LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 9 février 2021
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), par vidéoconférence, pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour à tous.
Honorables sénateurs, je m’appelle Paul Massicotte. Je suis un sénateur du Québec et je suis le président du comité.
[Traduction]
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles tient aujourd’hui une séance hybride. Je vous remercie à l’avance, chers collègues, de votre patience pendant que nous nous adaptons à cette nouvelle façon de nous réunir.
[Français]
Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs et aux témoins que vous êtes priés de garder votre micro éteint en tout temps, à moins d’être reconnu par le président.
Pour ceux qui prennent part à cette réunion par Zoom, vous voudrez bien utiliser la fonction « main levée » pour demander la parole.
[Traduction]
Je vais faire de mon mieux pour permettre à tous les sénateurs qui le souhaitent de prendre la parole. Pour ce faire, je demanderais à chacun d’avoir des préambules courts, ainsi que des questions courtes.
[Français]
Je vous rappelle que lorsque vous prenez la parole, vous devez utiliser le canal d’interprétation de la langue que vous avez choisie. Si un problème technique survient, particulièrement si cela concerne l’interprétation, veuillez me le signaler ou aviser la greffière pour que nous puissions le régler rapidement.
[Traduction]
J’aimerais maintenant vous présenter les membres du comité qui participent à cette séance, soit les sénateurs Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest, Doug Black de l’Alberta, Claude Carignan du Québec, Jane Cordy de la Nouvelle-Écosse, Mary Jane McCallum du Manitoba, Julie Miville-Dechêne du Québec, Dennis Glen Patterson du Nunavut, Paula Simons de l’Alberta, Josée Verner du Québec, David Wells de Terre-Neuve-et-Labrador, et Rosa Galvez du Québec. Nous avons également le sénateur Mohamed-Iqbal Ravalia de Terre-Neuve-et-Labrador qui se joint à nous aujourd’hui. Il est le parrain du projet de loi.
Bienvenue à tous.
[Français]
Bienvenue à tous, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent.
[Traduction]
Nous entamons aujourd’hui notre examen du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière.
[Français]
Ce matin, pour la première heure, nous avons l’honneur de recevoir l’honorable Seamus O’Regan, ministre des Ressources naturelles. Monsieur le ministre, bienvenue au comité.
L’honorable Seamus O’Regan, c.p., député, ministre des Ressources naturelles : Merci.
Le président : Vous êtes accompagné de M. Glenn Hargrove, sous-ministre adjoint, Bureau de la politique stratégique et de l’investissement en matière d’hydrocarbures.
[Traduction]
Avec eux se trouve également Timothy Gardiner, directeur principal, Gestion des hydrocarbures extracôtiers, Bureau de la politique stratégique et de l’investissement en matière d’hydrocarbures, de Ressources naturelles Canada. Bienvenue à tous. Monsieur le ministre, je vous cède la parole.
M. O’Regan : Merci beaucoup, monsieur le président, et honorables sénateurs. Je me joins à vous de mon domicile sur l’île de Terre-Neuve, terre ancestrale des Micmacs et des Béothuks, et l’une des trois provinces du Canada productrices de pétrole. Il s’agit donc d’un enjeu qui me tient vraiment à cœur, et d’un enjeu important.
Jeune homme, j’ai travaillé pour le premier ministre Brian Tobin il y a de cela environ 20 ans. C’était à une époque où il n’y avait qu’une plateforme en construction, et c’était Hibernia. Notre industrie était alors en plein essor; elle constituait la base de grands, mais prudents, espoirs.
Nous savions alors, comme nous le savons maintenant, qu’il fallait réaliser les travaux de conception et de fabrication et construire les plateformes tout en s’assurant de pouvoir travailler en toute sécurité dans l’un des environnements les plus inhospitaliers qui existe, l’Atlantique Nord. Nous sommes finalement arrivés aux toutes premières ressources pétrolières. Nous savions que tout cela était crucial pour l’avenir financier de Terre-Neuve-et-Labrador.
Aujourd’hui, nous disposons d’une industrie fière et mature, qui en est venue au cours des années à représenter 30 % du PIB de notre province, 13 % de la rémunération du travail et 10 % des emplois.
[Français]
L’industrie extracôtière de la Nouvelle-Écosse a, entre-temps, aidé à stimuler cette économie pendant des années avant la mise hors service de ses deux champs de gaz naturel.
Comme je l’ai déjà mentionné, l’Atlantique Nord peut être sans pitié. Même si cette histoire est positive, deux incidents ont marqué à jamais ma province.
Ces incidents sont liés directement à la législation que nous étudions aujourd’hui.
[Traduction]
La première tragédie a été celle de l’Ocean Ranger en 1982, qui a causé la mort de 84 personnes, dont 56 Terre-Neuviens. La commission royale formée à la suite de cette tragédie a permis d’apporter de nombreuses améliorations sur le plan de la sécurité. J’étais jeune à l’époque, mais je me souviens des répercussions émotionnelles dévastatrices de cet événement. C’est une journée qui nous a profondément bouleversés. La douleur a été attisée lorsque la commission royale a découvert des lacunes dans le régime de sécurité. Une des audiences de la commission s’est déroulée dans la salle paroissiale située près de ma cour arrière.
Malgré les changements apportés, une tragédie s’est à nouveau produite en 2009. Des problèmes mécaniques ont fait en sorte qu’un hélicoptère acheminant 18 travailleurs jusqu’à une plateforme extracôtière s’est écrasé dans l’Atlantique. Une personne a miraculeusement survécu.
Je sais que les honorables sénateurs ont discuté du lien entre le projet de loi S-3 et la tragédie de 2009. Ils ont également abordé de manière plus précise le rôle clé que Robert Wells, défunt père du sénateur Wells, a joué lorsqu’il a présidé la commission d’enquête qui a suivi sur les causes de l’accident. Ses recommandations ont été intégrées, en grande partie, à la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, adoptée en 2014. Je sais que le sénateur Wells a exprimé des préoccupations au sujet des retards qui ont fait en sorte que nous sommes ici aujourd’hui. Je vais, respectueusement, aborder cette question dans un moment. Je vais tout d’abord mettre l’accent sur l’objectif du projet de loi S-3.
Nous voulons accorder au Canada, à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador deux années additionnelles, soit jusqu’au 31 décembre 2022, pour mettre la touche finale aux nombreux règlements en matière de santé et de sécurité qui découlent de la loi de 2014. La Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière précisait les rôles des deux ordres de gouvernement, ainsi que celui des organismes de réglementation, quand vient le temps de prévenir les accidents et les blessures. Elle énumérait les rôles en matière de sécurité que toutes les parties jouaient, allant des propriétaires, exploitants et employeurs aux superviseurs, employés et entrepreneurs.
En outre, la loi a ajouté les éléments suivants au régime de sécurité : un nouveau processus d’appel lorsqu’une partie est accusée d’enfreindre les règles; la définition ou la précision des droits des employés, y compris le droit de refuser de réaliser un travail dangereux sans subir de représailles; une culture en milieu de travail qui indique clairement que ces préoccupations en matière de sécurité sont la responsabilité de tous; un régime de réglementation efficace qui ne renferme aucune incohérence en matière de compétence; et enfin, le transport des employés entre le lieu de travail et la terre ferme.
Je souhaite maintenant mettre l’accent sur un aspect de la loi qui s’avère particulièrement pertinent dans le cadre de la discussion d’aujourd’hui. Il s’agit de la création, en 2014, des règlements transitoires, afin d’accorder aux trois gouvernements du temps pour mettre la touche finale aux règlements permanents. Ces règlements transitoires devaient arriver à échéance à la fin de l’année 2020. Par l’intermédiaire du projet de loi S-3, le gouvernement du Canada demande deux années additionnelles, soit jusqu’au 31 décembre 2022, pour qu’il puisse achever ces travaux.
Certains se demandent, évidemment, pourquoi huit années seraient nécessaires pour achever le processus. Comme le sénateur Ravalia l’a expliqué pendant les débats, il s’agit d’une initiative extrêmement complexe. Ces règlements comptent près de 300 pages. Ils incorporent par renvoi plus de 100 normes nationales et internationales en matière de santé et de sécurité. Ces règlements exigent également une vérification et une approbation par trois gouvernements distincts, de multiples ministères, ainsi que deux organismes de réglementation gérés conjointement. Il s’agit d’un processus décisionnel consensuel. Cela en dit long sur le fédéralisme canadien. Toutefois, ce type d’approche est plus exigeant en temps que l’unilatéralisme.
Mon ministère a tenu, entre 2015 et 2018, un vaste processus de consultation auprès des syndicats, des entreprises et d’autres intervenants. De nombreuses réunions ont été tenues avec des centaines d’intervenants à St. John’s et à Halifax. Cinq ensembles de présentations écrites distincts ont suivi ce processus. Nous avons reçu de nombreux commentaires qui ont été intégrés au nouveau régime. Nous avons également consacré du temps à l’élimination d’une partie du fardeau administratif mentionné par les intervenants.
Le processus en entier, comme la plupart des autres initiatives, a dû composer avec le défi additionnel que représentait la pandémie mondiale. Cette dernière n’explique pas pourquoi nous n’avons pas pu respecter l’échéance. Cependant, elle a exacerbé évidemment certains retards. Par exemple, nous devions commencer les séances de rédaction en personne pendant une journée entière au cours de la semaine du 23 mars l’an dernier. La pandémie nous a alors frappés de plein fouet. Tout à coup, nous devions tous travailler de la maison, tandis que les rédacteurs du ministère de la Justice devaient figurer comment nous pouvions le faire de manière virtuelle. Je dois souligner que tous nos conseillers techniques, fédéraux et provinciaux, se trouvent dans leurs ministères chargés de la santé et de la sécurité au travail respectifs. Ils ont été occupés, œuvrant aux premières lignes de la lutte contre la COVID-19.
Malgré ces facteurs, je conviens que ce processus a été trop long. Je peux vous assurer, honorables sénateurs, que nous allons réussir à achever ce processus, et nous ferons les choses comme il faut. Mon ministère dispose d’un calendrier de mise en œuvre détaillé qu’il a adopté en collaboration avec le ministère de la Justice et les deux gouvernements provinciaux. Le projet de loi S-3 nous donnera le temps nécessaire pour y parvenir, parce que la sécurité est primordiale et que toute réduction de temps est synonyme de raccourcis. Lorsque la santé et la sécurité des travailleurs sont en jeu, les raccourcis sont inacceptables.
Honorables sénateurs, l’industrie extracôtière a amélioré la vie des habitants de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
Nous devons protéger ces travailleurs. La meilleure façon d’y parvenir? En adoptant un régime de sécurité de classe mondiale. J’y crois et je le soutiens. Le projet de loi S-3 nous aidera beaucoup à y parvenir. Je vous incite à le soutenir. Je vais maintenant répondre à vos questions. Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président : Merci, monsieur le ministre.
Si je peux me permettre de poser la première question, et c’est sans doute une question que nombre d’entre nous nous posons. Nous avons entendu clairement vos explications au sujet des retards. Le processus est évidemment compliqué, comme vous nous l’avez si bien expliqué. Vous devez rallier beaucoup de gens. Il faut parvenir à un consensus. Je dois toutefois être honnête avec vous et vous dire que j’ai du mal à accepter ces retards. Je n’arrive pas à croire que dans le monde d’aujourd’hui, nous ne sommes pas parvenus à y arriver. Je pense que les gouvernements n’ont pas tous les mêmes priorités. J’ai de la difficulté à accepter vos explications. Je tiens à vous le dire honnêtement.
Vous nous dites aujourd’hui que le travail sera fait dans deux ans et de ne pas nous inquiéter. Comment pourrait-on en être convaincus après que deux échéances ont été ratées? Que faites-vous pour vous assurer que les gens bénéficient des mesures de sécurité, de prévention, et de toutes les autres mesures dont ils ont besoin? Comment peuvent-ils se sentir rassurés avec ces retards? Comment expliquez-vous cela?
M. O’Regan : Eh bien, les règlements sont complexes. Comme je l’ai mentionné, ils font près de 300 pages. Quand il est question de la vie et de la sécurité — et nous sommes tous d’accord sur ce point — des hommes et des femmes qui travaillent dans la zone extracôtière, on ne prend pas de raccourcis. Nous leur devons d’assurer leur sécurité. Il faut tenir compte de 173 normes nationales et internationales. On parle de plus de 15 000 pages uniquement dans ce cas. Elles sont élaborées en conformité avec le cadre de gestion conjointe propre à la zone extracôtière atlantique. Les règlements doivent être vérifiés et approuvés par le gouvernement du Canada et par les gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, soit trois gouvernements. Cela ne se fait pas en claquant des doigts. C’est incroyablement complexe et cela prend du temps. C’est précisément la raison pour laquelle le sénateur Wells avait prévu une période de cinq ans dans son projet de loi en 2014 pour le faire.
Il y a eu une vaste mobilisation des intervenants, en particulier de 2016 à 2018. De plus, il y a eu un amendement aux règlements de transition en 2017 pour remédier à des irritants administratifs, ce qui nous a retardés.
Puis est arrivée la COVID. Personne ne peut ignorer les répercussions de cette pandémie mondiale. Elle nous a forcés à transformer toutes nos façons de faire, des processus institutionnels à l’élaboration des règlements. Il n’a pas été facile de s’adapter au travail virtuel. Il a fallu un certain temps.
Je suis convaincu que le travail qui reste à faire peut l’être dans la période prévue dans le projet de loi s’il est adopté.
Le président : Merci.
Sénateur Wells, vous avez publié un éditorial dans quelques journaux la fin de semaine dernière. Au sujet des retards strictement, quelle est la question que vous vouliez poser au ministre? En quoi cela vous rassure-t-il?
Le sénateur Wells : J’ai une liste de questions pour le ministre. Je vais mentionner à nouveau ce qui était dans mon éditorial. La loi initiale date de 2014. Nous connaissons tous l’histoire des tragédies, et en avons tous parlé, qui sous-tend tout ce que nous faisons dans la zone extracôtière. Que faisait-on en 2015, 2016 et 2017? Pourquoi a-t-il fallu attendre une rencontre qui était prévue le 23 mars 2020 pour... je devrais sans doute poser la question à vos collaborateurs. Que s’est-il passé au cours des six premières années?
M. O’Regan : D’accord. Je vais demander à M. Hargrove ou à M. Gardiner de bien vouloir répondre à la question du sénateur.
Glenn Hargrove, sous-ministre adjoint, Bureau de la politique stratégique et de l’investissement en matière d’hydrocarbures, Ressources naturelles Canada : Merci, sénateur. Comme le ministre l’a mentionné, les règlements sont extrêmement complexes. Au cours de ces premières années, comme le ministre l’a mentionné, nous avons procédé à une vaste mobilisation des intervenants sur les objectifs précis de la politique. Pendant les travaux menés en collaboration, bien entendu, avec les deux provinces et les offices des hydrocarbures extracôtiers, comme le ministre l’a mentionné, soit pendant la période de consultation et de mobilisation, on s’est rendu compte qu’il y avait divers irritants administratifs et aussi d’autres occasions de moderniser les règlements, ce qui a nécessité une petite réorientation en 2017. Nous poursuivons nos efforts dans ce sens.
Je sais que les gens sont au courant, mais le processus de consultation avec les intervenants, avec nos partenaires provinciaux et les offices des hydrocarbures extracôtiers, de même que le travail minutieux des avocats qui s’occupent de la rédaction, tout cela prend du temps. Comme vous le savez, il y a eu une prolongation d’un an jusqu’à la fin 2020. Il s’est avéré que ce n’était pas suffisant, mais nous pouvons maintenant dire, qu’après avoir effectué ce travail de mobilisation et passé en revue minutieusement quelque 15 000 pages de règlements nationaux et internationaux et des normes qui y sont incorporées par renvoi, nous sommes bientôt prêts à soumettre — si je peux m’exprimer ainsi — l’avant-dernière ébauche des règlements aux provinces et d’entamer les deux dernières années du processus. Je vais m’arrêter ici et demander à M. Gardiner s’il veut ajouter quelque chose.
Timothy Gardiner, directeur principal, Gestion des hydrocarbures extracôtiers, Bureau de la politique stratégique et de l’investissement en matière d’hydrocarbures, Ressources naturelles Canada : Je vais faire écho à ce qu’ont dit le ministre et M. Hargrove et ajouter que nous avons tiré des leçons de la période initiale de cinq ans et de la prolongation d’un an, des leçons qui seront appliquées au cours de la prolongation de deux ans que nous demandons maintenant. En nous appuyant sur les leçons apprises et notre plan détaillé, nous sommes convaincus d’avoir la pleine attention de nos partenaires pour mener à terme le processus.
Qualitativement parlant, nous sommes à une étape différente aujourd’hui d’où nous étions pendant les périodes précédentes. Nous avons une ébauche complète des règlements que nous sommes prêts à soumettre à nos partenaires. Nous sommes donc un peu plus en contrôle de notre destinée en ayant un plan clair et une ébauche complète des règlements, et c’est ce qui fait que nous sommes convaincus de réussir.
Le sénateur Wells : Merci, monsieur Gardiner, monsieur Hargrove, et monsieur le ministre également.
J’aimerais entendre les questions de mes collègues, mais auparavant, je voudrais avoir la confirmation de ce qu’a dit M. Gardiner, soit que vous avez une ébauche complète prête à soumettre à vos partenaires. Je suis bien sûr au courant de la portée des consultations qui ont eu lieu au cours des six dernières années, ce qui rend encore plus frustrant pour moi de voir que cela n’est pas terminé. Toutefois, je veux simplement confirmer ce que vous avez dit, soit que vous avez une ébauche complète des règlements que vous êtes prêts à soumettre à vos partenaires, soit l’industrie, les conseils des hydrocarbures extracôtiers et les gouvernements qui ont été mentionnés.
M. Gardiner : Oui, je peux vous confirmer que nous avons une ébauche complète des règlements. Il ne s’agit pas de la première consultation. Comme l’ont souligné le ministre et M. Hargrove, il y a eu de vastes consultations sur les objectifs de la politique qui se sont déroulées en cinq étapes différentes entre 2016 et 2018. Tout ce matériel a servi à alimenter le travail de rédaction, et les résultats de ce travail sont maintenant prêts à être soumis à nos partenaires. Quand je parle de nos partenaires, je parle de nos partenaires de cogestion provinciaux et des deux organismes de réglementation avec qui nous travaillons.
Il est question à l’interne de diffuser les règlements à plus grande échelle, mais cela ne correspond pas à la pratique habituelle, selon laquelle la diffusion de l’ébauche des règlements se fait à l’étape de la publication préalable dans la Partie I de la Gazette du Canada.
La sénatrice Cordy : Comme d’autres, ma principale frustration en voyant cela venait du fait qu’il y a déjà eu un retard et que le projet de loi a été présenté au Sénat le 1er décembre. Il doit encore être acheminé à la Chambre des communes. Nous n’en sommes qu’au début. Je ne sais pas quand il sera adopté.
Quand on est Néo-Écossais et qu’on habite sur la côte atlantique, on comprend certainement l’importance de ces règlements et de leur mise à jour. Personne ne peut vraiment comprendre le danger que cela représente sans être monté à bord d’un hélicoptère ou sans avoir mis les pieds sur une plateforme de forage, mais quand on vit au bord de l’océan, on comprend sa puissance.
Si ce projet de loi est adopté et que les règlements sont établis, qu’est-ce qui nous assure que tout sera prêt avant la fin de ces deux ans? Il faut un certain temps pour qu’il soit adopté par les deux Chambres. Qu’est-ce qui nous assure que le processus ne sera pas retardé encore une fois dans un ou deux ans?
M. O’Regan : Permettez-moi de commencer à répondre, sénatrice, et M. Hargrove pourra poursuivre s’il veut ajouter quelque chose.
Comme je l’ai déjà mentionné, il s’agit d’un dossier extrêmement complexe, et tout ce qui est complexe prend du temps. Je vais leur laisser le soin de vous donner les détails de notre plan de mise en œuvre. Nous avons différentes étapes devant nous. Nous devons préparer l’ébauche des règlements, et comme M. Gardiner l’a mentionné, nous y sommes presque. Nous devons les soumettre aux provinces et aux offices des hydrocarbures extracôtiers pour examen et commentaires, et ensuite apporter les changements requis. Nous devons ensuite effectuer un examen interne, un processus strict pour assurer l’uniformité avec les autres règlements et l’uniformité dans les deux langues officielles; nous devons procéder à la publication préalable dans la Partie I de la Gazette du Canada et lancer des consultations publiques; examiner ensuite le résultat des consultations et procéder aux changements requis. On arrive alors à l’étape de la décision finale et de la publication définitive dans la Partie II de la Gazette du Canada. Il y a beaucoup d’étapes; cela prend du temps. Qui plus est, il faut procéder à tout cela pendant une pandémie. La prudence nous dicte de donner le temps à chacun de bien faire son travail et ainsi bien faire les choses pour nos travailleurs dans la zone extracôtière.
Monsieur Hargrove, aimeriez-vous ajouter quelque chose pour la sénatrice?
M. Hargrove : C’était un excellent aperçu de haut niveau des mesures prises. Monsieur Gardiner, peut-être pourrais-je vous demander d’ajouter un peu de couleur et de détails à l’aperçu des prochaines étapes présenté par le ministre? [Difficultés techniques]
La sénatrice Cordy : Je me demande, monsieur le président, si je peux poursuivre dans cette voie.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez clairement affirmé avoir fait beaucoup de travail, mais qu’il reste fort à faire. Il me semble donc que nous devrions presque obtenir le nouveau projet de loi dans les douze mois, car il doit être adopté par les deux Chambres. Nous devons aussi tenir compte de son examen parlementaire dans les deux Chambres. Il y aura des règlements que le ministère a passé beaucoup de temps à étudier, et nous nous attendons également à disposer d’un laps de temps appréciable pour en faire autant. Pensez-vous l’obtenir d’ici un an ou peu après? Nous ne pouvons pas l’obtenir de nouveau à la dernière minute, sinon nous élaborerons le même type de mesure législative que nous le faisons actuellement.
M. O’Regan : Madame la sénatrice, je suis d’accord. Je n’ai pas l’intention de vous soumettre cette mesure législative à la dernière minute encore une fois. Mes fonctionnaires m’ont dit que deux ans suffisent amplement pour s’assurer que, même avec la pandémie, nous sommes en mesure de mener ce projet à bien et de le faire de manière approfondie et respectueuse pour les deux Chambres.
Monsieur Hargrove, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose à ce propos. M. Gardiner reviendra, je suppose, en temps voulu, lorsque nous serons en mesure d’améliorer la large bande urbaine.
En attendant, sénatrice Cordy, je peux vous dire que nous sommes déterminés — j’en ai parlé avec mes fonctionnaires. Deux ans nous donnent amplement le temps de nous assurer que tout est fait correctement, dans les règles et avec respect.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie, monsieur le ministre, d’être parmi nous aujourd’hui.
Je pense que vous ressentez déjà notre frustration en ce qui concerne les retards. La réglementation en matière de santé et de sécurité est essentielle pour prévenir les accidents, car elle réduit les risques, lesquels sont directement liés à la fréquence. Je suis donc perplexe, parce que je crois comprendre qu’il s’agit d’une question complexe, alors que dans d’autres dossiers, toujours dans le même secteur, les choses semblent se dérouler très facilement.
À l’été 2019, vous avez déclaré à la Newfoundland and Labrador Oil and Gas Industries Association, la Noia, que nous nous étions efforcés d’exclure les projets à faible risque, dont les puits d’exploration, de l’évaluation fédérale complète lorsque nous avons effectué notre rigoureuse évaluation initiale. Vous savez que l’évaluation a été publiée et qu’elle précise que l’assistance et l’évaluation des risques dépassent le temps et les ressources dont dispose le comité, mais qu’elles demeurent une exigence fondamentale pour guider les décisions futures concernant l’utilisation durable des ressources extracôtières.
La délivrance de licences pour les puits d’exploration a connu un essor fulgurant et a permis d’atteindre des montants cumulés records de soumissions réussies, à hauteur de 1 milliard de dollars et jusqu’en 2024. Ce cycle réglementaire prend donc moins d’un an. Pourtant, cette histoire ne commence pas en 2014. Cette histoire de réglementation commence en 1995, puis il y a un grand laps de temps jusqu’en 2014. C’est arrivé en 2014 à cause de l’accident qui a été mentionné, mais aussi à cause de la plateforme Deepwater Horizon. Il fallait donc tout revoir.
Ma question est la suivante : pourquoi a-t-on cette volonté politique d’accélérer et de complexifier grandement les choses? Les effets cumulatifs de ces plateformes pétrolières sont très complexes, mais vous arrivez à trouver des moyens rapides de régler ce problème et d’avoir plus de plateformes pétrolières en même temps, alors que nous savons que la probabilité de décès des travailleurs de cette industrie est sept fois plus élevée sur les plateformes pétrolières.
De plus, il s’agit d’une activité coûteuse. Je sais; j’ai lu les 135 pages de l’intention réglementaire. Elle va être très coûteuse. Qui paiera? Ne devrions-nous pas pousser les industries à contribuer davantage, compte tenu des avantages qu’elles retirent grâce à l’adoption à la hâte de ces règlements?
Ma dernière remarque à ce sujet est la suivante : pendant les dispositions transitoires, que devrions-nous faire si un accident survenait demain avec toutes les mesures législatives disparates dont nous disposons — la loi provinciale, les mesures de participation, la loi fédérale et l’assurance? Comment allons-nous procéder? Je vous remercie beaucoup.
M. O’Regan : Madame la sénatrice, je vais commencer par la question des puits d’exploration, que nous avons annoncés en mai dernier. Dans le cadre de ce travail, nous avons pu réduire le temps nécessaire pour effectuer l’évaluation environnementale d’un puits d’exploration. Nous avons pu la faire passer de 900 jours à 90 jours. C’est ce que l’industrie et, en fait, les syndicats demandaient. C’était la priorité absolue. Le temps, c’est de l’argent. C’est tout simplement un processus inefficace qui a été mis en place en 2012, lorsque le gouvernement a décidé de faire passer le nombre de jours de quelque 300 et à quelque 900. Ils ont classé un puits exploratoire comme un projet complet, comme si c’était un projet Hibernia, une plateforme complète, ce qui n’avait aucun sens. Ce que l’Agence d’évaluation d’impact du Canada a pu faire pour nous une fois le projet de loi C-69 adopté, c’est nous fournir une évaluation régionale complète du bassin au lieu d’examiner chaque puits exploratoire de façon myope et de réaliser une évaluation environnementale complète pouvant prendre jusqu’à 900 jours, alors qu’à 6 kilomètres de là peut-être, un autre puits exploratoire devait être soumis au même processus. Ce processus pouvait comprendre des consultations avec les mêmes parties prenantes qui s’étendaient jusqu’à l’ouest du Nouveau-Brunswick. C’était tout simplement ridicule, honnêtement. C’était le gouvernement à son pire.
En réalisant une évaluation régionale complète de l’ensemble du bassin, nous avons non seulement pu le faire une fois pour toutes, mais nous avons également eu une vision beaucoup plus claire des écosystèmes des bassins et de la façon dont ils interagissent. En fait, notre capacité à évaluer les impacts environnementaux a augmenté en diminuant le temps d’attente. C’est ainsi que les choses ont fonctionné.
Pour l’essentiel, il était de notre ressort de le faire. La situation est différente ici. Elle est certainement beaucoup plus compliquée, car elle fait intervenir non seulement l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et les ministères de la Santé et de la Sécurité publique des deux provinces, mais aussi leur ministère de l’Énergie. Dans l’ensemble, elle nécessite énormément de consultations. Comme je l’ai dit, l’examen réglementaire prend jusqu’à 300 jours.
Je demanderais à M. Hargrove ou à M. Gardiner de fournir de plus amples renseignements. Je vous laisse le soin de le faire.
M. Hargrove : Je vous remercie, monsieur le ministre.
Je vais dire deux ou trois choses. Comme l’a dit le ministre, il s’agit d’un travail très complexe. La santé et la sécurité des travailleurs du secteur extracôtier sont de la plus haute importance, et nous devons nous assurer de bien faire les choses.
L’autre point que je voudrais souligner est celui du cadre législatif en place. Le cadre juridique prévu dans la partie III de la loi de mise en œuvre de l’accord a été établi. Les règlements transitoires provinciaux dans ce domaine sont aussi en place, et la nature rétroactive de l’extension proposée du cadre réglementaire fournit également cette feuille de route pour les opérateurs dans le secteur extracôtier en ce qui concerne les attentes et l’intention du gouvernement. C’est un point important à souligner également.
La sénatrice Galvez : Pouvez-vous me dire combien cela coûterait et qui devrait payer pour la mise en œuvre de la nouvelle réglementation?
M. Gardiner : Je peux me prononcer sur ce point. Déterminer le fardeau des coûts qui serait imposé à l’industrie s’inscrit dans le processus réglementaire, mais nous n’en sommes pas encore tout à fait à ce stade. Lorsque nous arriverons à la publication dans la Partie I et la Partie II de la Gazette du Canada, nous devrons faire ce travail, mais nous n’en sommes pas encore là. C’est l’industrie qui en portera le fardeau.
La sénatrice McCallum : Je tenais à souhaiter la bienvenue au ministre et à le remercier pour le travail qu’il a accompli.
Monsieur le ministre, lorsque vous avez fait des déclarations sur la prévention des accidents et des blessures, vous avez dit qu’une partie de cette prévention serait axée sur la santé mentale, car la santé mentale contribue aux accidents et aux blessures. Vous avez dit que vous aviez fait un modèle de consensus, que cela prenait plus de temps et que vous étiez allés consulter de nombreuses parties prenantes. Je me demande si les Premières Nations ont été prises en compte et si elles font partie des trois gouvernements distincts dont vous avez parlé. Ma question est de savoir si on a procédé à une analyse ACS+, quelles consultations on a menées dans le cadre de l’élaboration de la réglementation et si nous pouvons recevoir une copie de l’analyse que vous avez effectuée. Je vous remercie.
M. O’Regan : Madame la sénatrice, merci beaucoup pour cette question. Je parlerai brièvement de la santé mentale, puis je demanderai à M. Gardiner de vous donner une réponse plus détaillée sur les consultations.
La santé mentale est évidemment un sujet auquel nous accordons plus d’attention aujourd’hui, et nous reconnaissons son importance ainsi que son incidence sur le bien-être physique, car le travail en mer peut être stressant.
L’une des plus grandes améliorations, aux dires des personnes qui y travaillent, a été l’accès à large bande aux deux plateformes, Hibernia et Hebron. Vous pouvez parler à vos enfants et passer du temps avec votre famille au lieu de devoir faire la queue tous les deux jours pour utiliser le téléphone public et de passer quelques minutes à parler avec votre famille par téléphone satellite. Les plateformes sont tellement plus efficaces maintenant qu’il est possible de se connecter au Wi-Fi là où il était impossible de le faire auparavant. Le principal avantage de l’accès à large bande sur les plateformes est que les travailleurs sont moins isolés de leur famille qu’avant.
En ce qui concerne les détails des consultations, je vais maintenant me tourner vers M. Gardiner.
La sénatrice McCallum : J’ai oublié de mentionner quelque chose. Si j’ai évoqué la santé mentale, c’est à cause du racisme qui existe dans de nombreux sites d’extraction, qu’il s’agisse de pétrole ou d’hydroélectricité. Nous entendons de nombreux exemples de racisme parmi les travailleurs, et avec tous les travailleurs que vous avez, je me demande comment on y fait face. Voilà où je voulais en venir lorsque j’ai abordé la question de la santé mentale. Je vous remercie.
M. O’Regan : Je comprends. Je vous remercie.
Avant de permettre à M. Gardiner de s’exprimer à ce sujet, je vais simplement mentionner qu’en tant que personne qui a grandi au Labrador, j’ai vu de mes propres yeux les effets sur les Inuits du Labrador et du Nunatsiavut de ce qui se passe lorsque le développement économique leur est imposé sans leur consultation et leur participation véritables. C’est pourquoi mes travaux universitaires ont porté sur ce sujet. Mon mémoire de maîtrise portait sur la participation significative des Autochtones au développement des ressources naturelles au Canada, en parlant directement du renforcement des capacités. J’avais 20 ans, et je ne voudrais pas le ressortir maintenant, car nous avons fait beaucoup de chemin depuis. Nous avons encore un long chemin à parcourir, mais je prends certainement ces questions très au sérieux. C’est quelque chose qui a fait partie intégrante de ma vie universitaire et professionnelle dès mes débuts.
Monsieur Gardiner, peut-être pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Gardiner : Je vous remercie, monsieur le ministre.
Je dirais que la Loi sur la santé et la sécurité au travail adoptée en 2014 faisait suite à une décision du Cabinet et s’inscrivait dans le processus décisionnel. Les effets et impacts environnementaux sur les différents groupes sont généralement pris en compte. Il faudrait que je retourne en arrière et que je regarde l’analyse qui a été faite. Je présume que ces facteurs ont été pris en compte.
Il est certain qu’au cours du processus de consultation, des invitations ont été adressées à des groupes de Premières Nations et d’Inuits, qui ont été informés des progrès réalisés dans le cadre de ce projet.
Au fur et à mesure que nous avançons dans le processus de consultation officiel — la Partie I et la publication finale de la Gazette du Canada —, nous suivrons un processus réglementé dans lequel le comité du Cabinet doit approuver les produits que nous élaborons et présentons. Là encore, l’exigence relative aux évaluations obligatoires commence par de vastes consultations avec les parties concernées, y compris les groupes de Premières Nations et d’Inuits.
Le sénateur Patterson : Bienvenue au ministre et aux témoins.
Alors que je passe en revue la longue liste de retards qui nous ont amenés jusqu’à aujourd’hui, je dois remettre en question la priorité accordée dans votre ministère au parachèvement de cette réglementation, surtout à la lumière des tragédies que vous avez décrites, qui ont profondément ébranlé les Terre-Neuviens, en particulier. En ce qui concerne cette longue liste de retards, je voudrais vous interroger sur la mesure législative dont nous sommes saisis. La date d’échéance des règlements transitoires est fixée depuis 2014, et la date limite du 31 décembre 2020, qui a été prolongée dans la loi d’exécution du budget, était également connue depuis plus d’un an; pourtant, le projet de loi S-3 a été déposé au Sénat du Canada le 1er décembre 2020. Pourquoi le projet de loi n’a-t-il pas été déposé plus tôt? Je vous remercie.
M. O’Regan : Tout d’abord, je voudrais énoncer une évidence. Nous voulons nous assurer que nous avons bien fait les choses.
Je ne peux pas parler des retards qui ont eu lieu avant mon mandat dans ce ministère. Je peux parler du fait que c’est seulement quelques mois après mon arrivée que, soudainement — je pense que c’était il y a 10 ou 11 mois —, cette pandémie a commencé et la guerre mondiale des prix du pétrole a frappé cette province, et elle est devenue presque existentielle pour elle. Terre-Neuve-et-Labrador dépend encore plus des redevances pétrolières que l’Alberta. Compte tenu de la situation financière dans laquelle Terre-Neuve-et-Labrador se trouve, cette question est devenue une priorité absolue pour mon ministère. Nous nous sommes assurés d’avoir bien compris les enjeux du secteur extracôtier et de l’avoir laissé en bonne position pour faire face à la tempête actuelle avec laquelle il est toujours aux prises.
Entre-temps, ce que nous voulions faire, c’était nous assurer que ces consultations se déroulaient correctement pour traiter de choses assez complexes. La réglementation compte près de 300 pages, et il existe 173 normes nationales et internationales. Celles-ci représentent à elles seules 15 000 pages. Il y avait fort à faire.
Je laisse la parole à M. Hargrove ou à M. Gardiner si l’un ou l’autre souhaite s’étendre sur ce point.
M. Hargrove : Je vous remercie, monsieur le ministre.
Je me demande si le moment ne serait pas venu pour M. Gardiner de nous donner plus de détails sur le processus à venir. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir demandé pourquoi ce projet de loi particulier a été présenté le 1er décembre. Je pense que votre question renvoie également aux questions précédentes sur la façon dont nous pouvons être sûrs qu’une prolongation de 24 mois sera suffisante. Le ministre a répondu à cette question de manière générale, mais je me demande si nous ne pourrions pas profiter de cette occasion pour demander à M. Gardiner de nous présenter les prochaines étapes du processus réglementaire afin de nous donner la certitude que nous ne nous retrouverons pas dans une situation similaire dans quelques années. Monsieur le ministre et sénateur Patterson, cela vous serait-il utile?
Le sénateur Patterson : Sauf votre respect, ma question ne portait pas sur l’avenir. Ma question portait sur ce que j’appelle la longue liste de retards, et j’ai cité en exemple le dépôt tardif du projet de loi.
Permettez-moi de poser à nouveau la question : il a fallu cinq ans pour faire ce travail, avec une nouvelle prolongation d’un an. Le ministre a décrit la santé et la sécurité comme une priorité absolue et a expliqué comment les accidents dont nous sommes tous au courant ont entaché l’âme de sa province natale. Il semble, au vu des travaux qui n’ont pas été achevés dans les délais impartis, que je doive m’interroger sur la priorité accordée par le ministère à la santé et à la sécurité. Monsieur le ministre, je comprends que vous soyez le nouveau responsable de ce ministère, mais vous êtes maintenant ici devant nous pour rendre des comptes concernant le ministère, y compris sur ses actions passées. Y a-t-il eu d’autres priorités auxquelles le ministère a donné suite qui étaient plus importantes que la santé et la sécurité et qui nous ont menés là où nous sommes aujourd’hui? Je vous remercie.
M. O’Regan : Je vais d’abord en parler, monsieur le sénateur, et ensuite mes fonctionnaires prendront le relais.
Tout d’abord, l’idée que la rapidité est nécessairement représentative de la priorité n’est pas nécessairement vraie. Je sais, pour en avoir discuté avec mes fonctionnaires, qu’on était bien déterminé à ne pas prendre de raccourcis. Nous ne prenons pas de raccourcis lorsqu’il s’agit de la santé et de la sécurité de nos travailleurs en mer. Parfois, en prenant plus de temps, nous montrons que nous sommes absolument déterminés à bien faire les choses.
Je vais céder la parole à un de mes collaborateurs. Je crois que c’est M. Hargrove qui parlait.
M. Hargrove : Merci, monsieur le ministre, merci, sénateur. Je vais formuler quelques observations, puis je céderai la parole à M. Gardiner afin qu’il vous fournisse quelques détails supplémentaires.
Tout d’abord, je dirais que non, il n’y a pas de priorités plus importantes que la santé et la sécurité. Nous avons certainement accordé une grande priorité à la tâche de faire avancer ce dossier aussi efficacement que possible, tout en veillant, comme l’a dit le ministre, à faire les choses comme il faut. Notre principale priorité consiste sans aucun doute à faire les choses comme il faut.
Je crois que je dirais également, à titre d’explication supplémentaire, que la prolongation d’un an a été mise en œuvre par le biais de la deuxième loi d’exécution du budget en 2018. À cette époque, personne ne pouvait prévoir la pandémie de COVID et l’incidence qu’elle aurait. Elle a réellement eu des répercussions sur toutes les facettes de la société, y compris sur le travail du gouvernement. Comme le ministre l’a mentionné dans sa déclaration préliminaire, je pense, nous travaillons avec de nombreux partenaires différents au sein du gouvernement fédéral, des partenaires qui, comme nous tous, se sont particulièrement concentrés, dans bon nombre de cas, sur l’incidence initiale de la COVID-19, au moment où nous nous approchions des dernières étapes de certains de ces travaux. Par conséquent, cela a certainement eu des conséquences sur les travaux.
L’autre chose que je voudrais souligner, c’est que bien que nous demandions cette prolongation du délai pour l’élaboration des règlements qui fournissent la feuille de route sur la façon dont les exploitants des plateformes pétrolières mettront en œuvre ces normes en matière de santé et de sécurité, il y a une mesure législative et juridique en place qui continue de fournir un cadre pour la santé et la sécurité dans la zone extracôtière.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Donc, j’ai deux courtes questions.
Tout d’abord, nous sommes frustrés, je crois aussi en partie parce que les explications restent d’ordre général. Le fait qu’un dossier soit compliqué, qu’il y ait 300 pages de règlements, cela n’éclaire pas le public qui nous écoute sur ce qui bloque exactement et sur le côté très concret des choses. Je voudrais un peu de transparence dans tout cela et je me demande si vous pourriez nous expliquer assez simplement une de ces réglementations, un de ces problèmes, qui vous a particulièrement pris du temps dans ces cinq ans et qui peut expliquer ce retard.
Aussi, je voudrais poursuivre la quête de ma collègue la sénatrice Galvez en soulignant que l’industrie a déjà reçu 320 millions de dollars, je crois, pour mettre en place des mesures de sécurité et de santé. Dans le projet de loi qui s’en vient, le reste de la facture sera-t-il assumé par l’industrie ou y a-t-il d’autres subventions prévues?
[Traduction]
Le président : Monsieur le ministre, je vous demande de répondre directement à la question, si cela ne vous dérange pas, afin que nous puissions réduire le temps de parole requis.
M. O’Regan : Je vais demander à M. Gardiner de parler d’un exemple qui peut peut-être illustrer pour la sénatrice comment nous avons vécu ces retards. Je voudrais simplement ajouter, à propos de la question des 320 millions de dollars que le gouvernement fédéral a fournis à l’industrie extracôtière pendant la pandémie — auxquels s’ajoutent 75 millions de dollars —, que cet argent est utilisé pour réduire les émissions et pour permettre aux travailleurs de faire le travail correctif qui doit être fait pour réduire les émissions. Ce sont les limites que nous avons communiquées à la province, en ce qui concerne la manière dont elle peut dépenser l’argent.
Monsieur Gardiner, je vous cède la parole pour que vous donniez un exemple à la sénatrice.
M. Gardiner : Merci, monsieur le ministre.
Je peux citer deux exemples. Le premier est que nous avons modifié les règlements transitoires en 2017. Pendant que nous élaborions de nouveaux règlements permanents, nous peaufinions aussi les règlements transitoires existants qui ont été mis en œuvre en 2014, parce qu’ils ont été en grande partie tirés des règlements sur le pétrole et le gaz du Code canadien du travail. La concordance avec les lois de mise en œuvre n’était pas parfaite. En particulier, les règlements renvoyaient à des normes et à des exigences précises qui ne cadraient pas avec les pratiques internationales. Lorsque les plateformes provenaient d’autres pays, il était souvent nécessaire de faire ce que l’on appelle une requête réglementaire, c’est-à-dire de demander une dérogation aux exigences réglementaires explicitement énoncées afin de permettre à un bâtiment d’être installé parce qu’il était conforme aux normes internationales, mais pas exactement à notre réglementation. C’était une procédure administrative lourde, alors nous avons modifié ces règlements en même temps que nous tentions d’élaborer des règlements permanents adaptés pour les lois de mise en œuvre, ce qui a exigé pas mal de temps.
Un deuxième exemple serait l’incorporation par renvoi de plus de 100 normes. Il existe une nouvelle politique, une politique sensée que le ministère de la Justice a mise en œuvre, selon laquelle, en incorporant par renvoi une norme, vous devez être très explicite sur la partie de la réglementation qui est appliquée et sur la question de savoir si l’on « doit » suivre ce règlement ou si l’on « devrait » le suivre. L’adoption de ces normes a nécessité un examen approfondi de chacune d’elles, en anglais et en français, un examen qui n’était pas prévu initialement. Comme pour tout ce qui relève de notre cadre de gestion conjoint, cela représente beaucoup de travail pour nous, mais c’est aussi une importante charge de travail que nous imposons à nos partenaires parce qu’ils sont de notre côté à chaque étape. Voilà donc deux exemples.
La sénatrice Simons : J’aimerais donner suite à la question de la sénatrice Miville-Dechêne et à la réponse de M. Gardiner. Il me semble que vous ne finirez jamais ce travail parce que vous mettrez constamment la réglementation à jour, à mesure que les technologies et les lois évoluent. Je me demande simplement dans quelle mesure vous permettez que le mieux soit l’ennemi du bien. N’est-il pas plus logique d’adopter simplement ce texte, en sachant qu’il ne sera jamais parfaitement peaufiné et que, par la suite, vous pourrez le modifier au fur et à mesure? Parce que si vous continuez d’attendre qu’il soit tout à fait au point, vous n’arriverez jamais au bout de votre travail. Vous ferez toujours face aux paradoxes de Zénon.
M. O’Regan : La sénatrice soulève un très bon point. Mes fonctionnaires m’ont assuré que nous serons bientôt en mesure de codifier les règlements qui sont nécessaires et exigés par les travailleurs et les intervenants.
Je ne sais pas si M. Gardiner aimerait ajouter quelque chose à cela.
Le président : Si je peux me permettre, je vais vous interrompre. Nous n’avons pas assez de temps pour obtenir des réponses détaillées. Je demanderais aux sénateurs McCallum, Galvez et Wells de nous communiquer rapidement leurs questions. Monsieur le ministre, si vous voulez bien prendre note des trois questions, vous pourrez y répondre rapidement, car il ne nous reste que trois minutes.
M. O’Regan : Je le ferai.
La sénatrice Galvez : Je veux juste dire que ce n’est pas un nouveau projet. Après l’incident de la plateforme Deepwater Horizon, de nombreux règlements ont été pris. Nous n’avons pas besoin de réinventer la roue. Toutefois, à cet endroit, il y a un certain risque climatique qui s’aggrave. J’espère donc que les nouveaux règlements en tiendront compte.
Le sénateur Wells : Je vais être très bref à ce sujet. Monsieur le ministre, vous savez que, selon l’Accord atlantique, les offices des hydrocarbures extracôtiers sont responsables de la gestion des ressources, de l’environnement, des retombées industrielles et de la sécurité. Dans la loi, aucune priorité n’est précisée à cet égard, mais à l’office, et lorsque j’en étais le directeur général adjoint jusqu’en 2013, nous avons toujours donné la priorité à la sécurité. Donc si l’industrie, les offices et tous les travailleurs accordent la priorité à la sécurité, pourquoi le ministère ne fait-il pas de même?
La sénatrice McCallum : Je souhaitais me pencher sur les répercussions que le climat a sur l’infrastructure pétrolière en mer. Étant donné les effets du climat sur la température, la météo, l’élévation du niveau de la mer, l’acidification des océans, les ondes de tempête et les vagues, la réglementation à venir tiendra-t-elle compte des risques liés au changement climatique?
M. O’Regan : Premièrement, en ce qui concerne simplement le point soulevé par le sénateur Wells, je l’entends parler haut et fort de la priorité de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et de la priorité de l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. Il est certain que nous partageons la même priorité que les travailleurs. C’est la raison pour laquelle nous voulons prendre le temps de bien faire les choses. Ce sont exactement les organismes avec lesquels nous allons travailler, et nous partageons cette priorité. Je suis d’accord avec vous. Je suis frustré que cela prenne autant de temps, mais on m’assure que ce sera tout. Nous allons achever ce travail et le faire correctement.
À la sénatrice Galvez, je voudrais juste dire qu’à l’époque où j’écrivais des discours et où Hibernia a été lancée, je travaillais pour le premier ministre Brian Tobin, et nous avons commencé à parler du pétrole d’Hibernia comme d’un « brut léger peu sulfuré ». Nous réalisons maintenant que ce sont plus que de simples mots. Le pétrole extracôtier de Terre-Neuve a l’un des plus faibles taux d’émission par baril du monde. Il va devenir un produit très, très compétitif, et il l’est déjà. Nous continuerons d’avoir besoin du pétrole pendant un certain temps. Les marchés chercheront des barils de pétrole à faibles émissions. C’est un avantage concurrentiel important que le pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador possède sur le marché.
En ce qui concerne la troisième question, portant sur les effets climatiques, ces effets touchent absolument tout ce que nous, les membres du gouvernement, faisons. Comme vous l’avez mentionné, il faudra absolument tenir compte de la hausse du niveau des océans et des complications qui en découlent pour déterminer quelles seront ces répercussions.
Le président : Merci, monsieur le ministre O’Regan. Je remercie également MM. Gardiner et Hargrove de leur participation à la séance de ce matin. Je pense que vous nous avez aidés à comprendre à quel point les choses sont compliquées. En attendant notre prochaine rencontre, je vous remercie infiniment de votre collaboration.
Nous accueillons maintenant des représentants d’Unifor, notamment Scott Doherty, adjoint exécutif du président national, et Dave Mercer, président de la section locale 2121 d’Unifor, et des représentants de Cougar Helicopters Inc., notamment Willis Jacobs, gestionnaire de la sécurité et de la qualité. Je vous souhaite la bienvenue, et je vous remercie d’avoir accepté nos invitations. Chacun de vous dispose de cinq minutes pour formuler ses observations. Nous aurons ensuite des questions à vous poser. La parole est à vous.
Scott Doherty, adjoint exécutif du président national, Unifor : Merci. Je m’appelle Scott Doherty, et je suis l’adjoint exécutif du président national d’Unifor. Je suis accompagné de Dave Mercer, président de la section locale 2121 d’Unifor. Au nom des 22 000 membres d’Unifor du secteur de l’énergie, je remercie le comité de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui.
Nos membres de l’industrie extracôtière savent d’expérience l’importance que ce secteur revêt pour l’économie de Terre-Neuve-et-Labrador. Ils savent également le rôle important que la réglementation joue en assurant leur sécurité et en leur permettant de rentrer chez eux chaque jour auprès de leur famille. Pendant des années, nous avons été témoins de ce qui se produit lorsque les employeurs ne sont pas contraints par la réglementation de veiller à ce que la santé et la sécurité des travailleurs priment sur les profits. Nos membres travaillent dans un milieu unique qui présente des défis importants en matière de sécurité. De nombreux travailleurs ont dû perdre la vie pour que la réglementation en matière de santé et de sécurité parvienne au niveau où elle est aujourd’hui. M. Mercer est un travailleur extracôtier qui peut citer de nombreux exemples des problèmes de sécurité auxquels nos membres continuent de faire face quotidiennement.
Unifor a salué la mise en œuvre de la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière en 2014. Il s’agissait d’une étape grandement nécessaire pour clarifier le dédale de règlements, pour combler les failles qui existent entre les compétences fédérales et les compétences provinciales et pour offrir aux travailleurs extracôtiers des protections tout aussi solides que celles dont bénéficient les travailleurs côtiers. Le fait que ce processus soit toujours en cours après six ans et que vous proposiez un délai de deux années supplémentaires pour le mener à bien est un échec lamentable pour tous les ordres de gouvernement. En ce qui concerne le gouvernement fédéral, le fait qu’il ait laissé les règlements transitoires expirer est, comme le dit le sénateur Wells, un manquement à son devoir. Cette situation est tout à fait inacceptable pour nos travailleurs extracôtiers.
Pour souligner à quel point cet échec est ridicule, je mentionne que, six ans après la mise en œuvre de ces mesures temporaires, nous n’avons toujours pas établi un conseil de sécurité extracôtière pour les intervenants — un principe de base de la santé et de la sécurité sur lequel les intervenants s’entendent tous. Et maintenant, ce processus sera encore retardé de deux ans. C’est incroyable.
Nous connaissons tous les tragédies que cette industrie a subies et qui ont conduit à l’adoption de ces mesures temporaires. Compte tenu de la détérioration des conditions économiques que l’industrie affronte en raison de la chute des prix du pétrole et de la COVID, nos membres doivent plus que jamais résister aux exigences des employeurs et de l’industrie, qui continuent de réduire les coûts et de prendre des raccourcis pour tenter de demeurer rentables et opérationnels. Le fait que qui que ce soit puisse forcer les travailleurs à affronter ces temps incertains sans réglementation ni protection me dépasse et frise la négligence criminelle. C’est honteux.
C’est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui pour exhorter le gouvernement à adopter le projet de loi S-3 le plus rapidement possible. Vous devez veiller à ce que les travailleurs soient à nouveau protégés par les dispositions temporaires de la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière.
Nous vous demandons également de ne pas attendre deux ans pour finalement mettre en place des règlements permanents et des protections pour les travailleurs. Les travailleurs en ont assez des excuses et des chamailleries politiques. La sécurité et la vie de nos membres sont en jeu, et vous le savez.
Merci. Je vais maintenant céder mon temps de parole à Dave Mercer.
Dave Mercer, président de la section locale 2121, Unifor : Merci, monsieur Doherty.
Je n’ai pas de grands discours ou de choses techniques ou compliquées à vous présenter. Tout ce que je peux vous dire, c’est que les comités de santé et de sécurité au travail ont un rôle important à jouer dans le secteur extracôtier. Nous vivons et travaillons dans l’un des milieux les plus difficiles du monde. Nous nous rendons au travail en hélicoptère, un déplacement qui peut prendre parfois deux heures. Si nous ne pouvons pas atterrir à cause du brouillard, nous devons faire demi-tour et rejoindre l’héliport, ce qui prend aussi deux heures. Ensuite, nous montons à bord d’un bateau de ravitaillement pour nous rendre à l’installation, et ce voyage peut durer de 16 à 24 heures. Une fois sur place, nous sommes pris en charge par un bateau de ravitaillement, qui est attaché à une grue. La grue nous déplace du bateau, au bâtiment pour nous permettre de commencer notre travail, qui durera 21 jours ou peut-être davantage, en fonction de la possibilité de rentrer chez nous ou non après cette période.
Les comités de santé et de sécurité au travail jouent un rôle essentiel dans le secteur extracôtier, non seulement pour les navires de forage et de production, mais aussi pour les hélicoptères, les navires de ravitaillement et pour tous ceux qui voyagent en mer pour se rendre au travail. Nous avons travaillé pendant de nombreuses années à titre de membres de ces comités, afin de rendre nos vies aussi sécuritaires que possible. Nous avons besoin qu’Ottawa fasse de même. Aidez-nous à faire en sorte que cela se produise.
Nous nous battons depuis de nombreuses années en vue de protéger de façon appropriée la santé mentale des travailleurs extracôtiers, mais de nombreuses améliorations doivent encore être apportées à ces mesures de protection. Quand ils vivent loin de chez eux, de leur famille et de leurs amis, qu’ils manquent des mariages, des anniversaires, des funérailles ou des remises de diplômes, bon nombre de gens ont du mal à faire face à certaines difficultés. Ce n’est qu’une des raisons pour lesquelles ces mesures de protection sont si importantes pour un grand nombre de travailleurs extracôtiers. Nous sommes dans un milieu où, quand il s’agit de communiquer, le meilleur moyen de le faire consiste à se trouver sur les plateformes Hibernia et Hebron. Par contre, les autres plateformes n’offrent pas de moyens de communication. Elles ne disposent pas de services Internet rapides et performants. Si un problème survient à la maison, vous ne pouvez pas joindre votre famille. Vous ne pouvez pas les appeler par téléphone, que quelqu’un soit à l’hôpital ou en train de mourir à la maison, ou qu’ils soient réunis dans un salon funéraire. Les problèmes de communication sont nombreux. C’est une difficulté propre au travail extracôtier qui entraîne des problèmes de santé mentale. La santé mentale est une question très importante pour nos travailleurs extracôtiers.
Je souhaiterais pouvoir vous fournir à tous une combinaison de survie et vous emmener avec moi, sur les installations de Cougar Helicopters et vous laisser regarder la vidéo qui explique comment survivre à un amerrissage forcé ou ce qui se passe si l’on n’y survit pas. Ensuite, si l’on finit par arriver sur les plateformes Hibernia, Terra Nova, SeaRose ou Hebron ou sur toute autre installation, on peut enlever sa combinaison. Sinon, alors on revient, on monte à bord d’un ravitailleur et on navigue en contournant les icebergs.
Le fait de devoir vous dire cela aujourd’hui et d’entendre dire à quel point il est compliqué d’achever les travaux liés au régime de santé et de sécurité au travail pour les travailleurs de l’industrie pétrolière extracôtière constitue un échec. J’ai déjà entendu dire que le temps, c’est de l’argent, mais des vies valent ce temps. Nous devons faire quelque chose, et vite. Nous ne pouvons plus attendre. Prolonger davantage cette période constitue maintenant un échec. Nous devons aux travailleurs de l’industrie pétrolière extracôtière, de même qu’à tous les autres, de faire de notre mieux, et ce, maintenant.
Merci.
Willis Jacobs, gestionnaire de la sécurité et de la qualité, Cougar Helicopters Inc. : Bonjour. Comme on l’a déjà mentionné, je m’appelle Willis Jacobs, et je suis gestionnaire de la sécurité et de la qualité chez Cougar Helicopters, à St. John’s. Je travaille pour cette entreprise depuis environ six ans et, auparavant, j’ai travaillé dans l’industrie pendant une courte période après une carrière au sein de l’Aviation royale canadienne. Bien que je sois actuellement gestionnaire de la sécurité et de la qualité, je n’ai pas d’expérience dans le domaine de la réglementation touchant la sécurité et la santé et sécurité au travail, mais plutôt dans celui du génie aérospatial.
Étant donné le lieu de travail et l’environnement difficile dans lequel nous travaillons régulièrement, la sécurité dans le transport de passagers par hélicoptère en zone extracôtière et dans la recherche et le sauvetage passe par une ingénierie solide, ainsi que par des procédures éprouvées et bien exécutées qui s’appuient sur des politiques et des directives réglementaires à jour. Dans notre cas, cela signifie qu’il y a un recoupement de responsabilités entre Transports Canada et Ressources naturelles Canada.
Comme vous le savez, et cela a été mentionné, nous travaillons dans un environnement très hostile, où la marge d’erreur et le degré de tolérance pour l’assouplissement de normes sont faibles. Je n’ai pas besoin de regarder plus loin en arrière qu’hier soir, lorsque les prévisions indiquaient que les vagues atteindraient de 12,5 à 24 mètres dans la région d’Hebron.
Je vous remercie de me donner l’occasion de participer à la séance. Nous croyons que mettre l’accent sur la sécurité est le meilleur moyen d’améliorer constamment nos normes de sécurité. Pour ce faire, il faut discuter, et parfois se montrer critique. Je peux dire que nous avons communiqué régulièrement et de façon constructive avec Transports Canada et Ressources naturelles Canada ces dernières années afin de nous assurer que nous avons en place une réglementation harmonisée.
La réglementation est loin d’être le volet le plus sexy de nos activités, mais elle est essentielle, car elle constitue la base sur laquelle nous élaborons tout le reste — notre processus, nos procédures et les normes que nous mettons en place pour que nos passagers puissent avoir pleinement confiance en nous lorsqu’ils se rendent en zone extracôtière et en reviennent, en hélicoptère.
Nul doute que la dernière année a été difficile pour nous, dans l’industrie pétrolière et gazière. Chez Cougar, par exemple, selon les prévisions, l’année 2020 devait être notre meilleure année jusqu’à ce que nous soyons durement touchés à la fois par la COVID-19 et par les restrictions liées à l’instabilité du marché mondial du pétrole et du gaz. Aujourd’hui, nos effectifs ont diminué de 40 % par rapport à il y a à peine 10 mois, et nous avons 50 % d’hélicoptères en moins en service.
Cela dit, lorsqu’il nous a fallu tenir des discussions très difficiles avec notre groupe de clients sur la manière dont nous allions gérer cette baisse, nous nous entendions tous pour dire que, si la réduction des effectifs et les compressions étaient des mesures inévitables, il n’y avait aucun intérêt à assouplir les normes de sécurité élevées que nous avions établies.
Cela peut paraître surprenant, mais l’année dernière, en 2020, malgré les restrictions imposées par la COVID, Cougar Helicopters, ici à St. John’s, a effectué 31 000 déplacements de passagers liés aux activités menées dans les zones extracôtières de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, dont environ 85 % à partir de notre base de St. John’s. Le nombre de déplacements avait chuté de 30 % par rapport à 2019, année durant laquelle nous avions effectué environ 45 000 déplacements de passagers. En 2020, le nombre de déplacements de passagers liés aux activités extracôtières est probablement comparable aux chiffres de l’aéroport international de St. John’s.
Pour faire en sorte qu’on porte toujours attention à l’importance de la sécurité au sein de notre entreprise, chaque année, chez Cougar, nous commençons par déployer notre plan de sécurité annuel, qui offre une analyse rétrospective de ce que nous avons fait et de la manière dont les choses se sont passé l’année précédente, ainsi qu’un plan détaillé pour la nouvelle année. Les protocoles relatifs à la COVID-19 sont importants et ils y sont intégrés, mais ils ne constituent pas le principal élément de notre plan de sécurité.
Chaque année, nous choisissons un thème pour le plan de sécurité qui nous aide à orienter nos priorités en cours d’année. Pour le plan de sécurité de 2021, et pour honorer la mémoire du commissaire Wells, qu’on a mentionné et qui est décédé en octobre 2020, et ses nombreuses et importantes contributions à la sécurité des hélicoptères extracôtiers, nous avons choisi le thème suivant : regardons-nous dans la bonne direction? Ce thème reflète l’importance des changements qui sont survenus dans nos activités au cours des 12 derniers mois et dans notre industrie en général. Il comprend la sécurité aérienne, la sécurité du personnel, la santé et la sécurité au travail, et la santé mentale, à laquelle nous devons accorder une attention particulière. Comme la COVID-19 persiste, il y a certainement beaucoup de choses qui attirent notre attention et qui se font concurrence à cet égard. Nous devons rester concentrés et nous assurer que nous regardons tous dans la bonne direction.
En conclusion, je ne parle pas au nom des compagnies pétrolières ou des nombreux autres fournisseurs de services de notre région. Je ne parle certainement pas non plus au nom des divers organismes de réglementation, tant fédéraux que provinciaux. Toutefois, je conçois une approche communautaire forte et saine de la sécurité en mer. Nous sommes des professionnels, et cette approche est intégrée dans notre comportement et nos attitudes et elle est le reflet de notre respect à l’égard de cet Atlantique Nord si impitoyable. Ici, nous sommes les élèves réticents et peut-être même les personnes qui bénéficient des leçons tirées de notre histoire maritime et des tragédies pétrolières et gazières en mer, tant dans notre région qu’ailleurs dans le monde.
La Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière est un élément fondamental en ce qui concerne la manière dont nous menons nos activités. Bien que le commissaire Wells ne soit plus parmi nous, son empreinte, et, j’ose le dire, son ADN, sont partout dans cette loi, et notre industrie s’en porte mieux. En fait, bon nombre des normes rigoureuses qui sont mises en œuvre sur la côte Est du Canada en raison de l’enquête qu’il a menée sur la sécurité des hélicoptères extracôtiers sont communiquées à d’autres nations dans le monde à titre de pratiques exemplaires. La Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière est essentielle pour nous aider à définir et à mettre en œuvre nos normes de sécurité et, plus important encore, notre culture de la sécurité. Elle doit être pertinente et à jour et elle doit être publiée.
Nous sommes sincèrement reconnaissants de tous les efforts qui ont été déployés jusqu’à maintenant, et nous vous demandons de ne pas les relâcher tant que ce travail important n’est pas terminé. Merci.
Le sénateur D. Black : Merci beaucoup aux témoins. Je vous remercie de votre présence et de votre contribution.
Étant donné que j’ai eu le privilège de vivre à Terre-Neuve pendant 17 ans et que j’ai beaucoup travaillé pour l’industrie de l’énergie, j’ai malheureusement ressenti, à de trop nombreuses reprises, lors de mes déplacements entre le continent et les installations de forage, la peur et l’inquiétude dont vous avez parlé aujourd’hui. Je tiens simplement à vous signaler que je n’ai entendu ce matin de la part du gouvernement absolument rien qui semble indiquer qu’il est animé d’un sentiment d’urgence sur cette question, et j’ai l’impression qu’on vous a abandonnés. Je veux seulement vous assurer que, le plus possible — je ne suis qu’une seule personne —, je travaillerai avec mes collègues pour m’assurer que le gouvernement comprend que vous avez été déçus. Il ne s’agit pas de traverser la rue pour aller travailler chez Walmart. C’est un travail très dangereux, comme nous le savons tous.
Je veux seulement vous remercier pour ce que vous faites et exprimer ma solidarité envers vous dans vos efforts. À en juger par certaines questions qui ont été posées aux témoins du groupe précédent, les membres du comité sont fort probablement d’accord avec moi, et nous nous efforcerons d’exercer des pressions à cet égard. Il ne s’agit pas de mettre le pied sur l’accélérateur; il s’agit de sortir de la marche arrière, me semble-t-il. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Je vous remercie de ce que vous faites, et la situation dont nous parlons aujourd’hui est honteuse.
C’était une observation. Si vous voulez y réagir, vous le pouvez, bien sûr, mais je voulais seulement vider mon sac, à vrai dire.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie beaucoup d’être avec nous ce matin. Comme vous le savez, nous cherchons les véritables raisons de l’épouvantable lenteur à laquelle le gouvernement avance. Merci d’avoir mentionné que les entreprises veulent prendre des raccourcis, augmenter leurs profits, et que la santé et la sécurité coûtent très cher. Pour ma première question, je veux avoir une idée du retard que nous avons pris, car si nous sommes très en retard, cela signifie que les entreprises doivent investir massivement.
Comme vous l’avez peut-être entendu, j’ai demandé ce qu’il en était du calcul des coûts, et on m’a répondu qu’on n’en était pas encore à cette étape. Je pense que nous allons adopter le projet de loi, parce que nous n’avons pas le choix, mais nous pouvons soumettre des observations lors du vote et dans notre rapport. Je vous demande de nous inspirer. Selon vous, quelles mesures doivent être prises d’ici un mois? Comme l’a dit la sénatrice Cordy, le cycle est très court. Quelles sont les prochaines étapes que nous devrions écrire pour dire « on devrait faire ceci et cela », et adopter l’ensemble des mesures législatives parce que c’est trop important pour laisser les choses continuer comme cela à un tel rythme? Je vous remercie.
Le président : À qui votre question s’adresse-t-elle?
La sénatrice Galvez : Aux deux premiers témoins, soit MM. Scott et Doherty.
M. Doherty : Merci.
Je veux tout d’abord remercier le sénateur Black de ses commentaires. Je lui en suis reconnaissant.
M. Mercer sait plus en détail ce qui doit être fait, mais on doit répondre rapidement à un certain nombre de besoins d’entretien importants sur le plan de la sécurité pour toutes les installations. Je pense que la plupart des gens savent que l’unité flottante Terra Nova est à quai en ce moment et qu’elle devait aller en Espagne, ce qui a été reporté, évidemment.
L’industrie dans son ensemble a fait un assez bon travail concernant la santé et la sécurité et les dépenses qu’il est nécessaire d’engager pour la sécurité et les règlements mis en place dans le cadre de la loi, mais il y a un certain nombre de besoins d’entretien importants à combler sur toutes les installations. Je dirais qu’il doit y avoir un mécanisme qui fait en sorte que les organismes de réglementation s’assurent que les compagnies font ce travail. Comme on l’a mentionné lors de la comparution du groupe précédent, l’industrie a dû faire face à un certain nombre de charges financières, non seulement à cause de la COVID, mais aussi en raison de la situation actuelle des prix du pétrole dans le monde.
Je ne sais pas si M. Mercer veut donner des détails.
M. Mercer : Je peux certainement en soulever quelques-uns.
Le régime de santé et de sécurité au travail comprend en partie le processus d’appel, le droit de refus, l’efficacité et les règles relatives au transport, tous des éléments très importants qui doivent certainement être mis en lumière et en œuvre.
L’une des choses que nous essayons de faire comprendre aux travailleurs des zones extracôtières — et pas seulement des plateformes Hibernia et Terra Nova —, c’est qu’ils ont le droit de refuser tout travail dangereux. Tellement d’incidents se sont produits au fil des ans, et avant qu’on sensibilise nos travailleurs au fait qu’ils ont un droit de refus, il aurait pu y avoir plus d’accidents sur les installations de forage et de production et au large de Terre-Neuve. Même chez Cougar Helicopters, il y a un droit de refus. Je dirais à M. Jacobs que c’est bien dit. Nous savons que Cougar Helicopters fait tout ce qu’elle peut faire, alors je n’essaie pas de l’accuser. L’entreprise fait du bon travail sur le plan du respect des normes de sécurité des personnes qui travaillent. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a des situations où le droit de refus est très important. Dans certaines situations, des gens n’ont pas utilisé leur droit de refus parce qu’ils ne le comprenaient pas ou parce qu’ils n’avaient pas été informés à ce sujet, et ils se sont blessés. Il y a donc un processus d’appel que les gens peuvent suivre. C’est très important.
La plateforme Terra Nova a arrêté ses activités. Son permis de production lui a été retiré en raison de travaux qui n’ont pas été effectués, et d’heures de travail, de nombreuses heures de travail. L’organisme de réglementation est allé sur place et a jeté un coup d’œil, et a également passé par la compagnie d’assurance, et il a dit : « Vous devez cesser vos activités, il y a trop d’éléments critiques pour la sécurité dont vous ne vous occupez pas, et il faut que ce soit fait. » Il a donc retiré son permis de production, et c’est ce qu’il devait faire. Nous avons ici une installation qui se trouve maintenant sur notre site de Bull Arm, à Terre-Neuve, qui a été fermée. Des centaines de personnes sont sans travail, non seulement sur le site de Terra Nova, mais aussi à terre, parce que Suncor n’a pas suivi la réglementation et le programme d’entretien pour la sécurité en place. L’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers avait fait un bon travail en assurant un suivi et en disant : « Ce ne sont pas les choses que vous auriez dû faire, alors nous allons retirer votre permis. »
Malheureusement, avant qu’il ne le fasse, un accident s’est produit. Un homme est tombé dans un espace d’entrée confiné et s’est blessé sérieusement. À l’époque, il n’avait pas utilisé son droit de refus parce qu’il se croyait en sécurité. Mais vous savez quoi? On ne peut jamais être trop en sécurité dans l’industrie pétrolière extracôtière. Une erreur peut faire en sorte non seulement que vous vous blessiez, mais également que de nombreuses personnes se blessent.
Le projet de loi que nous tentons actuellement d’adopter — et qui devrait déjà être adopté — devrait certainement être terminé et nous ne devrions pas avoir à revenir sur la question. Comme la sénatrice l’a dit plus tôt, nous pouvons ajouter des éléments à ce projet de loi plus tard, mais nous devons l’adopter maintenant. Nous ne devons pas passer plus de temps à déterminer si la sécurité est l’un des éléments les plus importants, parce que c’est effectivement le cas. Nous devons faire avancer ce projet de loi. Nous pouvons le modifier et ajouter des choses au fur et à mesure. S’il est possible de créer un groupe de travail, faisons-le. Nous avons des groupes de travail sur de nombreux enjeux, mais pas sur celui-ci, et il faudrait donc combler cette lacune.
Je vais laisser quelqu’un d’autre s’exprimer sur le sujet.
Le sénateur Wells : Je tiens à vous remercier, monsieur Doherty, monsieur Mercer et monsieur Jacobs, non seulement pour les exposés que vous avez faits aujourd’hui, mais aussi pour le travail que vous avez accompli, tout en accordant la priorité à la sécurité, dans le cadre de vos carrières dans le secteur extracôtier.
J’ai deux questions. La première s’adresse à M. Mercer. Pourriez-vous nous parler un peu plus en détail du volet de la santé mentale que vous avez mentionné? Vous savez peut-être que j’ai suivi la formation élémentaire de survie qui, pour tout vol en zone extracôtière, nécessite d’être attaché la tête en bas dans un hélicoptère, car il faut ensuite se dégager et sortir dans l’océan Atlantique en sautant dans l’eau glacée. J’ai vu des gens paralysés par la peur pendant cet entraînement. Pouvez-vous nous parler du stress supplémentaire qu’engendre le fait d’être en zone extracôtière dans ces conditions? Je poserai ensuite une question à M. Doherty.
M. Mercer : Je peux certainement vous en parler. Dans le cadre du programme de formation élémentaire de survie — je travaille depuis maintenant 25 ans dans l’industrie pétrolière extracôtière —, j’ai vu la peur sur le visage des gens. J’ai aidé des gens à réussir le programme de formation élémentaire de survie, je les ai regardés trembler pendant qu’ils étaient attachés dans un hélicoptère et qu’on les retournait la tête en bas dans l’eau en leur demander d’essayer de sortir sans se blesser ou sans avaler beaucoup d’eau, ce qui est un gros problème.
Lorsqu’une personne réussit ce programme et qu’elle part en zone extracôtière, elle doit tenter, chaque jour, de trouver un équilibre entre le travail et les problèmes à la maison dans des conditions de communications qui ne sont pas très bonnes. La santé mentale est très importante pour les travailleurs en zone extracôtière. À l’avenir, nous devons veiller à en faire l’un des volets les plus importants.
Le sénateur Wells : Je vous remercie, monsieur Mercer.
Monsieur Doherty, je crois que vous avez assisté à la vidéoconférence à laquelle ont participé le ministre et ses hauts fonctionnaires. Je pense que M. Gardiner a indiqué, à ce moment-là, qu’ils avaient terminé une ébauche et qu’ils allaient se réunir le 23 mars 2020, ce qui leur aurait donné neuf mois complets, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020, pour terminer les règlements et amorcer la transformation des règlements provisoires. Lorsqu’on sait que le processus de publication dans la Gazette dure 30 jours — c’était dans le projet de loi que j’ai présenté au Sénat en 2014 — et qu’on entend que ces choses sont prêtes à être mises en œuvre et que l’un des bureaucrates affirme qu’une diffusion plus élargie dépasse le processus habituel, à quel point êtes-vous frustré d’apprendre qu’on propose maintenant que les cinq années prévues au départ deviennent plutôt huit années?
M. Doherty : Je suis évidemment très frustré. Je comprends qu’il y a beaucoup de règlements et de documents et qu’il s’agit d’une question complexe, mais des règlements en matière de santé et de sécurité sont en œuvre dans diverses industries depuis des années. Comme je l’ai dit plus tôt, il est absolument ridicule et honteux que ce processus prenne huit ans. Je trouve cela très frustrant. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il n’y a aucune raison de ne pas terminer cela avant la fin de l’année 2022, pour être tout à fait honnête. Il n’y a absolument aucune raison. Toutes les parties intéressées le savent.
Il n’existe même pas de conseil de sécurité auquel les parties intéressées pourraient s’adresser pour discuter des problèmes qui se posent. Toutes les parties intéressées sont d’accord pour dire que c’est nécessaire. Il faudra huit ans pour obtenir la création d’un conseil de sécurité qui peut réunir tous les intervenants dans ce secteur. À mon avis, c’est tout simplement ridicule. Cela démontre que l’on n’accorde pas à la sécurité l’importance qu’elle mérite.
Bien honnêtement, il faut déployer plus d’efforts pour faire avancer les choses le plus rapidement possible. Il est évident que nous voulons que les choses soient bien faites. Cependant, comme d’autres personnes l’ont dit, nous pouvons mettre en œuvre ces mesures et les modifier au besoin. Le cadre nécessaire est déjà en place depuis des années. Au cours de cette période, toutes les parties intéressées, les syndicats, les employeurs et le gouvernement ont fait du bon travail pour rendre le secteur extracôtier plus sécuritaire qu’il ne l’était en 2014. Le travail nécessaire a été fait. Il n’y a donc aucune raison de ne pas mettre en œuvre le projet de loi et de faire avancer les choses.
La sénatrice McCallum : Compte tenu des lacunes qui seraient créées par les intersections entre Transports Canada, Ressources naturelles Canada et l’industrie, comment le projet de loi S-3, une fois adopté, garantira-t-il que vos préoccupations seront prises en compte? Le fait de travailler dans le cadre de ces mesures temporaires accroît-il les dangers auxquels sont exposés les travailleurs? Y a-t-il des domaines de réglementation qui n’ont pas été abordés pour votre groupe? Cette question s’adresse à tous les témoins qui souhaitent y répondre.
M. Doherty : Je pense que tous les éléments des mesures temporaires ont été abordés. Il est évident, comme je l’ai indiqué, que certaines choses doivent être mises en œuvre de manière permanente et que nous connaissons parfaitement bien les règlements. Je n’ai pas bien compris la question sur Transports Canada et le projet de loi.
M. Jacobs : Je peux probablement répondre à cette question. Oui, j’en ai parlé dans mes commentaires. Autrefois, l’industrie des hélicoptères et de l’aviation a beaucoup compté sur Transports Canada pour lui servir d’organisme de réglementation. À mesure que nous avançons — et Ressources naturelles Canada a assumé de plus en plus de responsabilités en matière de santé et de sécurité en zone extracôtière —, nous constatons que nous devons toujours travailler dans les deux camps.
Comme la sénatrice Galvez l’a déclaré avec éloquence, dans notre secteur, le risque est lié à la probabilité. En effet, lorsqu’il s’agit de transport par hélicoptère en zone extracôtière et d’activités de recherche et sauvetage, nous ne pouvons pas rester sans rien faire en attendant que le processus bureaucratique suive son cours.
Au bout du compte, peu de choses changeront pour Cougar Helicopters. Cependant, nous aurons désormais un document de base auquel nous pourrons nous référer pour tous les règlements et qui nous permettra de disposer de diverses politiques et procédures internes que nous pourrons utiliser pour nos activités.
Cougar Helicopters se trouve dans une situation unique, car notre entreprise est non seulement responsable de ses propres employés, mais aussi des dizaines de milliers de personnes qu’elle amène au travail chaque année. C’est une situation qui nous oblige à examiner tous les éléments liés à la santé et à la sécurité au travail.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie beaucoup d’être ici. Il est très important que nous entendions les représentants de l’industrie et des syndicats.
J’aimerais savoir dans quelle mesure Unifor et Cougar Helicopters ont participé à l’examen des règlements actuellement en vigueur et à l’élaboration d’un remplacement pour le projet de loi S-3. Les deux groupes font-ils partie du conseil consultatif?
M. Jacobs : Cougar a participé au processus. En effet, notre entreprise est reconnue pour son expertise en matière d’aviation sur la côte Est. Je dois dire que lorsque nous n’avons pas reçu l’attention que nous jugions nécessaire pour veiller à ce que tout soit réglé dans notre secteur, nous avons créé notre propre comité, dont les membres se réunissent deux fois par année. Au lieu d’attendre que Transports Canada et Ressources naturelles Canada agissent, nous avons créé un comité qui s’occupe de la conformité pour tous. Notre initiative a permis de réunir des représentants de Transports Canada et de Ressources naturelles Canada. Au cours de ces réunions, qui se tiennent deux fois par année, nous avons pu accomplir beaucoup de choses. Kim Phillips, de Ressources naturelles Canada, a communiqué tous nos travaux au groupe de travail qui s’occupait de la loi.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie. Avant de m’adresser aux témoins d’Unifor, monsieur Jacobs, j’ai lu sur votre site Web que vous travaillez avec d’autres personnes pour promouvoir la sécurité aérienne à l’échelle mondiale. Avez-vous des liens internationaux? Si oui, j’aimerais que vous nous en parliez.
M. Jacobs : Oui, car nous sommes un membre fondateur et un participant très actif d’un groupe appelé HeliOffshore. Il s’agit d’un organisme à but non lucratif. Nous nous réunissons pour parler de la sécurité dans l’industrie extracôtière. Je fais partie du comité directeur de la sécurité. Notre chef de l’exploitation est membre du conseil d’administration. Nous avons des représentants dans chaque comité technique auquel on nous permet de participer.
Comme je l’ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, nous pensons que la meilleure façon d’améliorer progressivement le programme actuel est d’aller voir ce qui se passe ailleurs dans le monde et de ramener ces connaissances à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons également constaté que beaucoup de gens, dans le monde entier, s’intéressent à ce que nous faisons ici dans notre secteur.
La sénatrice Cordy : Monsieur Doherty ou monsieur Mercer, pouvez-vous répondre à la question?
M. Doherty : Nous avons participé au processus de réglementation. Nous avons évidemment été actifs aux différents emplacements, c’est-à-dire Terra Nova, Suncor, etc. Nous ne faisons pas partie du comité consultatif, mais nous avons participé au processus.
La sénatrice Cordy : Je tiens à vous préciser que si vous aviez écouté notre conversation avec le groupe de témoins précédents, vous auriez entendu la frustration que chacun d’entre nous a exprimée au ministre. Votre commentaire selon lequel l’absence d’un nouveau projet de loi représente un manquement au devoir semble certainement juste, du moins en ce qui me concerne. Je vous remercie beaucoup.
La sénatrice Simons : J’ai deux questions qui visent plus précisément les préoccupations actuelles en matière de sécurité.
La première s’adresse à M. Doherty et à M. Mercer. Heureusement, Terre-Neuve n’a pas été durement touchée par la COVID-19, mais si une éclosion de COVID-19 devait se déclarer sur une plateforme extracôtière, j’imagine que ce serait potentiellement catastrophique. Je voulais vous demander à tous les deux quelles précautions sont en place pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs contre la COVID-19 et la pandémie.
Monsieur Jacobs, je sais qu’en raison de la COVID-19, NAV CANADA a mis à pied un nombre important d’employés des tours de contrôle de la circulation aérienne dans des endroits comme Halifax et Gander. Je ne savais pas dans quelle mesure Cougar Helicopters relevait du contrôle de la circulation aérienne de NAV CANADA, mais je voulais savoir si des problèmes de sécurité liés aux réductions de personnel effectuées par NAV CANADA affectent la sécurité des vols d’hélicoptères en zone extracôtière.
M. Jacobs : Je vais d’abord répondre à la première question. Bien avant que la COVID-19 ne devienne une pandémie reconnue — je pense que c’était le 28 janvier dernier —, nous avons publié notre premier avis sur ce virus dont nous avions entendu parler, juste pour informer nos employés et faire comprendre à nos clients que nous devrions peut-être prendre certaines mesures. Nous avons donc commencé à contrôler nos passagers le 6 mars de l’année dernière, bien avant que les compagnies aériennes commerciales passent à l’action.
Si vous devez vous rendre dans une zone extracôtière avec Cougar — et M. Mercer le sait bien —, vous ne pouvez pas y aller à moins de passer par un poste de dépistage de la COVID-19. Il faut ensuite suivre une série de procédures pour passer les contrôles de sécurité et entrer dans la salle d’attente des passagers. Le port du masque est obligatoire à bord de l’appareil et nous avons réduit le nombre de passagers par vol. Dès le début, nous avons élaboré nos propres procédures selon lesquelles nous serions prêts à ramener les personnes atteintes de la COVID-19 qui se trouvaient dans une zone extracôtière.
Nous n’avons eu aucun cas confirmé, mais dimanche dernier, nous avons ramené deux personnes qui devaient subir des tests de dépistage. Nous avons installé une barrière de protection entre la cabine et le poste de pilotage. Nous avons des protocoles et des listes de contrôle qui permettent à deux passagers de prendre l’avion en même temps. Au retour, l’appareil est soumis à une procédure de décontamination et de nettoyage. Nous sommes donc bien préparés et nous avons obtenu la pleine coopération de tous nos clients quant à la manière de gérer la situation.
La deuxième question était liée aux vols eux-mêmes. Il y a eu des réductions importantes à NAV CANADA, y compris ici, à St. John’s. Toutefois, nous sommes la seule entreprise d’hélicoptères dotée de son propre service d’exploitation. En effet, nous avons un système de contrôle d’exploitation en coresponsabilité de type B avec nos gens et nos pilotes. Ainsi, nous avons seulement besoin de NAV CANADA et de tout service de contrôle de la circulation aérienne qui se trouve à St. John’s ou à Gander pour le décollage. Nous n’avons donc subi aucune répercussion sur la sécurité à la suite de ces réductions.
La sénatrice Simons : M. Doherty ou M. Mercer souhaitent-ils répondre à la question sur les cas de COVID-19 sur les plateformes?
M. Doherty : Je vais laisser à M. Mercer le soin de répondre à cette question.
M. Mercer : Je peux vous aider à cet égard.
Chaque plateforme individuelle, qu’il s’agisse d’une plateforme de production flottante ou d’une structure gravitaire, a mis en place ses propres protocoles liés à la COVID-19. Ils se ressemblent tous et ils suivent les lignes directrices provinciales.
Par exemple, si une personne infectée se retrouvait sur un appareil de Cougar — et je ne sais pas comment cela serait possible, car l’entreprise a mis en œuvre des mesures strictes pour éviter de propager la COVID-19 dans les zones extracôtières —, mais si c’était le cas, les installations extracôtières ont mis en place les protocoles nécessaires. Ainsi, s’il est établi qu’une ou des personnes ont la COVID-19, on leur demandera de s’auto-isoler dans leur chambre. Le médecin qui se trouve à bord de chaque installation devra suivre et mettre en œuvre des mesures précises qui visent notamment les repas, la surveillance et des communications aux autorités provinciales et à la société pétrolière elle-même sur l’état du patient. Ensuite, les responsables s’entendraient avec Cougar pour transporter ces personnes tout en respectant les protocoles établis.
Une fois les personnes infectées retirées de l’installation, les autres employés se demanderont évidemment s’ils ont la COVID-19. Cela nous ramène à la question de la santé mentale et au stress auquel font face les personnes qui travaillent en zone extracôtière. Il y aurait certainement des confinements. Je ne sais pas si on enverrait les personnes qui montrent des signes de la maladie en confinement dans une chambre d’hôtel en ville. C’est une situation compliquée. Les intervenants se sont penchés sur la question et ont mis en œuvre certaines mesures, mais il y a du travail à faire.
Cela vous donne un autre exemple de l’importance des mesures liées à la santé et à la sécurité au travail dans l’industrie extracôtière. Ce n’est pas facile non plus.
Le président : C’est très intéressant. Je vous remercie.
Le sénateur Patterson : Ma question s’adresse à M. Doherty et peut-être à M. Jacobs, s’il souhaite y répondre.
Les modifications apportées en 2014 à la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière ont permis de mettre sur pied un conseil consultatif dans chacune des zones extracôtières de l’Atlantique, afin de conseiller les ministres fédéraux et provinciaux et les organismes de réglementation des zones extracôtières sur des questions de santé et sécurité au travail. Je suis certain que ce conseil consultatif aurait compté des représentants des travailleurs et de l’industrie parmi ses membres, mais je crois comprendre que vous avez dit qu’il n’y a toujours pas de conseil de la sécurité extracôtière sept ans après l’adoption du projet de loi. Avez-vous plaidé en faveur de la création de ce conseil consultatif et, si oui, quelle a été la réponse? Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait?
M. Doherty : Nous avons plaidé en faveur de la création d’un conseil de sécurité et une recommandation a été formulée pour la création d’un tel conseil. Ce conseil n’existe toujours pas aujourd’hui, mais nous l’avons demandé. On nous a répondu que ce conseil doit être officiellement mis sur pied lorsque les règlements seront devenus permanents. À ce moment-ci, il n’y a donc pas de conseil de sécurité officiel que nous rencontrons régulièrement.
Je dirais qu’il y a une responsabilité ponctuelle. Nous entretenons des relations avec toutes les parties intéressées, y compris les employeurs, et des réunions ont donc lieu, mais il n’y a pas de conseil de sécurité avec lequel nous pourrions nous réunir, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres industries. Il est évident que notre industrie devrait avoir un tel conseil.
M. Jacobs : J’aimerais ajouter qu’il existe un comité sur la sécurité des hélicoptères extracôtiers. Il a été créé à la suite de l’Enquête sur la sécurité des hélicoptères extracôtiers et de l’une des recommandations formulées par le commissaire Wells. Ce comité existe toujours aujourd’hui, mais il vise spécifiquement les hélicoptères. J’y participe avec l’un de nos pilotes. Nous avons des représentants des travailleurs des comités de santé et de sécurité au travail de chacune des installations. Ce n’est qu’un comité. Nous nous réunissons toutes les six semaines et ces réunions se poursuivent, mais ce n’est pas un conseil qui donnerait au secteur le pouvoir ou le niveau de représentation dont nous parlons.
Le président : Je vous remercie. C’est ce qui termine la réunion. Avant de lever la séance, j’aimerais rappeler aux sénateurs Carignan, Black et Cordy de rester deux ou trois minutes après la fin de la réunion, si possible. Je leur en serais reconnaissant.
J’aimerais officiellement remercier M. Doherty, M. Mercer et M. Jacobs. Je suis convaincu que vos expériences et vos connaissances nous ont beaucoup aidés à mieux comprendre les différents enjeux et leur importance. Je vous remercie sincèrement tous les trois. Nous vous sommes très reconnaissants.
Je tiens également à remercier mes collègues de leur participation. Comme c’est un projet de loi important, il est essentiel que nous fassions du bon travail et que nous encouragions les responsables à le terminer. Nous avons fait du bon travail ce matin, et même si nous n’avons pas encore terminé, je tiens à vous remercier d’être ici et de faire le nécessaire pour que ce travail soit fait.
(La séance est levée.)