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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 20 mai 2021

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 13 heures (HE), par vidéoconférence, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Avant de commencer, honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler, ainsi qu’aux témoins, que vous devrez garder vos microphones en sourdine en permanence, à moins que je ne vous donne nommément la parole.

Honorables sénateurs et chers témoins, en cas de problèmes techniques, particulièrement en ce qui a trait à l’interprétation, veuillez en parler au président ou à la greffière, et nous nous efforcerons de les régler. Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, veuillez communiquer avec le bureau de service de la DSI au numéro d’assistance technique qui vous a été fourni.

[Français]

L’utilisation de plateformes en ligne ne garantit pas la confidentialité des discours ou l’absence d’écoute. Ainsi, lors de la tenue de réunions de comité, tous les participants doivent en être conscients et limiter la divulgation éventuelle d’informations sensibles, privées et privilégiées du Sénat.

[Traduction]

Les participants doivent se trouver dans un endroit privé et être conscients de leur environnement, qu’ils parlent ou qu’ils clavardent.

Nous allons maintenant passer à la partie officielle de notre séance conformément à l’ordre de renvoi que le Sénat du Canada a reçu du Comité des finances.

Je m’appelle Percy Mockler, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant présenter les membres du Comité des finances nationales qui participent à cette réunion, soit le sénateur Dagenais, la sénatrice M. Deacon, la sénatrice Duncan, le sénateur Forest, la sénatrice Galvez, le sénateur Klyne, le sénateur Loffreda, la sénatrice Marshall, la sénatrice Moncion, le sénateur Richards et le sénateur Smith.

Je souhaite également la bienvenue à tous les téléspectateurs du pays qui nous regardent sur sencanada.ca. Cet après-midi, nous poursuivons notre étude de la teneur du projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures, qui a été renvoyé au comité par le Sénat du Canada, le 4 mai 2021.

Tout d’abord, nous souhaitons la bienvenue à M. Toby Sanger, directeur général de Canadiens pour une fiscalité équitable. Le deuxième témoin sera M. Daniel Breton, président et directeur général de Mobilité électrique Canada. Enfin, de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, nous entendrons M. Brian Kingston, qui en est le président et chef de la direction. Bienvenue à tous et merci d’avoir accepté notre invitation à témoigner devant le Comité sénatorial des finances nationales au sujet du projet de loi C-30.

Nous entendrons les observations liminaires dans l’ordre suivant : M. Sanger, M. Breton, puis M. Kingston en dernier, après quoi les sénateurs poseront leurs questions.

Monsieur Sanger, vous avez la parole.

Toby Sanger, directeur exécutif, Canadiens pour une fiscalité équitable : Merci beaucoup, monsieur le président et honorables sénateurs, de m’avoir invité à vous parler du projet de loi C-30 et du budget.

Je commencerai simplement par dire que le Canada et d’autres pays font face à de multiples menaces et crises. Bien entendu, nous avons connu la crise de la COVID dont nous espérons sortir, mais d’autres crises sanitaires planent encore à l’horizon. Nous sommes aux prises avec une crise climatique encore plus menaçante et dévastatrice, et nous devons nous y attaquer plus sérieusement. Nous sommes confrontés aux inégalités croissantes qui menacent nos démocraties, nos institutions politiques et nos sociétés, outre que des crises économiques et financières pourraient survenir.

Non seulement ces éléments sont interreliés, mais ils ont également un rapport avec les questions touchant à l’équité fiscale. Par exemple, la pandémie a mis au jour de profondes inégalités sociales et les a aggravées. Les personnes les plus pauvres qui n’ont pas de congé de maladie, dont les revenus sont insuffisants et qui vivent dans des logements surpeuplés ont souffert beaucoup plus de la pandémie que les mieux nantis.

Les pays et les personnes riches sont plus responsables des changements climatiques, mais ils sont aussi les moins touchés et les plus en mesure de s’y adapter. Les pauvres sont les plus touchés par les prix du carbone, mais ils sont aussi les moins en mesure de se payer des choses comme des véhicules électriques et ils n’ont ni les moyens, ni l’assurance, ni la capacité de faire les transitions nécessaires.

Des décennies de politiques économiques axées sur la théorie du ruissellement n’ont donné lieu à aucune retombée et n’ont pas non plus permis de stimuler durablement la croissance. Au lieu de cela, les inégalités et l’instabilité économique se sont accrues, la concentration des entreprises a augmenté, la monopolisation et la concurrence ont diminué, et nous avons vu les entreprises locales et traditionnelles se faire écraser par des géants, par des méga-entreprises. Même le FMI et l’OCDE disent maintenant qu’il faut miser sur plus d’égalité si nous voulons parvenir à une croissance économique plus forte.

Qu’est-ce que cela a à voir avec le projet de loi C-30 et avec la fiscalité? À la fois beaucoup et pas assez. Ce sont les plus grandes entreprises qui ont le mieux réussi à éviter de payer leur juste part d’impôt grâce à des échappatoires fiscales et à l’évasion fiscale internationale.

Nous aurons besoin de beaucoup plus d’argent pour payer les coûts de la pandémie, ainsi que pour assurer la reprise et la transition vers une économie plus durable. Nous ne pourrons pas non plus faire cette transition à moins que les personnes les plus vulnérables ayant les revenus les plus faibles et les personnes les plus touchées soient soutenues dans une transition juste.

Le projet de loi C-30 contient beaucoup de mesures positives, comme l’augmentation du salaire minimum, la prolongation des prestations de la COVID et de l’assurance-emploi, le financement des garderies et des infrastructures, et bien plus encore, mais nous aurons aussi besoin de beaucoup plus.

Pendant trop longtemps, nous avons accordé aux géants du numérique étrangers — à certaines des plus grandes sociétés du monde — de généreux avantages fiscaux aux dépens des entreprises et des producteurs canadiens. Nous sommes heureux que le gouvernement fédéral applique enfin la TPS/TVH aux importations de services numériques et de biens fournis par des entreprises qui gèrent des entrepôts de traitement de commandes comme Amazon. Il s’agit d’une étape importante vers l’uniformisation des règles du jeu dans l’univers du numérique.

Cependant, le gouvernement fédéral devrait en faire davantage. Nous sommes heureux de voir que celui-ci s’engage à imposer une taxe sur les services numériques sur les revenus des géants du commerce électronique à compter de l’an prochain, mais la TSN proposée ne s’appliquera qu’à un petit nombre d’entreprises. Nous avons besoin d’une réforme plus fondamentale de l’impôt sur les sociétés à l’échelle internationale, notamment sous la forme d’un taux d’imposition minimum des sociétés à l’échelle mondiale et d’une répartition des bénéfices imposables des entreprises entre les pays, de la même façon que nous le faisons au Canada entre les provinces.

Nous sommes aussi heureux de constater que, dans ce budget, le gouvernement limite le nombre d’échappatoires fiscales pour les sociétés, dont l’échappatoire liée à la déduction pour options d’achat d’actions, mais il y aurait lieu de l’éliminer complètement plutôt que partiellement. Nous devrions aussi suivre l’exemple du président des États-Unis, Joe Biden, qui prévoit d’éliminer les taux d’imposition plus bas sur les gains en capital pour les plus riches. Il est inadmissible que les plus riches de la société paient moins d’impôt sur leur revenu de placement que ce que les travailleurs ordinaires n’en paient sur leur revenu d’emploi.

Je m’étais réjoui que, dans le discours du Trône, le gouvernement se soit engagé à trouver des moyens d’imposer la richesse extrême, mais je suis déçu de voir que ce budget ne renferme aucune mesure en ce sens.

De nombreuses grandes sociétés ont également réalisé des profits records au cours de la dernière année. L’étude que nous avons rendue publique la semaine dernière a révélé que 50 des grandes sociétés canadiennes ont fait des profits records, et un certain nombre d’entre elles ont également touché la Subvention salariale d’urgence du Canada, la SSUC, et payé de faibles taux d’imposition. Nous devrions faire ce que nous avons fait lors des deux guerres, soit imposer les profits excédentaires et appliquer une surtaxe en situation de pandémie.

Nous sommes heureux que le gouvernement ait prévu des mesures environnementales dans ce budget et qu’il rende plus visibles les incitatifs financiers de lutte contre le carbone. Mais il y a lieu de considérablement renforcer le cadre fédéral de tarification du carbone en veillant à ce que les grands émetteurs paient le plein prix du carbone. Il faut aussi imposer des tarifs sur le carbone pour les importations en provenance de pays qui n’appliquent pas une telle tarification, et pour nos exportations vers ces mêmes pays, afin que l’industrie et les emplois canadiens ne soient pas indûment pénalisés. Et puis, il faut aussi éliminer les subventions aux combustibles fossiles. Il est grand temps de le faire.

Enfin, je tiens à féliciter la ministre des Finances de s’être engagée à mettre en place un registre public des véritables propriétaires d’entreprises. Cela contribuera à réduire le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et d’autres activités criminelles. Le Canada devrait également accroître la transparence et la reddition de comptes par d’autres moyens, notamment en renforçant les mesures de protection des dénonciateurs et en obligeant les grandes multinationales à publier des rapports sur leurs ventes, leurs profits et les impôts qu’elles paient, pays par pays.

Merci beaucoup. Je me rends compte que j’ai dépassé mon temps de parole. Je vous remercie de votre patience et je suis prêt à répondre à vos questions. Merci.

Le président : Merci, monsieur Sanger.

[Français]

La parole est à vous, monsieur Breton.

Daniel Breton, président et directeur général, Mobilité électrique Canada : Bonjour. Nous tenons à remercier les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales de l’invitation.

Mobilité électrique Canada, qui a été fondée en 2006, est une des premières organisations au monde en électrification des transports, un secteur qui comprend aussi bien des entreprises canadiennes que des multinationales. Elle est l’organisation canadienne qui possède le plus d’expérience et d’expertise pour faire avancer la réflexion, la réglementation et les projets en électrification des transports.

[Traduction]

Voici quelques données à prendre en considération, selon le rapport Global EV Outlook 2021 publié il y a quelques semaines par l’Agence internationale de l’énergie :

Les immatriculations de voitures électriques ont augmenté de 41 % en 2020, malgré le ralentissement mondial des ventes de voitures lié à la pandémie, période au cours de laquelle les ventes mondiales de voitures ont chuté de 16 %.

Selon l’EV Outlook 2020 de Bloomberg New Energy Finance, en 2025, les VE représenteront 10 % des ventes mondiales de véhicules de tourisme, puis 28 % en 2030 et 58 % en 2040.

Selon un rapport récemment publié par TD Economics, on estime que, d’ici 2050, entre 312 000 et 450 000 des 600 000 emplois directs et indirects actuels du Canada dans le secteur du pétrole et du gaz pourraient être victimes de la baisse de la demande de combustibles fossiles, à mesure que davantage de pays et d’entreprises s’engagent à atteindre des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles.

Selon un autre rapport intitulé The Fast Lane, tracking the energy revolution de Clean Energy Canada, il y aura environ 560 000 emplois propres d’ici 2030 au Canada, dont près de 50 % dans le transport propre.

Selon une analyse réalisée en 2020 par Mobilité Électrique Canada, une stratégie canadienne de mobilité électrique inspirée de celles de la Colombie-Britannique, du Québec ou de la Californie, pourrait générer jusqu’à 200 milliards de dollars de revenus de vente entre 2021 et 2030.

Dans le rapport du Comité permanent des finances intitulé Investir dans l’avenir : Priorités canadiennes pour la croissance et la reprise économiques, nous avons pu voir de nombreuses recommandations soutenant la mobilité électrique, comme les numéros 110, 111, 136, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145.

Chez Mobilité électrique Canada, MEC, nous applaudissons le budget 2021 parce qu’il inclut de nombreux éléments importants pour soutenir les travailleurs qui ont besoin de formation ou de recyclage ou les entreprises qui veulent investir dans le secteur des technologies propres. Cependant, de nombreux éléments importants ne sont pas inclus dans le budget. On peut songer à une stratégie canadienne d’électrification des transports comprenant une stratégie de chaîne d’approvisionnement des VZE, à une évolution des rabais accordés pour les VZE, afin de s’assurer qu’ils incluent les VZE d’occasion et les camions électriques légers à venir tels que les VUS électriques ou les camionnettes électriques comme le nouveau Ford F-150, dévoilé hier, mais qui ne fera pas l’objet d’un rabais. Pensons enfin aux détails du programme d’autobus urbains et d’autobus scolaires électriques d’Infrastructure Canada qui, pour l’instant, a provoqué un arrêt des ventes parce que tout le monde attend le programme.

Il y a tout juste deux jours, le président Biden a annoncé qu’il souhaitait que les États-Unis deviennent le leader mondial de la fabrication de véhicules électriques. C’est pourquoi MEC soutient pleinement l’accord des gouvernements canadien et américain sur l’importance de développer un véhicule à émission zéro et une stratégie concernant les batteries. Toutefois, selon le rapport de Clean Energy Canada publié cette semaine et auquel MEC a participé :

[...] malgré les actions prises à ce jour, les parties prenantes de l’industrie estiment que le Canada est encore loin d’avoir une chaîne d’approvisionnement de batteries mature.

On pourrait dire la même chose de la chaîne d’approvisionnement des VZE.

Selon un rapport de MEC qui sera bientôt publié, en 2020, la Chine contrôlait 54 % de la capacité de production des 15 plus grandes usines de batteries du monde, devant la Corée du Sud avec 28 % et le Japon avec 14 %. Cela signifie que 96 % de la capacité de production de batteries est détenue par des entreprises asiatiques. C’est pourquoi, pour des raisons économiques, environnementales et géopolitiques, nous recommandons que le Canada élabore sa propre stratégie d’électrification des transports qui comprenne une stratégie de chaîne d’approvisionnement de VZE, davantage d’infrastructures de recharge, des rabais pour VZE légers, lourds et hors route, des programmes d’éducation et de formation et, enfin, une réglementation sur les véhicules à émission zéro, car les mesures volontaires ne suffiront pas pour que le Canada atteigne ses objectifs en matière de changements climatiques et d’adoption de VZE.

Nous recommandons aussi que les entreprises canadiennes et américaines liées aux VZE obtiennent un accès prioritaire à nos propres minéraux et métaux stratégiques, afin que le Canada ne se contente pas d’exporter ses ressources naturelles là où elles seront transformées en produits finis pour les véhicules électriques, ce qui signifie que la valeur ajoutée serait apportée à l’extérieur du pays. Nous recommandons de plus que les produits, les technologies et les services canadiens liés aux VZE aient accès au marché américain, et que nous abordions la question du Buy American Act pour voir comment les deux pays peuvent travailler ensemble sur une stratégie nord-américaine pour les VE inspirée de celle de l’Europe.

[Français]

C’est pourquoi Mobilité électrique Canada, en collaboration avec d’autres intervenants de l’industrie canadienne, annoncera officiellement au mois de juin le lancement d’une initiative canadienne pour la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques, que l’on désigne en anglais sous le nom de Canadian ZEV Supply Chain Alliance, afin de contribuer à accélérer la transition industrielle du Canada en électrification des transports.

Plus tard, si le temps nous le permet, Mobilité électrique Canada formulera sept recommandations plus précises pour accélérer la reprise économique et les exportations canadiennes grâce à l’électrification des transports.

Je vous remercie.

Le président : Merci, monsieur Breton.

[Traduction]

Brian Kingston, président et chef de la direction, Association canadienne des constructeurs de véhicules : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui dans le cadre de l’étude du comité.

L’Association canadienne des constructeurs de véhicules, l’ACCV, est l’association industrielle qui représente les principaux fabricants canadiens de véhicules légers et lourds. Nous comptons parmi nos membres Ford du Canada Limitée, General Motors du Canada et Stellantis, aussi connue sous le nom de FCA Canada Inc.

Le secteur de la construction automobile génère environ 16 milliards de dollars d’activité économique, donne lieu à 135 000 emplois directs et à plus d’un demi-million d’emplois indirects. L’an dernier, nous étions le deuxième secteur d’exportation en importance au Canada, avec des exportations de 42,9 milliards de dollars.

L’année passée a été extrêmement difficile pour notre secteur. Les ventes ont diminué de près de 20 % par rapport à l’année précédente. Il s’agit de la plus forte baisse annuelle depuis des décennies. Aujourd’hui, nous continuons de faire face à des difficultés en raison de l’incertitude liée à la pandémie et de la pénurie mondiale de semi-conducteurs. Celle-ci devrait entraîner une réduction de la production de véhicules en Amérique du Nord de plus d’un million d’unités.

Malgré ces difficultés, l’industrie nord-américaine intégrée investit considérablement dans l’électrification, les véhicules connectés et la conduite autonome. Les constructeurs automobiles investissent environ 300 milliards de dollars à l’échelle mondiale dans l’électrification seulement, et certains s’engagent à électrifier entièrement leur parc de véhicules. Les entreprises membres de l’ACCV ont annoncé de nouveaux investissements de 5,7 milliards de dollars au Canada au cours des 10 derniers mois, dont une grande partie est consacrée à la construction de véhicules électriques.

En ce qui concerne le budget de 2021, nous saluons l’engagement pris envers l’industrie automobile et la transition vers les véhicules électriques. Cela comprend le financement de codes et de normes coordonnés pour l’infrastructure de recharge des VE; de nouvelles sommes versées dans le Fonds stratégique pour l’innovation; l’accélérateur net zéro; le financement de la recherche et du développement pour faire progresser le traitement des minéraux essentiels des batteries; et un projet de réduction du taux d’imposition des entreprises qui fabriquent des technologies sans émission au Canada, comme les VE. Nous avons hâte d’en apprendre davantage sur ces propositions au fur et à mesure de l’évolution du projet de loi.

Pour faire suite au projet de loi C-30, nous accueillons favorablement la disposition visant à étendre la déduction pour amortissement, ou DPA, de 100 % — accordée aux entreprises qui investissent dans certains véhicules zéro émission — pour qu’elle s’applique à un plus large éventail d’équipements et de véhicules admissibles. Nous croyons que cet élargissement aidera les entreprises et les parcs de véhicules à adopter des VE.

Nous encourageons également le gouvernement à augmenter le plafond de 55 000 $, compte tenu du nombre croissant de modèles de véhicules électriques qui arrivent sur le marché. Pour que les entreprises et les propriétaires de parcs de véhicules puissent se prévaloir de la DPA, il est important que celle-ci s’applique également aux véhicules plus gros qui arrivent sur le marché, dont les camionnettes et les VUS, couramment utilisés par les entreprises et les parcs de véhicules. Nous estimons que le processus de demande devrait obéir à des exigences administratives réduites au minimum.

Même si toutes ces mesures sont encourageantes, je crois que nous devons être plus ambitieux si nous voulons profiter de cette transition vers les véhicules électriques. Nous avons besoin d’un plan audacieux et complet pour éliminer les obstacles bien connus et bien documentés à l’adoption des VE, et nous n’aboutirons que si nous réunissons tous les acteurs clés, y compris les constructeurs d’automobiles, les concessionnaires, les provinces et les territoires, le gouvernement fédéral, les municipalités, les organismes d’éducation sans but lucratif et les fournisseurs d’énergie.

Le plus récent sondage sur l’attitude des Canadiens à l’égard des véhicules électriques révèle que nous devons faire beaucoup plus pour stimuler la demande des consommateurs. Les consommateurs sont toujours très préoccupés par l’autonomie des véhicules, par leur prix d’achat plus élevé, par le manque d’infrastructures de recharge publiques et par le temps nécessaire pour recharger une batterie. Comment régler ces problèmes? Nous avons besoin d’incitatifs à l’achat de VE tant que nous n’aurons pas atteint la parité des prix avec les véhicules à essence. Il nous faut améliorer l’accès aux infrastructures de recharge des VE et mieux informer la population.

Tant que la parité des prix n’aura pas été atteinte, des incitatifs comme le programme iVZE du gouvernement fédéral et d’autres incitatifs financiers et non financiers pour les consommateurs, comme l’accès à des voies à fort taux de desserte, seront essentiels au cours de la prochaine décennie pour compenser les coûts plus élevés auxquels sont confrontés les consommateurs. Nous recommandons que le gouvernement fédéral élargisse le programme iVZE pour que soient admis des véhicules plus gros et plus coûteux, étant donné que ces véhicules sont très populaires auprès des Canadiens. Nous pensons que la taxe de luxe proposée dans le budget nuira aux efforts déployés pour que plus de Canadiens passent à l’électrique, compte tenu du prix plus élevé des VZE, jusqu’à ce que nous atteignions la parité des prix.

D’un autre côté, nous pensons que le Canada pourrait se montrer plus énergique dans la bonification du réseau d’infrastructures de recharge des VE afin que plus de gens adhèrent à ces nouveaux véhicules. Nous aurons besoin de centaines de milliers de nouvelles bornes de recharge dans les prochaines années si nous voulons répondre aux préoccupations relatives à l’autonomie des VE.

Franchement, nous n’avons pas de temps à perdre. Nous avons vu que, dans son plan pour relancer l’emploi aux États-Unis, l’administration Biden s’est engagée à investir 100 milliards de dollars dans des mesures d’incitation à la consommation et 15 milliards de dollars dans le déploiement de 500 000 bornes de recharge pour véhicules électriques. Si nous voulons réussir cette transition, nous devons agir de façon proportionnelle.

Sur ce, je vous remercie du temps que vous m’avez accordé et je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci à nos témoins. Nous allons passer aux questions. Je précise aux sénateurs qu’au cours de cette séance, ils disposeront d’un maximum de sept minutes chacun pour le premier tour. Par conséquent, je les prie de poser leurs questions directement aux témoins et j’invite ceux-ci à répondre de façon concise.

À partir de maintenant, le greffier fera un signe de la main pour vous indiquer que votre temps est écoulé. Honorables sénateurs, avant d’inviter la sénatrice Marshall à poser ses questions, je tiens à souhaiter la bienvenue à la sénatrice Pate, qui s’est jointe à nous pour cette réunion. Bienvenue, sénatrice Pate.

La sénatrice Marshall : Ma première question concerne les véhicules électriques. L’objectif premier est de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Il me semble que nous ratons toujours nos objectifs. Il y a quelque temps, il était question de réduire, d’ici 2030, ces émissions de 40 à 45 % par rapport à leur niveau de 2005.

Quant aux véhicules électriques, il ne faut pas compter entièrement sur eux pour réduire les gaz à effet de serre. Savez-vous si votre secteur les a effectivement réduits? Est-il possible d’isoler les différents secteurs et de se concentrer sur le vôtre pour voir dans quelle mesure vous avez réussi à réduire les gaz à effet de serre? J’inviterais d’abord M. Breton à répondre, avant de passer à M. Kingston, puis à M. Sanger.

M. Breton : Prenons, par exemple, les véhicules utilitaires légers. Entre 1990 et 2019, les gaz à effet de serre qu’ils produisent ont augmenté de 155 % du fait que les gens ont délaissé l’automobile pour les utilitaires légers, y compris les VUS, les véhicules multisegments et les camionnettes. C’est donc un problème grandissant, non seulement ici au Canada, mais également aux États-Unis.

Comme M. Kingston le disait, si les gens étaient plus nombreux à acheter des véhicules électriques — voitures ou camionnettes —, ce serait toujours cela de gagné.

Nous nous attardons aux émissions de gaz à effet de serre, mais c’est seulement une partie du problème. Il ne faut pas perdre de vue l’autre partie, qui est la pollution atmosphérique. En 2021, il y a quelques semaines à peine, Santé Canada a publié un rapport qui établit le coût économique de la pollution atmosphérique à 120 milliards de dollars par année, dont une partie considérable est attribuable aux transports et au secteur pétrolier et gazier. Ainsi, selon le polluant, entre 30 et 70 % de la pollution provient de ces deux secteurs.

Il y a beaucoup à faire parce qu’il y a de plus en plus de véhicules électriques sur les routes. Prenons deux exemples. Si on compare une Honda Civic à une Honda CR-V, la nouvelle Honda CR-V est peut-être plus écoénergétique que le modèle précédent, mais c’est quand même un véhicule plus lourd que l’ancienne Civic. Ainsi, lorsque les gens passent d’une petite voiture à une petite camionnette, il n’y a aucun gain au chapitre des émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi nous devons prendre le virage vers l’électrique.

La sénatrice Marshall : D’accord. Avant de laisser la parole à M. Kingston, dites-nous s’il y a moyen de mesurer la contribution de votre secteur aux réductions? Il me semble que nous continuons d’établir des objectifs que nous n’atteignons pas. Nous fixons ensuite de nouveaux objectifs. Nous avons maintenant établi la cible pour 2030. J’en prends note, mais je n’ai pas grand espoir qu’on l’atteigne, vu notre feuille de route peu reluisante.

Est-il possible d’isoler votre secteur et de dire que, comparativement aux autres, vous avez fait une réelle contribution, que les véhicules électriques donnent d’excellents résultats. Est-il possible de le faire?

M. Breton : C’est tout à fait possible. Où que vous soyez, au Québec, en Colombie-Britannique, en Alberta ou ailleurs, les émissions de gaz à effet de serre seront réduites par le virage à l’électrique. Si on regarde précisément les véhicules électriques, un tel virage, véhicule par véhicule, se traduirait, selon le véhicule et l’endroit, par une réduction des gaz à effet de serre de 20 à 75 %.

Quel que soit l’endroit au Canada ou le véhicule en question, les émissions de gaz à effet de serre en seront invariablement réduites. Vous avez tout à fait raison : entre 2005 et 2019, donc sur 14 ans, les émissions de gaz à effet de serre n’ont diminué que de 1 % au Canada, et il nous reste maintenant 9 ans pour les réduire de 39 %. Il y a donc beaucoup de travail à faire. Ce n’est pas seulement dans les transports et aux véhicules électriques que nous approcherons du but; nous devrons faire des gains dans tous les domaines à la grandeur du pays.

La sénatrice Marshall : Monsieur Kingston, j’aimerais savoir ce que vous en pensez. Je doute que nous atteignions la cible de 2030.

M. Kingston : Je vous remercie, madame la sénatrice. C’est une excellente question. Les émissions des véhicules utilitaires légers représentent 12 % du total au Canada. Ce n’est pas négligeable, bien sûr, mais des gains d’efficacité considérables devront être réalisés dans d’autres secteurs pour que nous puissions atteindre nos objectifs globaux.

Les investissements des constructeurs automobiles dans les nouvelles technologies — je parlerai des véhicules électriques dans un instant — ont amélioré l’efficacité énergétique des véhicules à essence. Par exemple, la technologie qui éteint le moteur quand on s’arrête à un feu rouge rend le véhicule plus efficace. Nous avons constaté des gains importants dans ce domaine. Entre 2005 et 2030, pour les nouveaux véhicules, les émissions de GES diminueront d’au moins 30 %, cela simplement du fait des améliorations technologiques apportées aux véhicules à essence.

Pour revenir à ce que disait M. Breton, nous avons vu le parc de véhicules prendre de l’expansion. De plus en plus de gens achètent des véhicules. Quand le parc de véhicules grandit, les émissions augmentent. Que devons-nous faire? Nous devons encourager l’achat de véhicules électriques. L’an dernier, les véhicules électriques comptaient pour moins de 4 % des ventes totales de véhicules neufs. Ce sera un élément essentiel.

Il y a un autre point, que je n’ai pas encore mentionné, soit la mise au rancart de véhicules. Nous devons trouver un moyen de renouveler le parc de véhicules. Il y a beaucoup de vieux véhicules sur la route au Canada, dont bon nombre sont plus polluants, moins efficaces que les nouveaux. Comment pouvons-nous retirer ces véhicules de la circulation et réduire ainsi les émissions? Le meilleur moyen, ce serait un programme de mise au rancart — comme celui envisagé par le gouvernement Biden — pour inciter les Canadiens à acheter un véhicule neuf.

La sénatrice Marshall : Monsieur Sanger, vous avez consacré une bonne partie de votre déclaration préliminaire aux changements climatiques. Je vous invite donc à poursuivre sur ce thème. Merci.

M. Sanger : Tout d’abord, je tiens à dire à quel point je suis frappé par l’engagement de sociétés comme GM et d’autres constructeurs automobiles à passer à l’électrique. J’en ai été impressionné au point d’avoir acheté des actions de GM au début de l’année dernière, et je me félicite de les voir à la hausse depuis.

Il ne faut pas oublier qu’une grande partie de nos émissions se trouvent en amont, produites dans la fabrication des biens que nous achetons. Nous devons tenir compte de cela également. Bien sûr, les émissions directes sont importantes, mais il y a en fait des émissions qui résultent des biens et services produits ici et aussi de ceux que nous importons. Il se peut que les émissions augmentent provisoirement, mais elles diminueront à plus long terme, au cours de la durée de vie des véhicules et des produits.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci aux témoins de nous faire partager cette expertise. Mes deux premières questions s’adresseront à M. Sanger. J’ai relevé, à plusieurs occasions, une situation qui m’apparaît totalement immorale, soit que des entreprises cotées en bourse reçoivent des subventions salariales et, par la suite, augmentent leurs dividendes et les bonis de leurs hauts dirigeants.

Que pensez-vous du fait qu’il n’y ait aucune mesure, dans le projet de loi C-30, qui permet de colmater ces brèches en ce qui a trait à ces subventions déguisées en dividendes et en bonis accordés à de hauts gestionnaires? Ma deuxième question concernera le logement social.

[Traduction]

M. Sanger : Je répondrai d’abord à cette première question. Il y a eu toute une controverse entourant les déductions pour options d’achat d’actions. Il s’agissait à l’origine de donner aux cadres supérieurs et aux dirigeants une sorte d’intéressement dans l’entreprise, taxé à la moitié du taux d’imposition légal applicable aux autres revenus. Ce qui s’est passé dans bien des cas, c’est que les options d’achat d’actions ont donné lieu à différentes formes de manipulations. Beaucoup d’entreprises, plutôt que d’investir dans l’économie, ont procédé à des rachats d’actions, ce qui a eu pour effet d’accroître la rémunération de leurs propres cadres en faisant monter le cours de leur action. L’ancien directeur de l’école de commerce de l’Université de Toronto a écrit un livre dans lequel il ne s’est pas retenu pour critiquer les options d’achat d’actions et les déductions fiscales s’y rattachant. Une très grande partie de cette forme de rémunération va au 1 % le plus riche de la population.

Nous sommes heureux que le gouvernement ait pris des mesures à cet égard, mais je suis d’accord avec des gens comme Warren Buffet, Bill Gates et Bill Gross, qui gèrent les plus grosses fortunes du monde, pour dire que les différentes formes de revenu — options d’achat d’actions, gains en capital et autres — devraient être imposées au même taux. Je ne suis pas sûr si c’est bien de cela que vous parliez. Il y a également eu, cette dernière année, une augmentation du versement de dividendes par des entreprises qui ont reçu des subventions de l’État. Je trouve cela vraiment préoccupant.

[Français]

Le président : Monsieur Breton, avez-vous un commentaire?

M. Breton : Non, ce n’est pas mon domaine d’expertise et je ne veux pas me « mettre le pied dans la bouche », comme on dit en langage québécois.

[Traduction]

Le président : Monsieur Kingston, avez-vous une observation?

M. Kingston : Non. Ce n’est pas mon domaine, et je m’abstiendrai donc.

[Français]

Le sénateur Forest : Bienvenue, monsieur Breton. Dans son mémoire, Mobilité électrique Canada propose de se doter d’une stratégie canadienne d’électrification des transports. Je crois que c’est une excellente suggestion.

Vous dites que le Canada doit se doter d’une stratégie canadienne d’électrification des transports. Je croyais — naïvement peut-être — que, compte tenu des investissements massifs du Canada, des provinces et des municipalités dans ce domaine, on avait à tout le moins adopté une vision commune pour encadrer ce secteur.

Qu’entendez-vous par « stratégie canadienne d’électrification des transports » et comment cela peut-il se faire dans un cadre canadien, alors que les provinces et les municipalités ont également un rôle à jouer?

M. Breton : Il faut s’assurer que les provinces, les municipalités et les entreprises ne travaillent pas en silo.

À l’heure actuelle, il y a des programmes ici et là, mais il n’y a pas de vision cohérente. Il y a des expertises qui sont complémentaires. Par exemple, en Colombie-Britannique, il y a beaucoup d’expertise dans le domaine de l’hydrogène. L’Ontario est le berceau des véhicules légers au Canada. Au Québec, il y a beaucoup d’expertise en électrification des transports. Il y en a également à l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, où on a développé toute une expertise par rapport aux batteries de véhicules électriques.

Si on considère cela, en plus du fait qu’on a au Canada un secteur minier extrêmement prolifique, qui veut lui aussi s’engager de plus en plus dans l’électrification des transports, nous sommes d’avis que le Canada peut avoir une stratégie gouvernementale fédérale qui donnera le ton. Dans le cadre des discussions que nous avons actuellement avec le gouvernement américain, il faut connaître nos atouts et nos faiblesses, et il faut également savoir comment travailler en collaboration avec le gouvernement américain.

On ne veut pas que les États-Unis s’approprient nos ressources naturelles, les exportent aux États-Unis et fabriquent le produit fini, pour qu’on doive en fin de compte acheter des batteries, des véhicules et des composantes qui viennent d’ailleurs.

Le sénateur Forest : On ne veut pas passer de région-ressource à pays-ressource, finalement.

M. Breton : C’est cela.

Le sénateur Forest : Qui doit prendre l’initiative de cet exercice de concertation de ce point de vue?

M. Breton : Chez Mobilité électrique Canada, nous mettons sur pied en ce moment un groupe pour réunir autour de la table des acteurs du secteur minier, de la recherche, de la mobilité électrique et des constructeurs de véhicules pour travailler en collaboration avec les agences gouvernementales et les ministères. Cela permettra de développer un plan national en collaboration avec le secteur privé, le secteur de la recherche, les universités et les gouvernements.

Le sénateur Forest : On essaie de travailler de plus en plus avec des camions légers électriques. Compte tenu de la fonction de ces véhicules, qui servent souvent à un usage commercial, et étant donné que le réseau de bornes se développe assez bien — même s’il n’y a pas encore suffisamment de bornes à recharge rapide —, pensez-vous qu’il pourrait y avoir une période durant laquelle on pourrait également favoriser l’acquisition de véhicules hybrides, qui fonctionnent donc à la fois avec l’électricité et avec l’essence conventionnelle?

M. Breton : Cela fait presque un quart de siècle, soit depuis 1997, qu’il y a des véhicules hybrides sur le marché. On a dépassé cette technologie dans la plupart des cas. On en est maintenant aux véhicules hybrides rechargeables. GM et Ford vont en ce sens. C’est donc une technologie qui, à bien des égards, est déjà désuète. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut davantage d’infrastructures à travers le pays. Si on regarde la Colombie-Britannique ou le Québec, il y a beaucoup d’infrastructures de recharge. Il y a d’autres régions au Canada où les structures de recharge manquent et il faut s’assurer d’accélérer leur déploiement, avec le soutien de Ressources naturelles Canada.

Le sénateur Forest : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités. Je vous remercie de vos déclarations préliminaires et de vos exposés.

J’aimerais parler de quelques approches différentes dans certains domaines déjà abordés. Vous en avez mentionné un dans votre déclaration préliminaire, monsieur Kingston.

Dans le budget de 2021, le gouvernement se propose d’investir 5 milliards de dollars sur sept ans dans le programme Accélérateur net zéro du Fonds stratégique pour l’innovation, portant son financement total à 8 milliards de dollars. Le Fonds a pour objet d’accélérer le lancement de projets de décarbonisation avec les grands émetteurs, d’intensifier le recours aux technologies propres et d’accélérer la transformation industrielle du Canada dans tous les secteurs. Pouvez-vous renseigner le comité sur le rôle, le cas échéant, que jouera ce programme pour inciter les constructeurs de véhicules à passer rapidement à la production de véhicules à émission zéro? Cela influera-t-il sur les plans de production des constructeurs de façon à les amener à construire davantage de camions ayant la capacité de charge et la puissance nécessaires? De plus, où en sommes-nous avec la mise en marché d’un plus grand nombre de véhicules alimentés à l’hydrogène et l’établissement de postes de ravitaillement en hydrogène?

M. Kingston : Je vous remercie, monsieur le sénateur.

Pour ce qui est du Fonds stratégique pour l’innovation et de l’Accélérateur net zéro, nous sommes très encouragés par ces annonces et par le financement supplémentaire qui est prévu. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, il y a actuellement d’énormes investissements qui se font à l’échelle mondiale dans l’électrification. En particulier, alors que nous sortons de la pandémie de la COVID et que l’économie et l’emploi se relèvent de l’immense choc qu’elle a provoqué, partout au monde les pays se livrent une concurrence très agressive pour attirer de nouveaux investissements dans le secteur de la construction automobile.

Nous avons eu la chance de voir General Motors, Ford et Stellantis s’engager à investir 5,7 milliards de dollars au Canada. Il y aura à l’avenir d’autres occasions d’attirer de nouveaux investissements. Pour cela, il faudra des programmes qui indiquent aux constructeurs automobiles mondiaux que nous sommes sérieux, que nous tenons à occuper notre place dans la chaîne d’approvisionnement et que le gouvernement fédéral, non pas tout seul, mais de concert avec les provinces et les municipalités, est décidé à aider à ce que cela se fasse. Je pense donc que ce programme est très important. Il envoie un puissant signal aux fabricants.

Quant à l’hydrogène, les acheteurs de véhicules légers marquent actuellement une préférence pour les véhicules à batterie entièrement électrifiés. C’est là que la demande est forte. Cependant, l’hydrogène demeure très prometteur, surtout dans le cas d’un parc de véhicules ayant une station de ravitaillement à un endroit donné à partir duquel ils peuvent rayonner. Il l’est également pour le transport lourd, comme le camionnage sur long parcours, où il peut y avoir des distances considérables entre les stations de ravitaillement.

Il est sûr que l’hydrogène a sa place, mais, en ce qui concerne les véhicules légers, nous constatons que la tendance actuelle privilégie l’électrique.

Le sénateur Klyne : Merci. Ma prochaine question s’adresse à M. Breton ou à M. Kingston.

Quelqu’un a parlé dans sa déclaration préliminaire de la déduction pour amortissement. Comme nous le savons, dans l'alinéa bb) de la partie 1 du projet de loi C-30, le gouvernement propose une déduction pour amortissement de 100 % la première année pour les entreprises qui mettent en service des véhicules neufs ou usagés à zéro émission. Vous avez, monsieur Kingston, amené la question sur le tapis pour moi.

Monsieur Kingston et monsieur Breton, quelle est votre estimation de l’incidence de cette déduction pour amortissement accéléré? Les gestionnaires de parc de véhicules vont-ils renouveler leur parc d’un coup au moyen de véhicules neufs et usagés à zéro émission ou s’agira-t-il d’un changement progressif? Si l’on devait constater un taux de participation moins qu’optimal, serait-ce parce qu’il aurait fallu proposer d’autres mesures pour inciter les entreprises à accélérer leur conversion à des véhicules à zéro émission? De plus, le réseau de bornes de recharge est-il en place pour soutenir les parcs de véhicules à zéro émission qui empruntent la route 1, la route de Yellowhead et les routes qui vont jusqu’au 55e parallèle et au-delà, ou est-ce qu’il dessert principalement les parcours de courte et de moyenne distance entre les centres d’affaires du Canada entre les 49e et 55e parallèles? Vous avez laissé entendre que l’hydrogène pourrait jouer un rôle ici.

M. Kingston : Pour ce qui est de la déduction pour amortissement accéléré et la conversion des parcs de véhicules, oui, nous nous en réjouissons. Nous pensons que c’est le genre de politique qu’il faut. Cependant, pour les parcs de véhicules commerciaux, il y a de véritables défis qu’il nous faudra surmonter avant de voir une participation importante.

Le premier est la disponibilité des véhicules. Pour beaucoup de parcs de véhicules, ce qui est recherché, ce sont des camions de livraison et des camionnettes. Cela s’en vient. Par exemple, GM a annoncé qu’elle allait construire le camion de livraison électrique BrightDrop ici au Canada. Nous avons le nouveau Ford F-150 Lightning électrifié. Ils ne sont pas encore disponibles. Lorsqu’ils le seront, cela contribuera à stimuler la conversion.

Vous avez parlé de l’infrastructure de recharge. Comme pour les acheteurs, nous n’en avons tout simplement pas assez et, tant que cette infrastructure ne sera pas complète, cela demeurera un obstacle à la conversion des parcs de véhicules.

Le dernier élément est le coût et l’importance des mesures incitatives. La déduction pour amortissement accéléré est utile, mais les gestionnaires de parc de véhicules savent mieux que quiconque calculer, jusqu’au dernier sou, le coût total du cycle de vie d’un véhicule. Faute de pouvoir présenter des arguments probants sur le coût total d’un parc de véhicules électriques par rapport à celui d’un parc de véhicules à essence, il sera difficile de les convaincre. Il est nécessaire que ces mesures incitatives soient en place et qu’elles s’appliquent aux véhicules plus lourds et plus coûteux.

M. Breton : Je me suis livré à des calculs avec différentes entreprises qui envisageaient d’adopter des véhicules électriques pour leur parc. Beaucoup sont réticentes à s’aventurer en terrain inconnu, qu’il s’agisse de véhicules légers, moyens ou lourds, même si c’est un choix logique sur le plan financier. Nous devons éduquer et former les gens pour qu’ils se tournent vers l’électrique. Ce n’est pas chose faite. Il faut asseoir les gens dans les véhicules pour qu’ils comprennent leur fonctionnement. C’est très important. C’est un problème auquel nous devons nous attaquer.

Je dirais aussi que, à l’heure actuelle, beaucoup de gestionnaires de parc de véhicules ne passent pas à l’électricité en raison des problèmes de disponibilité, comme M. Kingston l’a dit. Par exemple, Postes Canada cherche des véhicules de livraison électriques, mais n’en trouve pas en Amérique du Nord. C’est un problème. Pour les véhicules utilitaires légers, c’est également compliqué.

Quant à l’infrastructure, pour la plupart des besoins, les véhicules électriques à batterie, soutenus par une solide infrastructure, feront l’affaire. Mais dans le cas du camionnage lourd et du transport sur longue distance, c’est plutôt l’hydrogène qui retient notre attention.

Le sénateur Richards : Merci aux témoins. Ma question s’adresse à M. Kingston et à M. Breton.

L’électrification est-elle une solution à long ou à moyen terme à notre problème de consommation de combustibles fossiles? Quels sont les problèmes associés aux véhicules électriques qui pourraient être mis à jour, comme la pollution produite à la source? Qui contrôlera la capacité de produire et de commercialiser ces véhicules? Le savoir-faire et la capacité industrielle des États-Unis vont-ils encore une fois nous submerger ou serons-nous en mesure de produire les nôtres? Je crois que M. Breton a mentionné ce point.

J’invite M. Kingston ou M. Breton à répondre à ces questions.

M. Breton : Si nous parlons de l’incidence environnementale des véhicules électriques, certainement qu’il y en a une. Il n’existe aucun véhicule sans incidence environnementale, mais celle des véhicules électriques est bien inférieure à celle des véhicules à essence ou au diesel de taille comparable.

Leur grand avantage, c’est que nous perdons beaucoup moins de ressources du fait qu’il est possible de récupérer et de réutiliser les batteries en fin de vie. Il y a des entreprises en Ontario et au Québec, par exemple Li-Cycle ou Lithion, qui réussissent à récupérer jusqu’à 95 % des composants des batteries en fin de vie. Cela fait une grande différence. L’essence qu’on brûle s’envole en fumée et c’est fini. Il ne reste plus rien à récupérer.

Pour ce qui est du savoir-faire aux États-Unis par rapport au Canada, c’est la raison pour laquelle nous travaillons à mettre sur pied l’alliance de la chaîne d’approvisionnement des VZE, afin que le Canada puisse se présenter à la table avec de solides arguments et dire au gouvernement américain : « Nous voulons travailler avec vous, mais nous ne nous contenterons pas d’être simplement votre fournisseur de ressources. » Nous avons au Canada un savoir-faire qui peut être très précieux dans un partenariat canado-américain, surtout à la lumière de ce qui s’est fait en Chine et de ce qui se fait actuellement en Europe. Ils ont élaboré une vision et un plan d’électrification à l’échelle continentale. C’est pourquoi nous devons élaborer notre propre plan, sans quoi nous serons laissés pour compte.

Pour vous donner un exemple, nous avons moins de 500 autobus électriques municipaux et scolaires au Canada. Il y en a plus d’un demi-million en Chine. Nous sommes loin derrière. Nous avons beaucoup de travail à faire pour ne pas être déclassés.

M. Kingston : En ce qui concerne les véhicules électriques comme solution miracle pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, je répète que les véhicules utilitaires légers comptent pour 12 % des émissions.

M. Breton : En fait, c’est plus que cela, monsieur Kingston. Quand on fait entrer en ligne de compte l’extraction de pétrole, c’est le double.

M. Kingston : Pour le parc actuel de véhicules utilitaires légers, c’est 12 % de nos émissions totales. Ce chiffre vient d’ECCC. C’est une partie de la solution, mais pour atteindre le zéro net, il faudra un effort de réduction dans l’ensemble de l’économie.

Quant à l’électrification, comme notre production d’électricité est relativement propre au Canada, nous estimons qu’un VE produira des émissions de GES jusqu’à 90 % inférieures à celles d’un véhicule à essence. Encore une fois, cela suppose que l’électricité utilisée pour la recharge provient de source hydroélectrique ou nucléaire. Les avantages sont donc énormes.

M. Breton a très bien parlé de la récupération, mais je tiens à souligner qu’il y a toutes sortes de nouvelles entreprises qui sont capables de réutiliser une batterie de VE pour le stockage d’énergie ou d’en faire la récupération complète en extrayant les minéraux des terres rares qui s’y trouvent et en les réutilisant à d’autres fins. Il y a donc d’importantes possibilités de récupération.

Enfin, pour ce qui est des possibilités qui s’offrent à nous, nous bénéficions déjà des investissements faits dans les installations de montage ici au Canada, ce qui est une excellente chose, mais il y a encore d’énormes possibilités, depuis l’exploitation minière jusqu’à la mobilité électrique. Nous avons les minéraux. Nous savons que nous avons des ressources naturelles qui font l’envie du monde entier. Si nous arrivons à mettre en place la capacité de transformation nécessaire, nous pourrons, je pense, devenir l’un des pays les plus sûrs, les plus responsables et les plus viables quant à ces minéraux essentiels qui entreront dans la chaîne d’approvisionnement.

Le sénateur Richards : C’est formidable. J’espère que tout cela se réalisera. Mais qui fabrique ces véhicules et camions légers en ce moment?

M. Kingston : Au Canada?

Le sénateur Richards : Oui. D’où viennent ces camions et véhicules légers? Est-ce que nous fabriquons nos propres modèles ou est-ce qu’ils sont ceux de Ford, de GM et de Chevy?

M. Kingston : Pour le moment, il y a trois fabricants qui prévoient construire des véhicules utilitaires légers au Canada, soit Ford, General Motors et FCA, ou Stellantis.

Le sénateur Richards : C’est ce que je demandais. Je considérais l’électrification des voitures comme une solution intermédiaire à notre problème de transport. C’est ainsi que je vois les choses. Suis-je complètement à côté de la plaque? Pensez-vous que ce sera une solution durable à notre problème de consommation de combustibles fossiles et de transport? Je sais que nous regardons vers l’avenir, mais j’ai pensé qu’il serait utile de poser la question.

M. Breton : À l’avenir, les véhicules électriques feront partie de la solution. Ce ne peut pas être l’unique solution, comme M. Kingston l’a dit. Nous devons nous efforcer d’accroître le transport en commun, le télétravail et le transport actif. Ce n’est qu’une partie de l’équation, mais elle est très importante. Si vous pensez qu’à l’avenir ce ne sera peut-être pas des véhicules électriques mais autre chose, je dois dire que je travaille, bien que formé en biologie, avec des chimistes, des physiciens et des ingénieurs, qui tous se tournent vers le transport électrique.

M. Kingston : Je suis d’accord. C’est un élément clé du plan de réduction des émissions dans le secteur des transports et, oui, il y aura d’autres technologies, mais l’électrification est vraiment la voie dans laquelle nous nous dirigeons.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

Le sénateur Smith : Je remercie les témoins de leur participation aujourd’hui. Je vais m’adresser d’abord à M. Sanger, représentant de Canadiens pour une fiscalité équitable, et lui poser une ou deux questions.

Au sujet de l’évitement fiscal et de l’évasion fiscale, votre organisme a demandé au gouvernement fédéral de renforcer davantage l’ARC pour s’attaquer à ces problèmes. Le Canada est l’un des rares pays à n’avoir pas encore fait de réclamations ou porté d’accusations criminelles, si vous voulez, à la suite des révélations des Panama Papers, et il tarde à recouvrer l’argent des contribuables. Le gouvernement s’est vanté d’avoir accru le financement accordé à l’ARC à cette fin, mais il semble que nous avons toujours un retard sur les autres pays.

Pourquoi sommes-nous en retard par rapport à tant de pays dans la lutte contre l’évitement fiscal et l’évasion fiscale? Est-ce une question de financement ou de volonté politique de la part du gouvernement? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

M. Sanger : Merci beaucoup de la question. Votre collègue, le sénateur Percy Downe, s’est exprimé très clairement et éloquemment sur ces questions, et nous lui en sommes très reconnaissants.

Vous avez tout à fait raison. Le Canada n’a ni recouvré son argent, ni poursuivi qui que ce soit à la suite de la fuite des Panama Papers. L’ARC nous dit qu’elle continuait l’examen de certains de ces cas, mais aucune accusation n’a encore été portée. Il y a eu des compressions assez importantes à l’ARC, se répercutant en particulier sur l’examen des opérations à l’étranger et des grandes fortunes; d’autres études, comme celles de la vérificatrice générale, ont révélé que l’ARC avait été plus indulgente dans ces dossiers.

Nous sommes heureux de l’accroissement du financement. Nous avons entendu parler du financement accru surtout dans ces domaines. C’est important. Nous aurons besoin de plus de ressources financières pour soutenir les activités d’application de la loi, de vérification et autres. L’ARC fait valoir que ces dossiers sont plus complexes, mais cela fait quand même plus de cinq ans qu’ils traînent.

Et puis, il y a les poursuites. Je n’aime pas réclamer plus de fonds pour payer les avocats, mais il importe davantage dans ce domaine d’être en mesure d’intenter de solides poursuites. Il est également important d’adopter des lois plus sévères.

Je félicite l’ARC d’avoir porté certaines des affaires plus importantes devant la Cour suprême, bien que celle-ci l’ait déboutée, cela en raison du manque de rigueur de la loi.

Votre collègue, le sénateur Percy Downe, a soutenu que nous devrions criminaliser la détention non divulguée d’un compte bancaire à l’étranger. Cela pourrait aussi faire partie de la solution.

Le sénateur Smith : Avez-vous, en tant qu’association, décrit précisément quelles mesures, à vos yeux, seraient essentielles pour voir un début de progrès dans ce domaine? Je pose la question parce que, depuis les 10 années que je siège au Comité des finances du Sénat, il a toujours été question de l’insuffisance de nos efforts pour corriger un tant soit peu la situation. Cette situation a son importance non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour les gens de partout dans le monde, pour peu que l'on considère la richesse et sa répartition sous l’angle de l’équité. Qu’avez-vous à dire à ce sujet?

M. Sanger : Je suis tout à fait d’accord. L’un des problèmes sur lequel le Comité des finances de la Chambre se penche de nouveau, c’est tout le stratagème de l’île de Man. Les promoteurs de ce stratagème, un cabinet comptable bien connu, n’ont pas été accusés, et beaucoup des personnes qui y étaient impliquées ont réglé leur dossier à l’amiable.

Je pense que le gouvernement devrait être plus agressif à ce chapitre. C’est en partie à cause de notre culture ici au Canada. Nous ne sommes certainement pas aussi intransigeants à l’égard de la criminalité en col blanc qu’ils le sont aux États-Unis. Je pense que nous pourrions être plus agressifs dans ces dossiers et que nous devons rendre plus sévères nos lois et les sanctions qu’elles prévoient dans certains domaines.

Le sénateur Smith : Voici une autre question pour vous. Votre organisme a salué l’engagement du gouvernement à établir le salaire minimum national à 15 $ l’heure. Bien qu’il y ait des raisons de penser que cela pourrait sortir des gens de la pauvreté, on craint également que cette mesure ne fasse que transférer le fardeau des programmes sociaux du gouvernement aux entreprises. Les entreprises, déjà durement frappées par la pandémie, pourraient réagir en réduisant le nombre d’heures de travail de leurs employés ou en coupant les prestations de retraite, les congés payés, et ainsi de suite.

Comment répondriez-vous à ces arguments selon lesquels l’adoption d’un salaire minimum de 15 $ l’heure risquerait aujourd’hui d’avoir des répercussions néfastes non seulement sur les gens en quête de travail, mais aussi sur l’assiette fiscale?

M. Sanger : C’est une bonne question. Je suis économiste depuis environ 30 ans, ce qui m’a permis de constater que les opinions des économistes ont changé fondamentalement sur ces questions. Il y a des études vraiment détaillées faites par des économistes américains, dont des conseillers principaux du gouvernement, qui ont conclu que l’augmentation du salaire minimum dans des secteurs particuliers n’a vraiment pas beaucoup d’effets néfastes. De plus, 15 $ l’heure, ce n’est pas le minimum à l’échelle du pays, mais beaucoup de provinces s’orientent dans cette direction. Nous n’en avons pas vu les répercussions néfastes. Je trouve intéressant que les économistes des banques, par exemple, soient en faveur.

Je pense que cela tient en partie au fait que beaucoup de gens constatent qu’il y a eu de graves problèmes d’inégalité et qu’il a été difficile de rehausser l’échelon inférieur. Bien franchement, l’accentuation des inégalités a eu pour effet de ralentir la croissance économique, ce que même l’OCDE et le FMI ont reconnu.

Le sénateur Smith : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma première question s’adresse à M. Breton. J’aimerais qu’on parle plus spécifiquement des batteries des véhicules électriques. On sait que l’électrification des véhicules ne représente pas la solution à tous les problèmes environnementaux. La construction et la disposition des batteries après leur vie utile représentent un enjeu environnemental négatif dont on ne parle pas beaucoup, à mon avis.

Comme spécialiste, pouvez-vous nous donner des informations sur l’impact environnemental de la construction des batteries et sur les coûts à prévoir au moment où il faudra les jeter? Est-ce que le gouvernement a prévu un encadrement et un financement adéquats pour faire face à ces situations que nous devrons vivre un jour?

M. Breton : C’est une excellente question. Vous avez tout à fait raison de dire que les batteries des voitures électriques ont un impact environnemental.

Cela dit, il faut toujours calculer l’impact environnemental d’un véhicule en fonction de son cycle de vie complet, c’est-à-dire de l’extraction des ressources à la fabrication du véhicule, à l’utilisation du véhicule, puis à la mise au rancart et au recyclage des composantes du véhicule. Lorsque l’on compare un véhicule électrique donné à un véhicule à essence équivalent, l’impact supplémentaire du véhicule électrique sera compensé après 20 000 à 30 000 kilomètres. Cela signifie que, au-delà de ce kilométrage, on aura un véhicule beaucoup moins polluant, car c’est l’utilisation qui est le principal facteur de pollution. Comme je le disais plus tôt, il y a aujourd’hui des compagnies canadiennes qui se spécialisent dans le recyclage des batteries de véhicules électriques, comme Li-Cycle Lithium-ion, et qui font en sorte qu’on est en mesure de récupérer jusqu’à 95 % des composantes des batteries.

Donc, non seulement l’impact est bien moindre pour un véhicule électrique, mais en plus, contrairement au pétrole, qui n’est pas du tout recyclable, le minerai des batteries est extrêmement précieux et peut être réutilisé dans la fabrication de nouvelles batteries. Ainsi, les nouvelles batteries auront un impact écologique moins grand, parce qu’on utilisera des matériaux recyclés.

Pour toutes ces raisons, l’électrification des transports, si ce n’est pas l’unique solution à la lutte aux changements climatiques ou à la pollution de l’air, fait assurément partie des solutions. Il faudra en venir à une certaine forme d’encadrement réglementaire, parce que les batteries des voitures électriques coûtaient 1 000 $ le kilowattheure en 2010. Aujourd’hui, elles coûtent de 150 $ à 200 $ le kilowattheure. Il s’agit d’une baisse de 80 % à 85 % du prix des batteries par kilowattheure, et on se dirige vers une autre baisse de 50 % à 60 % d’ici 2024 ou 2025. Les batteries seront tellement peu chères qu’on devra encadrer leur utilisation pour s’assurer d’en disposer d’une façon responsable.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur Breton. Ma deuxième question s’adresse à M. Kingston. Plusieurs véhicules électriques coûteront beaucoup plus à l’achat que certains véhicules traditionnels. Pour ce qui est des manufacturiers que vous représentez, dans quelle proportion les véhicules électriques sont-ils subventionnés? Dans combien d’années l’aide financière du gouvernement du Canada, entre autres, ne sera-t-elle plus nécessaire pour fabriquer les véhicules électriques? À mon avis, le gouvernement ne subventionnera pas à vie l’achat des véhicules électriques. Il pourrait être injuste, pour l’ensemble des contribuables, de leur faire payer l’achat d’une voiture pour une famille.

[Traduction]

M. Kingston : Merci, monsieur le sénateur. C’est une excellente question et un très bon point que vous soulevez.

Oui, en ce qui concerne les mesures incitatives et les subventions, nous ne croyons absolument pas qu’elles doivent être en place à perpétuité. Il s’agit de mesures à court terme pour aider les Canadiens et les consommateurs à passer rapidement d’un véhicule à essence à un VE. La raison pour laquelle nous en avons besoin maintenant, c’est qu’il y a encore un écart entre le prix d’un nouveau VE et celui d’un véhicule à essence, c’est-à-dire avec un à moteur à combustion interne. C’est parce que la technologie continue d’évoluer.

Nous estimons que le prix d’un véhicule électrique sera à peu près égal à celui d’un véhicule à essence au début des années 2030. Ce sont là des prévisions. Cela pourrait changer selon l’évolution de la technologie. Mais une fois rendu au point où le consommateur aura le choix entre un véhicule à essence et un véhicule électrique, avec toutes les mêmes caractéristiques et au même prix, mais roulant sans essence, ces mesures incitatives ne seront plus nécessaires. Il s’agit d’un programme de transition, non d’une politique permanente. Cela coûte cher au début, mais c’est ce qu’il faut pour que le changement se produise rapidement.

[Français]

M. Breton : Un rapport de l’Agence internationale de l’énergie, qui a été publié il y a quelques jours à peine, indique qu’on arrivera à la parité pour ce qui est des prix vers 2027.

Le sénateur Dagenais : Monsieur Sanger, l’augmentation de l’utilisation de véhicules électriques aura sûrement un jour un impact négatif sur les revenus du gouvernement, qui perçoit déjà une taxe sur la vente d’essence. Y a-t-il des dispositions dans les énoncés budgétaires à ce sujet, ou croyez-vous qu’on remplacera un jour la taxe sur l’essence par une taxe sur l’électricité pour les propriétaires de véhicules électriques?

Je résume. Actuellement, on sait que le gouvernement reçoit une taxe sur l’essence qu’il remet souvent aux municipalités. Faudrait-il prévoir maintenant une taxe sur l’électricité? Il y aura sûrement moins de revenus tirés de la taxe sur l’essence.

[Traduction]

M. Sanger : Je ne préconiserais pas une hausse de la taxe sur l’hydroélectricité et l’électricité d’autres sources pour remplacer la taxe sur l’essence. C’est un geste positif que le gouvernement fédéral a posé en remettant sa part de la taxe d’accise sur le carburant aux municipalités. Des liens ont été établis également avec les municipalités ayant investi dans des mesures durables et environnementales. Je pense que c’est très important.

Le président : Merci, monsieur Sanger.

La sénatrice Galvez : J’adresse ma question à MM. Sanger et Breton. Les choses sont liées entre elles, et je tiens à remercier nos témoins d’avoir expliqué si clairement les problèmes et les solutions. Je leur en suis reconnaissante.

Monsieur Sanger, quels que soient les efforts déployés dans un grand nombre de secteurs pour réduire les émissions de gaz? Elles sont à la hausse dans les transports et le secteur pétrolier et gazier, c’est pourquoi nous devons nous attarder à ces deux secteurs. Je suis heureuse que vous soyez tous les deux parmi nous aujourd’hui.

Près d’une douzaine de titans pétroliers du pays, comme Suncor, Enbridge, CN Rail, TransCanada, Imperial Oil, Cenovus et Husky, reçoivent des subventions qu’ils transfèrent dans des paradis fiscaux. On pourrait également nommer des personnes et des entreprises bien connues grâce à la fuite des Panama Papers en 2017.

Avez-vous une idée du montant des subventions versées au secteur pétrolier et gazier? Pouvez-vous décrire certains des principaux incitatifs fiscaux offerts à l’industrie pétrolière et gazière?

M. Sanger : Certainement. Merci beaucoup de votre question et de vos observations, sénatrice Galvez.

En prévision de notre discussion d’aujourd’hui, j’ai jeté un coup d’œil rapide sur notre ventilation des gaz à effet de serre et, comme M. Kingston l’a dit, le secteur des transports a certes un rôle à jouer. Mais tout le secteur du transport routier compte pour 20 % de nos émissions. Dans son ensemble, le transport représente 30 %. Nous devons donc en faire beaucoup plus. C’est un secteur très important, mais nous devons aussi en faire beaucoup plus avec d’autres grands émetteurs. La sénatrice Galvez en a parlé.

Vous demandez des précisions sur les subventions au titre des combustibles fossiles. C’est une très bonne question. Le gouvernement s’est engagé à examiner la question, de concert avec l’Argentine, dans le cadre du G7. Les subventions sont un peu une cible mouvante parce que certaines sont versées après coup. Selon les estimations les plus récentes de l’Institut international du développement durable, au moins 1,9 milliard de dollars sont versés en subventions au secteur des combustibles fossiles au Canada. Ce chiffre ne comprend pas beaucoup des mesures fiscales, dont certaines sont liées à l’exploration, à la mise en valeur et à certaines formes d’amortissement accéléré. Il y a aussi un certain nombre de mesures non fiscales.

Vous avez tout à fait raison de dire que beaucoup de ces grandes sociétés évitent de payer un certain montant d’impôt du fait qu’elles ont des filiales dans des paradis fiscaux. De façon générale, je voulais souligner que les activités de certaines grandes multinationales, Amazon par exemple, sont assujetties à un taux d’imposition très faible. Ces activités minent les collectivités locales de différentes façons et, comme il s’agit d’aller partout pour faire des livraisons, elles ne sont pas particulièrement bénéfiques pour l’environnement. L’instauration d’une imposition plus juste des multinationales par le truchement d’une réforme fiscale internationale des sociétés ou de la lutte contre les paradis fiscaux pourrait également s’avérer bénéfique pour l’environnement.

La sénatrice Galvez : Merci. Monsieur Kingston et monsieur Breton, j’avais l’habitude de penser que l’électrification des transports était le signe d’une économie saine, robuste et résiliente. De fait, la pandémie a montré, malgré les faillites dans de nombreux autres secteurs, que le vôtre demeure très solide. Je pensais que vous n’aviez pas besoin de subventions et que vous vous tiriez bien d’affaire, mais les défis que posent le changement climatique et la réduction des émissions nous imposent des contraintes temporelles. Le temps presse et nous devons agir sans tarder.

Trouvez-vous juste, alors même que nous devons délaisser les véhicules à combustible fossile, de continuer de les subventionner? On dirait que la main droite du gouvernement ignore ce que fait la main gauche. Le gouvernement n’a pas d’argent pour continuer de subventionner tout le monde. Les gens s’inquiètent de notre dette et de l’inflation.

Vous avez mentionné que les véhicules électriques sont de moins en moins chers et que leurs prix seront bientôt inférieurs à ceux des véhicules à combustion. Mais que pensez-vous des subventions accordées au secteur pétrolier et gazier, qui font en sorte que nous dépendons toujours des véhicules à combustion?

M. Breton : Je me souviens que le président Obama a dit en 2012 que les sociétés pétrolières et gazières recevaient toujours des subventions et que 2013 marquerait le 100e anniversaire de ces subventions. Il n’arrivait pas à mettre fin à ces subventions aux États-Unis.

Je trouve toujours curieux d’entendre des gens demander pendant combien de temps il faudra subventionner les véhicules électriques. Si nous devions les subventionner pendant un dixième de ce temps, j’en serais heureux. À mes yeux, c’est une question de grande importance parce que — vous avez tout à fait raison sur ce point — nous devons cesser de dépendre des combustibles fossiles et embrasser les sources d’énergie renouvelable et les véhicules électriques. Il ne s’agit pas seulement des véhicules électriques, mais aussi de l’énergie renouvelable en général.

J’ajouterai qu’il est très important de former et de recycler les travailleurs des secteurs qui vont lentement dépérir. Nous devons rejoindre ces travailleurs pour nous assurer de les préparer à travailler dans le secteur de la mobilité électrique. Comme vous l’avez dit, c’est un secteur en croissance. Pour le moment, en plein milieu d’une pandémie, nous avons de la difficulté à trouver suffisamment de personnes qualifiées pour travailler dans le secteur de la mobilité électrique.

Je félicite le gouvernement d’avoir prévu dans le budget des fonds pour la formation et le recyclage des travailleurs. Nous devons en faire beaucoup au Canada pour préparer l’avenir des travailleurs en Alberta, en Saskatchewan et partout ailleurs au Canada.

M. Kingston : Madame la sénatrice, vous avez fait valoir un excellent point en disant que les subventions visent à accélérer la transition. Je suis convaincu que, à mesure que la technologie évoluera, les gens ne manqueront pas de constater les avantages des VE, leur commodité et leurs coûts moindres d’utilisation et que cette option s’imposera à eux comme une évidence. Cependant, nous voulons que cela se produise à un rythme plus rapide que les progrès de la technologie, et c’est pourquoi il faut des subventions. Elles sont d’une importance cruciale à l’heure actuelle. Elles ne seront pas nécessaires pour toujours.

La sénatrice M. Deacon : Je remercie nos invités d’être ici, mais je remercie également mes collègues. Vous nous avez tenus en haleine, si bien que j’ai dû modifier mes questions, je crois, après chacune des interventions de mes collègues. Je vais tâcher d’en poser quelques-unes.

Pour revenir à nos travaux antérieurs sur les véhicules à zéro émission, j’aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités d’aujourd’hui et, au cas où ils ne seraient pas déjà au courant, leur faire connaître l’UWAFT, l’équipe des carburants de remplacement de l’Université de Waterloo. Il existe un partenariat extraordinaire entre les étudiants de l’Université de Waterloo et ceux de l’Université Wilfrid Laurier, qui travaillent à mettre au point et à construire des véhicules à zéro émission. Il s’agit d’une compétition et d’un programme extraordinaires. Je les ai rencontrés ces derniers jours. Ce qu’ils font est tellement pertinent à notre discussion d’aujourd’hui.

Je vais poser une question au sujet des mesures dont nous avons parlé qui visent à inciter les Canadiens et les entreprises à opter pour des véhicules à zéro émission. Ma question s’adresse à M. Kingston. Comment pouvons-nous mettre en place l’infrastructure nécessaire pour faire en sorte qu’un véhicule à zéro émission soit une option réaliste pour tous les Canadiens qui voudraient en avoir un?

Un problème souvent soulevé — on en a parlé aujourd’hui — est le manque de bornes de recharge électrique le long des grandes autoroutes interurbaines et interprovinciales et dans les régions rurales. Qu’est-ce qui est arrivé en premier dans d’autres pays qui ont opéré un virage plus radical vers les véhicules électriques? L’adoption des véhicules électriques a-t-elle suscité la mise en place de l’infrastructure de soutien ou est-ce l’infrastructure qui est venue en premier? S’agit-il ou non d’une situation qui vient confirmer que ce qui est offert trouvera preneur?

M. Kingston : Sénatrice Deacon, c’est par les infrastructures de recharge qu’il faut commencer, oui. Cela aidera plus de monde à passer aux VE. Toutes sortes d’études et de sondages l’ont démontré. Nous venons de faire notre propre sondage auprès des consommateurs canadiens, qui se préoccupent vraiment de l’autonomie et de la recharge. Les équipementiers ont fait des travaux là-dessus. La plupart des VEB — les véhicules électriques à batterie — vendus sur le marché ont une autonomie de 300 kilomètres et plus. L’autonomie relève de la technologie.

Il est essentiel d’avoir accès à l’infrastructure de recharge disponible. Il y a quelques éléments à considérer. Tout d’abord, les Canadiens qui vivent dans des zones urbaines denses, particulièrement dans des appartements, des copropriétés ou des immeubles à logements multiples, doivent avoir accès à la recharge de leur véhicule, d’une façon ou d’une autre, grâce aux codes ou aux normes du bâtiment ou à la capacité de se brancher dans la rue. Autrement, le VE ne sera pas une option viable.

Les Canadiens des régions rurales qui ont de grandes distances à franchir et qui ne peuvent pas le faire avec une seule charge devront avoir accès à une borne de recharge rapide à courant continu, capable d’une recharge presque complète en moins d’une heure, selon le véhicule.

Il y a énormément à construire. J’ai mentionné ce que fait l’administration américaine; l’administration Biden s’est engagée à installer 500 000 bornes de recharge. Nous sommes encore loin du compte. Nous devons les construire, et c’est ainsi que nous surmontons les craintes des consommateurs au sujet des VE.

La sénatrice M. Deacon : Merci. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais adresser ma question à M. Breton.

Dans son exposé budgétaire du mois dernier, la ministre Freeland a dit que les mesures proposées dans le budget allaient propulser — le mot est très fort — une transition verte et que le Canada pourrait prendre la tête ou être laissé pour compte dans une économie verte.

Hier, par contre — encore une fois, nous avons effleuré la question —, le groupe de réflexion Clean Energy Canada nous apprenait dans un rapport sur les batteries que nous sommes en voie d’être distancés comme chef de file dans la chaîne d’approvisionnement en énergie verte. Le rapport citait la lenteur des processus réglementaires et le manque d’investissement dans la commercialisation. Ce serait là des symptômes de notre approche plus passive du développement économique.

J’aimerais recevoir vos observations à ce sujet. Vous en avez parlé brièvement. Les mesures budgétaires sont-elles un signe que nous voulons prendre la question plus au sérieux ou ne sont-ils que de la poudre aux yeux?

M. Breton : Ma foi, c’est loin d’être de la poudre aux yeux, car il y a un an à peine, nous étions bien loin de ce que le gouvernement fédéral vient d’annoncer pour la mobilité électrique. Il a annoncé bien des choses. Beaucoup de ces choses sont très intéressantes, mais nous avons encore beaucoup de travail à faire. Je l’ai déjà dit, par rapport à ce qui se passe en Chine et en Europe, nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Même le président Biden a reconnu hier que, pour l’instant, la Chine est le chef de file mondial en matière de véhicules électriques. J’ai mentionné qu’il y a plus d’un demi-million d’autobus électriques en Chine, alors que nous en avons moins de 300 au Canada. Il nous faut un plan. Nous n’en avons pas encore. Nous y travaillons.

C’est pourquoi des gens comme M. Kingston et moi-même se concertent pour accélérer le processus au Canada. Nous avons de nombreux actifs, mais il nous faut un plan, que nous mettrons pleinement en vigueur — pas dans cinq ans, mais dans un an, au pire.

Tout est dans le choix du moment. Lorsque GM et Chrysler étaient au cœur de la tempête, l’administration Obama a annoncé qu’elle allait aider GM et Chrysler, contre la promesse d’investir dans la mobilité électrique. Au Canada, nous avons aussi aidé GM et Chrysler, mais sans offrir d’incitation aux équipementiers ni leur imposer d’obligation de faire quoi que ce soit, ce qui nous a mis des années en retard. C’est pour cela que les États-Unis ont créé une industrie de mobilité électrique, qui est par contre toujours en retard sur celle de la Chine. Nous ne sommes pas encore en pleine propulsion,, mais nous sommes sur la bonne voie, je pense.

M. Sanger : M. Kingston vous a expliqué que le principal problème est le manque de bornes de recharge, et nous aurions dû le savoir depuis un certain temps.

Au Canada, la plupart des services publics d’électricité appartiennent aux provinces ou aux municipalités. C’est un domaine d’importance cruciale où les gouvernements pourraient se concerter et installer des bornes de recharge partout au pays.

La sénatrice Duncan : Je remercie nos témoins de leurs commentaires et de l’information qu’ils nous ont fournis aujourd’hui. Je suis de très près le dossier des véhicules électriques grâce à ma participation au comité, et j’ai un commentaire et une question à formuler sur les bornes de recharge pour véhicules électriques.

Nous avons aujourd’hui 16 bornes de recharge pour VE dans notre vaste territoire, mais peu de monde au Yukon. Nous avons donc une demande refoulée pour les véhicules, particulièrement, comme M. Breton l’a mentionné, pour les camions légers et lourds, et pour le Honda CR-V, un modèle que je possède. Mais les parcs automobiles au Yukon n’ont pas de véhicules électriques à vendre. Cela pose un problème. Nous avons créé tout cela et voici que nous ne pouvons pas obtenir de VE. Nous avons construit l’infrastructure, et nous les attendons.

Tout d’abord, qu’en est-il de la structure de tarification pour les bornes pour VE? M. Sanger a mentionné que les services publics appartiennent aux provinces. Y a-t-il des discussions fédérales-provinciales-territoriales au sujet d’une structure de tarification commune pour les bornes de recharge des VE? C’est ma première question. Qu’en est-il de la tarification? Comment allons-nous faire payer les consommateurs? Y a-t-il une méthode ou une structure de tarification communes?

M. Breton : Tout d’abord, il y a des discussions en cours avec Mesures Canada sur la façon dont nous facturons le kilowattheure. Cette discussion est en cours en ce moment même.

En ce qui concerne la tarification comme telle, il n’y a pas de discussions à l’heure actuelle. J’aimerais dire que, même si nous avons l’infrastructure, les concessionnaires n’ont pas de VE à vendre. L’offre de VE est un autre problème. Comme nous le voyons aujourd’hui, la Nouvelle-Écosse a des remises sur les VE, mais les concessionnaires n’ont presque pas de véhicules électriques à vendre. Ils sont aux prises avec un véritable problème. Le concessionnaire qui veut vendre des véhicules électriques ne peut en obtenir, mais il doit atteindre les cibles de vente fixées par l’équipementier. Il doit donc décourager ses clients d’acheter un VE parce qu’il doit atteindre ses cibles de vente.

C’est la raison, selon nous, pour laquelle il est très important d’imposer un quota minimal pour les véhicules zéro émission, comme au Québec, en Colombie-Britannique, en Californie et dans 12 autres États américains, pour être sûrs d’avoir une offre suffisante de véhicules électriques à l’échelle du Canada.

En 2011, le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Ontario ont donné 140 millions de dollars pour la construction d’un Toyota Rav4 électrique. Parce qu’il n’y avait pas de quota à atteindre en Ontario ou au Canada, tous ces Toyota Rav4 qui ont été construits avec l’aide des contribuables canadiens ont été expédiés aux États-Unis et nous n’avons pas pu en acheter. Donc, en l’absence de quota, rien ne garantit que nous trouverons tous les véhicules électriques construits ailleurs dans le monde, ou même au Canada, parce que nous n’avons pas de garantie d’approvisionnement.

La sénatrice Duncan : J’aurais une question complémentaire. Il y a des conséquences imprévues lorsque nous achetons des véhicules électriques. Que faisons-nous de tous les véhicules à essence? Quel est le plan pour leur élimination, leur recyclage et leur fin de vie? J’ai noté une initiative récente — à Québec ou à Montréal, je ne suis pas sûre —, pour la construction d’autobus électriques. C’était dans les nouvelles. Qu’advient-il de tous les autres autobus? Quel est le plan pour l’élimination des véhicules à essence?

M. Breton : C’est le même qu’aujourd’hui pour l’élimination des véhicules à essence lorsqu’on achète un autre véhicule à essence. Ils ont une certaine durée de vie. Par la suite, ils peuvent être recyclés à 80 % ou à peu près. Il y a un peu de résidu de déchiquetage dans ce cas, la durée de vie des autobus ou des autobus scolaires, se situe normalement entre 12 et 16 ans. Ces véhicules sont recyclables, qu’ils soient à essence ou électriques.

La sénatrice Duncan : M. Kingston a mentionné le plan de mise à la casse. Peut-être pourrait-il y revenir et nous faire part de sa réaction.

M. Kingston : Merci, sénatrice. La mise à la casse des véhicules est un point essentiel de tout ce débat. Notre proposition est que le gouvernement offre un incitatif pour les véhicules de 12 ans et plus, par exemple. Les véhicules seraient envoyés à la casse et seraient totalement recyclés, et il y aurait alors un incitatif pouvant servir à l’achat d’un nouveau véhicule. L’avantage serait de retirer de la circulation un vieux véhicule très polluant et d’aider les Canadiens à acheter un nouveau véhicule plus efficace. C’est un élément clé.

Si vous me permettez un commentaire très rapide sur l’offre, honnêtement, j’estime que c’est un débat qui nous a échappé à ce stade-ci. Par exemple, General Motors est engagée à électrifier tout son parc de véhicules. Ford a fait la même chose en Europe. Nous attendons l’arrivée de 130 modèles au Canada en 2023. Nous allons avoir beaucoup de VE, et l’avenir de l’industrie dépend de la vente de VE. L’idée d’imposer un quota minimal pour l’importation de véhicules au Canada n’est pas nécessaire. On a qu’à voir les pays qui sont des chefs de file en matière d’adoption de VE pour constater qu’aucun d’entre eux n’a de quota.

M. Breton : Ma foi, c’est faux.

Le sénateur Loffreda : Merci à tous nos témoins d’être parmi nous aujourd’hui.

Ma question s’adresse à M. Sanger de Canadiens pour une fiscalité équitable. Je sais que vous avez réclamé diverses mesures fiscales qui pourraient rapporter 70 milliards de dollars de plus annuellement en refermant certaines échappatoires fiscales et sévissant contre l’évasion fiscale internationale. Il y a donc beaucoup d’initiatives valables, ce dont nous vous remercions.

Nous croyons tous à l’équité et à la justice. Vous avez mentionné l’impôt sur les gains en capital et les investissements. Avez-vous fait des recherches sur ce que serait l’incidence d’une modification fiscale pour le petit investisseur? Il y a beaucoup de petits investisseurs qui seraient touchés par une modification de l’impôt sur les gains en capital.

M. Sanger : Cela dépend certainement de l’impact. La grande part de l’avantage d’une diminution de l’impôt sur les gains en capital irait aux 10 % supérieurs, c’est sûr. J’ai soutenu que nous devrions imposer la totalité des gains en capital, mais avec correction pour l’inflation. D’autres pays, comme les États-Unis, ont des taux d’imposition doubles. Ils ont un taux plus élevé pour les investissements à court terme pour favoriser un taux moindre d’imposition des gains en capital sur les investissements à long terme.

Donc, une mesure comme le gain en capital, corrigé de la composante de l’inflation, stimulerait les investissements à long terme, mais pas les investissements à court terme. C’est un premier aspect.

Le sénateur Loffreda : Donc, votre argument pour la modification du taux d’imposition est qu’il stimulerait les investissements à long terme? Or, fort de mon expérience, j’estime qu’une foule de petits investisseurs seraient assujettis à l’augmentation de l’impôt si les gains en capital étaient imposés en totalité. Je ne pense pas que cela serait un avantage. Je ne pense pas que cela favoriserait l’équité et la justice.

M. Sanger : En fait, les données montrent clairement que les avantages vont essentiellement aux 10 % les plus riches. C’est tout à fait la même chose au Canada et ailleurs. Et cela ne porte que sur un seul élément. Le Canada a certaines des personnes les plus riches du monde — il y a aussi beaucoup de riches au Canada —, et une organisation appelée Ressources en mouvement a plaidé en faveur de ce genre de choses. Il s’agit d’investisseurs qui pensent que nous devrions imposer le revenu. De fait, le dernier grand examen de la fiscalité au Canada a conclu qu’« un dollar, c’est un dollar », et que nous devrions imposer l’investissement à ces niveaux ou imposer différentes formes de revenu à des taux similaires.

Tous ces taux différents — en particulier sur les gains en capital — rendent notre régime fiscal beaucoup plus compliqué à bien des égards et augmentent les possibilités de différentes formes d’évitement. Selon moi, nous devrions avoir un régime fiscal plus simple, où différentes formes de revenu seront imposées à des taux semblables. Telle était la principale conclusion du rapport de la Commission Carter sur la réforme fiscale dans les années 1970.

Le sénateur Loffreda : Merci, et je vous sais gré de votre réponse, mais j’estime que, une fois de plus, les petits investisseurs sont aussi avantagés que les grands pour ce qui est des gains en capital, et que cela en incite beaucoup à faire des investissements. Parce que je dis toujours que la richesse est créée par l’entrepreneur, que nous devons créer cet esprit également — l’incitation à investir, l’incitation à l’entrepreneuriat.

Cela étant, vous avez parlé brièvement des sociétés. Avez-vous fait des recherches sur l’effet de l’augmentation des taux d’imposition des sociétés ou de l’augmentation du salaire minimum, et sur ce qui serait plus efficace? Si je dis cela, c’est que dans mon monde, quand je demandais à un dirigeant de réduire les dépenses, c’était facile à faire; nous réduisions les dépenses. Mais créer de la richesse, ce n’est pas facile à faire, pas plus que d’augmenter les ventes.

Avez-vous des incitatifs fiscaux pour créer de la richesse tout en refermant l’écart ou en créant plus d’équité, plus de justice? S’il y en avait un ou deux — et peut-être que vous pourriez nous revenir avec une réponse écrite, si c’est possible —, quels incitatifs fiscaux créeraient de la richesse? Vous avez fait un excellent travail de distribution de la richesse. Je suis tout à fait en faveur de l’élimination de l’évasion fiscale internationale et de la fermeture des échappatoires; nous sommes tous pour. Chapeau donc. Et félicitations. Compte tenu de votre niveau d’expertise, y a-t-il des incitatifs que nous pourrions mettre en pratique pour créer de la richesse?

M. Sanger : Pour revenir à ce que vous disiez, nous aurions besoin de plus d’investissements dans différents domaines. Ce n’est pas l’argent à investir qui manque, et les prix des actifs ont augmenté de bien des façons différentes, ce qui a débouché sur une instabilité croissante de l’économie.

Quant aux mesures, pour ce qui est de l’impact de l’accroissement des taux d’imposition des sociétés, j’ai trouvé intéressant que le gouvernement conservateur du Royaume-Uni ait dit qu’il allait hausser les taux d’imposition des sociétés. C’est essentiellement un aveu que toutes ces compressions n’ont pas eu grand impact. Ce sont d’autres facteurs de coût et de main-d’œuvre qui sont plus importants dans les décisions d’investissement.

Quant aux incitatifs, je préconise généralement d’uniformiser les règles du jeu et de ne pas accorder de grands avantages fiscaux à des multinationales et de ne pas leur permettre d’éviter d’en payer, parce que ce sont vraiment les plus grandes sociétés qui sont le plus en mesure de se soustraire aux impôts, et que les petites et moyennes entreprises ne le peuvent pas. Les PME n’ont pas de filiales dans les refuges fiscaux et ne sont pas aussi habiles pour éviter les impôts. Nous devons donc nous donner des règles pour accroître ainsi l’équité du régime fiscal. Cela augmentera, par ailleurs, la compétitivité de l’économie et, espérons-le, sa productivité également.

Le président : Honorables sénateurs, nous aurons au moins 10 minutes pour un deuxième tour.

La sénatrice Marshall : Je dois revenir à ma première question. Dans son budget, le gouvernement a parlé des milliards de dollars qu’il a injectés dans l’économie verte ainsi que des émissions de gaz à effet de serre qu’il cherche à réduire. Il semble que nous continuons de faire la même chose, mais que nous ne réduisons pas les émissions de gaz à effet de serre ou que nous n’atteignons pas nos cibles. C’est presque l’inverse, semble-t-il : le gouvernement continue de faire la même chose, en espérant un résultat différent.

Y a-t-il quelque chose quelque part qui pourrait démontrer que certaines de ces initiatives ont bel et bien contribué à réduire les émissions de gaz à effet de serre? J’essaie de voir si nous nous leurrons en pensant que nous allons réduire les émissions d’ici 2030 en nous contentant de faire ce que nous faisons depuis 5, 6 ou 10 ans. M. Breton sourit; il pourrait peut-être tenter une réponse. Je ne suis pas convaincue. Je vous prie de me convaincre ou de me montrer des chiffres.

M. Breton : Si nous parlons de mobilité électrique, manifestement, les incitations à l’achat de véhicules électriques font partie de la solution. Comme tout le monde l’a dit, nous parlons d’infrastructure. C’est un autre élément de la solution. Mais avec des mesures volontaires, nous n’atteignons jamais nos cibles, quelles qu’elles soient. Il nous faut réglementer. Si nous réglementons les émissions de gaz à effet de serre ou l’adoption de VE, c’est là que nous allons faire la différence parce qu’il faudra nous conformer.

M. Kingston a dit que, là où il y a un quota pour les véhicules zéro émission, nous ne pensons pas que c’est vraiment utile et nous n’en sommes plus là; de fait, la Californie a un quota de VZE. Et ce, depuis plus de 30 ans. Nous pouvons faire la même chose ou faire comme la Norvège, qui a décidé de taxer les voitures gourmandes à hauteur de 150 %, ce que, à mon avis, on n’est pas près de voir en Amérique du Nord pour un F-150. La clé, c’est la réglementation, je pense. Nous n’avons pas le choix. Il faut réglementer autant que subventionner.

[Français]

Le sénateur Forest : Ma question s’adresse à M. Sanger et fait suite à la discussion avec le sénateur Loffreda. Je suis d’accord pour dire qu’il faut assurer un meilleur équilibre dans le poids de la fiscalité, qui devient de plus en plus important. Il faut regarder l’ensemble de la fiscalité à l’échelle municipale et le poids de la fiscalité foncière à l’échelle provinciale et fédérale.

À titre d’exemple, pour ce qui est du gain en capital, dans certaines villes, plusieurs petits épargnants vont s’acheter un immeuble à trois logements, puis vont emménager dans un de ces logements et le rénover eux-mêmes. À la fin de leur vie, pour plusieurs de ces personnes, le capital qu’ils ont accumulé représente leur plan de retraite.

Ne serait-ce pas injuste si on traitait ces individus au même titre qu’une multinationale qui achète des actifs, qui leur donne une plus-value et qui les revend? Lorsqu’on parle d’équité fiscale, ne faut-il pas distinguer ces multinationales des petits épargnants qui accumulent un petit capital en achetant un immeuble à logements, en l’habitant en partie, en le rénovant et en le revendant à la fin de leur vie? Comment voyez-vous cette situation?

[Traduction]

M. Sanger : Dans un exemple comme celui-là — je suis effectivement un rentier en ce sens également. Dans le cas d’une résidence principale, où le gain en capital n’est pas imposé, il y a une exemption pour cela. Je n’ai pas plaidé pour l’élimination de cette exemption parce que c’est un élément très important de la sécurité de la retraite de très nombreux Canadiens; je suis d’accord. Donc, si la résidence est habitée, il n’y a pas nécessairement d’impôt sur le gain en capital.

[Français]

Le sénateur Forest : Je suis désolé; je me suis peut-être mal exprimé. Lorsqu’il s’agit d’une résidence principale, oui, mais si j’achète un immeuble à trois logements et que j’en occupe un, il reste que j’ai un gain en capital sur les deux tiers de mon immeuble.

[Traduction]

Le président : Monsieur Sanger, comprenez-vous la question qui a été posée?

M. Sanger : Oui, s’il s’agit de logements distincts et qu’ils sont vendus séparément, comme c’est fréquent, il y a de l’impôt à payer sur les gains en capital. J’ai moi-même vendu un logement locatif et j’ai payé l’impôt sur le gain en capital. Je crois que le régime fiscal devrait être équitable et que le taux de l’impôt ne devrait pas être moindre sur le revenu d’investissement que sur le revenu salarial.

Le sénateur Klyne : Ma question s’adresse à M. Kingston ou à M. Breton ou aux deux. Pourriez-vous donner au comité votre point de vue sur la proposition que fait le gouvernement dans le budget de 2021 de donner à Mesures Canada 56,1 millions de dollars sur cinq ans pour créer un ensemble de codes et de normes pour la recharge aux stations de ravitaillement en hydrogène? Certains fabricants et fournisseurs de bornes de recharge et d’équipement de ravitaillement en hydrogène et certains détaillants doivent marquer un temps d’arrêt pour évaluer ce qui ressortira des codes et des normes. Un grand nombre vont déjà de l’avant sans ces normes. Faut-il accélérer la production des codes et des normes, et quels conseils avez-vous à nous donner à cet égard?

M. Kingston : Nous sommes très favorables à cette annonce budgétaire. Un élément qui est particulièrement encourageant : il ne s’agit pas seulement de codes et de normes à l’échelle du Canada, mais il y a une mention précise de la coordination à l’échelle nord-américaine, particulièrement avec les États-Unis. Ce sera très important parce que, pour revenir à ce que j’ai dit plus tôt au sujet de l’infrastructure de recharge, les consommateurs veulent être en mesure de savoir que, partout où ils vont, lorsqu’ils s’arrêtent sur l’autoroute, ils ne risquent pas d’être incapables de se brancher parce que l’équipement de recharge est différent. Ce sera très important.

En ce qui concerne ce que font déjà les détaillants, oui, plus vite nous avançons et aurons une compréhension générale de l’environnement réglementaire et des codes à venir, mieux ce sera pour la mise en place de l’infrastructure de recharge. Mais, au total, nous sommes très favorables.

Le sénateur Loffreda : Ma question s’adresse encore à M. Sanger. J’aimerais revenir rapidement sur ce que vous avez dit plus tôt au sujet des gains en capital et du taux d’imposition — un gain est toujours un gain, ou un revenu est toujours un revenu. Je pense que le sénateur Forest a bien raison de dire que le petit investisseur paie de l’impôt sur ses gains en capital de la même façon que le grand investisseur, si nous uniformisons l’impôt sur les gains en capital. À votre avis, comment cela refermera-t-il l’écart entre les riches et les vulnérables ou les moins riches ou les petits investisseurs moyens si nous augmentons l’impôt sur les gains en capital?

Il est beaucoup question d’équité fiscale. Le terme est très répandu. Estimez-vous que les Canadiens sont imposés équitablement en général? Au Royaume-Uni, une fois le taux d’imposition rendu à 55 %, il a fallu le ramener à 50 % parce qu’on a vu reculer les recettes fiscales. Il est facile de dire qu’il nous faut plus d’impôts, mais j’aimerais créer des incitations pour les entrepreneurs, pour l’investissement, pour les personnes qui viennent au Canada et disent que l’investissement est récompensé. Qu’en pensez-vous?

M. Sanger : Très rapidement. Quiconque a investi dans l’immobilier s’en est assez bien tiré récemment et n’avait pas trop de quoi s’inquiéter. En deuxième lieu, lorsque le Royaume-Uni a augmenté son taux, et aussi lorsque le Canada a relevé son taux supérieur, il y a eu une anomalie temporaire. Mais après deux ans, c’était simplement à cause d’un changement du revenu d’une année à l’autre. Donc, c’était une mesure très temporaire et nous l’avons vu au Canada également.

Le sénateur Loffreda : Les Canadiens sont-ils imposés équitablement par rapport aux contribuables des autres pays?

M. Sanger : Les choses ont changé ces dernières années. De fait, la dernière étude, réalisée il y a quelques années, a révélé que, si l’on considère l’ensemble des impôts et taxes que paient les contribuables, les 1 % les plus riches ont un taux global d’imposition inférieur. Avec les taxes de vente, les taxes foncières et tout le reste, ils avaient un taux global d’imposition plus faible que les 10 % les plus pauvres.

Enfin, Joe Biden a une proposition à faire sur les gains en capital et c’est d’en majorer le taux applicable pour ceux qui ont de bien plus gros revenus. C’est une solution possible à certaines des craintes que vous avez soulevées.

La sénatrice Duncan : Je n’attends pas de réponse tout de suite si M. Sanger peut m’en envoyer une par écrit. Le monde des affaires a déjà préconisé un examen et une réforme de la fiscalité. Lors de sa comparution devant notre comité au sujet du budget de juin 2019, la Chambre de commerce du Canada a dit que 450 chambres de commerce appuient massivement une résolution en faveur d’un examen fiscal et a recommandé que le Canada confie à une commission royale d’enquête le soin de réévaluer son régime fiscal.

Nous avons plus de 500 pages de notes d’information sur ce seul projet de loi et ses mesures fiscales, et nous sommes confrontés à la nouvelle réalité d’une pandémie et de l’environnement post-pandémique. Est-ce le temps de procéder à un examen en profondeur du régime fiscal canadien? Pour ne pas prendre trop de temps, si le comité pouvait avoir une réponse écrite, je pense que ce serait probablement la meilleure façon d’utiliser son temps, monsieur le président.

M. Sanger : Je peux faire un bref commentaire là-dessus. Il y a diverses solutions simples pour corriger le régime fiscal. Il y a surtout les négociations actuellement en cours à l’échelle internationale au sujet d’une réforme fiscale internationale. Le régime que nous avons au Canada est un excellent modèle à l’échelle internationale, et j’exhorte le gouvernement à le promouvoir également.

Une autre grande réforme fiscale prendrait probablement encore 10 ans. Selon moi, il y a plusieurs réformes que nous pouvons faire dès maintenant, et le reste du monde y travaille déjà. Je ne pense donc pas qu’il faille attendre 10 ans pour un examen et une commission royale d’enquête.

Le président : La sénatrice Pate aura la dernière question mais, auparavant, j’aimerais porter une chose à votre attention, au sujet des questions qu’a posées le sénateur Loffreda. Lorsque les trois témoins, et surtout M. Sanger, recevront les bleus et voudront ajouter une réponse écrite — dans les deux langues officielles, si possible —, ils voudront bien l’envoyer à la greffière avant le 26 mai. Cela permettrait, sans aucun doute, au comité de mettre des renseignements supplémentaires dans le rapport qu’il déposera au Sénat du Canada.

Sénatrice Pate, veuillez poser votre question. Et je vous remercie de vous joindre de nouveau à notre comité.

La sénatrice Pate : Merci aux témoins. Ma question s’adresse à M. Sanger. Elle fait suite à celle que vient de poser la sénatrice Duncan. Vos récents rapports et votre témoignage ont mis en lumière les inégalités criantes que la pandémie a mises le plus en évidence ces derniers temps, même si elles existaient déjà. Vous avez préconisé des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu pour corriger l’inégalité croissante des revenus.

Je suis curieuse de savoir si vous avez d’autres réformes fiscales particulières à recommander pour corriger les inégalités vécues en particulier par les femmes, les Autochtones, les Noirs et les autres personnes racialisées. En plus, vous avez mentionné certaines façons d’aider les petites et moyennes entreprises. Avez-vous d’autres idées également?

Enfin, il a été recommandé que la Commission du droit du Canada, qui sera relancée à la suite de ce budget — ou, tout au moins, il y aura un budget pour la redynamiser —, se penche non seulement sur certains des domaines traditionnels du droit pénal, mais aussi sur la réforme fiscale. J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Merci.

M. Sanger : C’est une excellente question. Nous avons aussi recommandé au gouvernement d’instaurer la production automatique des déclarations de revenus. Environ trois douzaines de pays l’ont déjà fait. Les gouvernements ont pris beaucoup de nouvelles mesures pour verser des prestations dans le cadre du régime fiscal, mais beaucoup de personnes ne produisent pas leur déclaration de revenus, en particulier, un grand nombre de personnes vulnérables, d’Autochtones, d’aînés, de néo-Canadiens et de femmes. Ils sont donc privés des prestations auxquelles ils ont droit en vertu du régime fiscal parce que l’obstacle est trop grand pour eux.

Nous avons réclamé cela. De fait, j’ai été sensibilisé au problème du temps que j’étais au Yukon. Les prestations d’aide sociale avaient été converties au régime fiscal, mais les personnes concernées ne les recevaient pas. Je me suis donc porté bénévole dans les refuges pour sans-abri et ailleurs pour les aider à produire leurs déclarations de revenus.

Il s’agit de prestations essentielles qui améliorent énormément les conditions de vie. J’ai calculé que plus de 50 milliards de dollars de prestations du gouvernement fédéral, et encore plus des gouvernements provinciaux, ne sont pas versées si les gens ne produisent pas leur déclaration. L’an dernier, l’ARC a reporté la date limite de production pour permettre à un plus grand nombre de personnes de présenter leur demande.

Il y a un bon réseau communautaire, mais il repose sur le bénévolat. Nous avons fait valoir que le gouvernement devrait préparer des formulaires d’impôt préliminaires pour quiconque le souhaite pour aider ces gens-là à toucher leurs prestations.

Cela répond en partie à votre question. Il y a aussi d’autres éléments, sénatrice.

Le président : Honorables sénateurs, voilà qui met fin à notre séance, mais j’ai une question à poser avant de conclure, ainsi qu’un point d’information.

En fait, je vis dans une petite ville du nord-ouest du Nouveau-Brunswick — Saint-Léonard — et nous avons 10 bornes de recharge de Tesla dans le coin pour environ 1 500 personnes. Si l’on part de Québec pour se rendre à Edmundston dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, puis qu’on passe par Fredericton pour aller jusqu’à Halifax, ces bornes de recharge sont disponibles sur la Transcanadienne.

On m’a posé la question, parce que c’est une façon d’attirer l’attention à Saint-Léonard et dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick. Ces véhicules vont derrière les stations Petro-Canada, Irving et Shell pour faire leur recharge; c’est accrocheur, et il y a des visiteurs. Cela dit, les bornes de recharge de Tesla sont-elles pour tous les véhicules électriques, ou est-ce que les autres véhicules qui ne sont pas des produits Tesla ont besoin de leurs propres bornes?

M. Breton : Si vous avez une Tesla, vous pouvez utiliser une borne de recharge de Tesla ou n’importe quelle autre. Cependant, si vous n’avez pas de Tesla, vous ne pouvez utiliser les bornes de recharge rapide de Tesla parce qu’elles sont uniquement pour la Tesla. Pour les bornes de niveau 2, Tesla a donné de l’argent à Parcs Canada pour l’installation de bornes et a payé pour qu’elles puissent recharger la Tesla et les autres véhicules. J’y suis allé avec ma Tesla.

Le président : Je vous invite donc tous. Dans le Canada atlantique, nous avons des bornes de recharge et nous sommes prêts à en ajouter d’autres sur notre territoire.

Je tiens à dire aux témoins que vous nous avez beaucoup éclairés. Votre témoignage a aussi été instructif.

Honorables sénateurs, la prochaine réunion aura lieu le mardi 25 mai, à 9 h 30, heure normale de l’Est. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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