LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le vendredi 11 juin 2021
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 12 heures (HE), par vidéoconférence, pour examiner la teneur du projet de loi C-12, Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050, et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je m’appelle Paul Massicotte. Je suis un sénateur du Québec et je préside le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Le comité se réunit aujourd’hui en séance virtuelle.
Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs et aux témoins de garder leur micro éteint en tout temps, à moins que le président leur donne la parole. Je rappellerais aux sénateurs de bien vouloir utiliser la fonction « lever la main » pour demander la parole. Je ferai de mon mieux pour permettre à tous ceux et celles qui désirent poser une question de le faire. Toutefois, pour ce faire, je vous demanderais d’être brefs dans vos questions et vos préambules.
Je vous rappelle aussi, lorsque vous prenez la parole, que vous devez le faire dans la langue de la chaîne d’interprétation que vous avez choisie. Si un problème technique survient, particulièrement en ce qui concerne l’interprétation, veuillez le signaler au président ou à la greffière, pour que nous puissions le régler immédiatement.
J’aimerais maintenant présenter les membres du comité qui prennent part à la réunion d’aujourd’hui. Nous avons parmi nous Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest, Douglas Black, de l’Alberta, Claude Carignan, du Québec, Brent Cotter, de la Saskatchewan, Rosa Galvez, du Québec, Julie Miville-Dechêne, du Québec, Dennis Glen Patterson, du Nunavut, Paula Simons, de l’Alberta, Josée Verner, du Québec, et Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique. Bienvenue à tous, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent.
Nous continuons aujourd’hui notre étude préliminaire du projet de loi C-12, Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050. Nous accueillons, de l’Agence internationale de l’énergie, Christopher McGlade, chef de l’approvisionnement énergétique. Du Centre québécois du droit de l’environnement, nous accueillons Me Anne-Sophie Doré, avocate, et Me Christopher Campbell-Duruflé, avocat, doctorant et membre du comité juridique. À titre personnel, nous accueillons Me Paul Fauteux, avocat, médiateur et arbitre accrédité.
Bienvenue aux témoins et merci d’avoir accepté notre invitation. Je vous rappelle que vous avez cinq minutes chacun pour faire vos remarques. Nous aurons ensuite des questions pour vous.
Monsieur McGlade, vous avez maintenant la parole.
[Traduction]
Christophe McGlade, chef de l’approvisionnement énergétique, Agence internationale de l’énergie : Sénateurs et distingués membres du comité, je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui et de vous parler de la toute première feuille de route mondiale de l’Agence internationale de l’énergie pour atteindre la carboneutralité.
De nombreux gouvernements et entreprises se sont donné pour objectif d’atteindre la carboneutralité et, dans ce contexte, la présidence britannique de la Conférence des Parties nous a demandé de présenter une vision sur la façon dont l’ensemble du secteur énergétique mondial peut atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Cet objectif est important, car il correspond aux efforts déployés pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius.
La voie vers la carboneutralité à l’échelle mondiale n’offre pas une grande marge de manœuvre, mais il est possible d’y arriver. Elle ne demande rien de moins qu’une transformation complète de la façon dont nous produisons, transportons et consommons l’énergie à l’échelle mondiale. Le nombre de pays qui se sont engagés à atteindre la carboneutralité a augmenté rapidement au cours de l’année dernière — ils couvrent désormais environ 70 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone. Il s’agit d’une avancée considérable, mais les engagements pris à ce jour sont encore loin de répondre aux besoins. La plupart des promesses de réduction des émissions ne sont pas encore étayées par des politiques à court terme, et l’établissement d’objectifs à long terme ne doit pas nous détourner de la nécessité d’adopter des politiques et des objectifs précis en cours de route.
De plus, les pays ne commencent pas au même endroit et ne finissent pas au même moment. Dans notre trajectoire vers la carboneutralité, l’ensemble des économies avancées atteignent la carboneutralité avant les marchés émergents et les économies en développement, et elles aident les autres à y parvenir. À l’échelle mondiale, il faut profiter des années 2020 pour procéder au déploiement massif de toutes les technologies énergétiques propres et efficaces qui sont déjà offertes sur le marché, mais ce ne sera pas suffisant pour effectuer une transition complète vers la carboneutralité. En effet, dans notre feuille de route, près de la moitié des réductions d’émissions d’ici 2050 sont réalisées à l’aide de technologies qui ne sont pas encore offertes sur le marché. Il faudra déployer des efforts considérables en matière d’innovation au cours de la présente décennie pour garantir que les nouvelles technologies permettant d’atteindre la carboneutralité soient offertes à temps.
Permettez-moi de mettre en évidence certaines des principales actions qui seront nécessaires tout au long de notre parcours mondial vers la carboneutralité. Dans le cas de l’électricité, les options de décarbonisation ne manquent pas, et ce secteur sera le premier à atteindre la carboneutralité dans notre parcours mondial. À l’échelle mondiale, cet objectif sera atteint d’ici 2040, et dès 2035 dans l’ensemble des économies avancées. Les énergies renouvelables deviendront la principale source d’électricité d’ici 2050. L’énergie solaire photovoltaïque et l’énergie éolienne seront responsables, à elles seules, de près de 70 % de la production mondiale. Aujourd’hui, ces technologies fournissent moins de 10 % de la production mondiale.
Dans le secteur des transports, selon notre feuille de route, la vente des véhicules à moteur à combustion interne cessera en 2035. Les poids lourds sont plus difficiles à décarboniser, mais les technologies s’améliorent rapidement et, d’ici 2030, plus de la moitié des camions vendus dans le monde seront électriques ou à piles à combustible.
Dans le secteur de l’immobilier, les normes d’efficacité signifient que d’ici 2025, presque tous les appareils et climatiseurs vendus dans les économies avancées utiliseront les technologies les plus efficaces offertes sur le marché. Après 2030, chaque nouveau bâtiment construit dans le monde devra être prêt pour la carboneutralité, en utilisant des combustibles propres et en respectant les normes d’efficacité les plus élevées.
Dans l’industrie, de nouvelles technologies telles que le captage, le stockage et l’utilisation du carbone et de l’hydrogène contribueront ensemble à la moitié des réductions d’émissions d’ici 2050. Pour y parvenir, chaque mois à partir de 2030, 10 usines à grande échelle de l’industrie lourde dans le monde seront équipées avec des technologies de capture et de stockage du carbone et on ajoutera trois nouvelles installations industrielles à base d’hydrogène.
Enfin, nous avons conclu que si des politiques sont mises en œuvre pour réduire la demande de combustibles fossiles et atteindre la carboneutralité à l’échelle mondiale d’ici 2050, aucun nouveau gisement de pétrole et de gaz ne sera nécessaire au-delà de ceux dont l’exploitation est approuvée d’ici la fin de 2021. Aucune nouvelle mine de charbon ou agrandissement de mine de charbon ne sera nécessaire non plus. Néanmoins, les projets existants auront besoin d’investissements continus pour garantir le maintien de la production, améliorer leur durabilité et réduire l’intensité de leurs émissions.
Je terminerai en reconnaissant que notre feuille de route mondiale n’est qu’une des voies possibles vers la carboneutralité; ce n’est pas la seule. Chaque pays devra concevoir sa propre stratégie, en tenant compte de ses propres circonstances. Il n’existe pas d’approche universelle pour les transitions énergétiques propres. Je vous remercie.
Le président : Je vous remercie. La parole est maintenant à Me Anne-Sophie Doré.
[Français]
Me Anne-Sophie Doré, avocate, Centre québécois du droit de l’environnement : Honorables sénateurs, merci de nous recevoir aujourd’hui dans le cadre de la consultation sur le projet de loi C-12. Je me présente : je suis Anne-Sophie Doré et je suis avocate au Centre québécois du droit de l’environnement. Je suis accompagnée de Christopher Campbell-Duruflé, doctorant en droit et membre du comité juridique du Centre québécois du droit de l’environnement.
Il était important aujourd’hui pour le CQDE d’être présent afin de participer à votre réflexion sur le projet de loi C-12. Une telle loi est nécessaire afin d’agir contre les changements climatiques et de participer à la construction d’une société résiliente dans toutes ses facettes.
L’adoption d’une loi climatique assure l’action gouvernementale dans la lutte contre les changements climatiques, fixe des objectifs prévisibles, graduels et ambitieux et permet d’évaluer les actions entreprises. Les lois sur le climat permettent également de tracer la voie pour une lutte aux changements climatiques qui se construit dans une perspective de transition juste et qui favorise le développement d’une économie faible en carbone, durable et inclusive.
Le projet de loi C-12 présente certains éléments de base d’une loi sur le climat, notamment en raison des amendements qui ont été adoptés. Le projet de loi C-12 permet de fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévisibles afin d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, cible ultime qui serait fixée par loi.
Le projet de loi assure également une certaine reddition de comptes de la part du ministre de l’Environnement, qui a l’obligation de présenter des plans d’action et des rapports sur la réalisation de ceux-ci.
Le projet de loi permet également de tracer un chemin vers la carboneutralité en adoptant des cibles intermédiaires qui, à la suite d’un amendement, ne peuvent être modifiées qu’à la hausse. Cette prévisibilité dans l’action est souhaitable et nécessaire.
Bien entendu, certains points doivent encore être améliorés. Le CQDE aurait souhaité voir l’établissement d’un comité consultatif indépendant qui aurait eu pour mandat clair de conseiller le gouvernement dans son ensemble sur ses actions climatiques.
Dans plusieurs pays qui ont déjà adopté une loi sur le climat, le comité consultatif a été un moteur non seulement de l’action gouvernementale, mais aussi de la participation citoyenne. Voilà une autre des lacunes du projet de loi C-12 qui prévoit bien peu de mécanismes de participation du public, que ce soit par l’accès à l’information ou dans l’engagement du public dans la prise de décisions.
Ces points de bonification pourront certainement être discutés au Sénat et, nous l’espérons, faire partie de vos observations qui seront présentées à la Chambre.
Il est cependant encourageant de constater que la Chambre a ajouté une révision de la loi dans cinq ans. Une loi sur le climat doit nécessairement être bonifiée afin d’assurer l’atteinte des objectifs ultimes, et nous saluons cet ajout.
Enfin, le projet de loi C-12 est plus que nécessaire pour assurer que le Canada respecte ses engagements internationaux. Je cède donc la parole à mon collègue, qui poursuivra sur ce point.
Me Christopher Campbell-Duruflé, avocat, doctorant et membre du comité juridique, Centre québécois du droit de l’environnement : Honorables sénateurs, merci d’avoir entrepris l’étude préalable du projet de loi C-12, une importante initiative pour les droits fondamentaux des Canadiennes et des Canadiens garantis par la Charte, qui vise également à montrer à la communauté internationale que le Canada est prêt à collaborer pour répondre aux défis globaux.
L’Accord de Paris est un traité international que Le Canada a ratifié le 5 octobre 2016. En vertu du droit international — la Convention de Vienne de 1986, plus précisément —, nous avons l’obligation d’exécuter ses dispositions de bonne foi. Avec le projet de loi C-12, vous avez l’occasion de montrer cette bonne foi en vous assurant que le texte adopté est au moins aussi ambitieux que celui de l’Accord de Paris en matière de décarbonisation et de responsabilité.
À ce titre, j’attire votre attention sur l’objectif intérimaire de 2026, qui a été ajouté par amendement. C’est un pas dans la bonne direction, puisque l’Accord de Paris contient à son paragraphe 4(2) une obligation légale de présenter des contributions déterminées au niveau national (CDN) en 2025. On peut ainsi espérer que le projet de loi C-12 viendra bonifier la préparation de notre CDN de 2025.
Un autre amendement devrait être préservé; le projet de loi C-12 incorpore maintenant le principe international de progression d’une cible à l’autre. Par contre, les articles 7 et 8 du projet de loi C-12 n’affirment pas que nos cibles doivent refléter le niveau d’ambition climatique le plus élevé possible, un principe phare de l’Accord de Paris qui apparaît au paragraphe 4(3) et que le Canada a accepté lors de la ratification de l’accord.
Un autre amendement nécessaire en ce qui a trait à l’Accord de Paris a été de s’assurer que l’organisme consultatif, établi conformément au paragraphe 20(1) du projet de loi C-12, assiste le ministre dans la détermination des cibles tous les cinq ans, plutôt que dans leur mise en œuvre uniquement. En effet, les cibles doivent refléter les meilleures données scientifiques disponibles en vertu du paragraphe 4(1) de l’Accord de Paris. À ce titre, un processus de sélection objectif et indépendant pour l’organisme est nécessaire afin d’assurer que nos cibles soient compatibles avec l’objectif de carboneutralité de 2050.
[Traduction]
Sénateurs, l’Accord de Paris indique que relever le défi climatique est une préoccupation commune de toute l’humanité et une question d’équité entre les peuples. La meilleure façon de montrer aux Canadiens et aux autres peuples du monde que nous sommes de bonne foi est de faire en sorte que le projet de loi C-12 soit adopté et que ses dispositions soient au moins aussi ambitieuses que celles de l’Accord de Paris.
[Français]
Je vous remercie de votre attention, honorables sénateurs. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
Me Paul Fauteux, avocat, médiateur et arbitre accrédité, à titre personnel : Je vous remercie de cette occasion de contribuer à vos travaux.
J’ai été au service du gouvernement du Canada, comme diplomate et cadre supérieur, de 1980 à 2010. J’ai notamment dirigé le Bureau des changements climatiques d’Environnement Canada et la délégation canadienne dans les négociations internationales sur la mise en œuvre du Protocole de Kyoto. Comme dans sa version initiale, le projet de loi C-12 est toujours nettement insuffisant pour répondre aux impératifs de l’urgence climatique.
Le travail du comité de la Chambre sur cet important projet de loi a été expéditif. Les amendements qui y ont été apportés ne sont, pour la plupart, que superficiels et ne corrigent pas les importantes lacunes que j’ai soulignées à ce comité le 19 mai dernier.
Les améliorations à apporter au projet de loi C-12 restent nombreuses. Étant donné les contraintes de temps, je n’en mentionnerai que cinq.
Premièrement, le titre du projet de loi C-12 trahit son manque d’ambition. L’Accord de Paris établit clairement que, pour atteindre la carboneutralité à la moitié du siècle, il faut d’abord parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais. Ce sont ces efforts de réduction rapide que les Canadiens attendent de leur gouvernement et c’est cette ambition qui devrait être reflétée dans le titre, ce qui exigerait évidemment que le texte du projet de loi soit bonifié.
Deuxièmement, le projet de loi C-12 devrait inclure, pour la rendre obligatoire, la cible de réduction d’émissions de 40 à 45 % à l’horizon 2030 par rapport à 2005, qui a été annoncée par le premier ministre Trudeau le 22 avril dernier. Il devrait également prévoir l’établissement de cibles intermédiaires à partir de 2025, puis tous les cinq ans. Sans ces cibles, le projet de loi C-12 est inutile.
Troisièmement, le projet de loi C-12 devrait prévoir que le plan d’action et les mesures prévues par le gouvernement seront examinés par une autorité indépendante. Celle-ci pourrait être le commissaire à l’environnement, qui devrait bénéficier d’une indépendance accrue en devenant un haut fonctionnaire du Parlement.
Quatrièmement, le projet de loi C-12 est toujours insuffisant en ce qui concerne la mobilisation des experts. Des amendements détaillés et rigoureux à cet égard, basés sur les recommandations unanimes de ses témoins experts, ont pourtant été présentés au comité de la Chambre. Ils n’ont pas été examinés au mérite et ont tous été défaits par des votes, conformément à la politique partisane. Le projet de loi C-12 continue donc de prévoir qu’un organisme qui n’est que consultatif fournira des conseils au ministre. Cet organisme, qui existe déjà, n’est composé que de 7 % de scientifiques, alors qu’on en compte 67 % au Royaume-Uni et 85 % en France, deux pays où une véritable loi sur le climat porte ses fruits.
Cinquièmement, le projet de loi C-12 — et je rejoins là-dessus mes collègues du Centre québécois du droit de l’environnement — n’assure aucunement que les mesures qui seront contenues dans le plan du ministre de l’Environnement, y compris les cibles de réduction d’émissions, permettront au Canada de respecter ses engagements en vertu de l’Accord de Paris.
Mme Corinne Le Quéré expliquait au comité de la Chambre le 20 mai dernier que seul un travail rigoureux, indépendant et guidé par la science d’un comité d’experts et du commissaire à l’environnement permettrait de s’engager dans la voie d’un possible succès en matière de lutte aux changements climatiques.
Si elle parlait d’un « possible succès », c’est que le bilan lamentable de ses échecs répétés en matière de réduction d’émissions force aujourd’hui le Canada à faire un énorme rattrapage, dans les délais très courts imposés par l’urgence climatique. Dans ces conditions, une loi sur le climat digne de ce nom devrait assurer à la population et à la communauté internationale que le Canada remplira à tout le moins ses propres engagements, même si ceux-ci sont insuffisants pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris.
En conclusion, le 21 mai dernier les ministres responsables du climat et de l’environnement du G7, dont, faut-il le rappeler, fait partie le Canada, ont reconnu ce qui suit :
[…] nous reconnaissons avec une profonde inquiétude que les crises sans précédent et interdépendantes du changement climatique et de la perte de biodiversité constituent une menace existentielle pour la nature, les personnes, la prospérité et la sécurité.
Il est trop tard pour arrêter les changements climatiques. Le mieux que l’on peut espérer, c’est d’en éviter les effets les plus catastrophiques et irréversibles. Le projet de loi C-12 est ridicule face à l’ampleur de ce défi. Le Sénat peut et doit faire mieux. Nous parlons poliment de ces choses mais, comme l’a récemment dit le poète islandais Andri Snær Magnason, c’est difficile de le faire sans hurler ni pleurer, parce qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Je dois dire, monsieur McGlade, qu’après avoir entendu de nombreux témoignages déprimants au cours des derniers jours, le vôtre est le premier qui me donne un peu d’espoir, car vous décrivez des stratégies et des plans concrets qui permettront de progresser vers l’atteinte de ces objectifs.
Toutefois, votre témoignage a également souligné ma grande source de préoccupation à l’égard du projet de loi C-12, car il s’agit d’un projet de loi qui promet d’avoir un plan, mais qui ne décrit aucun plan concret et aucune méthode de reddition de comptes. Puisque je tiens à me remonter le moral, j’aimerais que vous m’indiquiez comment l’Agence internationale de l’énergie est passée de l’étape qui consiste à souhaiter quelque chose à l’étape qui consiste à proposer les exemples très précis et concrets que vous avez donnés, par exemple nous devons faire ceci pour l’électricité et cela pour le transport. Comment avez-vous établi ces points de référence? Existe-t-il un moyen d’utiliser le fondement très limité du projet de loi C-12 pour franchir les étapes nécessaires?
M. McGlade : Je vous remercie, sénatrice, de votre question. La démarche que nous avons établie a pour objectif d’atteindre la carboneutralité dans le système énergétique mondial d’ici 2050. Malheureusement, nous ne sommes pas près d’atteindre cet objectif, compte tenu des politiques et des ambitions que nous observons sur la scène internationale à cet égard.
Nous voulions déterminer comment atteindre cet objectif à l’aide des technologies offertes aujourd’hui, et la façon de les utiliser le plus efficacement possible. Par exemple, vous avez mentionné le secteur de l’électricité. C’est l’un des secteurs où nous avons les technologies les plus efficaces pour réduire les émissions générées. C’est donc le premier secteur à atteindre la carboneutralité dans notre feuille de route.
Il y a d’autres secteurs pour lesquels nous connaissons les types de technologies qu’il faudra utiliser, mais ces dernières ne sont pas nécessairement offertes sur le marché à ce moment-ci, car elles sont à l’étape de la démonstration ou du prototype. Dans notre feuille de route, nous avons présumé qu’il faudra déployer d’énormes efforts au cours des 5 à 10 prochaines années pour veiller à ce que ces technologies soient au point.
C’est donc dans les secteurs difficiles à décarboniser, par exemple l’industrie lourde et le transport longue distance, que nous devons travailler pour nous assurer que ces technologies sont prêtes. Nous avons donc établi nos jalons sur le fondement des technologies déjà offertes, sur le fondement des politiques mises en œuvre par différents pays à l’échelle mondiale et sur le fondement des technologies qui seront offertes plus tard et dont nous aurons besoin pour atteindre la carboneutralité.
La sénatrice Galvez : Je vais poursuivre dans la même veine que ma collègue, la sénatrice Simons.
Me Fauteux dit que nous ne sommes pas là où nous voulons être. La question est de savoir pourquoi. Il y a toujours des gens qui nient l’existence des changements climatiques et qui ne veulent pas faire face à la réalité des dangers qui y sont liés.
Il y a quelques jours, un témoin qui a comparu devant le comité a cité la Banque de Montréal, qui finance l’industrie des sables bitumineux. Elle a qualifié le rapport de l’Agence internationale de l’énergie de « fantaisiste ».
Pouvez-vous s’il vous plaît en dire davantage sur les données, les éléments et l’approche que vous avez utilisés pour arriver à des projections qui vous rendent, comme l’a dit ma collègue, optimiste? Par ailleurs, que se passera-t-il, selon vous, si nous continuons à retarder l’adoption de ce type de projet de loi au Parlement canadien?
M. McGlade : Merci, sénatrice. Le rapport a été produit parce que c’est ce que les gouvernements se sont engagés à faire dans le cadre de l’Accord de Paris. Nous voulions convertir cet engagement en objectifs et gestes concrets, mais l’une des choses que nous avons constatées en élaborant cette feuille de route, c’est que cela représente tout un défi. Nous devons vraiment tirer parti de tout ce que nous avons à notre disposition. Nous devons mettre sur la table toutes les technologies qui nous sont offertes et mettre en œuvre toutes les politiques qu’il faut, et tous les pays doivent participer.
Dans l’élaboration de la feuille de route, il est apparu clairement que tous les pays, sans exception, devaient revoir leurs ambitions à la hausse. Pour chaque contribution déterminée nationale ou chaque promesse liée à l’atteinte de la carboneutralité, nous devons être plus ambitieux, que ce soit en fixant des objectifs intermédiaires à court terme pour que nous respections les dates liées à l’atteinte de la carboneutralité, ou en avançant ces dates pour atteindre les objectifs plus tôt, ou en produisant réellement des objectifs de carboneutralité. Les gouvernements auront un rôle essentiel à jouer pour y parvenir, et ce n’est qu’en augmentant le niveau d’ambition que nous pourrons atteindre les objectifs.
En posant les jalons et en mettant en avant ces objectifs très ambitieux, nous avons voulu nous assurer que rien ne dépasse les lois de la physique. Tout cela est réalisable. Oui, c’est ambitieux et cela va bien au-delà de ce que nous avons vu dans le passé, mais si nous mettons en œuvre les bonnes politiques, si nous faisons les bons investissements et si nous injectons l’argent aux bons endroits, il s’agit d’une démarche difficile, mais réalisable.
La sénatrice Galvez : Quelles seront les conséquences si nous ne le faisons pas?
M. McGlade : Si nous tardons, les scientifiques nous ont dit que nous souffrirons encore plus des hausses de température et des dommages causés par les changements climatiques. Nous devons garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une situation où il faut tout faire ou ne rien faire. Nous ne devrions pas dire que si nous n’atteignons pas la carboneutralité d’ici 2050, nous devrions tout simplement abandonner. Chaque hausse de 0,1 degré aggrave la situation. Cela augmente le risque de dommages climatiques, qu’il s’agisse de vagues de chaleur, de conditions météorologiques extrêmes, d’inondations ou d’élévation du niveau de la mer — tous ces dommages qui, selon les scientifiques, s’aggravent avec l’augmentation de la température. Nous devons donc absolument nous efforcer de maintenir l’augmentation de la température au niveau le plus bas possible pour minimiser les risques, mais si nous ne pouvons pas limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré, nous ne devons pas abandonner à ce stade.
Ce qui est clair, c’est que nous devons faire preuve d’ambition maintenant pour réduire les émissions le plus rapidement possible. La feuille de route indique que nous disposons aujourd’hui des technologies pour réduire très rapidement les émissions au cours des 10 prochaines années, pour maintenir la possibilité de nous rapprocher de l’objectif de carboneutralité à l’échelle mondiale.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’aimerais vous entendre au sujet des absents et sur la question de toutes les provinces, du secteur privé et des entreprises. Ne croyez-vous pas qu’il devrait y avoir des orientations pour que chacun participe à cette initiative? Est-ce qu’il serait bon d’avoir des plans individualisés d’évaluation environnementale pour les entreprises, tout comme des suggestions pour les individus? On pourrait avoir, par exemple, une cartographie de la consommation d’une famille, sa production de gaz et des suggestions pour changer ses comportements.
Est-ce qu’on ne met pas la responsabilité à un trop haut niveau, alors qu’on devrait viser davantage les provinces, les municipalités, les entreprises, ainsi que les gens dans leur propre domicile, pour faire changer les comportements? Est-ce que le projet de loi C-12 est vraiment trop peu et pas assez ambitieux parce qu’on n’a pas adopté une approche suffisamment exhaustive?
Me Fauteux : Merci beaucoup de cette question, sénateur Carignan.
Vous l’aurez sûrement compris de mes remarques liminaires, mais oui, j’estime que le projet de loi C-12 est définitivement trop peu. Je crois que madame la sénatrice Simons l’a bien résumé en disant que c’était —
[Traduction]
... un projet de loi qui vise à promettre l’élaboration d’un plan.
[Français]
— et c’est pourquoi j’estime qu’il ne s’agit pas d’une loi sur le climat digne de ce nom.
J’ai fait référence à des pays qui en ont adopté une, notamment le Royaume-Uni en 2008. Nous sommes aujourd’hui en 2021, soit 13 ans plus tard. La France a aussi adopté une loi plus récemment. Dans ces deux cas, nos deux mères patries — sur le plan historique — nous donnent l’exemple à suivre. Bien sûr, il faut ne pas trop entrer dans les détails.
Je ne crois pas que le problème du projet de loi C-12 est qu’il est de portée trop générale ou de trop haut niveau; c’est plutôt qu’il est trop peu ambitieux. Le but d’une loi sur le climat est de donner une impulsion, de donner une direction, pour reprendre l’expression de M. McGlade, qui a dit que le but d’une telle loi était —
[Traduction]
... de revoir les ambitions à la hausse.
[Français]
En fait, il faut hausser le niveau d’ambition du projet de loi C-12 pour qu’ensuite il se décline dans tous les domaines que vous avez mentionnés. Les discussions avec les provinces doivent suivre, et non précéder l’adoption d’une loi sur le climat. Le gouvernement fédéral doit, à mon sens, établir un cadre général pour la fédération et les discussions avec les provinces pourront ensuite s’enclencher dans ce cadre. C’est la même chose pour les entreprises et les municipalités.
Bref, le gouvernement fédéral doit donner le ton en montrant une ambition nettement plus élevée que le projet de loi C-12.
Me Doré : J’ajouterais qu’évidemment, le Parlement doit quand même agir dans le respect du partage des compétences. Il doit faire en sorte de participer à l’action climatique avec les provinces dans un esprit de collaboration. Évidemment, il faut respecter le partage des compétences et les compétences de chacun, que ce soit les provinces ou les municipalités.
Ensuite, l’action climatique a souvent été déléguée aux individus, et surtout aux personnes à qui on a demandé de poser des gestes concrets dans leur quotidien pour protéger l’environnement. Cependant, nous sommes maintenant au-delà de cela. Il faut que ce soit l’État qui montre l’exemple et établisse un plan d’action, pour qu’ensuite les comportements des individus et des familles se modifient de façon plus naturelle. Dans ce cas-ci, il faut un plan d’action pour mettre en œuvre de façon plus concrète des actions visant la protection de l’environnement dans le quotidien des familles et des individus.
Évidemment, un plan d’action pour la lutte aux changements climatiques doit nécessairement viser le secteur des entreprises et le secteur privé, mais en fait c’est déjà ce que les plans proposent. On peut donner des précisions dans la loi, mais en effet, je n’ai pas l’impression que le principal problème du projet de loi C-12 se trouve dans les détails ou dans le fait de viser des individus, des secteurs ou des provinces en particulier qui doivent agir de manière prédéterminée par la loi.
Me Campbell-Duruflé : Brièvement, je crois que ce dont les Canadiens ont besoin — que ce soit les entreprises ou les familles —, c’est d’un signal clair.
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été adoptée en 1992 avec l’objectif d’éviter les impacts dangereux des changements climatiques pour les populations humaines. Le Protocole de Kyoto a été adopté en 1997, mais on dirait que les personnes et les entreprises ont perdu la confiance dans le fait que les gouvernements, y compris le gouvernement canadien, allaient poser des actions ambitieuses pour atteindre ces objectifs. Je pense qu’il faut que les gens reprennent confiance et qu’ils croient que nos gouvernements vont prendre ces actions.
Il y a plein de façons de le faire par l’intermédiaire du projet de loi C-12. Me Fauteux a suggéré d’inclure dans la loi la cible de 2030. On pourrait inclure aussi dans le projet de loi C-12 une obligation de moyens pour que le ministre prenne les actions nécessaires pour atteindre ces cibles.
Comme l’a dit la sénatrice Simons, il s’agit d’un cadre très procédural où nous proposons des plans pour atteindre des cibles, mais il n’y a aucune obligation légale de mettre ces plans en œuvre pour le moment, alors qu’on prévoit une obligation de moyens, dans le paragraphe 4(2) de l’Accord de Paris, afin de prendre des mesures pour atteindre les cibles.
Pour ce qui est des individus, des familles et des entreprises, ils pourraient aussi être impliqués dans l’élaboration des cibles à l’article 13 — cet article traite de la participation publique —, que le Sénat pourrait bonifier.
Je vous renvoie à l’article 12 de l’Accord de Paris. Je pourrai y revenir plus tard; il est très détaillé en matière de sensibilisation et d’éducation du public et il va bien au-delà de l’article 13 du projet de loi C-12, qui donne seulement la possibilité de présenter des observations dans l’élaboration des cibles.
[Traduction]
Le sénateur D. Black : Mesdames et Messieurs, merci beaucoup pour les exposés extrêmement intéressants que vous nous avez présentés ce matin. Ma brève question s’adresse à M. McGlade.
Monsieur, je tiens à vous remercier pour le travail que vous avez accompli ici et pour celui que votre agence a accompli en illustrant clairement, pour quiconque choisit de lire votre rapport, à quel point il sera difficile pour le monde d’atteindre les objectifs que nous voulons tous atteindre. Une grande partie de l’attention a été portée à l’échelle mondiale, et l’attention des médias dans le monde s’est portée sur votre fameux scénario. Vous avez indiqué que, de toute évidence, s’il y a un scénario, il doit y en avoir d’autres. Vous avez parlé ce matin — et il y a eu de nombreux commentaires — du scénario que vous nous avez présenté, qui est lourd avant même que nous tenions compte des coûts. Quels autres scénarios existent, à votre avis, pour atteindre les objectifs énoncés dans le projet de loi C-12?
M. McGlade : Je vous remercie de la question, sénateur. Le scénario visant la carboneutralité n’est, comme vous le dites, que l’un des scénarios possibles, mais c’est le seul scénario que l’Agence internationale de l’énergie a établi qui permet d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Nous avons d’autres scénarios.
Par exemple, nous nous sommes penchés sur un scénario dans lequel nous prenons simplement pour argent comptant ce que les gouvernements ont déjà déclaré sur le plan de leurs politiques et ce qu’ils aimeraient inclure dans la loi. Nous avons fait cela pour le monde entier. Le résultat, c’est que les émissions continuent d’augmenter. La neutralité carbone ne sera pas atteinte en 2050, et nous estimons que cela entraînerait une augmentation de la température d’environ 2,7 degrés. Il s’agit seulement de ce que les gouvernements ont mis en place. Or, 2,7 degrés, c’est très loin de 1,5 degré.
Nous avons également examiné le scénario dans lequel nous incluons tous les pays qui ont fait des annonces au sujet de l’atteinte de la carboneutralité. Nous avons dit, supposons que ces pays atteignent les objectifs de carboneutralité ou concrétisent leurs promesses à cet égard. À quoi cela mène-t-il? Dans ce scénario, la température augmente d’environ 2,1 degrés. C’est donc mieux, mais on est encore loin de 1,5 degré.
Le sénateur D. Black : Donc, si je comprends bien, votre position serait que le scénario que vous avez présenté — avec toutes les incertitudes qui y sont liées, les nouvelles technologies et les coûts — est le seul qui, selon votre agence, peut nous permettre d’atteindre les objectifs que nous souhaitons tous atteindre.
M. McGlade : Merci. Je ne le décrirais pas de cette façon. Je dirais que notre scénario nous paraît le meilleur que nous avons, compte tenu de toutes les incertitudes qui existent.
Cependant, il y a d’autres scénarios, d’autres options que nous examinons au sujet desquels nous posons des questions. Je vous donne des exemples. Que se passe-t-il si la capture et le stockage du carbone ne fonctionnent pas? Que se passe-t-il si nous ne pouvons pas l’étendre à l’échelle que nous avons prévue dans notre trajectoire vers la carboneutralité? Qu’est-ce que cela signifie? Nous constatons, par exemple, qu’il est beaucoup plus coûteux d’atteindre la carboneutralité et que cela pourrait rendre l’objectif de carboneutralité incroyablement difficile à atteindre d’ici 2050.
Nous examinons également ce qui se passe si les gens ne modifient pas leur comportement. Le changement de comportement joue un rôle important dans notre scénario, mais il n’est pas certain que cela se concrétise. Nous avons examiné ce que cela pourrait signifier. Là encore, sans cela, il devient incroyablement difficile d’atteindre la carboneutralité.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci à tous. J’ai d’abord une question technique pour M. McGlade; c’est une question de néophyte.
Je viens d’une province, le Québec, qui s’enorgueillit du fait que 95 %, sinon plus, de son électricité est produite par ses énormes barrages hydroélectriques. Vous ai-je bien compris lorsque vous avez dit que, pour atteindre les cibles, il faudrait que 70 % de l’électricité soit produite à partir de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne? Est-ce bien ce que vous avez dit? Dans l’affirmative, nous aurions alors une très longue pente à remonter de ce côté.
Le président : Votre question s’adresse à M. McGlade?
La sénatrice Miville-Dechêne : Oui.
[Traduction]
M. McGlade : Merci, madame la sénatrice. À l’échelle mondiale, vous avez raison. C’est 70 % d’énergie éolienne et d’énergie solaire photovoltaïque. Bien entendu, il est vrai que la situation varie d’un pays à l’autre. Nous ne nous attendrions pas, par exemple, à ce que ce soit 70 % dans chaque pays. Dans un pays comme le Canada, où la majeure partie de l’électricité produite aujourd’hui est d’origine hydrique, il se pourrait bien que cela puisse continuer. Elle ne sera pas entièrement remplacée par de l’éolien et du solaire. L’hydroélectricité continuera de jouer un rôle important dans le cheminement du Canada vers la carboneutralité.
Étant donné que, selon ce scénario, il y aura une très forte augmentation de la demande d’électricité à l’échelle mondiale — par exemple, la demande d’électricité sera multipliée par deux et demi d’ici 2050 —, la demande d’électricité du Canada devrait également augmenter considérablement. Or, vous utilisez des véhicules électriques, vous avez des thermopompes pour votre chauffage et vous procédez à l’électrification de différentes choses. Par conséquent, certaines composantes du système énergétique vont avoir besoin de plus d’électricité, et les énergies éolienne et solaire photovoltaïque peuvent être des moyens économiques de répondre à cette augmentation de la demande tout en garantissant que les émissions, elles, n’augmenteront pas.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une petite sous-question pour Me Fauteux. Je ne peux m’empêcher de constater que vous êtes un ancien diplomate. Toutefois, votre discours sur ce qu’il faut faire au Canada est extrêmement incisif et non diplomatique. Avez-vous réfléchi à l’aspect politique, puisque vous avez fait cela toute votre vie? Nous avons un projet de loi qui, comme le disait ma collègue, incarne l’idée d’établir un plan et de le développer. C’est un compromis, étant donné que nous avons un gouvernement minoritaire et que nous vivons une situation politique un peu instable. On ne peut donc pas aller plus loin, si je comprends bien. Si nous insistons pour avoir un projet de loi parfait, que se passe-t-il alors? Je vous demande donc une analyse politique.
Le président : Veuillez donner une réponse très courte si possible, maître Fauteux.
Me Fauteux : Oui, une réponse très courte. Effectivement, j’ai travaillé 30 ans dans la fonction publique. Je suis donc bien au fait des contraintes politiques. Si ce projet de loi est adopté tel quel, il ne pourrait pas être amélioré. J’estime qu’il vaudrait mieux l’adopter plus tard et le faire bien.
[Traduction]
Le sénateur Patterson : Je remercie les témoins. Monsieur McGlade, vous nous avez permis de mieux comprendre la situation à l’échelle mondiale. Merci beaucoup.
Les plus grands émetteurs sont la Chine et l’Inde, et ils semblent attachés au charbon, qui, comme nous le savons, génère de fortes émissions. D’après ce que j’ai compris, l’Inde a enregistré une augmentation de plus de 300 % de ses émissions entre 1990 et 2018, et on prévoit une augmentation supplémentaire de 25 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019. Et puis il y a la Chine, dont certains disent qu’elle construit une grande centrale thermique au charbon chaque semaine.
Vous avez dit que l’électricité était un secteur clé pour la réduction des émissions mondiales. Pouvez-vous nous donner une idée de ce que certains de ces très gros émetteurs, à savoir l’Inde et la Chine, devraient faire pour contribuer à la lutte mondiale, et nous dire si ces deux pays se sont engagés à souscrire à la carboneutralité? Merci.
M. McGlade : Merci, monsieur le sénateur. Pour répondre à votre dernier point, la Chine a annoncé son intention d’atteindre la carboneutralité d’ici 2060. L’Inde n’a pas encore d’objectif en matière de carboneutralité, mais elle a des objectifs intermédiaires pour les dix prochaines années.
Dans notre scénario, la façon dont ces pays atteignent la carboneutralité est différente de celle des économies avancées, où la croissance économique est légèrement plus lente, où l’augmentation de la population n’est pas aussi importante et où il n’y a pas nécessairement les mêmes problèmes en matière de développement.
Par exemple, à l’heure actuelle, il y a dans le monde 790 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité. Il y a 2,6 milliards de personnes qui dépendent de technologies « salissantes » pour faire la cuisine et qui ont recours à la bioénergie traditionnelle. Une grande partie de ces personnes se trouvent en Inde, surtout pour ce qui est de l’aspect culinaire de l’équation.
Dans notre scénario, il est certes important que ces pays réduisent leurs émissions, mais encore faudra-t-il qu’ils atteignent d’autres objectifs de développement durable. L’objectif du parcours vers la carboneutralité est de montrer comment cela peut être fait de manière globale, comment il est possible d’atteindre ces objectifs tout en réduisant les émissions. Voici quelques-uns des jalons concrets que nous avons posés. La question des centrales thermiques au charbon — puisque vous l’avez mentionnée — est l’une des plus cruciales. Dans le parcours vers la carboneutralité que nous proposons, aucun développement de centrale au charbon classique ne doit être approuvé à compter d’aujourd’hui.
J’ai mentionné qu’à l’échelle mondiale, la carboneutralité de l’électricité sera atteinte d’ici 2040. Cela signifie que toutes les centrales classiques au charbon et au pétrole auront progressivement été éliminées à cette date. Il y a des façons de parvenir à cela. Ces pays ont des façons à leur disposition pour contribuer aux efforts déployés en ce sens à l’échelle mondiale, et il existe des façons de leur fournir l’aide dont ils auront besoin. Par exemple, la Chine est à l’heure actuelle un important producteur de panneaux solaires. Elle peut également être une productrice de premier plan pour un certain nombre d’autres technologies qui entrent dans la production d’énergie propre. Cela dit, le fait d’investir dans les économies en développement et de s’assurer que le financement des énergies propres parvient à ces économies en développement est une partie cruciale du parcours vers la carboneutralité que nous avons établi.
Le sénateur Black a posé une question sur les autres parcours possibles. Nous avons examiné ce scénario où il n’y aurait pas de collaboration internationale. Que se passera-t-il s’il n’y a pas de coordination entre les pays qui travaillent ensemble pour l’atteinte d’un objectif? Ce que nous avons découvert, c’est qu’en l’absence de collaboration, il ne sera pas possible d’atteindre la carboneutralité à l’échelle mondiale d’ici 2050. Sans collaboration internationale, la date de l’atteinte de cet objectif sera considérablement repoussée. Il est essentiel que tous les pays travaillent ensemble pour atteindre nos objectifs climatiques collectifs.
Le président : Merci. Si je peux me permettre, j’ai aussi une question pour M. McGlade. Je ne veux pas m’en prendre à vous, mais votre rapport fait référence au fait que le monde n’a pas besoin de développer d’autres champs pétrolifères, quels qu’ils soient. Vous soutenez que l’approvisionnement actuel parvient à combler nos besoins.
Dans notre économie de marché, les gouvernements ne décident pas quelle activité économique est souhaitable. Ils fixent les prix, si vous voulez, et la taxe sur le carbone en est un exemple. Êtes-vous en train de nous dire que le gouvernement devrait veiller à ce que personne d’autre n’aménage de nouveaux champs pétrolifères? Vous avez peut-être remarqué que, dans le monde, beaucoup de gens ont interprété ce commentaire comme signifiant que, non, nous n’avons pas du tout besoin d’autre pétrole et d’autre gaz. Or, si je ne m’abuse, votre rapport fait état d’une réduction significative du pétrole et du gaz d’ici à 2050, mais il reste une quantité importante de pétrole et de gaz d’ici à 2050. Pourriez-vous clarifier cette observation? Quel est le nombre de barils aujourd’hui et combien en prévoyez-vous d’ici 2050? Et quelle est votre proposition? Je vous saurais gré de nous donner des précisions à ce sujet.
M. McGlade : Merci, monsieur le sénateur. Permettez-moi tout d’abord de vous donner quelques chiffres. En 2020, la demande mondiale de pétrole était d’environ 90 millions de barils par jour. Elle devrait augmenter de manière significative en 2021. De toute évidence, 2020 a été une année anormale pour la demande de pétrole.
Dans notre parcours vers la carboneutralité, la demande de pétrole tombe à environ 25 millions de barils par jour en 2050. Elle sera donc passée de 90 millions de barils par jour l’année dernière à 24 millions de barils par jour après avoir probablement augmenté cette année.
La demande de gaz naturel diminue également de manière significative. Elle était d’environ 3 700 milliards de mètres cubes l’année dernière et elle va baisser à environ 1 700 milliards de mètres cubes. La demande de pétrole diminue d’environ 75 % et celle de gaz diminue d’environ 55 %. Vous avez toutefois raison de dire que nous aurons encore besoin de pétrole et de gaz en 2050. Ce que la feuille de route ne dit pas, c’est qu’il n’y a aucun investissement dans le pétrole et le gaz. Elle est sans équivoque à ce sujet : il n’y aura pas d’investissements dans de nouveaux champs pétroliers et gaziers.
Dans mon exposé, j’ai mentionné qu’il sera nécessaire d’investir dans les gisements existants pour réduire l’intensité des émissions et garantir le maintien de la production. Permettez-moi d’insister sur ce point : notre scénario est axé sur la demande. Les gouvernements mettent en place des politiques conformes à l’objectif d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. S’ils y parviennent, on assistera à une explosion des investissements dans les énergies propres : voitures électriques, hydrogène, capture et stockage du carbone — dans toutes les technologies d’énergie propre. La demande de combustibles fossiles commencera donc à diminuer. Advenant qu’elle commence effectivement à baisser, nous verrons si nous serons en mesure de répondre à la nouvelle demande diminuée avec les sources de production existantes. Nous n’avons pas besoin de nouveaux gisements de pétrole et de gaz. C’est la logique sur laquelle se fonde ce scénario.
Le président : Mais pour assurer une cohérence avec tous vos scénarios passés, je précise que la solution réside dans le contrôle de la demande et la prise de mesures qui influent sur elle. On n’a jamais supposé que nous allions manquer de pétrole ou de gaz. Il y a toujours eu une offre excédentaire, et le marché va dicter qui gagne et qui perd. Toutefois, l’accent est mis surtout sur la prise de mesures visant à influer sur la demande, si je ne m’abuse. Est-ce exact?
M. McGlade : C’est exact. Nous avons parlé de la façon de s’assurer que cela se produise. Dans ce scénario, c’est le marché qui influera sur la façon dont cela se produira. La baisse de la demande de combustibles fossiles entraînera une baisse des prix des combustibles fossiles. Le prix du pétrole, par exemple, diminuera et s’établira à 35 $ le baril en 2030. C’est le niveau qui suffira à maintenir la production des gisements existants, mais qui n’incitera personne à entreprendre de nouveaux développements.
Soyons clairs : il est tout à fait possible que de nouveaux développements aient lieu, mais ce que ce scénario indique, c’est que les promoteurs de ces développements risquent de ne pas récupérer l’investissement qui est consacré à ces investissements. Si vos politiques sont axées sur la demande, les prix chuteront, et ces développements courront des risques accrus.
Le président : Merci.
La sénatrice Galvez : J’adresse ma question à Me Campbell-Duruflé. Nous avons mentionné que nous attendions toujours la mesure législative parfaite, mais quelqu’un a dit que si notre législation ne fait plaisir à personne, c’est bon signe, car cela signifie que des pressions ont été exercées de tous les côtés.
L’un des arguments avancés pour retarder l’adoption de ce type de législation, c’est que le Canada ne contribue pas beaucoup aux émissions de gaz à effet de serre, que ces émissions sont très faibles. Mais cela revient à prendre un instantané des émissions actuelles et à dire que le Canada en émet très peu, sans tenir compte de nos émissions en amont. Vous parlez d’une juste part. Pouvez-vous nous dire pourquoi le Canada doit agir, et quelle est notre juste part, afin que nous commencions à réduire nos émissions le plus rapidement possible?
Me Campbell-Duruflé : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Elle me fait penser à la question que le sénateur Patterson m’a posée précédemment sur la dynamique entre la Chine, le Canada et l’Inde, car le changement climatique est un défi mondial. L’Accord de Paris a été négocié au moment même où ce projet de loi a été négocié. L’esprit de l’Accord de Paris — et c’est le texte sur lequel nous nous sommes mis d’accord —, c’est que les objectifs doivent refléter la plus grande ambition possible, la progression, l’équité, la justice et les responsabilités communes mais différenciées en fonction des capacités nationales. C’est le libellé que nous avons négocié et ratifié, et c’est l’esprit que nous avons accepté lorsque nous nous sommes engagés à lutter contre le changement climatique.
Les chiffres peuvent être discutés, mais, à l’heure actuelle, les émissions du Canada s’élèvent à environ 16 tonnes de gaz à effet de serre par personne par an. Comparez cela à la Chine, où les émissions se situent aux alentours de six tonnes, et comparez cela à l’Inde, où les émissions se situent aux alentours de 1,8 tonne. Alors, qu’est-ce que l’équité et la justice exigent de nous? Devons-nous rester au même niveau et laisser la Chine et l’Inde réduire leurs émissions? Ou bien devons-nous chercher à trouver un compromis et une solution équitable et juste?
L’esprit de l’Accord de Paris pointe clairement vers la dernière option. D’un point de vue juridique, c’est ce qui doit figurer dans le projet de loi C-12 : des mécanismes juridiques qui nous permettent de nous assurer que nos cibles sont fondées sur la science, qu’elles reflètent la plus grande ambition possible, qu’elles sont équitables et qu’elles correspondent à notre juste part. Selon de nombreux observateurs, cela signifie que nos cibles doivent être beaucoup plus ambitieuses que notre réduction actuelle de 40 à 45 % d’ici 2030. Certains soutiennent que notre juste part correspondrait à une réduction de 60 %. Ces cibles peuvent faire l’objet d’un débat, mais ces principes doivent être intégrés dans projet de loi C-12, afin que nous puissions nous attaquer ensemble au changement climatique. Nous ne gagnerons pas la lutte contre le changement climatique uniquement au Canada. Nous devons signaler aux autres pays que nous sommes tous dans le même bateau et que nous ferons notre part en toute bonne foi.
Le président : Merci.
La sénatrice Anderson : Je remercie tous les témoins de leur présence. J’adresse ma question à chacun d’entre eux. Je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il est urgent de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais je pense à l’applicabilité de ces mesures. De façon réaliste, quelle est l’applicabilité d’une mesure visant à mettre en œuvre des options plus saines pour l’environnement dans les petites collectivités nordiques qui font face à de nombreux défis, notamment le changement climatique, le réchauffement de la planète, des infrastructures désuètes, un coût de la vie élevé et l’utilisation du bois et la dépendance à l’égard de ce combustible en raison du coût des combustibles pour le chauffage?
C’est bien de dire — et j’ai entendu ces paroles à quelques reprises — que les familles et les collectivités doivent en faire davantage. C’est bien de dire que nous devrions en faire davantage, mais dans l’Arctique, où les déterminants sociaux de la santé sont déjà un défi, étant donné que les besoins en matière de logement, d’eau, de nourriture et d’éléments de base ne sont pas satisfaits, il est difficile de se concentrer sur le tableau d’ensemble, y compris les émissions de gaz à effet de serre. J’aimerais que vous me disiez ce que le gouvernement du Canada doit faire, en plus de mettre en œuvre la mesure législative, pour appuyer la réduction des émissions de gaz à effet de serre attribuables aux familles et aux collectivités et surtout à celles qui sont établies dans le Nord.
[Français]
Me Doré : Je préciserais très rapidement qu’on avait justement recommandé de prendre en compte l’impact des changements climatiques sur l’adaptation et les moyens d’action pour les différentes communautés, qui ont des réalités régionales très diversifiées. Donc, il faut que ce soit pris en considération dans les plans d’action. Évidemment, dans la mise en œuvre, il y a des diversités régionales importantes sur notre grand territoire canadien. Si, en déterminant l’action qu’il faut prendre, on tient compte des particularités régionales, on aura fait un pas en avant.
Me Campbell-Duruflé : Encore fois, depuis la perspective de l’Accord de Paris, l’objectif de la transition énergétique ne peut être pris de manière isolée. Le texte de l’Accord de Paris contient des dispositions sur le développement durable, les droits de la personne et l’implication des peuples autochtones et, dans le cas du Canada, sur le respect de leurs droits.
Il est évident que l’atteinte des cibles ne peut pas se faire en ignorant les autres objectifs sociaux, économiques et d’équité à l’intérieur du Canada, en plus de l’équité entre les pays.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Je représente la province de l’Alberta, dont l’économie est tributaire des combustibles fossiles. Nous sommes le moteur qui fait tourner l’économie du Canada depuis longtemps, au sens propre comme au sens figuré. Il n’est pas facile pour ma province de faire cette transition, et nous devons savoir que des investissements seront faits et que les mesures d’incitation nécessaires seront prises pour nous éloigner de la production conventionnelle de combustibles fossiles et nous diriger vers l’hydrogène bleu ou l’énergie solaire, des domaines dans lesquels ma province excelle. Ce que je cherche à savoir, c’est le type de mesures législatives qui doivent être élaborées pour donner aux investisseurs le signal requis pour indiquer que l’Alberta doit se préparer à faire la transition vers un nouveau type d’économie, et ce, afin que ma province ne soit pas laissée en plan et ne soit pas fortement désavantagée.
Me Fauteux : Vous soulevez une question d’une importance cruciale, et je vous remercie infiniment de l’avoir fait. Me Doré a parlé de l’importance d’une transition équitable. Il est clair que pour un pays qui est un grand exportateur de pétrole et de gaz, et pour la province canadienne qui exporte le plus de pétrole et de gaz, une transition équitable doit prendre soin de tous ceux qui ont investi dans l’industrie pétrolière et gazière.
Ma réponse courte à votre question est qu’une loi ambitieuse sur le climat serait le début d’une série de signaux du marché. Comme l’a souligné M. McGlade, les gouvernements établissent des politiques; les marchés réagissent aux signaux de prix transmis par les gouvernements. Pour éviter tout malentendu, je ne recommande pas au Sénat et à la Chambre des communes — c’est-à-dire au Parlement du Canada — de ne pas adopter de loi sur le climat. Je recommande le type de signaux de marché ambitieux qui seraient lancés par une loi sur le climat et qui iraient dans le sens de l’évolution dont l’Agence internationale de l’énergie a démontré la nécessité — c’est-à-dire un effort très ambitieux à l’échelle internationale et au Canada. Je répète qu’il est d’une importance capitale que la transition équitable inclue tous les travailleurs du secteur pétrolier et gazier de l’Alberta et d’ailleurs au Canada.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’aimerais demander une précision à Me Fauteux. Vous avez dit que, si le projet de loi est adopté maintenant, il ne pourra pas être modifié plus tard, et que nous avons donc intérêt à adopter un meilleur projet de loi plus tard; je paraphrase, mais c’est ce que j’ai compris du sens de votre intervention. Pouvez-vous nous expliquer en quoi, si on adopte le projet de loi aujourd’hui, on ne pourrait pas l’améliorer plus tard? Il semble y avoir un compromis selon lequel il vaut mieux avoir une loi imparfaite que pas de loi du tout; de votre côté, vous nous dites de ne pas l’adopter.
Me Fauteux : Merci de l’occasion de préciser ma pensée. J’estime qu’une loi sur le climat est importante et j’estime que le projet de loi C-12 pourrait devenir une loi sur le climat qui vaudrait la peine d’être adoptée. J’espère que le Sénat jouera son rôle traditionnel et constitutionnel de réflexion et qu’il apportera des amendements au projet de loi. Donc, quand je disais que le projet de loi ne pourrait pas être adopté plus tard, je me suis sans doute mal exprimé. Une fois adopté, le projet de loi ne sera pas amendé de sitôt; une fois adoptée, la loi fixera un cadre qui durera vraisemblablement au moins cinq ans. Comme l’a noté Me Doré, un amendement a été adopté et il prévoit une révision législative dans cinq ans. Le problème, c’est que nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre encore cinq ans pour donner au marché — pour répondre aux préoccupations de la sénatrice Simons — le signal qui doit être donné maintenant, soit que la transition et les efforts importants qu’exige cette transition juste doivent commencer immédiatement, car nous sommes déjà en retard.
Le président : Merci. Il y a une très courte question de la sénatrice Miville-Dechêne, avec une très courte réponse, si possible.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je voulais vous demander de préciser pourquoi vous voulez que le gouvernement envoie des signaux clairs aux marchés. Donnez-moi des exemples. Encore une fois, j’ai besoin que vous descendiez au ras des pâquerettes.
Me Fauteux : Merci de m’avoir invité à le faire, sénatrice. Je fais le pont avec ce que disait plus tôt mon collègue Me Campbell-Duruflé : les marchés sont composés de compagnies et d’individus et, comme le disait mon confrère, les personnes et les compagnies ont perdu confiance dans l’idée que les gouvernements au Canada — à commencer par le gouvernement fédéral, car nous sommes une fédération et il y a un partage des pouvoirs, mais le gouvernement fédéral a un rôle clé à jouer — vont vraiment s’engager dans la transition. C’est ce genre de signal dont je parlais, c’est le degré d’ambition que devrait avoir le projet de loi. Par exemple, si on prend pour exemple la nouvelle cible du Canada, que le premier ministre Trudeau a annoncée à Washington il y a quelques semaines — et si on inclut cette cible dans le projet de loi —, cela montre le sérieux de l’affaire. Comme le disait votre collègue, il ne s’agit pas seulement de promettre de fixer un plan; pour montrer qu’on est sérieux, il faut prendre un engagement et l’inscrire dans la loi.
Voilà l’un des amendements, et il y en aurait d’autres. J’ai mentionné les principaux amendements, mais je crois que le projet de loi C-12 est perfectible et qu’il serait bon de profiter de l’occasion de l’améliorer. Merci.
Le président : Merci beaucoup à tous nos témoins. C’était très intéressant, et je pense que c’est pour cela que tout le monde avait beaucoup de questions à poser. C’est un sujet de grande importance et vous êtes des personnes très expérimentées. Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. Vos propos feront, sans aucun doute, partie de notre débat à l’interne.
(La séance se poursuit à huis clos.)