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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 18 septembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général.

Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Bienvenue, chers collègues. J’espère que vous avez tous passé un été reposant; maintenant, nous nous remettons au travail.

[Traduction]

Avant de commencer, je demanderais à tous les sénateurs et autres participants en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés aux retours de son. Veuillez tenir votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Merci à tous pour votre coopération.

[Français]

J’inviterais maintenant les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.

Le sénateur Housakos : Leo Housakos, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Al Zaibak : Mohammad Al Zaibak, Ontario.

Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Robinson : Mary Robinson, Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, Ontario.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, Ontario.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Antigonish, Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, Colombie-Britannique.

Le président : Merci à tous, et bienvenue à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent, partout au pays.

Dans le cadre de notre ordre de renvoi général, nous nous réunissons aujourd’hui pour poursuivre notre discussion sur la situation humanitaire à Gaza. Pour notre premier groupe de témoins, nous avons le grand plaisir d’accueillir par vidéoconférence Lucia Elmi, directrice des programmes d’urgence de l’UNICEF, en direct de New York. Vous avez déjà comparu devant le comité; merci de nous revenir aujourd’hui. Du Programme alimentaire mondial, depuis Rome, nous avons Rania Dagash-Kamara, directrice exécutive adjointe pour les partenariats et l’innovation, et d’Aide à l’enfance Canada, nous accueillons à nouveau deux témoins que nous avions entendus en novembre dernier, soit de Toronto, Dalia Al-Awqati, responsable des affaires humanitaires, et ici dans la salle avec nous, Patrick Robitaille, conseiller principal, défense des politiques et relations gouvernementales.

Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation. Nous sommes particulièrement reconnaissants à Mme Dagash-Kamara, étant donné l’heure très tardive à Rome. Merci de votre participation.

Nous sommes maintenant prêts pour vos remarques préliminaires. Chaque témoin disposera de cinq minutes. Ce sera suivi d’une période de questions des sénateurs. Commençons par le témoin le plus éloigné de nous, soit Rania Dagash-Kamara, directrice exécutive adjointe pour les partenariats et l’innovation, à Rome.

Rania Dagash-Kamara, directrice exécutive adjointe pour les partenariats et l’innovation, Programme alimentaire mondial : Monsieur le président, honorables sénateurs et sénatrices, merci et bon après-midi. Je suis ravie de me joindre à vous. Je salue également Mme Elmi et mes collègues d’Aide à l’enfance Canada.

Honorables sénateurs, depuis notre dernière comparution en novembre 2023, la situation à Gaza s’est gravement détériorée.

Personne ne l’ignore, il n’existe pas aujourd’hui de zone humanitaire « sûre » à Gaza. Aucune zone n’est réellement sûre. De nombreuses vies ont été perdues, non seulement dans la population palestinienne, mais aussi au sein de la communauté humanitaire. Nous demeurons confrontés à des menaces et nous sommes constamment visés par des ordres d’évacuation; je reviendrai plus tard sur les conséquences de ces ordres d’évacuation.

Le personnel humanitaire de terrain est quotidiennement confronté à des incidents de sécurité, et ce, à des niveaux jamais vus auparavant, des niveaux vraiment sans précédent.

Uniquement en août, 16 ordres d’évacuation ont été donnés, qui ont entraîné le déplacement de près d’un quart de million d’individus. Concrètement, 88 % de la bande de Gaza est l’objet d’un ordre d’évacuation.

Pour le Programme alimentaire mondial, ou PAM, cela signifie qu’en août nous avons été incapables d’atteindre 50 % de notre objectif. Nous n’avons pu rejoindre que 700 000 personnes. Les ordres d’évacuation ont eu pour effet de perturber grandement nos points de distribution, et causé la fermeture des cuisines communautaires présentes dans les zones visées. Trois des entrepôts du PAM qui se trouvent à l’intérieur de ces zones d’évacuation sont aujourd’hui inaccessibles.

Ces livraisons ratées sont alarmantes, surtout au vu du nombre croissant de personnes qui sont confrontées à la famine et à la malnutrition à Gaza.

Le PAM, et l’ONU plus généralement, demeurent les cibles d’incidents de sécurité inacceptables qui exercent une immense pression sur notre personnel. Nous avons réduit nos effectifs à Gaza au moment même où notre présence est la plus essentielle. Notre personnel est constamment soumis à une intense pression, il fait face à des tendances excessivement dangereuses et à une agression inacceptable.

Honorables sénateurs, pendant que la situation se dégrade continuellement, nous continuons de réagir de notre mieux. Nous continuons de trouver des solutions créatives pour rejoindre le peuple palestinien. Depuis le début du conflit, nous avons distribué à quelque 1,1 million de personnes par mois une aide alimentaire dans les abris et les communautés. Nous avons également distribué du pain, des conserves de thon et des barres aux dattes fortifiées aux personnes et aux familles réfugiées dans les abris.

Mais pour le cycle de distribution de septembre, nous distribuons des rations prêtes à manger aux ménages dans les gouvernorats du sud et du centre. La diminution des livraisons a incontestablement causé une pénurie d’approvisionnement pour le sud en août, uniquement durant la première semaine de septembre, nous avons fourni une assistance alimentaire générale et des transferts d’espèces à plus de 224 000 personnes vulnérables à Gaza et en Cisjordanie.

Comme je viens de l’expliquer, notre aide pour répondre aux besoins extrêmes sur le terrain prend différentes formes. En plus de fournir des colis d’aliments, les cuisines soutenues par le PAM dans le Nord de Gaza offrent maintenant des repas chauds avec légumes frais, peut-être les premiers repas du gendre depuis le mois dernier.

Les boulangeries appuyées par le PAM produisent plus de 800 000 paquets de pain, et je suis heureuse de vous annoncer que la première boulangerie de Khan Younis a démarré ses activités le 21 août, ce qui porte à 14 le nombre total de boulangeries soutenues par le PAM.

Maintenant, en réponse aux besoins créés par les opérations militaires en Cisjordanie, le PAM a commencé à effectuer des transferts d’espèces à plus de 5 000 ménages à Jenin, à Tulkarem et à Tubas, et nous travaillons de concert avec l’UNRWA et le ministère palestinien du Développement social. Jusqu’à maintenant, plus de 55 % des personnes ayant reçu ces transferts ont réussi à les échanger.

Une nouvelle ronde d’aides financières à usage multiple dans la bande de Gaza a profité à 1 400 familles, parfois par transfert électronique, parfois en argent comptant, mais globalement, les 1,1 million de personnes maintenant inscrites grâce à l’outil d’auto-enregistrement du PAM commencent à recevoir cette aide.

Plus généralement, le PAM dirige également un groupe de la logistique qui appuie l’ensemble de la communauté humanitaire. Nous continuons d’inciter et d’aider nos agences sœurs et nos partenaires à déplacer environ 2 500 tonnes métriques de marchandises, et nous avons facilité la traversée du corridor jordanien par plus de 93 convois interagences. La quantité de marchandises acheminées depuis Erez vers nos partenaires dépasse les 2 600 tonnes. C’est beaucoup de détails, vous m’excuserez….

Le président : Désolé de vous interrompre, madame Dagash-Kamara. Je vous ai déjà accordé une minute de plus. Je sais que vous avez encore beaucoup de choses à dire. Nous avons en main le texte de votre déclaration. Avec votre permission, nous pourrions le faire traduire en français, puisque nous travaillons dans les deux langues, et le distribuer aux membres du comité. Je crois qu’un bon nombre des points que vous alliez soulever seront probablement abordés durant la période de questions. Je suis désolé, mais notre horaire est un peu serré.

Nous passerons maintenant à madame Lucia Elmi, directrice des programmes d’urgence de l’UNICEF, depuis New York. Vous avez la parole.

Lucia Elmi, directrice des programmes d’urgence, UNICEF : Chers collègues et distingués membres du comité, je vous remercie et je vous souhaite un bon après-midi. Je vous remercie de cette nouvelle invitation. Lors de ma dernière comparution, j’étais la représentante spéciale à Jérusalem. Depuis, j’ai déménagé ici, mais l’équipe demeure présente sur le terrain avec les autres collègues de la communauté humanitaire.

Nous disons souvent qu’à Gaza, la population n’a plus aucun endroit à aller, et c’est encore plus vrai pour les enfants. Au moins 90 % de la population a été déplacée de force, souvent à plusieurs reprises. La moitié de ces personnes eux sont des enfants.

Les 18 mois de guerre ont anéanti les services sociaux de base comme l’électricité et l’eau courante. Les ordures s’entassent. Les rues sont jonchées d’eaux d’égout et de quantités inconnues de munitions non explosées, ou de débris de guerre explosifs.

Et pourtant les enfants, comme ils le font partout dans le monde, continuent d’avoir les mêmes rêves et les mêmes besoins : aller à l’école, se sentir en sécurité, jouer avec leurs amis, avoir les mêmes droits. Depuis des mois, l’eau est extrêmement rare. Les enfants boivent de l’eau provenant de sources insalubres, et les parents n’ont pas les moyens d’assurer la propreté de leurs enfants. Pour cette raison, les poux, la gale et la diarrhée sont monnaie courante. Les effarantes révélations que le Conseil de sécurité recueille chaque année nous apprennent notamment que les écoles et les hôpitaux sont les cibles d’attaques à répétition.

Pour une deuxième année consécutive, plus de 645 000 élèves sont privés d’école. Les enfants qui ne vont plus à l’école cherchent avec leur famille à s’abriter dans les écoles, qui sont régulièrement attaquées au prix de nombreuses victimes civiles.

Des milliers d’enfants ont été tués, mutilés et amputés; pour certains d’entre eux, leur petit corps a subi plusieurs mutilations et ils demeureront handicapés à vie.

Plus de 17 000 enfants demeurent non accompagnés et séparés de leur famille. Les 11 derniers mois ont montré qu’il n’y a aucun endroit sûr, pas même les soi-disant zones humanitaires sûres. Nous assistons à un mépris total du droit humanitaire, y compris à des attaques contre les travailleurs humanitaires, contre les véhicules où ils prennent place, contre les lignes d’approvisionnement et contre les entrepôts.

Malheureusement, la polio est réapparue à Gaza après de nombreuses années. Au coût de multiples efforts et grâce à l’aide et au courage de nos collègues sur le terrain, nous avons réussi, avec l’OMS, l’UNRWA et l’UNICEF, à mener à terme la première des trois phases de la campagne antipolio, et ainsi à rejoindre près de 559 000 enfants de moins de 10 ans. C’est un résultat sans précédent. L’opération a été possible grâce à des pauses tactiques dans différentes zones, ce qui montre qu’il est possible de rejoindre les enfants lorsqu’il y a une volonté politique et un effort concerté de toutes les parties au conflit. Cependant, l’aide qui entre demeure insuffisante. En volume quotidien, la quantité d’aide qui entre à Gaza a chuté de 59 % depuis avril, et la quantité d’avril était nettement insuffisante, comme l’a signalé ma collègue du PAM.

Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter une aggravation de la crise humanitaire. Malgré une foule de défis et de goulets d’étranglement, nous continuons, dans la mesure du possible, à fournir un soutien récréatif, psychosocial et de santé mentale à près de 250 000 enfants dans de nombreuses communautés. Nous avons également effectué des transferts d’espèces humanitaires à 750 000 personnes, distribué des fournitures médicales à 250 000 personnes ainsi que de l’eau potable et des services d’assainissement à entre 1 et 1,5 million de personnes chaque jour. Mais ça ne suffit pas. Les enfants de Gaza ont besoin de paix maintenant.

L’insécurité alimentaire, la pauvreté alimentaire et la malnutrition continuent de menacer la vie des enfants, mais aussi des femmes et des femmes enceintes. Plus de 96 % de la population gazaouie subit des niveaux élevés d’insécurité alimentaire, et 50 000 enfants risquent de souffrir de malnutrition aiguë sévère. Les enfants ont également besoin d’une aide qui soit prévisible dans son volume et son échelle. Tous les points de passage possibles doivent continuer d’être ouverts et maintenus ouverts.

En bout de piste, les enfants de la région ont besoin que la guerre prenne fin. Nous continuons d’appeler toutes les parties en jeu, et celles qui les influencent, à prioriser un cessez-le-feu humanitaire immédiat et durable, la fin des hostilités et le retour des otages.

Nous continuons à fournir de l’information sur la situation des enfants, aussi bien à Gaza qu’en Cisjordanie, et nous comptons vraiment sur votre plaidoyer, car il faut continuer de tabler sur tous les efforts possibles pour ramener la paix dans la région. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à Aide à l’enfance Canada. Nous avons deux témoins, qui vont je crois partager leur temps de parole, mais j’ignore qui va commencer. Nous allons donc commencer par madame Dalia Al-Awqati, qui sera suivie de monsieur Patrick Robitaille. Allez-y, s’il vous plaît.

Dalia Al-Awqati, responsable des affaires humanitaires, Aide à l’enfance Canada : Merci de nous avoir réinvités.

Notre dernière comparution devant le comité sénatorial remonte à environ neuf mois, une période suffisante pour concevoir et mener à terme un enfant. Et pourtant, à Gaza, nous voyons plus de morts que de vies.

Deux semaines après notre comparution, une frappe aérienne israélienne visant la maison familiale de notre collègue Sameh l’a tué, ainsi que sa femme Fatima et leurs quatre enfants, Mohammad, Heba, Zeina et Zein. De nombreux autres membres de la famille de Sameh ont péri durant cette nuit.

Les armes explosives frappent sans discrimination, et les enfants sont sept fois plus susceptibles d’être tués par les explosions que les adultes.

Aujourd’hui, la situation à Gaza a considérablement empiré par rapport à la catastrophe que nous avons décrite en novembre. En raison d’une obstruction systématique de l’aide, le siège israélien bloque 83 % de l’aide alimentaire arrivant à Gaza. Le ciblage des écoles a endommagé ou détruit 70 % d’entre elles, soit plus que le nombre d’écoles à Ottawa. Il y a d’innombrables attaques contre les installations sanitaires et les refuges pour personnes déplacées; toutes les lignes rouges ont été franchies.

En 11 mois, des milliers d’enfants ont été mutilés et près de 21 000 sont portés disparus. Ils sont sous les décombres, ils sont enterrés dans des tombes anonymes ou ils sont détenus par Israël. Les conditions de santé mentale des enfants et des personnes qui s’occupent d’eux sont abominables. Gaza compte à peu près le même nombre d’enfants que les villes de Calgary, Montréal et Toronto réunies. Et 80 % des enfants de Gaza souffraient de détresse mentale avant le début de cette guerre.

L’aide humanitaire fait l’objet d’un déni et d’une obstruction à ce point systémiques que nos travailleurs sanitaires en sont réduits à utiliser des techniques de respiration et l’équivalent du Tylenol pour traiter les enfants amputés et les patients brûlés. À Gaza, 10 enfants perdent un membre ou plus chaque jour.

Je citerai ici Dr Jamal Imam, de notre équipe de santé :

Imaginez que vous êtes un chirurgien face à un patient dont les membres ont été arrachés et qui saigne abondamment, et qu’on attend de vous que vous lui sauviez la vie tout en ayant les mains attachées dans le dos et les yeux bandés.

Aide à l’enfance Canada intervient dans les plus grandes crises humanitaires du monde, mais laissez-moi vous dire en quoi la situation à Gaza est différente.

La quasi-totalité de la population a été déplacée, et les soi‑disant ordres d’évacuation émis contre une population assiégée perdurent. Plus de 14 100 enfants gazaouis ont été tués, et près de 1,1 million ont été affamés à un rythme jamais vu dans le monde. Les enfants palestiniens sont les seuls au monde à être systématiquement poursuivis devant des tribunaux militaires. Durant leur détention, les enfants sont victimes de violence, de mauvais traitements et d’autres pratiques qui pourraient s’apparenter à de la torture. Pire encore, les pays qui ont le pouvoir et l’influence nécessaires pour ralentir ou stopper l’horreur ne prennent pas de mesures adéquates pour contrer l’escalade des hostilités contre les populations vulnérables.

Avant de passer la parole à mon collègue, je vous rappelle que les conditions incroyablement cruelles auxquelles les enfants palestiniens survivent, que les morts évitables dont ils sont victimes et que les graves violations auxquelles ils sont soumis dans cette guerre sont également le résultat de 17 années de blocus et de plusieurs décennies d’occupation.

Le président : Merci.

Monsieur Robitaille, vous avez environ deux minutes.

Patrick Robitaille, conseiller principal, Défense des politiques et relations gouvernementales, Aide à l’enfance Canada : Depuis notre dernière rencontre, la position du Canada sur le cessez-le-feu a évolué et le gouvernement a récemment révoqué certains permis d’exportation d’armes. Aide à l’enfance Canada a salué ces changements, mais au vu de la situation qui vous est décrite aujourd’hui, on doit se poser la question suivante : le Canada en fait-il assez pour les enfants de Gaza?

Pour nous, la réponse est non. Non, nous ne faisons pas tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à la violence ou éviter la complicité.

Honorables sénateurs, vous avez le privilège de l’indépendance et d’être au-dessus de la politique partisane, et de montrer votre indignation. Une fois de plus, nous vous demandons d’intensifier vos pressions sur le gouvernement. Tout d’abord, pour éviter que le Canada soit complice et alimente une guerre qui perdure malgré notre appel au cessez-le-feu. Cela implique l’imposition d’un embargo sur les armes, la révocation de tous les permis d’exportation. Cela implique l’interruption de tout transfert d’armes et de composants d’armes vers Israël, y compris par l’intermédiaire de pays comme les États-Unis.

Deuxièmement, recourez à toutes les mesures diplomatiques à votre disposition pour encourager nos alliés à faire de même. Nous avons la responsabilité de mettre fin aux horreurs, et ce, en application du système de justice international, pour faire en sorte que les politiques canadiennes soient liées au respect de ces lois et des droits de l’enfance.

Il est dans l’intérêt à long terme du Canada que les droits et les lois soient les mêmes pour tous les individus. Nous le devons non seulement à la famille de Sameh, mais aussi aux enfants du monde entier. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup.

[Français]

Nous passons maintenant à la période des questions. J’aimerais préciser aux sénateurs qu’ils disposent chacun d’un maximum de quatre minutes pour la première ronde, y compris la question et la réponse.

[Traduction]

Je vous demanderais d’être très concis dans la formulation de vos questions, pour laisser à nos témoins un maximum de temps pour répondre.

Comme d’habitude, le premier vu sera le premier servi dans la période de questions. J’ai déjà six sénateurs sur ma liste. Nous commencerons par le sénateur Ravalia, suivi de la sénatrice Deacon.

Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup à tous nos témoins d’aujourd’hui.

Monsieur Robitaille, je commencerai par vous. Dans quelle mesure le Canada peut-il mieux travailler avec la communauté internationale pour assurer davantage la sécurité des corridors humanitaires à Gaza? Y a-t-il des partenaires avec lesquels nous travaillons en particulier? Par ailleurs, je pense que nous sommes tous alarmés par la hausse des taux de malnutrition, les épidémies de polio et les risques accrus de maladies évitables par la vaccination. Je pense que tous ceux d’entre nous qui ont un semblant de compassion pour les femmes et les enfants palestiniens innocents qui sont victimes d’une guerre tragique touchant à la fois les Israéliens et les Palestiniens doivent se poser la question : que faisons-nous maintenant?

Enfin, avons-nous des informations sur l’état de santé des otages israéliens?

M. Robitaille : Je vous remercie. Je laisserai répondre Mme Al-Awqati, qui s’occupe davantage du volet opérationnel des questions relatives au corridor.

Mme Al-Awqati : Effectivement. Nous travaillons — en fait, le gouvernement du Canada travaille manifestement avec différents pays, d’après nos conversations avec eux, pour accroître et améliorer l’accès humanitaire. Mais en réalité, la pression diplomatique doit s’exercer partout, et les blocages d’aide que nous observons et le non-respect du système de notification humanitaire sont en grande partie le fait d’Israël. Dans les faits, Israël est responsable des frontières terrestres, maritimes et aériennes de Gaza et il lui incombe donc, en vertu du droit humanitaire international, de veiller à ce que la population civile ne soit pas touchée — en fait, que les objets essentiels à la survie des civils soient préservés dans cette guerre.

Ce que nous avons recherché et ce que nous recherchons toujours, c’est une intensification des pressions. Encore une fois, avec l’utilisation de toutes les mesures diplomatiques, comme nous l’avons dit, nous intervenons partout dans le monde dans de multiples crises et nous avons observé de meilleurs niveaux de succès dans d’autres endroits.

Nous avons bon espoir que le Canada continue de montrer la voie là où il l’a déjà fait pour ce qui est d’accroître l’aide humanitaire et d’accroître le financement de l’aide humanitaire, mais aussi d’accroître l’accès et la disponibilité de l’aide humanitaire sur le terrain. Voilà qui répond à la première question.

En ce qui concerne l’état de santé des enfants israéliens détenus à Gaza, nous ne disposons malheureusement pas de ces informations. Elles ne sont pas accessibles au public et n’ont pas été communiquées par le gouvernement israélien ni par les parties belligérantes à Gaza. Je tiens à préciser que la détention illégale d’enfants constitue une grave violation de leurs droits, et que tous les enfants devraient être libérés.

Le sénateur Ravalia : Ma deuxième question portait sur la polio et les autres maladies évitables. Est-ce qu’il y a un mécanisme pour en faire le suivi? Que fait-on pour veiller à ce que l’ensemble de la population soit vaccinée?

Mme Elmi : On a malheureusement détecté des cas de polio, les premiers depuis 35 ans. En collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé, l’UNWRA et l’UNICEF, nous avons lancé une campagne massive qui a atteint 90 % de son objectif. C’était la première phase de l’opération. Dans les prochaines semaines, nous entamerons la deuxième phase pour élargir le niveau de protection, mais bien entendu ce n’est pas suffisant. D’ici à ce que les enfants et les communautés aient accès à l’eau, aux équipements sanitaires, aux médicaments, aux soins de santé et aux centres de santé, ce ne sera qu’un pansement temporaire sur une situation qui s’aggrave constamment. De plus, la population est très exposée à des facteurs de vulnérabilité tels que la saison des pluies et les inondations. La région de Gaza a toujours été sujette aux inondations. Et la vulnérabilité ne fera que s’aggraver avec l’arrivée de l’hiver. On ne peut qu’imaginer les conditions d’hygiène auxquelles seront exposés ces enfants et ces communautés qui vivent dans des tentes et des abris temporaires, et qui doivent se déplacer fréquemment en raison des ordres d’évacuation régulièrement émis.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice M. Deacon : Merci à tous les témoins présents aujourd’hui. Vos propos nous donnent certainement à réfléchir, mais ce sont là des informations importantes pour nous.

Je voudrais revenir sur la question de la vaccination, si vous le voulez bien. Le fait qu’une campagne de vaccinations antipolio ait eu lieu au début du mois est une bonne nouvelle qui donne place à l’espoir.

En tenant compte des infrastructures, des routes, des communications et des équipements sanitaires, pouvez-vous nous dire brièvement comment ce miracle a pu se produire et quelles sont les leçons ou les meilleures pratiques que les autres organisations humanitaires pourraient en tirer, alors que le conflit s’éternise? Madame Elmi, j’adresse la question à vous.

Mme Elmi : D’accord, je vous remercie. Tout d’abord, il existe tout un réseau de vaccinateurs qui ont été régulièrement formés tout au long de…

Avant la guerre, les enfants de Cisjordanie et de Gaza présentaient un taux de vaccination très élevé ou relativement élevé. Les vaccinations de routine étaient très élevées, car la communauté ne manquait jamais d’être vaccinée. Il existe toujours un réseau de travailleurs sanitaires dûment formés. Nous donnons aussi de la formation d’appoint, et les travailleurs sanitaires représentent le seul service qui continue d’exister. Cette tradition s’est maintenue.

La campagne de vaccination a constitué une opération logistique de grande envergure menée par trois grandes agences onusiennes, avec le soutien de centres de santé situés dans trois zones différentes de la bande de Gaza. Les vaccinateurs ont commencé par le sud, puis ils se sont déplacés vers le centre, et enfin vers le nord. Le tout a demandé beaucoup de planification et de négociation. Il y avait des centres de vaccination dans les petits centres de distribution aussi bien que dans les centres de santé primaires, ou dans de nombreux endroits différents. Il y avait aussi des équipes volantes dont les membres risquaient leur vie pour aller dans différentes zones.

Pour nous, ce qui importait, c’était la planification et la volonté de nous permettre d’avoir les fournitures essentielles au bon moment. L’opération a pu se faire grâce à de nombreuses négociations, et comme je disais, une volonté politique est essentielle.

La sénatrice M. Deacon : Je m’adresse à l’un ou l’autre des témoins d’Aide à l’enfance Canada. Considérant l’état de santé des enfants palestiniens qui ont besoin de soins médicaux supplémentaires, comme partout ailleurs, les enfants peuvent être diabétiques, avoir besoin d’insuline, de dialyse ou d’autres interventions de routine : ces procédures ont-elles essentiellement pris fin? Pouvez-vous nous renseigner à ce sujet?

Mme Al-Awqati : La majorité des procédures non urgentes ont été perturbées, en grande partie à cause de la destruction des centres de soins et des hôpitaux où les dialyses auraient eu lieu.

Les constants déplacements de population perturbent les processus et les traitements. Nous savons que cette situation accroît les risques d’insuffisance rénale pour les patients pédiatriques et adultes qui souffrent de cancer ou ont besoin de dialyses rénales. La quantité d’insuline disponible pour traiter le diabète est limitée, voire inexistante. Et face à la demande croissante, nos collègues qui travaillent dans nos centres de santé nous disent que plus de 25 % des personnes qui viennent en consultation se présentent pour des problèmes encore plus simples, comme des maladies de la peau.

La réalité, c’est que nous ne sommes pas en mesure d’acheminer les fournitures assez rapidement ou sans entraves pour pouvoir traiter même les cas les plus bénins.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Le président : Le sénateur MacDonald de la Nouvelle-Écosse s’est joint à nous après les présentations. Il a la prochaine question.

Le sénateur MacDonald : Je remercie les témoins. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il n’y a rien de plus troublant que le meurtre d’enfants innocents. Je pense que tout le monde est horrifié par cette situation.

Ma première question est la suivante : quelle est l’efficacité des interventions effectuées pour atténuer les répercussions à long terme sur le développement et la psychologie des enfants de Gaza?

Mme Elmi : Nous devons nous rappeler que même avant la guerre actuelle, un enfant sur trois dans la bande de Gaza avait besoin d’un soutien mental et psychosocial. Ce n’est pas la première guerre. Un enfant de 15 ans à Gaza a traversé au moins quatre escalades importantes durant sa vie, mais celle-ci est dramatiquement la plus grave et la plus longue.

Les besoins étaient importants auparavant, et nous pouvons désormais affirmer que la quasi-totalité de la population enfantine — soit plus d’un million d’enfants — continuera à avoir besoin d’un soutien spécialisé en matière de santé mentale et psychosociale. L’impact est immense, les traumatismes multiples, et il faudra continuer à déployer des efforts soutenus et à long terme pour retrouver un sentiment de guérison et de normalité une fois que tout cela sera terminé.

M. Robitaille : Nous avons suivi la santé mentale des enfants. Lorsque Mme Al-Awqati parlait de 80 % avant le mois d’octobre, nous pouvons maintenant imaginer ce qu’il en est. Nous n’avons pas les nouvelles données parce qu’il est impossible de les recueillir, mais d’après tous les renseignements, l’anxiété des enfants est à son comble. Tous les centres psychiatriques que nous gérions ne fonctionnent plus. Il est impossible de donner les premiers soins psychologiques aux enfants. Nous ne pouvons qu’imaginer à quel point cette situation sera traumatisante pour les enfants des générations à venir, et c’est extrêmement préoccupant. Je vous remercie de votre question.

Le sénateur MacDonald : Comment mesurez-vous le succès des programmes au-delà de l’aide immédiate? Quelles sont les stratégies en place qui contribuent à l’amélioration durable du bien-être général des enfants et de leurs perspectives d’avenir?

Le président : Peut-être pourrions-nous adresser cette question à la représentante du Programme alimentaire mondial, Mme Dagash-Kamara?

Mme Dagash-Kamara : Je pense que cette question devrait être posée à l’UNICEF, car cette organisation travaille à la fois sur le plan humanitaire et sur le plan du développement des enfants.

Le président : Je veux bien.

Mme Elmi : La mesure du succès dépend du genre d’intervention. Globalement, en ce moment, les enfants ont besoin d’un cessez-le-feu, c’est donc le principal point de départ.

Nous continuons à fournir de l’eau et des installations sanitaires aux enfants en déplacement, et nous essayons d’organiser des activités d’apprentissage, ce qui nous permet de mesurer les résultats à très court terme. Nous avons le suivi et les indicateurs produits par des tiers. Mais nous aurons des indicateurs tangibles dès qu’il y aura un cessez-le-feu — le plus tôt possible, nous l’espérons — et qu’on aura un peu le sentiment de pouvoir redémarrer les services sociaux de base, comme la réouverture des écoles et des marchés.

Nous pouvons penser à court terme, à moyen terme et à long terme, mais je crois que nous devons être plus ambitieux que nous contenter de maintenir un enfant en vie. Nous pouvons les vacciner, nous pouvons essayer de leur fournir de l’eau potable si possible, mais le principal danger, en dehors des épidémies et de la malnutrition, est le conflit qui s’est poursuivi au cours des onze derniers mois.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Coyle : Je remercie nos témoins ici présents pour le travail qu’ils accomplissent et pour celui de leurs collègues sur le terrain. Vous nous avez décrit une réalité infernale, pire encore que la dernière fois.

Ma première question s’adresse à M. Robitaille. Vous avez exprimé votre soutien à l’action du Canada dans certains domaines, notamment en ce qui concerne la position sur le cessez-le-feu et la réduction des permis d’exportation d’armes, mais vous avez également exprimé certaines préoccupations quant au fait que le Canada n’est pas allé, selon vous, assez loin dans certains domaines, notamment en ce qui concerne les armes et les efforts diplomatiques, etc.

Pouvez-vous aller un peu plus loin dans ces deux domaines, en particulier parce que vous n’avez pas eu beaucoup de temps? Vous ne les avez que légèrement évoqués. Si j’ai bien compris, vous dites que nous n’avons pas révoqué tous les permis pour toutes les armes. J’aimerais en savoir plus à ce sujet et savoir ce que vous aimeriez voir du côté diplomatique également.

M. Robitaille : Merci. En effet, bien que nous ayons commencé à entendre que certains permis ont été révoqués, il reste malheureusement 200 permis actifs à ma connaissance. Nous devons également nous assurer que tout se déroule officiellement. Au-delà des paroles, nous devons veiller à ce que les règlements soient appliqués.

Nous pouvons penser que c’est une petite quantité d’armes. Ce sont principalement des pièces, des éléments de circuits imprimés, de radars ou de caméras, envoyés la plupart du temps aux États-Unis, où il est difficile de savoir si elles sont destinées à un avion de chasse ou à d’autres choses, mais nous savons que c’est aussi une quantité cumulée. Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont aussi commencé à retirer certains permis et, dans l’ensemble, nous devons cesser d’alimenter cette guerre.

Nous, de concert avec l’Assemblée générale des Nations unies et même le Conseil de sécurité des Nations unies, demandons un cessez-le-feu à tous les niveaux, et il nous faut passer à l’action. C’est en prenant ce genre de mesures que l’on peut mettre en œuvre un cessez-le-feu, au-delà des paroles.

En travaillant avec nos homologues, nous savons qu’il se passe beaucoup de choses et qu’ils travaillent dur. La question est de savoir à quel point. À un moment donné, le Canada devra recadrer ses politiques pour être du côté de la loi. Nous ne pouvons pas nous contenter de compter qui sont nos amis et nos alliés; nous devons disposer d’un système judiciaire capable de fournir l’orientation que nous recherchons.

Il en va de la crédibilité du Canada. Il en va de la crédibilité d’un système judiciaire que nous avons encouragé pendant toutes ces années, et c’est pourquoi le long terme est important. Nous devons empêcher l’ensemble du système de s’effondrer comme il semble le faire actuellement à cause de ce conflit. Je vous remercie.

Le président : En fait, ce n’est pas tout, je suis désolé.

J’ajouterai simplement que nous nous concentrons ici davantage sur l’aspect humanitaire, mais que cette question pourrait très bien être posée également au représentant du gouvernement dans le groupe suivant. Ce n’est qu’une suggestion.

[Français]

La sénatrice Gerba : Ma question s’adresse à Mme Elmi, mais tous les autres témoins peuvent y répondre, parce que je pense que cela s’adresse à tous ceux qui travaillent dans le domaine humanitaire.

Depuis le début de cette crise humanitaire infernale, des blessés graves gazaouis ont été évacués vers des pays tiers, parmi lesquels on retrouve le Qatar, les Émirats arabes unis, la France, l’Espagne, la Turquie, la Jordanie, l’Italie, la Belgique et la Norvège. Doha a ainsi reçu 470 blessés pour des soins de haut niveau. Appelez-vous au renforcement ou à l’élargissement de ce type d’initiative? Si oui, est-ce que le Canada devrait aussi en faire partie?

Mme Elmi : Je vous remercie pour la question. Il y a eu des enfants qui ont été évacués avec l’appui de l’Organisation mondiale de la santé et de tous les partenaires. C’est important de savoir qu’au début de la crise, avec le ministère des Affaires sociales et le ministère de la Santé à Ramallah, nous avons donné un appui technique au développement des lignes directrices pour la protection des enfants. Cela veut dire que même quand les enfants sont évacués pour des questions médicales, ils sont suivis par la famille. On essaie de ne pas séparer la famille et on s’assure qu’il y a un suivi, pas seulement médical, mais aussi un suivi des services sociaux pour la réunification avec la famille et les communautés.

C’est important, bien sûr, de sauvegarder l’intégrité de la famille. Cependant, la chose la plus importante est de rétablir le système social sanitaire de base à Gaza, car c’est vraiment le premier point d’accueil pour les enfants et le suivi médical avec les communautés.

Les précautions médicales sont importantes, parce qu’il n’y a pas d’autres alternatives, mais la chose la plus importante, c’est d’arriver à un cessez-le-feu et de rétablir le système de santé à Gaza.

La sénatrice Gerba : Est-ce que quelqu’un d’autre aimerait commenter?

Est-ce que vous attendez quelque chose de spécifique du côté du Canada, à l’exception de ce que nous souhaitons tous, c’est-à-dire un cessez-le-feu, comme vous l’avez mentionné?

Mme Elmi : Nous nous attendons à ce que le Canada continue d’appuyer le système de santé à Gaza. À l’échelle communautaire, tous les prestataires de services ont besoin d’un appui ponctuel à long terme. Bien sûr, il faut essayer de continuer à voir s’il y a des espaces réservés aux services qui s’adressent aux enfants qui peuvent être évacués, tout en sachant que la protection la plus importante, c’est de rester avec leur famille.

La sénatrice Gerba : Merci. Ai-je encore du temps pour poser des questions?

Le président : Non, malheureusement.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Merci aux témoins. Monsieur Robitaille, vous avez parlé de violations du droit international humanitaire, autrement dit de crimes de guerre, n’est-ce pas?

Vous dites que le Canada devrait éviter d’être complice des violations du droit international humanitaire. Utilisez-vous le terme « complicité » au sens large, c’est-à-dire que nous pourrions être en mauvaise compagnie? Ou l’utilisez-vous au sens juridique strict, autrement dit que nous pourrions être complices de violations de crimes de guerre à Gaza?

M. Robitaille : Nous l’utilisons comme une possibilité, quelque chose que nous et les entités juridiques devons examiner. Cela concerne donc les aspects juridiques. Quant aux pays qui contribuent à alimenter cette guerre ou qui la laissent se dérouler par leur inaction, c’est aussi là que se situent la complicité et la responsabilité. En prenant parti et en réagissant différemment aux différentes crises pour des raisons politiques ou autres, c’est aussi là que se trouve la complicité.

Le sénateur Woo : C’est un triste commentaire sur notre pays qu’il faille l’éventualité d’une complicité pour nous inciter à agir. J’aimerais que vous nous en disiez plus sur le cas où il pourrait y avoir complicité, et, bien sûr, cela fera l’objet d’un débat juridique. Mais aussi, même s’il n’y a pas de complicité, et il ne faudrait sûrement pas en arriver là pour que nous agissions, quelle autre motivation faudrait-il pour sortir notre pays de la complaisance et de la stupeur dans lesquelles nous sommes lorsque nous entendons ce genre de témoignage?

M. Robitaille : Oui, merci. Je ne suis pas l’expert juridique qui peut répondre à cette question. Quand je parle de recadrer notre politique étrangère face à une situation comme celle-ci, c’est là que se situe effectivement notre indignation, à mon avis. En tant que sénateurs, indépendants et au-delà des compromis à faire, c’est là que se trouvent les principes et les valeurs sur lesquels le Canada peut s’appuyer pour sa politique étrangère. Nous l’entendons dans le discours, mais nous devons le voir dans les votes et dans les actions fermes que nous prenons, ainsi que dans nos lois et nos politiques.

La sénatrice Boniface : Ma question sera brève puisqu’elle a été traitée par d’autres sénateurs, je vais donc l’inverser un peu. En tant qu’organisations, comment pouvez-vous, dans des circonstances aussi désastreuses, protéger le bien-être de vos propres gens, et je veux dire à la fois physiquement et mentalement? Je n’arrive pas à l’imaginer, étant donné les circonstances et le caractère inusité de la situation pour vous. J’aimerais savoir comment vous protégez cela à long terme.

Le président : Voulez-vous diriger cette question?

La sénatrice Boniface : Très brièvement pour chacun d’entre eux.

Le président : Commençons si possible par notre témoin du Programme alimentaire mondial, Rania Dagash-Kamara, à qui on n’a pas posé trop de questions.

Mme Dagash-Kamara : Merci, monsieur le président. Je pense honnêtement que l’ensemble de la conversation est bénéfique et reflète tous les secteurs humanitaires, donc encore une fois, je remercie mes collègues.

Sénatrice, nous avons environ 200 employés dans les territoires palestiniens, dont 47 étrangers et environ 150 nationaux. Il y a 10 jours, notre maison d’accueil a été touchée et nous avons dû envoyer une douzaine de nos employés à Amman, précisément pour ce que vous avez dit, pour un soutien psychosocial. Notre directrice exécutive a pris l’avion pour aller les voir et prendre de leurs nouvelles. Ce qui est à la fois le plus triste et le plus réconfortant, c’est que juste après avoir reçu de la directrice exécutive tous les conseils et le soutien nécessaires, la première question du personnel affecté a été : « Quand pourrons‑nous retourner? » Car je pense que les gens du secteur sont là pour de bonnes raisons, et je pense qu’ils ont vu à Gaza des horreurs auxquelles ils pensent devoir être présents pour répondre. Nous faisons de notre mieux pour les soutenir et les conseiller, pour les extraire lorsque nous le pouvons, mais ce n’est ni simple ni facile. Je crois que, collectivement, nos organisations, par le truchement d’un cadre plus large et d’un soutien individuel, se tiennent toujours prêtes.

Madame Elmi, vous étiez présente pendant très longtemps au cœur de la crise, et je pense que vous pouvez en parler encore plus directement.

Mme Elmi : Merci, madame Dagash-Kamara. Oui, absolument, les collègues sont extrêmement engagés et il y a un fort sentiment de solidarité et de soutien à tous les niveaux de l’organisation. Chaque fois que je suis en contact avec eux, je vois le personnel, en particulier celui du nord de Gaza, sortir et continuer à être extrêmement engagé. C’est vraiment honorable de leur part.

Mais je dois aussi dire que ce n’est pas sans précédent dans la mesure où, malheureusement, en raison de l’ampleur et de la complexité de la situation, nos collègues, en particulier le personnel national en Haïti, au Soudan et au Yémen, sont eux‑mêmes, ainsi que leurs familles et leurs collectivités, confrontés à ce genre de situation. Nous sommes là pour de bon et pour agir. Grâce à votre soutien, nous continuons à le faire. Votre plaidoyer et votre soutien quant au respect de la loi fondamentale du droit international humanitaire sont essentiels et importants à Gaza et maintenant en Cisjordanie — partout dans le monde en fait —, parce qu’il y a eu un manque total de respect de la protection des travailleurs humanitaires sur le terrain.

Mme Al-Awqati : En tant qu’organisation non gouvernementale à but non lucratif, nous travaillons dans un cadre de risque légèrement différent de celui de nos collègues des Nations unies. Nous sommes exposés à tous les types de risques. Nous prenons à Gaza des risques que nous n’avons jamais pris ailleurs, et nous les prenons avec notre propre personnel et nos collègues palestiniens. Ils prennent des risques, tout comme notre personnel étranger. La seule chose que nous pouvons faire, c’est nous assurer qu’ils ont de la nourriture en quantité suffisante. C’est dire à quel point la situation est désastreuse. Nous devons nous inquiéter de savoir si notre personnel peut manger ou non, ou s’il a de l’eau potable. Lorsque les ordres de déplacement arrivent, notre personnel, nos collègues palestiniens, ont besoin de quelques jours pour retrouver leurs repères. Nous logeons nos équipes en grande partie ensemble, et notre personnel étranger effectue des rotations d’environ deux mois. Aucun départ n’est certain, aucune entrée n’est certaine, aucun départ n’est certain pour le personnel étranger, mais laissez-moi vous dire que ce n’est rien comparativement à ce que vivent les Palestiniens. L’impératif humanitaire dont ont parlé Mme Dagash-Kamara et Mme Elmi est le moteur de la réponse aujourd’hui. C’est prendre conscience du fait qu’il faut faire tout ce que l’on peut parce que les conditions sont absolument abominables.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Al Zaibak : Je remercie tous les témoins de leur présence, en personne et en ligne.

Le 9 septembre 2024, des frappes aériennes israéliennes ont touché une zone humanitaire désignée par Israël à al-Mawasi, au sud de Gaza, où des dizaines de milliers de Palestiniens déplacés s’étaient installés. Le lendemain, le 10 septembre, ces frappes auraient tué 19 Palestiniens et en auraient blessé 60 autres. Les Forces de défense israéliennes ont affirmé une fois de plus avoir frappé un centre de commandement et de contrôle du Hamas opérant dans une zone humanitaire, ce qui amène à se demander combien de milliers de centres de commandement et de contrôle du Hamas existent dans la bande de Gaza.

Une de vos organisations a-t-elle vu ou reçu des preuves que le Hamas opérait dans des zones humanitaires désignées?

Mme Dagash-Kamara : Notre rôle n’est pas de désigner ni de déterminer qui opère où. Notre rôle est de répondre aux besoins humanitaires. C’est ce que nous faisons, et c’est pour cela que nous sommes là-bas. Nous évaluons les besoins et y répondons.

Je pense que nos demandes ont été assez cohérentes aujourd’hui. Nous avons besoin d’une voix plus claire, forte et collective pour que les règles d’engagement dans ce conflit soient respectées. Nous avons également besoin que vous renforciez la voix du secrétaire général des Nations unies dans son appel aux autorités israéliennes de faciliter l’accès à nos opérations. Nous devons pouvoir accéder à Gaza par tous les points d’entrée possibles. Enfin, nous avons besoin que vous nous donniez les moyens d’atteindre ceux qui sont blessés, qui ont faim, qui sont dans le besoin et qui ont besoin de notre soutien. Je vous remercie.

Mme Elmi : En complément à la très bonne réponse de Mme Dagash-Kamara, la collectivité humanitaire a exprimé de nombreuses inquiétudes depuis l’année dernière, lorsqu’il y a eu ces désignations de zones de sécurité. Celles-ci ne respectent pas les principes du droit international humanitaire. Elles ne sont pas désignées par les Nations unies, et ce n’est pas quelque chose que les Nations unies ou la collectivité humanitaire ont désigné comme étant une zone sécurisée. Elles sont unilatéralement désignées zones sécurisées, mais il n’y a pas d’endroit sécurisé à Gaza. Partout, le risque est très élevé pour l’ensemble de la population, pour tous les civils de Gaza.

Nous devons nous assurer que nous revenons aux principes du droit international humanitaire selon lesquels il y a une zone sécurisée pour le travail humanitaire et que les combattants la respectent.

Mme Al-Awqati : Pour la santé mentale, les services psychosociaux, l’assistance alimentaire et l’assistance sanitaire que nous fournissons, nous fonctionnons dans des espaces humanitaires. Nous fonctionnons dans des espaces où nous voyons une population très accablée et des travailleurs humanitaires encore plus accablés. C’est ce que nous constatons tous les jours.

Pour ajouter à ce que mes collègues ont dit, la présence de combattants n’annule pas la protection des populations vulnérables et civiles. Que ce soit dans les zones dites humanitaires ou dans les établissements de santé, les populations civiles bénéficient des protections prévues par le droit international humanitaire et les Conventions de Genève. C’est ce que nous essayons de faire comprendre. Ces protections doivent être mises en place afin que nous puissions éviter les horribles massacres qui ont lieu à l’heure actuelle.

Le président : Merci beaucoup. Je vais poser la dernière question. C’est une variation de la question que je vous ai posée la dernière fois que vous étiez parmi nous.

Vous représentez des organisations qui ont une portée mondiale sur le plan des opérations et celui des activités — deux agences spécialisées des Nations unies et une organisation bénévole à but non lucratif du Canada.

Personne ne pensait vraiment que cette crise humanitaire particulière serait si longue et si terrible. Comment avez-vous adapté vos propres opérations? Il y a d’autres endroits dans le monde qui ont besoin d’aide humanitaire, certainement en Afrique et au Soudan. Nous avons examiné la question du Soudan au sein de ce comité, et nous le ferons à nouveau.

Comment s’adapter à cette situation? Vous souhaitez davantage de contributions volontaires. Peut-être que les contributions normales des pays ne suffisent pas. Or, vous avez aussi cet autre mandat.

C’est une question plutôt ouverte, mais j’aimerais que vous y répondiez tous rapidement, en commençant peut-être par Mme Elmi.

Mme Elmi : Nous avons ce que nous appelons des procédures d’activation générales qui s’appliquent à toutes nos ressources activées en cas de crise d’une ampleur comparable à celle de Gaza. En ce moment, nous en avons trois simultanées : Gaza, Haïti et le Soudan, plus l’épidémie de mpox. Nous veillons vraiment à avoir des équipes ciblées, qui fournissent un soutien permanent, et nous essayons de faire en sorte que l’ensemble de l’organisation soit mobilisé.

C’est ainsi que nous sommes organisés. Nous continuerons à nous assurer que nous couvrons toutes les crises majeures selon les critères et que l’activation suit le pas. Mais il est certain que les ressources manquent terriblement. La plupart des crises que j’ai citées, y compris la Palestine en ce moment, y compris Gaza, sont fortement sous-financées. Les ressources sont importantes, tout autant que votre attention et votre soutien.

Mme Dagash-Kamara : Je me rallie aux propos de Mme Elmi.

Monsieur le président, pour la réponse à la crise, ce que nous savons faire, c’est prépositionner les ressources nécessaires dans la région, et nous sommes extrêmement bien approvisionnés en nourriture dans toute la région. Dès qu’il y a un cessez-le-feu, nous sommes en mesure de nous déployer et d’agir. Nous avons aussi une réponse générale pour Gaza, et nous en débattons quotidiennement au Programme alimentaire mondial. Mais nous réagissons également et commençons à nous préparer à ce qui se passera après le cessez-le-feu, parce que s’il est essentiel de sauver des vies, il est essentiel aussi de soutenir la création de systèmes alimentaires, la réouverture des marchés et la reprise de la production locale. Nous sommes prêts à faire tout cela dès que nous le pourrons et qu’il sera possible d’aller au-delà de l’aide à la survie, dont nous pensons que nous aurons besoin pendant longtemps.

Le Canada a été assidu et généreux envers nous et nous lui en sommes extrêmement reconnaissants, mais je tiens à vous faire comprendre qu’il faut en faire plus, car le nombre de crises dans le monde atteint aujourd’hui un chiffre sans précédent. Il a presque doublé au cours des cinq dernières années et le niveau des ressources n’a pas suivi. Nous demandons donc des ressources supplémentaires pour Gaza et l’opération palestinienne dans son ensemble. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci beaucoup.

M. Robitaille : Merci de cette question. En effet, nous n’aurions pas pensé qu’après presque un an, nous nous concentrerions encore sur cette question. Cela nous rappelle beaucoup le Soudan et la République démocratique du Congo. Nous avons le même genre de réponse. Cela continue. Le monde continue de tourner.

Nous aimerions parler davantage du changement climatique et de son impact sur la réalité des enfants du monde entier, des jeunes filles qui ont besoin d’une éducation en temps de crise.

Les médias ont du mal à s’intéresser à plusieurs crises en même temps. Notre attention doit se porter sur ce qui est le plus logique.

Pour l’instant, nous sommes bloqués. Nous ne pouvons pas intervenir à Gaza et nous ne pouvons pas garantir que l’ordre international se maintiendra sur le plan humanitaire sans que certains résultats dans ce domaine se manifestent. C’est pourquoi nous insistons sur cette crise, mais elle nous rappelle brutalement les besoins dans le monde entier. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Je tiens à remercier, au nom du comité, tous nos témoins de leur présence. Cette séance a été très instructive; elle donne à réfléchir et elle a même été déprimante, si je puis dire. La dernière fois que nous nous sommes réunis, nous avons dit que nous allions vous rappeler. J’ose dire que nous pourrions être dans une situation, dans quelques mois également, où nous souhaiterions vous entendre à nouveau. J’espère qu’il y aura un cessez-le-feu d’ici là et que vous envisagerez les opérations différemment.

Je voudrais remercier Lucia Elmi de l’UNICEF, Rania Dagash-Kamara du Programme alimentaire mondial — en particulier pour sa présence à Rome à une heure si tardive, ce dont nous la remercions beaucoup—, Dalia Al-Awqati, responsable des affaires humanitaires chez Aide à l’enfance Canada, et Patrick Robitaille, qui nous suit de très près parce qu’il est le conseiller principal en matière de défense des politiques et des relations gouvernementales, présent dans la salle avec nous aujourd’hui. Je vous remercie de votre attention.

Chers collègues, nous allons maintenant passer à notre deuxième groupe de témoins. Nous avons le plaisir d’accueillir Alexandre Lévêque, sous-ministre adjoint, Europe, Moyen-Orient et Arctique chez Affaires mondiales Canada, qui a été un visiteur fréquent ici sous diverses incarnations. C’est un plaisir de vous revoir, monsieur. M. Lévêque est accompagné de Robert Brookfield, directeur général de la Direction générale des contrôles stratégiques à l’exportation, Secteur de la sécurité internationale et affaires politiques, également chez Affaires mondiales Canada. Nous entendrons un exposé de cinq minutes d’Alexandre Lévêque. Vous avez la parole, monsieur.

Alexandre Lévêque, sous-ministre adjoint, Europe, Moyen-Orient et Arctique, Affaires mondiales Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m’avoir invité à nouveau.

Merci de m’avoir invité à faire le point sur le conflit entre Israël et le Hamas et sur la situation à Gaza. Je concentrerai mes remarques aujourd’hui sur l’évolution du conflit et la réponse du Canada.

[Français]

Il est important de réitérer que, depuis le tout début de la crise, le Canada a condamné sans équivoque les attaques terroristes menées par le Hamas le 7 octobre, il y a presque un an. Rien ne peut justifier ces actes de terreur, de même que le meurtre, la mutilation, la violence sexuelle et l’enlèvement de civils. Le Canada continue à demander la libération immédiate des personnes retenues en otage et exige que les otages et tous les civils soient traités avec humanité, conformément au droit international. À la suite des horribles attaques du 7 octobre 2023, le Canada, de concert avec des partenaires aux vues similaires, a annoncé plusieurs séries de sanctions autonomes à l’encontre du Hamas et de ses affiliés.

Le Canada soutient aussi le droit d’Israël à se défendre, conformément au droit international. En se défendant, il est attendu qu’Israël se conforme au droit international humanitaire applicable. Nous insistons fortement sur l’obligation pour toutes les parties de prendre toutes les précautions possibles afin de minimiser les pertes civiles.

[Traduction]

Les combats entre Israël et le Hamas se poursuivent activement à Gaza, où la crise humanitaire qui ne cesse de s’aggraver reste une préoccupation majeure pour le gouvernement du Canada.

Malgré les contributions considérables du Canada et d’autres partenaires internationaux, la situation humanitaire à Gaza reste désastreuse. Les Nations unies estiment que plus de 1,9 million de Palestiniens à Gaza — 90 % de la population — ont été déplacés au moins une fois depuis le 7 octobre. On estime que plus de 40 000 Palestiniens ont été tués, dont bon nombre sont des civils, y compris, bien sûr, de nombreux enfants. On estime que 96 % des habitants de Gaza sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë et que la moitié des médicaments essentiels ne sont pas disponibles.

Le besoin d’une aide humanitaire cohérente et à grande échelle à Gaza reste extrêmement urgent, bien que des problèmes importants persistent en ce qui concerne l’accès à l’aide. Un petit développement positif : nous nous réjouissons de la réussite de la campagne de vaccination contre la polio à Gaza, qui s’est achevée le 13 septembre et qui a atteint son objectif de vacciner 90 % des enfants de Gaza âgés de moins de 10 ans.

[Français]

À ce jour, le Canada a annoncé une aide internationale de 165 millions de dollars pour répondre aux besoins urgents des civils vulnérables découlant de cette crise. Le Canada travaille avec des partenaires humanitaires de confiance et fournit une aide vitale aux civils sous forme de nourriture, d’eau, de fournitures médicales et d’abris, ainsi qu’une réponse médicale d’urgence et des services de protection.

[Traduction]

La sécurité en Cisjordanie s’est également détériorée depuis les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre, en raison de la poursuite des affrontements entre les Forces de défense israéliennes et les groupes militants, ainsi que de l’augmentation de la violence des colons extrémistes. Le Canada continue de condamner la violence des colons extrémistes et demande instamment aux autorités israéliennes de protéger les civils et de responsabiliser les auteurs de ces actes. Le Canada a imposé plusieurs séries de sanctions aux auteurs de violences perpétrées par des colons extrémistes contre des civils palestiniens en Cisjordanie.

[Français]

En ce qui concerne la région au sens large, nous sommes préoccupés par les actions le long de la Ligne bleue entre le Hezbollah et Israël. Nous appelons à une désescalade afin de réduire la menace d’un conflit à grande échelle. Nous attendons de toutes les parties au conflit qu’elles respectent la Résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Un cessez-le-feu immédiat est nécessaire de toute urgence. Les otages doivent être libérés. Une aide humanitaire rapide, sûre et sans entraves doit être apportée aux civils. Israël doit s’abstenir de mener des opérations militaires dans les zones humanitaires désignées, où les civils ont reçu l’instruction de se mettre à l’abri. Le Canada insiste régulièrement sur ces points, et ce, à tous les niveaux.

[Traduction]

Le Canada soutient fermement les peuples israélien et palestinien dans leur droit à vivre en paix, en sécurité, dans la dignité et sans crainte. Nous continuerons à soutenir une solution à deux États, qui est depuis longtemps le moyen internationalement reconnu pour parvenir à ce résultat.

[Français]

Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup.

Nous allons passer aux questions. Sénateurs, vous connaissez la routine, c’est quatre minutes chacun, alors soyez brefs dans vos préambules, si vous le pouvez. Nous commençons par la sénatrice M. Deacon.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous les deux d’être ici. J’espère pouvoir vous poser une question à tous les deux.

Tout au long de ce conflit, nous avons vu ici, sur vidéo et dans d’autres témoignages, la violence infligée par les soldats des Forces de défense israéliennes — tirant sans discernement sur des foules ou des bâtiments, attaquant des convois d’aide et des hôpitaux. Nous avons entendu parler de soldats des forces israéliennes qui se sont tenus à l’écart ou qui ont même soutenu la violence des colons en Cisjordanie. Cela arrive dans les conflits, ce n’est pas propre aux forces israéliennes, et, en général, un pays avec lequel nous entretenons des relations mène une enquête et nous informe en retour. Je me demande s’il existe un mécanisme qu’Affaires mondiales Canada peut utiliser pour faire le suivi de ces enquêtes, compte tenu notamment de la teneur de votre dernière phrase.

M. Lévêque : Merci, sénatrice, de votre question. Vous avez énuméré un certain nombre d’événements rapportés ou documentés qui nous préoccupent au plus haut point. Autant il faut se garder de généraliser quelques pratiques qui ont été observées, autant il faut exiger une reddition de comptes. Ce que je peux dire, c’est que grâce à nos engagements courants, en particulier par notre ambassade à Tel-Aviv qui a des interactions fréquentes avec toutes les parties du gouvernement et du système israéliens, ces questions sont certainement posées régulièrement.

Nous connaissons déjà les quelques enquêtes internes entreprises par les Forces de défense israéliennes, ou d’autres systèmes de justice pénale en Israël qui ont donné suite à certaines de ces allégations, mais il faut maintenir la pression. Nous attendons beaucoup d’un gouvernement démocratiquement élu et doté d’institutions solides qu’il mène des enquêtes approfondies en cas d’incidents et d’allégations. Le Canada fait partie des voix qui demandent continuellement des rapports et des mises à jour à ce sujet.

La sénatrice M. Deacon : Je vais poser une autre question. Elle porte sur la vente récemment bloquée aux États-Unis de munitions canadiennes destinées à Israël pour les Forces de défense israéliennes. On craint que cela ne viole l’Accord de partage de la production de défense de 1956 conclu avec les États-Unis, mais nous avons également entendu dire qu’en vendant à quiconque des armes susceptibles d’être utilisées par un pays qui commet des crimes de guerre, nous contrevenons à l’autre Traité sur le commerce des armes, auquel nous avons adhéré en 2019. Comment le gouvernement parvient-il à concilier ces deux éléments?

Robert Brookfield, directeur général, Direction générale des contrôles stratégiques des exportations, Secteur de la sécurité internationale et affaires politiques, Affaires mondiales Canada : Merci pour cette question. Permettez-moi tout d’abord de préciser que le reportage porte sur une commande potentielle pour livraison en 2026, la question est donc un peu hypothétique de ce point de vue. Le Canada et les États-Unis ont une industrie de défense forte et intégrée, et ce, depuis longtemps, depuis environ 70 ans. Ce partenariat est efficace et avantageux pour les deux parties et pour les préoccupations communes en matière de sécurité.

Rien n’a changé dans la politique du Canada en matière de contrôle des exportations vers les États-Unis. Nous avons des politiques et des mécanismes qui, selon nous, respectent les exigences du Traité sur le commerce des armes et garantissent l’absence de violation de ses différents éléments. Le fait est que cela est exigé à la fois par la loi d’exécution du Traité sur le commerce des armes et par la Loi sur les licences d’exportation et d’importation qu’elle a modifiée. Nous sommes donc en contact avec la société. Vous savez sans doute que la ministre Joly a exposé clairement le point de vue du gouvernement sur cette livraison, et nous verrons pour la suite.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Je remercie nos témoins de leur présence. Je vais poursuivre dans la même veine, monsieur Brookfield, probablement avec vous. Nous venons d’entendre des témoins, alors que vous étiez probablement à l’écoute, des représentants de l’organisme Aide à l’enfance Canada, par exemple, qui se sont dits préoccupés par le fait que le Canada exporte des composantes de matériel militaire ou d’armes que les Forces de défense israéliennes pourraient utiliser en ce moment pour attaquer des civils à Gaza.

Si vous en avez une idée, pourriez-vous nous dire ce qui se passe réellement? Qu’est-ce qui est exporté du Canada, le cas échéant, directement ou indirectement, vers Israël pour être utilisé dans cette guerre?

M. Brookfield : Tout d’abord, je peux dire que la ministre Joly a été claire : depuis le 8 janvier dernier, aucune nouvelle licence pour des exportations de notre matériel militaire vers Israël n’a été livrée.

L’autre Chambre a demandé plus de détails, et nous les avons fournis. En fait, nous avons procédé par tranches, la première en mars concernant les licences délivrées après le 7 octobre de l’année dernière et, depuis lors, toutes les licences valides. Ces renseignements sont disponibles sur le site Web de l’autre Chambre où vous pouvez consulter toute la liste de renseignements. Il est assez difficile de l’extraire de manière intelligible, mais si vous l’examinez — les gens peuvent se faire leur propre opinion à ce sujet — vous verrez que certaines licences concernent des cartes de circuits imprimés vierges relativement basiques, comme on les appelle, et je ne suis pas sûr des détails techniques, mais les sortes de pièces vertes que vous trouvez dans votre ordinateur, des pièces spécialisées. Un certain nombre d’articles sont exportés vers Israël parce qu’ils y sont réparés et reviennent au Canada ou sont utilisés comme pièces détachées ailleurs.

Aucun matériel létal n’a été exporté du Canada, aucun certificat ou aucune licence valide n’est en vigueur. En fait, d’après nos renseignements, le Canada n’a jamais exporté de systèmes militaires majeurs vers Israël, aussi loin que remontent nos archives, c’est-à-dire jusqu’en 1991.

La sénatrice Coyle : Qu’en est-il des composants?

M. Brookfield : Si vous regardez la liste, encore une fois, vous pouvez en juger par vous-mêmes. Par exemple, un article me vient à l’esprit, un article assez important qui concerne les systèmes de radar pour la navigation maritime. L’un de ces éléments importants est en fait canadien. Il est donc envoyé en Israël pour y être réparé avant de revenir. Il y a un certain nombre de choses connexes.

Il pourrait y avoir des enjeux liés à la défense pour permettre à Israël de se défendre. La ministre Joly a dit clairement qu’elle soutenait le droit d’Israël à se défendre. Le diable est dans les détails. Elle a dit qu’elle avait déjà suspendu une trentaine de licences délivrées et valides depuis cette année, mais qui soulevaient des inquiétudes, et nous discutons avec les entreprises des détails des licences en question.

[Français]

La sénatrice Gerba : Ma question porte davantage sur l’immigration. Je ne sais pas si je pourrai avoir des chiffres, parce que dans un reportage du 12 septembre dernier de la chaîne Global News, on indiquait qu’environ 300 réfugiés palestiniens et gazaouis ont été accueillis au Canada, sur un total de plusieurs milliers de demandes reçues.

Par ailleurs, le même reportage avançait que les réfugiés qui ont été accueillis n’ont pas pu avoir accès à de l’aide humanitaire, contrairement à d’autres, comme les Ukrainiens, qui recevraient environ 3 000 $ par adulte.

Est-ce que vous pourriez nous confirmer ces chiffres de Global News? Si c’est bien le cas, quel est le soutien réel que reçoivent les Gazaouis à leur arrivée, et y a-t-il une différence de traitement avec d’autres réfugiés?

Je ne sais pas si je m’adresse aux bonnes personnes.

M. Lévêque : Merci, madame la sénatrice.

J’aimerais pouvoir vous donner une réponse à cette question, mais malheureusement, cela relève de mes collègues d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Je n’ai donc pas cette information; cela ne fait pas partie de mes responsabilités et compétences. Je pourrais par contre leur parler et demander qu’une réponse vous soit fournie par écrit.

Ce que je peux vous dire de manière générale, c’est que vous avez probablement suivi ce dossier durant les derniers mois, surtout les mois qui ont suivi l’attaque. Le Canada a mis sur pied des programmes permettant d’abord aux Canadiens et aux familles proches des Canadiens qui étaient à l’intérieur de Gaza... Nous avons facilité leur extraction avec des partenaires. Pour les non-Canadiens qui leur étaient associés, donc qui faisaient partie de la famille étendue de Canadiens, IRCC, soit le ministère de l’Immigration, a mis sur pied certains programmes pouvant faciliter leur relocalisation et leur venue au Canada.

Je peux vous donner cette information dans les grandes lignes, parce que ce sont mes collègues du ministère de l’Immigration qui connaissent les détails, surtout en ce qui concerne l’aide qui aurait été apportée à ces gens une fois arrivés au Canada.

La sénatrice Gerba : La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, la CNUCED, a prévenu de la possibilité d’une dévastation économique d’une ampleur stupéfiante à Gaza, où la reconstruction se chiffrera à des dizaines de milliards de dollars, selon un rapport publié le jeudi 12 septembre. De quelle manière le Canada est-il impliqué dans les réflexions entourant les efforts de reconstruction? Il faut quand même espérer qu’il y aura un cessez-le-feu un jour et il faudra reconstruire Gaza.

M. Lévêque : La dévastation à laquelle vous faites allusion, les chiffres que vous mentionnez, nous les partageons et nous sommes d’accord. Nous réalisons pleinement l’ampleur de la tâche.

Malheureusement, nous ne sommes pas encore arrivés au moment où les efforts concrets de reconstruction peuvent commencer, dans le sens où il faudra d’abord un cessez-le-feu, puis une promesse de stabilité pour que la destruction ne reprenne pas immédiatement.

Cela dit, je peux vous assurer que plusieurs partenaires, dont le Canada, réfléchissent déjà à ce qu’on appelle le « jour après ». C’est une expression qui a un peu de poids. C’est une réflexion pour déterminer comment on va coordonner les efforts une fois que la stabilité sera revenue et une fois qu’il y aura une voie promettant des jours meilleurs, un chemin vers un dialogue politique entre le gouvernement israélien et les parties palestiniennes. Cela réussira à attirer les investisseurs et les pays qui voudront s’impliquer dans la reconstruction. Le Canada est déjà impliqué dans ces conversations très préliminaires.

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Ravalia : Je vous remercie une fois de plus pour votre présence. Ma question s’adresse à M. Lévêque.

Compte tenu de la détérioration importante de la situation humanitaire sur le terrain, selon vous, quels sont les principaux obstacles à un cessez-le-feu à l’heure actuelle? Nous avons été témoins des nombreuses visites du secrétaire d’État Blinken, qui a fait la navette dans la région. Historiquement, les interlocuteurs, dont le Qatar et l’Égypte, ont joué un rôle très actif, et il y a eu des moments où nous avons tous espéré, oh, mon Dieu, nous étions très proches de ce point, puis la situation s’est à nouveau envenimée.

Dans quelle mesure le Canada joue-t-il un rôle dans ces discussions et comment envisagez-vous l’évolution de la situation?

M. Lévêque : Merci, sénateur. C’est vraiment la question à un million de dollars que nous souhaitons tous voir réglée sans délai.

Comme vous y avez fait allusion, un certain nombre de pays — et il s’agit d’un très petit nombre de pays, pour des raisons évidentes — les négociations de cette nature doivent se dérouler entre le plus petit nombre de pays possible, en passant par plusieurs rondes. Les États-Unis ont joué un rôle central à cet égard; l’Égypte, bien sûr, en tant que voisin immédiat; le Qatar, en sa qualité d’interlocuteur de confiance des deux côtés; et les deux parties principales dans ce cas, Israël et le Hamas.

Les négociations se poursuivent, et c’est ce qui est encourageant. Personne n’a encore abandonné, mais des lacunes subsistent. Je vous renvoie à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies adoptée en juin — je dirais durant la première quinzaine de juin — qui expose les trois principales phases de cette proposition de cessez-le-feu et de libération des otages. Elle a été présentée par les États-Unis et approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies, ce qui, je tiens à le souligner, est plutôt rare ces jours-ci, qu’il y ait unanimité sur quoi que ce soit au sein du Conseil de sécurité. Cela illustre donc le vaste soutien à cette proposition au sein de la communauté internationale.

Des lacunes subsistent, surtout en ce qui concerne la sécurisation du très important corridor de Philadelphie, qui sépare le Sinaï égyptien de la bande de Gaza elle-même. Le Canada ne participe pas directement à ces pourparlers. Nous présentons nos idées et nos suggestions par l’intermédiaire de nos interlocuteurs et des négociateurs eux-mêmes, mais un écart demeure.

On peut examiner la question d’un point de vue très technique. Nous savons qu’il y a des kilomètres et des kilomètres de tunnels aménagés sous le corridor de Philadelphie qui ont contribué à armer le Hamas. Il y a donc beaucoup de scepticisme quant à ce que la réouverture de cette zone pourrait apporter. Par ailleurs, il y a une frontière entre l’Égypte et Gaza et, bien sûr, Israël de l’autre côté. Toutes les parties tentent donc encore de trouver un moyen de négocier la gouvernance en matière de sécurité qui permettrait le retrait des Forces de défense israéliennes de Gaza. Après le retrait, une fois qu’un accord sera conclu, que les garanties de sécurité seront en place et que toutes les parties seront satisfaites, les vannes de l’aide humanitaire pourront s’ouvrir.

Voilà la séquence. Tout ce que nous pouvons faire, c’est persister à faire avancer ces négociations.

Le sénateur MacDonald : Merci à nos témoins. J’aimerais revenir sur les questions que la sénatrice Coyle a posées au sujet de l’embargo.

La ministre a récemment annoncé que 30 licences avaient été suspendues, mais nous en avons plus de 200. Puisque le gouvernement souscrit au droit d’Israël à se défendre, pourquoi suspendre des licences après plusieurs mois de conflit continu? Je suis curieux de connaître les critères utilisés. Pourriez-vous préciser les critères utilisés pour suspendre certains types de licences et en autoriser d’autres? Pourriez-vous nous donner plus d’information à ce sujet?

M. Brookfield : À ce stade, nous discutons de certains détails avec les entreprises concernées et je ne voudrais donc pas révéler des renseignements potentiellement commerciaux ou confidentiels sur les enjeux précis, mais je pense que la ministre Joly a clairement indiqué que sa motivation, en termes généraux, est de ne pas soutenir les exportations que les Forces de défense israéliennes ou d’autres parties pourraient utiliser dans le conflit à Gaza.

Je dirais que cela s’inscrit dans un processus itératif et dans une réflexion continue pour déterminer si les licences qui ont été sélectionnées sont appropriées et s’il y en a d’autres qui devraient peut-être être examinées.

Le sénateur MacDonald : Comment notre réponse se compare-t-elle à celle des Américains en ce qui concerne ce qu’ils autorisent ou non?

M. Brookfield : Je n’ai pas de tableau comparatif pour l’instant. Nous avons examiné ce que font d’autres alliés, notamment le Royaume-Uni, qui a récemment annoncé la suspension de certaines licences récentes et, je pense, de certaines licences antérieures.

Je dirais que les alliés s’entendent sur le droit d’Israël à se défendre et à prévenir les violences à Gaza et ailleurs, mais la manière dont ils appliquent ce principe dépendra de leurs systèmes et de leurs jugements sur la situation particulière, ainsi que du fonctionnement de leurs chaînes d’approvisionnement. La chaîne d’approvisionnement canadienne avec les producteurs israéliens sera sans doute légèrement différente de celle des États-Unis et, assurément, de celle des Européens.

Le sénateur MacDonald : Lorsqu’on se documente sur la réponse des Américains, on constate qu’ils semblent surtout préoccupés par les armes importantes et substantielles qui peuvent causer beaucoup de dommages collatéraux. Est-ce que cela semble être l’approche de la plupart des alliés en ce qui concerne l’armement qu’ils fournissent?

M. Brookfield : Encore une fois, je ne veux pas formuler des hypothèses à tort et à travers. J’ai cru comprendre que le Royaume-Uni, par exemple, envisageait de fournir des pièces pour certains matériels. C’est l’un des éléments dont nous tiendrons compte, à savoir l’utilisation qui sera faite du matériel en question. Notamment, sera-t-il utilisé en Israël?

La plupart des 200 licences en cause, qui ont déjà été divulguées et auxquelles vous avez fait référence, ne visent pas des articles destinés à être utilisés en Israël. Il s’agit d’articles qui seront réparés et qui reviendront au Canada ou qui seront utilisés dans du matériel qui sera ensuite vendu ailleurs, y compris à des alliés de l’OTAN. C’est un peu difficile de déterminer ce qu’il faut faire et notre situation est différente de celle des États-Unis, évidemment, dans la mesure où nous ne vendons pas ce genre de choses à Israël.

M. Lévêque : J’ai une remarque complémentaire à l’intention de la sénatrice qui a parlé d’un embargo sur les armes.

Je tiens à préciser que le gouvernement a pour position qu’il ne s’agit pas d’un embargo à proprement parler, mais d’une suspension sélective d’un certain nombre de licences. Je comprends que cela puisse relever de la sémantique, mais il y a eu beaucoup de sémantique, et je voulais donc aider à préciser la position du gouvernement.

Le président : Je vous en remercie.

Le sénateur Al Zaibak : Merci de votre présence, monsieur Lévêque.

Le 9 mai 2024, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution selon laquelle, à compter du 10 septembre 2024, le statut de la Palestine aux Nations unies sera élevé à celui d’observateur. Par cette résolution, l’Assemblée générale a déterminé que l’État de Palestine est admissible comme membre des Nations unies conformément à l’article 4 de la Charte des Nations unies et qu’il devrait donc être admis comme membre de l’organisation. L’Assemblée générale a adopté la résolution intitulée Admission de nouveaux membres à l’Organisation des Nations unies par 143 voix contre 9 et 25 abstentions, dont celle du Canada.

Compte tenu de l’engagement du Canada en faveur d’une solution à deux États, où Israéliens et Palestiniens vivraient côte à côte dans la paix et la sécurité, comment devrions-nous recalibrer nos efforts diplomatiques à la lumière de la situation actuelle à Gaza, et pourquoi le Canada s’est-il abstenu de voter pour cette résolution? Nous semblons nous contredire. D’une part, nous soutenons la création d’une solution à deux États. D’autre part, nous refusons à la Palestine le droit de devenir ne serait-ce qu’un observateur aux Nations unies.

M. Lévêque : Merci pour cette question, sénateur. C’est un point important qui mérite d’être clarifié, et je vais m’efforcer de le faire.

Je maintiens sans réserve l’affirmation que j’ai faite tout à l’heure, à savoir que le gouvernement pense que la meilleure façon de sortir de la crise, et l’avenir le plus prometteur passe par une solution à deux États, est la création de deux États vivant côte à côte, tout ce que j’ai dit.

La position diplomatique a évolué et continue d’évoluer. Certains pays ont déjà reconnu une Palestine indépendante. Le Canada et d’autres pays ne l’ont pas fait parce qu’il faut négocier, considérer cela comme faisant partie d’un ensemble de négociations, pour ce que l’on appelle communément les questions de statut final, où il y a le statut de Jérusalem, le retour des réfugiés et, bien sûr, le statut palestinien. Historiquement, la position du Canada a été de permettre aux parties de négocier et de s’entendre sur tous ces éléments afin que le statut d’État puisse être accordé au bout du compte.

Cette position a évolué ces derniers mois — et elle a été déclarée comme telle — en ce sens que le Canada est prêt à reconnaître un État palestinien au moment le plus propice à une paix durable, et pas nécessairement lorsque la dernière étape du processus est la concrétisation d’une solution à deux États.

Il y a déjà du mouvement en ce sens, mais pour l’instant, il n’y a pas de voie vers la paix. Il n’y a pas de dialogue ou de mécanisme politique pour poursuivre ce processus, mais le gouvernement continue d’observer ou d’étudier la situation et, je le répète, le changement est que cette reconnaissance du statut d’État ne se produira pas forcément, strictement ou exclusivement à la toute fin du processus. Elle pourrait intervenir à n’importe quel moment lorsque cette voie politique aura été définie et négociée.

Le sénateur Woo : Ma question porte sur une contradiction apparente. D’une part, nous souscrivons au droit d’Israël à se défendre. D’autre part, nous avons suspendu l’exportation de certains articles militaires. On peut supposer que nous prenons cette décision parce que nous ne voulons pas que ces articles soient utilisés dans des interventions qui pourraient constituer des crimes de guerre, en violation du droit humanitaire international, et qui pourraient se retourner contre nous. Cette interprétation est-elle juste? Sinon, pourquoi cesserions-nous ces exportations si nous défendons le droit d’Israël à se défendre?

M. Lévêque : Monsieur le sénateur, je dirais que c’est par excès de prudence et d’examen, et non pas parce qu’une conclusion ferme a été tirée sur la...

Le sénateur Woo : Il y a donc une possibilité que ces articles soient utilisés d’une manière qui soit considérée comme un crime de guerre et que cela se répercute sur le Canada et crée un degré de complicité. Est-ce l’une des voies que vous envisagez?

M. Lévêque : C’est la raison même de l’existence de notre régime de contrôle des exportations d’armes, afin de toujours veiller à ce que les exportations auxquelles l’industrie canadienne contribue ne finissent pas par avoir un impact négatif sur nos intérêts. Nous voulons éviter que des civils innocents ne soient pas victimes d’armements qui pourraient provenir de sources canadiennes.

Le sénateur Woo : Et qu’on nous déclare complices de ce genre d’atrocités.

M. Brookfield : Les crimes de guerre sont évidemment l’une des considérations, et le Traité sur le commerce des armes l’exige, mais d’autres considérations entrent en jeu pour déterminer si les licences d’exportation sont autorisées. Par exemple, nous ne voudrions pas exporter ce matériel vers un ennemi qui pourrait attaquer nos troupes, même s’il n’y a pas de civils...

Le sénateur Woo : Est-ce pertinent dans ce cas?

M. Brookfield : Je fais simplement remarquer qu’en général, nous ne refusons pas de délivrer des licences d’exportation uniquement en raison des risques pour les civils.

Le sénateur Woo : Ce n’est manifestement pas pertinent parce que nous souscrivons au droit d’Israël à se défendre, le raisonnement ne tient donc pas de ce point de vue. On peut supposer que cela signifie que d’autres pays qui exportent certaines catégories d’armes s’exposent au risque que nous avons décrit et qu’ils pourraient être complices de crimes de guerre.

M. Lévêque : Vous me demandez de faire des conjectures sur la façon dont d’autres pays...

Le sénateur Woo : Avec la logique que nous avons établie, nous avons mis fin à certaines exportations d’articles militaires en raison de ce risque hypothétique, d’un excès de prudence, comme vous l’avez dit, mais cela signifie que d’autres pays qui pourraient exporter des catégories similaires d’armes et de matériel de guerre s’exposent à ce genre de risques. Ils peuvent donc en juger différemment, mais c’est l’implication que je tire de nos actions. Vous n’avez pas à réagir à cela.

Je suis vraiment heureux que nous réfléchissions à notre complicité, ou à notre complicité potentielle dans des crimes de guerre, car j’ai l’impression que nous n’y réfléchissions pas auparavant. Je suis heureux que nous fassions tout en notre pouvoir pour nous protéger. C’est une triste raison d’agir, mais je vais m’en contenter.

À quoi d’autre pensons-nous pour nous protéger de l’horrible accusation et de l’éventuelle conclusion que nous sommes complices de la mort de — je ne me souviens plus du nombre d’enfants qui sont morts. Quelqu’un peut m’aider — des dizaines de milliers à Gaza? À part la suspension de licences, qu’envisageons-nous pour nous protéger contre la complicité dans ces crimes?

Le président : Vous disposez d’une minute pour répondre.

M. Lévêque : C’est une question très vaste et existentielle, monsieur le sénateur. Je ne suis pas sûr...

Le sénateur Woo : C’est une question existentielle pour les habitants de Gaza, tout à fait.

M. Lévêque : Vous avez tout à fait raison. Sans mûre réflexion, je ne peux pas fournir une réponse exhaustive, ou même prétendre le faire, sur la façon de nous en prémunir.

Je dirais que plutôt que de réfléchir à la façon de nous protéger, nous réfléchissions aux moyens de protéger les civils, et cela comprend toutes les interventions et les déclarations qui ont été faites jusqu’à présent, au fil de l’évolution du conflit, en ce sens.

Le sénateur Woo : Qu’est-ce que ça donne?

M. Lévêque : Pardon?

Le sénateur Woo : Qu’est-ce que ça donne, en ce qui concerne la protection des civils?

M. Lévêque : Je ne sais pas trop comment répondre à cette question.

Le sénateur Woo : Ce n’est pas grave. Pas besoin de répondre.

Le président : Le temps est écoulé. Je vous en remercie. Je vais poursuivre avec des questions faciles, et j’en poserai deux.

Ma première question est la suivante : il se passe beaucoup de choses en coulisses, pour ce qui concerne le rôle de tiers et peut-être la diplomatie parallèle. Nous n’en savons rien. Monsieur Lévêque, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure le Canada est-il au courant de ce qui se passe? Êtes-vous informé? Le savez-vous?

Les Américains sont très présents. D’autres pays le sont aussi. Cela a toujours été le cas, mais des tentatives sont faites pour arriver à une sorte de solution, certainement un cessez-le-feu, mais même plus. C’est mon premier point.

M. Lévêque : Plusieurs pistes de négociations, de pourparlers préparatoires et de réflexions sont en cours. Le premier noyau, pour ainsi dire, concerne le cessez-le-feu. Comme je l’ai dit, le nombre de pays qui jouent un rôle direct dans ces négociations est extrêmement réduit. Il s’agit des deux parties au conflit, de quelques voisins et des États-Unis.

Comme vous le savez, le Canada est membre du Groupe des Sept, ou G7, et nous avons l’avantage d’être assis à la table. Par exemple, les pays du G7 se réunissent très régulièrement au niveau des hauts fonctionnaires et des ministres. Vous connaissez la structure des directeurs politiques, qui sont les conseillers principaux des ministres des Affaires étrangères des pays du G7. Ils se réunissent chaque semaine, échangent des notes et reçoivent donc de l’information, notamment de la part des États-Unis, sur l’évolution des négociations.

Nous disposons désormais d’un groupe équivalent des chefs des ministères chargés du Moyen-Orient dans les pays du G7 où je siège. Nous nous réunissons également chaque semaine. Nous recevons des téléchargements directs de renseignements, mais nous avons aussi l’occasion d’exprimer le point de vue du Canada ainsi que des idées sur la manière dont la situation devrait évoluer. Voilà pour ce qui est du cessez-le-feu proprement dit.

Par ailleurs, nous savons qu’il existe plusieurs voies parallèles, des groupes sous-régionaux composés principalement de pays du Moyen-Orient, de l’Union européenne et des États-Unis, qui ont des conversations périodiques sur la planification de ce qu’il est convenu d’appeler « le jour d’après ». Dans ces forums, nous nous sommes déjà employés à établir des plans pour prévoir les domaines dans lesquels, dans une phase de reconstruction, nous apporterions chacun notre savoir-faire, notre financement, notre soutien, etc.

Tout cela se passe vraiment en parallèle, et je dirais à la fois au niveau officiel dans les ambassades et les capitales du monde entier et au niveau administratif.

Le président : Merci beaucoup. Ma prochaine question est un suivi et elle ne va pas vous surprendre. En janvier, le Canada assumera la présidence du G7. Je sais que vous et moi avons eu des rapports très étroits en 2018 lorsque nous avons assumé cette fonction la dernière fois.

Sur ce point précis, la présidence nécessitera non seulement un pouvoir de convocation, mais un leadership et la prise en compte de tous les éléments en ce qui concerne les initiatives. S’il y a un cessez-le-feu d’ici là, il faudra se demander comment la solution à deux États peut-elle se concrétiser? Comment Gaza peut-elle se reconstruire? Peut-elle se reconstruire? Toutes ces questions se posent.

Pensez-vous que vous et les différentes équipes concernées êtes prêts à prendre cela en charge et à faire avancer le dossier?

M. Lévêque : Je vous remercie de cette question. Vos réflexes d’ancien sherpa du G7 pour le premier ministre vous reviennent, c’est évident.

Le président : Je vous remercie.

M. Lévêque : Vous avez tout à fait raison, la réflexion sur tous ces éléments est en cours. Je dirai qu’il s’agit bien sûr d’un ensemble de circonstances assez dynamiques et que nous devrons nous adapter aux conditions sur le terrain.

Si la situation devait se débloquer à très brève échéance, nous serions dans une situation différente, par exemple, en ce qui concerne la planification de la reconstruction ou le soutien à la transition démocratique dans les territoires palestiniens, etc. Nous nous préparons donc à ces différents scénarios. Une chose est sûre, la crise au Moyen-Orient ne sera pas réglée d’ici 2025 et l’on s’attendra à ce que nous exercions notre leadership alors que les yeux du monde entier se tourneront vers le Canada au moment où nous assumerons la présidence du G7. Oui, il s’agira de convoquer, mais en mettant à contribution notre savoir-faire, nos recommandations et nos suggestions et en réunissant ces parties.

Je peux vous dire que dès ce week-end, je serai à New York pour l’Assemblée générale des Nations unies. Je présenterai certaines de nos réflexions à mes homologues du G7. Une réunion avec eux est prévue dimanche après-midi, au cours de laquelle nous discuterons de la manière de nous outiller et du type de gouvernance que nous voudrons mettre en place pour nous assurer que la résolution de la crise au Moyen-Orient n’est pas seulement une priorité, mais que nous sommes outillés pour réagir à tous les scénarios possibles.

[Français]

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Gerba : Merci de rappeler le rôle rassembleur du Canada autour du système onusien; je me réjouis d’avance de vos discussions par rapport à ce qui serait fait comme déclaration à ce sujet.

Monsieur Lévêque, en août dernier, le président Joe Biden a détaillé un plan d’accord en trois phases dont l’objectif est clairement établi : arriver à un cessez-le-feu et à la libération des otages, qui sont des conditions sine qua non pour que le conflit prenne fin.

Avez-vous été sollicité ou impliqué dans la préparation de ce projet d’accord? Si oui, pouvez-vous nous en dire un peu plus?

De quelle manière le Canada contribue-t-il à ce plan ou s’implique-t-il dans sa mise en place?

M. Lévêque : C’est exactement ce à quoi je faisais référence. Lorsque j’ai fait référence à la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui a été adoptée, c’est ce plan en trois phases dans lequel les parties négociatrices sont les États-Unis, l’Égypte, le Qatar et, par leur entremise, Israël et le Hamas.

Comme je l’expliquais, le Canada ne fait pas partie de ce petit groupe très serré de négociateurs en qui concerne le cessez-le-feu, mais plutôt par l’entremise de groupes comme le groupe des pays du G7, dont le Canada fait partie.

J’ai mon propre groupe de travail, à mon niveau, avec mes homologues des pays du G7. J’ai d’autres collègues qui le font également. Nous avons des nouvelles constantes de l’évolution de ces négociations. C’est une manière d’informer nos décisions et nos recommandations futures. Cela nous permet aussi de proposer des idées et de partager nos perspectives sur la question, puis de donner à notre tour des conseils par l’intermédiaire des États-Unis, qui font partie du groupe de négociateurs; en fait, cela nous permet de voir comment le reste des pays du G7 voient la situation.

C’est le canal privilégié et spécialisé par lequel le Canada peut apporter ses visées.

En même temps, nous avons une ambassade en Israël et un représentant à Ramallah, dans les territoires palestiniens. Nous avons une ambassadrice au Qatar. Nous continuons d’avoir ces discussions bilatérales dans les capitales. Nous avons aussi la chance, par le biais de notre réseau diplomatique, d’influencer et de faire des suggestions directement auprès des négociateurs, des gens qui sont autour de la table. C’est une orchestration diplomatique sur plusieurs plans qui nous permet d’avoir quelques intrants sur le processus.

La sénatrice Gerba : Est-ce que vous pensez que ces négociations avancent dans le bon sens? Sinon, où est-ce qu’on ira après les élections aux États-Unis, le 5 novembre 2024?

M. Lévêque : Je pense que vous avez mis le doigt dessus. Je crois que beaucoup de négociateurs dans la région ont un œil sur Washington et gardent un peu de leur poudre sèche dans le contexte de leurs stratégies de négociation, mais cela ne ralentit absolument en rien la détermination des négociateurs. Nous le savons, car nous leur parlons souvent par des intermédiaires. C’est un sujet évoqué dans les dizaines de séances de négociations qui ont eu lieu, ce qui découragerait bien d’autres personnes.

On continue d’entendre parler du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis, du fait qu’ils continuent, ronde après ronde, de pousser pour fermer cet écart qui demeure entre les parties. Il faut comprendre qu’il y a un profond manque de confiance des deux côtés. Cependant, les négociateurs n’ont visiblement pas abandonné et continuent d’essayer, malgré les vents contraires qui continuent de souffler.

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Al Zaibak : Monsieur Lévêque, plus de 11 mois se sont écoulés depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, au cours de laquelle plus de 1 200 Israéliens ont été tués et 250 autres ont été pris en otage ou faits prisonniers.

Depuis l’attaque du Hamas, Israël a mené des frappes aériennes et une invasion terrestre de Gaza qui ont entraîné la mort de dizaines de milliers de civils, dont environ 17 000 enfants — c’est le chiffre que vous cherchiez — et le déplacement d’environ 1,9 million de Palestiniens.

Ma question est la suivante : puisque nous continuons à invoquer la notion de soutien au droit d’Israël à se défendre, y a‑t-il un plafond ou un seuil au-delà duquel le Canada reconsidérerait ou réexaminerait son soutien déclaré au droit d’Israël à se défendre? Si c’est le cas, veuillez nous indiquer quel est ce seuil. Combien d’autres morts et de dégâts supplémentaires?

M. Lévêque : Ce que vous décrivez, la situation humanitaire est absolument bouleversante, et elle a été observée et commentée à maintes reprises.

Je ne peux pas vous donner une réponse exacte, monsieur le sénateur. Par contre, je peux dire que le rôle du Canada dans tout cela doit rester constructif. Si nous voulons être un partenaire à long terme sur la voie vers la paix, nous devons être capables de dire des vérités difficiles à nos partenaires, et croyez-moi quand je dis que nous le faisons, à tous les niveaux. Il suffit de regarder l’évolution des commentaires publics du premier ministre et de plusieurs de nos ministres. Les conversations difficiles qui doivent avoir lieu ont lieu.

Les mesures, les engagements et les déclarations publiques du Canada s’inscrivent tous dans le même esprit. Il s’agit de réitérer à toutes les parties qu’elles doivent faire tout en leur pouvoir pour protéger la vie des civils.

Il y a eu des abus. Il y a eu des crimes horribles. Que pouvons-nous faire d’autre que de continuer à renforcer ce message auprès de toutes les parties?

Le président : Il vous reste environ 30 secondes, monsieur le sénateur. Allez-y.

Le sénateur Al Zaibak : Je pense que nous ne pouvons le faire qu’en étant justes, impartiaux et équitables en réagissant à tout conflit, y compris celui-ci. La déclaration selon laquelle nous souscrivons au droit d’Israël à se défendre devient comme une couverture, sans aucun autre mécanisme de contrôle, permettez-moi de le dire. C’est contraire à l’équité, à l’impartialité et à la neutralité qui font la réputation du Canada.

Le président : Merci, monsieur le sénateur. Je pense qu’il s’agissait plus d’une déclaration que d’une question, et c’est noté.

Le sénateur Al Zaibak : M. Lévêque était d’accord. Il hochait de la tête.

Le président : Nous en sommes à la fin de notre séance.

Chers collègues, ce sont des questions difficiles et il est certain que depuis le temps que je travaille sur les questions de politique étrangère, c’est l’une des plus épineuses qui soient. Dans ce contexte, je sais que l’équipe d’Affaires mondiales Canada fait de son mieux, et ce, bien sûr, grâce à notre réseau dans le monde entier.

Messieurs Lévêque et Brookfield, j’ose dire que nous vous reverrons probablement à un moment ou à un autre. C’est ainsi, dans ce contexte, mais je tiens à vous remercier pour votre témoignage aujourd’hui et pour vos réponses à nos questions qui ne sont pas toujours faciles ici, et nous vous en sommes reconnaissants.

Chers collègues, nous nous retrouverons demain matin à 11 h 30 ici même pour faire le point sur la situation en Ukraine.

(La séance est levée.)

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