LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le vendredi 11 juin 2021
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 14 heures (HE), par vidéoconférence, pour procéder à l’étude article par article du projet de loi C-220, Loi modifiant le Code canadien du travail (congé de décès); pour étudier le projet de loi S-211, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle; et pour étudier le projet de loi C-237, Loi prévoyant l’élaboration d’un cadre national sur le diabète.
La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Bonjour à tous et à toutes.
Je suis Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec. J’ai le plaisir et le privilège de présider la réunion d’aujourd’hui.
C’est par vidéoconférence que l’on mène cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et, avant de commencer, comme à l’habitude, j’ai le devoir de vous informer de quelques détails pour nous assurer que cette réunion virtuelle se passe bien.
[Traduction]
Vous devez vous assurer que votre microphone est en sourdine en tout temps sauf lorsque je vous aurai donné la parole. C’est à chacun de vous de voir à activer et à désactiver son microphone pendant la séance. Si vous souhaitez faire une intervention, vous devez utiliser la fonction « lever la main ».
[Français]
Si vous éprouvez des difficultés techniques liées en particulier à l’interprétation, veuillez s’il vous plaît le signaler à la présidente ou au greffier. Vous disposez également d’un numéro d’assistance technique qui vous est fourni en cas de besoin.
[Traduction]
Je ferai remarquer que, si nous éprouvons des difficultés techniques, il sera peut-être nécessaire de suspendre la séance, puisqu’il faut, bien entendu, faire en sorte que tous les membres puissent participer pleinement dans la langue de leur choix.
[Français]
Enfin, je voudrais vous rappeler que vous ne devez pas copier, enregistrer ou photographier les écrans Zoom. Pour consulter ou reproduire le contenu de la réunion, on vous demande plutôt d’utiliser les délibérations officielles diffusées sur le site Web SenVu.
Je vais sans plus tarder vous présenter les membres du comité qui participent à la réunion d’aujourd’hui. Nous avons le plaisir de compter parmi nous la vice-présidente du comité, la sénatrice Bovey; la sénatrice Frum; le sénateur R. Black, membre du comité directeur; la sénatrice Forest-Niesing, le sénateur Kutcher, le sénateur Manning, la sénatrice Moodie, le sénateur Mockler, la sénatrice Pate et la sénatrice Simons. Bienvenue à ce comité.
Nous commençons notre séance en poursuivant notre étude du projet de loi C-220, Loi modifiant le Code canadien du travail (congé de décès), et nous en sommes maintenant à l’étape de l’étude article par article du projet de loi.
Est-il convenu, honorables sénateurs, de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-220, Loi modifiant le Code canadien du travail (congé de décès)?
Des voix : D’accord.
La présidente : Adopté.
Êtes-vous d’accord pour suspendre l’adoption du titre?
Des voix : D’accord.
[Traduction]
La présidente : L’article 1 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le comité souhaite-t-il joindre des observations au rapport?
La sénatrice Frum : Non.
La présidente : Êtes-vous d’accord pour que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D’accord.
La présidente : Je vous remercie, chers collègues.
La sénatrice Simons : Si vous me le permettez, j’aimerais ajouter mes propres remerciements. J’ai investi beaucoup d’énergie émotionnelle dans ce dossier et j’en suis donc très heureuse de le voir aboutir. Merci beaucoup.
[Français]
La présidente : Merci beaucoup, sénatrice Simons, et bravo! Sans plus tarder, nous continuons; c’est une journée très occupée comme toujours à ce comité.
Nous poursuivons avec l’étude du projet de loi S-211, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle.
[Traduction]
Je vous présente maintenant les témoins que nous entendrons dans le cadre de notre étude. Nous avons le plaisir d’accueillir l’honorable sénatrice Mobina Jaffer, marraine du projet de loi. Bienvenue. Nous accueillons également Monjur Chowdhury, directeur général fondateur de Pro-active Education for All Children’s Enrichment, et Jocelyn W. Formsma, directrice exécutive de l’Association nationale des centres d’amitié.
J’inviterai d’abord notre collègue, la sénatrice Jaffer, à faire sa déclaration préliminaire. Elle sera suivie de M. Chowdhury, puis de Mme Formsma.
L’honorable. Mobina S. B. Jaffer, sénatrice, Sénat du Canada : Je remercie le comité d’avoir accepté de siéger un vendredi pour travailler sur ce dossier. Je vous en suis reconnaissante. Je vous remercie, sénatrice Petitclerc, de tous vos efforts pour faire adopter ce projet de loi aujourd’hui.
La Journée internationale de la langue maternelle a été instituée par l’ONU en 1999.
[Français]
C’est une façon de célébrer, d’honorer et de reconnaître les Canadiens d’un bout à l’autre du pays qui parlent fièrement leur langue maternelle.
[Traduction]
Cela représente environ 200 langues, de l’espagnol au pendjabi en passant par le tagalog. L’incitation à interagir avec les gens, à apprendre d’eux et à communiquer ouvertement avec eux dans leur langue maternelle est d’une grande pertinence pour tous les Canadiens, jeunes et vieux.
[Français]
La Journée internationale de la langue maternelle est une journée consacrée à la célébration, mais aussi à la remarque de la valeur et de l’importance de pouvoir communiquer librement, ouvertement et fièrement dans la langue maternelle de son choix.
Nous savons que le bilinguisme constitue le fondement d’une identité canadienne collective passée, présente et future. Le projet de loi S-211 appuie le bilinguisme et établit une reconnaissance plus officielle du multilinguisme et du fait que, avec le français et l’anglais, toutes les langues maternelles des Canadiens sont dignes d’être reconnues, honorées, et célébrées.
[Traduction]
D’après le recensement de 2011, il existe plus de 60 langues autochtones au Canada, mais seulement 14,5 % des membres des Premières Nations disent avoir pour langue maternelle une langue autochtone. En 2016, plus de 70 langues autochtones ont été recensées, dont plus de 33 sont parlées par au moins 500 personnes et certaines par seulement 6 personnes.
[Français]
Le nombre de langues autochtones qui ont disparu est vraiment déchirant. Chaque fois qu’une langue disparaît, c’est une partie de notre identité qui disparaît.
[Traduction]
Malgré les efforts louables déployés par le gouvernement, concrétisés dans le projet de loi S-91, il n’y a que quatre langues autochtones qui ne sont pas menacées d’extinction.
Chers collègues, ce que j’ai décidé de faire, puisque vous m’avez déjà souvent entendu parler du sujet, c’est de vous laisser entendre ce qu’en disent deux jeunes dans les mémoires qu’ils nous ont envoyés. Je vais vous en lire des extraits.
Voici ce qu’a écrit Anushua Nag, adjointe législative du sénateur Dalphond :
Je suis une enfant d’immigrants du Bangladesh, et moi-même une immigrante bangladeshi [...]
Il m’est difficile de limiter mon identité à une seule langue, même lorsqu’on me demande sur un formulaire de confirmer ma langue « préférée ». Avec mon conjoint à la maison, je parle anglais. Avec mon frère, je parle français. Et surtout, avec mes parents, je parle le sylheti. Je m’identifie à ces trois langues, chacune pour des raisons très différentes. Bien que le français et l’anglais occupent évidemment une place importante dans ma vie, j’ai l’intention, lors de la Journée internationale de la langue maternelle, de ne célébrer qu’une seule de ces trois identités. Il s’agit de ma définition de l’identité canadienne.
Voici ce qu’a écrit Ayaan Jeraj, élève en 9e année à l’école publique Prince of Wales, qui maîtrise le français et l’anglais et parle aussi l’espagnol et le gujarati :
Je me sens tellement privilégié d’avoir été élevé dans la fierté de ma langue maternelle et de me sentir valorisé quand je la parle en famille. En tant que jeune homme, je me sens foncièrement obligé de mener ce combat pour la reconnaissance de toutes les langues maternelles afin que tous les jeunes aient le sentiment que leur langue maternelle est dynamique et digne de respect.
Pour moi, parler sa langue maternelle, c’est pouvoir parler plusieurs langues. Pour certains, cela signifie pouvoir s’exprimer dans une ou deux des langues officielles du Canada, l’anglais et le français, et aussi connaître les valeurs que véhiculent tellement d’autres langues parlées partout au Canada.
En reconnaissant ce que les langues maternelles, le multiculturalisme et le multilinguisme apportent à la société canadienne, diversifiée et multiculturelle, le projet de loi S-211 crée un vaste éventail de possibilités, surtout pour nous, les jeunes Canadiens.
Enfin, devant l’affliction que cause la pandémie en cours [...] je ressens la force de mes liens avec ma famille, mes amis et mon pays quand je peux parler avec mon cœur. Le projet de loi S-211 permettra à tous les Canadiens, de tout âge, de parler avec leur cœur.
Chers collègues, je termine là-dessus. Je vous remercie de votre attention.
Dr Monjur Chowdhury, directeur général fondateur, Pro-active Education for All Children’s Enrichment : Bonjour. Good afternoon. [mots prononcés dans une autre langue]
Au nom de Pro-active Education for All Children’s Enrichment, ou PEACE, et de Bangla Caravan, c’est pour moi un immense honneur de vous parler de mon engagement pour la Journée internationale de la langue maternelle et de la compréhension que j’en ai. Je vous remercie tous de m’avoir aimablement invité à me joindre à vous cet après-midi. Je suis reconnaissant à la sénatrice Jaffer d’avoir pensé à nous.
J’aimerais commencer en vous expliquant comment je comprends le projet de loi S-211, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle, à la lumière de mon expérience de vie et de travail sur trois continents et de l’utilisation que je fais des quatre langues que je parle et dans lesquelles je travaille.
Selon le professeur Wade Davis, la langue maternelle est une fenêtre sur un autre univers. J’ai trouvé ma fenêtre, que Rabindranath Tagore, poète et lauréat du prix Nobel, a si bien chantée, mais d’une façon qui ne peut être pleinement appréciée qu’en bengali.
[mots prononcés dans une autre langue]
Sans être chanteur, je traduirais :
Le ciel est plein des soleils et des étoiles,
Le monde est plein des âmes,
Je trouve, émerveillé, au centre de tout, ma place.
Quelle belle illustration de ce que disait le professeur Wade Davis. J’ai l’impression, quand je lis ou entends cette chanson, d’avoir une vue cosmique. En tant qu’ingénieur électricien, j’ai trouvé une immense joie de pouvoir faire un avec l’univers dans ma propre langue. Il ne peut être appréhendé que dans ma langue maternelle.
Permettez-moi de vous parler d’une expérience récente. Je suis depuis longtemps enseignant suppléant au conseil scolaire catholique d’Ottawa. Il y a quelques années, dans une école primaire, l’un des enseignants en éducation spéciale m’a demandé de m’occuper d’une jeune élève nouvellement arrivée. Elle parlait, ou parle, arabe. Moi, je ne le parle pas, mais, du fait de mes antécédents, j’ai d’autres moyens de communiquer. L’enseignant m’a demandé de tenter d’amener la nouvelle élève, renfrognée depuis longtemps, à sourire.
Je l’ai abordée en disant : « Assalamu alaikum ». Son visage s’est aussitôt éclairé d’un sourire. Dans le mille. J’avais réussi. Mon collègue était très content. C’est une expérience qui, à mes yeux, exprime l’essence même de la Journée internationale de la langue maternelle. J’aimerais citer un mot de l’un des grands hommes de notre temps, un maître dans cet art, Nelson Mandela. Il a dit un jour :
Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, cela entre dans sa tête. Si vous lui parlez dans sa propre langue, cela lui va au cœur.
Je crois donc que notre langue maternelle est foncièrement une affaire de cœur.
Je veux vous dire pourquoi l’institution de la Journée internationale de la langue maternelle au moyen du projet de loi S-211 pourrait être un pas en avant pour les langues autochtones canadiennes, le bilinguisme canadien et, bien sûr, le multilinguisme. C’est parce que notre langue maternelle peut ouvrir une voie sur le passé pour découvrir notre patrimoine.
La reconnaissance de la Journée internationale de la langue maternelle sera certainement un fait encourageant pour les peuples autochtones du Canada. Ce sera un point tournant pour les victimes des pensionnats, les communautés des Premières Nations, des Métis, des Inuits et autres dont la langue maternelle et la culture font l’objet de discrimination. Cette reconnaissance constituera une nouvelle démonstration de la valeur particulière du bilinguisme canadien.
Je suis heureux de vous informer que la Ville d’Ottawa, à l’instigation du maire Jim Watson, a proclamé la Journée internationale de la langue maternelle. À cette occasion, plus de 25 dirigeants d’organismes communautaires de divers milieux sont venus, accompagnés de leurs membres, et ils ne pouvaient pas être plus heureux. Ils ne cachaient pas leur joie.
C’est une célébration annuelle que nous avons à Ottawa, et plus de 500 personnes y participent avec nous chaque année. Ce n’est pas seulement pour les minorités visibles ou les gens d’autres cultures; c’est un événement festif pour tous les Canadiens, quelle que soit leur couleur. Un de mes amis, Richard Fransham, qui est éducateur, a repoussé une rencontre familiale pour assister à l’événement.
La signification profonde de « langue maternelle » réside dans le mot « maternel ». Rien n’est plus précieux que l’amour maternel, et cet amour s’exprime seulement par le sentiment. C’est pourquoi je demande aux distingués sénateurs d’exprimer ce sentiment pour les langues maternelles en prenant les mesures voulues pour instituer la Journée internationale de la langue maternelle. Merci beaucoup. Namaskar.
La présidente : Merci. Nous allons maintenant entendre Mme Formsma.
Jocelyn W. Formsma, directrice exécutive, Association nationale des Centres d’amitié : [mots prononcés en cri] Vu le projet de loi à l’étude aujourd’hui, j’ai pensé qu’il était approprié de débuter dans ma langue, le cri de Moose.
Je vous salue, distingués membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je me joins à vous depuis un territoire algonquin non cédé.
Comme vous le savez peut-être, l’Association nationale des centres d’amitié est un réseau national d’organismes de services sans but lucratif de la société civile, appartenant à des Autochtones et gérés par eux partout au Canada. Collectivement, nous désignons notre réseau de plus de 100 centres d’amitié locaux et associations provinciales et territoriales comme le Mouvement des centres d’amitié. Nous constituons le principal réseau et la principale infrastructure de prestation de services aux Autochtones en milieu urbain au Canada.
Depuis au moins un demi-siècle, la création et l’expansion des centres d’amitié ont été accomplies par et pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Nous avons aidé des personnes à accéder à des services essentiels et culturellement adaptés dont elles ont besoin pour réussir en milieu urbain partout au Canada.
Comme vous le savez, plus de la moitié de la population autochtone du Canada vit en milieu urbain. Nous veillons à ce que ces Autochtones aient accès à des programmes et services culturellement adaptés qui ne sont pas offerts ailleurs. Nous offrons environ 1 300 programmes à plus d’un million de personnes chaque année. Pour beaucoup d’Autochtones, les centres d’amitié sont le premier point de contact et le principal point d’accès à des programmes et services socioéconomiques culturellement adaptés.
Nous considérons l’institution de la Journée internationale de la langue maternelle comme une reconnaissance de l’importance de la préservation et de la revitalisation de nos langues. Cependant, une journée de célébration des langues maternelles ne va pas assez loin dans l’engagement nécessaire pour compenser la perte forcée et le recul des langues autochtones ou pour les préserver et les revitaliser.
La revitalisation des langues autochtones au Canada pose des défis historiques et systémiques considérables, particulièrement en milieu urbain. Il est essentiel de consigner et de saisir les connaissances sur la promotion linguistique partout où habitent les peuples autochtones, mais les capacités et les ressources sont rares. Il n’y a pas suffisamment de ressources linguistiques, d’enseignants ou de programmes d’études pour toutes les langues autochtones en péril au pays et, dans la plupart des cas, la masse critique d’apprenants n’est simplement pas là dans chaque ville pour offrir un enseignement pertinent des douzaines de langues parlées par les Autochtones en milieu urbain.
Les jeunes sont particulièrement frustrés et très conscients de cette situation. Ils éprouvent de la honte parce qu’ils sont incapables de parler leur langue autochtone. Ils sont impatients et désespérés d’apprendre, mais il y a peu d’endroits et d’espaces où ils peuvent le faire de façon sécuritaire, immersive et holistique.
Faute de promouvoir les langues autochtones au Canada, elles disparaîtront. Il n’y a nulle part ailleurs dans le monde où nous pouvons les revitaliser. La situation est critique.
L’ANCA a consulté le gouvernement fédéral au sujet de la législation sur les langues autochtones. Notre message est succinct et clair : les langues doivent être là où se trouvent nos gens, et nos gens sont partout.
La promotion des langues autochtones vient à l’appui de nombreux droits, y compris les droits de l’enfant et les droits des peuples autochtones. La reconnaissance des langues autochtones à la faveur d’une journée de la langue maternelle est un strict minimum pour affirmer l’existence de ces droits. J’espère qu’il y aura une affectation correspondante et appropriée de ressources pour faire en sorte que ces langues soient d’abord et avant tout enseignées à tous les peuples autochtones.
Sur une note personnelle, j’aimerais que le cri soit ma langue maternelle. Si ce n’est pas le cas, c’est en raison de l’érosion et de la perturbation systémiques de nos modes de connaissance et de vie. Ce n’est pas par choix qu’on perd sa langue. En deux générations, j’ai vu une régression marquée de notre langue dans ma propre famille.
Je vous remercie du temps et de l’attention que vous m’avez accordés aujourd’hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Chi-meegwetch.
La présidente : Merci aux trois témoins, meegwetch, pour leur témoignage bien senti.
Nous avons des questions à vous poser. Nous allons commencer par les vice-présidentes du comité, les sénatrices Frum et Bovey.
La sénatrice Frum : Permettez-moi d’abord de dire à ma collègue, la sénatrice Jaffer, que je lui souhaite bonne chance dans ce dossier, et je la félicite de son témoignage.
Étant l’un des membres du comité dont la langue maternelle est l’anglais, il est clair que tout est plus facile dans mon cas. La question que je pose à tous les témoins est la suivante : une fois que ce projet de loi sera adopté et que la Journée de la langue maternelle sera instituée, comment voudriez-vous que les autochtones anglophones célèbrent cette journée?
La sénatrice Jaffer : Sénatrice Frum, c’est une question d’une extrême importance. Comme vous le savez, j’ai déjà voyagé dans différents lieux à titre d’envoyée officielle de notre pays. L’une des choses qui m’ont le plus étonnée, c’était les jeunes anglophones qui avaient appris d’autres langues, comme l’arabe, et qui étaient devenus responsables de la gestion des camps de réfugiés. Quand je vais dans les écoles pour parler, je dis aux jeunes d’apprendre des langues différentes parce que cela leur ouvre des portes sur leurs voisins immédiats et sur le monde. Évidemment, ici, je fais la promotion de ma langue maternelle, mais cela importe peu de quelle langue il s’agit. Je fais toujours la promotion de l’apprentissage des langues parce que cela offre des possibilités de carrière, mais aussi parce que cela ouvre des portes sur le monde. J’insiste auprès des jeunes que c’est très important. Il faut apprendre une autre langue, quelle qu’elle soit, car elle représente de grandes possibilités.
Quand je suis allée dans ces camps, j’ai été stupéfaite d’entendre ces jeunes responsables, femmes et hommes, parler arabe et de voir le respect qui les entourait par rapport aux autres étrangers qui étaient là. Je ne veux pas laisser entendre qu’il leur fallait maîtriser l’arabe, mais qu’ils ont touché le cœur de réfugiés dans ces camps. Je pense donc que cela ouvre tout un monde.
L’un des avantages du projet de loi, c’est qu’il incitera les gens à apprendre. Évidemment, tout le monde doit apprendre le français et l’anglais, mais le projet de loi encouragera les gens à apprendre d’autres langues.
M. Chowdhury : Si vous me le permettez, je vais vous faire part de mon expérience. Je suis né au Bangladesh. Bien sûr, le bengali est notre langue maternelle et l’anglais notre deuxième langue officielle. Je me souviens encore à quel point j’étais enthousiaste à l’idée d’apprendre l’anglais. En fait, même si j’ai fait mes études en sciences, j’ai toujours eu de bonnes notes en anglais, ce qui m’a aidé. C’est la meilleure chose à faire. Vous voyez mon émotion. Quand je parle, c’est utile. Par conséquent, j’encourage toujours mes enfants. J’ai deux filles qui sont au collège et à l’université, et je les ai encouragées en ce sens.
Quand je suis allé en Russie et en Union soviétique dans ma vingtaine, je ne connaissais pas un mot de la langue. À la fin, j’en savais assez pour rédiger ma thèse en génie électrique dans le domaine des [Difficultés techniques].
Voilà donc où j’en suis avec la langue. La langue est le moyen de transmission des idées et des convictions. Par conséquent, pour toutes les langues — le chinois, le japonais, les autres —, c’est la voie à suivre, surtout en ce XXIe siècle. C’est certain. Le XXIe siècle est le moment propice pour devenir multilingue, mais à condition que la langue d’origine, la racine, soit très solide. Cela ne fait aucun doute. Je crois donc qu’une fois que j’aurai vraiment maîtrisé ma langue, je pourrai exceller dans n’importe quelle autre langue. C’est ce que j’ai constaté dans ma vie.
Voici ma réponse. Bien sûr, l’anglais et le français.
[Français]
Je parle français aussi. Je suis très content de le parler.
La présidente : Merci.
[Traduction]
Mme Formsma : Oui. J’ai pris quelques notes. L’anglais lui-même est une langue qui a des racines dans d’autres langues. Je pense que le but d’une journée comme celle-ci est de sensibiliser les gens, comme nous l’avons fait avec le Mois national de l’histoire autochtone et avec des journées commémoratives de certains événements. Il ne s’agit pas nécessairement de promouvoir ce que représente la majorité ou d’en parler, mais plutôt de faire porter l’attention sur certaines choses particulières. Certes, la raison qui fait que l’anglais est ma langue maternelle ne résulte pas d’un choix. C’était une assimilation forcée à une autre langue. Je pense que, en tant qu’anglophone, on devrait savoir comment l’anglais est devenu la principale langue internationale.
Il n’est pas nécessaire que les gens aient honte de parler anglais ou de l’avoir pour langue maternelle. Je reconnais et je célèbre le fait qu’il y a une diversité de langues. Quiconque parle plusieurs langues sait que toute langue exprime une vision du monde. C’est certainement la même chose pour les langues autochtones.
Je ne peux évidemment pas parler au nom de tous les peuples autochtones, mais j’interpréterais [mots prononcés en cri] comme une journée pour reconnaître ce qui aurait pu être, si ce n’avait été des perturbations systémiques qui ont empêché que moi et ma famille parlions le cri.
La sénatrice Bovey : Je tiens à remercier tous nos intervenants d’aujourd’hui. Sénatrice Jaffer, merci pour ce projet de loi. À nos invités spéciaux, je tiens à dire que je suis très touchée par vos propos. Je pense que c’est un projet de loi très pertinent et je l’appuie d’autant plus que je me trouve à Winnipeg, où plus d’une centaine de langues sont parlées chaque jour. Il y aura donc de grandes célébrations en de nombreuses langues maternelles lorsque ce projet de loi sera promulgué.
Monsieur Chowdhury, j’ai une question pour vous et une autre pour Mme Formsma.
Monsieur Chowdhury, vous avez dit que vous étiez enseignant suppléant. Pouvez-vous nous parler un peu des enfants que vous rencontrez et qui peuvent être gênés de leur langue maternelle? J’ai vu des enfants vouloir parler anglais, ceux de la deuxième génération d’immigrants, et la langue maternelle disparaître dès la troisième génération. Pourriez-vous nous en parler un peu?
Madame Formsma, il y a de nombreuses années, j’ai travaillé avec Gloria Cranmer Webster sur l’île de Vancouver. Elle rédigeait le manuel de 4e année pour l’enseignement de la langue kwakwaka’wakw en Colombie-Britannique, où, bien sûr, nous avons le Royal BC Museum et sa magnifique exposition sur les nombreuses langues autochtones de la province. Avez-vous une idée du nombre de langues autochtones qui ont un manuel scolaire ou une place spéciale dans le programme d’études de la province?
M. Chowdhury : Est-ce que je dois commencer?
La présidente : Absolument. Allez-y, monsieur.
M. Chowdhury : Donc, pour répondre à la question de l’honorable sénatrice, oui, vous avez raison. Je parle toujours d’équilibre lorsque j’enseigne à mes étudiants. L’équilibre est tellement important. Quand je leur enseignais l’effet de serre, je leur disais : « Nous avons besoin des gaz à effet de serre, mais en même temps, nous devons faire attention qu’ils ne dépassent pas la mesure attendue. »
Le problème que j’ai constaté chez nos communautés multiculturelles ou chez les enfants nés à l’extérieur du Canada — même avec mes enfants qui sont nés ici —, c’est qu’ils sont gênés de voir que tout le monde parle anglais et que, s’ils parlent leur langue, ils risquent de ne pas être compris ou de mécontenter quelqu’un. Vous avez tout à fait raison. Mais je pense que c’est à nous, les parents, qu’il incombe de les encourager.
Je peux aussi vous dire qu’il y a un aspect décevant. Il faut faire attention à cela. Par exemple, le conseil scolaire a des fonds, et il offre des cours et des programmes linguistiques internationaux, ainsi que l’école du samedi et du dimanche. Je me souviens, quand j’étais beaucoup plus jeune et que j’étais un jeune père, j’amenais d’autres enfants au cours de bengali le matin, mais les parents n’étaient pas enchantés de cela.
Il y a donc un problème et des aspects complexes. Ils se disent que c’est un pays anglophone, alors quand est-ce qu’ils vont utiliser leur langue maternelle? Mais ils oublient l’importance des racines. En vieillissant, comme moi... je ne suis pas vieux, mais je dis que je peux comprendre qu’ils ne comprennent pas à leur âge. Il faut donc sensibiliser davantage les parents si nous voulons promouvoir l’usage des langues maternelles.
Je viens de vous donner un exemple. Je vais vous en donner un autre. Dans une classe de 9e année — j’enseigne au secondaire maintenant —, je me souviens d’un élève qui venait de Russie. Quand j’ai parlé en russe, il était tellement excité. Dès que je vais à l’école, je commence par m’annoncer dans mes quatre langues : le français, le bengali, le russe et l’anglais. L’ambiance change complètement. Les élèves adorent entendre leur langue maternelle, mais ils hésitent à le dire.
Je répondrais donc qu’il est important de faire de la sensibilisation.
La sénatrice Bovey : Cette journée internationale va y contribuer.
La présidente : Merci.
Madame Formsma, voulez-vous répondre à la question de la sénatrice Bovey?
Mme Formsma : Pour tout dire, je n’en ai aucune idée. Je n’ai pas de liste de cela et je ne vois pas de moyen d’en trouver une.
Je sais que la nation crie de Moose, à laquelle j’appartiens, vient de faire une démarche exhaustive pour créer un dictionnaire complet de la langue crie de Moose, le seul dialecte de son espèce dans la famille linguistique crie. Il a fallu plusieurs personnes-ressources et de nombreuses années pour produire ce dictionnaire, qui s’accompagne d’un livret sur l’usage des mots dans la conversation.
Le manuel en soi est excellent, mais il faut que la langue soit parlée pour rester vivante. Je vais prendre l’exemple des Jeux olympiques de 2010 à Vancouver, où APTN, le Réseau de télévision des peuples autochtones, a recruté des locuteurs des quatre coins du pays pour créer des mots nouveaux, parce qu’il n’y a jamais eu de mot pour dire « lancer frappé » en kwakwaka’wakw ou pour décrire un double Salchow ou d’autres figures de patinage artistique en cri ou en michif. Je pense que c’est vers ce genre de ressources que je me tournerais. Je ferais venir des gens qui parlent des langues vivantes, des locuteurs qui s’expriment dans leur langue maternelle respective. Ces langues n’ont pas à être des vestiges du passé. Elles peuvent certainement faire partie de la famille linguistique d’aujourd’hui et elles ne devraient pas être en déclin. Nous devrions nous efforcer de trouver des moyens pour qu’elles se répandent de plus en plus, en plus grand nombre possible.
La présidente : Merci de votre réponse. Nous entendrons maintenant, dans l’ordre, le sénateur Black, la sénatrice Forest-Niesing, la sénatrice Moodie, la sénatrice Simons, la sénatrice Pate et le sénateur Mockler. Vous voyez donc que nous avons beaucoup de questions. Je vous demanderais d’essayer d’être brefs. C’est tellement intéressant, je veux que tout le monde ait la chance de poser ses questions.
Le sénateur R. Black : Sénatrice Jaffer, c’est un plaisir de vous voir un vendredi après-midi. Merci de vous joindre à nous.
Les avantages qu’il y a à encourager les Canadiens à continuer d’apprendre, d’enseigner et de parler leur langue maternelle sont clairs, et vous l’avez dit très clairement. Comme vous le savez, j’aborde souvent mon travail au Sénat d’un point de vue rural. Donc, en ce qui concerne le projet de loi S-211, je suis curieux de savoir comment les gens de nos régions rurales, qui ont souvent moins accès aux services culturels, entre autres, pourraient être amenés à prendre part à cette journée internationale. Qui sera chargé de la promotion et de la coordination de cette journée-là? Les conseils scolaires? Les provinces ou le gouvernement fédéral? Les établissements culturels? Toutes ces réponses? Pourriez-vous nous en parler, s’il vous plaît?
La sénatrice Jaffer : Il y a encore beaucoup de travail à faire à ce sujet. Pour l’instant, je ne vois que les communautés elles-mêmes. Ensuite, peut-être que l’enthousiasme se répandra et que les conseils scolaires embarqueront. Certains le font déjà, à Ottawa, par exemple. Le maire en a fait la déclaration officielle, et c’est ce qu’ils font à Ottawa. Pour ce qui est des régions rurales, eh bien... J’ai deux petits-enfants, et pour apprendre notre langue, le gujarati, ils doivent aller sur Internet. Même si nous vivons à Vancouver, il est très difficile d’apprendre le gujarati.
Une découverte formidable que nous avons faite, à cause surtout de la pandémie, c’est que sur Internet, on trouve une multitude d’enseignants de par le monde. Sur Internet, pour 7 $ l’heure, vous pouvez apprendre une autre langue. Je suppose donc que la meilleure façon de procéder est par Internet. C’est ce que je fais avec mes petits-enfants.
Même si je vis dans une grande ville, ce n’est pas toujours évident parce que le gujarati n’est pas aussi courant que le pendjabi, le tagalog ou le mandarin, alors la chose à faire en région rurale, c’est d’aller sur Internet.
Le sénateur R. Black : Juste un commentaire. Évidemment, l’accès à Internet dans les régions rurales est un autre problème avec lequel nous devons composer. Cela ajoute au dilemme.
J’ai une autre question pour Mme Formsma, mais je vais attendre au deuxième tour, si nous y arrivons. J’aurai peut-être ma réponse d’ici là. Je cède donc la parole. Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Forest-Niesing : J’ai deux questions. Merci beaucoup, sénatrice Jaffer, d’être avec nous en ce vendredi après-midi. Merci aussi à nos deux invités, dont le témoignage est extrêmement intéressant. Je vous suis très, très reconnaissante.
On a traité un peu des deux sujets de mes questions, mais je vais aller un peu plus loin. Ma première question concerne l’accès aux cours en ligne et s’adresse à Mme Formsma. On parle d’un danger et d’une fragilité langagière, particulièrement pour les langues autochtones. Voyez-vous déjà une dépendance à des moyens technologiques, et voyez-vous dans ces moyens technologiques une solution possible à la pénurie de professeurs et au manque d’accès pour tous à des sources d’enseignement pour les nombreuses langues autochtones? Je vais m’arrêter là pour la première question.
[Traduction]
Mme Formsma : Je vous remercie de la question. Ce que j’ai constaté, c’est que beaucoup de centres d’amitié offrent des programmes en langues autochtones, celles des communautés où ils sont situés. Si un centre d’amitié se trouve dans le Nord de la Saskatchewan, les langues offertes seraient le michif, le cri, le déné. Si c’est à Montréal, peut-être différents dialectes de l’inuktitut, ainsi que le mohawk et peut-être d’autres langues haudenosaunee. Cela dépend de la communauté qui est présente à cet endroit.
Ce que nous voyons en général, c’est que les gens se tournent vers cette formule de cours en ligne. Ils se connectent en groupes pour mettre en commun leurs ressources et tenir cette tribune virtuelle qui leur permet d’entendre la langue.
Je siège aussi au conseil d’administration d’APTN et je pense qu’il ne faut pas sous-estimer l’importance des médias. Si on veut s’initier à une nouvelle langue, où est-ce qu’on va? On se tourne peut-être vers une application en ligne, mais moi, en tout cas, lorsque je visite un autre pays et que j’essaie d’apprendre au moins quelques mots de la langue, je compte sur la télévision et la radio pour me la mettre à l’oreille, parce que si on n’entend pas la langue, il est vraiment difficile de lire les mots sur une page.
L’accès en ligne facilite les choses. Je pense qu’il y a quelque chose dans le fait de se rassembler. Évidemment, nous ne pouvons pas le faire pour l’instant.
Pour moi, oui, il est important d’avoir des enseignants, des gens qui parlent bien la langue. Mais je dirais qu’il est plus important que les gens puissent se rassembler, entendre la langue et y accéder de cette façon.
Les enseignants, nous pourrions certainement en avoir beaucoup plus. Quant aux langues en disparition, je ne sais pas vraiment comment on pourrait s’y prendre avec les plus marginales. Parmi les langues autochtones, le cri est encore une des plus parlées par des gens dont c’est la langue maternelle, même dans ses différents dialectes. Mais pour les langues les plus marginales, on manque peut-être de ressources et on ne peut peut-être pas s’inspirer d’autres dialectes pour reconstituer quelque chose, qui ne serait pas parfait dans votre dialecte, mais ce serait au moins quelque chose. En langue crie, nous pourrions le faire. Nous pourrions puiser dans le dialecte en y et dans le dialecte en n. Donc, si les ressources n’existent pas dans notre propre dialecte, nous pouvons nous tourner vers d’autres, ce qui n’est pas le cas pour d’autres langues autochtones.
[Français]
La sénatrice Forest-Niesing : Merci beaucoup. Je ne pense plus avoir de temps, j’attendrai à la deuxième ronde.
[Traduction]
La sénatrice Moodie : Merci aux intervenants qui sont ici aujourd’hui. Madame Formsma, c’est un plaisir de vous revoir, après vous avoir rencontrée lorsque je travaillais sur le projet de loi concernant l’enfance.
J’ai grandi sur une île postcoloniale des Antilles et je me revois à l’âge de 12 ans, assise dans une salle de classe à me débattre pour apprendre le latin et parfaire un anglais à l’accent britannique, et je suis toujours fascinée par la diversité linguistique. J’aimerais poser une question à Mme Formsma à ce sujet.
Il ne fait aucun doute que la diversité linguistique est menacée au Canada et dans le monde entier. Quelles sont, d’après vous, les grandes forces qui menacent la diversité, et quels sont les avantages de la diversité que nous devrions chercher délibérément à établir ici, au Canada?
Mme Formsma : Eh bien, jusqu’où remontons-nous? Il y a un scénario dans l’histoire qui fait que le Canada aurait pu être un pays entièrement francophone. En fait, c’est la neutralité des Haudenosaunee qui fait que nous sommes devenus un pays anglophone et non francophone.
À propos des grandes forces, je ne pense pas que nous puissions sous-estimer ces premières interactions et la colonisation qui s’est ensuivie au Canada. Je le dis simplement comme un fait; c’est ce qui s’est produit pour l’aspect linguistique.
Donc, les grandes forces, à l’œuvre dès le début de l’histoire du Canada, ont amené les gens à apprendre la langue. C’était naturel dans l’économie coloniale des débuts et dans les processus de négociation des traités. À une certaine époque, les gens qui venaient ici respectaient les modes de savoir et les façons d’être des Autochtones, ils s’intéressaient vraiment et se conformaient aux protocoles des nations avec lesquelles ils faisaient affaire.
Avec le temps, lorsque le pouvoir a changé de mains — avec les pensionnats forcés, le système de protection de l’enfance, la rafle des années 1960 —, les relations que les Autochtones avaient avec leur famille, leur communauté, leur culture et leur langue ont été particulièrement perturbées.
Je pense que les avantages et la diversité vont vraiment dans le sens de ce que je disais tout à l’heure au sujet des modes du savoir. Il y a tellement de choses déposées dans le giron de la langue. Je ne connais que la pointe de la pointe de l’iceberg de tout ce qui est contenu dans ma langue, d’après l’infime partie que j’ai eu la chance d’apprendre.
Le peu que je connais de la langue crie m’a été enseigné à l’école primaire de Moosonee, qui l’avait à son programme. Rendue à l’école secondaire de Moosonee, j’ai dû choisir entre continuer à apprendre le cri ou passer au programme d’études en français. On m’a vivement conseillé de choisir le français parce que cela me servirait mieux dans l’avenir. J’imagine qu’à l’époque, on pensait à la réussite en affaires, ou peu importe.
Avec le recul, j’aurais aimé avoir la chance de poursuivre mes études en cri. À ce moment-là, j’avais déménagé à Timmins, qui est toujours dans mon territoire, mais c’est une plus grande ville qui ne m’offrait pas cette possibilité. Remarquez que ces cours de langue étaient offerts à tous les enfants de l’école, pas seulement les enfants autochtones ou les enfants cris.
Encore une fois, avec la diversité, il y a tellement de choses portées par les langues. Avec elles, nous en apprenons sur les valeurs, les relations, les liens entre les êtres. Même qu’en langue crie, nous ne distinguons pas les choses selon le genre; nous les distinguons selon qu’elles sont animées ou inanimées, selon qu’elles sont vivantes ou inertes. Il y a là un aspect important de la diversité linguistique, je crois.
La présidente : Merci.
Honorables sénateurs, une fois de plus, je dois vous demander d’essayer d’être un peu plus brefs, si vous le pouvez.
La sénatrice Simons : Hier soir, au Sénat, j’ai eu l’occasion de parler du projet de loi C-8, qui modifierait le serment de citoyenneté pour y inclure un engagement à respecter les droits issus de traités et les droits constitutionnels. J’en ai profité pour parler des choses qui divisent parfois les communautés autochtones et immigrantes de notre pays.
C’est une question que je vais poser à la sénatrice Jaffer.
Est-ce que vous voyez dans cette journée internationale une occasion pour les communautés autochtones et immigrantes de se rapprocher, de se découvrir des intérêts communs?
La sénatrice Jaffer : À Vancouver, je vois des rapprochements. Je constate un grand désir chez les enfants immigrants d’apprendre les langues autochtones. Là où j’habite, il y a beaucoup plus d’intégration, pour le meilleur et pour le pire, entre enfants autochtones et immigrants.
C’est une question dont nous devrons discuter plus longuement un autre jour, la sénatrice Omidvar et moi, parce que je dis toujours que le mot « immigrant » ne vaut que pour les trois premières années, après quoi ce sont des enfants canadiens. Sauf le respect que je lui dois, je ne suis pas d’accord avec la sénatrice Omidvar, parce que pour moi, une personne n’est immigrante que pendant trois ans, après quoi elle est canadienne. Alors nous, Canadiens, qu’allons-nous faire pour nous intégrer et mieux connaître les peuples autochtones?
Aujourd’hui, à l’école, on enseigne beaucoup de matières aux enfants. Pas autant que je le voudrais, mais c’est une démarche continue pour tous les enfants canadiens, pas seulement les immigrants.
Sénatrice Simons, j’espère ne pas être impolie, mais je ne suis pas d’accord avec la sénatrice Omidvar à ce sujet, car nous ne sommes des immigrants que pendant trois ans.
La présidente : Merci. Je vois une conversation intéressante dans votre avenir.
La sénatrice Pate : Merci, sénatrice Jaffer, d’avoir présenté ce projet de loi.
Ma question s’adresse à Mme Formsma. L’an dernier, nous avons adopté le projet de loi C-91, qui portait notamment sur les efforts de réappropriation des langues autochtones. Maintenant, il y a ce projet de loi sur les langues maternelles. La critique formulée par un certain nombre de groupes à l’époque était que c’est beau d’avoir cela, mais comment peut-on y affecter des ressources s’il n’y a pas de structures en place pour assurer une pleine mise en œuvre?
Que faudrait-il faire de plus? Vous avez déjà fait des commentaires très utiles à ce sujet, mais si vous pouviez ajouter quelque chose sur le genre d’initiatives ou d’approches à mettre en place pour donner du souffle à ce projet de loi, ainsi qu’à la Loi sur les langues autochtones, je vous en serais reconnaissante.
Mme Formsma : Merci beaucoup, madame la sénatrice.
Il est tellement important de faire beaucoup de choses dont nous avons parlé. Il est important d’offrir aux communautés les ressources nécessaires pour rédiger les manuels et créer les outils pédagogiques dont elles ont besoin pour mettre la langue par écrit pour ceux qui le souhaitent. De nombreuses langues sont orales, mais le fait de les mettre en forme écrite, comme nous l’avons fait du moins pour le cri de Moose, est une façon de progresser.
Comme je le disais aussi, le fait qu’il figurait dans le programme scolaire m’a aidée, ainsi que toute une génération d’enfants, à apprendre le cri.
À propos, il y avait aussi au programme des cours de culture crie. Nous faisions du perlage et de l’artisanat. Nous apprenions en même temps le vocabulaire cri de nos activités : le nom des peaux, les sortes de perles, les techniques que nous apprenions.
Donc, il faut intégrer cela dans les programmes d’études. Il faut ensuite promouvoir la langue dans les médias, que les gens l’entendent à la télévision et à la radio. Je sais qu’APTN le fait et de nombreux diffuseurs du Nord le font, notamment les diffuseurs inuits. Ils engagent certains des derniers locuteurs de langue maternelle dans leurs communautés, mais les ressources leur font cruellement défaut.
Essentiellement, il s’agit de rendre la langue présente partout. Je sais qu’il y a des discussions à ce sujet, et certaines municipalités convertissent déjà des noms de rue et des toponymes en langues autochtones. Chacun de ces gestes est important pour que, en fin de compte, la langue vive chez les gens mêmes, dans leur bouche, dans leurs oreilles — partout — pour avoir la plus large diffusion possible.
Je ne saurais trop insister sur le fait que, si ces langues disparaissent du Canada, nous ne pourrons pas les récupérer ailleurs. Nous n’avons pas de mère-patrie où retourner; c’est ici, notre mère-patrie. C’est notre territoire d’origine. Il serait absolument scandaleux d’assister à une disparition aussi massive des langues de notre pays — et je parle ici de nos territoires ancestraux. Je pense que cela relève de ce qu’on a pu entendre au sujet des actes de génocide culturel. Chaque fois que nous effaçons une langue, c’est toute une culture qui disparaît.
La présidente : Merci, madame Formsma, et merci, sénatrice Pate, de votre question.
Sénateur Mockler, bienvenue à notre comité. C’est un plaisir de vous avoir parmi nous. Allez-y, s’il vous plaît.
[Français]
Le sénateur Mockler : On dit toujours qu’une image vaut mille mots.
[Traduction]
Je tenais à vous dire ce que je fais comme parlementaire depuis de nombreuses années. Dans notre système scolaire du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick, je donne des livres à tous les jeunes qui viennent à mon bureau. Ils portent sur des sujets différents, en français, en anglais et en malécite, parce que la nation malécite se trouve dans le Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick. En raison de mon expérience au Mexique, nous avons les mêmes auteurs en français, en anglais et en espagnol. C’est ainsi que je me présente. Dans les écoles du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick, on encourage d’autres langues, surtout les langues maternelles.
Je me réjouis personnellement de l’esprit qui anime le projet de loi S-211. Sénatrice Jaffer, merci encore une fois de votre initiative.
Madame et monsieur les témoins, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les avantages — vous en avez mentionné quelques-uns — pour l’enfant, la collectivité et la société en général?
M. Chowdhury : Merci beaucoup. C’est une excellente question.
J’ai mentionné dans mon introduction que l’avantage est clair. Je crois que lorsque nous sommes en lien avec notre cœur... Je comprends que lorsque nous parlons des enfants, nous parlons de l’ancrage profond qu’ils auront si nous leur offrons la chance de se connecter à leurs racines.
Maintenant, si je comprends bien, lorsque nous parlons des langues maternelles, il ne s’agit pas seulement de la langue au sens strict. Il s’agit de bien d’autres choses, notamment la culture. À nouveau, si nous donnons une chance à nos enfants... Je vais vous donner un exemple. Quand mes enfants étaient plus jeunes, nous les avons exposés à notre langue maternelle. Imaginez ma mère de 85 ans, qui ne parle pas anglais; quand nous communiquons avec elle et que je vois nos enfants capables de lui parler, vous n’avez pas idée de la joie que je ressens. Voilà un avantage qui se mesure. Comme je disais, il ne... [Difficultés techniques] ... d’aucune façon pour apprendre l’anglais, le français ou toute autre langue.
En une phrase, je dirais qu’il s’agit simplement de se connecter à ses racines. C’est le maître mot, « racines ». Nous avons tous des racines différentes. C’est donc un avantage énorme. C’est intangible. Nous ne pouvons probablement pas le mesurer maintenant, mais avec le temps, nous le pourrons. Nous n’avons pas besoin d’une centaine d’années pour dire que nous sommes désolés de n’avoir pas fait ce que nous étions censés faire. Voilà ma réponse.
La présidente : J’aimerais entendre Mme Formsma et le sénateur Mockler réagir à cela et aussi parler de la joie de redécouvrir une langue perdue — non seulement la joie, mais l’importance qu’on y attache.
Mme Formsma : Absolument. J’approuve entièrement le propos de M. Chowdhury. J’ajouterais qu’il y a une fierté à entendre un enfant parler sa langue, et une fierté chez les parents qui entendent leur enfant parler leur langue. La chance qu’on donne aux enfants de comprendre et d’apprendre leur langue se répercute sur la famille entière parce que ses membres ont aussi le goût d’en connaître davantage.
Nous avons un programme d’aide préscolaire aux Autochtones en milieu urbain ici à Ottawa, qui s’appelle Makonsag et qui comporte un volet linguistique. Les enfants rentrent donc à la maison, ils ont créé et appris des choses et maintenant, lorsqu’ils saluent des amis, ils disent spontanément [mots prononcés en cri]. Cela leur vient tout naturellement. Ils vous souhaitent bonne santé et bonne vie. Ces manifestations de fierté tiennent à la force et à la confiance en soi que les gens ont.
Bien sûr, je suis à l’extérieur de mon territoire, mais j’essaie de rester connectée le plus possible. Je parlais à quelqu’un de chez nous de la façon dont, dans tout ce qu’on fait quand on dirige une communauté, que ce soit au niveau régional, national ou peu importe où on est, on trouve toujours le moyen de faire une place à la langue dans son travail. C’est comme cela qu’on prend fait et cause pour les gens, parce qu’en faisant un usage naturel de la langue, on fait savoir clairement d’où on vient et on obtient tellement en retour. On parle de sa place, de son origine, de toutes ces choses que M. Chowdhury a mentionnées, mais on parle aussi de fierté.
Pour beaucoup d’Autochtones, se réapproprier sa langue et être capable de la parler, c’est en quelque sorte une manière de riposter à l’oppression du système.
Lorsque j’ai reçu ce dictionnaire de la langue crie de Moose, je l’ai feuilleté d’un bout à l’autre. J’aurais voulu que mon cerveau puisse absorber et se rappeler chaque mot afin de pouvoir le reconnaître lorsqu’on me parle, et j’espère pouvoir intégrer davantage de ces mots dans ma vie de tous les jours. C’est un beau cadeau que ces gens ont fait à ma communauté. J’aimerais que chaque communauté reçoive aussi le cadeau de sa langue sous cette forme.
La présidente : Je vous remercie.
Le sénateur Kutcher : Merci à tous nos témoins et merci infiniment à la sénatrice Jaffer. C’est à elle que ma question s’adresse.
Quelles seraient vos deux principales suggestions quant à la façon dont le gouvernement fédéral pourrait favoriser l’usage et la viabilité des langues maternelles?
La sénatrice Jaffer : Mes deux principales suggestions pour le gouvernement fédéral — et je le dis très sincèrement — sont de promouvoir les langues autochtones dans les écoles et d’offrir des moyens pour qu’elles soient enseignées à tous nos enfants. Je pense que ce serait un immense cadeau. Ensuite, mettre les langues autochtones sur Internet pour que nos enfants puissent les apprendre. Les peuples autochtones ont une mine d’information historique inestimable à nous offrir. Ce serait mes deux suggestions : investir dans des sites web de langues autochtones et encourager les provinces à les enseigner dans les écoles.
M. Chowdhury : Si vous me permettez, j’ajouterais que le gouvernement fédéral a l’occasion de promouvoir une autre chose, soit une plus grande ouverture des Canadiens au multilinguisme et aux autres cultures. Je vais vous donner l’exemple du poète Rabindranath Tagore, lauréat du prix Nobel. J’ai demandé à mon collègue, un professeur d’anglais, s’il le connaissait et j’ai été surpris d’apprendre — c’est mon grand ami — qu’il connaissait effectivement Rabindranath Tagore. Alors, si mes enfants devaient être privés de ce pan d’histoire... un des plus grands poètes de son temps et même de nos jours. Je pense que le gouvernement fédéral a une occasion en or de rendre notre pays encore meilleur. Voilà, c’est le point que je voulais faire valoir. Merci.
La présidente : Chers collègues, je crois que nous sommes presque prêts à procéder à l’étude article par article. Sénatrice Forest-Niesing et sénateur Black, est-ce qu’on a répondu à vos questions?
Le sénateur R. Black : Ça va, madame la présidente. Merci.
La présidente : Je pense, sénatrice Jaffer, que vous ne vous opposerez pas à ce que nous procédions à l’étude article par article de votre projet de loi.
Permettez-moi de remercier nos témoins du fond du cœur. Votre témoignage était intéressant, pertinent et éclairant. Vous avez vraiment su expliquer pourquoi un tel projet de loi pourrait avoir un impact et être très utile pour protéger et propager des langues maternelles. Merci d’y avoir consacré une partie de votre vendredi après-midi. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Sur ce, êtes-vous d’accord, honorables sénateurs, pour que le comité procède à l’étude article par article du projet de loi S-211, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du préambule est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude de l’article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 3 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le préambule est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le comité souhaite-t-il ajouter des observations à ce rapport? Je n’en vois pas.
Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que je fasse rapport de ce projet de loi au Sénat?
Des voix : D’accord.
La présidente : Merci, honorables sénateurs.
Bravo, sénatrice Jaffer. Je crois que nos collègues savent que ce sera dimanche le 20e anniversaire de votre remarquable présence au Sénat. Il convient donc tout à fait que votre projet de loi soit adopté aujourd’hui. Merci beaucoup. Comme vous voyez, nous sommes très heureux pour vous.
Encore une fois, je remercie nos témoins. Meegwetch.
[Français]
Chers collègues, c’est avec plaisir que nous allons maintenant poursuivre avec notre étude du projet de loi C-237, Loi prévoyant l’élaboration d’un cadre national sur le diabète.
Merci à nos témoins d’être ici avec nous en ce vendredi après-midi.
[Traduction]
Je vous les présente. Mme Sonia Sidhu, députée de Brampton-Sud et marraine du projet de loi. Bienvenue, madame Sidhu. Nous accueillons aussi Mme Kimberley Hanson, directrice exécutive des affaires fédérales chez Diabète Canada.
Sans plus tarder, j’invite Mme Sidhu à faire sa déclaration préliminaire, qui sera suivie de celle de Mme Hanson.
Sonia Sidhu, députée de Brampton-Sud, marraine du projet de loi : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs. Je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui au sujet de mon initiative parlementaire, le projet de loi C-237, Loi prévoyant l’élaboration d’un cadre national sur le diabète.
Je tiens à vous remercier tous de bien vouloir vous pencher sur ce projet de loi et à remercier la sénatrice Mégie d’avoir bien voulu le parrainer au Sénat. Merci à tous les sénateurs de l’attention qu’ils portent à cette importante question.
Depuis que j’ai présenté ce projet de loi l’an dernier, la réaction des diabétiques a été extraordinaire. Encore ce matin, j’ai reçu une lettre d’un homme de Montréal au sujet de son frère qui a été diagnostiqué à l’âge de 5 ans et qui a vécu en santé jusqu’à ce qu’il soit atteint d’une rétinopathie à l’âge de 30 ans. Ce frère ne s’est cependant pas laissé ralentir par la cécité. Il est allé chercher une maîtrise en administration des affaires en suivant des cours de nuit, tout en travaillant de jour, et il mène une belle carrière. Pendant ce temps, son frère qui m’a écrit est devenu chercheur en médecine. Il me dit dans sa lettre : « J’espère que votre loi réussira à passer, car il s’agit d’un effort important. »
Honorables sénateurs, les Canadiens qui vivent avec le diabète étaient ravis que ce projet de loi soit adopté à la Chambre à l’unanimité de tous les partis, à chaque étape. J’espère pouvoir compter sur votre appui également.
Cette année, nous commémorons le centenaire de la découverte de l’insuline par sir Frederick Banting et ses associés à l’Université de Toronto.
Onze millions de Canadiens vivent avec le diabète ou le prédiabète. Le nombre de diagnostics a doublé depuis 20 ans et, toutes les trois minutes, un nouveau Canadien s’ajoute à la liste.
En 18 années de carrière comme professionnelle de la santé, j’ai vu souvent des patients souffrir de maladies cardiovasculaires ou de maladies du rein et subir une amputation, et le diabète était souvent une cause sous-jacente. Dans ma propre ville de Brampton, c’est près d’un résident sur six qui vit avec le diabète ou le prédiabète. C’est pourquoi j’ai choisi de défendre cette cause et que je me suis battue aux niveaux fédéral et local pour que novembre soit reconnu comme le Mois de la sensibilisation au diabète.
Si on calcule ce qu’il en coûte au système de santé public et aux diabétiques, cela représente un énorme fardeau financier. Chaque dollar dépensé pour combattre et prévenir le diabète nous permet d’économiser plus que sa valeur au bout du compte. Le diabète est une des maladies chroniques les plus répandues au Canada et son incidence ne fait qu’augmenter.
Certains Canadiens présentent un risque accru, comme ceux des populations sud-asiatiques, noires et autochtones. Nous savons aussi que le diabète touche de façon disproportionnée les Canadiens à faible revenu et peu scolarisés. Les taux de diabète sont de trois à quatre fois plus élevés chez les Premières Nations que dans la population en général. De plus, chez les Autochtones, le diabète de type 2 se déclare à un plus jeune âge que chez d’autres personnes.
La pandémie de COVID-19 a touché de façon disproportionnée les Canadiens atteints de maladies chroniques, dont le diabète. Pour toutes ces raisons, nous avons besoin d’un plan national cohérent pour lutter contre cette maladie, un plan qui coordonne le financement des campagnes de sensibilisation, de la prévention, de la recherche et du traitement et qui assure un accès égal au traitement partout au Canada.
La sensibilisation est particulièrement importante. Récemment, j’ai rencontré une jeune femme du nom de Laura, qui vit avec le diabète depuis l’âge de sept ans. Un des premiers signes de sa maladie était qu’elle avait toujours soif et buvait de l’eau sans arrêt, une réaction à un taux élevé de glucose. Si ses parents et ses enseignants avaient su reconnaître un symptôme possible, elle aurait pu se faire traiter plus tôt pour le diabète de type 1. À ses premiers stades, le diabète de type 2 peut en effet être renversé par des interventions appropriées, mais les gens doivent y être sensibilisés pour chercher à se faire soigner.
L’éducation aussi est essentielle. La technologie et les thérapies évoluent constamment, alors il est important que les professionnels de la santé se tiennent au fait des pratiques exemplaires.
Madame la présidente, nous pouvons tirer des leçons des plans et des programmes passés du Canada en matière de diabète et veiller à ce que le cadre prévu dans le projet de loi C-237 s’appuie sur la collecte de données, engage une responsabilité et fasse appel à des intervenants comme Diabète Canada et la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile. Un cadre national donnerait une orientation commune à tous les intervenants pour s’attaquer au diabète et, par extension, à d’autres maladies chroniques présentant les mêmes facteurs de risque. Il assurerait une meilleure coordination des efforts entre les administrations fédérale, autochtones, provinciales et territoriales et fournirait un mécanisme de suivi et de rapport des progrès. Il permettrait de cerner les lacunes des méthodes actuelles et de mieux combattre les inégalités dans le traitement du diabète. Le projet de loi vise à promouvoir la recherche, la collecte de données et le traitement. Son adoption ferait une grande différence dans la vie de millions de Canadiens.
En avril 2019, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a mené une étude et publié un rapport sur cette question. La première recommandation du rapport était que le gouvernement du Canada, en partenariat avec les provinces et les territoires et en collaboration avec les intervenants, élabore et mette en œuvre une approche de prévention et de gestion du diabète au Canada au moyen d’une stratégie nationale sur le diabète.
En novembre dernier, je me suis rendue à la maison Banting, à London, en Ontario, où se trouve la flamme de l’espoir, qui brûle en permanence en l’honneur de toutes les personnes touchées par le diabète. Cette flamme nous rappelle de travailler encore pour trouver un vrai remède, et elle ne s’éteindra que lorsqu’on le découvrira. La meilleure chose que notre pays puisse faire pour honorer toutes ces personnes est de renouveler son engagement à aider ceux et celles qui luttent contre cette maladie chronique, qu’il s’agisse de médecins, de chercheurs, des patients ou de leurs proches.
Madame la présidente, honorables sénateurs, les Canadiens sont depuis toujours à l’avant-garde de la lutte contre le diabète. Je tiens à vous remercier encore une fois de l’appui et de l’attention que vous avez accordés à ce projet de loi, qui, je l’espère, nous amènera un jour à éteindre cette flamme qui brûle à la maison Banting, une fois qu’il aura été adopté par les deux chambres. Merci.
Kimberley Hanson, directrice exécutive, Affaires fédérales, Diabète Canada : Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis enchantée de vous revoir.
Bonjour, honorables sénateurs. Je suis reconnaissante de vivre et de travailler sur les terres ancestrales des Haudenosaunee, des Anishinabewaki et des Algonquins. J’aimerais d’abord vous remercier de votre promptitude à étudier cet important projet de loi et de tout ce que vous faites pour protéger la santé des Canadiens. Je n’ai jamais été aussi fière d’être Canadienne qu’au cours de la dernière année. J’ai trouvé très inspirant de voir nos gouvernements conjuguer leurs efforts dans des circonstances difficiles et mouvantes pour aider les Canadiens à traverser la pandémie de COVID-19.
Je voudrais vous remercier aussi de me donner l’occasion de parler du fardeau que représente le diabète pour les Canadiens et de la ferme conviction que nous avons chez Diabète Canada que le projet de loi C-237 est important pour mettre en œuvre les recommandations de notre stratégie nationale Diabète 360° et alléger le tribut que cette maladie fait peser sur notre pays.
Le diabète représente un fardeau considérable et croissant au Canada. Comme madame Sidhu l’a mentionné, le nombre de Canadiens atteints de diabète a doublé depuis l’an 2000. Il y a maintenant 11,5 millions de Canadiens qui vivent avec le prédiabète ou le diabète, et tant la prévalence de la maladie que les coûts directs de traitement augmentent au rythme d’environ 40 % par décennie. Ils ne montrent aucun signe de ralentissement sans l’engagement du gouvernement fédéral à agir. Le diabète ou le prédiabète touche un Canadien sur trois et pourtant, 30 % de ceux qui l’ont — un nombre impressionnant de sept millions de personnes — ne le savent même pas.
La Fédération internationale du diabète classe le Canada parmi les pires pays de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, pour ce qui est de la prévalence du diabète et du coût de son traitement. Au-delà des coûts humains incommensurables du diabète, si la prévalence continue d’augmenter de 40 % au cours de la prochaine décennie, les coûts des soins de santé associés au traitement des personnes atteintes de diabète et de ses complications au Canada dépasseront les 39 milliards de dollars par année d’ici 2028.
La pandémie de la COVID-19 a mis en évidence la vulnérabilité des Canadiens atteints de diabète et le besoin urgent de s’attaquer à l’épidémie de diabète. De nombreuses personnes diabétiques présentent un risque élevé d’être atteints d’une forme sévère de COVID-19. Au fur et à mesure que nous en apprenons davantage sur ce virus, la recherche montre que même si le diabète ne rend pas une personne plus susceptible d’attraper la COVID-19, les conséquences sont plus graves si elle est contaminée. Les personnes diabétiques sont beaucoup plus susceptibles d’avoir besoin d’une hospitalisation et de soins intensifs que celles qui n’en ont pas et elles sont environ trois fois plus susceptibles de mourir de la COVID-19.
Pendant la COVID-19, de nombreuses personnes retardent l’accès aux soins de santé, ce qui semble accroître le risque de complications liées au diabète, comme la cécité et l’amputation d’un membre inférieur. Comme l’a dit la Dre Karen Cross, chirurgienne et scientifique à l’hôpital St. Michael, lors d’une récente réunion du caucus multipartite sur le diabète de la Chambre des communes, si le diabète avant le COVID était le tremblement de terre, la COVID-19 serait le tsunami. Nous devons agir maintenant pour minimiser les répercussions du tsunami sur le diabète et sur les complications auxquelles nous faisons face.
J’ai vécu avec le diabète et plusieurs de ses complications pendant 25 ans et j’ai perdu de nombreux êtres chers à cause de ses conséquences. J’ai donc été touchée de voir notre gouvernement reconnaître que le diabète est un problème grave au Canada et que nous devons prendre des mesures audacieuses et urgentes pour le régler.
Pour réduire le fardeau du diabète au Canada, nous avons besoin d’une stratégie coordonnée et globale. C’est l’avis, non seulement de Diabète Canada, mais aussi du Comité de la santé et du Comité des finances du Parlement, qui s’appuient sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé. Nous savons que les pays qui ont une stratégie ou un cadre national de lutte contre le diabète s’en tirent mieux. Le diabète est moins répandu dans ces pays, et les diabétiques souffrent moins de ses complications. Au cours des huit années qui se sont écoulées depuis la dernière fois que le Canada a mis en place une stratégie nationale sur le diabète, près de 2 millions de Canadiens ont reçu un diagnostic de diabète.
Diabète 360° est la stratégie dont le Canada a besoin. Élaborée par 120 intervenants sur un peu plus d’un an d’efforts rigoureux, la stratégie Diabète 360° contient des recommandations fondées sur des données probantes visant à améliorer les résultats pour la santé des patients. Elle améliorera la prévention, le dépistage et la gestion du diabète afin d’offrir de meilleurs soins aux Canadiens. Compte tenu de l’objectif 90-90-90 adopté avec succès par le Programme de l’Organisation des Nations Unies sur le VIH/sida et des réussites du Partenariat canadien contre le cancer, Diabète 360° réduira de plusieurs milliards de dollars les dépenses inutiles en soins de santé, améliorera la vie de millions de Canadiens et protégera la productivité et la compétitivité du Canada.
Diabète 360° bénéficie d’un appui considérable de la part de tous les principaux groupes d’intervenants. À l’échelle provinciale, trois provinces — la Colombie-Britannique, le Manitoba et l’Île-du-Prince-Édouard — se sont publiquement engagées à mettre en œuvre des stratégies de lutte contre le diabète fondées sur Diabète 360°, et d’autres provinces, dont l’Ontario, ont entamé des discussions à ce sujet.
Un sondage Ipsos mené en octobre 2019 a révélé que 87 % des Canadiens estiment que le gouvernement fédéral doit faire davantage, avec les provinces et les territoires, pour lutter contre le diabète, et des dizaines de milliers de Canadiens ont envoyé des lettres à leurs députés pour appuyer cette importante initiative.
De plus, Diabète 360° peut, à très brève échéance, aider notre économie à économiser des milliards de dollars en soins de santé et en coûts pour les employeurs — de l’argent dont notre économie aura besoin pour se remettre des répercussions financières e la pandémie de la COVID-19.
Le projet de loi C-237 est étroitement lié au cadre stratégique Diabète 360°de Diabète Canada. Le projet de loi C-237 améliorera la prévention et le traitement du diabète, favorisera la recherche essentielle sur le diabète, améliorera la collecte de données et s’attaquera aux inégalités en santé. Il exige que la ministre de la Santé dépose un cadre national sur le diabète à la Chambre des communes d’ici un an.
Diabète Canada demande que, lorsque le projet de loi C-237 sera adopté, la ministre se penche attentivement sur la stratégie Diabète 360° lors de la préparation du nouveau cadre national sur le diabète. Lorsque le projet de loi C-237 sera édicté, Diabète Canada collaborera volontiers avec le gouvernement afin de définir le cadre national sur le diabète, de mettre en œuvre des mécanismes de gouvernance et d’évaluation ainsi que des mesures de soutien pour la collaboration intergouvernementale. Cela permettra de s’assurer que le cadre profite rapidement au plus grand nombre possible de Canadiens.
C’est pourquoi Diabète Canada appuie fermement le projet de loi C-237. Notre organisme félicite la députée Sonia Sidhu pour le leadership dont elle a fait preuve en le déposant et la sénatrice Mégie pour l’avoir parrainé. Nous exhortons le Sénat à adopter rapidement ce projet de loi afin que nous puissions commencer le plus tôt possible, ce que souhaitent les Canadiens. Un sondage Ipsos mené en novembre 2020 a révélé que 86 % des répondants et 91 % des répondants des communautés noires, autochtones et de personnes de couleur exhortaient le gouvernement fédéral à adopter de toute urgence une stratégie nationale sur le diabète.
Diabète Canada a été extrêmement heureux de constater que le budget de 2021 comprend un engagement de 35 millions de dollars sur cinq ans pour la recherche sur le diabète et l’élaboration d’un cadre national sur le diabète. Diabète Canada se réjouit à l’idée de collaborer avec Santé Canada et d’autres intervenants pour mener à bien ce travail essentiel.
Nous considérons toujours que l’adoption du projet de loi C-237 est extrêmement importante, car elle fera en sorte que le Canada ne se retrouve plus jamais dans cette position vulnérable que crée l’absence d’un cadre national sur le diabète, et cela donnera un élan supplémentaire pour donner suite à l’engagement pris dans le budget.
Cette année...
La présidente : Madame Hanson, je vais devoir vous demander de conclure très rapidement. Je veux m’assurer que nous aurons le temps de poser des questions.
Mme Hanson : Je m’excuse, madame la sénatrice. Il ne me restait que quelques phrases.
J’allais justement dire que c’est le 100e anniversaire de la découverte de l’insuline, et c’est une façon magnifique de commémorer cela. Merci, mesdames et messieurs les sénateurs.
La présidente : Merci à tous. Comme je viens de le dire, nous manquons de temps. Je sais que nous avons des questions, et nous voulons les passer en revue. J’ai moi-même une question à poser avant de céder la parole à une des vice-présidentes.
Madame la députée Sidhu, j’ai remarqué qu’un amendement a été proposé à l’article 2 du projet de loi à l’autre endroit. Je veux savoir ce qu’il apporte et, en qualité de marraine, ce que vous en pensez.
Mme Sidhu : Je remercie la sénatrice de sa question.
Cet amendement a été inclus en raison de la décision antérieure de l’ARC, qui empêchait les personnes atteintes de diabète d’avoir accès au crédit qui leur était offert auparavant. J’ai appuyé l’amendement au projet de loi concernant le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Comme de nombreux parlementaires, j’ai été ravie de constater l’engagement pris dans le budget d’élargir l’accès au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Ainsi, les changements permettent aux demandeurs d’obtenir une évaluation juste et appropriée de leur admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Il serait préférable d’utiliser des termes qui le rendent plus pertinent sur le plan clinique.
La présidente : Merci. Nous allons passer aux questions des sénateurs, en commençant par la vice-présidente, la sénatrice Bovey.
La sénatrice Bovey : En ce centenaire, je tiens à vous remercier, madame Sidhu, pour tout le travail que vous avez fait sur cette importante mesure législative. Madame Hanson, je tiens également à vous remercier de tout le travail que vous avez fait et du temps que vous m’avez accordé.
Comme vous le savez, c’est un sujet qui me tient à cœur. Lorsque ce cadre sera en place, un an après sa proclamation, combien de temps faudra-t-il, selon vous, pour assurer l’égalité du financement, de l’accès, de la sensibilisation, des technologies et du traitement partout au pays?
Mme Sidhu : Je remercie la sénatrice de sa question. Madame la sénatrice Bovey, je vous remercie de votre appui. Merci de m’avoir raconté cette histoire. Je sais que cette question est très chère à de nombreux Canadiens.
J’aimerais que le gouvernement crée une stratégie sur le diabète le plus rapidement possible. J’aimerais beaucoup la voir en place avant la date limite d’un an. Cependant, des experts et des intervenants m’ont dit qu’il faudra un certain temps pour mener à bien la consultation. Je sais que de nombreux intervenants ont hâte que cette stratégie soit adoptée et qu’ils sont prêts à donner leur avis.
Je crois que des plans comme Diabète 360° devraient faire partie du cadre national. Il y a des experts partout au pays qui voudront apporter leur contribution, et le gouvernement doit tenir compte de tous les commentaires. Nous voulons qu’il fasse les choses correctement, et je préférerais qu’il y consacre le temps voulu afin de pouvoir prendre en compte tous les points de vue, y compris les points de vue multiculturels. Nous avons également besoin que les voix des populations autochtones soient entendues quant à la façon dont nous pouvons mieux les servir.
Donc, compte-tenu de tous les intervenants, il faudra du temps pour bien faire les choses.
Mme Hanson : Si vous me le permettez, madame la sénatrice, j’aimerais ajouter que j’appuie tout ce qu’a dit la députée Sidhu.
De plus, il y a des mesures, que nous pouvons déployer et mettre en œuvre grâce à une approche coordonnée, qui peuvent immédiatement commencer à améliorer la vie des Canadiens atteints de diabète. Il existe des approches préventives éprouvées du diabète de type 2, de prévention des complications du diabète, comme l’amputation d’un membre inférieur, que nous pouvons déployer beaucoup plus rapidement à l’échelle du pays grâce à un cadre et à un forum de collaboration intergouvernementale sur cette question.
Même si nous devons prendre le temps de bien faire les choses, j’ai bon espoir que nous avons jeté les bases qui nous permettront d’agir rapidement, et nous connaissons beaucoup de choses qui amélioreront rapidement la situation.
La sénatrice Bovey : Merci.
La sénatrice Frum : Ma question pour les témoins est la suivante : savez-vous si d’autres pays ont mis en œuvre des cadres ou des stratégies nationales pour le diabète et pouvez-vous nous dire quelles en ont été les répercussions, le cas échéant, sur le fardeau de la maladie? Merci.
Mme Sidhu : Merci, madame la sénatrice.
Selon l’OMS, la majorité des pays ont des politiques, des lignes directrices ou des normes nationales de gestion du diabète.
L’OMS recommande que chaque pays se dote d’une politique sur le diabète. Selon un rapport de 2016 de l’organisation, 71 pays ont une politique autonome sur le diabète, qui s’ajoute parfois à d’autres politiques plus vastes ou qui concernent d’autres maladies non transmissibles. La recherche montre que les pays dotés d’un cadre national s’attaquent mieux au diabète.
Le Canada fait partie des [Difficultés techniques] pour le taux de diabète de l’OCDE, qui est faible. C’est pourquoi le Canada a besoin de cette stratégie.
Mme Hanson : Madame la sénatrice Frum, nous savons, grâce à des exemples comme le Royaume-Uni, le Danemark, la Finlande et la Nouvelle-Zélande, que les pays qui ont des approches coordonnées ou des cadres nationaux ont de bien meilleurs résultats. Leurs citoyens souffrent moins de complications extrêmes et ont des taux globaux de diabète plus faibles. En même temps, le traitement de la maladie coûte moins cher à ces pays.
Il y a donc de nombreux avantages à en tirer. Le programme Diabète 360° s’est inspiré de nombreux exemples internationaux.
Le sénateur R. Black : Je vois que trois de mes collègues médecins ont des questions. Je vais céder mon temps de parole. Merci.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur le sénateur Black. Nous vous donnerons la parole, si vous voulez, au deuxième tour.
La sénatrice Moodie : Merci aux témoins d’aujourd’hui. Vous avez tous parlé du fait que les Canadiens noirs ou d’origine sud-asiatique et chinoise sont plus susceptibles de développer un diabète. Comment le cadre aborde-t-il le racisme systémique et les déterminants sous-jacents qui exposent certaines communautés à un risque plus élevé? Pensez-vous que le cadre répondra aux besoins des groupes de personnes à risque élevé et de quelle manière le fera-t-il?
Mme Hanson : Je vais commencer, madame Sidhu, puis je vous encourage à ajouter quelque chose. Votre question est extrêmement importante, madame la sénatrice.
Nous savons que les déterminants sociaux de la santé et les iniquités en santé sont les principales causes de l’épidémie de diabète au Canada, et qu’ils sont aussi les principaux facteurs qui exacerbent les complications pour de nombreuses communautés racialisées ou vulnérables pour des raisons économiques ou sociales.
Diabète 360° recommande que nous nous attaquions tout d’abord aux inégalités en matière de santé. Nous devons nous pencher sur des questions comme la sécurité alimentaire et la sécurité du revenu, et nous devons le faire en partenariat avec de nombreux autres organismes et secteurs. C’est un gros problème. Tant que nous ne nous attaquerons pas à certaines de ces inégalités fondamentales sous-jacentes, nous aurons du mal à faire face à l’épidémie de diabète.
Je pense que Diabète 360°, notre cadre national sur le diabète, peut très bien aider à répondre aux besoins de ces collectivités, d’abord en reconnaissant qu’il y a des besoins différents d’une communauté à l’autre et en collaborant directement avec ces communautés pour qu’elles puissent participer à la mise au point de solutions qui répondent à leurs besoins. C’est de cette façon que nous comptons mettre en œuvre le cadre Diabète 360°, un cadre commun qui doit être mis en œuvre localement, et en poursuivant la consultation des intervenants et l’élaboration conjointe de ce cadre.
Mme Sidhu : J’aimerais ajouter quelque chose. Comme Mme Hanson l’a dit au sujet de la population autochtone et de l’insécurité alimentaire, nous devons y travailler. J’évoquais dans ma déclaration préliminaire les personnes originaires d’Asie du Sud, à Brampton, une personne sur six — je viens de Brampton — est atteinte du diabète. Il y a beaucoup de facteurs socioéconomiques. Nous devons travailler en collaboration sur ces questions. C’est l’objet de mon projet de loi. Nous devons travailler avec les intervenants. Les différentes communautés sont confrontées à des obstacles différents, alors nous devons les éliminer et nous attaquer à ces problèmes. Merci.
La sénatrice Simons : Je viens d’Edmonton, berceau du Protocole d’Edmonton, et je suis donc très intéressée de savoir quelles seront les retombées de cette stratégie sur le diabète pour la recherche de pointe sur le traitement du diabète. Vous avez surtout parlé des conséquences pour les patients, les familles et les communautés, mais qu’est-ce que cela signifierait pour la recherche et le développement?
Mme Hanson : J’apprécie beaucoup votre question. Mon père vient aussi d’Edmonton, c’est donc un endroit cher à mon cœur.
Diabète 360° signifierait un appui considérable pour tous les aspects de la recherche sur le diabète, y compris les recherches de premier plan sur les traitements ou les approches qui peuvent constituer des remèdes au diabète.
Cet appui peut prendre plusieurs formes. L’une consiste à nous aider à vraiment cerner les principaux problèmes concernant les soins, le traitement ou la compréhension du diabète. Nous n’avons pas de données communes sur le fardeau du diabète au Canada. Nous n’avons pas une compréhension commune de la situation actuelle, ce qui nuit à notre capacité de cibler la recherche dans les domaines clés qui pourraient être les plus utiles. Les chercheurs qui participent à l’élaboration du cadre nous ont dit que c’est l’une des choses dont ils tireraient parti.
Je sais que le fait de mettre l’accent sur un cadre national nous aidera aussi à nous rappeler, lorsque nous considérerons les divers organismes — et Diabète Canada est heureux d’en faire partie — qui financent la recherche médicale, que la recherche sur le diabète est encore largement nécessaire. L’insuline est une découverte merveilleuse. Ce n’est pas du tout un remède, et nous avons encore besoin de beaucoup plus de recherche sur cette maladie.
Mme Sidhu : J’aimerais ajouter que j’ai rencontré M. Shapiro, de l’Université de l’Alberta, et que j’ai été très impressionnée. Si nous trouvons un remède au diabète, nous serons de nouveau des chefs de file. Nous avons donné au monde l’insuline. Je demande toujours pourquoi nous ne pourrions pas montrer la voie? M. Shapiro et son équipe travaillent très fort pour trouver un remède. Comme l’a dit Mme Hanson, mon projet de loi porte sur la sensibilisation, le traitement et le financement de la recherche. Si nous ne finançons pas la recherche, nous ne pourrons pas trouver un remède, et nous n’aurons pas de données. Tout cela est inclus dans le projet de loi. Des scientifiques de la Colombie-Britannique et de Toronto — M. Shapiro, de l’Université de l’Alberta, a lui aussi effectué d’importantes recherches dans ce domaine. Je tiens donc à remercier également tous les chercheurs.
[Français]
La présidente : Une question maintenant de la sénatrice Mégie, suivie de la sénatrice Forest-Niesing et du sénateur Kutcher. Ensuite, si les membres le permettent, nous allons pouvoir procéder à l’étude article par article de ce projet de loi.
La sénatrice Mégie : Merci, madame la présidente. Merci, madame la députée Sidhu et madame Hanson, d’être avec nous. Après l’adoption du Cadre national sur le diabète, savez-vous s’il y a une ou des étapes — soit législatives, soit réglementaires — que devrait franchir le gouvernement fédéral pour faire progresser le dossier du diabète?
[Traduction]
Mme Sidhu : Merci, madame la sénatrice Mégie. Tout d’abord, je ne saurais trop vous remercier d’avoir parrainé mon projet de loi. Onze millions de Canadiens attendent impatiemment que ce projet de loi soit adopté pour obtenir de l’aide.
Comme l’a dit Mme Hanson, dès que ce projet de loi sera adopté, nous pourrons commencer à travailler avec les intervenants. Selon mon projet de loi, la ministre de la Santé doit, en consultation avec les représentants du gouvernement provincial — parce que la prestation des soins de santé est de compétence provinciale —, travailler avec les gouvernements provinciaux et tous les intervenants pour élaborer un cadre national. J’aimerais le faire le plus tôt possible.
J’ai été très heureuse de constater que le gouvernement a marqué le 100e anniversaire de la découverte de l’insuline en s’engageant dans le budget à consacrer 35 millions de dollars sur cinq ans à l’élaboration d’un cadre national sur le diabète. Lorsque le projet de loi sera adopté, nous commencerons à prendre des mesures concrètes.
[Français]
La sénatrice Mégie : J’ai une petite question pour Mme Hanson. Si le projet de loi est adopté, comment prévoyez-vous — Diabète Canada et les autres organismes comme le vôtre — collaborer avec le gouvernement fédéral pour qu’il prenne en considération votre approche Diabète 360o?
Mme Hanson : Nous espérons avoir une table ronde avec chaque partie prenante présente. J’ai confiance que cela se passera. Jusqu’à ce jour, le gouvernement a adopté une approche très consultative avec nous et les autres parties prenantes pour commencer à agir sur l’engagement dans le budget de 2021. J’ai confiance que nous, comme Diabète Canada, avons un réseau que nous avons établi pour développer Diabète 360o. Nous pouvons nous en servir pour aider et accélérer le processus. Nous aimerions être à la table pour offrir notre appui et notre expertise. Ce serait un plaisir.
La sénatrice Mégie : Merci.
La sénatrice Forest-Niesing : Merci à nos deux invitées d’être avec nous. Félicitations pour cette initiative. Je vais me passer de poser une question, mais je vais partager un petit fait intéressant : Sudbury est la ville qui a accueilli le fils du Dr Charles Best. Il se nomme Henry Best. Je suis allée à l’école et suis restée amie avec sa petite fille, Mairi Best. Cela me fera plaisir, lorsque le projet de loi sera adopté — je vais l’appuyer et je suis certaine que plusieurs de mes collègues vont l’appuyer également — de lui communiquer la bonne nouvelle.
Mme Hanson : C’est le Dr Best qui a établi notre comité, Diabète Canada. Nous avons un lien.
[Traduction]
Le sénateur Kutcher : Je vais appuyer ce projet de loi. L’année 2021 a été un très bon cru pour la recherche sur le diabète dans le monde. Par exemple, en Allemagne, on a découvert le récepteur inhibiteur de l’insuline, offrant une cible médicamenteuse qui pourrait permettre d’atteindre la rémission. Le British Columbia Children’s Hospital a mis au point une technologie pour cultiver des cellules bêta qui pourraient mener à une transplantation. Au Texas, le transfert de gènes par vecteur viral a été perfectionné, ce qui peut en fait rétablir la fonction des cellules bêta, et cela pourrait mener à un traitement.
Le projet de loi parle de promouvoir la recherche, mais nous avons récemment entendu un témoin parler d’un autre sujet, à savoir que la recherche scientifique fondamentale au Canada est nettement sous-financée et que cette situation continue de s’aggraver de façon tragique.
Toutes les découvertes dont j’ai parlé ont une chose en commun. Ce sont tous des travaux de recherche fondamentale. Comment la communauté des diabétiques peut-elle commencer à exercer des pressions sur notre gouvernement pour qu’il finance les recherches fondamentales qui sont nécessaires pour mener à la rémission, à la technologie de transplantation et à la guérison?
Mme Sidhu : Merci, monsieur le sénateur. C’est une excellente question. Comme je l’ai dit, sans financement, il est difficile de faire de la recherche. Même avec l’étude qui nous vient du comité de la Chambre, je réclame toujours plus de recherche. Dans le budget, on s’engage à en faire plus.
J’ai eu l’occasion de faire une annonce au nom de la ministre de la Santé au cours du dernier mandat et même de faire certaines des annonces au cours du présent mandat.
La recherche est importante, et c’est une excellente rétroaction. J’espère que la ministre en tiendra compte lorsque nous élaborerons la stratégie. Nous rencontrons les intervenants, et c’est important. Chaque fois que je représente le Canada sur la scène nationale et internationale, je suis toujours fière parce que nous étions les chefs de file. Nous avons donné l’insuline au monde. Maintenant, nous devons montrer la voie pour trouver un remède.
Merci de nous avoir raconté l’histoire de la petite-fille du Dr Best. Je veux vraiment faire sa connaissance moi aussi. J’espère qu’elle sera fière de nous aujourd’hui.
La présidente : Eh bien, chers collègues, je ne vois pas d’autres questions. Sénateur Black, je sais que vous avez passé votre tour au début, mais avez-vous obtenu les réponses que vous vouliez?
Le sénateur R. Black : J’ai obtenu les réponses. Merci.
La présidente : Dans ce cas, je vais remercier les témoins. Merci beaucoup d’être ici aujourd’hui et merci de vos réponses précises, complètes et pertinentes. Cette rencontre a été efficace et utile pour la suite de notre travail sur ce projet de loi.
[Français]
Merci beaucoup de votre présence. Si mes collègues sont d’accord sur ce point, j’aimerais que l’on procède à l’étude article par article du projet de loi C-237, Loi prévoyant l’élaboration d’un cadre national sur le diabète.
[Traduction]
Êtes-vous d’accord pour que nous poursuivions?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude du préambule est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’étude de l’article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 3 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 4 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : L’article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le préambule est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : Le Comité souhaite-t-il prendre en considération certaines observations au sujet du rapport?
Des voix : Non.
La présidente : Êtes-vous d’accord, mesdames et messieurs les sénateurs, pour que je fasse rapport de ce projet de loi au Sénat?
Des voix : D’accord.
La présidente : Merci, chers collègues.
Félicitations, mesdames Sidhu et Hanson. Je suis sûre que c’est une bonne chose pour vous et pour les diabétiques que nous ayons pu faire avancer ce projet de loi.
[Français]
Nous avons eu une belle journée. Je vous remercie. Nous avons travaillé très fort pour obtenir ces deux heures supplémentaires en ce vendredi. Merci d’avoir pris le temps d’être ici avec nous. C’est très apprécié de tous. Merci aussi à toute l’équipe de votre participation et de votre excellent travail afin d’organiser cette réunion aujourd’hui.
[Traduction]
Nous avons pu étudier ces projets de loi importants. Sur ce, à moins que quelqu’un d’autre ait des commentaires ou des questions, la séance est levée.
(La séance est levée.)