Aller au contenu
AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 19 avril 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 4 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner et pour faire rapport du service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada.

Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario, et je suis le président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

[Traduction]

Avant que les membres du comité ne se présentent, je tiens à signaler que notre greffière, Chantal Cardinal, n’a pas pu se joindre à nous aujourd’hui. C’est Angus Wilson qui nous apportera son aide aujourd’hui à titre intérimaire.

J’invite maintenant les membres du comité qui participent à la séance d’aujourd’hui à se présenter.

[Français]

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ravalia : Je suis Mohamed Ravalia, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Richards : Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci beaucoup, chers collègues. Bienvenue à vous tous, ainsi qu’à ceux et celles qui regardent nos délibérations sur la chaîne ParlVu du Sénat de partout au Canada.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du Service extérieur canadien, dont le but est d’évaluer si le service extérieur du Canada et l’appareil de politique étrangère d’Affaires mondiales Canada sont adaptés à leurs objectifs et prêts à répondre aux défis mondiaux d’aujourd’hui et de demain.

[Français]

Pour discuter de l’expérience de divers groupes de personnes du service extérieur et de leurs recommandations concernant l’avenir du service extérieur et les conditions du service extérieur, nous sommes heureux d’accueillir, d’Affaires mondiales Canada, Vikas Sharma, directeur exécutif, Direction de la région andine et champion du Réseau des personnes en situation de handicap.

[Traduction]

Nous accueillons Stewart Wheeler, chef du protocole du Canada et directeur général du Bureau de la gestion des sommets et champion du Réseau 2ELGBTQI+. J’ajouterais qu’il est l’ancien chef du protocole de l’Ontario et l’ancien ambassadeur du Canada en Islande. Sandra McCardell se joint à nous par vidéoconférence depuis New York. Mme McCardell, qui a souvent témoigné devant le comité, est sous-ministre ajointe, Europe, Arctique, Moyen-Orient et Maghreb, et championne du réseau des femmes. Nous recevons également Ayesha Rekhi, ambassadrice du Canada en République tchèque, qui participe à notre séance par vidéoconférence depuis Prague. Il est très tard présentement à Prague, madame l’ambassadrice, et nous vous remercions de vous joindre à nous.

J’aimerais enfin souligner qu’au cours de cette période de présentation, les membres du comité suivants se sont joints à nous : Marty Deacon, sénatrice de l’Ontario; Mary Coyle, sénatrice de la Nouvelle-Écosse; Peter Harder, le vice-président du comité et sénateur de l’Ontario; Gwen Boniface, également sénatrice de l’Ontario.

Je souhaite la bienvenue à tout le monde.

Je tiens à rappeler qu’Affaires mondiales Canada comprend également un réseau des peuples autochtones, mais qu’il n’a pas de champion en poste à l’heure actuelle. Toutefois, le réseau a été invité à nous soumettre un mémoire écrit, que nous présenterons dès que nous l’aurons reçu.

Avant d’entendre les présentations des témoins et de passer à la série de questions et réponses, j’aimerais demander aux membres du comité qui sont dans la salle de s’abstenir de s’approcher trop près de leur microphone ou de retirer leurs oreillettes s’ils le font. Cela permettra d’éviter toute rétroaction sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité dans la salle et sur nos interprètes, qui portent des oreillettes à des fins d’interprétation.

Nous allons commencer avec Mme McCardell, qui présentera des remarques générales à propos des réseaux pendant une durée maximale de 10 minutes, puis nous passerons à la première série de questions. Tous les champions et les championnes seront invités à répondre aux questions.

Je cède maintenant la parole à Mme McCardell, qui s’adressera au comité par vidéoconférence depuis New York.

Sandra McCardell, sous-ministre adjointe, Europe, Arctique, Moyen-Orient et Maghreb et championne du Réseau des femmes, Affaires mondiales Canada : Monsieur le président, je vous remercie de me donner l’occasion de discuter de l’équité, de la diversité et de l’inclusion à Affaires mondiales Canada.

Votre étude sur le Service extérieur canadien survient à un moment important. En effet, il s’agit d’une occasion unique de façonner la diplomatie future du Canada grâce aux valeurs que nous représentons et à l’image qui reflète la diversité de la population canadienne.

Je suis la championne pour les femmes chez Affaires mondiales Canada, et je suis accompagnée aujourd’hui par trois de mes collègues champions et championnes, que vous avez déjà présentés. Je tiens à souligner que l’ambassadrice et moi-même sommes actuellement à l’extérieur du Canada, mais que nos collègues s’adressent à vous depuis le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

[Français]

Comme dans d’autres ministères, le travail d’Affaires mondiales Canada visant à assurer un effectif diversifié et inclusif représentatif de l’ensemble de la population canadienne est ancré dans des lois telles que la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur le multiculturalisme canadien, la Loi sur l’équité en matière d’emploi et la Loi canadienne sur l’accessibilité. Affaires mondiales Canada a la responsabilité particulière, en tant que représentant et visage du Canada dans le monde, de se conformer à des normes élevées reflétant la société dynamique et multiculturelle du pays qui valorise la diversité au pays et à l’étranger.

Nous devons représenter le meilleur du Canada et de nos valeurs, et les adapter de manière pertinente au contexte culturel du monde entier. Nous devons veiller à ce que les principes de diversité et d’inclusion soient aussi bien intégrés dans nos missions et auprès de notre personnel recruté sur place qu’ils le sont à Ottawa.

L’équité, la diversité et l’inclusion sont essentielles pour créer un environnement de travail où chaque personne, où qu’elle soit, se sente valorisée au sein du ministère. Nous avons la responsabilité collective de favoriser un lieu de travail qui reflète les valeurs canadiennes et de promouvoir un environnement respectueux chez nous et dans le monde entier.

[Traduction]

Il serait sans doute pertinent d’expliquer le rôle des témoins qui comparaissent aujourd’hui, c’est-à-dire le rôle joué par les champions et les championnes qui font la promotion de la diversité et de l’inclusion chez Affaires mondiales Canada. Les champions effectuent un travail de sensibilisation et apportent de nouvelles perspectives pour les initiatives en cours. Ils s’efforcent de faire progresser les objectifs en matière de diversité et d’inclusion afin d’opérer un changement culturel au sein du ministère. Nous travaillons en étroite collaboration avec six réseaux d’employés : les femmes; les peuples autochtones; les personnes 2SLGBTQI+; les personnes handicapées; les jeunes professionnels; le réseau des minorités visibles, lequel se subdivise désormais en trois sous-groupes d’employés noirs, latino-américains et arabophones.

Chacun de ces six réseaux emploie des représentants officiels ou des présidents qui travaillent en collaboration avec leur champion afin de remplir le mandat du ministère en matière d’équité, de diversité et d’inclusion, et de lutter contre le racisme. Les champions et les représentants, de même que d’autres intervenants qui œuvrent au sein des réseaux, sont membres du conseil sur la diversité et l’inclusion d’Affaires mondiales Canada, lequel fournit des recommandations et des orientations stratégiques au ministère.

J’aimerais ajouter que le travail effectué par l’ensemble des employés des réseaux d’équité en matière d’emploi se fait à titre bénévole, et s’ajoute à leur charge de travail régulière.

[Français]

Bien qu’Affaires mondiales Canada s’emploie à régler la question de l’équité en matière d’emploi depuis de nombreuses années, c’est le décès de George Floyd et l’appel subséquent du greffier du Conseil privé à prendre des mesures contre le racisme, pour l’équité et l’inclusion qui ont insufflé une énergie et une détermination renouvelée à cet effort.

Depuis 2020, le ministère a instauré de nombreuses mesures dont l’élaboration d’une stratégie de lutte contre le racisme et un cadre de gestion du rendement pour suivre la mise en application des progrès, la mise en place d’un plan d’action sur la réconciliation avec les peuples autochtones, le lancement d’un programme pilote de parrainage du sous-ministre ciblant les groupes sous représentés au sein du ministère. Les premiers candidats retenus dans le cadre de ce programme sont aujourd’hui au niveau EX.

On compte aussi parmi ces mesures la mise en place par la plupart des directions générales du ministère et des missions à l’étranger de plans plus détaillés pour appuyer leurs efforts en matière d’équité, de diversité et d’inclusion et de lutte contre le racisme d’une manière spécifique à leur lieu de travail.

En janvier dernier, les sous-ministres et les membres du conseil exécutif ont réaffirmé leurs engagements et leurs priorités en ce qui concerne l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI), notamment en vue de finaliser et de lancer le plan de l’EDI et le plan d’action selon l’accessibilité du ministère, de réaliser pleinement le plan d’action et la stratégie de lutte contre le racisme et d’appuyer le plan de l’EDI et de l’interracisme des secteurs et des bureaux.

En effet, au cours de la dernière décennie, nous avons réalisé d’importants progrès en matière d’égalité sur le plan de la parité hommes-femmes — ce qui me concerne personnellement. Aujourd’hui, la moitié des ambassadrices et des ambassadeurs du Canada sont des femmes et il y a autant de femmes que d’hommes dans les postes de cadres au ministère. En fait, Affaires mondiales Canada a atteint la parité hommes-femmes en ce qui concerne la nomination de ses chefs de mission depuis 2018, une mesure visible et symbolique de succès pour un ministère des Affaires étrangères.

Compte tenu de l’engagement du Canada à l’égard d’une démarche en matière de politique étrangère féministe, nous avons la responsabilité d’appliquer ces principes féministes et de joindre le geste à la parole pour veiller à ce que les femmes compétentes de notre organisation aient l’occasion de faire preuve de leadership.

[Traduction]

Afin d’apporter un soutien concret aux employés 2SLGBTQI+ et à leur famille qui souhaitent s’installer à l’étranger pour travailler, la communauté d’Affaires mondiales Canada a déployé de grands efforts pour créer et mettre à jour un document détaillé contenant des renseignements essentiels. Ce document comprend des renseignements sur les divers types d’accréditation que les pays d’accueil sont prêts à accorder aux employés 2SLGBTQI+ et à leurs personnes à charge, ainsi que sur les conditions de vie générale de la communauté, ce qui aide ces employés à prendre des décisions réfléchies quant à leurs futures affectations à l’étranger.

Le Réseau de la fierté a également mis au point une série d’ateliers et de séances de formations populaires dans le cadre de l’Initiative Espaces positifs. Cette initiative contribue à favoriser l’inclusion de tous les employés et groupes de clients, indépendamment de leur orientation sexuelle et de leur identité ou expression de genre, ce qui permet de créer des équipes de travail saines et accueillantes, de démystifier l’usage du langage inclusif, et de promouvoir la santé mentale et le bien-être en milieu de travail.

Lors de leurs affectations à l’étranger, les chefs de mission sont appelés à prendre en compte la diversité et l’inclusion non seulement dans le contexte canadien, mais aussi dans celui de leur pays d’accueil, là où les différences religieuses, ethniques, tribales ou linguistiques ont tendance à définir et séparer les gens.

[Français]

Bien que nous reconnaissions nos réalisations, il reste encore beaucoup à faire pour refléter pleinement les valeurs et intérêts du Canada que nous représentons à l’étranger. Nous nous devons d’être cette voix qui reflète la diversité de la population canadienne, en particulier les personnes autochtones, noires, racialisées ainsi que celles en situation de handicap, qui sont encore trop peu nombreuses dans nos postes de cadre.

Le visage du service extérieur canadien est également représenté par nos missions diplomatiques à l’étranger. Nous continuons à œuvrer pour les rendre accueillantes et inclusives, que ce soit en arborant des drapeaux de la fierté ou en veillant à ce qu’elles soient entièrement accessibles aux employés, aux clients et aux invités. Un important travail doit se poursuivre pour mettre à jour des politiques du personnel qui illustrent les concepts actuels de la famille et du traitement équitable.

Nous devons également faire preuve de détermination pour combler l’écart entre nos aspirations, comme la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies et les mesures à prendre pour les réaliser. Nous disposons d’indicateurs de réussite permettant de mesurer les progrès ou de cerner les obstacles et soutenir les occasions de développement de carrière pour les groupes d’employés sous représentés.

L’année dernière, Affaires mondiales Canada a lancé l’initiative L’avenir de la diplomatie : transformer Affaires mondiales Canada. L’objectif de cette initiative est de renforcer la capacité d’Affaires mondiales Canada à se mobiliser à l’échelle mondiale.

L’un des piliers centraux de l’examen consiste à s’assurer que nous sommes en mesure d’embaucher, de maintenir en poste et de former un effectif diversifié doté des valeurs et des compétences nécessaires pour relever les défis mondiaux d’aujourd’hui et de demain. Les résultats de cet examen iront de pair avec nos politiques visant à faire d’Affaires mondiales Canada un lieu de travail plus équitable, diversifié et inclusif.

[Traduction]

Pour conclure, Affaires mondiales Canada est plus fort grâce à sa diversité. Nous sommes à même de mieux réaliser nos objectifs de politique étrangère dans un monde de plus en plus complexe et interconnecté. En tant que vitrine du Canada dans le monde, nous avons la responsabilité particulière d’être équitables, diversifiés et inclusifs.

Chez Affaires mondiales Canada, nous avons encore beaucoup de chemin à faire, mais nous sommes convaincus que nos efforts soutenus, en collaboration avec les champions et les réseaux d’employés, nous permettront de refléter les valeurs canadiennes dans notre pays et à l’étranger.

Je vous remercie, monsieur le président. Mes collègues et moi‑même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, madame McCardell.

Chers collègues, je vous informe que vous disposerez chacun d’un maximum de quatre minutes lors de la première série de questions et réponses. Je vous invite à être aussi précis et concis que possible, en particulier dans vos préambules. Nous allons continuer jusqu’à 17 h 30, je pense donc que nous aurons le temps d’entamer une deuxième série de questions, voire plus.

Je tiens également à souligner que le sénateur MacDonald, qui représente la Nouvelle-Écosse, vient de se joindre à la réunion.

Enfin, je rappelle aux sénateurs que deux témoins se sont joints à nous dans la salle, et deux autres de manière virtuelle. Ne l’oublions pas. Comme chaque témoin occupe des fonctions bien précises, je vous demanderais d’orienter vos questions en conséquence.

Le sénateur Ravalia : Je remercie tous nos témoins.

Permettez-moi tout d’abord de saluer avec gratitude le travail que chacun d’entre vous accomplit au nom de notre pays.

Ma question s’adresse à M. Wheeler. Pourriez-vous en dire plus sur les mesures prises pour aider les diplomates canadiens à acquérir une expertise régionale ou culturelle approfondie?

Par ailleurs, comment la stratégie mise en place par Affaires mondiales Canada en matière de formation et de soutien se compare-t-elle à celle des ministères des Affaires étrangères de certains de nos principaux alliés?

Stewart Wheeler, chef du protocole du Canada et directeur général du Bureau de la gestion des sommets et champion du Réseau 2ELGBTQI+, Affaires mondiales Canada : Merci beaucoup pour votre question, monsieur le sénateur. Je m’efforcerai d’y répondre au mieux de mes capacités.

Je vais vous répondre en me basant sur ma propre expérience au sein du service extérieur, bien entendu. Je ne suis pas actuellement en position de superviser la formation au sein de l’Institut canadien du service extérieur, mais je peux aborder brièvement les enjeux de diversité et d’inclusion.

Tout nouvel employé qui intègre le service extérieur d’Affaires mondiales Canada doit se plier à une robuste formation, peu importe s’il souhaite devenir un agent permutable ou non. L’Institut canadien du service extérieur, en collaboration avec la direction des ressources humaines, établit des modules de formation recommandés pour divers domaines afin de s’assurer que les employés disposent des compétences nécessaires pour les activités qu’ils seront appelés à exercer. Ces formations permettent aux employés de se perfectionner et de combler leurs lacunes en matière de connaissances.

D’après ma propre expérience, l’école de langues de l’Institut canadien du service extérieur offre une série de formations axées sur les compétences tant linguistiques qu’interculturelles. Par ailleurs, il existe un programme de mentorat, ainsi que des formations de nature plus informelles entre les membres du service extérieur. Cela fait en sorte que les nouveaux employés affectés à leur première mission peuvent tirer profit de l’expérience et de la sagesse de ceux qui sont déjà passés par là. Les mentors orientent les recrues vers des lectures académiques, mais aussi vers des œuvres de fiction, afin de leur faire connaître de nouvelles cultures.

En ce qui concerne notre travail en matière de diversité et d’inclusion, il existe désormais une série de programmes de formation qui amènent l’employé à comprendre l’approche du Canada concernant les droits de la personne en général, ainsi que des cours spécifiques proposés par l’École de la fonction publique du Canada et par l’Institut canadien du service extérieur. Ces cours sont axés sur la réalité des groupes historiquement marginalisés en quête d’équité au sein de notre société.

Tous ces programmes de formation permettent aux nouveaux employés de mieux comprendre la diversité qui caractérise le Canada, ainsi que l’image que nous souhaitons projeter à l’étranger.

Le sénateur Ravalia : Je vous remercie, votre réponse est très pertinente.

[Français]

La sénatrice Gerba : Bienvenue à nos témoins à ce comité d’aujourd’hui.

Ma question s’adresse à Mme McCardell, championne du Réseau des femmes et peut-être également à Mme Rekhi, championne du Réseau des minorités visibles. Je m’intéresse beaucoup à la place des femmes noires dans l’appareil politique et gouvernemental et dans l’organisation d’Affaires mondiales Canada qui nous intéresse aujourd’hui particulièrement, au sein de la fonction publique canadienne. Je voudrais savoir quelle est la place des femmes noires. Qu’est-ce qui est fait pour promouvoir les femmes noires à des postes de responsabilité, de cadres de haute direction?

On sait qu’à l’échelle de la fonction publique, il y a 7 000 cadres supérieurs. On estime qu’il n’y a que 2 % qui font partie des minorités noires. Est-ce que vous connaissez, à l’échelle d’Affaires mondiales Canada, la proportion des femmes noires qui occupent les postes de direction? Quelles sont les actions que vous mettez en place pour favoriser l’accès de ces femmes aux postes de haute direction?

Mme McCardell : J’aimerais aborder la question et ensuite passer la question à ma collègue, l’ambassadrice Rekhi.

C’est exactement ce genre de question qui nous importe énormément. Dans le cadre de la promotion des femmes en milieu de travail, à Affaires mondiales Canada, c’est un travail qui a été commencé il y a déjà 10 ans et plus pour atteindre une parité dans les postes d’ambassadrices. Vous touchez exactement un de nos défis, sur lequel nous devons continuer à travailler davantage : la question de l’intersectionnalité.

On avait fait des efforts pour identifier des objectifs pour la championne des femmes ou pour le Réseau des femmes. On avait identifié l’importance d’atteindre des postes de leadership pour modeler, pour celles qui viennent après nous, ce que le leadership féminin peut être dans notre organisation.

Dans le contexte du décès de George Floyd, nous avons remarqué l’importance de la question du racisme à l’intérieur de ce que nous nous efforcions de faire uniquement pour les femmes. Lorsque l’on a des groupes qui sont à risque d’être marginalisés en raison de leur identité, mais aussi en deuxième lieu en raison d’une autre identité, il faut porter une attention particulière.

Ce que je peux dire, c’est qu’au sein de notre Réseau des femmes, on avait choisi une personne dans le réseau des employés qui serait un agent de liaison avec les autres réseaux d’employés; vous communiquez directement avec le Réseau des minorités visibles, pour le Réseau pour les peuples autochtones, avec le Réseau des personnes en situation de handicap pour mieux comprendre les enjeux de ceux qui ont une double identité et qui risquent d’être marginalisés.

En ce qui concerne ce que vous nous avez demandé de donner, nous sommes en train d’encourager le ministère à non seulement obtenir les données, mais aussi à regarder à l’intérieur de ces données pour trouver cette double identité afin d’être en mesure de savoir pourquoi il y a des obstacles et pour élaborer des politiques pour encourager la promotion des femmes noires.

Je voulais apporter de brefs éclaircissements avant de passer la parole à ma collègue. Les réseaux sont là pour promouvoir la question, pour encourager le ministère à changer ou à élaborer des politiques encore plus profondes sur ces questions. C’est le ministère et les directions des ressources humaines qui sont responsables de la mise en place et de respecter les obligations de la fonction publique en matière de représentativité.

Le président : Merci beaucoup, madame McCardell, le temps est écoulé pour cette question. Mes excuses à l’ambassadrice, mais peut-être plus tard.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Permettez-moi de poser une question sur le même sujet à Mme Rekhi, qui n’a pas eu l’occasion de répondre à la question précédente.

Je me demande dans quelle mesure les progrès réalisés en matière de diversité au sein d’Affaires mondiales Canada portent également sur la diversité cognitive. Je veux dire par là qu’il ne s’agit pas seulement d’accueillir les personnes en prenant compte de leurs différentes origines ethniques et couleurs de peau, mais d’apprécier et de promouvoir l’expression des points de vues qui émergent de contextes historiques, géographiques et culturels dont ces personnes sont issues.

Il me semble que la promotion de la diversité de premier ordre, c’est-à-dire une diversité qui prend compte de différents milieux, n’améliorera pas nécessairement les performances du ministère. Je serais intéressé de comprendre comment Affaires mondiales Canada met en place des stratégies pour favoriser la diversité de deuxième et de troisième ordre.

Ayesha Rekhi, ambassadrice en République tchèque et championne du Réseau des minorités visibles, Affaires mondiales Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Merci de votre excellente question, sénateur.

Permettez-moi également de vous remercier de m’avoir donné l’occasion de témoigner aujourd’hui. Je pense que le message que vous envoyez aux employés des réseaux au sein desquels nous travaillons en tant que champions est très important. Vous leur indiquez que vous êtes attachés aux questions d’équité et d’inclusion qui sont si importantes non seulement pour eux, mais aussi pour la prochaine génération de diplomates.

Je pense que la diversité de pensée est une question importante et que le point de vue du ministère est qu’en fait, il ne s’agit pas seulement d’avoir une bonne représentation, soit une représentation qui reflète la diversité du Canada aujourd’hui et demain, mais aussi de tirer parti de cette diversité. En tirant parti de cette diversité, en luttant contre le racisme et la discrimination et en éliminant certains obstacles à la participation et à l’avancement des gens, nous bénéficions des compétences culturelles, des langues, des différentes perspectives et de la diversité de pensée.

Sénateur, je pense que vous voulez parler en partie de ce besoin, que beaucoup d’entre nous, qui parlons de l’avenir du service extérieur, évoquent souvent, c’est-à-dire le besoin de faire preuve de courage dans le cadre de nos processus de politique étrangère. L’ouverture à un service extérieur et à un corps diplomatique plus diversifiés et plus représentatifs permet de renforcer ce courage et la diversité cognitive dont vous parlez.

L’ouverture, je pense qu’elle se concrétise grâce à l’engagement de la haute direction à l’égard de la formation — dont mon collègue, M. Wheeler, a également parlé —, qui crée des espaces plus ouverts permettant aux employés de parler en toute franchise aux dirigeants lorsqu’ils en ont besoin, de leur offrir des conseils sans craindre de subir de la discrimination dans certaines circonstances.

Encore une fois, je pense que c’est un processus continu, mais la question de la représentation ne se limite pas à la seule représentation. Il s’agit d’améliorer les processus de politique étrangère, de trouver des solutions novatrices aux problèmes qui se présentent.

Merci.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à tous les témoins qui sont avec nous aujourd’hui, que ce soit en personne ou en ligne. Je vous remercie du travail que vous accomplissez en tant que champions. C’est une idée merveilleuse que d’avoir des champions et des personnes responsables pour faire ce travail.

Je m’interroge. Nous voulons un service extérieur qui représente le Canada, qui lui ressemble et qui soit efficace, évidemment. Lorsque nous avons visité le Département d’État américain lors de notre séjour à Washington avant Noël, notre hôte nous a expliqué que l’une des choses qu’il leur fallait vraiment faire... Bien sûr, ils voulaient augmenter le nombre d’Afro-Américains, en particulier, mais fait intéressant, ils ne voulaient plus recruter simplement dans les universités habituelles du Nord-Est des États-Unis, par exemple, pour leur service extérieur et ils cherchaient à aller vers l’ouest, vers le centre des États-Unis, etc.

L’ensemble du Canada m’intéresse. Vous avez parlé des Autochtones en particulier, mais le Canada rural, l’Ouest du Canada et l’Est du Canada m’intéressent également.

Je sais qu’il est facile d’embaucher du personnel à l’Université de Carleton, qui propose d’excellents programmes. On propose probablement d’excellents programmes à l’Université de Toronto, à l’Université McGill, à l’Université Queens ou ailleurs. Ces écoles offrent de très bons candidats, dont certains cochent les cases de la diversité.

Je crois savoir qu’il y a eu un changement au fil des ans. Auparavant, lorsqu’on embauchait des gens, on leur proposait, par exemple, une formation en français s’ils étaient unilingues anglophones. D’après ce que j’ai compris, ce n’est plus nécessairement le cas aujourd’hui. Existe-t-il des barrières qui empêchent certains groupes d’entrer dans notre service extérieur, et existe-t-il des choses, des incitatifs ou des approches créatives qui permettent de recruter ailleurs qu’aux endroits habituels et qui pourraient aider sur le plan de la diversité?

Je serai ravie d’entendre toute personne qui souhaite répondre à la question.

Le président : Vous disposez d’une minute et demie. Qui souhaite répondre à la question en premier? M. Sharma n’a pas encore pris la parole.

Vikas Sharma, directeur exécutif, Direction de la région andine et champion du Réseau des personnes en situation de handicap, Affaires mondiales Canada : Merci beaucoup de la question. Je vais y répondre à partir de deux ou trois points de vue différents : en tant que membre d’une minorité visible et en tant que personne qui a participé au processus de recrutement de nombreux agents du service extérieur au cours de sa carrière, puis en tant que champion des personnes en situation de handicap.

Concernant la question du recrutement et de la recherche de candidats — et je pense que cela répond également à la question du sénateur Woo —, il s’agit vraiment d’une approche qualitative. Nous devons nous assurer que la question de la diversité s’applique aux endroits où nous recrutons, mais aussi aux personnes qui s’occupent du recrutement. Je pense que cela permet d’accroître nos capacités, surtout lorsque différentes personnes s’occupent du recrutement, car nous avons des perspectives différentes quant au type d’individus qui, selon nous, peuvent être de bons agents du service extérieur.

Permettez-moi d’exprimer mon point de vue en tant que champion des personnes en situation de handicap. Ce n’est pas toujours facile. La plupart des handicaps ne sont pas visibles et l’on craint de les révéler parce qu’on a l’impression d’être inférieur.

Je ne sais pas encore comment résoudre ce problème. Je crois que le ministère a adopté de nombreuses approches pour le cerner et le corriger. Or, en ce qui concerne le recrutement, plus le personnel qui recrute est diversifié, plus le personnel recruté l’est aussi.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre. Je suis sûr que nous reviendrons sur le sujet.

La sénatrice M. Deacon : Merci à tous. Nous sommes très honorés de vous accueillir en personne et à distance dans le cadre de notre étude.

Il a été question à quelques reprises des politiques de soutien aux familles. Je cherche à savoir comment, comme vous l’avez dit, on peut avoir et maintenir en poste les meilleurs candidats dont on a besoin.

On nous a parlé à quelques reprises des politiques de soutien aux familles des employés affectés à l’étranger et du fait qu’elles sont peut-être un peu dépassées ou qu’elles ne sont pas aussi pertinentes qu’elles pourraient l’être. Le fait est que la majorité des ménages canadiens ont désormais deux revenus, ce qui peut ne pas être évident dans le monde de la diplomatie.

Je me demande comment le ministère peut inciter les gens à accepter des affectations à l’étranger lorsqu’il est difficile pour un ou une partenaire de partir sans abandonner son emploi? Est‑ce que quelqu’un parmi vous a des exemples à donner — parce qu’il peut s’agir de politiques ou d’une situation sur le terrain — de corps diplomatique qui a réussi à s’adapter à cette situation?

Mme McCardell : Monsieur le président, je pourrais peut‑être répondre à la question, car c’est certainement une question dont les femmes diplomates nous parlent beaucoup. Très franchement, il n’y a pas si longtemps, les femmes devaient quitter leur poste lorsqu’elles se mariaient parce qu’il était impossible d’imaginer qu’un homme suivrait une femme dans la poursuite de sa carrière. Il s’agit donc d’un véritable défi.

Je pense que nous pouvons faire beaucoup plus. Des efforts sont déployés pour créer des possibilités d’emploi pour les conjoints. Il a été question de mesures concernant les cotisations de retraite pour les conjoints lorsqu’ils accompagnent leur partenaire à l’étranger.

Ce n’est pas facile et c’est maintenant essentiellement aussi difficile pour les hommes que pour les femmes justement pour la raison que vous avez évoquée. Il y a des familles dans lesquelles les deux partenaires travaillent et les femmes s’attendent également à pouvoir poursuivre leur carrière, ce qui était peut-être différent il y a 30 ou 40 ans. Je pense qu’il y a du travail à faire sur ce plan.

Nous espérons que dans le cadre de votre étude et des travaux que notre propre ministère accomplit au sujet de l’avenir de la diplomatie, on se penchera sur certaines des politiques qui peuvent nous aider à garder les bonnes personnes dans le contexte actuel. On peut également ajouter à cela une partie du travail que l’on observe de plus en plus lorsque les adultes doivent aider leurs parents âgés. Par conséquent, la définition de la famille s’étend au-delà de ce que vivent les enfants et les conjoints; elle inclut dorénavant ce que vivent les parents également.

Le président : L’un ou l’autre des autres témoins souhaite-t-il s’exprimer à ce sujet?

M. Sharma : Le service extérieur est très intéressant et différent en ce sens que, dans tout autre emploi à Ottawa, on parle de ses préoccupations et de celles de l’employé. Lorsqu’une personne déménage à l’étranger, il y a des personnes à charge dont notre ministère doit prendre en considération. En tant que père d’un fils handicapé, cela fait partie de mes préoccupations. Nous devons en tenir compte dans la manière dont nous répondons aux besoins de ce membre de la famille.

C’est un point très important que nous devons examiner au sein du ministère pour nous assurer que les meilleurs talents et les plus brillants continuent à aller à l’étranger et qu’ils n’ont pas l’impression que les obstacles sont trop importants ou que ce n’est pas possible pour des raisons d’éducation ou d’adaptation. Nous réfléchissons vraiment aux besoins de tous les employés qui partent à l’étranger.

Le sénateur Harder : Je remercie les témoins.

Je voulais enchaîner sur la dernière question de la sénatrice Deacon. Si nous avons le temps, j’aimerais que chacun d’entre vous réponde à ma question. J’espère que nous en aurons le temps. Si ce n’est pas le cas, il serait intéressant que vous nous répondiez par écrit aux fins de notre étude. Dans quelle mesure les directives sur le service extérieur, ou DSE, doivent-elles être ajustées pour répondre aux préoccupations qui sont importantes pour les groupes que vous représentez?

Autrement dit, nous avons les DSE générales, mais elles touchent probablement l’ensemble des travailleurs. Existe-t-il des points de référence particuliers concernant les groupes que vous défendez pour lesquels des changements devraient être apportés? Commençons par M. Wheeler, puis nous ferons le tour.

M. Wheeler : Merci beaucoup, sénateur. Je vous remercie d’avoir posé cette question parce que je pense que les directives sur le service extérieur — j’imagine que les membres du comité les connaissent s’ils étudient notre ministère depuis un certain temps — touchent beaucoup la famille lorsque nous partons à l’étranger.

Au fil des ans, bon nombre d’entre nous ont estimé qu’elles n’avaient pas été adaptées aux défis de la société moderne. Les commentaires de la communauté que je représente laissent entendre que les gens de ma génération ont peut-être l’impression que la modernisation de la définition de la famille pour inclure les partenaires de même sexe, les enfants et les partenaires non binaires, les besoins en santé des personnes atteintes du VIH... Selon moi, en examinant tous ces éléments, nous comprendrions qu’ils ont du sens. On parle de changements de définition judicieux.

Si l’on posait la question à de jeunes membres de notre communauté qui sont entrés dans le service extérieur à un moment où peut-être que de toute leur vie, ils n’ont jamais connu un monde dans lequel le mariage gai n’existait pas ou dans lequel on se souciait de savoir qui une personne aimait, de leur point de vue, les DSE semblent avoir été rédigées pour une famille hétéroparentale il y a 50 ans. Je pense donc que les jeunes générations souhaiteraient y voir beaucoup plus de souplesse et voudraient que les employés participent davantage aux futures mises à jour.

Je vais donner à d’autres témoins la possibilité de répondre.

Le président : Il nous reste du temps pour un autre intervenant. Si le sénateur Harder accepte, je propose que les deux autres témoins répondent à la question au deuxième tour. Laissons peut-être M. Sharma, qui se trouve dans la salle, répondre maintenant.

M. Sharma : En un mot, oui.

Il faut moderniser les directives sur le service extérieur, ou DSE. Le groupe de travail B qui révise les directives... On pense que les DSE et le groupe de travail relèvent du ministère. Ce n’est pas le cas. Nous devons trouver des personnes qui comprennent non seulement ce que constitue un poste permutant, mais aussi les questions que nous défendons en tant que champions. Je ne crois pas que ces intérêts soient défendus convenablement, en particulier pour les personnes handicapées. Trop souvent, on adopte un point de vue étroit, à mon avis.

J’ai d’autres observations et nous pouvons continuer, mais je vais laisser mes collègues intervenir à leur tour.

Le sénateur Harder : Dans le cadre de notre étude, il serait très utile que vous nous fournissiez une réponse incluant plus de détails sur les groupes que vous défendez, car plus nous pourrons y faire référence, plus les changements seront rapides.

La sénatrice Boniface : Je vous remercie tous de votre présence.

Je poursuivrai peut-être dans la même veine que le sénateur Harder. J’aimerais parler de ce que vous apprend le maintien en poste pour les groupes que vous défendez.

Ma deuxième question porte sur le modèle de la fonction de champion par rapport à ce qui n’est pas intégré dans le travail d’une ou deux personnes. C’est vraiment lié à la façon dont on évalue les résultats au fur et à mesure. J’aimerais donc savoir comment votre organisation a choisi ce modèle plutôt qu’un autre.

Peut-être que la sous-ministre adjointe pourrait commencer. N’importe qui d’autre pourra ensuite intervenir. C’est une question importante lorsqu’il s’agit de décider de la voie à suivre.

Mme McCardell : Merci.

Au sujet des champions, je dirais simplement que le modèle a été créé à l’époque où la Loi sur l’équité en matière d’emploi a été adoptée. Il s’agissait à l’origine de ces quatre groupes. L’idée était que nous avions besoin d’un pôle au ministère qui servirait de lien entre la direction et les employés pour travailler à ces aspects essentiels. Pour ce qui était, à l’époque, l’équité en matière d’emploi, nous parlons aujourd’hui de questions d’équité, de diversité et d’inclusion. Il s’agissait de favoriser la collaboration dans ce que nous faisions et de pousser le ministère à aller plus loin.

Nous faisons actuellement partie d’un triangle. La responsabilité du sous-ministre des ressources humaines est de s’assurer que nous atteignons les objectifs en matière d’équité, de diversité et d’inclusion. Il y a l’énergie et les attentes des employés les plus touchés par eux. Nous servons essentiellement de lien pour réunir les deux. Cela s’est avéré très efficace au sein de notre ministère, d’une part parce que cela apporte une grande visibilité et parce que chacun d’entre nous amène notre réseau à mener des activités qui offrent de réelles occasions.

Je vais peut-être faire le lien avec la question du maintien en poste avant de céder la parole à un autre champion.

Dans nos discussions avec les membres de nos réseaux, nous nous informons des problèmes qui, selon eux, les empêchent de réaliser ce qu’ils souhaitent dans leur carrière, puis nous organisons des événements, des activités, des ateliers et des formations pour les aider. Par exemple, nous organisons un événement de mentorat éclair où nous jumelons des employés avec des mentors dans l’ensemble du ministère. Nous le faisons de façon virtuelle depuis la pandémie de COVID-19, afin de pouvoir obtenir la participation de personnes à l’étranger, y compris nos employés recrutés sur place. Cela leur donne l’occasion de s’entretenir avec des hauts dirigeants et de leur poser d’autres questions. Cela peut contribuer à créer l’énergie nécessaire pour la rétention ou à cerner les enjeux sur lesquels nous devons travailler.

Nous avons également organisé récemment des « conversations courageuses » au cours desquelles une spécialiste de la fertilité est venue parler au Réseau des femmes des réalités liées au fait d’être une femme professionnelle et de souhaiter, à un certain moment de sa vie, avoir des enfants. Ces conversations peuvent donc porter sur un sujet pratique ou être axées sur la carrière, mais l’objectif est de parler aux membres des réseaux, de comprendre leurs préoccupations et d’apporter les ressources, l’énergie et la compréhension du ministère et du gouvernement pour agir en conséquence.

Je vais m’arrêter ici, car je sais que tout le monde sera aussi enthousiaste que moi.

Le président : Sans oublier que le temps est limité, madame l’ambassadrice, avez-vous un commentaire à formuler?

Mme Rekhi : Je vous remercie, monsieur le président.

Je reviendrai sur la question de la rétention. Le ministère est probablement l’organisme le mieux placé pour fournir ces données, mais je dirais que l’avancement professionnel est l’une des principales préoccupations du Réseau des minorités visibles et des sous-groupes avec lesquels j’interagis assez régulièrement, car ces gens craignent de rester bloqués dans le système.

Certains résultats des travaux du ministère en matière d’équité, de diversité, d’inclusion et de lutte contre le racisme se traduisent, par exemple, par le fait que l’année dernière, près de 17 % des chefs de mission appartenaient à une minorité visible, alors que cette proportion atteignait seulement 3,7 % en 2018.

On peut donc commencer à observer une différence. C’est un point important. Il sera intéressant de voir l’impact de cette situation sur la rétention.

Pour conclure et pour parler de manière tout à fait personnelle, je dirais que lorsqu’on me demande quel a été mon parcours pour devenir cheffe de mission, je réponds honnêtement que, pendant de nombreuses années, je n’ai pas envisagé cette possibilité, car on ne peut pas être ce que l’on ne peut pas voir. Les choses sont en train de changer.

Je vous remercie.

Le sénateur MacDonald : J’aimerais revenir sur un point abordé par la sénatrice Coyle.

Le Canada est un grand pays, une grande fédération qui compte 10 provinces et qui fait 3 000 milles d’un bout à l’autre. J’ai travaillé pour la première fois à Ottawa en 1978. J’ai travaillé ici dans les années 1980 et je suis revenu ces 14 dernières années. L’une des choses que je peux toujours observer, c’est que toutes sortes de personnes qui sont allées partout dans le monde travaillent au sein du gouvernement fédéral. Mais lorsqu’il s’agit du Canada, elles ne sont jamais allées à l’est de la ville de Québec.

J’aimerais en savoir plus à cet égard. Dans quelle mesure la fonction publique est-elle diversifiée sur le plan géographique? Dans quelle mesure Affaires mondiales Canada est-elle diversifiée sur le plan géographique? Quelles sont les possibilités pour les habitants des Maritimes et du Canada atlantique d’obtenir un emploi et de faire carrière au sein du gouvernement du Canada — si vous connaissez la réponse à cette question? Sinon, devriez-vous la connaître?

Le président : Eh bien, nous donnons toujours la parole au représentant qui a le poste le plus élevé, et dans ce cas-ci, c’est Mme McCardell.

Mme McCardell : Je m’adresse à vous à titre de diplômée de l’Université de l’Alberta. Ce n’est donc pas dans l’Est du pays, mais c’est certainement à l’ouest de Carleton, ce qui revient à l’un des points soulevés plus tôt.

J’aimerais regrouper ces deux questions. Je dirais que nous comprenons la diversité dans tous ses sens.

Pour répondre aux questions précédentes sur le recrutement, nous devons aller dans les universités de partout au Canada. Nous devons être en mesure d’offrir la formation en langue officielle appropriée qui permettra à des personnes unilingues d’avoir accès à ces emplois. Cela nécessite des ressources et c’est une question qui, nous l’espérons, est abordée dans le cadre de vos travaux et des travaux sur l’avenir de la diplomatie, parce qu’elle est pertinente et importante.

En ce moment — nous le ferons dans quelques semaines —, nous emmenons de nouvelles recrues dans une tournée d’un bout à l’autre du Canada. Nous les emmenons de l’Est à l’Ouest pour nous assurer qu’elles connaissent bien leur pays. Vous avez tout à fait raison lorsque vous dîtes qu’on ne peut pas représenter le Canada si on ne l’a pas vu et si on ne le connaît pas d’un bout à l’autre.

Nous avons parlé de la façon d’intégrer la créativité et une compréhension générale dans nos questions de politique étrangère dans un contexte d’équité, de diversité et d’inclusion, mais c’est également important sur le plan de la diversité géographique et linguistique. On réussit mieux et on comprend mieux le monde lorsqu’on dispose d’un grand nombre de points de vue différents. C’est important et cela compte, et je dirais qu’il vaut la peine d’investir des ressources dans ces considérations.

M. Sharma : Je pense que le ministère pourrait fournir des statistiques, s’il en a, sur la représentation. En attendant, je peux vous parler de mon expérience anecdotique parmi mes pairs, qui représentent tout le Canada, de la côte Ouest à la côte Est — peut-être que je n’ai pas assez de recul par rapport à Ottawa, d’où je viens. Mais c’est très diversifié. Je ne pense pas avoir fait face à ce genre de problème, par exemple je n’ai jamais entendu qu’on aimerait qu’il y ait plus de Terre-Neuviens, car j’en connais beaucoup qui viennent de l’Est, mais comme je l’ai dit, mon expérience est anecdotique.

Le sénateur MacDonald : Avez-vous des chiffres à ce sujet?

M. Sharma : Nous demanderons au ministère s’il a des statistiques à cet égard, monsieur. Je vous remercie, sénateur.

Le président : Je vous serais reconnaissant de nous fournir des chiffres à cet égard, car cet enjeu n’était pas abordé dans le premier ensemble de données que nous avons reçu du ministère. C’est une question qui intéresse beaucoup notre comité.

Ma question s’adresse à M. Wheeler. L’une de mes tâches lorsque je travaillais au ministère, il y a quelque temps, consistait à établir, aux fins d’examen et d’approbation par le ministre, des listes de chefs de mission proposés, c’est-à-dire nos ambassadeurs et hauts-commissaires qui allaient partir à l’étranger.

Bien entendu, lorsqu’on propose un chef de mission, on doit obtenir l’accord du pays d’accueil. Dans certains cas, nous envisagions d’envoyer, à l’époque, des ambassadeurs — des chefs de mission — qui étaient homosexuels et qui faisaient partie d’un couple de même sexe et, dans quelques cas, le pays d’accueil a hésité ou a déclaré que le conjoint n’obtiendrait pas de visa diplomatique, mais qu’on pourrait lui donner un visa de domestique, car le conjoint serait dans la résidence avec la personne nommée.

Lorsque j’observe la diversité actuelle parmi nos chefs de mission, il me semble que certains de ces défis ont été surmontés. Toutefois, je serais très reconnaissant, au nom du comité, d’entendre votre point de vue sur la question de savoir si c’est réellement le cas.

M. Wheeler : Je vous remercie, sénateur. Je vous suis reconnaissant de votre question. Je pourrais vous parler un peu de ma propre carrière, car j’ai certainement vu de grands changements dans ce domaine. En effet, je suis arrivé au ministère en 1994, et je suis passé d’un employé homosexuel inavoué qui s’inquiétait de divulguer cette information sur son lieu de travail parce que son habilitation de sécurité pouvait être menacée — à l’époque, nous ressentions encore les effets de la discrimination systémique de la purge ou de la machine — quel que soit le nom qu’on lui donne — des années 1950, 1960 et 1970. À l’époque, mon partenaire n’était pas reconnu par le ministère. Ma première affectation était dans une ambassade où vous étiez également affecté à l’époque, monsieur le président.

Non seulement mon employeur ne reconnaissait pas mon partenaire, mais le pays d’accueil non plus, bien entendu, ce qui signifie que mon partenaire n’avait pas de visa, qu’il n’avait pas accès à des soins de santé et qu’il n’était pas considéré comme faisant partie de ma famille. Il n’était donc aucunement couvert par mes avantages sociaux. Nous vivions avec un salaire gelé à l’époque, en raison des compressions budgétaires, de 32 000 dollars canadiens pour faire vivre deux personnes à Washington.

Ce n’était pas un choix facile. Toutefois, lorsqu’on a réussi à faire partie du service extérieur et que c’est ce qu’on veut faire, on s’arrange avec ce qu’on a et on fait ce qu’on peut.

Au fil de ma carrière, nous avons obtenu une reconnaissance officielle. Les personnes à notre charge sont désormais couvertes par les Directives sur le service extérieur. Notre ministère offre donc maintenant un ensemble de politiques très inclusives.

Au fil de mes affectations, j’ai été surpris par certains endroits. Par exemple, j’ai été affecté en Colombie où, si l’on se fondait seulement sur des observations quotidiennes dans la rue, on aurait pu penser qu’il ne s’agissait pas d’un environnement amical. Cependant, ce pays et ses systèmes juridiques sont très accueillants et très progressistes. Cela n’a donc pas posé de problème.

Lorsque j’ai été affecté à Londres, par contre, puisque nous n’étions pas mariés, mon partenaire n’a pas été reconnu et n’a donc pas été invité au Bal de la Reine, n’a pas été inscrit sur la liste diplomatique et n’a pas eu droit au statut diplomatique. Lorsqu’on vit à Londres, on s’organise pour vivre, et c’est très bien, mais il n’était pas possible de travailler ailleurs qu’au haut-commissariat. Cela a certainement un impact.

Ensuite, jusqu’à la fin de ma carrière, ou plus récemment, lors de ma dernière affectation, j’étais ambassadeur du Canada en Islande et, par hasard, j’ai été le premier ambassadeur ouvertement homosexuel de n’importe quel pays à être affecté à Reykjavik, bien qu’il y ait sûrement eu de nombreux diplomates ouvertement homosexuels en Islande auparavant. À l’époque, pendant mon affectation, l’Islande était dirigée par la première première ministre ouvertement homosexuelle dans le monde, ce qui me donne la curieuse distinction d’être le premier ambassadeur ouvertement homosexuel a présenter ses titres de délégation dans un pays dirigé par un chef d’État ouvertement homosexuel.

Donc, oui, une personne peut observer des progrès tout au long de sa carrière. Mais c’est en choisissant où je vais et en décidant volontairement de ne pas postuler dans certains endroits. Avant d’aller en Islande, nous avons eu la possibilité d’être affectés en Turquie. Nous avons pris une décision difficile, car la seule façon d’y arriver était d’inscrire mon partenaire à titre d’employé de maison. C’est encore un défi dans de nombreuses régions du monde.

Le président : Je vous remercie beaucoup de votre franchise. Je pense que c’est un point important.

Nous abordons maintenant la deuxième série de questions. J’aimerais que nous commencions par la question sur les Directives sur le service extérieur, à laquelle deux de nos témoins ont répondu et deux d’entre eux n’ont pas encore répondu.

J’aimerais d’abord entendre l’ambassadrice, Mme Rekhi, puis la sous-ministre adjointe, Mme McCardell. Madame l’ambassadrice, vous avez la parole.

Mme Rekhi : Je vous remercie, monsieur le président. Je serai heureuse de m’informer auprès des réseaux pour obtenir plus de renseignements au sujet de la question du sénateur Harder.

Je dirais que la question de la famille, que Mme McCardell et d’autres champions ont soulevée, revient sans cesse. Il s’agit de l’idée de moderniser cette notion de famille.

Par exemple, dans de nombreuses familles asiatiques, il est difficile pour les parents vieillissants de demeurer avec leurs enfants lorsqu’ils prennent de l’âge. Ils ne sont pas inclus dans la notion de famille ou il peut être très difficile de les y ajouter. Les Directives sur le service extérieur ne font pas non plus beaucoup de place aux enfants qui ont quitté le foyer et qui y reviennent. C’est une question qui a également été soulevée par certains collègues.

Je serai certainement ravie de vous revenir avec d’autres renseignements à cet égard.

Je pense qu’il s’agit d’une chose à laquelle mes réseaux tiennent beaucoup. Nous parlons de l’analyse comparative entre les sexes plus, et nous accordons une grande importance à la partie « plus », afin de veiller à ce qu’elle soit appliquée dans le cadre des Directives sur le service extérieur et dans d’autres domaines qui ont un impact sur la vie dans le service extérieur. Je vous remercie.

Mme McCardell : Quels que soient les défis liés aux Directives sur le service extérieur, vous constaterez que l’équité, la diversité et l’inclusion concernent toutes ces questions personnelles liées à l’individu, ce qui signifie bien souvent sa famille. Très rapidement, ces préoccupations sont les soins aux personnes âgées, le soutien aux conjoints à l’étranger, le soutien à la carrière des conjoints à l’étranger et, dans mon réseau, les enfants, les enfants ayant des besoins spéciaux ou les enfants qui ont dépassé l’âge où l’on s’attendrait normalement à ce qu’ils soient avec leur famille. Les préoccupations sont nombreuses.

Si vous me le permettez, monsieur le président, j’aimerais également aborder l’idée sur laquelle travaille le Réseau des femmes, à savoir comment cela s’applique à nos employés recrutés sur place. Il y a beaucoup de travail à faire pour nous assurer que nous fournissons, dans le contexte du travail local, le type de soutien nécessaire à nos employées à des moments importants de leur vie. Je pense par exemple au congé de maternité.

Le président : Je vous remercie beaucoup. Je pense que nous reviendrons sur la question des Directives sur le service extérieur dans notre étude, car c’est une préoccupation constante. Bien entendu, comme nous l’avons entendu, le Conseil du Trésor est très actif dans ce domaine et des discussions sont en cours. Votre expérience est très utile à cet égard.

Nous allons maintenant poursuivre la deuxième série de questions.

Le sénateur Ravalia : Ma question s’adresse à Mme McCardell.

Lorsqu’il a comparu devant le comité le 9 mars dernier, M. John Baird, un ancien ministre des Affaires étrangères, a souligné l’importance de créer un climat aux Affaires mondiales dans lequel les employés se sentent libres d’exprimer des opinions divergentes, en partie pour éviter ce qu’il a décrit comme la pensée de groupe. Il estime que les décisions prises à l’issue de discussions et de débats qui intègrent des points de vue différents sont toujours plus judicieuses.

Êtes-vous d’accord avec M. Baird ou pensez-vous que nous sommes peut-être encore pris dans une politique de pensée de groupe et que des personnes peuvent hésiter à s’exprimer individuellement?

Mme McCardell : Je vous remercie.

L’un des thèmes généraux sur lesquels tous les champions présents aujourd’hui s’accordent, c’est que nous élaborerons de meilleures politiques si nous avons accès à un éventail plus vaste d’expériences et si nous apportons des idées différentes à la discussion. Dans cette optique, l’une des phrases les plus courantes dans notre milieu, c’est qu’il faut que les employés soient en mesure d’être vraiment eux-mêmes dans leur milieu de travail. Lorsqu’une personne est vraiment elle-même — avec ses croyances, son expérience, son histoire, sa culture — au ministère des Affaires étrangères, plus que dans tout autre endroit, cela lui permet d’évaluer la situation et de prendre les décisions appropriées.

En ce qui concerne la question plus générale de savoir si les gens sont prêts à partager leur point de vue, il nous incombe à nous tous, les représentants d’Affaires étrangères qui sont présents autour de la table aujourd’hui, ainsi qu’à nos gestionnaires, de veiller à ce que nos employés se sentent à l’aise d’être véritablement eux-mêmes lorsqu’ils donnent leur avis, afin que nous puissions tous en tenir compte de manière réfléchie. Cela permettra au gouvernement et au ministère des Affaires étrangères d’obtenir de meilleurs résultats.

Le sénateur Ravalia : Je vous remercie. Quelqu’un d’autre souhaite-t-il faire un commentaire à ce sujet?

M. Sharma : C’est une bonne question.

Un des rôles des champions est d’aider les différents groupes à échanger leurs points de vue. Chaque réseau a des positions très tranchées sur chacun des dossiers. Notre responsabilité est de présenter ces perspectives aux cadres supérieurs dans divers forums pour que ces derniers en soient informés.

[Français]

La sénatrice Gerba : J’aimerais remercier tous les champions que vous êtes dans vos domaines respectifs au sein d’Affaires mondiales Canada (AMC).

On voit la différence et les changements qui se produisent actuellement, et un des changements que j’ai observés en allant en Afrique, c’est de voir qu’il y a de plus en plus de chefs de mission noirs. Cela m’amène tout de même à poser une question à Mme l’ambassadrice, qui est championne des minorités.

Dans un mémoire soumis au comité, des membres du programme 1834 Fellowship indiquent que l’un des critères d’avancement des agents d’AMC est leur passage ou non dans les missions de grande ampleur. Or, les agents noirs seraient victimes d’un double phénomène : ils seraient d’une part cantonnés à des missions d’ampleur restreinte et d’autre part, en raison de leur identité ou de leur origine, ils se verraient régulièrement mutés dans des missions en Afrique ou dans les Caraïbes.

J’aimerais citer un passage de ce mémoire, à la page 4 : « [...] néanmoins, ces nations restent l’objet de stéréotypes et de perceptions négatives au Canada et dans sa fonction publique. » Que pensez-vous de cette affirmation des membres du programme 1834 Fellowship?

Ma deuxième question est la suivante : est-ce que le passage des agents noirs dans les missions en Afrique ou dans les Caraïbes pénalise leur avancement au sein d’AMC?

Le président : Est-ce que la question est adressée à Mme l’ambassadrice?

La sénatrice Gerba : Oui.

Mme Rekhi : Je vous remercie pour les questions. C’est un sujet important et intéressant.

[Traduction]

Le Réseau des employés noirs, qui est un sous-groupe du Réseau des minorités visibles qui offre un espace réservé aux employés noirs, pourrait mieux que moi parler des expériences que vivent ces employés. Selon ce que j’ai entendu sur la situation des employés noirs à Affaires mondiales Canada — je pense que les données le confirment, mais encore une fois, le ministère pourrait fournir des données plus détaillées —, ce dossier nécessiterait beaucoup plus d’attention et de gestes concrets. Nous avons parlé plus tôt de la représentation des personnes noires. Vous avez posé une question sur la situation des femmes noires au ministère. La représentation des personnes noires dans les postes de direction s’accroît, mais je dois avouer que le processus est lent. De fait, cette représentation s’élevait à 0,8 % en 2018, et à 1,1 % en 2022. Nous sommes dans la bonne voie, mais les progrès sont lents.

Ensuite, il existe bel et bien des obstacles qui touchent expressément les employés noirs. Lorsque je discute de ces questions clés — qui sont liées habituellement aux grands dossiers que sont la représentation, l’avancement professionnel, le harcèlement dans le milieu de travail et les enjeux de santé mentale et de bien-être — avec les réseaux et les membres des réseaux, je constate que les expériences des employés noirs ne sont pas comparables à celles d’autres groupes.

Les employés noirs seraient aussi les mieux placés pour parler des stéréotypes et de l’affectation pour seulement certains types de missions. Il est clair toutefois qu’il reste beaucoup de travail à faire dans ce domaine et que le ministère est déterminé à en faire plus.

Les difficultés dont il a été question lors de mes discussions avec le Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme et avec les sous-ministres touchaient les employés noirs, autochtones et handicapés. Quant à la mise en œuvre de mesures ciblées, cette responsabilité revient aux cadres supérieurs.

Le président : Merci. Madame l’ambassadrice, madame McCardell, je suppose que le pays hôte peut également présenter certains enjeux pour les diplomates qui y sont envoyés.

J’ai mentionné les chefs de mission un peu plus tôt, mais je présume que ces enjeux touchent aussi les employés des échelons inférieurs. Est-ce que je me trompe?

La sénatrice Coyle : Je vais poser des questions beaucoup plus précises. J’ai deux questions.

La première fait suite à ce que la sous-ministre adjointe McCardell a mentionné sur la parité qui existerait, si j’ai bien compris, dans le groupe des chefs de mission, ce qui est une bonne chose. Comme cette parité a été atteinte très récemment, je suppose que la progression a été fulgurante dans un bref laps de temps.

D’abord, hormis la volonté politique, quelles autres conditions doivent être en place pour maintenir la parité? Existe-t-il d’autres facteurs que la volonté politique? Je poserais la même question au sujet des statistiques sur la diversité que nous avons entendues aujourd’hui.

Ma deuxième question porte sur la formation linguistique en langues officielles. Cette formation est-elle offerte en ce moment aux recrues? Dans le cas contraire, à quel point est-elle importante?

Merci.

Mme McCardell : Monsieur le président, au sujet de la parité dans le processus de nomination des ambassadeurs... J’emploie le terme « parité », mais puisque les chiffres se situent entre 48,5 et 50 %, nous devrions parler plutôt de quasi-parité. Ces proportions ont été longues à obtenir. Nous y sommes arrivés en 2018 parce que la volonté était là.

Il faut établir une distinction importante. Il ne faut pas confondre la nomination d’un pourcentage égal d’hommes et de femmes aux postes de chef de mission avec l’ensemble du cheminement de carrière, qui comprend le recrutement, les promotions et les possibilités d’affectation provisoire. Ce parcours est beaucoup plus complexe, et je ne veux pas négliger l’importance du symbolisme du 50-50, mais le parcours professionnel — je pense que vous le reconnaissez — comporte plusieurs étapes à part le processus de nomination.

La parité n’en demeure pas moins importante, et je dirais qu’il y a seulement deux pays dans le monde où le Canada n’a jamais envoyé d’ambassadrice. L’ambassadrice du Canada en Chine, qui a été nommée cette année, est la première femme à occuper ce poste dans ce pays. Nous avons même une chargée d’affaires en Arabie saoudite en ce moment. L’écart ne cesse de s’amenuiser.

Quant à la formation linguistique, depuis le dernier exercice de recrutement, les nouveaux employés reçoivent une formation en langues officielles. Vous vouliez en arriver au fait que cette formation n’a pas toujours été donnée. Nous manquions de ressources, mais lors du dernier exercice de recrutement — et ce sera le cas lors des prochains, si je ne m’abuse —, tous les efforts sont déployés pour trouver des fonds à cet effet.

La représentation de la diversité canadienne est constamment dans la mire du ministère. Nous devons nous pencher, par exemple, sur la représentation des minorités visibles lorsque nous recrutons des personnes qui parlent deux, trois ou quatre langues, mais qui ne parlent pas les deux langues officielles.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice M. Deacon : Les réponses aux questions du président et de la sénatrice Coyle ont répondu à la majorité des questions que je voulais poser. Je voulais comprendre ce qui se passait sur le plan des langues officielles et des affectations dans des pays où les valeurs relatives à la diversité et aux groupes LGBTQ sont peut-être différentes de celles que nous avons au Canada.

J’ai obtenu les informations que je voulais. Merci.

La sénatrice Boniface : Je vais essayer de formuler ma question très brièvement.

Très souvent, on dit que la culture l’emporte sur la politique. À titre de champions, comment faites-vous pour composer avec les problèmes de culture organisationnelle?

Je vais vous relater un exemple qui nous a été donné. Un membre du Réseau des jeunes professionnels d’Affaires mondiales Canada, je pense, a indiqué que les employés doivent attendre tellement longtemps avant d’obtenir une promotion qu’ils partent au moment où une possibilité se présente. Vu tous les débouchés dont dispose la nouvelle génération qui entre dans le marché de l’emploi, je me demandais si vous aviez réglé, le cas échéant, les problèmes de culture organisationnelle.

Le président : Qui veut répondre à la question?

Monsieur Wheeler, votre micro est allumé.

M. Wheeler : La petite lumière rouge s’est allumée toute seule.

Si j’ai bien compris la question, la sénatrice souhaite savoir si nous devons opérer un changement de culture et, le cas échéant, comment nous faisons pour résoudre les difficultés en question.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, j’ai constaté au cours de ma carrière un changement de culture au sein du ministère. Bon nombre de personnes de ma génération voient que le monde a évolué par rapport aux stéréotypes — tels que la discrimination contre les personnes LGBTQ2+ — qui sévissaient à notre époque.

Toutefois, nous nous rendons compte, même si les grands objectifs du mouvement ont été atteints, que la communauté en tant que telle est très diversifiée. Chose intéressante — les sénateurs sont au courant de la tendance positive que dénotent les statistiques —, la communauté de la fierté — je me permets d’employer ce terme, car je me fourvoie toujours en prononçant le sigle — n’est pas reconnue officiellement comme un groupe visé par l’équité en matière d’emploi. Cette communauté n’est donc pas visée par la loi. Aucune donnée n’existe sur cette question.

Je ne peux pas vraiment dire comment nous mesurons la représentation dans les parcours menant aux échelons supérieurs, car nous n’avons aucun point de comparaison. Nous n’avons pas non plus de données qui nous permettraient de repérer les lacunes. Pour la suite des choses, nous sommes à l’affût des outils que la modernisation et la réforme des lois sur l’équité en matière d’emploi nous donneront.

L’autre domaine sur lequel nous avons des données qui nous aident à recentrer nos efforts est la perception des fonctionnaires vis-à-vis de leur milieu de travail. La question de savoir si ces derniers considèrent leur environnement comme accueillant et inclusif est déterminée au moyen des réponses aux questions portant sur les agressions, le harcèlement et la discrimination dans le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux.

Il y a deux ans, nous avons commencé à recevoir, dans le cadre de notre rôle de champions, des données désagrégées provenant du tableau de bord du ministère. Étant donné que les personnes peuvent s’auto-identifier, même si la conservation de cette information n’est pas une exigence relative à l’équité en matière d’emploi, les données ainsi recueillies sont suffisantes pour obtenir un portrait global.

En lisant les réponses aux questions qui déterminent si les personnes sont à l’aise d’être elles-mêmes dans leur milieu de travail, nous avons découvert que la perception des gais et des lesbiennes à cet égard est très favorable. Les taux sont à peu près similaires dans ce groupe pour les questions portant sur les agressions, le harcèlement et la discrimination. La perception des autres groupes dont la lettre fait partie du fameux sigle n’est pas aussi favorable, comme en témoignent les taux de réponse de 10 % ou 15 % plus faibles.

Ces résultats démontrent que nous avons du travail à faire pour protéger toute la communauté. Nous avons par exemple ajouté un conseiller trans à notre groupe directeur. Nous consacrons beaucoup d’énergie à la formation sur les « espaces positifs », qui a pour objectif de faire comprendre et de démystifier toutes les facettes de la diversité pour que les participants se sentent plus à l’aise avec la différence. La formation montre même comment bien employer les pronoms et comment décoder la diversité chez les collègues.

Même si nous progressons, il reste encore du travail à faire pour opérer le changement de culture qui s’impose.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Woo : Avez-vous observé, au ministère, des réactions négatives de la part de personnes qui ne font pas partie des groupes visés par l’équité en matière d’emploi? Je veux parler par exemple des hommes blancs hétérosexuels dans la quarantaine ou au début de la cinquantaine qui ont l’impression que leur candidature n’est pas considérée pour les postes supérieurs parce qu’ils n’appartiennent pas au bon groupe.

Le président : Je ne sais pas si quelqu’un va vouloir s’avancer sur cette question, sénateur Woo. Dans des cas comme celui-là, nous commencerons par la personne en haut de l’échelle. Je cède donc la parole à la sous-ministre adjointe.

Mme McCardell : Merci, monsieur le président.

Le changement crée souvent un inconfort.

Le changement n’est pas toujours facile à traverser, que ce soit à Affaires mondiales, dans la fonction publique ou dans la société canadienne. Certaines personnes ont l’impression qu’elles vont perdre des privilèges, tandis que d’autres peuvent ressentir de la nostalgie d’un passé qui n’a peut-être jamais existé.

L’aspect central de notre travail et de celui du réseau des femmes consiste à rallier l’ensemble de la société et à faire la promotion du concept d’allié. Je ne dis pas que ces efforts vont apaiser les préoccupations de tout le monde. Certaines inquiétudes ne pourront jamais disparaître à mon avis. Je pense toutefois que nous devons user de pédagogie, maintenir le cap et ne pas baisser les bras malgré la résistance.

Une chose est sûre : la greffière du Conseil privé a énoncé très clairement ses objectifs à Affaires mondiales Canada et à l’ensemble de la fonction publique. Nous devons nous efforcer de les atteindre.

[Français]

La sénatrice Gerba : J’aimerais revenir à la réponse de Mme McCardell. Dans le mémoire qu’elle nous a envoyé, elle cite les exemples de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de la Suède qui permettent aux fonctionnaires affectés à l’étranger de partager le poste avec leur conjoint.

Pourriez-vous nous donner plus de détails sur cette mesure, cette pratique? Quelles sont les bonnes pratiques diplomatiques étrangères que vous nous recommanderiez sur ce plan?

Mme McCardell : Merci pour la question, madame la sénatrice, et merci de nous avoir accordé la possibilité de présenter certaines options et pratiques du monde entier.

Je pense que vous êtes en train d’entreprendre une étude plus profonde des pratiques d’autres pays. D’une part, le rapport présente les points de vue du Réseau des femmes, dans son ensemble, où l’on s’est efforcé d’explorer ces options. On dit qu’on veut accorder plus d’occasions aux femmes, mais qu’est-ce que cela veut dire? Donc, on a pris des exemples de pays où cela existe déjà.

Ce travail sur l’avenir de la diplomatie au Canada et l’exploration des options vient de notre ministère. On n’est pas nécessairement en faveur d’un seul exemple, mais je pense que les faits sont là. On a beaucoup entendu que la société canadienne a profondément changé au cours des dernières années. Le ministère des Affaires étrangères doit le refléter et doit développer des pratiques conséquentes à ce changement.

C’est un exemple de partage de travail. Cependant, il y en a d’autres où les ambassadeurs sont basés à Ottawa, mais couvrent des pays lointains. Cela permet, par exemple, à ceux qui auraient subi une rupture familiale ou dont les enfants et l’époux ne pourraient pas suivre d’être ambassadeurs.

Il y a des méthodes créatives à explorer, à savoir comment le Canada peut faire avancer ses objectifs en matière de politique étrangère tout en tenant compte des besoins de ses employés et de la société actuelle.

[Traduction]

Le président : Ma dernière question m’oblige à revenir sur les Directives sur le service extérieur. Je vais m’adresser à M. Sharma.

Je commencerais par le problème de l’auto-identification, qui touche tous les groupes. Je souhaite particulièrement savoir ce que vous pensez de cette pratique lorsqu’elle s’applique à la communauté des personnes handicapées.

J’aimerais ensuite aborder la protection de la vie privée. Lors de mon expérience — qui ressemble à celle de M. Sharma, puisque nous avons tous deux un enfant handicapé —, j’ai trouvé difficile, lors d’affectations à l’étranger, d’obtenir de l’aide concernant des besoins variés auprès du groupe de travail B. C’était laborieux et tout simplement humiliant dans certains cas. Je n’ai pas senti que notre vie privée était protégée lorsque nous cherchions à obtenir du soutien pour notre fils autiste à l’époque.

Donc, il y a d’abord la question de l’auto-identification. Je me demande aussi s’il y a des mesures en place pour assurer un minimum de dignité et de confidentialité aux employés et aux familles.

M. Sharma : L’auto-identification est un sujet intéressant. Je ne veux pas reprendre... M. Wheeler a parlé du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux. Après les fonctionnaires noirs, ce sont les personnes handicapées qui ressentent le plus la peur et la discrimination.

Tandis que le statut de minorité visible est impossible à dissimuler, le handicap peut parfois être invisible. La grande réticence envers l’auto-identification découle de la crainte de limiter ses perspectives de carrière.

Le concept de neurodivergence revient de plus en plus souvent dans le discours public. N’empêche : je parlais ce matin avec une personne ayant reçu un diagnostic d’autisme, mais qui craignait de le signaler, car elle ne savait pas quelles allaient être les répercussions sur sa carrière. Nous devons faire tomber ces obstacles.

Quant aux personnes handicapées, l’éventail des conditions est large. Tout le monde ne peut pas être mis dans le même panier. Comme vous l’avez dit, sénateur, il est urgent de mettre en place un environnement et une culture qui permettent l’auto‑identification. Bon nombre de gestionnaires se sentent démunis face à ces situations. Ils savent qu’il leur incombe d’y remédier, mais ils refusent de s’y attaquer. Avant de mettre sur pied des politiques ou de mettre de l’avant une volonté politique, il faut instaurer une culture du changement. Nous devons d’abord atteindre ce stade.

Quant aux Directives sur le service extérieur, les DSE, et au groupe de travail B, vous avez tout à fait raison, monsieur le président. Il faut pratiquement prouver que notre but n’est pas de déjouer le système ou de récolter des avantages personnels. Les personnes qui savent bien défendre leurs droits et exposer leur dossier y parviennent, mais ce n’est pas à la portée de tout le monde. Nous ne devrions pas avoir à prouver chaque fois, comme M. Wheeler l’a mentionné, que notre épouse est notre épouse ou que notre fils a un handicap. Les personnes en mesure de défendre leur cause avec éloquence et diplomatie trouveront le processus relativement facile. Par contre, j’ai vu et j’ai aidé des personnes qui avaient épuisé leur réserve de diplomatie. Elles desservaient leur propre cause, car le système les avait eues à l’usure.

Pour revenir à la question de la sénatrice Boniface au sujet de la rétention, j’ajouterais à cela la permutation. Les employés qui n’ont pas la force de mener ce combat chaque fois laissent tomber. Le renoncement de certains fait en sorte que ce ne sont pas nécessairement les meilleurs joueurs qui se retrouvent à l’étranger. J’ai eu d’excellentes expériences, et d’autres, moins bonnes, avec les DSE. Les issues varient selon le cas. Pour dénouer le problème, il faudrait instaurer une culture qui annihilerait la nécessité de prouver plus d’une fois les mêmes choses pour répondre aux exigences des DSE, sénatrice.

Le président : Merci beaucoup.

Comme il est presque minuit à Prague, j’aimerais remercier l’ambassadrice Rekhi d’être restée avec nous malgré l’heure tardive. Comme toujours, merci à la sous-ministre adjointe McCardell, à M. Vikas Sharma, directeur exécutif, et à M. Stewart Wheeler, chef du protocole du Canada, de leur présence parmi nous. Merci beaucoup. Vos contributions ont grandement enrichi nos discussions aujourd’hui.

Chers collègues, la séance de demain sera divisée en deux parties. Nous examinerons le rapport provisoire sur la loi sur les sanctions. Pour poursuivre notre étude, nous entendrons l’honorable Lloyd Axworthy, ancien ministre des Affaires étrangères, qui sera avec nous demain.

S’il n’y a pas d’autres commentaires ou d’autres questions, merci à tous.

(La séance est levée.)

Haut de page