LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 30 mars 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi interdisant les armes à sous-munitions (investissements).
Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
[Traduction]
J’inviterais tout d’abord les membres du comité participant à la séance d’aujourd’hui à bien vouloir se présenter.
Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.
Le sénateur Marwah : Sabi Marwah, de l’Ontario.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.
Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Bienvenue, sénateurs. Je veux souhaiter la bienvenue à toutes les personnes ici présentes ainsi qu’à celles qui nous regardent un peu partout au pays.
Nous commençons notre examen du projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi interdisant les armes à sous-munitions (investissements). Au sein de notre premier groupe de témoins, nous avons l’honneur d’accueillir la marraine du projet de loi, notre collègue, l’honorable sénatrice Salma Ataullahjan. Nous recevons également deux représentants de Mines Action Canada, soit M. Paul Hannon, directeur général; et Mme Erin Hunt, codirectrice, qui témoigne par vidéoconférence. Merci d’être des nôtres aujourd’hui.
[Français]
Avant d’entendre les déclarations et de passer à la période de questions et réponses, j’aimerais demander aux membres d’éviter de se pencher trop près de leur microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité et d’autres personnes dans la salle qui porteraient une oreillette.
Nous sommes prêts pour vos remarques liminaires. Ce sera suivi d’une période de questions des sénateurs.
[Traduction]
L’Hon. Salma Ataullahjan, marraine du projet de loi : Honorables membres du comité, merci de me donner l’occasion de témoigner devant vous à titre de marraine du projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi interdisant les armes à sous-munitions (investissements).
J’ai pu moi-même constater les ravages causés par les armes à sous-munitions longtemps après la fin d’une guerre, et je veux tout faire pour éviter que d’autres innocentes victimes, qui sont souvent des enfants, soient mutilées ou tuées.
Les armes en question sont conçues pour s’ouvrir en plein vol et relâcher des dizaines, voire des milliers, de sous-munitions pour saturer une zone aussi étendue que plusieurs terrains de football. Lorsqu’elles n’explosent pas à l’atterrissage, elles deviennent des mines terrestres, transformant les zones ainsi saturées en de véritables champs de bataille pendant des décennies après la fin d’un conflit.
Selon l’Observatoire des mines et des armes à sous-munitions, les attaques au moyen d’armes à sous-munitions ont fait au moins 689 victimes civiles au cours du premier semestre de 2022, ce qui représente une augmentation de 300 % par rapport au nombre de victimes en 2021.
Malheureusement, presque toutes les victimes recensées en 2021 étaient des civils, et la moitié était des enfants dont l’âge moyen était de 10 ans.
Les enfants risquent tout particulièrement d’être victimes des armes à sous-munitions parce qu’ils prennent souvent pour des jouets les munitions non explosées jonchant le sol.
Le projet de loi S-225 a deux objectifs bien précis. Il s’agit premièrement de criminaliser les investissements dans les entités qui ont enfreint une interdiction visant les armes à sous-munitions, les sous-munitions explosives et les petites bombes explosives. Deuxièmement, on vise à imprimer une orientation claire à l’intention des institutions financières en leur interdisant explicitement d’investir directement ou indirectement dans les armes à sous-munitions.
Le Canada a fait partie des premiers pays à adopter la Convention sur les armes à sous-munitions en 2008. En septembre 2021, un total de 110 États avaient adhéré à cette convention prévoyant un éventail complet d’interdictions. La convention, qui est entrée en vigueur en 2010, est le seul instrument international visant expressément à mettre fin aux souffrances causées par les armes à sous-munitions.
En 2015, le Canada a ratifié la convention et promulgué la Loi interdisant les armes à sous-munitions.
Cette loi n’est toutefois pas à la hauteur de notre engagement international et ne satisfait pas aux normes établies par la convention. Des rapports produits par PAX, un groupe pacifiste néerlandais, révèlent que des institutions financières canadiennes ont investi des millions de dollars dans les armes à sous-munitions. Dans le rapport de 2018, la Corporation financière Power figurait sur la liste des situations à risque pour avoir investi 3,3 millions de dollars dans une société sud-coréenne spécialisée dans les armes à sous-munitions.
Selon moi, cela montre bien que, pour respecter notre engagement dans le cadre de la convention, il ne nous suffit pas de nommer et de dénoncer publiquement les institutions canadiennes qui continuent d’investir dans la fabrication d’armes à sous-munitions.
Comme l’indiquait l’ancienne sénatrice Hubley en 2017, la loi dans sa forme actuelle ne va pas assez loin.
Le projet de loi S-225 vise à mieux inscrire la Loi interdisant les armes à sous-munitions dans l’esprit de la convention. En interdisant explicitement les investissements dans la fabrication d’armes à sous-munitions, nous établirions des lignes directrices claires pour les institutions financières canadiennes, lesquelles avaient accueilli favorablement l’idée il y a plus d’une décennie.
Le projet de loi permettrait en outre de ne laisser aucune échappatoire en interdisant aux institutions financières canadiennes de prêter de l’argent à ces entités ou même de leur fournir une garantie de prêt.
La loi en vigueur comporte d’importantes lacunes et a été critiquée à l’échelle internationale.
Lorsque le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a étudié le projet de loi C-6, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions, en 2014, il a entendu près de 30 témoins qui ont soulevé de multiples préoccupations. La loi a aussi été dénoncée publiquement par le Comité international de la Croix-Rouge, alors que la Campagne internationale pour interdire les mines terrestres et la Coalition contre les armes à sous-munitions ont dit que c’était la pire loi à avoir été adoptée par un État signataire de la convention. Bref, la Loi ne satisfait pas aux normes établies par la convention.
De nombreux pays, dont l’Italie, la Belgique, l’Irlande, les Pays-Bas, l’Espagne et la Nouvelle-Zélande, ont déjà adopté une loi interdisant les investissements dans les entreprises produisant des armes à sous-munitions. L’un des moyens les plus efficaces de mettre fin à la production de telles armes est de couper les liens financiers avec les entreprises qui les fabriquent. Il faut absolument pour ce faire se donner une loi interdisant expressément et irrévocablement l’établissement de liens semblables. Nous avons ici l’occasion de devenir des chefs de file dans la lutte contre la production et l’utilisation d’armes à sous-munitions en tarissant les ressources financières nécessaires à leur fabrication. Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup, sénatrice. Monsieur Hannon, à vous la parole.
Paul Hannon, directeur général, Mines Action Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui au nom de Mines Action Canada concernant le projet de loi S-225.
En avril 2003, Mines Action Canada et un petit groupe d’organisations non gouvernementales ont déterminé qu’une campagne internationale s’imposait pour lutter contre les dommages croissants causés aux civils par les armes à sous-munitions.
Les armes à sous-munitions sont des armes qui dispersent des sous-munitions explosives sur une vaste zone. Larguée d’un aéronef ou tirée à partir du sol, une munition sous forme de conteneur s’ouvre dans les airs et libère de petites sous-munitions qui exploseront dans la zone au sol. Le nombre de sous-munitions placées dans un conteneur peut aller de moins de 10 à plusieurs centaines.
Les armes à sous-munitions dispersent au hasard de nombreuses sous-munitions en frappant généralement la cible ainsi que toute la zone environnante, y compris les civils et les infrastructures civiles.
Certaines sous-munitions n’explosent pas à l’impact, ce qui fait en sorte qu’un grand nombre d’explosifs demeurent sur place après un conflit. Souvent comparées aux mines antipersonnel, ces sous-munitions non explosées entravent l’accès aux ressources communautaires et causent des blessures aux civils longtemps après la fin du conflit.
À la suite de négociations fructueuses, la Convention sur les armes à sous-munitions a été conclue le 30 mai 2008, et le Canada et des dizaines d’autres pays ont signé le traité le 3 décembre de la même année.
Après 2008, Action Mines Canada a continué de faire campagne à l’échelle nationale pour que le Canada ratifie le traité en mettant en place la meilleure loi de mise en œuvre possible jusqu’à l’issue du processus de ratification en 2015.
Une activité en particulier menée dans le cadre de la campagne est pertinente au projet de loi à l’étude. En 2010, Action Mines Canada a organisé un événement à Toronto réunissant 25 des plus grandes institutions financières au Canada. Avec l’aide de certains collègues d’autres pays, nous avons donné un aperçu de l’arme, la raison pour laquelle elle a été interdite ainsi que les raisons pour lesquelles le Canada a ratifié le traité. Nous leur avons également expliqué l’importance de cesser d’investir dans des entreprises qui produisent ces armes interdites.
Les participants ont très bien compris les enjeux moraux, mais aussi le risque que court leur institution d’être perçue comme appuyant la production d’armes interdites, en particulier les armes à sous-munitions dont, selon les études réalisées, 90 % des victimes sont des civils.
Les participants nous ont tous dit toutefois qu’il serait plus facile de convaincre leurs actionnaires et leurs conseils d’administration si une loi canadienne interdisait clairement les investissements dans les armes à sous-munitions. Le projet de loi établit clairement l’interdiction.
L’adoption d’une loi nationale de mise en œuvre est très importante dans le cas des traités internationaux, car non seulement elle démontre la volonté de l’État de mettre en œuvre le traité et de s’y soumettre, mais elle peut aussi renforcer et élargir la norme internationale que ces traités visent à créer. Parfois, il est nécessaire d’y apporter des améliorations. Le projet de loi S-225 apporte des améliorations dans un domaine clé. Ma co-directrice, Erin Hunt, vous fournira de plus amples renseignements.
Erin Hunt, co-directrice, Action Mines Canada : Merci monsieur Hannon. Je tiens aussi à remercier le comité de m’avoir invitée à prendre la parole aujourd’hui.
Comme M. Hannon l’a établi, les armes à sous-munitions sont des armes abominables que le Canada a prohibées à juste titre. Au cours du processus d’adoption de la Loi interdisant les armes à sous-munitions, Action Mines Canada a insisté sur le fait que l’interdiction d’investir dans ces armes prévue dans la loi devait devenir explicite pour atteindre l’objectif du gouvernement.
Depuis 2007, 11 États parties à la Convention sur les armes à sous-munitions ont adopté des lois qui interdisent de façon explicite d’investir dans des entreprises qui produisent des armes à sous-munitions, y compris tout récemment l’Italie, comme votre collègue vient de le dire. La clarté est la clé du succès d’une loi sur le désinvestissement.
Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que, en 2014, les institutions financières aient surveillé les déclarations faites par les représentants du gouvernement aux comités des affaires étrangères ici et à l’autre endroit au sujet d’un projet de loi concernant un traité sur les armes. Le secteur financier a besoin d’instructions claires et explicites afin d’introduire les restrictions et les règlements internes nécessaires pour pleinement concrétiser l’intention du gouvernement à l’égard de la Convention sur les armes à sous-munitions.
Le projet de loi S-225 est clair. Il précise explicitement ce qui est permis et ce qui est interdit. Cette clarté permettra aux institutions financières de s’adapter et de s’assurer que la lettre et l’esprit de la loi sont respectés.
La disposition transitoire du projet de loi élimine également les préoccupations concernant le fardeau imposé aux personnes et aux institutions en leur accordant une année pour apporter les changements nécessaires à leurs portefeuilles d’investissement ou de fonds, par exemple.
Nous savons que le désinvestissement fonctionne. Depuis l’entrée en vigueur de la Convention sur les armes à sous-munitions, Elbit Systems Ltd. d’Israël, Singapore Technologies Engineering et les entreprises américaines Lockheed Martin, Orbital ATK et Textron Systems ont toutes cessé de produire des armes à sous-munitions, en partie à cause des pressions exercées par le secteur financier. Ces entreprises ne se situent pas dans les États parties à la Convention, mais l’existence d’une loi comme celle dont nous discutons met suffisamment de pression sur elles pour qu’elles décident que la production de ces armes n’est plus rentable.
À une époque où des armes à sous-munitions sont utilisées dans des villes ukrainiennes, le projet de loi S-225 est une autre façon pour le Canada de dire que ces armes interdites sont inacceptables.
Nous vous remercions de votre attention. Nous sommes à votre entière disposition pour en discuter davantage.
Le président : Madame Hunt et monsieur Hannon, merci d’avoir fait votre déclaration.
Chers collègues, nous passons maintenant à une série de questions et réponses. Comme d’habitude, vous aurez un maximum de quatre minutes pendant la première série, ce qui comprend à la fois vos questions et les réponses. Afin que nous puissions pleinement profiter de la présence de nos témoins, je vous prie d’être concis dans vos questions et j’encourage les témoins à faire preuve de concision également.
Le sénateur Ravalia : J’aimerais remercier les témoins.
Ma question est destinée à ma collègue, la sénatrice Ataullahjan. Pourquoi avez-vous déposé ce projet de loi, et quels sont vos objectifs? De plus, pouvez-vous nous décrire les défis que vous avez rencontrés pendant l’élaboration du projet de loi et comment avez-vous fait pour les surmonter? Merci.
La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de la question, sénateur Ravalia. Lorsque la Russie a quitté le territoire de l’Afghanistan pendant les années 1980, elle a laissé derrière elle de vastes terrains minés. Mon oncle, qui était chirurgien orthopédique, soignait des patients qui arrivaient parfois en voiture, parfois à cheval aux hôpitaux de Peshawar, car à l’époque, l’Afghanistan n’avait pas l’infrastructure nécessaire. Il me racontait les horreurs causées par les armes à sous-munitions.
J’ai le cœur brisé en ce moment par ce qui se passe en Ukraine. Nous avons vu les reportages. Ce sont les mêmes scènes d’horreur. Il y a deux ou trois jours, j’ai vu un reportage à la télévision sur les Canadiens qui aident les Ukrainiens dans leur travail de déminage.
Les armes à sous-munitions tuent des civils, surtout des enfants. En 2019, j’ai demandé à l’ambassade de la République islamique d’Afghanistan de me fournir un bilan. Plus de 900 enfants ont été tués cette année-là, et 25 % d’entre eux ont été victimes des armes à sous-munitions.
La Russie s’est retirée de l’Afghanistan il y a 34 ans, et les armes à sous-munitions tuent toujours des gens. La plupart d’entre vous me connaissent : les droits de la personne me tiennent à cœur. Je n’ai aucune formation juridique. Je suis guidée par mon cœur. Lorsque j’ai appris qu’il y avait des sociétés qui investissaient… Je travaille sur le projet de loi depuis 2017, sénateur Ravalia. Il y a eu des défis lorsque certains sénateurs ont demandé si le projet de loi, une fois adopté, nous interdirait de participer aux manœuvres militaires avec certains de nos alliés. La réponse est non : le projet de loi vise tout simplement à interdire aux institutions financières d’investir dans les armes à sous-munitions. C’est cela que nous voulons arrêter. Je vous remercie de la question.
Le sénateur Ravalia : Merci.
La sénatrice Coyle : J’aimerais remercier nos trois témoins. Sénatrice Ataullahjan, je vous remercie d’avoir été la championne de cette cause au Sénat. Nous collaborons ensemble. Je suis la porte-parole, mais comme vous le savez bien, je suis bienveillante.
Monsieur Hannon et madame Hunt, je vous remercie de votre témoignage ainsi que du travail réalisé par Action Mines Canada. Votre travail est essentiel.
J’ai une question pour chacun d’entre vous et je tenterai d’être concise. Ma première question est destinée à Action Mines Canada. Libre à vous de choisir qui répondra.
Selon la Coalition contre les armes à sous-munitions, 11 États parties à la convention ont adopté des lois semblables au texte à l’étude ici pour interdire des investissements dans les armes à sous-munitions.
J’aimerais savoir comment le libellé du projet de loi se compare aux lois des autres pays qui interdisent les investissements dans les armes à sous-munitions. Le texte est-il conforme aux pratiques exemplaires?
Sénatrice Ataullahjan, lorsque vous avez répondu à la question du sénateur Ravalia, vous avez précisé que le projet de loi porte uniquement sur les investissements. Dans le passé, deux problèmes ont été soulevés par rapport aux lois canadiennes. Un des problèmes, c’était l’interopérabilité, qui ne nous concerne pas aujourd’hui. Ce sera une discussion pour une autre fois.
C’est peut-être injuste de vous poser la question, mais en ce qui concerne la réceptivité du gouvernement canadien à l’égard du projet de loi, y a-t-il d’autres obstacles que vous avez peut-être rencontrés qui méritent d’être signalés? Nous voulons tous que ce projet de loi soit adopté.
La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de la question, sénatrice Coyle. J’ignore à quel point le gouvernement sera réceptif. J’ai déposé une première mouture de ce projet de loi en 2017. Ce projet de loi est mort au Feuilleton lorsque les élections ont été déclenchées. Certains d’entre vous connaissent ma ténacité : j’ai déposé à nouveau le projet de loi. J’ignore quelle sera la réaction du gouvernement. Nous le saurons lorsque le projet de loi sera rendu à l’autre endroit. Compte tenu de la situation internationale actuelle, il serait logique d’agir et d’interdire à nos institutions financières de faire de tels investissements. Voilà l’objectif simple du projet de loi.
La sénatrice Coyle : Merci.
M. Hannon : Je tenterai d’être concis, au cas où ma collègue souhaiterait ajouter quelque chose.
Le projet de loi améliorera grandement notre loi et la rendra plus compatible avec certaines des meilleures lois au monde. Bien évidemment, les règles et la réglementation financières varient selon le pays, tout comme les lois, et il est donc difficile de les comparer.
Nos efforts visent essentiellement à indiquer explicitement aux sociétés qui seraient peut-être prêtes à investir dans la fabrication d’armes inhumaines dont l’emploi est aveugle que le marché est inexistant et qu’il sera impossible d’investir, même si elles pensent qu’il existe un marché. Voilà l’objectif principal. Le projet de loi indique en termes on ne peut plus clairs qu’au Canada, les institutions financières canadiennes ne devraient pas participer à cette industrie. Il existe de nombreux autres secteurs dans lesquels elles peuvent assurer une présence, que ce soit à titre d’investisseurs ou de prêteurs.
Mme Hunt : Le projet de loi correspond à la plupart des éléments que nous recherchons dans une loi. Il remplit presque tous les critères. Il vise les investissements directs et indirects. Il est clair. Il prévoit des pénalités et autres choses de la sorte. Si l’on compare ce texte à d’autres, nous pouvons en être fiers.
La sénatrice Coyle : Vous dîtes qu’il ne répond pas à tous les critères. Quels sont les critères manquants?
Le président : Sénatrice Coyle, vous devrez attendre la deuxième série de questions pour obtenir une réponse sur les critères. Je suis désolé.
Le sénateur MacDonald : Certaines questions difficiles demeurent, par contre. Nous étudions un projet de loi visant à renforcer l’adhésion du Canada à la Convention sur les armes à sous-munitions. En parallèle, l’Ukraine a demandé aux États-Unis le mois dernier des armes à sous-munitions pour contrer l’invasion russe. Les États-Unis n’ont pas signé la convention. L’Ukraine affirme qu’elle a besoin de ces armes pour repousser les chars d’assaut russes.
C’est une question morale. L’Ukraine a-t-elle le droit moral de se défendre au moyen de ces armes? De notre côté, agissons-nous de façon éventuellement immorale en tentant de refuser à l’Ukraine la possibilité de se défendre au moyen de ces armes? Quelle devrait être la position des Canadiens sur cette question?
La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de la question. Personnellement, je suis contre l’utilisation des armes à sous-munitions. L’Ukraine en fait peut-être la demande maintenant pour arrêter les chars d’assaut russes, mais ces armes sont enfouies partout dans les zones rurales, et il est très difficile de les enlever. Comme je vous l’ai dit plus tôt, l’Afghanistan en souffre toujours 34 ans plus tard.
Sénateur, il m’est difficile de répondre à votre question, car nous savons que la Russie et l’Ukraine figurent parmi les pays qui utilisent ce type d’armes. Mais quelles seront les conséquences une fois que la guerre sera finie? Voilà ce que nous devons garder à l’esprit. Il se peut que M. Hannon souhaite ajouter quelque chose.
M. Hannon : Bien sûr, l’Ukraine a certainement le droit moral de se défendre. Il reste à voir si elle se défend au moyen d’armes que la majorité des pays du monde ont jugées inhumaines et d’un emploi aveugle. A-t-elle le droit d’utiliser des armes qui ne fonctionnent pas forcément comme elles sont censées le faire et constitueront une menace dans les champs pendant des décennies? Le peuple ukrainien, avec l’aide d’autres pays, devra déminer ces champs. Pour l’heure, 111 pays ont signé le traité, le dernier étant le Nigeria, qui est devenu signataire ce mois-ci. Je ne pense pas que 111 pays signeraient un traité s’ils estimaient que c’était l’arme la plus efficace.
Le sénateur MacDonald : Nous entretenons des liens serrés en matière de défense avec les États-Unis. Nos industries de la défense sont très intégrées et les États-Unis n’ont pas signé la convention. Comment pouvons-nous savoir que le projet de loi n’aura aucune incidence sur notre relation bilatérale avec les États-Unis en matière de défense?
La sénatrice Ataullahjan : Merci, sénateur. J’en ai déjà parlé. Le projet de loi vise uniquement les investissements et les sociétés qui font ces investissements. Je crois savoir que les États-Unis ne fabriquent plus les armes à sous-munitions.
Le sénateur MacDonald : C’est effectivement le cas, mais si les États-Unis devaient recommencer à produire des armes à sous-munitions, les entreprises du secteur canadien de la défense continueraient à conclure des contrats de sous-traitance. Les entreprises américaines qui produisent de telles armes font de la sous-traitance.
La sénatrice Ataullahjan : Seules les institutions financières qui investissent seront concernées. Nous ne voulons pas que des fonds canadiens soient investis dans des sociétés qui fabriquent des armes à sous-munitions.
Mme Hunt : La sénatrice a raison. Ce sont les investissements dans certaines sociétés qui sont visées, et la Loi interdisant les armes à sous-munitions répond déjà à bon nombre des préoccupations à l’égard de l’interopérabilité ainsi que des liens entre les secteurs militaro-industriels du Canada et des États-Unis.
J’ajouterai un point au sujet de l’Ukraine : il semble que l’Ukraine demande des armes à sous-munitions, non pas parce qu’elle veut s’en servir comme armes à sous-munitions, mais parce qu’elle recherche de petites bombes qui seraient larguées par des drones commerciaux. Donc même si l’Ukraine en fait la demande, il semblerait que l’Ukraine se rend compte que les armes à sous-munitions ne sont pas utiles. En fait, l’Ukraine s’intéresse aux composantes.
Je vous remercie de la question, sénateur.
Le sénateur MacDonald : J’aurai d’autres questions à poser pendant la prochaine série.
Le président : Merci. Je signale que le sénateur Housakos du Québec vient de se joindre à nous.
Le sénateur Dean : Je remercie les témoins de leur déclaration fort intéressante et je les félicite de leur travail louable.
Nous avons entendu que certains fabricants ont quitté notre territoire en raison des mesures prises ici au pays et ailleurs. Je viens d’entendre que les fabricants ont cessé leurs activités aux États-Unis. Quels fabricants sont toujours actifs, et où se trouvent-ils? Quelle distinction existe entre les sociétés d’État et celles du secteur privé? Je pense notamment aux fabricants du secteur privé. Quelles sont les entreprises qui fabriquent encore ce type d’armes?
M. Hannon : Je pourrais vous en fournir la liste. Environ 16 pays se réservent toujours le droit de fabriquer ce type d’armes, mais cela ne veut pas dire qu’ils le font tous. Ce sont des pays comme la Corée du Sud, les États-Unis et Israël. Comme ma collègue l’a dit dans sa déclaration, certaines entreprises ont déjà décidé de ne plus en produire à cause de la nature même des armes. Bon nombre des armes à sous-munitions qui sont vendues actuellement ont été fabriquées par des sociétés d’État. La Russie en fabrique encore, ainsi que l’Iran. Le marché s’est beaucoup rétréci à cause de nos efforts visant à souligner l’impact de ce type d’armes. Les considérations humanitaires sont telles que les sociétés privées se rendent compte qu’elles ne devraient plus en fabriquer.
Le sénateur Richards : Sénatrice Ataullahjan, je trouve que votre projet de loi est admirable. J’ai une question semblable à celle du sénateur MacDonald. Quels acteurs dans le monde pourraient exercer de la pression sur des pays comme la Russie, la Chine et les États-Unis, ainsi que d’autres poids lourds, afin qu’ils prennent l’interdiction suffisamment au sérieux pour arrêter leur production? Si nous n’arrivons pas à le faire et si nous n’avons pas voix au chapitre pour ce qui est de leurs lois respectives, ces pays continueront à faire ce qu’ils veulent, car on s’entend que ce sont les joueurs clés du secteur militaire. Ils agiront comme bon leur semble ou feront ce qu’ils estiment nécessaire pour se protéger. Nous le voyons maintenant en Ukraine, et nous l’avons déjà vu en Iran. C’est partout pareil.
La question est destinée à celui ou à celle qui voudra y répondre.
La sénatrice Ataullahjan : Merci beaucoup. Je tiens à souligner encore une fois que nous visons ici des sociétés canadiennes qui investissent leurs fonds. Je crois que M. Hannon serait d’accord avec moi pour dire que lorsqu’il n’y a plus de fonds, certaines sociétés arrêtent leur production. Le projet de loi est fort simple. Nous ne voulons pas que les institutions financières canadiennes investissent dans des armes.
Le sénateur Richards : J’essayais de recadrer les choses dans leur contexte. Pardon.
Savez-vous combien de sociétés canadiennes financent la fabrication de ces munitions? Avons-nous une liste ou un aperçu du nombre de sociétés, sénatrice Ataullahjan?
La sénatrice Ataullahjan : Je crois que la dernière liste remonte à 2018. La Corporation financière Power avait été montrée du doigt. Or, en deçà d’un certain seuil, certaines sociétés passent inaperçues.
Mme Hunt : En 2018, comme la sénatrice l’a indiqué, la Corporation Financière Power avait des investissements d’environ 3,6 millions de dollars dans deux sociétés sud-coréennes. La Société de Gestion AGF Limitée avait des investissements de moins de 1 million de dollars dans une société sud-coréenne. BMO Groupe financier avait des investissements de 130 000 dollars américains dans Hanwha, une société sud-coréenne. L’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada avait investi 560 000 $ dans une autre société sud-coréenne appelée LIG Nex1. La Banque Scotia a investi 1,6 million de dollars, la Banque TD a investi 600 000 $ et la Financière Sun Life avait des investissements de moins de 1 million de dollars. Ce sont tous des investissements dans des sociétés sud-coréennes.
La liste mise à jour sera publiée cette année. Les institutions financières canadiennes semblent maintenant avoir des liens financiers avec une seule société sud-coréenne. Je ne veux pas donner de chiffres aux fins du compte rendu, puisqu’ils ne sont pas encore officiels. Hanwha, la principale société sud-coréenne avec laquelle les institutions financières canadiennes ont des liens, réexamine sa production d’armes à sous-munitions en raison de pressions financières.
Le sénateur Richards : Je vous remercie.
Le président : Merci. Dans cette veine, cette société sud-coréenne produit-elle des armes à sous-munitions actuellement? Le savez-vous?
Mme Hunt : Il y a eu une proposition d’actionnaire visant l’arrêt de la production et le transfert de ces activités à une société coréenne du secteur de la défense. Il s’agit d’une nouvelle société. Hanwha semble cesser la production, mais semble transférer ces activités à une société affiliée. Je n’ai pas une expérience des affaires assez grande pour bien saisir l’incidence d’un transfert d’activités entre sociétés affiliées.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice M. Deacon : J’ai d’abord cherché à comprendre de quoi il est question. J’ai fait des recherches approfondies sur les armes à sous-munitions, étant donné ma formation scientifique, et je me suis beaucoup intéressée à la composition chimique de ces produits. L’ampleur de leurs dommages potentiels n’a donc rien de surprenant. C’était un travail de recherche très intéressant.
Je tiens aussi à vous remercier de votre présence aujourd’hui. Le projet de loi porte sur les investissements. Cela renvoie à la question des investissements des particuliers dans les sociétés d’armement, dont certaines ont été mentionnées aujourd’hui.
Il a été mentionné que les fabricants d’armes américains ont cessé la production d’armes à sous-munitions. Je crois savoir qu’ils l’ont fait volontairement et que cela pourrait changer. Sur le plan individuel, le particulier canadien qui achète des actions — nous avons entendu quelques exemples — ou des obligations d’un fabricant d’armes américain qui produit des armes à sous-munitions pourrait-il être inculpé en vertu de cette mesure législative? J’essaie de comprendre quel est l’objectif ultime.
C’est un problème; les gens investissent.
La sénatrice Ataullahjan : Encore une fois, pour insister sur ce point, je pense que ce dont vous parlez n’est pas visé par ce projet de loi. Nous parlons d’interdire les investissements de sociétés canadiennes.
La sénatrice M. Deacon : C’est exact.
La sénatrice Ataullahjan : Il est interdit aux institutions financières canadiennes d’investir dans une société qui produit des armes à sous-munitions.
La sénatrice M. Deacon : Donc, en vertu de cette mesure législative, si elles le font, cela sort-il de la portée envisagée pour la suite des choses?
La sénatrice Ataullahjan : Vous parlez des entreprises canadiennes?
La sénatrice M. Deacon : Oui.
La sénatrice Ataullahjan : Encore une fois, si ce projet de loi est adopté, nous verrons. Cela devra être intégré au Code criminel, et en cas d’infraction au Code criminel, cela s’appliquerait. Je ne suis pas avocate et je n’ai pas l’esprit juridique. Voilà pourquoi le comité étudie le projet de loi. Lorsque le projet de loi sera rendu de l’autre côté et qu’il sera adopté, nous verrons bien quelles seront les sanctions en cas d’infraction.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.
Je devrais peut-être poser cette question directement aux représentants d’Action Mines Canada. Je crois savoir que le Canada n’a pas mis en place une interdiction semblable pour les investissements liés à la fabrication de mines antipersonnel, qui ne sont pas visés par cette mesure législative. Il s’agit toutefois d’un autre élément qui fait partie de nos engagements pris au titre du Traité d’Ottawa. Préconisez-vous l’adoption d’une mesure législative à cet égard également?
M. Hannon : Je vais répondre à cette question, si vous êtes d’accord, madame Hunt.
Les efforts déployés par le Canada pour interdire les mines antipersonnel ont eu tant de succès et un appui si vaste au sein de la communauté internationale que 80 % des pays du monde sont parties au traité. À l’époque, cela ne semblait pas nécessaire. La fabrication de mines antipersonnel n’est pas très lucrative. Elles sont très peu coûteuses. Il ne semblait pas nécessaire d’imposer une interdiction relative aux investissements. Tout le monde appuyait le traité. Même des pays comme les États-Unis et la Chine — qui n’ont pas adhéré au traité — ne les utilisent pas. Il a cet effet. C’est la norme, et c’est ce que nous voulons créer.
Ce projet de loi est différent. Cette arme est différente. C’est une arme de haute technologie qui est plus coûteuse. Cela pourrait prendre plus de temps, car c’est une arme très peu utilisée. Très peu de forces armées en possèdent. C’est plus difficile; la pression publique n’est pas aussi forte. Nous pensons qu’il est nécessaire de légiférer, et nous avons fait la promotion, sur la scène internationale, de l’adoption de lois nationales à cet égard par tous les pays, y compris des dispositions interdisant la production de ces armes.
Le président : Je vous remercie.
Le sénateur Marwah : Je remercie les témoins de leur présence.
Je dois dire d’entrée de jeu que j’appuie sans réserve votre désir de rendre difficile, voire impossible, la fabrication d’armes à sous-munitions, et que ce sont d’horribles armes de guerre.
Je m’interroge sur l’aspect pratique de la mise en œuvre d’un tel projet de loi. J’ai sous les yeux une citation selon laquelle l’amendement interdirait aux particuliers et aux entités d’investir dans des institutions financières qui investissent directement dans les armes à sous-munitions.
Je vais vous donner un exemple. Si tous ceux qui sont dans cette salle décidaient d’investir dans une banque canadienne, ou dans une banque américaine ou européenne, comment pourrions-nous savoir qu’elle a investi dans des armes à sous-munitions? Serais-je dans l’illégalité si l’on découvrait ensuite que j’ai investi dans la Bank of America, puis que l’on découvrait, des années plus tard, que la banque a investi dans les armes à sous-munitions? Est-ce que j’enfreindrais la loi?
La sénatrice Ataullahjan : Sénateur, il est difficile de répondre à cette question, mais je pense qu’il existe des entreprises qui pourront faire un suivi pour déterminer qui a investi dans quoi et à quel endroit.
Imaginez ma stupéfaction, en 2017, lorsque j’ai appris que la banque avec laquelle je faisais affaire investissait dans les armes à sous-munitions. Elle investissait dans des institutions financières qui fabriquaient des armes à sous-munitions. Elle n’y investit plus depuis.
Je pense que M. Hannon serait mieux placé — parce que c’est ce qu’il fait — pour répondre à cette question.
M. Hannon : Certainement, je vais essayer.
L’événement que je vous ai mentionné — lorsque nous avons réuni l’ensemble des institutions financières, en 2010 — était coparrainé par une société appelée Sustainalytics, une société de recherche pour les institutions financières qui leur donne des conseils sur les questions controversées. Elle tient un registre des armes controversées, à l’instar de diverses sociétés qui font un travail semblable. Elle conseille les entreprises — les banques ou d’autres institutions financières — susceptibles de vouloir investir dans une telle entreprise en les informant de la nature de ses activités, puis indique que la décision leur appartient.
Lors de cette rencontre, les représentants des institutions financières ont clairement indiqué qu’ils comprenaient les problèmes. Leur message se résume ainsi : leurs conseils d’administration respecteront la loi. Ils n’écouteront ni les témoignages ni notre plaidoyer, mais si le législateur indique clairement qu’il leur est interdit d’investir dans la production de ces armes, ils prendront les décisions qui s’imposent.
Ce que nous voulons, c’est créer un effet descendant. Il s’agit d’inciter les conseils d’administration à dire qu’ils n’investiront plus dans ce secteur, qu’ils n’appuient pas ces activités et qu’ils n’accorderont plus de prêts. Cela se répercutera dans l’ensemble de l’institution, et nous n’aurons pas nécessairement à nous préoccuper de l’investisseur individuel qui pourrait investir dans ce secteur par inadvertance.
Le sénateur Marwah : Qu’en est-il des institutions financières américaines? Si j’investis dans la Bank of America, ou Wells Fargo ou Citi — je peux citer une centaine de banques dans lesquelles j’ai investi —, et que l’institution financière investit dans un fabricant de munitions local, comment puis-je le savoir?
M. Hannon : Pour revenir au point soulevé par la sénatrice Ataullahjan, cela concerne les institutions financières canadiennes.
Le sénateur Marwah : Je n’ai pas dit cela.
M. Hannon : Vous légiférez pour les institutions financières canadiennes. Si une personne veut investir son argent à l’extérieur du Canada, c’est son choix, et elle doit accepter les risques ou les avantages qui en découlent. Nous essayons de clarifier les choses. Le Canada a décidé que cette arme devait être interdite et qu’il faut par conséquent interdire tous les éléments connexes : pas de stocks d’armes, pas de commerce, pas de production, pas d’investissements et pas d’utilisation.
Le sénateur Marwah : J’ai une question complémentaire, mais j’attendrai le deuxième tour.
Le président : Je vous remercie.
Le sénateur Housakos : La question du sénateur Marwah est tout à fait pertinente. La vérité, c’est que si nous examinions attentivement les activités des institutions financières dans lesquelles nous investissons, nous serions surpris de voir dans quels secteurs et endroits elles investissent notre argent... mais je m’éloigne du sujet.
J’ai une question simple à poser : cette mesure législative vise à interdire les investissements dans les entreprises canadiennes qui fabriquent des munitions, et non aux entreprises internationales. Est-ce exact?
La sénatrice Ataullahjan : C’est exact, sénateur Housakos. Cette loi ne s’applique qu’aux institutions financières canadiennes.
Le sénateur Housakos : Qui investissent dans des entreprises canadiennes...
La sénatrice Ataullahjan : Non.
Le sénateur Housakos : ... ou également à l’échelle internationale?
La sénatrice Ataullahjan : Ou dans des sociétés internationales qui fabriquent des armes à sous-munitions.
Le sénateur Housakos : Encore une fois, pour revenir au point soulevé par le sénateur Marwah — je souscris pleinement à l’objectif — les institutions financières canadiennes investissent très souvent dans des institutions financières à l’étranger et autres entités qui, à leur tour, investissent dans de tierces parties. Comment pourrons-nous mettre en œuvre cette mesure législative? Sur le plan pratique, comment le gouvernement pourra-t-il veiller à son application? En outre, de quel ministère cela relèverait-il?
La sénatrice Ataullahjan : Cela relèverait du ministère des Affaires mondiales. Et je pense qu’il y a le terme « sachant ».
M. Hannon : Je présume — j’ai déjà été banquier, mais c’était il y a longtemps — que, lorsque les institutions financières investissent des millions de dollars, elles s’informent auprès des entreprises dans lesquelles elles investissent, en leur demandant : « Il nous est interdit d’investir dans tel produit ou telle activité. En fabriquez-vous ou y participez-vous? » Si on leur ment et qu’on leur répond que non, les institutions financières ne le savent pas. Elles ne seront pas tenues responsables pour autant. Si on leur dit oui, elles peuvent prendre la décision d’investir ou non en toute connaissance de cause.
Il nous faut présumer que les entreprises, ainsi que l’ensemble du monde financier, savent ce qu’ils font. Nous devons simplement statuer clairement que le Canada ne doit pas participer à de telles activités.
La sénatrice Ataullahjan : Particulièrement si une loi est adoptée, les banques y réfléchiraient alors à deux fois avant d’investir dans une activité prohibée.
Le sénateur Housakos : La législation est une chose — le Code criminel bannit déjà certains produits provenant de certaines régions du monde impliquées dans des activités malfaisantes —, encore faut-il avoir le cadre bureaucratique nécessaire à son application. L’Agence des services frontaliers du Canada se plaint très souvent de ne pas avoir les ressources pour mettre en application certains éléments du Code criminel. C’est ce qui m’inquiète.
Je crois que l’objectif est noble, mais avons-nous, sur le plan pratique, les ressources nécessaires à la mise en œuvre? Voilà mon inquiétude.
La sénatrice Ataullahjan : Je suis d’accord avec vous, sénateur Housakos. On peut avoir toutes les mesures législatives voulues, mais, à moins de les mettre en application, ce ne sont que des feuilles de papier.
Mme Hunt : Si je peux ajouter un commentaire, j’aimerais dire que nous avons banni des investissements et imposé des sanctions à des entreprises par le passé. Les institutions financières ont la structure nécessaire pour le faire. Elles ont simplement besoin de directives claires.
De plus, je crois qu’Affaires mondiales comparaîtra après nous. Peut-être ses représentants pourront-ils parler plus en détail du cadre bureaucratique qu’ils planifient.
Le président : Merci. Voilà qui annonce bien le prochain groupe de témoins du gouvernement. Nous en sommes à la deuxième série de questions, et, oui, c’est votre tour, sénatrice Coyle.
La sénatrice Coyle : Cette discussion est importante. Nous ne voulons pas que le libellé de ce projet de loi entrave son objectif.
Ma première question est pour Mme Hunt. Pourriez-vous nous dire quels critères ne sont pas remplis? Vous avez dit avoir coché presque toutes les cases. Lesquelles n’ont pas été cochées?
Ma deuxième question s’adresse à tous. Il y a une certaine ambiguïté dans le libellé utilisé. Le projet de loi tel que présenté par la sénatrice Ataullahjan — et que j’ai commenté ensuite, bien sûr — mentionne les investissements faits auprès de particuliers ou d’organismes, pas les investissements faits par des particuliers ou des organismes. Par contre, on parle aussi d’interdire aux particuliers et aux organismes de faire certains investissements.
L’intention du projet de loi, à mes yeux, est d’interdire aux entités financières canadiennes d’investir dans des entités qui produisent des armes à sous-munitions. Nous savons qu’elles ne sont pas fabriquées au Canada. Quel que soit l’endroit où elles sont produites, nous ne voulons pas que des entités financières canadiennes investissent dans cette production. Voilà l’intention, que ce soit en amont ou en aval — quel que soit le point de vue par rapport au particulier qui a des actions de la Banque TD ou d’une concurrente. Je veux m’assurer que les formulations sont bien harmonisées dans le libellé du projet de loi.
La sénatrice Ataullahjan : Je crois que le projet de loi cible clairement les institutions financières. Je dois me pencher sur le libellé.
Je suis ouverte aux amendements, si des collègues du Sénat et des comités pensent pouvoir améliorer le projet de loi et le libellé. Il s’agit d’un dossier auquel je travaille depuis 2017. À mes yeux, il s’agit d’interdire aux entités financières d’investir l’argent des Canadiens, ou tout investissement de manière générale, dans les armes à sous-munitions.
La sénatrice Coyle : Nous devons nous assurer que le libellé reflète cet objectif. Qu’en est-il des critères, madame Hunt?
Mme Hunt : Oui, les critères. Il est généralement préférable que la loi prévoie une certaine supervision ou des outils de surveillance, ce qui, je crois, répond à l’une des questions qu’on vient de poser. J’espère que nous aurons des éclaircissements à ce sujet de la part des représentants du gouvernement.
Le scénario idéal, que peu de pays ont été en mesure de concrétiser, est de fournir une liste publique des entreprises assujetties à l’interdiction — les producteurs dans lesquels il est illégal d’investir.
J’ai ici une note indiquant, par exemple, que les Pays-Bas ont une entité de contrôle de la conformité pour le secteur financier et une liste, qui n’est toutefois pas publique. Même s’il s’agit là d’une situation quasi idéale, la liste n’est pas publique, alors je crois qu’aucun pays n’a encore coché cette case.
La sénatrice Coyle : Merci.
Le sénateur MacDonald : Je vais le répéter : je suis très sympathique à l’intention de ce projet de loi. Ma question s’adresse à Action Mines Canada. Mon neveu est le chef d’un département de chirurgie orthopédique dans l’Ouest d’Ottawa. Il a été déployé comme militaire trois fois en Bosnie dans les années 1990 et m’a dit un jour que c’était là-bas, sur le champ de bataille, qu’il avait appris à opérer des patients. Le nombre de jeunes personnes qui ont besoin de soins après avoir perdu leurs jambes et leurs pieds dans une explosion... Ce qu’il a vécu est tout simplement incroyable. J’ai une grande sympathie par rapport à cet enjeu.
D’un autre côté, nous avons joué un rôle important dans l’interdiction des mines antipersonnel et malgré cela, lorsque de véritables menaces surgissent, ces conventions d’interdiction ne semblent pas valoir grand-chose. L’Ukraine, par exemple, pour laquelle j’éprouve une grande sympathie — tout le monde le sait —, a signé la convention contre les mines antipersonnel, mais, selon Human Rights Watch, elle se sert de ces mines en dépit de sa signature. Bien sûr, cela ne doit étonner personne, puisque les Ukrainiens se battent pour leur vie, pour leur survie et pour leur existence.
Ne sommes-nous pas inquiets d’être en train d’exprimer des vœux pieux qui n’ont qu’un effet limité dans le monde réel? Apportons-nous un changement véritable?
M. Hannon : Je suis ravi de répondre à cette très bonne question. À l’heure actuelle, lorsqu’il y a des conflits, on entend aux nouvelles et grâce à toutes sortes d’instruments de surveillance de l’utilisation de mines antipersonnel, d’armes à sous-munitions et d’autres types d’armes, que chaque partie blâme son adversaire d’avoir utilisé ce que tout le monde sait être une arme prohibée. À mon avis, ces réactions témoignent du progrès accompli, parce qu’il y a 20 ou 25 ans, ces armes étaient utilisées dans tous les conflits. Les armées qui en avaient les utilisaient. Aujourd’hui, elles sont utilisées dans des circonstances limitées, de manière à pouvoir faire le suivi de leur emplacement et de leurs caractéristiques. Nos efforts ont porté leurs fruits en ce sens.
Dans le cas de l’Ukraine, la Campagne internationale pour interdire les mines–Coalition contre les armes à sous-munitions s’est adressée au gouvernement et aux représentants ukrainiens — ainsi qu’à nos propres parlementaires — pour les convaincre de ne pas utiliser ces armes. Nous comprenons qu’ils sont attaqués. Nous comprenons qu’il s’agit d’une invasion illégale et que les Ukrainiens ont le droit de se défendre. Toutefois, il existe d’autres outils qui peuvent non seulement leur servir au combat, mais aussi protéger leur population contre des armes qui tuent et blessent aussi des civils.
Je crois que ce ne sont pas uniquement des vœux pieux. Ces mesures ont un effet réel. Il est plus difficile à mesurer, mais on constate de nos jours qu’il y a très peu de conflits où des mines antipersonnel sont utilisées. À une certaine époque, c’était une arme très courante. Toutes les armées en avaient.
Nous avons un effet sur le cours des choses. Malheureusement, le changement est très lent. J’aimerais que le progrès soit beaucoup plus rapide.
La sénatrice Ataullahjan : Sénateur MacDonald, je m’inquiète beaucoup pour l’Ukraine, en raison de l’utilisation sans discernement qu’a faite la Russie des armes à sous-munitions en Afghanistan. Nous le savons tous; nous en avons parlé et nous sommes tous solidaires. En fait, il y a environ deux semaines, à la rencontre de l’Union interparlementaire, à Bahreïn, l’Ukraine a tenu un événement parallèle sur les armes à sous-munitions, pendant lequel j’ai parlé du présent projet de loi et du soutien du Canada envers l’Ukraine. La députée qui dirigeait la discussion m’a fait une accolade et remerciée pour la solidarité du Canada. Elle a également parlé du fait que l’Ukraine s’inquiète que, une fois la guerre terminée, la Russie aura lourdement miné le territoire et que ce seront les civils, principalement les enfants, qui en souffriront le plus.
Le sénateur Marwah : Ma question de suivi concerne également la facilité ou la faisabilité de la mise en application. Je suis la prémisse selon laquelle il n’existe pas de mauvaise mesure législative; seulement une mauvaise exécution. Je veux parfaire le présent projet de loi pour qu’il ne soit pas mal mis en application.
Je vous donne un exemple. Je suis une arme à sous-munitions. Comme vous le savez, dans le monde d’aujourd’hui, personne ne fabrique un produit de A à Z, alors notre fabricant d’armes à sous-munitions a sous-traité sa production à 50 entreprises différentes. Tout ce qu’il fait, c’est l’assemblage. Comment aborderiez-vous cette situation? Si je fais le suivi de ces 50 entreprises, comment ferai-je pour savoir à qui prêter et à qui ne pas prêter de l’argent? Quelle pièce est produite par quel fabricant? Comment mettre cette mesure à exécution? Le principal fabricant devrait-il être le seul visé, plutôt que tous les fabricants secondaires, qui fournissent des pièces au fabricant principal? Quelle serait votre intervention?
La sénatrice Ataullahjan : Merci pour votre question, sénateur Marwah. Comme je l’ai dit, j’ai constaté certaines choses qui m’ont choquée. Je me suis dit qu’il fallait y mettre fin. Votre question s’adresse peut-être aux fonctionnaires. Je ne suis pas avocate, alors je ne sais pas comment gérer les aspects juridiques de la mesure. Je suis toutefois convaincue que c’est possible. Cela dépend aussi du projet de loi. Peut-être est-ce une question pour Affaires mondiales. Le ministère a-t-il déjà composé avec une situation semblable? Peut-être que M. Hannon a quelque chose à ajouter.
M. Hannon : D’un point de vue humanitaire, je dirai que si l’on ne commence pas quelque part, nous ne mettrons jamais fin à cette pratique.
Le sénateur Marwah : Je suis d’accord avec vous. J’essaie simplement de renforcer le projet de loi de manière à ce que les fabricants ne puissent pas se soustraire à la loi en sous-traitant toute leur production, ce qui nous ramènerait à la case départ. Comment empêcher cette situation de se produire?
La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Marwah, il faut commencer quelque part. Nous, qui siégeons au Sénat, savons que la loi peut toujours être bonifiée. Il faut commencer quelque part. J’espère que ce projet de loi sera un point de départ pour les institutions financières, qui se diront qu’il existe une loi en vertu de laquelle elles ne sont pas censées investir dans des entreprises qui fabriquent des armes à sous-munitions. C’est un début. Il y a toujours moyen de modifier la loi. Il s’agit d’un processus d’apprentissage pour nous aussi.
Le président : Merci. J’ai une question pour M. Hannon et Mme Hunt. Je me souviens très bien du mouvement qui a mené à l’approbation de la Convention d’Ottawa qui a interdit les mines antipersonnel. Quelques-uns d’entre nous y ont participé, à l’époque. Évidemment, le prix Nobel de la paix a été attribué au conglomérat de la société civile qui a œuvré pour son adoption.
Je crois que nous admirons tous le travail que vous accomplissez. Êtes-vous en communication régulière avec des groupes d’autres pays parmi nos alliés qui défendent les mêmes intérêts?
Sénatrice Ataullahjan, je vous suis très reconnaissant du travail que vous faites au sein de l’Union interparlementaire. Nous en discutons à l’occasion. Toutefois, certains membres de l’Union viennent de régimes autoritaires, y compris ceux qui utilisent les armes à sous-munitions.
En ce qui concerne l’état du mouvement à l’échelle mondiale, quand les législateurs se rencontrent dans des forums mondiaux, sont-ils en mesure d’exercer des pressions efficaces?
La sénatrice Ataullahjan : Merci, monsieur le président. Vous connaissez très bien l’Union interparlementaire. Ces enjeux sont soulevés et ils font l’objet de discussions. Comme vous l’avez dit, des parlementaires de certains pays ne respectent pas les règles ou les normes attendues, mais il y a de la résistance. C’est pourquoi le Canada intervient.
Je vous donne un exemple récent, qui s’écarte du sujet du travail accompli. Le Canada fait partie du groupe de l’Asie-Pacifique. Un jeune parlementaire iranien voulait représenter ce groupe au sein du groupe des jeunes parlementaires. Je lui ai demandé : « Pourquoi vous ferions-nous confiance pour représenter un groupe composé d’hommes et de femmes si vous ne défendez pas les droits des Iraniennes? » Il n’a pas remporté cette élection. D’autres pays sont intervenus. C’était presque comme si j’avais vu la lumière dans les yeux des femmes. Elles ont compris de quoi il était question.
Notre rôle est de présenter un miroir à plusieurs de ces pays au cours des discussions. Parfois, les choses ne se déroulent pas comme nous le voulons. Mais le plus important est de continuer à poser des questions et à faire entendre notre voix.
Le président : Merci.
M. Hannon : Je crois que je vais laisser ma collègue de Victoria répondre. Elle représente l’avenir et moi, le passé.
Mme Hunt : Merci, monsieur Hannon, et merci, monsieur le sénateur. Nous travaillons de près avec la Coalition contre les armes à sous-munitions, un regroupement mondial, ainsi qu’avec d’autres acteurs de la société civile. J’ai d’ailleurs une affiche avec moi qui représente une image fournie par cette coalition.
Pour ce qui est de ce texte de loi, j’ai parlé directement à des collègues des Pays-Bas et des États-Unis pour analyser les projets de loi et j’ai discuté avec différents avocats et experts. Dans le cadre du mouvement plus général, Action Mines Canada, grâce à l’appui du Canada, enseigne notamment aux jeunes qui travaillent sur le terrain — pour venir en aide aux victimes, détruire les armes à sous-munitions, faire du déminage et inciter leurs pays à entériner l’interdiction — comment se faire entendre à des forums au niveau parlementaire ou international.
Un grand nombre de jeunes — surtout de jeunes Brésiliennes, ainsi que des Azerbaïdjanais aux prises avec les restes d’armes à sous-munitions utilisées dans leur pays en 2020 et des Afghans, lorsqu’ils pouvaient s’exprimer — exhortent leurs gouvernements à appliquer l’interdiction. La campagne bat son plein, et le projet de loi suscite beaucoup d’intérêt.
Le président : Merci beaucoup. Il nous reste cinq minutes. Sénateurs Dean et Housakos, pourriez-vous poser vos questions l’un à la suite de l’autre? Je vous demanderais d’être concis afin de pouvoir entendre une réponse de nos témoins.
Le sénateur Dean : Je vais revenir brièvement à la question du sénateur Marwah sur les fabricants principaux et les sous-traitants. J’ai la même préoccupation que lui.
En pratique, j’imagine que si le fabricant principal — ou le producteur — du produit fini cesse ses activités, les sous-traitants disparaîtront eux aussi. Il se peut fort bien que certains de ces sous-traitants travaillent à des projets inoffensifs et génériques dont l’objectif n’est pas de produire des armes à sous-munitions.
Ai-je raison de présumer que ce projet de loi s’attaque au fabricant principal du produit fini?
Le sénateur Housakos : Je pose une question complémentaire à ma dernière question. Même si le projet de loi est rédigé avec les meilleures intentions du monde, il faut aussi une bonne réglementation, un cadre réglementaire robuste et une volonté politique pour l’appliquer.
Parmi les signataires de ce traité, y a-t-il des exemples de nations dotées d’un meilleur processus réglementaire d’une plus grande efficacité? Avez-vous par ailleurs des exemples de signataires qui n’avaient pas de processus réglementaire efficace et fonctionnel?
M. Hannon : En réponse à la question du sénateur Dean, je dirai que notre rôle consiste à faire savoir à tous, sans ambages, que personne ne devrait fabriquer ou utiliser de telles armes. Si le fabricant principal n’en fait pas la demande, je ne suis pas persuadé que le sous-traitant se manifestera et offrira de fabriquer le produit, parce qu’il n’a peut-être pas la capacité pour un tel projet. Je crois que je répondrais par un oui conditionnel. Notre conviction est que personne ne devrait fabriquer ces armes.
Madame Hunt, voulez-vous répondre à la question du sénateur Housakos?
Mme Hunt : J’allais demander si je peux envoyer une réponse très détaillée par courriel, plutôt que d’essayer de tout dire dans les 30 secondes — ou la durée, quelle qu’elle soit — qu’il reste.
Le sénateur Housakos : Ce serait utile.
Le président : Merci beaucoup, madame Hunt. Veuillez envoyer votre réponse à la greffière du comité, Chantal Cardinal. Nous veillerons à ce qu’elle soit distribuée à tous et prise en considération.
Au nom du comité, je veux remercier nos trois témoins pour leurs témoignages : notre collègue, la sénatrice Ataullahjan; M. Hannon; et Mme Hunt. La séance a été fort intéressante. Merci.
Dans notre deuxième groupe de témoins, nous sommes ravis d’accueillir des représentantes d’Affaires mondiales Canada : la directrice générale par intérim de la Politique de sécurité internationale, Angelica Liao-Moroz; et la directrice adjointe de la Division de la non-prolifération et du désarmement, Ashlyn Milligan. Nous sommes prêts pour votre déclaration liminaire, madame Liao-Moroz. Vous avez la parole.
Angelica Liao-Moroz, directrice générale par intérim, Politique de sécurité internationale, Affaires mondiales Canada : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices, et merci d’avoir invité des représentants d’Affaires mondiales Canada à prendre la parole devant ce comité sénatorial. Nous remercions la sénatrice Ataullahjan d’avoir déposé le projet de loi S-225 émanant du Sénat qui apporte des modifications à la Loi interdisant les armes à sous-munitions, ou LIASM.
De notre point de vue, le projet de loi S-225 vise à renforcer les interdictions liées aux investissements dans ces armes. Il s’agit d’un objectif important, et nous accueillons favorablement la discussion à venir.
Comme d’autres témoins vous l’ont dit précédemment, les armes à sous-munitions tuent et mutilent surtout des civils et endommagent des infrastructures, et ce, sans discernement. Ces armes peuvent avoir un taux d’échec élevé et laissent donc souvent derrière elles un grand nombre de sous-munitions dangereuses non explosées. Par conséquent, ces munitions représentent un danger grave et à long terme pour les civils, et entravent sérieusement le développement durable et le rétablissement des sociétés touchées après un conflit. Nous avons entendu dans un témoignage, un peu plus tôt, que les enfants peuvent être particulièrement vulnérables à ces dangers, car les sous-munitions ressemblent souvent à des jouets ou à des babioles avec lesquels on peut s’amuser.
Selon le dernier rapport annuel de l’Observatoire des armes à sous-munitions, les armes à sous-munitions ont fait 149 victimes dans le monde en 2021, dont 97 % étaient des civils. Bien qu’il s’agisse d’une baisse notable par rapport au nombre de victimes recensées l’année précédente, en 2020, cette amélioration est gravement éclipsée par le nombre dévastateur d’attaques aux armes à sous-munitions ponctuant l’incessante invasion de l’Ukraine par la Russie.
[Français]
Compte tenu des conséquences dévastatrices de ces armes, le Canada a insisté auprès de la communauté internationale pour qu’elle réponde au besoin urgent d’interdire la production et l’utilisation de ces armes.
Dès le début des négociations, le Canada s’est fait le champion de l’élaboration de la Convention sur les armes à sous-munitions et l’a soutenue activement tout au long du processus, qui a abouti à l’établissement du traité en 2008.
La convention interdit l’utilisation, la mise au point, la production, l’acquisition, le stockage et le transfert d’armes à sous-munitions, ainsi que l’assistance, l’encouragement ou l’incitation à ces activités.
Aujourd’hui, la convention compte 111 États partis, et des progrès sont réalisés chaque année sur la voie de notre objectif collectif, qui est de parvenir à un monde exempt de ces armes redoutables. Le Canada est devenu un État parti en septembre 2015 après avoir détruit tous ses stocks d’armes à sous-munitions et après l’entrée en vigueur de sa loi de mise en œuvre, la Loi interdisant les armes à sous-munitions en mars de la même année.
Le Canada demeure résolument engagé à mettre fin aux souffrances et aux pertes causées par les armes à sous-munitions et à lutter contre les effets immédiats et à long terme de ces armes. C’est pourquoi nous entreprenons un nombre important de programmes pour assurer l’éradication des armes à sous-munitions et de toutes les munitions de guerre non explosées.
Au cours des deux dernières décennies, le Canada a consacré plus de 450 millions de dollars à ses efforts dans le monde. Par exemple, nous apportons un soutien important à la Campagne internationale pour l’interdiction des mines terrestres et la Coalition contre les armes à sous-munitions, dans le but de renforcer la mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions et de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel.
[Traduction]
Passons maintenant au projet de loi S-225, qui vise à modifier la LIASM pour interdire expressément les investissements dans les armes à sous-munitions. Les interdictions d’investissements directs prévues par le projet de loi pourraient souligner l’engagement du Canada à éliminer ces armes odieuses et faire comprendre à l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes qu’il est illégal d’apporter une aide financière à toute personne ou toute entité fabriquant ces armes.
Le projet de loi vise également à mettre en place des interdictions sur les investissements indirects. Malgré les bonnes intentions, cette modification présenterait des difficultés d’application, car elle pourrait criminaliser les investisseurs indirects, comme les titulaires de fonds de pension et de retraite, qui peuvent ne pas être au courant des investissements détenus et qui ont moins de contrôle sur la façon dont leur argent est investi.
Le renforcement de l’action du Canada en matière d’éradication des armes à sous-munitions est une initiative louable. Le fait d’axer les modifications du projet de loi sur les investissements directs garantirait que le projet de loi soit applicable et clair pour les Canadiens et les Canadiennes, en plus de contribuer encore davantage à l’éradication des armes à sous-munitions dans le monde. Merci.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie toutes deux d’être parmi nous. J’aimerais aborder deux sujets. L’un d’entre eux a été effleuré pendant la première heure : les liens inextricables entre les économies du Canada et des États-Unis.
Est-il difficile pour les investisseurs canadiens de savoir s’ils respectent la convention, étant donné que les États-Unis n’ont pas signé la Convention sur les armes à sous-munitions?
Mme Liao-Moroz : Merci beaucoup de cette question, sénatrice. Les témoins précédents ont indiqué que les États-Unis figurent parmi les 16 pays qui se réservent encore le droit de fabriquer des armes à sous-munitions, même s’ils n’en produisent pas à l’heure actuelle. Nous savons que Textron, le dernier fabricant américain de ces armes, a annoncé en 2016 qu’il cessait sa production.
Il y a peu de temps, en 2021, la société Northrop Grumman, un fournisseur de la défense américaine, a également annoncé mettre fin à sa participation à un contrat de gestion des réserves du gouvernement américain visant à mesurer la durée de vie de ces armes.
Je dirais que, étant donné l’abandon de la production des armes à sous-munitions aux États-Unis — même si le pays n’est pas partie à la convention —, nous ne devrions pas nous attendre à ce que les dispositions de ce projet de loi, s’il est adopté, aient une incidence directe sur notre relation commerciale dans ce domaine.
La sénatrice M. Deacon : Examinons la question du point de vue des investissements. Pouvez-vous nous donner des précisions au sujet de vos relations avec les investisseurs au Canada dans le contexte des conventions telles que la Convention sur les armes à sous-munitions? Les banques et les investisseurs s’adressent-ils à Affaires mondiales Canada pour savoir à quel moment ils risqueraient d’enfreindre le droit international et nos obligations découlant des traités? Ce projet de loi, dans sa forme actuelle, apporterait-il des précisions sur la Convention sur les armes à sous-munitions en particulier?
Mme Liao-Moroz : Je vous remercie pour vos questions. Comme je l’ai dit, nous serions favorables à la modification proposée visant à interdire expressément les investissements directs. Cependant, dans son libellé actuel, la disposition liée aux investissements indirects présenterait des difficultés d’application. Même si nous reconnaissons que cette disposition part de bonnes intentions, il faut tout de même tenir compte de la faisabilité de sa mise en application.
Personnellement, je ne communique pas avec les investisseurs. À Affaires mondiales Canada, nous nous concentrons sur les politiques liées aux armes à sous-munitions, alors nous ne communiquons pas directement avec les sociétés financières canadiennes.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
Le sénateur Marwah : Merci à nos témoins. Madame Liao-Moroz, l’une de mes préoccupations concerne les investissements indirects et la façon dont vous pourriez gérer tout cela. J’aimerais approfondir cet aspect.
Ce projet de loi s’applique également aux particuliers. Est-il possible de surveiller tous les particuliers qui sont maintenant censés savoir où investir et où ne pas investir? Nous investissons tous dans des institutions financières; je pense que c’est le cas de toutes les personnes ici présentes. Est-ce que j’enfreins la loi si j’investis dans une institution financière qui, à son tour, a investi directement ou indirectement, ou par inadvertance, dans un fabricant d’armes à sous-munitions? Serait-il faisable de contrôler les investissements indirects?
Mme Liao-Moroz : Merci beaucoup. Je dirais qu’il y a quelques éléments sur lesquels le comité voudrait peut-être se pencher. Dans la modification proposée, il est question d’intérêt pécuniaire — d’intérêt financier —, et nos avocats nous disent que c’est beaucoup plus général. Avoir un intérêt financier est beaucoup plus large que de faire un investissement. La modification risque d’élargir la responsabilité criminelle. Par conséquent, le projet de loi, tel qu’il est rédigé actuellement, pourrait criminaliser les gens qui n’ont aucun contrôle — ni aucune connaissance — sur la façon dont leurs fonds mutuels ou de retraite sont investis.
En fin de compte, nous voulons tous décourager, autant que possible, les investissements, dans la production de ces armes mortelles, mais il faut tenir compte de la facilité et de la faisabilité de sa mise en application. Nous devons protéger les gens qui n’ont pas nécessairement le contrôle, comme je l’ai dit, sur la manière dont leurs fonds sont investis. Il est également important de veiller à ne pas mettre en œuvre une loi dont la portée est si vaste qu’elle pose des problèmes d’application inhérents.
S’il me reste du temps, je vous donnerai un exemple concret. Encore une fois, nous nous appuyons sur les conseils de nos collègues avocats.
Une personne qui investit dans un fonds qui investit à son tour dans une entreprise qui ne produit pas actuellement d’armes à sous-munitions, mais qui en produira à l’avenir, pourrait-elle en principe être tenue criminellement responsable parce que, dans sa formulation actuelle, le projet de loi n’impose pas de limite de temps et ne précise pas non plus que l’investisseur doit avoir l’intention d’aider à la production de ces armes?
Le sénateur MacDonald : Depuis 2007, 11 États parties ont adopté une mesure législative qui interdit spécifiquement les investissements dans les armes à sous-munitions. L’Italie est le plus récent État à l’avoir fait en décembre 2021. La loi italienne interdit le financement de toute entreprise, qu’elle soit enregistrée en Italie ou à l’étranger, qui s’engage dans la production, la vente ou le transfert de mines antipersonnel, d’armes à sous-munitions et de sous-munitions.
Comment le libellé proposé dans le projet de loi se compare-t-il aux interdictions d’investissement dans les armes à sous-munitions qui sont prévues dans la législation d’autres pays? Y a-t-il des pratiques exemplaires dans ces autres pays dont le Canada pourrait s’inspirer?
Mme Liao-Moroz : Merci, sénateur. Je vais essayer de répondre à cette question du mieux que je peux, tout en sachant que je ne peux pas m’exprimer avec certitude sur les lois des autres pays et la façon dont elles sont mises en œuvre concrètement.
Vous avez donné l’Italie en exemple, et nous savons que le Parlement italien a opté pour un système réglementaire visant à garantir le respect des règles par les institutions financières au moyen d’amendes. Cet exemple, en particulier, nécessiterait la tenue de consultations importantes au sein du gouvernement.
Vous avez parlé des pratiques exemplaires, et ce que je peux dire — encore une fois, sans entrer dans les détails du système législatif de chaque pays —, c’est qu’il existe des lois qui accordent plus d’importance à l’intention derrière l’investissement, ce qui serait un élément très utile à examiner, à notre avis.
Le sénateur Housakos : Pouvez-vous nous donner des exemples précis de traités ou d’accords similaires dont le Canada est signataire, ou de mesures législatives de cette nature qui sont actuellement mises en œuvre par Affaires mondiales Canada?
Je vais vous donner un exemple bien précis. On a présenté un projet de loi ici au pays qui interdit, par exemple, l’importation de produits provenant de régions du monde où l’on a recours au travail forcé. L’Agence des services frontaliers du Canada a déclaré à plusieurs reprises qu’elle n’était pas en mesure de mener le travail d’enquête nécessaire à la mise en œuvre de la loi, soit par manque de ressources, soit par manque de volonté politique, soit pour toute autre raison.
Une fois encore, pouvez-vous nous donner des exemples où Affaires mondiales Canada met en place de manière tangible des règlements découlant de mesures législatives ou traités semblables, et nous dire dans quelle mesure, selon vous, les dispositions du Code criminel ou d’autres lois ne sont pas appliquées adéquatement?
Mme Liao-Moroz : Merci. Je vous remercie pour votre question, sénateur. J’espère que vous comprenez que cela ne relève pas directement de moi ni de mon domaine d’expertise. Je vais prendre votre question en note et je vais vous revenir avec une réponse plus complète.
Le sénateur Housakos : Je vous en saurais gré.
Le président : J’aimerais revenir sur la question du sénateur Housakos. Madame Liao-Moroz, je crois savoir que vous êtes à la tête d’une direction générale des politiques par intérim, et nous nous intéressons aux politiques ici.
Pour ce qui est de la mise en application du projet de loi, en supposant qu’il soit adopté, et avec quelques amendements, en ce qui concerne les politiques sur les sanctions, nous savons — et nous examinons les deux lois sur les sanctions dont dispose le Canada — qu’un bureau est mis sur pied pour examiner les politiques sur les sanctions. Je vous demanderais de vous avancer ici : serait-il logique, dans ce cas, que cette entité veille à la mise en application des mesures prévues dans ce projet de loi — en reconnaissant que vous avez des responsabilités en matière de politique de sécurité?
Le sénateur Housakos : Monsieur le président, vous semblez connaître un peu Affaires mondiales.
Le président : Je m’y connais un peu, même si je ne suis pas aussi à jour que je l’ai déjà été.
Mme Liao-Moroz : Merci beaucoup, monsieur le président. Comme je l’ai dit, nous nous concentrons ici sur les politiques. En ce qui concerne les enquêtes et l’application de la loi, je pense que nous devrions consulter la GRC et le Service des poursuites pénales du Canada — car c’est en grande partie leur domaine de responsabilité — et vous revenir avec une réponse plus complète.
Le président : Je vous remercie. Ce que j’essaie de dire, de façon générale, c’est que les lois visant à imposer des mesures punitives — que ce soit notamment pour les produits importés issus du travail forcé dans certains pays, les politiques sur les sanctions ou, en fait, la redistribution des biens saisis — sont une tendance qui n’est pas en voie de disparaître, et elle est considérée comme un enjeu important dans les politiques. C’est pourquoi j’ai soulevé cette question. Je me rends compte que cela ne relève pas de votre domaine, mais je tenais à ce que cela soit consigné au compte rendu.
Chers collègues, y a-t-il d’autres questions?
Le sénateur MacDonald : Nous avons également parlé de notre leadership dans la lutte antimines. Il convient de souligner que la Convention d’Ottawa sur les mines terrestres antipersonnel et la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les mines antipersonnel ne contiennent pas d’interdiction d’investissement comme celle que propose ce projet de loi. Devrait-on envisager l’adoption d’une interdiction semblable pour le financement de la fabrication de mines antipersonnel, ou s’il existe des différences stratégiques entre les deux cas qui justifieraient un traitement différent?
Mme Liao-Moroz : Merci beaucoup, monsieur le sénateur, pour cette question complémentaire. Je pense que mon collègue, Paul Hannon, d’Action Mines Canada, a abordé certains éléments de cette question lors de son témoignage en expliquant la norme robuste et le nombre d’États parties qui ont finalement signé la Convention d’Ottawa sur les mines terrestres. Ce que je peux dire, c’est que le Canada est partie à la Convention sur les armes à sous-munitions et à la Convention d’Ottawa, et que nous nous y conformons pleinement. Je pense que si nous devions envisager une disposition dans le sens de cette modification qui inclurait d’autres catégories d’armes, y compris les mines terrestres antipersonnel, cela nécessiterait évidemment des consultations plus approfondies au sein du gouvernement.
Le sénateur MacDonald : Nous n’avons donc pas la réponse en ce qui concerne les différences stratégiques, et je peux comprendre. Ce n’est pas un reproche; je dis simplement que nous devons creuser un peu plus la question.
Mme Liao-Moroz : Merci.
Le sénateur Housakos : Je comprends que vous vous penchez sur les politiques. Y a-t-il dans cette mesure législative des éléments que vous jugez problématiques, d’une manière générale, et que nous devons aborder du point de vue d’Affaires mondiales Canada?
Mme Liao-Moroz : Merci beaucoup. Comme je l’ai déjà dit, nous aimerions que le comité se penche sur le libellé qui porte sur l’intérêt pécuniaire qui, d’un point de vue juridique, est beaucoup plus large que les investissements financiers en tant que tels et qui pourrait, par conséquent, étendre la responsabilité criminelle aux investisseurs involontaires et innocents, par exemple.
L’autre élément qu’il faudrait examiner est la manière d’intégrer la notion de l’intention, car en fin de compte, nous cherchons à dissuader les personnes et les entreprises d’investir dans une entité qui produit des armes à sous-munitions dans l’intention de les aider et à interdire ces investissements. L’intention derrière l’investissement est un élément clé, je pense, de cette modification.
Le président : Merci. Au nom du comité, je tiens à remercier nos deux témoins d’Affaires mondiales Canada : Mme Angelica Liao-Moroz, directrice générale par intérim, Politique de sécurité internationale; et sa collègue Mme Ashlyn Milligan, directrice adjointe, Division de la non-prolifération et du désarmement.
Chers collègues, avant de lever la séance, et pour donner suite au dernier échange, je tiens à informer les sénateurs et les témoins que le comité compte procéder à l’étude article par article du projet de loi S-225 durant la deuxième partie de sa prochaine réunion, qui aura lieu le mercredi 19 avril.
(La séance est levée.)