LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 27 avril 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général.
Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario, et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Avant de commencer, j’inviterais les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice M. Deacon : Bonjour. Marty Deacon, de l’Ontario.
Le sénateur Harder : Peter Harder, d’Ottawa.
La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle‑Écosse.
Le président : Merci, sénateurs. Bienvenue à tous, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent sur SenParlVu.
Aujourd’hui, nous nous réunissons en vertu de notre ordre de renvoi général pour explorer le rôle que joue la diplomatie culturelle dans la promotion des intérêts du Canada dans le monde. Au cours de la réunion d’aujourd’hui, nous examinons plus particulièrement l’incidence des programmes d’études canadiennes. Nous aurions dû commencer hier à examiner comment la culture et les arts canadiens contribuent aux relations internationales du Canada, mais cette réunion a été reportée à jeudi prochain.
Pour la première partie de notre réunion, nous avons le plaisir d’accueillir en personne Nik Nanos, qui est chef de file de la Coalition pour l’avancement du Canada, entre autres choses. Se joignent également à nous avec vidéoconférence Kerstin Knopf, professeure, Littératures et cultures nord-américaines et postcoloniales à l’Université de Brême, en Allemagne, et Munroe Eagles, professeur de sciences politiques à l’Université de Buffalo au sein de l’Université de l’État de New York. Bienvenue, et merci d’avoir accepté notre invitation.
Avant d’entendre votre déclaration et de passer aux questions des sénateurs, j’aimerais demander aux membres et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près de leur microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité et d’autres personnes dans la salle, et surtout sur nos interprètes.
Nous sommes maintenant prêts à entendre vos déclarations préliminaires. Ce sera suivi d’une période de questions des sénateurs. Vous disposez chacun de quatre minutes. Monsieur Nanos, vous avez la parole.
Nik Nanos, chef de file, Coalition pour l’avancement du Canada : Merci beaucoup. Je vous remercie pour votre présentation, mais je n’ai pas encore terminé mon doctorat; cela ne signifie toutefois pas que ma présence ici est injustifiée.
Bonjour à tous. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler de l’importance des études canadiennes et de la culture. Ma déclaration sera brève.
Je m’appelle Nik Nanos. Je suis bénévole à la Coalition pour l’avancement du Canada, qui compte de nombreux membres, notamment Margaret Atwood, Robert Bothwell, Margaret MacMillan et l’ancien premier ministre Joe Clark.
Nous sommes un groupe de spécialistes des questions canadiennes qui sont déterminés à faire avancer le multilatéralisme et à améliorer la connaissance du Canada dans le monde. Nous croyons qu’un nouveau programme universitaire et culturel est nécessaire. En appuyant les programmes universitaires et culturels centrés sur la compréhension du Canada, nous pourrons créer un réseau mondial d’ambassadeurs, mettre nos valeurs de l’avant et créer un environnement qui favorisera une économie forte. J’aimerais vous faire part de trois exemples à cet égard.
Premièrement, pendant plus de 10 ans, j’ai été professeur et chercheur dans le domaine des études sur le Canada et les États‑Unis à l’Université d’État de New York. Au cours de cette période, j’ai constaté directement l’importance d’encourager et d’appuyer les études sur le Canada dans les universités des autres pays en vue de créer un réseau d’alliés et de maîtres à penser pouvant s’exprimer dans les médias et entretenir le dialogue dans leur pays.
Deuxièmement, en 2021, j’ai participé au salon du livre de Munich, où le Canada était l’invité d’honneur. Il s’agit du plus important salon du livre au monde, auquel participent des milliers d’exposants. Notre rôle était stratégique et efficace. Il allait au-delà de la simple vente de livres. J’aime les livres; j’aime surtout les livres canadiens. Mais, de façon plus importante, le salon du livre visait à mettre en lumière les industries de la création, la promotion des femmes et des jeunes et la réconciliation avec les Autochtones. La stratégie adoptée par le Canada dans le cadre de cet événement a été un succès, mais sans le soutien des programmes d’études canadiennes dans le monde, son incidence se limitera à la vente de livres. Sans la promotion des études canadiennes, nous affaiblissons notre pertinence et notre incidence sur la scène mondiale.
Enfin, je peux vous parler en tant que scientifique en chef des données et fondateur de Nanos Research. Mon équipe est responsable de la recherche au Canada et à l’échelle mondiale. Je tiens à dire que notre meilleur avantage, c’est d’être Canadiens et nos meilleures possibilités d’affaires ont émané de nos liens avec les organisations et les gens à l’extérieur du Canada qui comprennent notre nation. Ils ont peut-être suivi un cours sur le Canada à l’université ou lu un livre sur nos maîtres à penser. Plus il y aura de gens dans le monde qui comprendront le Canada, plus l’environnement permettra à nos entrepreneurs de réussir à l’étranger. Dans un monde de changement, la diplomatie universitaire et les études canadiennes à l’étranger nous placeront dans une position favorable pour l’avenir.
Le précédent programme Comprendre le Canada a permis de créer un réseau de 7 000 universitaires et maîtres à penser dans 55 pays et d’accroître la compréhension à l’égard du Canada et de l’approche canadiennes relative aux questions comme la culture, le commerce, la sécurité, la prospérité, l’égalité des sexes et l’environnement. Le programme visait à transmettre des renseignements sur le Canada et à favoriser les études canadiennes et programmes connexes dans les universités du monde. Ces programmes ont créé des cohortes de personnes qui comprenaient le Canada et pouvaient en parler.
Si vous croyez que le commerce est important pour notre prospérité économique, que le Canada devrait contribuer aux grandes questions de nos démocraties mondiales et que la culture canadienne mérite sa place dans le monde, alors vous devez favoriser la création d’un nouveau mouvement de canadianistes qui voudront apprendre au sujet du Canada, en parler et nous appuyer dans leur pays. À mon avis, un investissement modeste dans un nouveau programme qui fait rayonner les études canadiennes à travers le monde sera rentable sur le plan économique, académique et culturel.
Enfin, je dirais que le Canada a besoin du monde et que le monde a besoin du Canada.
Merci, monsieur le président.
Le président : Merci, monsieur Nanos.
Je tiens à souligner que le sénateur Leo Housakos, du Québec, s’est joint à nous.
Nous allons maintenant entendre Kerstin Knopf, professeure en littératures et cultures nord-américaines et postcoloniales à l’Université de Brême, qui se joint à nous à partir de l’Allemagne. Madame Knopf, vous avez la parole.
Kerstin Knopf, professeure, Littératures et cultures nord-américaines et postcoloniales, Université de Brême, Allemagne, à titre personnel : Je remercie les membres du comité sénatorial de me permettre de témoigner aujourd’hui. Je vais tout d’abord vous parler de ma perspective personnelle à titre de spécialiste des études canadiennes en Allemagne.
Je suis professeure titulaire d’études nord-américaines et postcoloniales à l’Université de Brême. Mes études et ma carrière ont été fortement appuyées et façonnées par le financement international de l’étude du Canada. En tant qu’étudiante, j’ai réorienté mes recherches des études américaines vers les études autochtones canadiennes, car j’ai eu la piqûre pour l’essence des études canadiennes et parce que des fonds de recherche étaient disponibles. J’ai produit tous mes projets de recherche liés à mon diplôme en études canadiennes, et j’ai fait trois voyages de recherche de six mois au Canada, dont deux étaient financés grâce à des subventions du Conseil international d’études canadiennes, ou CIEC.
J’ai été directrice de la section des études autochtones de l’Association d’études canadiennes dans les pays de langue allemande, ainsi que vice-présidente et présidente. Je suis actuellement présidente du CIEC. J’ai publié quatre livres et deux revues scientifiques dans le domaine des études autochtones. Deux autres livres sont en préparation. J’effectue régulièrement des voyages de recherche au Canada et je donne un ou deux cours par an sur la culture, la littérature et le cinéma canadiens, ce qui permet aux futurs chercheurs et professeurs d’anglais de se concentrer sur le Canada. Comme moi, ils seront enclins à réorienter leur perspective des études anglophones et de l’enseignement de l’anglais vers des sujets portant sur le Canada. L’effet sera considérable, car les études canadiennes rivalisent, dans les universités et les écoles allemandes, avec les études américaines et britanniques.
Mes recherches ont été largement guidées par le programme Comprendre le Canada, et je continue à rendre en nature mes connaissances et mon travail universitaire sur le Canada en effectuant des recherches, en enseignant, en publiant des ouvrages et en soutenant le développement professionnel des jeunes générations d’enseignants. Pourtant, les gens comme moi prendront un jour leur retraite. Un travail soutenu et une aide financière sont donc nécessaires pour former les prochaines générations de chercheurs en études canadiennes, qui mettront le Canada à l’ordre du jour des écoles et des universités du monde entier.
Je vais maintenant vous faire part de mon point de vue en tant que présidente du CIEC. L’étude du Canada à l’échelle internationale vise à promouvoir et à diversifier l’image du Canada dans le monde, créant ainsi un environnement favorable à la position, aux intérêts et aux valeurs du pays sur la scène internationale. Depuis 40 ans, le CIEC produit d’importantes études et constitue le pivot de la diffusion des connaissances sur le Canada. Ses activités ont engendré des chercheurs internationaux en études canadiennes, comme moi. Une décennie de fonds insuffisants a entraîné des activités de développement des connaissances extrêmement réduites dans les associations membres du CIEC, et moins d’étudiants et de professeurs effectuant des recherches sur des projets liés au Canada.
Malheureusement, certaines grandes associations d’études canadiennes se sont éteintes ou ont suspendu leurs activités au cours des 10 dernières années. L’insuffisance de fonds dans les structures de financement mutuel indique que les organismes de financement locaux et nationaux ont retiré l’aide financière aux projets sur l’étude du Canada. Pour leurs activités très réduites, les universités comme la nôtre dépendent maintenant des fonds limités provenant des ambassades canadiennes de nos pays ou des organismes de financement québécois, comme l’AEIQ.
Le CIEC est toujours en mesure d’offrir quelques bourses d’études supérieures. Toutefois, un financement gouvernemental continu permettra un soutien plus complet de la recherche des étudiants de troisième cycle, des postdoctorants et des professeurs, sans compter la mise en réseau internationale, ce qui aura un effet boule de neige sur la connaissance du Canada et attirera des étudiants étrangers dans les universités canadiennes.
Le CIEC s’engage dans des recherches de haut niveau, financées par le CRSH, en collaboration avec le Centre Robarts d’études canadiennes de l’Université York. Nous avons un projet de subvention de développement de partenariat en cours. Nous cherchons aussi à diversifier notre réseau de recherche, comme en témoigne notre nouveau membre, le Réseau africain d’études canadiennes, situé à l’Université du Bénin, au Nigéria.
Le CIEC est déterminé à nourrir et à soutenir la compréhension, les connaissances et les capacités relatives au Canada, à ses valeurs et à ses intérêts. C’est pourquoi nous demandons aux membres du comité sénatorial d’améliorer la diplomatie du savoir et de la culture du Canada et de créer un programme modernisé d’études canadiennes, comme vous le proposez dans votre rapport de 2019. Nous remercions grandement le comité à cet égard.
Merci beaucoup.
Le président : Merci, madame Knopf. Nous allons maintenant entendre Munroe Eagles.
Munroe Eagles, professeur de sciences politiques, Université de Buffalo, Université de l’État de New York, à titre personnel : Distingué président et honorables membres du comité, merci de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui.
Je travaille maintenant à l’Université de Buffalo depuis plus de 30 ans et je me suis investi dans les études canadiennes, mais comme Mme Knopf, il ne s’agissait pas de mon domaine principal d’études supérieures. Pendant neuf ans, j’ai dirigé le programme d’études canadiennes de l’Université de Buffalo et j’ai également été président des associations américaines et internationales axées sur les études canadiennes. Je suis ici aujourd’hui pour encourager le comité à inclure dans son rapport une recommandation pour le rétablissement du financement à l’intention des chercheurs étrangers qui étudieront le Canada et enseigneront le sujet. Je ferai valoir deux points essentiels.
Tout d’abord, j’ai constaté de mes propres yeux que la décision du gouvernement, en 2012, de mettre fin au programme Comprendre le Canada a mené à une réduction marquée et permanente des bourses et de l’enseignement liés au Canada partout dans le monde. Elle a eu des effets négatifs importants sur la visibilité du Canada et a donc nui aux efforts du pays en matière de diplomatie culturelle. La situation risque de s’aggraver parce qu’en raison du manque de fonds, il est plus difficile de recruter une nouvelle génération de canadianistes.
Deuxièmement, j’estime qu’en prenant cette décision, le gouvernement du Canada a délaissé de nombreuses subventions provenant d’universités étrangères dans le cadre de leurs efforts en matière de diplomatie culturelle. Parmi les plus importantes de ces subventions, qu’on a tendance à oublier, il convient de prendre en considération les salaires, les avantages sociaux et les fonds de soutien professionnel versés à des professeurs de l’extérieur du Canada qui enseignent les enjeux relatifs au Canada et les étudient. Ces sommes devraient être considérées comme des contributions directes à la diplomatie culturelle canadienne.
Selon une étude réalisée en 2010 par le regretté Brian Long, le rendement sur le capital investi au Canada pour chaque dollar investi dans le programme Comprendre le Canada serait de 36 $. Cependant, l’analyse par ailleurs excellente de M. Long ne tenait pas compte des avantages sociaux et autres versés aux professeurs par leurs employeurs. À l’Université de Buffalo, où je travaille, ces sommes ajoutent près de 64 % aux salaires de base des professeurs. Donc, son estimation d’un rendement de 36 pour 1 sous-estime considérablement la subvention étrangère totale pour la diplomatie culturelle canadienne par l’entremise du programme Comprendre le Canada.
Les deux points peuvent être illustrés en utilisant l’Université de Buffalo comme exemple. Pour commencer, je veux parler de la diminution de la visibilité du Canada. Nos subventions annuelles découlant du programme Comprendre le Canada ont atteint un maximum de 16 000 $, montant qui a été égalé par notre université. Ces fonds ont stimulé d’importantes activités liées au Canada dans l’ensemble de notre campus et nous ont finalement encouragés à élaborer un programme universitaire officiel en études canadiennes. Parmi nos nombreuses initiatives, notons la création d’un premier programme de maîtrise conjointe en études canado-américaines avec l’Université Brock, située à proximité. Il s’agit du premier programme international de diplôme d’études supérieures conjoint dans l’ensemble du système de 65 campus de l’Université de l’État de New York.
Une autre de nos initiatives visait à renforcer la capacité de gestion des relations canado-américaines. En collaboration avec Brock, et avec l’appui d’Affaires mondiales Canada et d’un certain nombre de commanditaires locaux, nous avons offert, au cours des étés 2011 et 2012, des programmes intensifs de formation d’une semaine sur les relations canadoaméricaines à l’intention des cadres et des membres du personnel législatif des deux pays. Nous étions enthousiastes d’explorer des mécanismes pour étendre ce programme populaire et réussi. Or, après 2012, il est devenu impossible de poursuivre toutes ces activités à l’Université et celles-ci ont dû prendre fin.
Passons maintenant à mon deuxième point. Au plus fort des activités de l’université liées au Canada, je travaillais exclusivement sur des projets liés au Canada et mes activités ont été soutenues en salaires et en autres avantages sociaux; leur valeur dépassait largement les 225 000 $ par année. La répartition du niveau approprié de salaire et d’avantages sociaux pour mes nombreux collègues de l’université qui ont été actifs dans le secteur des études canadiennes au cours de ces années laisse croire que la subvention totale versée par mon campus uniquement était d’environ un demi-million de dollars par année, un chiffre qui représente environ 10 % de l’ensemble du budget du programme Comprendre le Canada.
Revitaliser la communauté internationale des canadianistes en rétablissant le soutien à leur travail...
Le président : Monsieur Eagles, je regrette de vous interrompre. J’ai fait preuve de générosité en vous accordant une minute supplémentaire. Je sais que vous avez autre chose à dire et nous pourrons peut-être y venir pendant la période des questions. Merci beaucoup.
J’aimerais souligner que le sénateur Woo, de la Colombie-Britannique, vient aussi de se joindre à la séance.
Chers collègues, j’aimerais vous prévenir que, comme à l’habitude, vous aurez un maximum de quatre minutes seulement pour le premier tour, ce qui comprend les questions et les réponses. Veuillez poser des questions concises, comme vous tentez toujours de le faire. La remarque vaut aussi, bien sûr, pour nos témoins.
Le sénateur Ravalia : Je remercie beaucoup nos témoins pour leurs exposés éclairants.
Ma question s’adresse à M. Nanos, mais les deux professeurs pourront répondre si nous en avons le temps. Comment peut-on adapter l’approche du Canada aux études canadiennes afin de s’attaquer aux tendances et enjeux émergents comme les changements climatiques, la réconciliation avec les Autochtones et le rôle croissant de la technologie dans notre société?
M. Nanos : Merci beaucoup, sénateur, pour la question.
La bonne nouvelle, particulièrement quand on voit l’intégration des études culturelles et universitaires, est qu’en réalité, les penseurs et les auteurs canadiens de premier ordre sont de nos jours abondamment mobilisés sur toutes ces questions. À mes yeux, nous sommes en train de créer tout naturellement un corpus de connaissances sur ces enjeux, parce qu’ils sont importants pour la population. Je m’attends à ce que ce phénomène se transmette au domaine universitaire dans ces institutions partout dans le monde.
Je pense aussi que nous avons peut-être l’occasion d’améliorer la situation par rapport à l’ancien programme, parce que, à mon avis, ce qui manque, c’est la capacité de rassembler tous les apprentissages, tous les articles, toutes les études universitaires, en un seul endroit. Peut-être que le programme doit prévoir une destination à l’échelle internationale pour les études canadiennes. Je crois qu’il est important pour nous d’évaluer l’impact. Pour ce faire, il pourrait y avoir, par exemple, un dépôt virtuel ou une plateforme en ligne où la population pourrait se renseigner à propos de toutes les idées récentes relatives aux études canadiennes, pas uniquement au Canada, mais partout dans le monde.
Le sénateur Ravalia : Monsieur Eagles, avez-vous quoi que ce soit à ajouter?
M. Eagles : À mon avis, ce sont d’excellentes suggestions. Si l’on se fie aux travaux des canadianistes à l’échelle mondiale, vous avez cerné un certain nombre des thèmes principaux abordés dans les travaux de cette communauté de chercheurs. Le moteur de cette activité, bien sûr, est le pressant besoin de savoir relatif à ces enjeux très concrets pour nous. La communauté des canadianistes, tout autant que les autres, est réceptive et informée quant à ces thèmes. Je m’attends à ce que le rétablissement du financement des études canadiennes produise une vague d’études précisément sur les sujets que vous avez nommés.
Le sénateur Ravalia : Merci.
Mme Knopf : Je suis d’accord avec M. Eagles à ce sujet. Il est possible de mener des projets de recherche coopératifs internationaux sur des enjeux environnementaux, autochtones et d’autres enjeux importants qui font progresser l’état des connaissances en Europe, par exemple, et au Canada. Je dois dire que les études autochtones sont le domaine de recherche le plus ciblé par les projets du Conseil international d’études canadiennes, ou CIEC, ou les projets qui reçoivent du financement ou des bourses du CIEC. J’avancerais que de 30 à 40 % des demandes concernent les études autochtones.
Par exemple, mes travaux portent aussi sur l’acquisition de connaissances autochtones et sur les relations de pouvoir épistémologiques entre les savoirs autochtones et d’autres savoirs postcoloniaux. Toutes ces idées produites en coopération entre spécialistes du monde entier — des chercheurs canadiens et, bien sûr, autochtones — favorisent la diplomatie du savoir et la diplomatie culturelle, et les études canadiennes participent à cette production.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci à tous nos témoins pour vos remarques très intéressantes. Le Canada fait partie de quelques rares pays à être membre à la fois de l’Organisation internationale de la Francophonie et du Commonwealth. Son bilinguisme et son histoire en font un pays capable de dialoguer et d’échanger avec de nombreuses cultures et régions de par le monde.
De quelle manière le Canada s’appuie-t-il ou devrait-il s’appuyer sur cette force pour déployer sa diplomatie culturelle dans le monde, et en particulier sur le continent africain?
[Traduction]
M. Nanos : Merci, sénatrice, pour votre question.
Je fais une parenthèse. J’ai récemment fait partie du jury pour le prix Shaughnessy-Cohen de la Société d’encouragement aux écrivains du Canada. Pendant ce processus, j’ai lu 50 livres des 50 auteurs canadiens en lice. J’ai appris, comme lecteur et juge de tous ces livres, que les enjeux dont nous discutons au Canada ont des répercussions mondiales, et je dirais qu’ils sont pertinents où que l’on vive — que ce soit en Asie, en Afrique, en Europe ou en Amérique du Sud. Les livres que j’ai évalués portaient sur l’optimisme climatique, par exemple, et sur l’action climatique, l’entrepreneuriat, la diplomatie, le racisme, la réconciliation, la guérison, ainsi que ce que j’appellerais le populisme et la cohésion sociale.
À mes yeux, notre posture est unique pas uniquement en raison de la diversité au sein de notre pays, mais aussi du fait que — je reviens à ce que vous disiez, sénatrice — nous avons un pied dans la Francophonie et un pied dans le Commonwealth. Je sais qu’on ne peut avoir plus de deux pieds, mais nous avons les pieds dans bien des endroits.
Je pense que nous pouvons créer des liens par l’entremise de notre contenu. Ces liens peuvent transformer les Canadiens, c’est vrai, mais nous pouvons aussi avoir une influence considérable dans le monde entier. En réalité, quand il s’agit d’enjeux comme les changements climatiques, la prospérité, le racisme et la cohésion sociale, tout le monde s’y intéresse, quel que soit l’endroit.
Cela étant dit, si le programme était revitalisé, il faudrait que le gouvernement s’assure de le mettre en œuvre de manière stratégique, afin qu’il ne devienne pas simplement un programme américain. Il faut être ouvert à l’idée que le déploiement et la constitution d’un réseau doivent se faire à une échelle véritablement mondiale. Il faut être stratégique dans la manière dont nous soutenons les études canadiennes partout dans le monde.
La sénatrice Coyle : Merci à tous nos témoins pour leur présence parmi nous aujourd’hui. La discussion est très éclairante.
Je commence par M. Nanos. Vous avez affirmé clairement que la Coalition pour l’avancement du Canada — et vous aussi, puisque vous en faites partie — demande le rétablissement du programme Comprendre le Canada ou quelque chose de la sorte.
Dans votre réponse à mon collègue, le sénateur Ravalia, vous avez commencé une réponse qui se rapporte à ma question. Comment pourrait-on améliorer cette nouvelle version du programme? Quelles sont les leçons tirées de la première version, qui a pris fin, que nous pourrions incorporer à notre soutien d’un nouveau programme Comprendre le Canada, ou autre version de ce programme? Vous avez mentionné l’idée de rassembler les apprentissages dans une sorte de dépôt virtuel et parlé de l’importance de l’évaluation d’impact. Y en a-t-il eu? Si oui, quelles ont été les conclusions de cette évaluation d’impact? Et, au-delà de ces questions, quelle est votre vision de ce nouveau programme?
M. Nanos : Il faut nous rendre compte que, depuis le programme d’origine — qui a été une réussite, à mon avis, parce qu’il a créé une cohorte de 7 000 ambassadeurs ayant participé au programme —, il y a eu beaucoup d’avancées technologiques. Bonne nouvelle : non seulement il y a eu des progrès, mais on peut également aujourd’hui tirer parti de la technologie à coût très intéressant. J’aimerais ajouter que l’opinion que j’exprime est la mienne et pas celle des autres membres de la coalition, car il s’agit d’un groupe très diversifié.
Je me risquerais à dire qu’avec le programme d’origine, nous avions un impact — M. Eagles a mentionné l’effet multiplicateur par 36 —, mais nous n’avions pas de retour. Il s’agit d’un des aspects que la coalition a suggéré d’améliorer et qui ressort de notre correspondance avec le ministre. Il s’agissait de créer ce que je qualifierais de petit centre virtuel d’études et de recherche qui, en somme, servirait de dépôt pour diffuser l’ensemble du dialogue en cours dans les études canadiennes. L’avantage de cette idée est que, au-delà de l’impact de l’ancienne étude — dont M. Eagles a parlé —, elle permettrait à toute personne qui s’intéresse aux études canadiennes d’avoir un endroit où accéder aux réflexions les plus récentes, pas uniquement au Canada, mais aussi partout dans le monde. Si le gouvernement du Canada soutenait ce programme, il serait aussi possible d’évaluer et d’observer ce qui s’y passe de manière transparente. Ce serait là ma suggestion. Je crois qu’auparavant, le dialogue n’allait que dans un sens, mais en raison de la technologie, nous n’avions pas de retour sur tout.
Peut-être que ce ne sera pas un centre virtuel d’études et de recherche. Peut-être s’agira-t-il d’un processus où le gouvernement décidera que Bibliothèque et Archives Canada consacrera un petit coin de son site Web aux études canadiennes. Il n’y a pas nécessairement besoin de créer de la bureaucratie ou une autre structure. Certains diront qu’il s’agit d’une solution simple; je dirais qu’il s’agit d’une solution élégante. Je ne suis pas ici pour rajouter au fardeau de Bibliothèque et Archives Canada. Ce pourrait être aussi simple que d’établir une entente, où le gouvernement demanderait à Bibliothèque et Archives Canada de créer une section d’études canadiennes. Les spécialistes et les étudiants du monde entier y déposeraient leurs travaux et leurs réflexions les plus récentes au sujet des études canadiennes et l’ensemble serait offert à tous. À notre avis, c’est une solution vertueuse, mais transparente, qui a un coût nul ou faible, et elle met ces travaux en lumière et permet à la population canadienne d’en profiter.
La sénatrice M. Deacon : Je salue nos témoins. Merci pour votre présence.
Cinquante livres, c’est beaucoup — vous écoutez les auteurs canadiens et apprenez d’eux.
La discussion et les réflexions qu’elle suscite en moi me rappellent que le pouvoir d’attraction qu’exerce le Canada sur le reste du monde est l’une de ses grandes forces. C’est un aspect positif. Le phénomène est particulièrement fort chez les étudiants internationaux dans les universités canadiennes. Quel est le portrait de la diplomatie culturelle à cet échelon? S’il n’y en a pas déjà un, devrait-il y avoir un cours obligatoire en études canadiennes pour les étudiants internationaux dans nos institutions postsecondaires? Dans quelle mesure les échanges d’étudiants ont-ils un rôle à jouer dans la diplomatie culturelle du Canada?
Le président : À qui s’adresse la question, madame la sénatrice?
La sénatrice M. Deacon : Je la pose à tous, mais je commence avec M. Eagles.
M. Eagles : Merci beaucoup, madame la sénatrice.
La libre circulation des étudiants et des universitaires fait partie depuis longtemps des caractéristiques de la communauté des études canadiennes. Cela demeure une priorité centrale. Il importe que les gens acquièrent un vécu canadien; il importe que des étudiants et des universitaires de l’étranger se rendent au Canada.
Ici, à l’Université de Buffalo, nous avons l’occasion particulière de le faire, puisque nous sommes une institution frontalière. Dans le cadre de l’entente conjointe avec l’Université Brock, que j’ai mentionnée, nous faisons ces échanges d’étudiants transfrontaliers. Plusieurs fois par semaine, les étudiants suivaient la moitié de leurs cours dans une université canadienne et l’autre moitié, aux États-Unis, obtenant ainsi un diplôme des deux institutions. Je dois dire qu’au moins une de nos étudiantes américaines a décidé de s’établir en Ontario. Elle a fait carrière dans le Sud de l’Ontario à la suite de son expérience.
Le Canada tire beaucoup d’avantages de la présence à l’étranger d’un programme d’études canadiennes dynamique. Une bonne partie de ces avantages concerne les voyages dont profitent les étudiants et les chercheurs.
Pour ce qui est d’obliger ou non les étudiants à suivre un cours d’études canadiennes s’ils viennent au Canada, je crois qu’ils le feront probablement de toute façon. Ils ont une certaine image du Canada quand ils arrivent et sont curieux et ouverts. Un cours obligatoire n’est pas une mauvaise idée, mais cela relève des autorités provinciales de l’éducation.
Merci pour la question.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
Le président : Madame Knopf, aimeriez-vous répondre aussi?
Mme Knopf : Merci beaucoup.
Je crois qu’il est avantageux pour tous les étudiants concernés de favoriser les échanges. Les étudiants internationaux qui arrivent dans les universités canadiennes, très souvent, le font pour étudier des domaines précis qui les intéressent. Ils s’immergent aussi au Canada et y acquièrent l’expérience de la culture canadienne, des valeurs canadiennes, des intérêts des Canadiens et ainsi de suite. En rentrant chez eux, ils diffuseront ces connaissances à titre d’enseignants, plus tard, ou parmi leurs pairs.
Ce serait également fantastique si les universités canadiennes facilitaient le séjour d’étudiants canadiens dans des universités internationales. C’est rentable. Quand on adopte un regard extérieur sur son propre pays et que l’on constate ce que les autres en pensent, cela change la façon de voir et d’apprendre au sujet de son propre pays. Ce serait aussi avantageux pour l’acquisition de connaissances des étudiants canadiens, d’une certaine manière.
Je ne sais pas s’il faudrait rendre ce séjour obligatoire. Je ne crois pas, parce que les étudiants ont tendance à ne pas aimer ce qu’ils sont obligés de faire. Ils tendent plutôt à profiter des possibilités qu’on leur offre.
Je pense aussi qu’avec un programme bien soutenu, il pourrait être possible de choisir quelques universités où on pourrait rendre fixes les modules d’études canadiennes ou même une maîtrise en études canadiennes, s’il s’agit d’une plus grande université qui peut se permettre plusieurs programmes de maîtrise dans un domaine de ce genre.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Harder : Je remercie nos témoins.
Le Canada est probablement le membre du G7 qui parraine et soutient le moins les études sur son pays à l’étranger. J’aimerais que chacun des témoins nous parle de la concurrence que livrent d’autres pays du G7 sur son campus. Pourriez-vous nous donner du contexte et nous dire quel pays est un modèle ou pourrait être un modèle pour nous? Il s’agit d’un aspect très important de notre diplomatie culturelle. Nous devrions tirer des leçons de ce que font les autres et avoir honte. Qui veut commencer?
Mme Knopf : Je commence.
Je dois donner quelques explications. En Allemagne et dans d’autres pays européens, il n’y a pas de chaire professorale uniquement en études canadiennes. La chaire professorale comprend aussi les études américaines et, si certaines personnes comme moi font un effort conscient d’enseigner les études canadiennes, nous précisons alors qu’il s’agit d’études nord‑américaines ou d’études américaines et canadiennes. Alors, nous n’avons pas...
Le sénateur Harder : Ma question ne porte pas sur les études canadiennes. Je veux savoir ce que font les autres pays du G7 sur vos campus, ou connaître les éléments de vécu, si l’on fait une comparaison, que nous devrions incorporer si l’on planifie revoir le programme d’études canadiennes. Qui réussit mieux que nous? Il est évident que tout le monde réussit mieux que nous. Qui devrait nous servir de modèle dans nos efforts?
Mme Knopf : Le domaine d’études le plus convoité est celui des études américaines. C’est pourquoi j’essayais d’expliquer que nous n’avons pas de chaires consacrées exclusivement aux études canadiennes. Les étudiants s’orientent vers les études américaines. Il faut ensuite rivaliser avec les études britanniques. À cela s’ajoutent de plus en plus les études australiennes et les études africaines. Ces autres domaines figurent également dans les programmes d’études secondaires. Le Canada doit donc faire face à une rivalité féroce.
Quel pays réussit mieux? Je pense que les États-Unis ont plus de poids. Je ne sais pas s’ils dépensent plus d’argent, mais il y a aussi des programmes de grande envergure pour que les étudiants aillent poursuivre leurs études aux États-Unis. Le programme Fulbright n’est qu’un exemple parmi d’autres. Il existe d’autres programmes d’échanges réciproques plus modestes et des partenariats universitaires entre l’Allemagne et les États-Unis, la France et les États-Unis, et cetera. Voilà ce avec quoi le Canada doit rivaliser.
Je ne veux pas nommer un pays en particulier qui réussit mieux qu’un autre, mais ce n’est là que mon point de vue.
Le président : Il nous reste une minute. Monsieur Nanos, voulez-vous intervenir?
M. Nanos : Je vais laisser M. Eagles répondre brièvement, après quoi je ferai une très courte observation.
M. Eagles : Sur le campus de l’Université de Buffalo, le pays qui fait les efforts les plus vigoureux en matière de diplomatie culturelle est la Chine, par l’entremise de l’Institut Confucius. Nous venons de fermer le nôtre; je ne le considérerais donc pas comme un modèle à suivre, mais cet institut était certainement très actif sur le campus.
M. Nanos : En matière de rivalité, cela signifierait que nous sommes loin d’être dans la course. Nous ne sommes même pas sur la ligne de départ. Nous ne sommes nulle part, alors que tous les autres sont dans la course.
À vrai dire, je placerais l’Allemagne au premier rang. En effet, l’Allemagne dispose d’un très bon modèle, dans le cadre duquel le gouvernement favorise les études allemandes dans le monde entier, tout comme la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. Ils ont tous une sorte de programme, parce qu’ils considèrent la diplomatie culturelle comme un excellent moyen d’établir des liens commerciaux et universitaires.
Le président : Je vous remercie. Permettez-moi d’ajouter que le Canada n’est pas doté d’un organisme comme l’Institut Goethe, l’Alliance française, le British Council ou l’Institut Cervantes. M. Eagles a aussi mentionné l’Institut Confucius.
Le sénateur Woo : J’aimerais faire le lien avec le dernier point concernant les efforts de diplomatie douce au pays, comme ceux déployés par le British Council, les instituts Cervantes, Goethe, et cetera. Je me demande si nos témoins pourraient établir un lien entre la question des études canadiennes à l’étranger et la question plus générale des Canadiens à l’étranger.
Il me semble que le problème fondamental, c’est que notre pays ne valorise pas ses atouts à l’étranger. Vous savez sans doute que, selon les derniers chiffres de Statistique Canada, il y a peut-être 5 millions de citoyens canadiens qui vivent à l’étranger, ce qui est plus élevé que le nombre d’habitants de la plupart des provinces. Il me semble que si nous n’avons pas une sorte d’approche nationale pour considérer nos citoyens à l’étranger comme des atouts et pour voir comment ils contribuent à l’objectif national... les études canadiennes, à elles seules, sont extrêmement précieuses, mais dans un sens, elles ne représentent qu’une toute petite partie d’un ensemble beaucoup plus vaste. M. Nanos voudra peut-être se prononcer là-dessus en premier, et tous les autres témoins pourront également intervenir.
M. Nanos : Je vous remercie de votre question, sénateur.
C’est pourquoi, dans ma déclaration, j’ai abordé des sujets qui vont au-delà des répercussions purement universitaires. Je pense que c’est ainsi que nous devons envisager le contexte. Il y a assurément — et j’en ai certes été témoin dans le cadre de mon entreprise — une incidence importante sur les affaires, non seulement grâce aux personnes qui ont fait des études canadiennes à l’étranger, mais aussi grâce aux Canadiens qui vivent à l’étranger, qui sont peut-être membres de ces organisations et qui aspirent à nouer de tels liens et à se lancer en affaires pour aider à créer de la prospérité.
Voici, selon moi, ce que nous essayons de faire valoir: si quelqu’un se faisait dire qu’il pouvait obtenir un rendement de 36 $ pour chaque dollar investi, et ce, en toute légalité — à supposer que ce soit légal —, je ne pense pas que les gens hésiteraient à faire cet investissement, compte tenu de la somme modeste de cet investissement par rapport à toutes les autres choses pour lesquelles le gouvernement du Canada investit de l’argent.
M. Eagles : Je pense qu’il est très utile de songer à mobiliser la diaspora canadienne. De nombreux membres de la communauté internationale des études canadiennes sont eux-mêmes Canadiens. D’ailleurs, j’en suis un moi-même. Je me sens chez moi dans ce groupe parce qu’il y a d’autres Néo-Écossais ici. Les études canadiennes à l’échelle internationale sont l’un des moyens par lesquels les universitaires canadiens qui travaillent à l’étranger peuvent avoir le sentiment de contribuer à leur pays. C’est certainement ce que je ressens avec beaucoup de force. Je m’identifierai toujours comme Canadien, même si j’ai la double nationalité. À mon sens, il s’agit d’un projet dans lequel la communauté universitaire peut jouer un rôle. Je ne pense pas que nous ayons de privilège particulier à cet égard.
Il y a des Canadiens de tous les horizons, notamment aux États-Unis, qui font leur marque, mais le défi aux États-Unis pour les Canadiens, c’est que nous ne sommes pas visibles de la même manière que nous le serions si nous avions un accent. Nous passons en quelque sorte pour des Américains. Je pense que cela pose un véritable problème aux Canadiens, car les Américains pensent que le Canada n’est guère différent des États-Unis. C’est un défi. Nous devons en quelque sorte faire comprendre aux Américains que le Canada est un État souverain, doté de valeurs très distinctes, et fournir aux Américains un contexte intellectuel qui leur permettra de comprendre nos désaccords sur certaines questions. Aux États-Unis, les Américains ont tendance à lever les bras au ciel et à se dire : « Qu’est-ce qui ne va pas? Qu’avons-nous fait? Ils ne sont pas de notre bord. »
Je pense que c’est un projet important. À mon avis, les études canadiennes à l’échelle internationale pourraient contribuer de manière importante à cet objectif plus large de mobilisation de la diaspora.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur MacDonald : Ma question s’adresse à M. Eagles. Ce que vous venez de dire s’inscrit dans le droit fil de ce dont je voulais vous parler, à savoir les fondements de notre pays et son évolution. J’ai passé beaucoup de temps aux États‑Unis dans le cadre du partenariat Canada—États-Unis. Je rappelle toujours à mes amis américains qu’il n’y avait pas 13 colonies à l’origine sur le continent, mais bien 15. Le Québec a signé l’Acte de Québec en 1774. Il s’agissait essentiellement d’une société francophone et catholique qui ne voulait pas se joindre aux États-Unis. Bien sûr, la Nouvelle-Écosse ne s’est pas jointe non plus, peut-être en raison de notre caractère naturellement obstiné, mais nous ne l’avons pas fait. Nous sommes des pays qui ont évolué. En fait, le Canada est en grande partie une création de la Révolution américaine. Nombre de nos institutions ont évolué à partir de là. Je suis simplement curieux de savoir si vous pensez que nos institutions comprennent bien l’évolution du pays, ainsi que nos valeurs nationales et la façon dont elles sont nées de ces événements il y a 250 ans.
M. Eagles : Je vous remercie, sénateur. C’est une excellente question. En fait, elle découle directement de mon plan de cours de politique canadienne.
Le Canada et les États-Unis sont tous deux des créatures de la Révolution américaine. Seymour Martin Lipset, qui est probablement l’universitaire américain le plus influent dans le domaine des études sur le Canada, en fait un élément central de son travail. Sa longue carrière s’est d’ailleurs articulée autour de cet argument. Nos deux pays sont inextricablement liés entre eux. Nous sommes nés des mêmes forces. Nous avons réagi différemment à ces forces, ce qui nous a mis sur des voies parallèles. Nous ne convergeons pas; nous suivons des voies parallèles qui sont complémentaires. Nous sommes tous deux des démocraties libérales et des sociétés multiculturelles. Je pense que nous avons beaucoup de choses à nous dire, et cela remonte à nos origines. Ma famille a quitté l’une des 13 colonies, le Massachusetts, dans les années 1700 pour venir s’installer en Nouvelle-Écosse. C’est un élément formateur de notre histoire commune. Robert Bothwell, de l’Université de Toronto, a écrit un livre magnifique sur l’imbrication de l’histoire commune du Canada et des États-Unis. Il s’agit d’un élément absolument central. Je ne suis pas sûr que beaucoup d’Américains comprennent à quel point nous sommes interreliés, et je pense que beaucoup seraient surpris d’apprendre que les colonies, le Québec et la Nouvelle-Écosse ont refusé de se joindre à l’expérience américaine, malgré les occasions et les invitations.
C’est une excellente question. Elle est absolument centrale à ce que nous faisons à l’Université de Buffalo en études canadiennes.
Le sénateur MacDonald : Je suis heureux d’entendre cela. Je dois aussi dire, malheureusement, que je ne sais pas combien de Canadiens en sont également conscients. Je pense qu’il existe une véritable pénurie de connaissances dans ce domaine.
M. Eagles : Absolument.
Le sénateur MacDonald : Je vous remercie.
La sénatrice Boniface : Je vous remercie tous d’être des nôtres.
Je ne connais pas très bien le sujet, mais puisque certains membres de ma famille vivent au Royaume-Uni, je me dis qu’il serait avantageux pour eux d’avoir l’occasion de connaître leur patrimoine canadien grâce à un tel programme.
J’aimerais que vous nous parliez de la question des liens. Quand je pense à l’Université de Buffalo, je pense à l’avantage de ce genre de programmes pour mieux orienter les accords commerciaux grâce à la possibilité de favoriser une entente avec nos homologues américains et de nouer des liens étroits dans le commerce et d’autres domaines axés sur les relations canado‑américaines. Voilà pour ma première question.
Quant à l’autre question, M. Nanos voudra peut-être y répondre. Je pense à la façon dont le monde a considérablement changé, à notre stratégie pour l’Indo-Pacifique et à la façon dont certains de ces programmes et cette base de connaissances pourraient servir à informer les Canadiens et les non-Canadiens au sujet du rôle du Canada à l’échelle internationale.
M. Eagles : Je vous remercie, sénatrice.
À l’Université de Buffalo, nous avons eu l’occasion de comprendre le Canada d’un point de vue que la plupart des universités américaines ne partagent pas. Au cours des 30 années que j’ai passées ici, nous avons développé en quelque sorte un sentiment de responsabilité, à titre de membres d’un campus frontalier, pour essayer de faciliter une compréhension propice à des relations plus étroites et plus harmonieuses de part et d’autre de la frontière. Nous nous trouvons à l’un des passages frontaliers les plus achalandés —et c’est certainement celui que les gens traversent le plus — sur toute la longueur de la frontière de 5 000 miles. Nous avons décidé d’assumer cette responsabilité, et lorsque nous étions actifs, c’était un élément central de notre mission. Nous avons essayé d’en élargir la portée, comme je l’ai mentionné, en tentant de renforcer les capacités de ceux qui contribuent à la prise de décisions dans l’arène politique, compte tenu de la nature tentaculaire et intime de la relation. Nik Nanos a eu la gentillesse de participer en tant qu’expert à ces activités, en aidant les membres du personnel à comprendre à quel point cette relation était d’une importance capitale. Les liens de part et d’autre de la frontière, tissés et soutenus grâce à un programme d’études canadiennes actif, sont, à mon avis, d’une importance cruciale. Je suis heureux de pouvoir dire que M. Nanos a largement contribué à rendre tout cela possible en tant que collègue ici, à l’Université de Buffalo.
Je vous remercie de votre question. J’espère y avoir répondu.
M. Nanos : Si vous me permettez, sénatrice, j’aimerais ajouter une autre dimension à votre question. À mes yeux, cela ressemble un peu au concept d’intérêt composé. Si le programme est revigoré et rétabli, il n’aura pas un effet immédiat. Soyons réalistes, les canadianistes ne surgissent pas de nulle part. Ils sont nourris au fil du temps. Cependant, tout comme pour l’intérêt composé, si vous faites preuve de constance, si nous avons un engagement durable, l’effet sera imparable après 10 ou 15 ans grâce à ce tout petit investissement.
Je dirais que l’effet sera positif non seulement pour les Canadiens vivant à l’étranger, mais aussi pour les non‑Canadiens, car, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, si nous ne figurons même pas sur l’écran radar ou à l’ordre du jour, c’est comme si nous n’existions pas. Notre pays serait alors perçu comme un vaste territoire sur une carte vierge. Lorsque nous essayons de faire du commerce, lorsque j’essaie de collaborer avec un collègue dans un autre pays étranger, si notre nationalité canadienne n’évoque rien, alors nous sommes désavantagés. Je pense que c’est la raison pour laquelle nous devons nous engager dans une diplomatie universitaire et culturelle.
Le président : Merci beaucoup.
J’aimerais poser une question avant que nous passions au deuxième tour. Elle s’adresse à Mme Knopf.
La première fois que j’ai participé à la conférence de Grainau — une conférence d’études canadiennes dans les pays germanophones, qui a lieu chaque année en Bavière —, c’était en 2006. J’avais alors été invité à parler des relations canado‑américaines. Plus tard, lorsque j’étais en poste à Berlin, j’y ai assisté chaque année. Ce qui m’a vraiment frappé, ce n’est pas seulement le nombre de professeurs, mais aussi le nombre de jeunes universitaires travaillant à leur maîtrise ou à leur thèse de doctorat, et tout cela était lié d’une manière ou d’une autre au Canada. Entretemps, le programme Comprendre le Canada a été annulé, et nous avons également traversé deux années de pandémie, ce qui a vraiment eu une incidence sur la façon dont les étudiants apprennent et sur la façon dont les professeurs enseignent. Je m’interroge sur la vitalité de cette conférence et je me demande s’il y a eu un rajustement de ses modalités de fonctionnement. Madame Knopf, si vous pouviez nous éclairer à ce sujet, je vous en serais reconnaissant.
Mme Knopf : Je vous remercie de cette question.
Je vous remercie aussi de m’avoir rappelé l’expérience vécue à Grainau. C’est là que nous plongeons dans l’esprit des études canadiennes. Bien entendu, cette conférence y est aussi pour quelque chose. L’hôtel est situé dans une région magnifique. Les gens participent à d’intenses discussions, et nous avons un forum spécial pour les jeunes chercheurs qui présentent leurs articles et leurs idées de recherche dans un environnement protégé. Nous avons, bien sûr, des conférenciers d’honneur en provenance du Canada. Nous recevons également, chaque année, à Grainau, des invités internationaux d’autres associations d’études canadiennes.
Lorsque le programme a été aboli, l’Association d’études canadiennes dans les pays de langue allemande a continué d’exister parce que nous percevons également des cotisations. Nous avons pu continuer à accorder des bourses d’études supérieures à de jeunes chercheurs pour qu’ils puissent compléter leurs thèses de maîtrise et de doctorat dans le cadre d’un voyage de recherche au Canada, mais nous avons dû réduire le montant de ces fonds et le nombre de bourses que nous pouvions octroyer. Nous avons également dû réduire le nombre de conférenciers canadiens que nous pouvions inviter. Les activités se poursuivent donc, mais elles sont extrêmement réduites.
Je dois dire que l’Association d’études canadiennes dans les pays de langue allemande est une association assez stable et forte, qui se compare aux associations américaines, irlandaises, polonaises et françaises, par exemple, mais certaines associations — notamment celles de l’Australie, de la Nouvelle‑Zélande, du Brésil et de l’Espagne — ont cessé d’organiser leurs conférences annuelles, leurs ateliers et leurs échanges d’étudiants et de professeurs invités.
Plus tôt, nous avons également parlé des Canadiens et de leur responsabilité sur le plan de la politique culturelle. Le Conseil international d’études canadiennes, ou CIEC, avait un excellent programme qui permettait aux universités internationales d’inviter des professeurs canadiens à y enseigner pendant deux, trois ou quatre mois. La présence d’un professeur canadien qui donnait des cours étoffait incroyablement les programmes de cours et le contenu pédagogique, et élargissait la diversité des cours offerts et le savoir imparti dans les universités internationales.
Dans le cadre d’un autre programme, des personnalités canadiennes, comme des artistes, des cinéastes et des écrivains, étaient invitées à titre d’artistes ou d’écrivains en résidence afin de tenir des ateliers d’écriture créative, d’art et de théâtre. Essentiellement, rien de cela ne se fait actuellement. Le CIEC serait également disposé à favoriser l’échange de personnalités et de professeurs invités canadiens.
Le président : Je vous remercie beaucoup.
Honorables collègues, il nous reste environ quatre minutes. Quatre collègues souhaitent participer au second tour. Si cela vous convient, je propose que chacun d’eux pose brièvement sa question, et les témoins seraient ensuite encouragés à y répondre par écrit. Je pense que certains d’entre vous et les témoins du groupe suivant ont remis des mémoires à ce sujet, mais je pense que c’est réellement la seule manière de procéder en ce moment. Ne voyant aucune dissidence, je demanderais aux sénateurs de poser très brièvement leur question et d’être aussi précis que possible.
[Français]
La sénatrice Gerba : Ma précédente question s’adressait à tout le monde; je souhaiterais donner la parole à chacun pour connaître la façon dont le Canada peut utiliser sa dualité, à la fois au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie et dans le Commonwealth, pour déployer sa diplomatie culturelle dans le monde.
Le président : Comme je l’ai dit, nous attendons une réponse par écrit.
[Traduction]
La sénatrice Coyle : Je voudrais obtenir une réponse de n’importe quel témoin, et de tous, si possible. Nous savons que les dirigeants culturels sont très diversifiés au Canada, particulièrement dans les domaines artistiques. La diversité est‑elle la même chez les universitaires canadiens ou étrangers qui sont canadianistes? Je tente seulement de comprendre la diversité des universitaires attirés par les études canadiennes et ce qui peut être fait pour favoriser la diversité chez les canadianistes en Europe, aux États-Unis et dans le reste du monde, comme mon collègue l’a demandé.
Le sénateur Woo : J’appuie sans réserve ce programme, mais je nous encouragerais tous à réfléchir un peu au rôle des anciens étudiants des universités canadiennes à l’étranger. Par ailleurs, j’attire votre attention sur une activité organisée récemment par Universités Canada et la Fondation Asie Pacifique du Canada à Singapour, laquelle a réuni non pas des Canadiens, mais d’anciens étudiants des universités canadiennes venant des quatre coins de l’Asie. Ils étaient des centaines, et plus de 20 présidents d’université se sont rendus à Singapour pour participer à cette activité. Là où je veux en venir, c’est que la promotion des idées, des valeurs et de la mentalité canadiennes dans un contexte non universitaire — comprenant qu’il ne s’agit pas de questions universitaires — ne devrait pas se limiter aux érudits. Une vaste communauté peut nous aider à cet égard.
Le sénateur MacDonald : Madame Knopf, vous avez indiqué que vous vous intéressez notamment à la littérature postcoloniale. J’aimerais savoir comment vous définissez la littérature postcoloniale pour savoir ce que ce terme signifie exactement, car le Canada est un pays depuis plus de 150 ans. Nombreux sont ceux qui semblent avoir de la difficulté à faire la différence entre une masse territoriale et un pays. Le Canada existe depuis plus de 150 ans. J’aimerais simplement savoir comment vous définissez la littérature postcoloniale et depuis quand elle existe, selon vous. Je vous remercie.
Le président : Je demanderais aux témoins de bien vouloir répondre par écrit aux questions qu’ils ont entendues pendant le deuxième tour.
Au nom du comité, je vous remercie beaucoup d’avoir témoigné aujourd’hui et de nous avoir fait la grâce de votre présence.
[Français]
Le président : Pour notre deuxième groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir ici, dans la salle, Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill.
Par vidéoconférence, nous accueillons John English, professeur émérite de l’Université de Waterloo, et Pamela Sing, présidente du Réseau d’études canadiennes.
[Traduction]
Nous entendrons les trois témoins de ce groupe.
[Français]
Nous allons commencer avec M. Daniel Béland.
Vous avez la parole pour quatre minutes.
[Traduction]
Daniel Béland, directeur, Institut d’études canadiennes de McGill, à titre personnel : Bonjour, honorables membres du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je vous remercie de me donner l’occasion d’être de nouveau avec vous aujourd’hui pour exprimer mes points de vue sur ce sujet important.
[Français]
En tant que directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill et spécialiste de l’analyse de politiques ayant participé à des activités de recherche et d’enseignement sur cinq continents, je tiens à souligner l’importance d’assurer la vitalité du Réseau international d’études canadiennes.
À ce stade, je tiens à vous rappeler que le financement fédéral au maintien de ce réseau a été éliminé en 2012, donc il y a plus d’une décennie. Il s’agit d’une situation malheureuse qui devrait être corrigée le plus rapidement possible.
Dans ce contexte, je voudrais soutenir publiquement et avec enthousiasme la recommandation no 8 de votre rapport de 2019 sur la diplomatie culturelle, qui stipule ce qui suit :
« Qu’Affaires mondiales Canada appuie la création d’un programme d’études canadiennes modernisé qui contribuerait à mieux faire connaître le Canada dans le monde. »
[Traduction]
Comme l’indique votre rapport de 2009 sur la diplomatie culturelle, les études, les recherches et l’enseignement canadiens à l’étranger constituent une forme essentielle et particulièrement efficace de diplomatie culturelle et un excellent moyen de faire connaître le Canada et ce qu’il a à offrir à l’échelle mondiale. C’est notamment le cas parce que les liens établis par le Réseau international d’études canadiennes ont une valeur commerciale, diplomatique et intellectuelle, et contribuent à faire connaître le Canada dans le monde. Si le Canada souhaite demeurer un acteur clé sur la scène internationale, il sait s’y faire connaître en déployant sa diplomatie culturelle. C’est exactement ce qu’un programme d’études canadiennes modernisé lui permettrait d’accomplir.
[Français]
Au-delà de ces remarques, il est clair que stimuler l’étude du Canada à l’étranger peut avoir des effets bénéfiques pour le pays en matière de puissance douce. C’est quelque chose qui vous tient à cœur. Je sais que c’est le cas des membres de ce comité. C’est le cas en raison de l’apport intellectuel des chercheurs étrangers à la compréhension du Canada concernant des enjeux particuliers comme le fédéralisme, l’immigration, les politiques de la santé et les affaires étrangères. En stimulant la recherche à l’étranger, le gouvernement fédéral pourrait contribuer à améliorer la connaissance disponible au sujet de notre pays.
[Traduction]
Comme nous nous adonnons au commerce international et accueillons chaque jour des immigrants de toutes les régions du monde, il est plus essentiel que jamais d’appuyer la recherche et l’enseignement sur le Canada à l’échelle mondiale. Les recherches et l’enseignement postsecondaires sont de plus en plus internationaux de nature, et le Canada ne peut pas rester sur la touche pendant que de nombreux pays — dont certains sont nos alliés, mais d’autres des ennemis potentiels — déploient des efforts considérables pour se faire connaître sur la scène mondiale en usant de diplomatie universitaire et culturelle.
[Français]
Compte tenu des sommes budgétaires limitées qui sont en jeu ici — l’ancien programme coûtait moins de 6 millions de dollars par année —, refinancer le Réseau international d’études canadiennes par l’entremise d’un programme renouvelé constituerait un investissement raisonnable pour les contribuables.
Compte tenu de ces remarques, je vous encourage à recommander à nouveau qu’Affaires mondiales Canada soutienne les études canadiennes à l’étranger. C’est un petit prix à payer pour améliorer de façon notable la place et la réputation du Canada dans le monde.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Je répondrai à vos questions le moment venu.
[Français]
Le président : Merci, monsieur Béland.
[Traduction]
Nous entendrons maintenant M. John English. Nous sommes enchantés de vous revoir. Vous avez la parole pour faire votre allocution.
[Français]
John English, professeur émérite de l’Université de Waterloo : Merci, monsieur le président. Merci beaucoup de l’invitation.
Je pense que votre sujet est très important.
[Traduction]
Il y a 30 ans, le gouvernement du Canada nouvellement élu a décidé de réexaminer la politique étrangère du pays et, après moult débats, un comité a encouragé le Canada à faire de la culture le troisième pilier de sa politique internationale. En 1995, le gouvernement du Canada a accepté cette recommandation. Nous espérions un pilier de granit, mais il s’est avéré être fait de sable.
Ce comité, dont j’ai également fait partie, comprenait une membre exceptionnelle en la personne de la sénatrice Raynell Andreychuk. J’ai été enchanté quand elle s’est attaquée de nouveau à ce sujet à titre de présidente de votre comité, qui a publié en 2019 un excellent rapport intitulé La diplomatie culturelle à l’avant-scène de la politique étrangère du Canada. Dans ce rapport, il était fortement recommandé, comme M. Béland l’a indiqué :
Qu’Affaires mondiales Canada appuie la création d’un programme d’études canadiennes modernisé qui contribuerait à mieux faire connaître le Canada dans le monde.
Ce que vous avez déjà entendu montre sans contredit que c’est certainement ce qu’il fait, et même plus. Dans son témoignage, Michael Kergin, qui a été un éminent diplomate dans les années 1980 et 1990 et un peu au-delà, nous a indiqué à quel point les études canadiennes ont été importantes aux États-Unis quand le Canada négociait l’accord de libre-échange et l’ALÉNA. Il a parlé des nombreuses rencontres qu’il a eues avec des Américains et des Canadiens qui étaient aux États-Unis et qui collaboraient avec les diplomates canadiens à l’époque. Je pense, monsieur le président, vous vous étiez là-bas également à l’époque et que vous avez pu observer les effets de ces démarches.
De plus, vous avez entendu Mme Knopf aujourd’hui. J’ai trouvé son témoignage très convaincant. Le programme Comprendre le Canada a façonné sa vie et a infléchi son parcours universitaire. Ce programme a changé sa vie, mais aussi la nôtre, car, comme elle nous a expliqué le Canada, le Canada est beaucoup mieux expliqué en Allemagne, un pays où le Canada n’est pas bien compris, comme Mme Knopf et vous l’avez souligné.
Enfin, M. Eagles m’a convaincu, grâce à ses études et à celle de Brian Long, que les études canadiennes sont payantes. D’autres pays accordent de généreuses subventions alors que nous faisons des contributions. M. Eagles considère que le rapport est de plus de 60 à 1, mais il est au moins de 36 à 1. Je pense que ces subventions rivalisent, voire dépassent celles accordées aux usines de batteries.
Les études canadiennes fonctionnent; des comités parlementaires en ont convenu. Leur disparition est un grand mystère historique, comme la mort de Tom Thompson et l’incapacité des Maple Leafs de Toronto de remporter une partie en séries éliminatoires. Le vent pourrait tourner ce soir, et espérons que la situation changera cette année au chapitre des études canadiennes.
Je vous remercie de nouveau. Je pense que ce sujet est important et que nous devrions agir à cet égard, car nous avons perdu une excellente occasion, que nous pouvons toutefois récupérer. Je vous remercie beaucoup.
Le président : Je vous remercie, monsieur English.
Nous entendrons maintenant Mme Sing.
Pamela Sing, présidente, Réseau d’études canadiennes : Je vous remercie de m’avoir invitée à participer à ce processus.
Permettez-moi de me présenter brièvement : je suis professeure à la retraite de littératures française, canadienne‑française et francométisse du campus français de l’Université de l’Alberta. Quand j’étais à la Faculté Saint-Jean, j’ai été directrice de l’Institut d’études canadiennes de 2015 à 2018, et j’ai été présidente du Réseau d’études canadiennes pendant deux ans. En fait, depuis le début de mars, j’en suis l’ancienne présidente.
Aujourd’hui, j’ai l’intention de vous parler de mon expérience à titre de canadianiste sur la scène internationale. Ce n’est pas grâce au financement du CIEC ou du programme Comprendre le Canada, mais au programme Fulbright, au programme de bourses Stirling Maxwell et aux bourses de l’Institut des langues modernes que j’ai pu faire connaître mes recherches sur ces trois littératures en Angleterre, aux États-Unis et en Écosse. De toute évidence, étant professeure, j’ai participé à de nombreuses conférences internationales, mais c’est en puisant dans mon escarcelle que j’ai pu participer à ces activités pour parler de mes recherches.
J’ai l’intention d’appuyer la recommandation 8 du rapport intitulé La diplomatie culturelle à l’avant-scène de la politique étrangère du Canada, publié par le Sénat en 2019, où le comité affirme sa conviction qu’Affaires mondiales Canada doit appuyer la création d’un programme d’études canadiennes modernisé qui contribuerait à mieux faire connaître le Canada dans le monde.
En quelques mots, j’entends vous dire aujourd’hui que le rétablissement du programme Comprendre le Canada, sous une forme ou une autre, constitue un élément clé de cette démarche. Je propose de le faire dans cet exposé en formulant deux observations.
Sachez d’abord que le simple fait qu’un tel programme existe montre quel genre de pays est le nôtre. C’est un pays qui considère qu’il mérite qu’on parle de lui, qu’on l’étudie et qu’on le comprenne, que ce soit à l’intérieur de ses frontières ou au-delà, et un pays qui veut engager un dialogue avec le reste du monde afin d’être mieux compris, pas comme une entité définie pour toujours, mais comme un pays en évolution. Il est aussi important que le gouvernement du Canada communique ce message à ses propres citoyens qu’à ceux d’autres pays.
Ma seconde observation concerne la création d’un programme d’études canadiennes modernisé. Cette création ne doit pas se faire en oubliant les objectifs et les réalisations du Conseil international d’études canadiennes. Ce dernier unit un grand nombre d’associations d’études canadiennes du monde entier, existe depuis 1981 et compte maintenant 23 associations membres et 5 membres associés dans 39 pays.
Nous ne devons pas non plus oublier que cette organisation aux multiples membres sert à offrir de l’enseignement sur notre pays et à appuyer des recherches et des publications importantes sur des points et des questions qui sont à l’avant-scène de la vie canadienne. Ainsi, dans plus de 39 pays et continents, notamment aux États-Unis, en Europe centrale, en Australie et en Nouvelle-Zélande, des gens peuvent lire, étudier et discuter sur des sujets relatifs aux valeurs, aux réalités, aux défis et aux expériences politiques, socioéconomiques et culturels qui témoignent de ce que nous sommes, ici encore, pas seulement à l’intérieur de notre pays, mais aussi sur le continent nord‑américain et sur la scène mondiale.
En rétablissant le soutien accordé au CIEC dans le cadre du programme Comprendre le Canada, le gouvernement du Canada contribuerait de nouveau à assurer la formation et l’existence continues de canadianistes dans le monde, c’est-à-dire plus de 7 000 spécialiste locaux dont le travail consiste à contribuer à faire connaître le Canada de par le monde.
Je vous remercie.
Le président : Je vous remercie, madame Sing.
Nous passerons maintenant aux questions. Comme précédemment, nous ferons des interventions de quatre minutes.
Le sénateur Harder : Ma question s’adresse à John English. Je pense qu’il importe de mettre ce programme, tout important soit-il, dans le contexte plus vaste de la diplomatie culturelle. J’ai deux questions à vous poser.
Premièrement, quel est l’état de l’étude de l’histoire canadienne au Canada? Vous êtes un historien distingué issu d’une université très distinguée. Vous pourriez vous prononcer sur la question.
Il faut également pouvoir accueillir des étudiants étrangers au Canada afin de leur permettre de mieux connaître le Canada au lieu de simplement obtenir un diplôme en génie. Il importe également de maintenir ce lien. Sachez qu’à Singapour, il y a 30 ans, le cabinet s’appelait Association des anciens étudiants de l’Université de Toronto, car tous les membres avaient étudié à cette université. J’aimerais que vous mettiez cette importante question dans un contexte plus global, car si nous nous contentons de faire cela, nous n’optimisons pas les effets, même dans le cadre de ce programme.
M. English : Votre question est excellente.
En ce qui concerne les programmes d’études canadiennes comme tels, je peux vous dire, fort de ma très longue carrière d’enseignant, que cela a un effet indirect considérable. Nous pouvons parler des chiffres, mais il y a une incidence plus vaste. Prenons deux exemples que je connais. Si un Allemand vient au Canada, il y travaille, y enseigne et y devient professeur. Dans la région de Waterloo — que vous connaissez très bien, comme d’autres membres du comité —, une personne effectuant des études canadiennes est venue et a commencé à écrire un livre sur la tradition allemande dans la région de Waterloo. Je pense qu’il s’agit du plus grand spécialiste de la question. Il s’agit toutefois d’un fait accessoire, car il a marié une Canadienne, est resté au pays et y a fait une importante contribution. Il possédait un avantage linguistique que de nombreuses personnes n’avaient pas. Ces aspects sont difficilement quantifiables.
En ce qui concerne l’histoire canadienne au Canada, comme de nombreuses universités mettent maintenant l’accent sur les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques, l’histoire est une discipline qui fait moins d’adeptes. Les gens ne sont pas remplacés. Je peux vous dire que quand j’ai été rédacteur du Dictionnaire biographique du Canada pendant huit ans, de 2006 à 2013 ou 2014, j’ai dû faire appel à des gens qui avaient étudié le Canada à l’extérieur du Canada pour des articles sur de nombreux sujets. C’est ici encore une influence indirecte.
Vous avez formulé une remarque plus tôt, et vous avez raison : le Canada est le pays le moins connu des pays du G7, et il est probablement le moins connu parmi les pays du G20. Quand j’étais à Londres la semaine dernière, je suis entrée dans une librairie, où j’ai trouvé une abondance de livres sur l’Australie, mais seulement deux sur le Canada. Il s’agissait d’ouvrages généraux sur l’histoire du Canada, auxquels s’ajoutaient quelques livres spécialisés qui traitaient du Canada. On nous oublie, et c’est parce que nous n’avons pas de programmes comme le conseil britannique et les diverses alliances françaises dont bénéficient les autres pays du G7. Je pense qu’il est temps pour nous d’admettre que nous perdons de nombreuses occasions, car notre pays est méconnu.
La sénatrice Coyle : Je remercie tous les témoins, grâce à qui la discussion est vraiment utile.
Comme vous, je ne comprends pas pourquoi notre pays — peuplé d’âmes simples comme nous, mais ça ne devrait pas nous empêcher de savoir occuper notre place dans le monde… On peut être simple tout en étant futé. J’ai bon espoir que vos témoignages nous aideront en ce sens.
Chacun de vous a expliqué différemment la valeur que représentait le programme soutenant les études canadiennes et la perte subie depuis sa disparition. Vous avez également abordé l’importance d’un programme moderne d’études canadiennes. J’aimerais que chacun de vous décrive comment il le perçoit. Non pas le programme d’études, mais ce à quoi le programme ressemblerait. Quelle est la nouvelle génération?
M. Béland : Merci beaucoup.
Je prêcherai pour ma propre paroisse, en ce sens que j’estime très importante la politique publique. J’en suis un spécialiste et je constate que, à l’étranger, on se montre très curieux envers ce que nous faisons dans différents domaines stratégiques pour répondre à des problèmes communs comme le changement climatique, la pauvreté des enfants et ainsi de suite. Je suis d’avis qu’un programme renouvelé qui permettrait de comprendre le Canada pourrait mettre en valeur la nécessité de s’ouvrir à des écoles d’administration publique pour les amener à participer à cette discussion sur le Canada et à les sensibiliser davantage aux importants débats stratégiques qui ont lieu ici et à notre éventuelle contribution sur l’enseignement de la politique mondiale.
Mme Sing : Professeure de littérature, je suis mise quotidiennement devant le fait que nous devons payer pour répandre notre connaissance du Canada. Un aspect de la modernisation du programme Comprendre le Canada serait de mettre nos canadianistes locaux plus en valeur et de soutenir leurs voyages à l’étranger pour les aider à répandre leurs connaissances. Comme je l’ai dit, j’ai dû, au début de ma carrière, financer moi-même mes projets. Aujourd’hui, j’estime que les fonds sont encore plus rares. Un tel programme pourrait insister davantage sur une plus grande réciprocité des échanges entre l’étranger et le Canada.
M. English : Je suis d’accord avec Mme Sing sur ce qu’elle vient de dire et, également, avec M. Nanos. Je pense qu’une sorte de bibliothèque numérique qui rassemblerait des travaux très divers sur ce qui se fait au Canada serait très utile. Une section canadianiste serait très utile à Bibliothèque et Archives Canada. Je ne veux pas imposer plus de responsabilités à ce service, mais il semble l’endroit logique pour le faire et, d’une certaine manière, c’est un élargissement de la responsabilité de bibliothèque de dépôt qu’on lui a confié. Je pense que c’est une contribution très notable au débat et que ça moderniserait et favoriserait davantage la diffusion de l’information sur le Canada.
Le sénateur Woo : Je remercie les témoins.
En m’inspirant de la question de la sénatrice Coyle, je voudrais signaler deux parutions récentes : la première, d’un groupe de canadianistes, intitulée The Construction of Canadian Identity from Abroad, par les professeurs Nimijean et Kirkey d’études canadiennes à l’étranger; l’autre, Canadian Foreign Policy: Reflections on a Field in Transition, une sorte de réflexion sur la situation des études de la politique étrangère canadienne. Le thème que j’ai retenu dans ce livre est la pénibilité de l’état de canadianiste, qui n’est pas particulièrement gratifiant pour une carrière universitaire. Si vous me permettez de le dire comme ça, s’enfermer dans ce rôle focalisé sur la politique étrangère canadienne et enseigner la théorie politique canadienne ou des questions de politique canadienne dans un département de politologie sont souvent pénalisants pour diverses raisons mesquines propres au milieu universitaire, peut-être, je l’ignore, n’étant moi-même pas universitaire.
Se pose alors la question du choix stratégique de la composition d’un programme moderne d’études canadiennes. Plutôt que de tailler un domaine appelé « études canadiennes », serait-il préférable ou pourrions-nous envisager, à la place, d’injecter, dans les disciplines dites traditionnelles, des éléments d’un point de vue canadien de manière à toujours rendre présente une optique canadienne en économie, en histoire, en politologie, en sociologie et ainsi de suite, de manière à également bénéficier de la reconnaissance internationalement et traditionnellement savante et universitaire qui entérine le fait d’être au diapason, si vous me comprenez? Peut-être que M. English voudrait répondre le premier, puis chacun de vous trois ensuite.
M. English : Volontiers. Canadian Foreign Policy: Reflections on a Field in Transition est un livre publié dans une collection dont je suis le codirecteur. Je ne suis pas le codirecteur de ce livre.
L’un des problèmes que vous avez bien reconnus est qu’il est publié par les presses de l’Université de Colombie-Britannique, comme vous le savez peut-être. Je me suis informé sur le nombre d’exemplaires vendus de la collection. L’un des problèmes de l’édition canadienne est qu’il se vend de 300 à 500 exemplaires d’un livre comme celui-là. Publié par les presses des Universités d’Oxford ou de Cambridge ou d’une université américaine, il s’en vendrait de 1 500 à 2 000.
J’ai publié des titres avec des maisons canadiennes et étrangères, et la qualité d’une édition, celle des livres mêmes, me semble, dans la plupart des cas, supérieure à celle des produits étrangers, mais nous ne sommes pas venus à bout de répondre à cette question particulière, très particulière, qui fait partie d’une question plus vaste : comment faire connaître le Canada?
Les résultats ne sont pas à la hauteur des efforts, et vous aurez observé le prix élevé de ces livres, qui s’explique par le faible chiffre des ventes, et ces livres sont tous subventionnés. Ils font partie d’une collection subventionnée en partie par l’Institut C.D. Howe, en partie par le Programme fédéral d’aide aux revues savantes.
M. Béland : Je suis d’accord avec le sénateur Woo. Nous ne devrions pas seulement faire la promotion de l’étude du Canada à l’intérieur des études canadiennes au sens strict. Voilà pourquoi j’ai parlé d’écoles d’administration publique, mais j’aurais pu parler de politologie, d’économie, d’histoire et ainsi de suite. Il faut comprendre la grande importance d’une dimension comparative sur le Canada.
Au début de ma carrière — j’étais alors doctorant —, un professeur, maintenant professeur émérite à l’Université de Toronto, m’a conseillé, si je voulais que les étrangers se soucient du Canada, d’adopter un point de vue comparatif et de leur expliquer pourquoi il importait d’étudier notre pays selon un point de vue mondial. C’est ce que nous devrions faire à la reconduction du programme Comprendre le Canada, lequel permet également de comprendre le monde.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Ravalia : Un gros merci à tous les témoins.
Monsieur English, vous avez fait allusion au rapport de 2019 de notre comité sur la diplomatie culturelle, dans lequel nous disions que les communautés autochtones du Canada étaient essentielles à la diversité canadienne et à l’image distincte de notre pays à l’étranger. Quel rôle ces communautés peuvent-elles et devraient-elles jouer dans le cadre de notre stratégie et, dans un sens plus large, dans quelle mesure elles et les communautés noires ou de couleur ont-elles participé à son élaboration?
M. English : D’abord, je questionnerais Mme Knopf, qui travaille dans ce domaine et qui en aurait plus long à dire sur le sujet.
L’un de mes derniers travaux de recherche a porté sur l’Arctique, et, bien sûr, cette région possède une population autochtone importante, qui a joué un rôle extrêmement important sur le plan international. Elle a conduit à la création du Conseil de l’Arctique. Pendant l’écriture d’un livre sur cette région, j’ai découvert que, paradoxalement, c’était dans les pays scandinaves, notamment — et aux États-Unis, évidemment — que le financement des bourses pour des travaux sur l’Arctique canadien, des travaux simplement généraux, était proportionnellement beaucoup plus généreux que les bourses analogues au Canada. Quelle déception! J’étais tellement impressionné par ce qui avait été réalisé dans les pays scandinaves. À l’époque, ils avaient d’importantes universités dans la région, qui s’intéressaient particulièrement à leurs propres Autochtones et aux questions de l’Arctique, alors que nous n’avions rien. C’était une lacune béante, tant du point de vue universitaire qu’en ce qui concerne les questions autochtones au Canada même.
Mme Knopf est mieux en mesure que moi de vous informer.
Le sénateur Ravalia : Autre chose?
M. English : Elle est partie, je suppose. Elle faisait partie du groupe précédent de témoins.
Le président : Monsieur Béland, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Béland : J’ai bien aimé ce qu’a dit M. English sur l’Arctique. Quand j’étais professeur à l’Université de la Saskatchewan, j’ai remarqué l’excellente organisation des Norvégiens, par exemple, et notre retard considérable dans ce domaine.
De plus, notre institut a un programme d’études canadiennes, mais, également, d’études québécoises et d’études autochtones. J’estime que, de plus en plus, nous devons comprendre que dans la discussion du rôle international du Canada mais également de l’actualité canadienne, le point de vue autochtone est très important, et il faut insister là-dessus. Dans la modernisation du programme Comprendre le Canada, il faudra garder à l’esprit la question de la réconciliation.
Le président : Madame Sing, vous disposez d’une minute pour vos observations.
Mme Sing : Je voudrais seulement ajouter que cette question de réconciliation est capitale. Comme vous le savez, partout au Canada les universités se sont empressées d’embaucher des savants autochtones, mais c’est encore à l’état de chantier. Pour qu’ils aient l’impression qu’ils ont voix au chapitre, il faudra du temps. Je pense que notre insistance sur les questions autochtones permet de leur donner un coup de projecteur, et on sent encore une certaine concurrence, entre eux et nous. J’estime que, si nous gardons à l’esprit l’importance de connaître les points de vue autochtones, parmi de nombreux autres, il semble presque inévitable que ça se produira.
La sénatrice M. Deacon : Je pose la question en commençant par M. English. Bien sûr, je vous remercie pour vos services à ma communauté dans les années 1990. Je suis heureuse de vous revoir. Nous nous servons de votre livre sur l’Arctique dans un autre comité. Il est toujours très agréable de trouver les interconnexions.
Voici. J’essaie de revenir à ce rapport de 2019 sur la diplomatie culturelle, que vous avez évoqué. Le comité y propose que, dans le cadre d’une politique stratégique, le gouvernement établisse des objectifs mesurables. À l’époque, je ne faisais pas encore partie du comité, mais j’éprouve toujours des difficultés à accepter cette recommandation et une certaine envie de la contester, parce que la détermination d’objectifs concrets est toujours délicate, particulièrement sur un sujet aussi particulier et subjectif que la culture. J’aimerais connaître votre avis, aujourd’hui, sur ce à quoi ces objectifs ressembleraient, en ce qui concerne les études canadiennes et sur la façon de nous assurer que, un jour, rétrospectivement, nous pourrons affirmer que nous sommes parvenus au but, que nous avons réussi.
M. English : Merci beaucoup pour vos observations sur mon mandat de député de Kitchener.
En vérité, la dernière session a permis de répondre à beaucoup de ces questions. On a mesuré les conséquences, comme c’est si répandu maintenant dans tout ce que nous faisons. En termes quantitatifs simples, les réponses sont assez évidentes. Beaucoup d’étudiants aux États-Unis, en Europe et en Asie ont été exposés pour la première fois à du contenu canadien. Ils ont peut-être entendu parler du Canada pour la première fois et ils ont été en mesure de suivre jusqu’au bout du niveau d’études supérieures des thèses à ce niveau sur le Canada. D’après le témoignage de Munroe Eagles, c’était extrêmement important et convaincant à cet égard pour un endroit comme Buffalo, qui est si peu éloigné de votre région, sur son impact local. Ç’a fait du Canada un centre d’intérêt. Là-bas, en collaboration avec l’Université Brock, on a travaillé à un diplôme commun canado-américain au niveau de la maîtrise en administration.
Ça peut se mesurer. Les universités ont toujours eu de la difficulté à faire des mesures. On ne peut simplement pas se fonder sur le nombre d’étudiants ou de citations auxquelles telle ou telle recherche donne lieu. Il faut également un jugement qualitatif. Mais sur les deux plans, qualitatif et quantitatif, il me semble que ce programme se soit classé au niveau supérieur dans le passé et que c’est la raison pour laquelle c’est un bon candidat pour être classé de même dans l’avenir.
Mme Sing : Je répéterai ce que M. English vient de dire de Mme Knopf, qui serait bien placée pour y répondre.
Je répondrai à la question en évoquant le nombre de prix. Le Réseau d’études canadiennes distribue six prix à des études sur les questions canadiennes, qui vont du niveau du premier cycle d’études au doctorat — meilleur livre, meilleurs articles produits au niveau universitaire. Le nom des lauréats est proposé au Conseil international d’études canadiennes, qui reçoit toutes sortes de propositions pour différents prix, par exemple le meilleur livre et la meilleure thèse de doctorat en études canadiennes. Chaque année, le nombre de candidatures varie. C’est une indication de la proportion d’intérêt que présentent les questions canadiennes. Si Mme Knopf était ici, elle pourrait comparer l’évolution de ces chiffres depuis quelques années, par exemple. Je sais que dans le Réseau d’études canadiennes, de plus en plus de Canadiens d’origine étrangère publient des thèses, des essais, des livres et des articles sur différentes questions touchant le domaine des études canadiennes.
Le président : Merci.
Le sénateur MacDonald : Je dois avouer mon bonheur d’accueillir ici un professeur de politologie et un professeur d’histoire. J’ai suivi un cours de politologie à distance à Dalhousie sous l’enseignement de professeurs comme J. Murray Beck et P.B. Waite. Ces excellents auteurs également m’ont bien enseigné. C’est, je suppose, ce à quoi je voulais en venir.
Historiquement, notre pays est un miracle géopolitique. Je suis parmi ceux qui sont de plus en plus sceptiques sur le type d’instruction qu’on reçoit aujourd’hui à l’université, dans les sciences sociales. Croyez-vous que les jeunes Canadiens comprennent, savent ou apprécient le caractère unique en son genre de notre riche histoire?
M. Béland : Merci beaucoup pour votre question. De combien de temps est-ce que je dispose?
Le président : Ça dépendra.
M. Béland : Cette flexibilité inattendue me fait grand plaisir.
Le président : J’ai toujours été souple, mais les autres témoins risquent de vouloir intervenir sur une question très importante.
M. Béland : Bien entendu. Oui, je serai bref.
Je dirais que les gens connaissent notre histoire de façon assez inégale. Cela dépend beaucoup de la région d’où ils viennent, car nos systèmes d’éducation sont, bien sûr, provinciaux. J’ai étudié l’histoire au Québec et lorsque j’ai déménagé en Alberta, j’ai appris des choses ou du moins je suis devenu beaucoup plus conscient de choses comme le Programme énergétique national, dont on ne m’avait jamais parlé au Québec, ou très peu. D’un autre côté, les habitants de l’Alberta ne sont pas informés de certaines choses qui sont importantes pour les Québécois ou les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador. Je pense que toute cette mosaïque représente un défi important pour un pays comme le Canada. Bien entendu, nous avons quelques institutions au pays, comme Historica Canada, qui font la promotion d’une compréhension plus globale de l’histoire et des institutions canadiennes, mais d’après mon expérience... J’ai enseigné pendant des années en Alberta et en Saskatchewan, et lorsque j’ai déménagé de Calgary à Saskatoon, j’ai découvert des choses qui n’étaient pas aussi importantes dans les discussions sur l’histoire, même en Alberta, la province voisine. C’est un tout un défi d’assembler les différents éléments pour aider les gens à se faire une idée plus holistique du Canada.
Le président : Sénateur, pouvons-nous entendre la réponse des autres témoins? Il s’agit d’une question très détaillée, et nous allons donc lui accorder un peu plus de temps.
M. English : Eh bien, c’est une question assez approfondie.
Je pense que dans le cadre de ma propre expérience de l’enseignement... J’ai enseigné jusqu’à la pandémie. Les étudiants s’intéressent beaucoup à l’histoire du Canada. Comme vous le savez, Waterloo est une école qui compte de nombreux ingénieurs, et je me suis porté volontaire pour enseigner à des ingénieurs. Ils faisaient partie de mes meilleurs étudiants. IIs se trouvaient généralement parmi les étudiants avec les meilleures notes, et ils voulaient suivre des cours sur l’histoire du Canada. Ils savaient qu’ils allaient travailler au Canada et ils voulaient comprendre l’histoire du pays. Je ne pense donc pas qu’il y ait un manque d’intérêt à cet égard. Il y a clairement un facteur économique en jeu aujourd’hui, comme c’était le cas lorsque j’ai été embauché pour la première fois, dans les années 1970. Il semble qu’on investit plus d’argent dans d’autres domaines. Je ne pense pas que ce soit tout à fait exact, mais les gens ont l’impression qu’on investit davantage d’argent dans les domaines de l’informatique, de l’ingénierie et des sciences et technologies, de sorte qu’il n’y a pas autant d’étudiants qui se spécialisent dans ce domaine, mais il y a beaucoup d’intérêt pour l’histoire.
Si vous entrez dans n’importe quelle librairie, vous trouverez un grand nombre de livres sur des domaines précis de l’histoire du Canada. Il ne fait aucun doute qu’en ce qui concerne les livres, le sujet qui suscite actuellement le plus grand intérêt — regardez seulement la liste des meilleurs vendeurs —, c’est l’histoire autochtone. Nous avons un débat sur notre passé qui a attiré beaucoup d’attention. La guerre est au deuxième rang des sujets d’intérêts les plus populaires. Les gens s’intéressent à la tradition militaire canadienne. Chez Chapters, par exemple, on trouve souvent une section consacrée à l’histoire militaire.
Historica Canada fait du bon travail. J’ai révisé le Dictionnaire biographique du Canada, une publication bilingue. Si vous y jetez un coup d’œil, vous verrez que nous avons publié les 100 biographies les plus populaires en français et les 100 biographies les plus populaires en anglais. Il est très intéressant de voir les différences entre les deux, mais ce qui me surprend, c’est le chevauchement. Récemment, Louis Riel a occupé le premier rang des biographies en français et en anglais, et certaines personnes me surprennent. John Diefenbaker est également en tête de liste des biographies en français et en anglais, mais cela change chaque semaine. Il y a plus de clics, comme vous dites, sur le Dictionnaire biographique du Canada qu’il y a 10 ans. Pour moi, cela signifie que les gens n’utilisent pas nécessairement ChatGPT pour rédiger leurs essais et qu’ils font des recherches et lisent ces documents.
Le président : Madame Sing, avez-vous un commentaire à formuler?
Mme Sing : Mon registre est limité. Je suis d’accord avec M. English lorsqu’il dit qu’il y a un intérêt bien présent pour les thèmes canadiens.
Lorsque j’enseignais au niveau de la maîtrise en études canadiennes dans le domaine de la littérature, l’une de mes étudiantes les plus intéressantes arrivait d’Afrique et elle avait une formation en médecine. Elle pensait que puisqu’elle allait travailler quelque part au Canada, où la population est très diversifiée, elle voulait suivre des cours d’études canadiennes pour en apprendre davantage sur notre histoire en lisant des romans et des essais sur le sujet. Elle pensait que tous les nouveaux immigrants devraient suivre un cours d’études canadiennes afin de mieux s’assimiler — s’assimiler n’est pas le bon mot, je dirais plutôt pour s’intégrer — dans la société canadienne.
J’aimerais réitérer le fait que ce domaine suscite toujours l’intérêt et qu’il y a un grand intérêt pour les questions autochtones et pour l’histoire.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci à nos témoins. Ma question s’adresse à l’ensemble des témoins.
On a compris ici, en écoutant tous les panélistes, que ce sont presque tous qui déplorent le fait qu’on ait fermé le programme Comprendre le Canada. Dans leurs lettres de mandat, la ministre des Affaires étrangères et la ministre du Patrimoine canadien sont chargées de lancer une nouvelle stratégie de diplomatie culturelle. Si vous aviez une seule recommandation à faire par rapport à cette stratégie, quelle serait-elle?
Le président : C’est une bonne question.
M. Béland : Merci beaucoup pour la question. Ma recommandation serait d’expliquer aux gens à l’étranger, partout dans le monde, pourquoi le Canada est un pays qui mérite d’être étudié. Nous avons fait plein de choses dans certains domaines, notamment l’immigration ou les politiques sociales où nous avons des innovations. Il faut essayer de se vendre à l’étranger en expliquant aux gens pourquoi on est intéressant.
Quelqu’un, plus tôt, parlait de modestie; je pense que c’est la sénatrice Boniface qui parlait de modestie. Il faut être modeste, mais en même temps il ne faut pas avoir peur de dire aux gens qu’au Canada, on fait des choses intéressantes. On fait des erreurs aussi. En étudiant notre histoire, nos institutions politiques et nos politiques publiques, on peut apprendre sur le Canada et tirer des leçons utiles pour l’action publique et pour la démocratie ailleurs dans le monde.
M. English : Merci pour cette bonne question.
[Traduction]
Pour revenir au commentaire de Nik Nanos, compte tenu du contexte dans lequel vous placez la question et la responsabilité partagée de Patrimoine canadien et d’Affaires mondiales — et vous avez demandé une recommandation —, je pense que la première chose à faire serait de numériser les nombreux travaux dans le domaine des études canadiennes dont nous avons entendu parler ici pour mettre sur pied une base numérique qui serait accessible par l’entremise de Bibliothèque et Archives Canada et de la Bibliothèque. C’est la première chose que je ferais.
Le président : Je vous remercie.
Mme Sing : Je crains de n’avoir aucune solution à proposer. Je conviens qu’il serait très utile d’offrir l’accès à du matériel d’archives, mais même au point où nous en sommes, ce n’est pas le contenu qui fait défaut.
[Français]
Il s’agit plutôt d’unifier toute la diversité en une approche abordable. Je ne sais pas comment le faire. Ce que j’avais dit aux collègues associés à l’Institut d’études canadiennes, c’est que pour réussir à promouvoir les études canadiennes, il faut montrer qu’on est sexy pour que cela attire les étudiants. Comment le faire? Je ne sais pas. Il faut moderniser le programme, mais je ne sais pas comment le faire. Nous sommes déjà sur une bonne piste, mais il faut en faire davantage. Puisqu’on est tellement complexe et diversifié, je ne sais pas comment trouver une seule veine. Il faut continuer à mettre l’accent sur la diversité, la complexité en soulignant le nombre de questions qu’il faut aborder pour commencer à comprendre le Canada. Voilà.
Le président : Merci.
[Traduction]
J’aimerais faire un commentaire et poser ensuite une question à nos témoins.
Il y a longtemps, j’étais étudiant, comme nous l’avons tous été. J’étais à l’Université d’Édimbourg pour préparer mon doctorat. J’avais un bureau. Comme j’étais aide-enseignant dans un cours d’études canadiennes, j’avais un bureau au centre d’études canadiennes, comme on l’appelait. Il se trouvait dans une vieille maison du XVIIe siècle dans George Square. Il y avait un professeur invité du Canada. À l’époque, il s’agissait d’Ernest Weeks, de l’Île-du-Prince-Édouard, qui avait été un haut fonctionnaire et le premier président de l’Office canadien du poisson salé. Nous avions un écrivain en résidence, Graeme Gibson, qui était venu avec son épouse, Margaret Atwood. Il a été suivi par le poète Dennis Lee. Nous avons passé du temps tous ensemble et c’était formidable. Les étudiants étaient très enthousiastes. Il s’agissait d’un cours de deuxième année en études canadiennes. J’étais aide-enseignant dans ce cours pendant que je préparais ma thèse. De temps en temps, le haut-commissaire venait de Londres. C’était Paul Martin, père, à l’époque, et vous pouvez donc imaginer à quand remontent ces événements.
Voici donc ma question aux témoins d’aujourd’hui. En ce qui concerne le retour de programmes comme Comprendre le Canada, serait-il judicieux de mettre sur pied, dans les universités à l’étranger, une unité conventionnelle ou une approche dans laquelle il y aurait un centre d’études canadiennes où nous offririons des incitatifs aux écrivains et aux professeurs canadiens afin d’attirer les étudiants? Tous ces étudiants — dont un grand nombre sont encore en communication avec moi — sont devenus de mini-ambassadeurs du Canada dans tout ce qu’ils font. Bien entendu, il existe un lien spécial entre l’Écosse et le Canada. Quoi qu’il en soit, j’aimerais beaucoup entendre vos commentaires. Nous pourrions d’abord entendre M. English.
M. English : Bien sûr. C’est une réflexion très intéressante. Je sais à quel point cette expérience vous a influencé, monsieur le président.
Je pense que vous avez raison. Lorsqu’un centre est mis sur pied, notamment autour d’une personne, même un professeur invité — ce qui est vrai pour plusieurs universités où le titulaire de la chaire est Canadien —, cela renforce le genre d’expérience vécue aux universités, ce qui est vraiment très précieux. Nous savons tous d’après notre propre expérience universitaire que ce qui se produit à l’extérieur des salles de classe — au café, au bar —, à ce genre de rassemblements, est peut-être ce qui nous marque le plus longtemps.
Votre description de ce qui s’est fait à Édimbourg cadre avec ce qui s’est vu à beaucoup d’autres endroits. En Allemagne, beaucoup de mes amis se sont rendus à Berlin et ont noué des relations durables avec le pays compte tenu de leur expérience là-bas. D’autres se sont rendus au Japon, ce qui les a marqués à jamais en plus d’influencer de manière permanente leur perception de l’expérience canadienne, car, comme M. Béland l’a dit, les études canadiennes sont florissantes lorsque c’est dans un contexte comparatif, et nous sommes souvent exclus.
Dans un article paru hier — je pense que c’était dans le New York Times —, on a tenté de classer les États-Unis en ce qui a trait à la pandémie. On les comparait au Japon et à divers autres pays, mais pas au Canada, ce qui est étonnant puisque nous sommes voisins et que nous partageons une longue frontière. Mais il arrive souvent que nous soyons exclus. Comme vous l’avez dit, monsieur le président, nous n’avons pas assez d’ambassadeurs qui passent le mot ou qui achètent des livres sur le Canada dans des librairies en Allemagne ou au Canada. Nous devons changer la perception que les gens ont de nous.
Je reviens tout juste d’Europe. J’étais en Pologne où j’ai discuté avec des parents polonais de ma femme. Le Canada est méconnu. C’est loin, malgré le fait que nous ayons des parents polono-canadiens, car il n’y a rien sur le Canada dans les médias polonais. Je vous accorde qu’il y a d’autres préoccupations en ce moment.
Vous êtes mieux placé pour en parler que moi, mais je me suis d’abord rendu en Allemagne dans le cadre d’un échange, pas en tant qu’étudiant, mais plutôt en tant que travailleur. Dans les années 1960, l’Allemagne manquait de travailleurs, et je me suis bêtement porté volontaire. J’ai travaillé deux mois et demi dans une aciérie. La première question qu’on m’a posée là-bas, c’était : « Ton père est-il holzfäller, bûcheron? » Je lui ai répondu que non. Leur perception du Canada reposait vraiment dans certains cas sur l’idée qu’ils se faisaient du Far West américain, sur les romans très populaires de Karl May.
Malheureusement, malgré tout le très bon travail qui est fait, l’avantage que présente quelque chose comme le British Council, l’Alliance française, l’Institut Goethe et ainsi de suite est considérable. Il faut des centres reconnus — l’Université Duke en avait un qui faisait un excellent travail. Munroe Eagles a parlé de Buffalo. En vous concentrant sur certains centres, vous pourrez donner à des Canadiens à l’étranger et aux gens au pays une expérience très enrichissante par rapport à ce que nous savons sur nous et à ce que les autres savent de nous.
Le président : Monsieur Béland, avez-vous une brève observation?
M. Béland : Oui.
Comme vous le savez, il y a un lien spécial entre McGill et l’Écosse, et j’ai aussi publié un livre à l’Oxford University Press qui compare l’Écosse au Québec et à la Frandre. Je suis souvent rendu en Écosse, et je dois dire que, encore une fois, la comparaison est utile ici.
Vous avez raison. Il est essentiel d’avoir concrètement des centres. Par exemple, à notre institut, nous avons collaboré. L’Université de la Californie à Berkeley a un programme d’études canadiennes, tout comme SUNY Plattsburgh et l’Université d’État de Bridgewater. À titre d’exemple, nous avons un cycle de conférences en études canadiennes avec Plattsburgh et Bridgewater. Un professeur de McGill se rend à ces deux universités pour donner une conférence, et l’année suivante, un professeur de ces universités vient à McGill et à l’autre institution.
Nous avons besoin d’institutions et d’activités annuelles concrètes, et il faut effectivement avoir pignon sur rue. Nous avons besoin de centres auxquels les gens peuvent se rendre. Pour ce qui est des bourses, nous avons aussi des gens du programme Fulbright qui nous rendent visite, des Américains qui viennent et passent du temps à l’Institut d’études canadiennes de McGill. Il faut que ce soit très concret. Ce qu’il faut, ce n’est pas une activité ponctuelle, comme l’organisation d’une conférence après laquelle c’est fini. Il faut en tenir une tous les ans ou avoir un centre permanent, et il faut collaborer avec d’autres centres.
[Français]
La sénatrice Gerba : Je voulais juste revenir sur ce que M. English vient de dire à propos de la création des centres; de façon pratique, pouvez-vous donner une direction, par exemple en ce qui concerne la création d’une nouvelle mouture du programme Comprendre le Canada?
Qu’est-ce que cela rapporte d’avoir un centre comme l’Alliance française? Les Italiens offrent des bourses pour étudier la langue italienne, par exemple en Afrique, si un étudiant veut aller étudier en Italie. Est-ce qu’il y a une façon de convaincre les gens, à l’aide d’incitatifs financiers, qu’il s’agit là d’une approche rentable pour le gouvernement?
M. English : C’est très compliqué.
[Traduction]
De toute évidence, c’est une chose qu’Affaires mondiales et Patrimoine canadien devraient essayer de démêler. Je me suis souvent demandé pourquoi nous ne le faisons pas — nous avons le conseil du Canada, mais le British Council est très différent. L’Alliance française, le British Council et probablement aussi l’Institut Goethe obtiennent une grande partie de leur financement grâce à la formation langagière.
[Français]
Le Canada est bilingue, visiblement; peut-être que c’est là une possibilité, mais je ne sais pas.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Je remercie nos témoins de s’être joints à nous aujourd’hui. Nous avons eu une discussion très riche.
Chers collègues, je vous demande encore une fois d’examiner les mémoires que nous avons reçus, et nous accueillerons le 10 mai les témoins de Patrimoine canadien et d’Affaires mondiales Canada pour donner suite à notre discussion. Vous voudrez peut-être commencer à réfléchir aux questions que vous aimeriez poser. On a souvent mentionné ces ministères dans nos échanges aujourd’hui.
Je remercie les témoins de leurs observations. Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. À moins qu’il y ait autre chose — cela ne semble pas être le cas —, la séance est levée.
(La séance est levée.)