LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 10 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre).
Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je m’appelle Peter Boehm, sénateur de l’Ontario et président du Comité des affaires étrangères et du commerce international.
[Français]
J’inviterais maintenant les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.
La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec, marraine du projet de loi C-282.
Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Woo : Bonjour. Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Harder : Peter Harder, de l’Ontario.
La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario. Bienvenue.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.
La sénatrice M. Deacon : Bonjour et bienvenue. Marty Deacon, de l’Ontario.
La sénatrice Greenwood : Bonjour. Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique.
Le président : Merci à tous d’être des nôtres aujourd’hui. Je voudrais remercier ceux et celles qui nous regardent sur la page ParlVU du Sénat à l’échelle du pays.
[Français]
Avant d’entendre vos déclarations et de passer aux questions et réponses, j’aimerais demander à toutes les personnes présentes de bien vouloir mettre en sourdine les notifications sur leur appareil.
[Traduction]
Pour notre premier groupe de témoins, nous avons le plaisir de recevoir Bruce Muirhead, professeur d’histoire à l’Université de Waterloo; Brian Bilkes, président, et Gyslain Loyer, vice-président, des Producteurs d’œufs d’incubation du Canada; ainsi que Darren Ference, président, qui témoigne par vidéoconférence, et Phil Boyd, directeur général, ici présent, des Éleveurs de dindon du Canada.
Merci de témoigner. Nous sommes prêts à écouter vos déclarations d’ouverture. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions lors d’interventions de quatre minutes. Nous commencerons par les exposés de trois minutes de nos témoins.
Monsieur Muirhead, vous avez la parole.
Bruce Muirhead, professeur d’histoire, Université de Waterloo, à titre personnel : Merci beaucoup. Je suis enchanté de témoigner aujourd’hui pour vous faire part de mes réflexions sur un sujet très important qui préoccupe tous les Canadiens.
Depuis 15 ans, j’effectue des recherches et j’écris sur les modèles de gestion de l’offre et d’organisation agricole que l’on trouve dans d’autres pays. Dans une vie antérieure, j’ai effectué beaucoup de travaux sur l’élaboration de la politique commerciale canadienne d’après-guerre, comme je le dis, dans des négociations commerciales.
J’ai interrogé de nombreux producteurs de lait et d’œufs en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Avec ma collègue Jodey Nurse, de l’Institut d’études canadiennes de McGill, j’ai également récupéré des dizaines de milliers de pages de documents d’archives portant sur l’agriculture venant de ces pays, ainsi que des documents gouvernementaux et des reportages de médias.
Mes observations se fondent sur des recherches approfondies, l’étude et l’analyse de divers modèles agricoles à travers le monde. Vu mon immense immersion dans ce domaine de recherche, je peux affirmer sans équivoque que la gestion de l’offre dans tous les secteurs où elle est appliquée est tout simplement le meilleur système qu’un pays comme le Canada puisse avoir et qu’il est très important de préserver.
Pourquoi est-ce que j’affirme cela? C’est pour de nombreuses raisons, et j’espère qu’elles seront évoquées au cours de la prochaine heure, mais je me contenterai d’en citer trois par manque de temps.
Étant donné que notre voisin du sud est, évidemment, l’objet de bon nombre de vos délibérations, je crois que le Canada manquerait à son devoir s’il ne continuait pas à soutenir entièrement ses secteurs des produits laitiers, des œufs et de la volaille assujettis à la gestion de l’offre. Nous perdrions sans doute rapidement ces secteurs au profit de la concurrence américaine, non pas parce que nos agriculteurs ne sont pas à la fine pointe de la technologie et très productifs, car ils produisent d’excellents produits canadiens pour satisfaire les consommateurs canadiens à un prix raisonnable, mais en raison de certains avantages américains pour lesquels nous n’avons pas d’équivalent, comme les subventions publiques versées aux producteurs laitiers américains, par exemple. De plus, une étude réalisée en 2015 par l’Université Texas A&M a révélé que la main-d’œuvre immigrante bon marché a considérablement aidé les producteurs laitiers américains à devenir plus concurrentiels.
Les consommateurs canadiens seraient également confrontés à la présence, dans le lait, d’ingrédients comme la STBr, une hormone de croissance interdite dans notre système qui est conçue pour augmenter artificiellement la production de lait de vache d’environ 15 %.
Le système de gestion de l’offre du Canada contribue également à la durabilité rurale. Les petites exploitations laitières — qui comptent jusqu’à 96 vaches laitières en moyenne — et ovicoles — qui abritent environ 23 000 poules pondeuses en moyenne — offrent sur les rangs ruraux une stabilité inégalée lorsqu’elles sont bien soutenues. Elles soutiennent les communautés locales sur le plan social, mais aussi économique. Aux États-Unis, environ 68 % des produits laitiers de ce pays viennent de fermes comptant plus de 1 000 vaches laitières, connues sous le nom d’exploitation d’élevage en claustration. Il y a 7 000 vaches à la ferme Bar 20 en Californie, et d’autres fermes laitières comptent plus de 15 000 vaches laitières, tandis que les exploitations ovicoles de plus d’un million d’oiseaux ne sont pas rares. Cela ne contribue pas à la durabilité rurale, qui constitue un fondement de l’identité canadienne et des politiques publiques.
Enfin, la gestion de l’offre contribue à la sécurité et à la souveraineté alimentaires. Nous avons constaté de nos propres yeux l’importance de la sécurité alimentaire lors de la pandémie. Sans gestion de l’offre, il est peu probable que nous puissions maintenir notre production de produits laitiers, d’œufs et de volaille à la grandeur du pays, y compris dans les Territoires du Nord-Ouest.
L’Australie est un exemple de pays qui a promis à ses producteurs laitiers la liberté de participer au marché international en déréglementant le secteur en 2001, mais qui a fini par perdre sa sécurité laitière. Après 23 ans de production à la baisse, elle importe maintenant du beurre et du fromage pour la première fois. Cela pourrait aussi être le cas du Canada dans l’avenir si le système de gestion de l’offre est graduellement abandonné dans le cadre des négociations commerciales.
Pour ces raisons et d’autres que, je l’espère, les sénateurs évoqueront au cours de la prochaine heure, il est essentiel que nous maintenions notre système de gestion de l’offre et ne compromettions pas lentement son intégrité dans le cadre de diverses négociations commerciales. Il importe de dire que ça suffit, et il est crucial de maintenir la production de produits laitiers, d’œufs et de volaille pour satisfaire l’appétit des Canadiens dans les années à venir.
Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Muirhead.
Nous entendrons maintenant Brian Bilkes.
Brian Bilkes, président, Producteurs d’œufs d’incubation du Canada : Merci, honorables sénateurs. Je témoigne aujourd’hui avec mon vice-président, Gyslain Loyer.
Je suis ici aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-282, non seulement à titre de représentant de nos producteurs dévoués d’œufs d’incubation, mais aussi en tant que fier agriculteur de l’Ouest canadien. Nous vivons dans un pays formidable où abondent les agriculteurs talentueux et innovateurs qui, depuis des décennies, fournissent des solutions locales et font en sorte que les Canadiens sont nourris avec des produits locaux de haute qualité.
Étant agriculteur de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, je crois profondément à la gestion de l’offre, l’approche dont s’est doté le Canada pour protéger et renforcer ses produits agricoles. Mais le projet de loi C-282 ne vise pas seulement à protéger la gestion de l’offre. Il cherche à défendre la souveraineté du Canada dans le cadre de négociations commerciales et à faire en sorte que les secteurs agricoles essentiels ne soient pas davantage victimes d’autres concessions commerciales. Nous avons besoin de ce projet de loi parce que la gestion de l’offre constitue le fondement des communautés rurales prospères en assurant la stabilité et la croissance économiques.
Dans le cadre de la gestion de l’offre, les contrôles des importations sont essentiels pour pouvoir planifier adéquatement la production afin de garantir que l’offre continue de répondre à la demande. Malheureusement, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste final, ou PTPGP, n’a pas laissé nos contrôles à l’importation entièrement intacts, et il accorde un accès supplémentaire à notre marché. Sur la période de mise en œuvre de 19 ans, les pertes cumulatives de production intérieure d’œufs d’incubation de poulet à chair attribuables aux contingents tarifaires du PTPGP pour les œufs d’incubation de poulet à chair et les poulets à chair totaliseront environ 700 millions d’œufs d’incubation de poulet à chair. Cela équivaut à 313 millions de dollars en pertes estimées de recettes monétaires agricoles et à 182 millions de dollars en pertes estimées de revenus nets d’exploitation.
Les producteurs d’œufs d’incubation de poulet à chair sont touchés non seulement par l’importation d’œufs d’incubation et de poussins, mais aussi par toute importation supplémentaire de poulets, car ce sont des poulets qui n’ont pas été élevés à partir d’œufs d’incubation produits au Canada. Par conséquent, les producteurs d’œufs d’incubation de poulet à chair ressentent souvent un impact démesuré lorsque l’accès est accordé à des produits soumis à la gestion de l’offre dans le cadre d’accords commerciaux.
Chaque exploitation agricole perdue à cause de concessions commerciales a des répercussions sur des familles, des travailleurs et des économies régionales. Nous estimons que les répercussions annuelles du PTPGP entraîneront la perte de 398 emplois et de 28 millions de dollars en contributions au PIB dans l’économie canadienne.
En 2022, le nouvel accès au marché canadien du poulet accordé au Chili au titre du PTPGP équivalait à 12 millions d’œufs d’incubation de poulet à chair par année, auxquels s’ajoutent plus de 28 millions d’œufs d’incubation de poulet à chair remplacés par le nouveau contingent tarifaire de poulet. Devrions-nous réellement continuer d’échanger notre capacité de produire nos propres aliments contre des gains commerciaux à court terme?
La gestion de l’offre représente moins de 1 % des lignes tarifaires canadiennes dans les négociations commerciales; pourtant, on nous demande sans cesse de sacrifier cette part essentielle de notre économie. Je demande aux membres du comité pourquoi on est si disposé à renoncer aux mesures de protection qui garantissent la sécurité alimentaire, la stabilité des prix et le gagne-pain des agriculteurs canadiens? Les agriculteurs des industries soumises à la gestion de l’offre ne devraient pas être traités comme monnaie d’échange pour obtenir des gains dans d’autres secteurs, mais c’est ce qui se produit lorsque des concessions sont faites au nom de la soi-disant libéralisation du commerce.
Honorables sénateurs, les Canadiens ont élu des représentants qui ont présenté à deux reprises un projet de loi affirmant l’importance de la gestion de l’offre. Le projet de loi C-282 officialise cette politique de longue date en veillant à ce que les futurs accords commerciaux ne sacrifient pas l’intérêt des agriculteurs et des consommateurs canadiens. Des membres du comité ont laissé entendre que ce projet de loi limite la capacité des négociateurs d’accords commerciaux à négocier librement. Au contraire, le projet de loi C-282 fait en sorte que ces négociateurs ne puissent plus contourner la volonté du Parlement et des communautés qui l’ont élu.
La sécurité alimentaire est une question de sécurité nationale. Sans gestion de l’offre, nous risquons de nous retrouver avec des étagères vides et des prix instables. Le projet de loi C-282 n’empêche pas le Canada de négocier de nouveaux accords commerciaux; il garantit simplement la protection d’intérêts canadiens cruciaux.
Sénateurs, il est de votre responsabilité de non seulement défendre les principes de libre-échange, mais aussi d’assurer la défense des intérêts des Canadiens. Il est temps que le Sénat respecte la volonté des Canadiens, qui ont clairement fait savoir qu’ils veulent préserver leur accès à des aliments de qualité, sûrs et abordables produits au pays. Je vous demande d’adopter le projet de loi C-282 et de protéger l’avenir de l’agriculture canadienne. Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Bilkes.
Sachez que le sénateur Al Zaibak, de l’Ontario, s’est joint à nous. Nous entendrons maintenant M. Darren Ference.
Darren Ference, président, Éleveurs de dindon du Canada : Bonjour, distingués membres du comité. Je m’appelle Darren Ference, producteur de dindon de l’Alberta et président des Éleveurs de dindon du Canada, ou ÉDC. Merci de m’avoir offert l’occasion de parler du projet de loi C-282 aujourd’hui.
Certains ont dit craindre que le projet de loi C-282 ne divise l’agriculture canadienne, un avis que nous ne partageons pas. Il n’est pas nécessaire que cela se produise. Je suis ici pour appuyer le projet de loi C-282. Cependant, nous appuyons également la participation des Canadiens aux négociations commerciales, car le commerce est essentiel pour les industries exportatrices. De nombreux agriculteurs qui cultivent des produits soumis à la gestion de l’offre produisent également des produits agricoles pour lesquels les possibilités d’exportation sont importantes.
Mon exploitation illustre cet équilibre. J’élève des dindons, des poulets, 460 bovins de boucherie et des veaux, en plus de cultiver environ 3 500 acres. Je suis représenté par plusieurs groupes agricoles pour ma production de bœuf, de canola, de blé, d’orge et de légumineuses, en plus des ÉDC pour le dindon. Ces organisations sont toutes importantes pour mon exploitation, et je suis perplexe et troublé que certaines s’attaquent à un projet de loi qui appuie une partie importante de mes activités. Ces organisations se battent pour moi en défendant mes divers intérêts. Toutes mes activités sont également importantes pour le succès de mon exploitation et d’autres comme elle au pays. Le projet de loi C-282 est essentiel pour les exploitations avicoles assujetties à la gestion de l’offre qui servent de forme de gestion des risques d’entreprise sur mon exploitation.
Les accords commerciaux du passé ont coûté cher aux éleveurs de dindons canadiens comme moi. L’accord du PTPGP augmente de 71 % l’accès des importations au marché canadien du dindon, remplaçant la croissance naturelle de la production nationale sur 10 ans. Il en découle une perte annuelle permanente de production de 4,5 %. Avec les répercussions de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, ou ACEUM, l’accès total des importations au marché canadien du dindon doublera presque, ou augmentera de 89 % par rapport aux années antérieures à ces deux accords.
Nous ne voulons pas qu’on sacrifie un secteur de l’agriculture canadienne pour en aider d’autres. Il n’est pas nécessaire de le faire. Il est important de poursuivre les négociations commerciales pour mes produits d’exportation. Nous croyons qu’il est possible de le faire tout en protégeant notre marché intérieur. Les deux peuvent et doivent coexister. Le projet de loi C-282 vise à assurer cet équilibre, et ce, au profit de tous les secteurs agricoles, qu’ils soient assujettis ou non à la gestion de l’offre.
J’exhorte les membres du comité à appuyer le projet de loi C-282, qui instaurerait une mesure législative pour que les négociateurs puissent empêcher une perte supplémentaire d’accès au marché intérieur pour les produits soumis à la gestion de l’offre. Cela aidera les agriculteurs qui, comme moi, ont des intérêts divers dans l’agriculture. Je suis prêt à répondre à vos questions. Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup de votre déclaration préliminaire, monsieur Ference.
Chers collègues, nous allons maintenant passer aux questions et réponses. Comme d’habitude, nous effectuerons des interventions de quatre minutes. Je vous encourage vivement à faire de très brefs préambules, car le temps accordé inclut aussi la réponse à la question. Comme nous recevons plusieurs témoins, je vous demande également d’indiquer très clairement à qui vous poser votre question.
Le sénateur Gold : Je souhaite la bienvenue aux témoins. Ma question s’adresse principalement à M. Bilkes, mais je vous remercie tous de vos déclarations, en particulier M. Ference, qui nous a rappelé les répercussions qu’il subit de différentes façons.
Monsieur Bilkes, je crois comprendre que votre industrie compte des producteurs d’œufs d’incubation en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et au Québec, ainsi qu’un petit nombre en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador, ou peut-être seulement à Terre-Neuve. Vu l’incidence de votre industrie à l’échelle du pays, pourriez-vous nous en dire davantage sur la façon dont le projet de loi pourrait avoir des répercussions régionales potentielles, non seulement sur les économies rurales, comme vous l’avez souligné, mais aussi dans les régions urbaines où se trouvent des transformateurs d’aliments?
M. Bilkes : Merci de votre question, sénateur. Il se fait de la production d’œufs d’incubation dans toutes les régions que vous avez énumérées, sauf à Terre-Neuve. Il s’en fait également au Nouveau-Brunswick. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse approvisionnent le marché du poulet à Terre-Neuve.
Il existe une économie fondée sur des exploitations de production et des couvoirs répartis dans tout le pays. Lorsqu’il y a des répercussions commerciales, lorsque la production est réduite, toutes ces exploitations et tous ces couvoirs produisent de façon inefficace, et certains peuvent même disparaître si on ouvre davantage l’accès au marché lors des négociations. Voilà les répercussions que nous subissons à cet égard.
Le sénateur Gold : Merci.
Monsieur Ference, avez-vous quelque chose à ajouter? Je sais que j’ai posé une question sur les œufs, mais je crois que l’élevage de dindon ne se limite pas aux provinces dont vous avez parlé. Est-ce exact?
M. Ference : Nous produisons dans huit provinces du pays. Il y a aussi des écloseries partout au pays, auxquelles s’ajoute une entreprise d’incubation d’œufs de dindon qui fait également partie de l’industrie. Toutes ces activités soutiennent les régions urbaines dont vous avez parlé. La plupart des écloseries se trouvent en milieu urbain et approvisionnent toutes les fermes du pays, que ce soit dans l’Est ou dans l’Ouest. Il y a des écloseries au Québec, en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique et au Manitoba. Il y a aussi des usines de transformation en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, au Québec et en Ontario, et elles sont toutes situées en zones urbaines. Les usines d’aliments pour animaux sont aussi généralement situées dans des zones urbaines. Toutes ces activités attirent en milieu urbain des industries qui profitent de la gestion de l’offre. Tout cela fait partie du PIB de l’industrie.
Le sénateur Gold : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci à nos témoins d’être ici aujourd’hui. Je voudrais mentionner que je reviens tout juste d’un rassemblement qui s’est tenu en faveur de la politique de la gestion de l’offre et du projet de loi C-282, où j’ai vu des membres appartenant à tous les partis politiques. Cela montre d’une façon transpartisane la volonté, le désir et l’appui à l’égard de ce projet de loi. Je me réjouis de vous écouter parler de vos provinces respectives et des secteurs que vous représentez.
Ma question s’adresse à M. Muirhead. Dans un article publié dans le Journal de Montréal le 7 octobre dernier, vous avez déclaré que « sans le bouclier de la gestion de l’offre, le marché canadien du lait ferait face à un véritable “tsunami de lait américain” », et vous avez ajouté que ce serait « une catastrophe dans nos campagnes où la vitalité économique des villages dépend de celle des fermes ».
Pourriez-vous développer ce point et nous expliquer comment le projet de loi C-282 permettrait d’éviter ce tsunami et cette catastrophe pour nos campagnes?
[Traduction]
M. Muirhead : Merci de cette question. Cette affirmation vient de plusieurs sources, en fait. Sans la gestion de l’offre, notre industrie laitière, étant donné que nous sommes au Canada et non aux États-Unis, coûterait plus cher à faire fonctionner que l’industrie américaine.
Par ailleurs, les producteurs laitiers américains reçoivent des subventions publiques du gouvernement, et il y a d’autres mesures en place. Des décrets de mise en marché du lait américain garantissent un prix minimum pour les produits laitiers. Il y a un certain nombre de choses que les Américains taisent — j’y ai souvent songé —, quand ils demandent l’accès à notre industrie laitière. Peut-être que les négociateurs canadiens soulèvent ces enjeux auprès d’eux, mais ils n’en tirent aucune satisfaction.
On m’en a parlé à quelques reprises dans mes discussions avec des producteurs laitiers australiens. Ils m’ont dit que le système en Australie est complètement déréglementé. Le gouvernement n’intervient pas du tout. Il y a un organisme de réglementation. Les supermarchés Coles et Woolworths réglementent l’industrie en Australie. Il y a toujours un organisme de réglementation en matière d’agriculture ou de produits agricoles.
Ils m’ont dit qu’ils savaient pourquoi nous avions un système de gestion de l’offre. Ils ne l’approuvaient pas nécessairement, mais ils savaient qu’il était en place. Certains de ces producteurs ont évoqué la possibilité d’un « tsunami blanc » de lait venant du Sud de la frontière si nous mettions fin à la gestion de l’offre et que notre industrie ouvrait la porte aux importations déréglementées. Sans un système de gestion de l’offre en place, nous perdrions d’énormes volumes de lait.
Le lait américain est moins cher, c’est vrai. Je ne sais pas si cela se traduirait par des prix plus bas au Canada, mais c’est la nature de l’éthique néolibérale selon laquelle fonctionnent les Américains. Ils produisent aussi des dizaines de millions de gallons excédentaires.
Le principal objectif de la gestion de l’offre — et c’était le cas des secteurs de la volaille et des œufs au début des années 1970 et celui du lait en 1966 — était simplement de limiter la production excédentaire, qui est un gaspillage de ressources et d’énergie. C’est un gaspillage d’argent. Le gouvernement de l’époque devait défendre les subventions qu’ils octroyaient. En 1962, le ministre des Finances Douglas Harkness, un conservateur, a dit : « Nous ne pouvons pas nous le permettre. Il faut donc limiter la production de certains secteurs d’une manière ou d’une autre. » Le gouvernement a choisi la gestion de l’offre, parce qu’elle fonctionnait si bien.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Muirhead.
Le sénateur MacDonald : Ma question s’adresse à M. Muirhead. Nous sommes ravis que vous soyez ici. Vous avez réalisé un important travail de fond là-dessus. Je suis d’accord avec bien des choses que vous avez dites. Je travaille beaucoup aux États-Unis. J’y vais trois ou quatre fois par année, et on me parle toujours de la gestion de l’offre. Je réponds ce que vous venez de nous dire concernant la surproduction et les subventions. Habituellement, cela clôt la conversation, parce que mes interlocuteurs ne savent plus quoi dire.
On nous parle constamment de la production industrielle et de la production familiale. Qu’est-ce que cela signifie, au fond? Qu’est-ce qu’une exploitation familiale et qu’est-ce qui constitue une exploitation de taille industrielle? Quel pourcentage de la production canadienne vient des fermes industrielles, et quel pourcentage vient des exploitations de taille familiale?
M. Muirhead : C’est une excellente question. Je n’ai pas de réponse toute faite pour ce qui est de la production industrielle. La ferme laitière moyenne au pays possède de 83 à 96 vaches laitières. On parle clairement d’une production familiale. Beaucoup de littérature universitaire porte sur ce qui constitue une ferme familiale, mais ici on parle d’une ferme familiale. Dans le cas des œufs, la moyenne est d’environ 23 000 poules pondeuses. C’est aussi une ferme familiale. On peut l’exploiter avec sa famille, ce qui me paraît essentiel.
En Iowa, aux États-Unis, par exemple, il y a des fermes de huit millions de volatiles. La ferme moyenne de production d’œufs en Floride (en tout cas, ce sont les données d’avant les ouragans) possédait 1,5 million de poules pondeuses. Là, on ne parle plus d’exploitation familiale. Pour les produits laitiers, il y a des fermes contenant 15 000 vaches laitières dans la Vallée Centrale de la Californie, un chiffre tout simplement scandaleux pour un certain nombre de raisons, dont le bien-être animal. On parle d’exploitations d’engraissement en locaux fermés. Dans son rapport de 2006 (cela fait longtemps; et la situation est bien pire maintenant, ou mieux selon le point de vue), l’Union of Concerned Scientists des États-Unis parle d’une bombe à retardement. Il fallait agir pour prévenir la dégradation de l’environnement et les enjeux de santé issus du genre de grandes exploitations agricoles qu’on trouve dans la Vallée Centrale de la Californie : la poussière, la pollution et toutes sortes de problèmes connexes. Les préoccupations de santé pour les travailleurs et d’autres étaient aussi un grave problème.
Aux États-Unis, environ 70 % de la production laitière vient des fermes de plus de 1 000 vaches laitières, et la définition des opérations d’engraissement en locaux fermés s’applique à toute production de plus de 1 000 vaches. La majorité de la production laitière vient de très grandes organisations aux États-Unis. Au Canada, je dirais qu’il y a moins de cinq exploitations qui comptent plus de 1 000 vaches. C’est une excellente question, et je vais l’examiner. Nous mettons l’accent sur la production familiale, et je pense que c’est durable. Si on lit sur les agriculteurs américains, et les producteurs laitiers en particulier, on peut voir qu’ils dénoncent aussi les effets de l’industrie agroalimentaire sur leurs entreprises. Une exploitation de 300 vaches laitières est considérée comme une très grande ferme au Canada, alors qu’elle ne serait qu’une petite exploitation aux États-Unis.
Ces agriculteurs en parlent haut et fort. Ils demandent souvent une sorte de système de gestion fondé sur des contingents pour se protéger contre leurs concurrents de l’industrie. Il y a quelques années, on m’a demandé de prendre la parole devant l’Association des producteurs laitiers du Wisconsin, qui faisait activement du lobbying pour qu’on applique un système de gestion de l’offre. Il faut bien sûr que ce soit un système national; c’est tout ou rien. Mais cela n’arrivera jamais aux États-Unis. Ce n’est simplement pas une possibilité.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Muirhead.
Le sénateur Woo : Merci aux témoins. Ma question s’adresse à M. Muirhead. Vous avez donné l’exemple de l’Australie où la déréglementation ne fonctionne pas. Vous expliquez cet état de fait en particulier par l’augmentation des importations de produits laitiers dans ce pays. Selon vos informations, la qualité des produits laitiers en Australie a-t-elle diminué à cause de ces importations? Vos données donnent-elles à penser que la sécurité alimentaire a baissé à cause de ces importations? Diriez-vous que les consommateurs s’en tirent moins bien ou qu’ils sont mécontents en raison de l’importation de produits laitiers en Australie?
M. Muirhead : D’après mes recherches, je dirais que les consommateurs en Australie sont mécontents de ne pas avoir une industrie laitière intérieure.
Le sénateur Woo : Sont-ils mécontents des produits qu’ils reçoivent?
M. Muirhead : Non. Leurs importations de produits laitiers viennent principalement des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande. Ce n’est pas un enjeu de qualité, mais dans tous les cas, on compromet sa capacité de produire ses propres aliments, il me semble. La sécurité alimentaire est un pilier de l’identité nationale, il me semble. Dans un pays comme l’Australie — qui ressemble beaucoup au Canada à bien des égards en matière de potentiel agricole —, le fait qu’on ne puisse plus produire assez de produits laitiers pour répondre aux besoins des citoyens constitue un grand désavantage pour cette société.
De plus, j’ai pris des photos d’œufs australiens sur les étagères de Coles et de Woolworths, où on avait placé des affiches disant que le commerçant était désolé si les clients ne trouvaient pas les œufs dont ils avaient besoin, à cause d’une pénurie d’approvisionnement. J’y suis sans doute allé trois ou quatre fois, et j’ai croqué le phénomène en images dans différents magasins entre 2012 et 2019.
Le sénateur Woo : Les anecdotes sont intéressantes, mais avez-vous des données indiquant que les consommateurs australiens s’en tirent plus mal ou qu’ils sont mécontents de la qualité des produits laitiers qu’on leur propose désormais à cause des importations? Veuillez remettre ces données à la greffière, s’il vous plaît. Nous aimerions beaucoup les consulter.
Vous avez dit que les principales sources d’importations de produits laitiers en Australie étaient les États-Unis et la Nouvelle-Zélande. En fait, l’écrasante majorité des importations laitières provient de la Nouvelle-Zélande. La relation entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie ressemble, je dirais, à celle entre le Canada et les États-Unis. La Nouvelle-Zélande a aussi un marché totalement déréglementé. Le saviez-vous?
M. Muirhead : Non, il n’est pas déréglementé.
Le sénateur Woo : Leur système n’est pas comme le nôtre. N’êtes-vous pas d’accord que la relation entre le Canada et les États-Unis ressemble à celle entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie?
M. Muirhead : Non. Le système de la Nouvelle-Zélande n’est pas déréglementé. Il se fonde sur l’exportateur à guichet unique Fonterra, une coopérative de producteurs laitiers protégée par la loi depuis 2001 dans ce pays. Le système n’est absolument pas déréglementé comme le système laitier en Australie, et donc, les producteurs sont laissés à eux-mêmes et peuvent faire comme bon leur semble.
Fonterra représente une protection absolue pour les producteurs laitiers de la Nouvelle-Zélande. C’est entre autres pourquoi la Nouvelle-Zélande est le principal exportateur laitier au monde, elle qui contrôle environ 32 % du marché mondial des produits laitiers. Là-bas, il y a plus de vaches que de personnes. Je dirais que c’est une erreur d’affirmer que la Nouvelle-Zélande a un marché déréglementé. Je n’accepte pas l’amalgame de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie avec le Canada et les États-Unis.
Le sénateur Woo : Quels sont les obstacles à l’importation de produits laitiers en Nouvelle-Zélande?
M. Muirhead : La Nouvelle-Zélande n’en a sans doute pas besoin. Le lait là-bas est bien plus coûteux que le lait canadien, mais la Nouvelle-Zélande n’a pas besoin d’imposer de tarifs douaniers, parce qu’il y a huit millions de vaches dans ce pays qui compte une population de...
Le sénateur Woo : Il n’y a pas de tarifs douaniers sur les importations laitières?
M. Muirhead : Non.
Le président : Merci beaucoup. Nous en apprenons beaucoup sur l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mais le temps est écoulé pour ce segment.
La sénatrice M. Deacon : Comme vous le voyez bien, en tant que comité, nous continuons d’entendre des points de vue très divers, et nous cherchons à faire la part des choses. Je vais mettre de côté la Nouvelle-Zélande et l’Australie pendant un instant. J’aimerais parler des communautés mennonite et huttérite. Monsieur Muirhead, vous et moi vivons à quelques kilomètres d’une communauté mennonite bien établie et bien dirigée. Nous savons que ces communautés sont réparties dans différentes régions du pays. Qu’il soit question des produits laitiers, des volailles ou du bœuf, les données sur ces grandes exploitations sont-elles comprises dans les données canadiennes sur l’agriculture, ou s’agit-il de données indépendantes?
M. Muirhead : Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question. Me demandez-vous si les fermes mennonites font partie de...
La sénatrice M. Deacon : Je parle des communautés mennonite et huttérite, qui exploitent leurs entreprises différemment. Est-ce que leur production et leur travail sont inclus dans les données sur les agriculteurs au Canada?
M. Muirhead : Je dirais que oui. Je n’en sais trop rien quant aux huttérites, mais je présume que c’est la même chose. Je suis allé à des réunions d’organisations de producteurs laitiers en Alberta et dans les Prairies. Les huttérites remportent souvent des prix pour les meilleures exploitations dans les provinces comme l’Alberta. Je présume donc que ces communautés sont pleinement intégrées dans le système. Il faut qu’elles le soient pour fournir des produits laitiers ou des œufs, par exemple.
La sénatrice M. Deacon : Merci de ces précisions.
M. Ference : J’ajouterais une chose. Je viens des provinces de l’Ouest. J’ai fait partie de tous les comités là-bas. Toutes les colonies huttérites de l’Ouest ont des numéros de producteurs et font partie du système de gestion de l’offre. Elles sont considérées comme formant une seule ferme, et elles sont incluses dans toutes les données. Les fermes de cette taille en font partie. Ces colonies sont inscrites dans le système, qu’on parle de poulet, de dinde, de lait ou autre.
La sénatrice M. Deacon : Merci de votre réponse. Je suis désolée de ne pas avoir fait appel à vous. Merci beaucoup.
Je reviens à une chose qu’on a dite hier. Je pense que nous appliquons tous des filtres et posons des questions pour parvenir à bien comprendre. Un témoin a demandé si au bout du compte, ce projet de loi donnait plus ou moins de latitude aux négociateurs commerciaux. Il a aussi posé la question suivante : est-ce que le public y gagne, ou est-ce que le contexte est plus restreint?
J’ai écouté votre témoignage aujourd’hui. Je veux m’assurer que nous comprenions parfaitement. Vous pouvez tous répondre aux questions, ou bonifier une réponse. Je commencerais par M. Boyd, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
Phil Boyd, directeur général, Éleveurs de dindon du Canada : Merci beaucoup, sénatrice.
Oui, concernant l’intérêt public, je vais m’appuyer sur le témoignage de M. Ference qui portait sur son exploitation agricole. Il y a différentes subventions au Canada. Il cultive des céréales et élève du bétail. Il y a des besoins d’exportation, et la chaîne d’approvisionnement doit pouvoir y répondre. C’est important pour sa ferme. En ce qui a trait à sa production de dinde et de volaille, qui dessert le marché intérieur, on parle de tout le pays, de toutes les régions et de toutes les provinces.
Dans notre cas, les gouvernements et les partis soutiennent la gestion de l’offre depuis 50 ans. Cet engagement vise en partie à créer des débouchés pour qu’il y ait des chaînes d’approvisionnement dans toutes les provinces et toutes les régions, que les honorables sénateurs sont nommés pour représenter. À notre avis, cela sert l’intérêt public.
M. Ference a aussi dit que l’adoption du projet de loi C-282 appuie cet engagement envers la gestion de l’offre au fil du temps. Durant la phase de mise en œuvre de 20 ans, le coût pour les agriculteurs va avoisiner le demi-milliard de dollars, juste à cause du PTPGP et de l’ACEUM. C’est un coût important pour notre industrie. Nous ne sommes pas une industrie de grande taille. C’est beaucoup d’argent et de recettes monétaires agricoles perdus.
Puis nous examinons les recettes monétaires agricoles dans les différentes régions du pays. Celles qui proviennent des produits soumis à la gestion de l’offre sont très importantes, notamment dans le Canada atlantique. Je dirais que c’est plus de 50 %, mais nous vous fournirons cette information. En Colombie-Britannique, une importante proportion des recettes monétaires agricoles provient de la production de produits laitiers, de volaille et d’œufs.
En tenant compte des chaînes d’approvisionnement locales et de la santé de l’industrie dans chaque région et province, nous considérons que cela sert l’intérêt public.
Sur le plan de...
Le président : Je dois intervenir. Nous sommes rendus à quatre minutes et demie. Je vous ai laissé continuer en raison de la nature de la question, mais je suis certain que nous reviendrons à ces questions fondamentales dans quelques minutes.
La sénatrice Coyle : Je remercie tous les témoins de leurs témoignages et du temps qu’ils nous accordent. Je sais que vous êtes tous très occupés.
Les arguments que je retiens de vous tous sont les suivants : la sécurité alimentaire ; la souveraineté alimentaire ; et la protection des exploitations agricoles familiales, des emplois, des revenus, des communautés rurales, de la santé humaine, du bien-être des animaux et de l’environnement. Ce sont là quelques-uns des points essentiels que vous avez évoqués, collectivement. Ces éléments — et une économie canadienne robuste — sont, évidemment, importants pour les Canadiens, pour vous et pour nous tous qui sommes assis autour de cette table. Nous devons prendre en compte tous ces éléments.
Je vais revenir à la conversation au sujet de la Nouvelle-Zélande, car cette situation m’intrigue. Le secteur laitier n’y est pas soumis à la gestion de l’offre, mais il est organisé, prospère et exporte ses produits.
Je me demande donc s’il est possible de tout avoir. Pouvons‑nous avoir le beurre et l’argent du beurre? Existe-t-il un moyen pour ces merveilleuses entreprises agricoles ici au Canada, que nous apprécions énormément et dont nous bénéficions de nombreuses façons... Pouvons-nous avoir cela et bénéficier des relations commerciales ouvertes et de cet argent dont nous avons besoin pour bâtir l’économie du Canada, pour financer nos écoles, nos hôpitaux et tout le reste? J’essaie de comprendre pourquoi il ne faudrait prévoir une exclusion que pour notre secteur soumis à la gestion de l’offre.
Hier encore, un de nos témoins nous demandait qui serait le prochain à demander ces concessions. Cette mesure soulèvera des inquiétudes chez ceux qui entameront les négociations et les renégociations des accords existants.
Je ne sais pas qui voudrait répondre à ces questions.
M. Boyd : J’aimerais faire quelques brèves observations. Oui, nous voulons le beurre et l’argent du beurre dans l’intérêt des fermes, comme celle de M. Darren Ference. Ce n’est pas un problème.
Nous examinons les exportations de bœuf. Je pense avoir lu un article qui disait que 50 % de la production... il faut agir avec fermeté et foncer. Pour ce qui est du canola, c’est 90 % de la production canadienne qui est exportée... il faut agir avec fermeté et foncer. C’est ce qui aide les exploitations agricoles. Ce qui ne les aide pas, c’est de détruire petit à petit les fondements de la gestion de l’offre.
Tous les pays du monde veulent le beurre et l’argent du beurre. Merci beaucoup.
M. Ference : J’ajouterai que dans le passé, lors des négociations relatives à l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, ou AECG, nous avons ouvert davantage l’accès au marché des produits assujettis à la gestion de l’offre en échange d’une augmentation de nos exportations de bœuf. En tant que producteurs de bœuf, nous n’avons pas constaté d’augmentation des exportations de bœuf vers ces pays à cause de mesures protectionnistes qu’ils ont invoquées par la suite, même s’ils avaient négocié cette augmentation des échanges. Or, en faisant ces concessions pour les produits soumis à la gestion de l’offre, nous avons perdu une part de marché pour toujours.
M. Muirhead : Pour ce qui est de la Nouvelle-Zélande, il me semble que son système est complètement différent du nôtre. Vous en avez parlé. L’industrie laitière est très mal acceptée par la société néo-zélandaise. Elle suscite de vives réactions. Il y a beaucoup de pollution en Nouvelle-Zélande. On parle de « lait sale ». Les producteurs laitiers sont attaqués de toutes parts. Il y a des problèmes de pollution, des problèmes de méthane. L’histoire des producteurs laitiers en Nouvelle-Zélande n’est pas du tout réjouissante. De plus, il est très peu coûteux...
Le président : Je vous remercie. Mes excuses.
Le sénateur Harder : Je remercie notre groupe de témoins. J’aimerais revenir au sujet qui nous occupe. Nous étudions un projet de loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.
Monsieur Muirhead, savez-vous si d’autres pays ont déjà utilisé le document fondateur d’un ministère traitant du commerce pour circonscrire des négociations?
M. Muirhead : Oui. Dans une vie antérieure, comme je l’ai dit, avec les négociations commerciales, j’ai examiné le GATT, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1947...
Le sénateur Harder : Et la loi régissant un ministère?
M. Muirhead : Non, désolé, je pensais que vous parliez de n’importe quel pays.
Le sénateur Harder : Je sais que des pays le font, mais ils le font expressément. Les parrains du projet de loi veulent utiliser une loi régissant un ministère pour inclure une interdiction visant un secteur précis. Je souhaite simplement confirmer qu’aucun autre pays n’a ce mécanisme.
Ma question s’adresse à M. Ference. Vous nous avez demandé de façon très claire de soutenir le secteur soumis à la gestion de l’offre avec ce projet de loi, et d’écarter les préoccupations des représentants du secteur agricole non soumis à la gestion de l’offre — dont vous bénéficiez également — qui ont témoigné et témoigneront encore et qui nous demandent de rejeter le projet de loi. L’Association canadienne des bovins, l’Association nationale des engraisseurs de bovin, le Conseil canadien des fromages internationaux, la Canadian Canola Growers Association et Cereals Canada nous ont tous demandé de ne pas aller de l’avant avec ce projet de loi.
Pourquoi devrions-nous choisir votre secteur plutôt que les autres secteurs agricoles? Pourquoi divisez-vous le secteur agricole canadien?
M. Ference : Je ne pense pas le diviser; il est possible, selon moi, de soutenir les deux côtés tout en protégeant notre produit national et notre production. Notre marché n’est qu’un marché intérieur. Si nous le restreignons, il y aura d’importantes répercussions sur toutes les exploitations agricoles dans ce domaine. Pour ce qui est de la gestion des exportations, comme je l’ai déjà dit, nous avons sacrifié beaucoup de choses lors des négociations commerciales. À ma connaissance, nous n’en avons retiré aucun avantage.
Le sénateur Harder : Est-ce que je peux vous poser une autre question? Elle est fort simple. Ne pourrait-on pas dire qu’il est possible de soutenir la gestion de l’offre tout en étant contre ce projet de loi?
M. Ference : J’appuie le projet de loi et j’appuie la gestion de l’offre. Je pense que nous avons besoin d’une mesure de protection pour ne pas céder davantage de parts de notre industrie dans le secteur de la gestion de l’offre. Les dernières négociations ont eu d’importantes répercussions sur mon exploitation agricole, ce qui a entraîné de nombreux changements en raison des réductions et du déficit de croissance.
Le sénateur Harder : Je vous remercie.
La sénatrice Boniface : Merci à tous de votre présence. Ma question va dans le même sens et s’adresse à M. Ference. J’ai moi aussi de la difficulté à concilier les différents points de vue que nous entendons de la part des représentants de la communauté agricole. Vous et d’autres agriculteurs que nous avons entendus au cours des dernières réunions êtes divisés sur cette question. C’est certainement ce que nous avons entendu ici.
Vous avez fait valoir l’argument de la sécurité alimentaire. N’avanceriez-vous pas le même argument au sujet d’autres produits agricoles qui proviennent de votre ferme? Je ne dis pas que l’argument de la sécurité alimentaire est bon ou mauvais, mais je me demande si nous ne pourrions pas l’invoquer pour d’autres produits.
M. Ference : Les autres produits sont tous destinés à l’exportation et leur production est élevée. Il y a une surproduction, de sorte que la sécurité alimentaire grâce à ces produits — le canola et le bœuf — devrait être assurée. Nous avons cette production. En cas de pandémie, j’ose espérer que le Canada répondrait d’abord aux besoins des Canadiens.
La gestion de l’offre concerne notre production. Si nous diminuons notre production et devons compter sur les importations ou sur le tsunami de lait qui pourrait arriver des États-Unis, que se passera-t-il? Que se passera-t-il s’il y a un virus et que l’on ferme la frontière? Si nous n’assurons pas notre propre production, au premier obstacle, nous serons les premiers à être privés, ce qui mettra en péril notre sécurité alimentaire. La production intérieure est très importante pour garantir la sécurité alimentaire. Comme l’a dit M. Muirhead, on a choisi de maintenir la production de ces produits ici au Canada afin de subvenir aux besoins des Canadiens.
La sénatrice Boniface : Monsieur Boyd, vous pouvez peut‑être m’aider à comprendre la question de la production du bœuf. Cette production est-elle uniquement destinée à l’exportation?
M. Boyd : Je ne suis pas un spécialiste de l’industrie du bœuf, mais j’ai lu un article qui disait que 50 % du bœuf canadien était exporté. Dans le même article, on révélait que 90 % du canola canadien était destiné à l’exportation.
La sénatrice Boniface : D’accord.
M. Boyd : Et c’est important. Je ne crois pas que cela pose le moindre problème à l’organisme Les éleveurs de dindon du Canada ou à mes collègues.
La sénatrice Boniface : Mais je pense que vous comprenez le dilemme auquel nous sommes confrontés en raison des positions adoptées par d’autres intervenants. Si je défendais la sécurité alimentaire, je dirais évidemment que nous devons d’abord veiller à répondre à nos besoins. Faites-vous valoir que le risque n’est pas aussi important parce que 50 % de ce qui est produit est destiné à l’exportation?
M. Boyd : Comme le disait M. Ference, je ne pense pas que la sécurité alimentaire soit un problème dans le cas de ces produits, ou des nôtres, compte tenu de la manière dont nos différentes industries sont structurées.
Je comprends le dilemme auquel vous êtes confrontés. Ceux qui s’opposent à ce projet de loi s’expriment avec force et conviction, à tel point que, selon moi, certains de leurs arguments sont considérablement exagérés. En lisant la dernière colonne, on pourrait penser que si le projet de loi C-282 est adopté, l’économie canadienne va s’effondrer. Ce n’est pas le cas, à notre avis.
Pour revenir à ce que M. Ference a dit, les deux systèmes peuvent coexister au Canada. Le projet de loi C-282 aide simplement le pays à maintenir la gestion de l’offre intacte dans les diverses régions et provinces. Ce n’est pas compliqué. Nous pensons que la sécurité alimentaire est un élément important dans nos structures. Pour ce qui est des autres structures, d’autres intervenants peuvent faire valoir leurs arguments, mais je suis d’accord avec M. Ference.
Le président : Merci. Nous entamons maintenant notre deuxième série de questions.
Le sénateur Gold : Lors de notre réunion de comité hier, et lors de réunions antérieures, des témoins ont affirmé que l’adoption du projet de loi lierait les mains des négociateurs. J’invite quiconque à formuler des commentaires sur ce point, étant donné que le projet de loi ne fait que renforcer la politique actuelle du gouvernement en matière de gestion de l’offre et de négociations commerciales. Je vous invite tous à nous dire ce que vous en pensez.
[Français]
Gyslain Loyer, vice-président, Producteurs d’œufs d’incubation du Canada : Je vous remercie de la question. On a entendu ce genre de commentaire hier, mais on a aussi entendu un commentaire de l’ancien négociateur Steve Verheul qui disait le contraire, soit que le fait d’avoir un projet de loi comme le projet de loi C-282 ne viendrait pas lier les mains des négociateurs canadiens — loin de là. Je profiterais de ma prise de parole pour répondre à quelques questions que j’ai entendues, si vous me le permettez, monsieur le président.
Le sénateur Harder demandait s’il était possible de protéger la gestion de l’offre sans adopter le projet de loi C-282. La réponse est non. Je siège à une table internationale depuis 30 ans. Chaque fois qu’on a été en négociation, on a toujours perdu des plumes — c’est le cas de le dire. Le message était toujours le même : nous allons protéger la gestion de l’offre. Si on en est arrivé aujourd’hui au projet de loi C-282, c’est à cause de cela, c’est parce qu’il faut assurer à nos concitoyens et à nos producteurs que la gestion de l’offre survivra.
Quant à la question de la qualité d’un produit, il se peut qu’aujourd’hui il n’y ait pas de différences, mais je vais me projeter dans 50 ans. Qu’arrivera-t-il dans 50 ans? Personne ne le sait. On sait aujourd’hui ce qu’est la gestion de l’offre, on sait que beaucoup de productions sont protégées par des subventions qui sont méritées. J’ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi on est obligé de diviser l’agriculture au Canada.
On est ici pour alimenter nos citoyens d’une façon ou d’une autre et pour faire en sorte qu’il y aura assez d’aliments sur les tablettes dans les prochaines années. C’est le travail qu’on a à faire.
Merci.
Le sénateur Gold : Merci beaucoup, monsieur Loyer.
[Traduction]
Est-ce que quelqu’un d’autre aimerait intervenir? M. Muirhead, peut-être?
M. Muirhead : Pourriez-vous répéter la question?
Le sénateur Gold : Étant donné que ce projet de loi met en œuvre ou poursuivrait la politique du gouvernement, comment répondez-vous à l’argument selon lequel il ne fait que lier les mains des négociateurs, et qu’il nuira à la capacité du Canada à conclure des accords, à maintenir ses accords ou à stimuler son économie?
M. Muirhead : Je répète que je ne suis pas expert en politique commerciale. Je n’ai jamais travaillé dans ce domaine. Il me semble toutefois que les pays du monde entier, chaque fois que des négociations ont lieu, mettent de côté des secteurs qui ne feront pas l’objet de discussions. En 1955, par exemple, lors de la session de révision de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, les États-Unis ont renoncé à discuter de tous les produits agricoles. Les choses sont restées ainsi au sein de l’Accord de 1955 à 1994, lorsque le cycle d’Uruguay a pris fin.
Je ne pense pas que c’est un problème. Comme je l’ai dit, je ne suis pas un expert dans ce domaine, j’affirme donc cela aveuglément, mais je dirais que, d’après mes recherches, les gouvernements mettent toujours de côté des domaines qui ne feront pas l’objet de discussions.
Le président : Je vous remercie, monsieur Muirhead.
[Français]
La sénatrice Gerba : Cette question s’adresse à tous nos témoins, en particulier MM. Bilkes et Ference.
Selon des témoins que nous avons entendus hier, le récent retrait du Royaume-Uni des négociations sur le nouveau traité de libre-échange est attribuable à un différend sur la quantité de fromage que les Britanniques souhaiteraient faire entrer au Canada. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation? S’agit-il vraiment de la raison principale du retrait du Royaume-Uni des négociations?
[Traduction]
M. Ference : Je ne savais pas que le Royaume-Uni s’était retiré des négociations. Je n’ai donc pas d’opinion à ce sujet. J’ai un avis sur ce qui s’est passé lorsque nous avons négocié l’AECG là-bas.
Lors de ces négociations, on a accordé un accès supplémentaire à notre marché du fromage en échange d’exportations de bœuf plus importantes vers le Royaume-Uni. Je sais — et j’ai lu des articles à cet effet — que les exportations de bœuf vers le Royaume-Uni n’ont pas augmenté. Le Royaume-Uni a trouvé d’autres mesures protectionnistes pour empêcher notre bœuf d’entrer sur son territoire. Or, son fromage est entré sur notre marché.
Il nous faut protéger nos produits soumis à la gestion de l’offre et nos agriculteurs, car certains pays trouvent des façons de protéger leurs industries qui leur sont chères, même s’ils ont ouvert davantage l’accès à ces marchés.
Nous disposons d’un système de gestion de l’offre — le seul au monde —, et nous sommes constamment critiqués. Je pense que ce projet de loi nous aiderait, nous et nos négociateurs, à ne pas faire de concessions de dernière minute lors des négociations à venir.
La sénatrice Gerba : Merci. Avez-vous des observations?
M. Boyd : Je ne suis pas un expert du fromage ou de ces choses — je suis un producteur d’œufs d’incubation —, mais d’après ce que je sais de la Grande-Bretagne, le Royaume-Uni souhaite adhérer au PTPGP. Je crois que cela apaiserait ses préoccupations au sujet des négociations commerciales entre le Canada et le Royaume-Uni qui se préparaient.
J’aimerais aussi souligner que le Royaume-Uni est une île; la Nouvelle-Zélande est une île; et l’Australie est une île. Je pense que les îles ont toujours un avantage manifeste. Au lieu d’être séparés d’un immense voisin au sud par une frontière terrestre, les pays insulaires bénéficient d’avantages considérables sur le plan de la protection de leurs frontières et des coûts de livraison des marchandises.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur MacDonald : Monsieur Ference, vous avez mentionné les barrières commerciales non tarifaires. Je pense qu’il s’agit d’une préoccupation légitime, car des pays arrivent à faire indirectement ce qu’ils ne font pas directement. Nous devons en être conscients.
Pour ce qui est des Américains, nos voisins, et la taille de leur économie, c’est très inquiétant, mais parce qu’on leur remet sous le nez leurs subventions en agriculture, ils ne peuvent pas vraiment dire grand-chose. Tant qu’ils n’auront pas éliminé leurs subventions agricoles, je pense que nous n’avons pas à craindre pour notre gestion de l’offre.
La gestion de l’offre a été mise en place dans un environnement commercial très différent. Il y a maintenant toutes sortes d’accords commerciaux. Le monde est beaucoup plus petit. Les transports sont beaucoup plus rapides et efficaces. Ma question s’adresse aux éleveurs de dindon et aux producteurs d’œufs d’incubation : vous avez mentionné les pressions causées par les accords commerciaux. Comment vous êtes-vous adaptés? Est-ce que ça va toujours? Nos secteurs d’incubation d’œufs et d’élevage de dindon sont-ils soumis à une forte pression qui les affaiblit?
M. Bilkes : Merci de la question. Nos secteurs sont en bonne santé, mais chaque fois que des négociations commerciales prévoient une réduction ou une perte d’accès, cela nuit à notre production, vide nos granges et réduit notre efficacité. C’est pourquoi nous demandons l’adoption de ce projet de loi. Nous avons besoin de cette protection.
J’ai oublié l’autre partie de votre question.
Le sénateur MacDonald : N’êtes-vous pas plus efficaces?
M. Bilkes : Nous sommes devenus plus efficaces, mais, comme vous le savez tous, il y a eu beaucoup plus de perturbations ces deux dernières années avec la pandémie, la grippe aviaire et les événements météorologiques. Il y a eu plus de perturbations à gérer, et la production nationale est donc très importante pour nous afin de pouvoir continuer à fournir aux consommateurs canadiens ce dont ils ont besoin. Surtout que les perturbations ont été particulièrement graves.
M. Boyd : J’aimerais juste ajouter quelques points à ce qu’a dit M. Bilkes. Notre secteur a tendance à être moins favorisé, et nous avons du mal à faire augmenter la consommation, pour un certain nombre de raisons. Je pourrais vous en parler plus tard.
La gestion de l’offre dans notre secteur est une approche typiquement canadienne visant à préserver les chaînes de valeur à travers le pays, dans chaque province et dans chaque région.
Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Harder, je ne suis pas sûr que les autres pays devraient avoir de l’importance pour le comité, le Sénat ou la Chambre des communes, parce qu’il s’agit d’une solution typiquement canadienne. Le projet de loi C-282 ne nous semble pas lier les mains de qui que ce soit. Les négociateurs veulent toujours moins de directives. C’est ainsi qu’ils sont faits. Nous le savons tous. Cela deviendrait une contrainte, comme l’amélioration de l’accès à l’exportation des produits canadiens est aussi une contrainte.
Le sénateur Woo : Monsieur Boyd, vous avez essayé de réfuter ce que vous dites être l’affirmation des opposants au projet de loi C-282, selon laquelle l’économie va s’effondrer si ce projet de loi est adopté. Je ne suis pas sûr d’avoir entendu quelqu’un utiliser ce terme, mais des négociateurs commerciaux et des décideurs politiques expérimentés nous ont dit hier que ce projet de loi pourrait mettre en péril non seulement l’accès au marché d’un certain nombre de secteurs canadiens aux États-Unis, mais aussi l’ACEUM en entier. Voilà ce que nous ont dit des experts.
N’êtes-vous pas d’accord pour dire que l’abrogation de l’ACEUM après les renégociations de 2026 serait en fait une catastrophe pour l’économie canadienne?
M. Boyd : Monsieur le président, je pense que ce n’est pas là la question à laquelle je répondais. Je cherchais juste à…
Le sénateur Woo : Non. Répondez à la question que j’ai posée. Estimez-vous que la fin de l’ACEUM serait dévastatrice pour l’économie canadienne?
M. Boyd : Ce qui est prévu en 2026, c’est une révision de l’accord, pas une renégociation. C’est très différent.
Mon seul point était que de nombreux arguments contre le projet de loi semblent avoir été enjolivés. Un négociateur commercial nous a dit que ça ne constitue pas un problème. C’est un négociateur expérimenté qui a participé à plusieurs grands accords. Les négociateurs ont des points de vue différents sur des questions différentes, c’est certain.
Le président : Nous sommes arrivés au terme de notre première partie. Au nom du comité, je voudrais remercier nos témoins, Bruce Muirhead, Brian Bilkes, Gyslain Loyer, Darren Ference et Phil Boyd. Vous avez donné des réponses très franches à des questions qui l’étaient tout autant. Nous vous remercions d’avoir enrichi nos délibérations.
[Français]
Chers collègues, nous passons maintenant à la deuxième partie de notre réunion.
[Traduction]
Nous accueillons maintenant, de la Canadian Canola Growers Association, Dave Carey, vice-président, Relations avec les gouvernements et l’industrie; du Conseil canadien du canola, Troy Sherman, directeur principal, Relations gouvernementales et industrielles; et de l’Association nationale des engraisseurs de bovins, Cathy Jo Noble, vice-présidente. Je vous souhaite à tous la bienvenue.
Nous commencerons par les déclarations, monsieur Carey, puis nous passerons aux questions. Vous avez la parole.
Dave Carey, vice-président, Relations avec les gouvernements et l’industrie, Canadian Canola Growers Association : Merci, monsieur le président.
Merci de m’avoir invité à comparaître pour discuter des conséquences du projet de loi C-282 sur les 40 000 producteurs de canola du Canada, qui comptent sur un commerce ouvert et fondé sur des règles pour assurer le succès de leurs exploitations.
La Canadian Canola Growers Association, ou CCGA, est l’association nationale des quelque 40 000 producteurs de canola du Canada, qu’elle représente au sujet des enjeux, des politiques et des programmes qui ont une incidence sur le bon fonctionnement de leurs exploitations. Créé au Canada, le canola est un produit de base de l’agriculture canadienne ainsi que de la science et de l’innovation. Aujourd’hui, c’est l’une des cultures les plus répandues au Canada et c’est le produit agricole qui génère le plus de recettes aux agriculteurs canadiens, soit plus de 13,7 milliards de dollars en 2023. Chaque année, le secteur du canola rapporte à l’économie canadienne 29,9 milliards de dollars et fournit plus de 200 000 emplois. Les producteurs de canola sont très dépendants du commerce international, exportant 90 % de ce qu’ils cultivent sous forme de graines, d’huile et de tourteau. Les exportations de canola à elles seules étaient évaluées à 15,8 milliards de dollars en 2023, à destination de plus de 50 pays.
Le succès du canola et sa capacité à contribuer de manière significative à notre économie reposent sur l’innovation et le commerce international. Les accords de libre-échange, ou ALE, éliminent les obstacles et établissent des règles commerciales claires; ils sont la pierre angulaire d’un commerce prévisible et fondé sur des règles.
Le projet de loi C-282 remet en question les éléments essentiels que les accords de libre-échange sont censés appuyer. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi agricole; il aura des répercussions sur tous les secteurs de l’économie canadienne qui dépendent des importations ou des exportations. Malheureusement, à l’autre endroit, l’étude en comité a été précipitée pour des raisons politiques, et seuls les intervenants du secteur agricole ont comparu.
S’il est adopté, le projet de loi limitera la capacité de nos négociateurs à rechercher les meilleurs et les plus ambitieux accords pour l’ensemble du Canada. De plus, le projet de loi crée un dangereux précédent en invitant nos partenaires commerciaux à demander également des exclusions.
Notre association appuie les efforts constants du gouvernement pour diversifier nos exportations et renforcer le libre-échange dans le monde, dont l’importance est soulignée par la situation commerciale actuelle du canola avec la Chine. Toutefois, le projet de loi va à l’encontre de ces efforts et envoie un signal protectionniste clair au reste de la planète.
S’il est adopté, le projet de loi C-282 constituera une menace existentielle pour la réputation commerciale du Canada dans le monde. Il deviendrait sans aucun doute une source d’irritation lors du prochain examen de l’ACEUM. Les États-Unis, qui constituent un marché essentiel pour le canola, ont entamé de nombreux différends au sujet de l’accès au marché laitier canadien. De plus, le Royaume-Uni a interrompu ses pourparlers avec le Canada sur un accord de libre-échange en raison de soucis concernant les restrictions du marché canadien du fromage. Ces tensions commerciales existent déjà et le projet de loi C-282 ne ferait que les exacerber.
Des personnes ont dit que ce projet de loi n’aurait pas d’incidence sur les ALE existants. Je voudrais rappeler au comité que tous les accords de libre-échange font l’objet d’un examen, qu’il s’agisse de l’ACEUM, du PTPGP ou des accords bilatéraux, et que de nombreux ALE peuvent être annulés par n’importe quel signataire avec un préavis de six mois.
Je demande instamment au comité de réfléchir aux répercussions que ce projet de loi aura non seulement sur le canola, mais aussi sur le Canada en tant que pays dépendant du commerce. Les ramifications sont importantes et se feront sentir pendant des années, tant pour le secteur agricole que pour la réputation du Canada et sa capacité à défendre un commerce ouvert et fondé sur des règles. Merci beaucoup.
Troy Sherman, directeur principal, Relations gouvernementales et industrielles, Conseil canadien du canola : Merci beaucoup de l’occasion de témoigner aujourd’hui avec mes collègues dans le cadre de votre étude sur le projet de loi C-282. Je m’appelle Troy Sherman et je suis directeur principal des relations gouvernementales et industrielles pour le Conseil canadien du canola.
Le Conseil du canola est une organisation de l’ensemble de la chaîne de valeur qui représente environ 40 000 producteurs de canola ainsi que des exportateurs, des transformateurs et des entreprises en sciences de la vie. À ce titre, notre objectif est d’assurer la croissance et le succès durables du secteur, et ce, en répondant à la demande nationale et mondiale de canola et de produits à base de canola, qui comprennent les graines, l’huile et le tourteau.
Le succès du canola profite à tout le Canada. Notre secteur représente près de 30 milliards de dollars d’activité économique par an, soutient plus de 200 000 emplois dans tout le pays et 12 milliards de dollars de salaires, et constitue l’une des plus grandes sources de recettes agricoles.
Le commerce international est vital pour l’industrie canadienne du canola, avec des exportations totalisant 15,8 milliards de dollars rien qu’en 2023. Avec environ 90 % du canola canadien exporté vers 50 marchés différents, l’industrie du canola dépend d’un commerce international ambitieux, équitable et fondé sur la science et les règles. Depuis de nombreuses années, nous travaillons avec les négociateurs commerciaux du Canada pour nous assurer que le Canada et le canola canadien sont bien placés pour aider à nourrir le monde.
Pour atteindre cet objectif, il est impératif que le Canada cherche à conclure les accords commerciaux les plus ambitieux et les plus viables. Le projet de loi C-282 met cet objectif en péril et nuira considérablement à la politique commerciale et à la réputation du Canada en tant que nation commerçante.
Pour être clair, nos préoccupations et notre opposition à ce projet de loi ne sont pas le reflet d’une position sur la gestion de l’offre ou sa valeur. Notre opposition à ce projet de loi repose sur le principe selon lequel nos négociateurs commerciaux devraient disposer de tous les outils possibles afin de négocier les meilleurs accords pour le Canada. Bien que ce projet de loi porte spécifiquement sur la protection de la gestion de l’offre, nous serions également opposés à tout projet de loi qui établirait des protections législatives pour tout autre secteur et risquerait de forcer des concessions dans d’autres domaines d’intérêt pour les exportateurs canadiens.
En outre, la modification de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement crée un dangereux précédent selon lequel d’autres groupes ou secteurs pourraient chercher à modifier la loi pour obtenir des exclusions similaires. Il s’agit d’une voie dangereuse qui éroderait fondamentalement la politique commerciale du Canada. Nous demandons instamment au Sénat de rejeter le projet de loi C-282, compte tenu du préjudice qu’il causera à la politique commerciale du Canada et des risques qu’il créera pour les secteurs qui dépendent du commerce international, y compris le canola canadien. Le Sénat doit jouer son rôle constitutionnel de chambre de second examen objectif et faire la part entre ce qui est bon politiquement et ce qui est bon pour le Canada.
Merci. Je suis impatient de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup. Madame Noble, allez-y, s’il vous plaît.
Cathy Jo Noble, vice-présidente, Association nationale des engraisseurs de bovins : Bonjour. L’Association nationale des engraisseurs de bovins représente des exploitations familiales de tout le Canada qui produisent de la viande bovine de haute qualité. Nous nous opposons fermement au projet de loi C-282 en raison de l’effet incroyablement négatif qu’il aura sur l’économie et la réputation internationale du Canada.
Le Canada exporte environ 50 % des bovins vivants et de la viande bovine qu’il produit. Soixante-quinze pour cent de ces exportations sont destinées aux États-Unis. L’ACEUM est donc un accord essentiel pour notre secteur, tout comme la diversification de nos exportations par le biais de nouveaux accords commerciaux.
Le projet de loi C-282 rendra impossible la négociation de nouveaux accords commerciaux dans le meilleur intérêt de tous les secteurs canadiens et agitera inutilement un drapeau rouge avant l’examen de l’ACEUM en 2026. Nous savons que le projet de loi a déjà un effet négatif sur la réputation du Canada. Nos partenaires commerciaux nous disent qu’ils observent la situation avec inquiétude. Ce n’est pas le genre de leader mondial que le Canada est ou veut être. Le Canada ne doit pas donner la priorité aux intérêts économiques d’un secteur au détriment de tous les autres, y compris bien au-delà du domaine de l’agriculture.
Il ne s’agit pas d’une discussion sur la gestion de l’offre. Il s’agit d’un choix entre une bonne ou une mauvaise politique commerciale. Si ce projet de loi protégeait le secteur automobile au lieu de la gestion de l’offre, il s’agirait quand même d’une mauvaise politique commerciale. S’il protégeait l’aluminium ou l’acier au lieu de la gestion de l’offre, il s’agirait toujours d’une mauvaise politique. Il faut poser la question suivante : est-ce, oui ou non, une bonne politique commerciale pour les Canadiens?
Si le projet de loi C-282 est adopté, il créera un dangereux précédent où les politiciens se substitueront aux négociateurs commerciaux. Les négociateurs commerciaux canadiens ont besoin de flexibilité pour gérer les changements inattendus dans le monde, et nous devons les laisser faire leur travail, et non le légiférer.
Tous les secteurs canadiens sont confrontés à des défis. Par exemple, la viande bovine canadienne est actuellement exclue des marchés britannique et chinois, ce qui a un impact économique considérable sur notre secteur, mais la solution n’est pas de résoudre ce problème au détriment d’autres secteurs. Il y a tellement de possibilités mondiales pour le Canada, suffisamment pour que nous soyons tous gagnants. Si ce projet de loi est adopté, aucun d’entre nous n’en sortira gagnant.
L’Association canadienne des engraisseurs de bétail implore les sénateurs de ne pas appuyer le projet de loi C-282.
Le président : Merci beaucoup à nos trois témoins. Nous allons passer aux questions. Comme d’habitude, chers collègues, vous disposez de quatre minutes. Veuillez être concis dans vos préambules et vos questions afin que nous puissions obtenir le maximum de réponses.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de vos exposés d’aujourd’hui. J’ai eu le plaisir de rencontrer des représentants de vos groupes respectifs, récemment, pour connaître vos points de vue au sujet de ce projet de loi. Je tiens à vous remercier pour votre témoignage d’aujourd’hui. Merci, monsieur Sherman, d’avoir souligné l’importance du rôle du Sénat. C’est au cœur même du problème auquel nous sommes confrontés. J’arrive à une conclusion différente de la vôtre, mais il n’en demeure pas moins que c’est précisément notre rôle à cet égard.
Madame Noble, très respectueusement, je pense que les politiciens et le Parlement dans son ensemble, sans doute, ont un rôle et le droit de fixer des limites et modalités pour les négociateurs commerciaux. Nous vivons dans un État de droit.
Pardonnez-moi; ce sont là mes commentaires.
J’aimerais que vous nous en disiez plus sur le rôle que jouent vos organisations lors des négociations commerciales. Quels moyens et canaux de communication et de mobilisation avez‑vous et utilisez-vous — à juste titre, d’ailleurs — durant ces processus? J’aimerais comprendre comment les choses fonctionnent pour vous et avec vous dans le cadre de ce processus.
Merci.
Le président : À qui s’adresse votre question?
Le sénateur Gold : À quiconque souhaite répondre. Je m’excuse, monsieur le président. Je sais que vous voulez que je sois plus précis.
Quiconque veut commencer le peut, puis le temps sera écoulé.
M. Sherman : Je suis ravi de commencer. C’est une excellente question.
Nous entretenons tous des liens étroits avec nos négociateurs commerciaux, avant, pendant et après les négociations. Il ne faut pas oublier l’aspect de la mise en œuvre des accords de libre‑échange.
Nous participons de diverses manières. Comme vous le savez, Agriculture et Agroalimentaire Canada a un négociateur en chef en matière d’agriculture. Un groupe de consultation sur les négociations relatives au commerce agricole nous permet de dialoguer directement avec les négociateurs lors des séances de négociation avec divers partenaires. En outre, d’autres types d’organes spéciaux sont créés au besoin, en cas de problème. Par exemple, comme vous le savez peut-être, le Canada s’est joint, comme tierce partie, dans le cadre du mécanisme de règlement des différends de l’ACEUM, à la plainte déposée par les États-Unis contre le Mexique relativement au maïs génétiquement modifié. Il y a un groupe de travail sur le Mexique, par exemple, qui est composé de représentants de l’industrie et du gouvernement, pour discuter de ce que cela signifie et des documents soumis par le Canada à ces différents groupes.
Il y a donc une multitude de mécanismes avec lesquels nous pouvons collaborer. Plus tôt cette année, M. Carey et moi étions à Abu Dhabi avec la ministre Ng à l’occasion de la Conférence ministérielle de l’OMC, et nous avons eu des rencontres très régulières lors de ces négociations. Nous disposons de divers mécanismes pour présenter nos observations aux négociateurs.
Le sénateur Gold : Quelqu’un d’autre veut-il ajouter quelque chose?
M. Carey : Nous allons régulièrement dans nos principaux marchés clés. Nous accueillons les Japonais chaque année; nous allons au Japon chaque année. Nous allons fréquemment en Chine chaque année. Nous participons souvent aux missions commerciales organisées par le gouvernement fédéral, comme M. Sherman l’a indiqué. Il y a l’OMC et les forums publics. Nous siégeons tous au conseil d’administration de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, ou ACCA, dont je suis le vice-président. Par l’intermédiaire de l’ACCA, nous rencontrons les négociateurs commerciaux trois fois par année pour obtenir des mises à jour.
Le gouvernement excelle pour ce qui est de nous tenir au courant de ce genre de choses, et nous avons les mécanismes nécessaires à cette fin, sénateur.
Le président : Il reste un peu de temps si vous voulez faire un commentaire, madame Noble.
Mme Noble : Nous participons de la même façon que les gens du secteur du canola, soit avant, pendant et après les négociations commerciales. Nous entretenons d’importantes relations avec nos partenaires commerciaux dans ces pays et avec d’autres associations — nos associations sœurs — dans d’autres administrations. Nous sommes donc tous gagnants de tous les côtés.
Le sénateur Woo : Merci aux témoins.
Des représentants d’industries soumises à la gestion de l’offre ont indiqué qu’ils auraient grand mal à soutenir la concurrence aux États‑Unis en raison de l’asymétrie de la relation, les États-Unis étant beaucoup plus grands. On allègue qu’ils contournent les règles en recourant à la main-d’œuvre irrégulière, aux hormones, aux produits chimiques... toutes ces choses.
Cependant, je crois savoir que vos industries ont connu énormément de succès aux États-Unis. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous connaissez du succès aux États-Unis?
M. Carey : Le Canada est le plus important producteur et exportateur de canola au monde. Notre avantage, dans le cas du canola, c’est qu’il s’agit d’une culture qui a été créée par le gouvernement et les universités en collaboration avec le secteur privé. En fait, l’Australie est notre principal concurrent pour le canola, tandis que les États-Unis représentent notre plus grand marché, avec 8,6 milliards de dollars de canola l’année dernière.
C’est une innovation canadienne qui repose sur la science et un commerce fondé sur des règles. Grâce à cela, nous parvenons à exporter 90 % de notre production. Les 10 % restants servent à combler la demande intérieure. Le canola génère d’importantes recettes pour les agriculteurs. Nous avons innové et nous avons été concurrentiels. Le canola n’existait pas avant les années 1970, et il s’agit aujourd’hui d’un des produits les plus précieux du Canada, et pas seulement dans le secteur agricole, monsieur.
M. Sherman : Je serais ravi d’ajouter quelque chose. Comme M. Carey l’a indiqué, les États-Unis sont notre plus grand marché, et il est très important. En pourcentage, les États-Unis représentaient environ 54 % de la valeur totale de nos exportations en 2023.
Nos importants succès aux États-Unis résultent en partie des accords commerciaux très ambitieux et viables sur le plan commercial que nous avons. L’ACEUM est un exemple. Il s’agit probablement du texte sur la biotechnologie le plus important au monde, par exemple. L’accord comprend également un mécanisme de règlement des différends. Nous y avons actuellement recours pour le différend avec le Mexique concernant le maïs génétiquement modifié. L’accord énonce un ensemble de règles très rigoureuses qui nous permettent d’exporter de tels volumes aux États-Unis. On y trouve des modalités très strictes sur ce qui est autorisé ou non et sur ce qui peut faire l’objet d’un recours dans le cadre du mécanisme de règlement des différends. Nous sommes d’avis que tout cela serait menacé si le projet de loi C-282 était adopté.
Mme Noble : Le marché nord-américain de l’industrie bovine est très intégré. Une grande quantité de bovins vivants traversent la frontière tous les jours. Certains producteurs canadiens ont aussi des parcs d’engraissement de l’autre côté de la frontière, aux États-Unis. Ce qui est important, c’est que nous sommes contre la politique des États-Unis sur le pays d’origine, et nous avons exprimé notre désaccord. L’adoption du projet de loi C-282 ne renforcerait certainement pas nos arguments contre cette politique.
Le sénateur Woo : Ce n’est pas comme si nous n’avions aucun problème d’accès au marché américain. Il y a les mesures sanitaires et phytosanitaires, ou MSP, les droits compensateurs que les États-Unis imposent à l’occasion, etc. Cependant, l’ACEUM comprend des mécanismes pour résoudre ces questions, en particulier l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et le mécanisme de règlement des différends. L’inclusion du mécanisme de règlement des différends dans l’ACEUM a été obtenue de haute lutte, car les États-Unis n’en voulaient pas auparavant. Dans le cadre de la renégociation, la perte du mécanisme de règlement des différends serait-elle préjudiciable à vos industries?
M. Sherman : La perte du mécanisme de règlement des différends serait tout à fait néfaste non seulement pour le secteur agricole, mais aussi pour toutes les industries canadiennes qui ont recours à cet outil. L’OMC, comme nous le savons — et nous étions à Abu Dhabi pour la 13e Conférence ministérielle de l’OMC — n’est pas un organe d’appel efficace pour ce genre de règlement des différends. L’intégration d’un mécanisme de ce genre dans nos accords de libre-échange actuels, y compris l’ACEUM, est primordiale pour l’avenir.
Le sénateur Woo : Le projet de loi C-282 risquerait d’inciter les Américains à demander le retrait du mécanisme de règlement des différends lors de la renégociation. Ils n’en voulaient pas au départ.
M. Sherman : C’est un excellent exemple, sénateur. Si nous disons que nous retirerons de la table ce pan névralgique de l’économie, qu’est-ce qui empêchera les Américains de faire de même? Au lieu de viser le sommet pour obtenir des accords commerciaux les plus ambitieux et les plus viables sur le plan commercial, cela aurait pour effet de nous entraîner dans une course vers le bas avec eux.
Le sénateur Woo : Merci.
[Français]
La sénatrice Gerba : Bienvenue à nos témoins. Je vous remercie pour vos remarques liminaires.
Nous savons tous, ici autour de la table et partout ailleurs dans le monde, que le Canada est fier de son secteur agricole, que vous représentez, et que les produits canadiens sont très recherchés. Vous avez donné des chiffres qui soutiennent cela. Cependant, nous parlons ici d’un projet de loi qui a été adopté par des représentants élus par le peuple. On ne parle pas de politique, mais plutôt de représentants qui ont été élus par le peuple canadien. Avec une forte majorité, ils ont adopté ce projet de loi à 262 voix contre 49. Cette politique est connue de nos partenaires commerciaux. Est-ce que cela changera quelque chose parce qu’elle est devenue une politique reconnue, acceptée et protégée par le Parlement du Canada?
[Traduction]
M. Carey : Absolument. Tous les pays avec lesquels nous négocions — Inde, Chine, Japon — ont des secteurs qu’ils protègent. Ils ont tous des secteurs qu’ils protègent. Les négociateurs en sont pleinement conscients.
À mon avis, si le Canada le faisait, ce serait un précédent. Nous serions le premier pays à dire non seulement que nos négociateurs obtiendront le meilleur accord, mais aussi que nous avons aussi légiféré pour exclure un élément de notre économie de toute discussion. Qu’est-ce qui empêchera d’autres pays de faire de même pour la prochaine marchandise? C’est une pente glissante.
[Français]
La sénatrice Gerba : Pourquoi la gestion de l’offre doit-elle toujours être la monnaie d’échange?
[Traduction]
M. Sherman : Sénatrice, ce n’est pas la seule chose sur la table lors de négociations commerciales. Les discussions portent sur un ensemble complet d’éléments. Je crois savoir que vous avez aussi entendu les témoignages des fonctionnaires, selon lesquels on compte souvent plus de 30 chapitres. On ne peut pas dire que les négociations relatives au chapitre sur l’agriculture n’auront aucune incidence sur le reste. Ce n’est pas ainsi que fonctionne une négociation commerciale. Tout devrait être sur la table. C’est pourquoi notre opposition à ce projet de loi n’est pas liée à la question de la gestion de l’offre : nous sommes contre parce qu’il s’agit d’une mauvaise politique commerciale.
[Français]
La sénatrice Gerba : Qu’est-ce qui vous garantit que si l’on supprime la gestion de l’offre, il n’y aura pas d’autres pays qui auront leurs demandes et leurs exigences autour de la table? Qu’est-ce qui vous garantit, si l’on décide de mettre de côté ce projet de loi, que les autres pays ne vont pas continuer d’exiger du Canada de sacrifier autre chose?
[Traduction]
M. Sherman : Je dirais qu’il y a deux choses. Premièrement, nos négociateurs commerciaux sont parmi les meilleurs au monde. Je pense qu’ils ont été très clairs lorsqu’ils sont venus témoigner au comité : les événements qui les ont amenés à faire des concessions du côté de la gestion de l’offre étaient dans l’intérêt national. Il appartient aux législateurs de décider, le moment venu, s’il convient de voter en faveur de cette mesure législative.
Le deuxième aspect, c’est que le gouvernement a également mis en place des mécanismes très transparents permettant au Parlement de se prononcer sur les objectifs des négociations commerciales. Le ministre est maintenant tenu de présenter ces objectifs au Parlement. Pour les parlementaires, c’est une autre occasion de contribuer à ce processus.
Mme Noble : Ce qui est important, aussi, c’est que si le projet de loi C-282 n’est pas adopté, la gestion de l’offre sera toujours là le lendemain matin quand nous nous réveillerons. Cela ne signifie pas que le gouvernement ou le Sénat ne sont pas favorables à la gestion de l’offre. Cela signifie que nous n’appuyons pas cette approche à l’égard des négociations commerciales.
[Français]
Le président : Sénatrice Gerba, vous pourrez poser vos autres questions lors de la deuxième ronde.
[Traduction]
Le sénateur Harder : Je vous remercie de vos témoignages; cela nous est très utile. J’ai deux questions, mais je les poserai séparément.
Dans de précédents témoignages — dans le groupe de témoins précédent, en fait —, on a accusé vos secteurs de diviser le secteur agricole. Comment réagissez-vous à cela?
M. Carey : Nous ne sommes pas ici pour nous concentrer sur la gestion de l’offre. Nous sommes concentrés sur le projet de loi à l’étude, qui porte sur la politique commerciale. Nous travaillons bien sur divers dossiers avec les gens du secteur de la gestion de l’offre. Il se trouve que le tourteau de canola est un ingrédient d’aliment du bétail important pour la production laitière. Il augmente la production de lait. Donc, les marchés laitiers américain et canadien sont fortement intégrés. Je suis certain que Mme Noble peut parler du point de vue de l’élevage bovin.
Nous réagissons à une mesure législative qui pourrait nuire à l’économie canadienne, aux intérêts canadiens et aux agriculteurs que je représente. Si ce projet de loi n’était pas à l’étude ici aujourd’hui, je ne serais pas ici aujourd’hui non plus, sénateur.
Le sénateur Harder : Merci.
Mme Noble : Je tiens aussi à renforcer ce message. Le secteur agricole travaille en collaboration sur de nombreux dossiers, et tous les secteurs sont très intégrés. Nous essayons de sortir de cette dynamique d’opposition entre divers secteurs agricoles. C’est simplement une question de politique commerciale. J’encourage fortement le Sénat à inviter également des témoins de l’extérieur du secteur agricole pour entendre parler des répercussions que cela aura sur eux.
Le sénateur Harder : Je suis d’accord. Deuxièmement, j’aimerais que vous parliez des représailles possibles des Américains pour votre secteur, advenant l’adoption du projet de loi.
M. Sherman : Nous en avons parlé. Le règlement des différends est évidemment une préoccupation. En 2017-2018, l’ancien président a clairement indiqué qu’il souhaitait un affaiblissement de ce mécanisme. Il s’agit d’une protection considérable pour l’agriculture canadienne et pour d’autres secteurs de l’économie canadienne. Tout ce qui pourrait mettre en péril cet outil de l’ACEUM, et en particulier à l’approche de l’examen de l’ACEUM, en 2026, serait mal vu des exportateurs. Et je parle des exportateurs en général. Cela ne concerne pas seulement le secteur du canola.
Le sénateur Harder : Vous savez que la vice-présidente Harris, alors qu’elle était sénatrice, est l’une des 10 personnes qui ont voté contre l’ACEUM, n’est-ce pas?
M. Sherman : Oui, tout à fait. Voilà le défi qui nous attend.
Je sais que nous parlons beaucoup des États-Unis — à juste titre, je pense —, dans le contexte de l’inévitable renégociation à venir, peu importe qui occupera la Maison Blanche. Toutefois, cela aura aussi des répercussions sur d’autres négociations commerciales, par exemple avec l’Indonésie, l’adhésion au PTPGP, ou lors d’une reprise éventuelle des négociations avec l’Inde. À mon avis, affirmer que ces pays n’ont pas de domaines clés qu’ils veulent exclure des négociations et auxquels nous aimerions avoir accès, c’est un manque de compréhension fondamental de l’importance, pour nous, d’avoir des accords commerciaux ambitieux et viables sur le plan commercial.
Le sénateur Harder : Merci.
La sénatrice Boniface : Je vous suis très reconnaissante d’être ici, comme je le suis pour tous les témoins qui ont tenté de présenter leur point de vue. J’ai plutôt l’impression que nous essayons d’enfiler une aiguille, ici. J’aimerais revenir un peu en arrière et vous demander à quel moment vous avez été consultés au sujet du projet de loi C-282 avant sa rédaction.
M. Carey : Nous n’avons pas été consultés. C’est un projet de loi récurrent qui est présenté à chaque législature. À ma connaissance, il n’a jamais dépassé la deuxième lecture à la Chambre des communes. Il n’a jamais été soumis à un vote en troisième lecture. Nous avons tous été invités au Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes, auquel seuls les intervenants de l’agriculture ont été conviés. Aucune autre organisation n’a été invitée ou n’a comparu, ce qui a perpétué cette question clivante : le discours opposant l’agriculture à l’agriculture.
Hormis cette invitation, nous n’avons pas été consultés, si ce n’est lors de nos comparutions en comité ou dans le cadre de discussions avec les parlementaires. Mais nous sommes rendus à un stade très important, et c’est vraiment notre chance d’être enfin consultés par la Chambre haute.
La sénatrice Boniface : Et pour le bétail?
Mme Noble : Ma réponse est la même.
La sénatrice Boniface : Je veux m’assurer de bien comprendre : vous avez comparu à l’autre enceinte, mais avant que le projet de loi ne soit rédigé ou réintroduit sous quelque forme que ce soit, vous n’avez jamais été consultés au sujet de l’incidence sur vos secteurs. Avez-vous fait part de ces préoccupations, à l’époque, à la ministre?
M. Sherman : Oui.
M. Carey : Absolument.
M. Sherman : Nous avons fait part de cette préoccupation à la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire et à la ministre du Commerce international. Nous la soulevons à chaque occasion qui se présente, étant donné l’effritement fondamental de notre politique commerciale qui résultera de ce projet de loi. Nos deux organisations représentent 40 000 producteurs de canola. Je représente également les exportateurs. Ce projet de loi aura un effet fondamental sur notre politique commerciale à un moment où nous avons besoin d’accéder à davantage de marchés et d’accords commerciaux plus ambitieux et commercialement viables, et non pas moins — en particulier dans le contexte de notre situation géopolitique actuelle avec la Chine.
La sénatrice Boniface : Exactement. Donc, si je pense aux autres secteurs — parce que vous faites en quelque sorte partie de la communauté agricole —, je suppose que d’autres sont dans la même situation. Le savez-vous?
M. Carey : Oui, ils ont sans contredit beaucoup de préoccupations. Cependant, bien souvent, les témoins, lorsque la question est clivante, comme on l’a dit quand on a mentionné le débat de l’agriculture contre l’agriculture — laissons le milieu agricole trancher... Il y a une grande différence entre le fait de demander à comparaître devant un comité sénatorial et le fait d’être convoqué à un comité sénatorial.
Je pense que les enjeux que nous soulevons touchent aussi les secteurs de l’exploitation minière, de la foresterie et de l’automobile. Cependant, on donne l’impression qu’il s’agit d’une question agricole, et les intervenants d’autres secteurs se montrent plus réticents à s’exprimer. Nous avons eu beaucoup d’échanges avec des collègues d’autres secteurs, et nous espérons qu’ils se manifesteront et qu’ils écriront aux sénateurs pour soutenir le rejet du projet de loi C-282.
M. Sherman : Si vous me le permettez, madame la sénatrice, j’en veux pour preuve la lettre que le Conseil canadien des affaires — les plus grands PDG du pays — a diffusée récemment pour faire part de certaines des préoccupations que suscite ce projet de loi en dehors de l’agriculture. Ils représentent des chefs d’entreprise de tout le pays dans de multiples secteurs et industries. Nous devrions également prendre cette opinion à cœur.
La sénatrice Boniface : Ce que j’entends dans votre message très clair — et je souligne que je viens du milieu agricole; j’ai été élevée dans une ferme —, c’est que nous devons vraiment aborder cette question de la manière la plus large, c’est-à-dire en tant que politique commerciale et non pas en tant qu’enjeu propre à la communauté agricole. Il se trouve que je fais partie de ceux qui trouvent important de considérer la communauté dans son ensemble étant donné ce qu’elle fait dans les régions rurales. Je vous remercie donc de votre clarté.
Le sénateur MacDonald : Le sénateur Harder a abordé le sujet de ma première question, mais je veux y revenir. Le canola est un sujet passionnant. Nous l’avons créé. Nous sommes le chef de file mondial. Si les Américains voulaient nous cibler et choisissaient le canola pour s’en prendre à nous, pourraient-ils trouver un substitut économique au canola dans d’autres pays comme l’Australie, l’Ukraine ou ailleurs, ou pourraient-ils le cultiver eux-mêmes?
M. Sherman : Sans vouloir dévoiler quoi que ce soit à ceux qui nous regardent, je pense que nous devons être très conscients de la situation à laquelle nous sommes confrontés du côté des oléagineux aux États-Unis. Leur production de soja et de maïs nous éclipse. Nous avons donc tout intérêt à utiliser notre canola canadien dans le secteur des biocarburants. Notre cote d’intensité carbonique est très compétitive. Notre canola vient d’être reconnu par l’Environmental Protection Agency américaine, ou EPA, comme matière première pour les biocarburants avancés. De 2022 à 2023, à la suite de cette décision, les exportations d’huile de canola vers les États-Unis ont augmenté de 100 %, ce qui représente un milliard de dollars d’exportations supplémentaires.
C’est un marché extrêmement important pour nous. Nous voulons les accords les plus commercialement viables et les accords commerciaux les plus ambitieux qui protégeront ce marché.
Le sénateur MacDonald : Nous vivons à une époque de libéralisation du commerce, je pense, par rapport à la situation d’il y a 50 ans. Je suis un libre-échangiste par nature. En dehors des États-Unis, d’autres accords commerciaux ont été conclus au fil des ans et au cours des 15 dernières années. Quelles en ont été les répercussions sur votre secteur? Avez-vous été en mesure d’en tirer parti d’une manière qui aurait été impossible il y a 20 ou 25 ans? Je pense aux accords avec le Chili, la Corée du Sud et tant d’autres pays dans le monde.
M. Carey : Absolument. Ces accords ouvrent des portes. Ils nous permettent d’établir un premier contact. C’est tout à fait le cas. Nos principaux marchés sont les États-Unis, le Mexique, les Émirats arabes unis — un marché relativement nouveau, qui est notre cinquième en importance aujourd’hui. Le Mexique fait partie de nos cinq principaux marchés, et nous n’en avons pas parlé aujourd’hui, mais près d’un milliard de dollars sont destinés au Mexique. Il y a aussi le Japon. Il est donc indéniable que nous tirons parti des échanges commerciaux. Nous assistons aussi à la montée du protectionnisme, en particulier depuis l’arrivée de la COVID, car les pays cherchent à renforcer certains de leurs enjeux nationaux.
Cependant, si les États-Unis et l’Union européenne deviennent plus protectionnistes... Ils représentent un marché tellement important et ont un poids géopolitique tellement plus grand que le nôtre. Le Canada ne peut pas se permettre de diffuser le protectionnisme. Nous ne pouvons pas nous permettre de légiférer sur le protectionnisme. Ces accords de libre-échange... La moitié du PIB du Canada est directement attribuable au commerce multilatéral, qui est en corrélation directe avec notre niveau de vie. Le Canada ne peut pas se permettre d’être protectionniste. Nous sommes une nation commerçante; nous l’avons toujours été et nous tirons profit des accords de libre-échange.
Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, les accords commerciaux, même ceux qui sont prévus, peuvent être annulés. Les États-Unis pourraient se retirer de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, ou ACEUM, avec un préavis de six mois. Et je suis d’accord avec mes collègues : il ne s’agira pas d’un examen, mais bien d’une renégociation. La vice-présidente Harris a récemment publié un gazouillis annonçant qu’elle attendait avec impatience la renégociation de l’ACEUM. Nous ne pouvons pas minimiser l’importance de ce marché ni celle du marché mexicain, qui est cruciale.
Mme Noble : Comme je l’ai mentionné, nous dépendons fortement du marché américain, mais nous devons diversifier nos marchés, et nous nous concentrons sur la Stratégie pour l’Indo-Pacifique. Dans le processus entourant les nouveaux accords commerciaux, nous protégeons des produits sans même savoir si notre partenaire commercial souhaite y avoir accès. Nous montrons notre jeu et lui donnons le droit de protéger des produits alors qu’il ne voulait même pas des produits soumis à la gestion de l’offre de toute façon.
Le sénateur MacDonald : Merci.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup pour vos témoignages très clairs aujourd’hui. Deux des éléments que font valoir les partisans de ce projet de loi sont l’importance de la prévisibilité pour les secteurs et la sécurité alimentaire pour les Canadiens. Pourriez-vous nous dire, dans vos domaines agricoles — le canola et le bœuf —, tout d’abord, quelle est l’importance du système actuel pour la prévisibilité et la sécurité alimentaire, si c’est pertinent pour vous? Et si ce projet de loi devait être adopté, quel effet aurait-il sur la prévisibilité et la sécurité alimentaire, si ce sont des enjeux qui vous importent?
M. Carey : C’est avec plaisir que je débuterai. S’il y a de l’insécurité alimentaire au Canada, c’est en raison de problèmes socioéconomiques. Il n’y a pas de pénurie de nourriture. Il ne manque pas d’aliments au Canada. À chaque récolte, la Saskatchewan produit à elle seule suffisamment d’aliments pour nourrir les Canadiens pendant environ trois ans. Cette production ne nous donnerait pas les menus les plus variés, mais le Canada n’est pas une nation en proie à l’insécurité alimentaire.
Cependant, le Canada a un impératif économique, mais aussi moral, d’exporter autant de nourriture qu’il en produit dans le monde. Nous sommes choyés par notre formidable nation, par notre sol, par nos agriculteurs innovants, par nos investissements considérables dans la recherche et le développement, par notre régime biotechnologique solide, et nous comptons quelques-uns des meilleurs négociateurs au monde. Ainsi, nous exportons 90 % de notre production, et 10 % restent au Canada pour répondre à nos besoins en canola. Nos collègues d’autres secteurs, au sein de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, sont dans la même position : nous pouvons exporter vers des régions du monde souffrant d’insécurité alimentaire, où il y a une pénurie d’aliments. Le Canada ne connaît pas l’insécurité alimentaire. Les agriculteurs ne peuvent malheureusement pas faire grand-chose pour régler ces problèmes socioéconomiques. C’est un problème sérieux, mais le recours aux banques alimentaires n’est pas attribuable à un manque de nourriture, mais plutôt à un problème de coût qui échappe à notre contrôle, à nous les intervenants.
M. Sherman : La prévisibilité est essentielle pour tout le monde. Différentes forces du marché ont une incidence sur différents produits de base à différents moments. Comme vous le savez, c’est ce à quoi nous sommes confrontés en ce moment avec le canola et la Chine.
L’adoption d’un projet de loi tel que celui-ci va nous être extrêmement préjudiciable : nous dévoilons nos cartes avant même d’arriver à la table des négociations et nous disons à nos partenaires commerciaux qu’ils pourront retirer de la table des négociations un élément dont nous pourrions avoir besoin pour accéder à leurs marchés. Nous ne savons pas quel élément sera touché. Il pourrait s’agir du règlement des différends ou d’un chapitre sur les enjeux sanitaires et phytosanitaires. Nous pourrions nous retrouver avec un texte moins ambitieux sur la biotechnologie alors même que nous cherchons à investir dans la biotechnologie et les produits génétiquement modifiés en raison des changements climatiques. Nous voulons des cultures plus résistantes à la chaleur et à la sécheresse; l’édition génomique sera donc un élément clé. Si nous n’avons pas accès aux marchés d’exportation parce que le texte sur la biotechnologie n’est pas ambitieux, nous ne pourrons pas exporter nos produits.
La sénatrice Coyle : Merci.
Mme Noble : J’aimerais donner le point de vue du secteur de la viande bovine. Il est certain que ce sont nos exportations qui permettent à nos éleveurs de bovins au Canada de croître et de prospérer, et donc d’être en mesure d’offrir aux Canadiens du bœuf abordable. Ces exportations sont essentielles pour maintenir en activité les agriculteurs canadiens, y compris ceux de notre secteur.
Je dirais que la prévisibilité sur le marché du commerce mondial n’existe plus vraiment, et c’est exactement la raison pour laquelle nous voulons que nos négociateurs commerciaux aient autant de souplesse que possible pour gérer ce qui est imprévisible aux tables dans d’autres pays. Je vous remercie.
La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup. Je comprends le monde de la négociation. Je comprends notre chanson préférée de Kenny Rogers, qui dit qu’il faut savoir « bien jouer ses cartes » et « quand se coucher. » Je pense que nous comprenons tous ces notions. J’associe cela à mon dimanche après-midi passé à parcourir une communauté rurale du Sud du Québec parce que je veux comprendre d’où vient ce projet de loi et à quoi ressemble la communauté que les députés représentaient à l’origine. Nous avons entendu aujourd’hui une définition — je pense que c’est probablement la meilleure que nous ayons eue jusqu’à présent en comité — des exploitations agricoles familiales, de leur taille, de leur rendement et de leurs objectifs.
J’affirme que les agriculteurs — nos agriculteurs familiaux — vont s’en sortir sans ce projet de loi, grâce à l’intégrité et aux intentions sous-tendant les négociations commerciales. Sans ce projet de loi, ils pourront continuer à faire leur travail, et leurs préoccupations en matière de sécurité et de souveraineté alimentaires seront toujours d’actualité.
M. Carey : J’hésite toujours à parler au nom d’agriculteurs que je ne représente pas. Je n’ai rien contre la gestion de l’offre. Je pense que la gestion de l’offre est une réussite. Je pense qu’ils ont un système solide. De nombreux produits soumis à la gestion de l’offre sont également exportés aujourd’hui. Ce n’est pas seulement une question d’importations. Encore une fois, le groupe de témoins précédent a parlé de « vouloir le beurre et l’argent du beurre, » mais la communauté agricole du Canada est vaste et diversifiée. Le canola est cultivé d’un océan à l’autre. C’est certainement dans les Prairies qu’il est le plus cultivé. Je pense que, avec ce projet de loi, le Sénat devra être prêt à ce que le prochain secteur dise : « D’accord, maintenant, incluons le bois d’œuvre, et maintenant l’acier, et maintenant l’aluminium. » Nous sommes une nation importatrice et exportatrice, et il faut trouver une harmonie. Comme je l’ai dit, nous avons certains des meilleurs négociateurs au monde qui sont toujours capables de trouver cet équilibre dans l’intérêt national.
M. Sherman : Madame la sénatrice, comme vous le dites, en ce qui concerne les négociations ou renégociations et ce qu’elles impliquent pour notre politique commerciale, je pense que le Sénat doit également réfléchir au niveau de risque que nous sommes prêts à prendre. Quel est le pari que nous sommes prêts à faire dans nos relations commerciales actuelles avec nos partenaires actuels et nos relations futures? Quelle est notre tolérance au risque à cet égard? Nous savons qu’il y aura une renégociation en 2026 et nous savons que bon nombre des autres partenaires commerciaux avec lesquels nous cherchons à conclure des accords de libre-échange ont également d’autres susceptibilités. Sommes-nous prêts à prendre le risque de ne pas pouvoir conclure l’accord commercial le plus commercialement viable et le plus ambitieux pour tous les exportateurs canadiens, et pas seulement pour les exportateurs agricoles, en raison de ce projet de loi?
Mme Noble : Et je voudrais juste ajouter, en tout respect, que la gestion de l’offre n’a pas le monopole des exploitations familiales. La viande bovine est issue de l’agriculture familiale, tout comme le canola. Nous sommes des exploitations familiales, et notre contribution égale celle de nos collègues visés par la gestion de l’offre. Le secteur agricole dans son ensemble contribue à la sécurité alimentaire, au développement des communautés rurales, à la santé, aux exploitations familiales. Nous faisons cette contribution tous ensemble.
[Français]
La sénatrice Gerba : Je vais revenir moi aussi sur la sécurité alimentaire. Selon un sondage d’Abacus daté de 2023, 9 Canadiens sur 10 disent qu’il est important que les produits laitiers, les œufs, le poulet et la dinde qu’ils achètent viennent du Canada, et 97 % croient qu’il est important que le Canada ait une chaîne d’approvisionnement alimentaire nationale robuste, qui nous permet de produire suffisamment de nourriture pour alimenter les Canadiens à longueur d’année.
De plus, 94 % des Canadiens estiment que c’est une bonne chose lorsqu’ils apprennent qu’un aliment a été produit par un producteur soumis au système de gestion de l’offre du Canada, qui impose notamment des normes obligatoires relatives à la salubrité alimentaire et au bien-être des animaux.
Dès lors, considérant que les Canadiens ont à cœur la production locale, notre souveraineté alimentaire, le bien-être local et les normes sanitaires canadiennes, pourquoi maintenir la porte ouverte à davantage de concessions au sein du système de la gestion de l’offre?
[Traduction]
M. Carey : Je dirais à mon ami David Coletto chez Abacus que ce sont les réponses des Canadiens actuellement, alors que le projet de loi C-282 n’a pas encore été adopté. Ils achètent déjà des produits canadiens à l’épicerie. Ils se procurent des produits laitiers, des œufs et du poulet. Le projet de loi n’a pas actuellement force de loi, et ce sont les réponses des Canadiens. On peut donc envisager la chose de deux façons. Peut-être que les Canadiens sont satisfaits de la situation actuelle. Toutefois, le projet de loi n’a pas force de loi présentement, et voilà ce qu’achètent les Canadiens. Je crois que certains d’entre eux veulent également des importations provenant d’autres pays, peut-être du fromage irlandais ou un cabernet de la Californie. J’estime qu’à titre de pays exportateur, nous devons être en mesure de tolérer également des importations.
[Français]
La sénatrice Gerba : Comment justifiez-vous la priorité accordée aux accès au marché étranger, au détriment de la stabilité et de la survie des producteurs qui dépendent de la gestion de l’offre?
[Traduction]
M. Sherman : Monsieur le sénateur, personne n’affirme qu’il faut se débarrasser de la gestion de l’offre. Ce que nous affirmons, c’est qu’il s’agit d’un projet de loi superflu qui restreindra nos négociateurs pendant plusieurs générations. C’est important de le comprendre. Si le projet de loi est adopté, il aura des effets sur les générations à venir. Une fois que ce sera fait, une fois que nous aurons modifié une loi régissant un ministère dans ce but-là, d’autres personnes se manifesteront. Ce sera le début d’une tendance; d’autres personnes demanderont les mêmes protections. De plus, cela aura une incidence sur notre position en matière de commerce. Cela se répercutera sur les agriculteurs actuels et aussi sur les agriculteurs dans 25 ans, puisque le projet de loi a pris une grande ampleur politique. C’est pourquoi il est essentiel que le Sénat se penche sur la politique proposée et les éléments clés du projet de loi, et non pas les aspects partisans.
[Français]
La sénatrice Gerba : Êtes-vous d’avis comme moi que, par le passé, il y a eu plusieurs motions qui demandaient de protéger la gestion de l’offre et qui ont été tout simplement annulées? On nous demande dans ce projet de loi que la gestion de l’offre soit exclue, parce qu’on ne veut plus compter sur le fait qu’on promet et qu’on ne livre pas la marchandise, en fin de compte.
[Traduction]
M. Sherman : Monsieur le sénateur, je comprends aussi qu’un certain nombre de motions ont été adoptées à cette fin, mais le même projet de loi qui portait sur l’ACEUM a également été adopté par les parlementaires. Le Parlement a décidé à ce moment-là que l’entente, tout comme le PTPGP et l’AECG, était dans l’intérêt du pays. Alors j’estime que ce sera aux parlementaires de prendre la décision une fois que le projet de loi de mise en œuvre sera déposé.
[Français]
La sénatrice Gerba : Êtes-vous d’accord avec moi pour dire qu’on demande aux parlementaires de décider de quelque chose, mais que les négociateurs ont toujours la possibilité au besoin de revenir devant le Parlement? Le Parlement envoie un signal quant à ce que notre pays veut protéger. Les autres pays l’ont fait. Vous connaissez sûrement le Farm Bill. Vous connaissez les politiques de l’Inde et celles de la France en matière de poulet et de culture.
[Traduction]
M. Sherman : Le Parlement joue un certain rôle dans l’établissement des priorités. Le gouvernement est très fier de son nouveau processus transparent de négociation des accords de libre-échange. Je crois que c’est l’occasion parfaite pour les sénateurs et les députés de se prononcer sur les objectifs à atteindre pour que les négociateurs aient une idée claire de ce qu’ils doivent accomplir. C’est toujours une option qui s’offre aux parlementaires. Je propose que le gouvernement se prononce sur le processus à l’avenir.
Le sénateur Gold : Il s’agit d’une question à deux volets. D’abord, monsieur Carey, est-ce vrai que le président de votre association a comparu devant le comité de la Chambre des communes et a-t-il répondu à des questions? Je veux simplement m’assurer que mes informations sont exactes.
M. Carey : Oui.
Le sénateur Gold : Je vous remercie. Alors la question est la suivante, « ne convenez-vous pas que... » alors voilà le commentaire, présenté comme une question. Vous avez parlé à quelques reprises du rôle du Sénat. Je crois que c’était vous, M. Sherman, qui affirmiez que le Sénat devrait se méfier de la prochaine demande d’exclusion des négociations présentée au Sénat.
Mais ne convenez-vous pas, en fait, que le tout ne serait pas présenté au Sénat tout de suite? Une telle demande serait envoyée au gouvernement ou aux élus de la Chambre des communes. Le projet de loi nous a été transmis par la Chambre élue, avec le soutien du gouvernement et de membres de tous les partis politiques. Que le projet de loi nous vienne du gouvernement qui exerce sa prérogative royale ou du Parlement, à savoir la Chambre des communes dûment élue, nous ne le recevons que par la suite. Convenez-vous que notre rôle, selon la Constitution, est de venir compléter le travail effectué à la Chambre des communes et pas de lui substituer nos points de vue politiques, bien que notre travail consiste à verbaliser des préoccupations, et ces préoccupations sont bien verbalisées en l’espèce, et que les arguments se répètent? Il n’y a rien de surprenant dans cela.
Ne pensez-vous pas que le rôle du Sénat diffère de celui du gouvernement pour ce qui est de fixer les paramètres pour les négociateurs et qu’il est effectivement différent de celui de la Chambre élue, il peut opter pour sa sagesse ou son manque de sagesse — et les gens sont de toute évidence en désaccord — et qu’il doit indiquer encore plus clairement ce qui n’est pas envisageable, ce qui constitue un signe de force et de souveraineté lorsqu’on entame des négociations? Nous savons tous — et vous avez été très honnête là-dessus, à juste titre — qu’il y a plusieurs éléments qui ne sont pas du tout envisageables avant même que la première réunion n’ait lieu. Je suis désolé, je vous demanderais de fournir une réponse brève à cette très longue question.
M. Sherman : Je comprends votre question. Toutefois, il ne s’agit pas d’un projet de loi du gouvernement, mais plutôt d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Certains membres du gouvernement et certains députés conservateurs se sont aussi prononcés contre le projet de loi. Il ne s’agit pas d’une loi proposée par le gouvernement, mais bien d’un projet de loi émanant d’un député qui a été adopté par la Chambre des communes. C’est la troisième fois, au minimum, que le même projet de loi est déposé et la première fois qu’il est adopté en troisième lecture en Chambre. Une fois sur deux, le projet de loi mourait au Feuilleton ou il ne terminait pas le processus législatif.
C’est en quelque sorte le jour de la marmotte, le même projet de loi qui revient encore et toujours. Les préoccupations sont réelles. C’est pourquoi nous avons pris la parole en Chambre. Le processus s’est fait à la hâte et nous espérons voir un processus plus exhaustif qui n’inclurait pas seulement des intervenants du secteur agricole, mais aussi des intervenants provenant d’autres secteurs de l’économie, qui pourraient nous parler des effets nuisibles pour leur secteur.
Le Sénat a un rôle à jouer, étant donné que ce sont les jeux politiques à la Chambre qui ont donné lieu au projet de loi, et pas nécessairement la volonté de proposer une politique. Certains éléments importants du projet de loi n’ont pas été si largement débattus en Chambre. C’est pourquoi nous avons bon espoir de pouvoir tenir une discussion complète au sein de notre comité et au Sénat.
Le sénateur Gold : Je tiens à préciser qu’un des partis était très divisé concernant le projet de loi. Toutefois, le gouvernement du Canada et tous les ministres l’ont appuyé, tout comme certains membres dans tous les partis. Ils ont tous été élus démocratiquement, n’est-ce pas?
M. Sherman : Oui, tout à fait. Toutefois, les sénateurs ont été nommés pour exercer un rôle de surveillance, puisqu’ils ne sont pas assujettis aux contraintes politiques. Il est essentiel de procéder à un second examen objectif du projet de loi étant donné les effets qu’il aura sur notre position et nos politiques commerciales pendant plusieurs générations.
Le président : Je vous remercie. Le rôle de surveillance prend fin puisque nous sommes arrivés à la fin de la réunion.
J’aimerais remercier nos témoins, Cathy Jo Noble, Troy Sherman et Dave Carey. Vos témoignages ont été utiles aux délibérations du comité.
Chers collègues, avant de lever la séance, j’aimerais souligné l’intérêt que les travaux du comité sur le projet de loi ont suscité dans la population et j’aimerais réitéré ce que j’ai dit hier au Sénat en réponse à une question de la sénatrice Gerba pendant la période des questions.
Avec l’approbation du comité directeur, nous nous pencherons sur le projet de loi C-282 pendant tout le reste du mois d’octobre. L’étude article par article est prévue la première semaine de novembre. Le comité mènera, et je m’en assurerai, un examen approfondi du projet de loi avec diligence et célérité; il s’agit d’un projet de loi qui aura des conséquences majeures. Nous reprendrons l’étude du projet de loi après la semaine de relâche.
Chers collègues, chers témoins et chers employés, je vous souhaite à tous un joyeux week-end de l’Action de grâces avec vos familles et vos amis.
Le sénateur Woo : J’appuie votre proposition. Nous avons entendu un certain nombre de témoins et il serait utile d’entendre des représentants d’autres secteurs qui pourraient être touchés. Pouvez-vous nous confirmer que nous entendrons le témoignage de représentants de ces secteurs, et ce, rapidement?
Le président : Nous avons une liste de témoins qui a été présentée plus tôt par la sénatrice Gerba. Cette liste avait été proposée par le sénateur Harder, le porte-parole officiel du projet de loi. Nous avons une longue liste. Je vous remercie.
(La séance est levée.)