont-elles changer en plus des quelques [Difficultés techniques] fonds, car d’autres pourraient aussi y prendre part?
Mme Deer : Je ne crois pas avoir entendu votre question au complet. Le son de votre micro est saccadé.
Le sénateur Wells : J’en suis désolé. Je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre que de le tenir devant ma bouche.
Si le projet de loi est adopté sans amendement, de quelle façon les activités de la Première Nation mohawk vont-elles changer? Je ne parle pas de vos revenus, notez bien, mais de vos activités.
Mme Deer : Comme je l’ai dit, il rend difficiles nos activités au sein de l’industrie, en plus d’avoir une incidence sur l’hébergement et les licences dans la communauté. Les personnes vont chercher à s’installer en Ontario parce qu’elles s’intéressent à son nouveau modèle de type « conduite et gestion », ce qui posera aussi problème. Ils n’attendent que l’adoption de ce projet de loi. Donc, j’imagine que nous allons en subir les effets à bien des égards s’il est adopté sans amendement.
M. Montour : Je ne peux que réitérer le point de la chef Deer. Nous serons ainsi particulièrement désavantagés quant à notre capacité de joindre les joueurs à l’échelle du pays, surtout au Canada. La situation en Ontario est préoccupante. Selon nous, son approche de type « conduite et gestion » est singulièrement préjudiciable à nos efforts futurs dans l’industrie du jeu visant à nous permettre de soutenir notre population.
Je me demande si je ne pourrais pas répondre maintenant à d’autres remarques qui ont été faites par un autre sénateur.
Le président : Je vais vous donner exactement trois minutes pour ce faire, mais en précisant une chose : si vous souhaitez transmettre davantage de renseignements au comité, vous pouvez le faire, mais en passant par la greffière. Je vous en prie, allez-y, monsieur Montour.
M. Montour : C’est ce que nous ferons.
Le sénateur qui a précédé le sénateur Wells a soulevé diverses questions. D’abord, il a parlé de Bet99 comme d’un exploitant licencié de la Kahnawà:ke Gaming Commission. Notre autorité respecte toutes nos règles. Il est important de souligner que, actuellement, la majorité des exploitants en ligne qui prennent des paris au Canada ne sont pas réglementés. Bet99 est réglementé et licencié par la Kahnawà:ke Gaming Commission. Ce point est important.
Je souhaite également attirer votre attention sur le fait que, depuis 25 ans, nous menons nos activités en nous appuyant sur nos droits inhérents au titre de l’article 35. Nous avons un droit inhérent à une économie. Pas seulement à une activité précise, mais bien à une économie. Nous avons donc procédé de la sorte. Nous nous sommes prévalus de ce droit. Il n’a jamais été contesté. Il n’a pas été reconnu par le Canada ni par les provinces. Une exemption nous permettrait de poursuivre dans la même veine.
Sur les remarques relatives à Kanesatake, cela n’a rien à voir avec Kahnawà:ke. Peu importe ce qui s’y passe et les partenariats que la communauté envisage, il n’y a pas d’environnement réglementé là-bas. Chez nous, si. Nous ne sommes pas accueillants. Toute personne qui présente la moindre probabilité d’association inappropriée est expulsée par notre autorité. Voilà à quel point c’est important pour nous. Nous prenons la chose très au sérieux. Donc, de nous inclure ainsi et d’établir une sorte d’équivalence avec Kanesatake est, selon moi, injuste et irrespectueux de la réalité de Kahnawà:ke.
Le président : Merci beaucoup, chef Montour. Je ne crois pas que quiconque tirait de telles conclusions. Nous essayons simplement d’obtenir des renseignements. Comme vous pouvez l’imaginer, il est important pour le comité de les obtenir.
M. Montour : Avec tout le respect que je vous dois, c’était bien le cas.
Le président : Certes. Je me permets de vous aviser que nos travaux sont terminés pour la soirée. Je remercie tous les témoins. Monsieur Hansen, chef Deer et chef Montour, votre présence a été des plus appréciées. Nous vous remercions pour toutes vos remarques. Il est important pour le comité d’entendre vos points de vue sur ces questions et de connaître votre expérience collective. Merci une fois de plus.
Merci, honorables sénateurs, pour votre participation à la séance de ce soir sur ce projet de loi.
(La séance est levée.)