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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 10 février 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 h 4 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier en public le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois); et à huis clos le projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je tiens à rappeler aux sénateurs et aux témoins qu’ils doivent garder leur micro éteint en tout temps, à moins d’être nommés par le président. En cas de problèmes techniques, surtout en ce qui a trait à l’interprétation, veuillez aviser le président ou la greffière, pour que nous tentions de les régler. Si vous éprouvez d’autres problèmes techniques, veuillez communiquer avec le centre de services de la DSI, en utilisant le numéro de téléphone qui vous a été fourni.

L’utilisation des plateformes en ligne ne permet pas de garantir la confidentialité des discussions ou d’éviter l’écoute clandestine. À ce titre, les participants à la réunion doivent garder ces contraintes en tête et éviter de transmettre des renseignements sensibles, privés ou protégés du Sénat.

Les sénateurs doivent être installés dans un endroit privé et être conscients de ce qui les entoure afin d’éviter de transmettre par inadvertance des renseignements personnels ou des renseignements qui pourraient permettre de savoir où ils se trouvent.

Sur ce, je vous souhaite à tous la bienvenue : aux membres du comité, à nos témoins et aux personnes qui regardent la réunion sur le Web.

Je m’appelle Robert Black. Je suis un sénateur de l’Ontario et j’ai le privilège de présider le comité.

J’aimerais vous présenter les membres du Comité de l’agriculture et des forêts qui participent à la réunion. Nous avons la vice-présidente du comité, la sénatrice Simons, le sénateur Cotter, le sénateur C. Deacon, la sénatrice Griffin, le sénateur Klyne, le sénateur Marwah, le sénateur Mercer, le sénateur Oh — qui est ici, dans la salle —, la sénatrice Petitclerc, la sénatrice Poirier et le sénateur Wetston.

Le comité entreprend son étude du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois), qui a été renvoyé au comité le 9 décembre 2021. Je vais maintenant présenter les témoins. Nous recevons l’honorable sénatrice Diane F. Griffin, marraine du projet de loi, et M. Richard Cannings, député d’Okanagan-Sud—Kootenay-Ouest, en Colombie‑Britannique. Je vous invite à faire vos déclarations. Vous disposez de cinq minutes chacun.

Nous allons commencer avec la sénatrice Griffin. Nous entendrons ensuite M. Cannings, puis nous passerons aux questions des membres du comité.

L’honorable Diane F. Griffin, marraine du projet de loi : Bon nombre d’entre vous m’ont entendue faire quelques discours sur ce sujet au cours des trois dernières années, alors je n’entrerai pas trop dans les détails aujourd’hui, mais j’aimerais soulever quelques points clés.

D’abord, pour réaliser des progrès et atteindre nos objectifs en matière de climat, il faut songer à de nouvelles façons de faire les choses. Les immeubles en bois massif peuvent emmagasiner une quantité importante de carbone sans trop d’inconvénients. Le bois est une ressource renouvelable; il est donc important de le prendre en compte. Le choix des mots est important ici : nous ne voulons pas obliger les ministères à utiliser le bois, mais nous voulons qu’ils prennent cette possibilité en compte dans le cadre des approvisionnements.

Dans certains cas, le bois d’ingénierie n’est peut-être pas le meilleur matériau pour réaliser un projet. Mais si nous ne sommes pas prêts à changer notre façon de faire, nous avons peu de chance d’atteindre nos objectifs en matière de climat.

J’aimerais vous rappeler deux choses, rapidement. Les nouveaux membres du comité n’ont pas eu l’occasion de visiter la résidence étudiante Brock Commons, sur le campus de l’Université de la Colombie‑Britannique. Il s’agit d’un immeuble de 17 étages, fait en bois. C’est très impressionnant. C’est un immeuble qui loge des étudiants, alors il faut qu’il soit sécuritaire.

À l’heure actuelle, l’Université de Toronto utilise le bois d’ingénierie pour construire sa nouvelle tour. Je suis donc très heureuse de témoigner en même temps que le député à l’origine de ce concept, et qui a présenté un projet de loi d’initiative parlementaire sur ce sujet à la Chambre il y a quelques années. Merci.

Le président : Merci, sénatrice Griffin. Je vais maintenant céder la parole à Richard Cannings, député d’Okanagan-Sud—Kootenay-Ouest, en Colombie‑Britannique. Monsieur Cannings, vous avez la parole.

Richard Cannings, député, Okanagan-Sud—Kootenay—Ouest, Colombie-Britannique : Je vous remercie de m’avoir invité à témoigner devant le comité au sujet du projet de loi S-222, parrainé par mon amie et collègue, la sénatrice Griffin.

Le projet de loi a un historique intéressant. La sénatrice a dit que j’avais présenté un projet de loi d’initiative parlementaire lors d’une législature précédente. Il a été adopté par la Chambre des communes, mais est malheureusement mort au Feuilleton ici, au Sénat, lorsque la législature a pris fin.

Or, le projet de loi a d’abord été déposé selon une autre forme par un député du Bloc, Gérard Asselin, en 2009. Il remonte donc assez loin. Il s’est transformé quelque peu depuis, mais il s’agit essentiellement du même projet de loi.

On l’appelle officieusement le « projet de loi sur l’utilisation du bois », mais il n’oblige pas le gouvernement fédéral à utiliser le bois dans la construction des infrastructures. Il énonce uniquement que :

[...] le ministre tient compte de toute réduction potentielle des émissions de gaz à effet de serre et de tout autre avantage pour l’environnement et peut autoriser l’utilisation du bois ou de toute autre chose, notamment de matériel, de produits ou de ressources durables, qui offre pareil avantage.

Son intention est donc comparable à celle de la Wood First Act de la Colombie‑Britannique et à la Charte du bois au Québec, qui sont en place depuis quelques années... depuis plus de 10 ans, je crois. Le but est de donner une chance au bois et de veiller à ce que les architectes et les constructeurs songent à l’utiliser dans le cadre de la conception et de la construction des infrastructures.

Pourquoi avons-nous besoin de ce projet de loi? Pour trois raisons. Premièrement, nous savons qu’il faudra devenir un pays carboneutre d’ici 2050, et les immeubles représentent l’option la plus évidente à cette fin. La construction, l’entretien et l’utilisation de nos immeubles représentent de 25 à 40 % de notre empreinte carbonique, et le projet de loi veillerait à ce que nous examinions nos pratiques en matière de construction en vue de progresser, mais il vise aussi l’entretien et l’utilisation.

Deuxièmement, les pratiques de construction mondiales, surtout celles de l’Europe, se tournent vers une utilisation accrue du bois d’ingénierie et du bois massif dans la construction de grands immeubles. L’Amérique du Nord accuse un retard à cet égard, mais le changement est en cours et ce sont les entreprises canadiennes qui ouvrent la voie sur notre continent. Nous devons appuyer ces entreprises et les autres qui souhaitent se joindre à elles.

Troisièmement, comme nous le savons tous, l’industrie forestière connaît une période difficile au Canada. Les droits illégaux sur l’exportation du bois d’œuvre vers les États-Unis et l’accès réduit au bois d’œuvre en raison des incendies catastrophiques et des infestations d’insectes ont entraîné la fermeture des usines partout au pays. Le développement du marché national du bois par l’entremise de l’utilisation accrue du bois d’œuvre pour la construction de grands immeubles en bois massif réduirait le besoin d’exporter le bois d’œuvre directement vers les États-Unis. De plus, les produits de bois massif peuvent être exportés aux États-Unis sans l’imposition de droits. Nous pouvons donc utiliser notre propre bois d’œuvre et l’exporter facilement de cette façon.

Quelles sont les préoccupations relatives au projet de loi? Je dirais que la principale est la perception que les immeubles en bois ne sont pas aussi sécuritaires que ceux construits avec d’autres matériaux en cas d’incendie, mais ce n’est tout simplement pas vrai pour les grands immeubles. Le Conseil national de recherches a réalisé plusieurs essais à grande échelle qui démontrent que ces immeubles sont tout aussi sécuritaires — sinon plus — que ceux qui ont un cadre d’acier ou de béton. Les épais panneaux et poutres de bois carbonisent lentement. C’est comme si on tentait d’allumer une bûche avec une allumette.

Certains craignent aussi que la désignation du bois crée des gagnants et des perdants dans le secteur des matériaux de construction. Les fabricants de ciment et d’acier nous ont fait part de cette préoccupation, mais comme je l’ai fait valoir, le projet de loi ne force pas une préférence pour le bois. Lorsque j’ai parlé aux fabricants de ciment, ils m’ont dit qu’ils obtiendraient de bons résultats dans les essais sur l’empreinte carbone et gaz à effet de serre. Ils ont de nouvelles technologies prometteuses qui permettraient d’intégrer le carbone au ciment.

Enfin, certains s’inquiétaient de voir que les versions précédentes du projet de loi n’énonçaient pas une préférence claire pour le bois, ce qui n’était peut-être pas légal sur le plan du commerce. Depuis que la formulation du projet de loi a changé, ces préoccupations sont devenues caduques.

Pour terminer, j’aimerais préciser que le projet de loi S-222 nous offre une occasion incroyable d’aider le gouvernement fédéral dans ses efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En même temps, il aidera le secteur forestier à surmonter ses difficultés, à assurer et à maintenir un leadership continental dans le secteur du bois massif et à offrir au pays un large éventail d’immeubles publics et autres infrastructures magnifiques et sécuritaires. Je vous demande donc d’appuyer le projet de loi. Merci.

Le président : Merci, sénatrice Griffin et monsieur Cannings. Nous vous remercions pour vos exposés et pour la concision de ces derniers.

En ce qui concerne les questions des sénateurs, nous nous limiterons à quatre minutes par question ou par questions et réponses, et nous serons assez stricts à ce sujet. Nous allons commencer par notre vice-présidente, la sénatrice Simons.

La sénatrice Simons : J’ai une question que j’aimerais poser à chacun d’entre vous.

Je dois dire que lorsque j’étais journaliste à Edmonton, j’ai couvert beaucoup trop de reportages sur des bâtiments en bois qui ont pris feu ou qui ont eu des problèmes de pourriture, pour utiliser un terme non technique. Je suis donc préoccupée par l’inflammabilité du bois et par sa longévité.

Cela dit, sénatrice Griffin, vous avez utilisé plusieurs fois l’expression « bois d’ingénierie ». Je me demandais si vous pouviez m’expliquer ce qu’est le bois d’ingénierie et me dire si ce dernier est en quelque sorte plus durable que les structures en bois auxquelles je pense.

La sénatrice Griffin : Oui, merci, madame la sénatrice. Le bois d’ingénierie est un bois qui a été traité. Ce n’est donc pas la même chose qu’une charpente en bois. Pour donner un exemple, lorsque mes amis ont construit une extension à leur sous-sol, ils ont utilisé du bois traité plutôt que du béton ou du ciment. C’était il y a 20 ans. À l’époque, on leur avait dit que le bois traité était aussi solide et aussi durable que le ciment, ce qui est un exemple très simple. Or, l’ingénierie a fait beaucoup de progrès depuis, et je vais m’en remettre à M. Cannings pour vous donner plus de détails à ce sujet.

M. Cannings : Le bois d’ingénierie et le bois de masse sont très différents du bois ordinaire. Il ne s’agit pas de deux par quatre, de deux par six ou de deux par huit. Il y a deux grandes composantes qui remplacent le ciment, les panneaux de ciment et les poutres en acier habituellement utilisés en construction. Au lieu de poutres en acier, vous avez des poutres en lamellé-collé. Il s’agit de poutres en bois composées de deux par quatre et de deux par six, mais conçues dans une usine ou un atelier pour avoir une section transversale d’un mètre carré et une longueur de 30 mètres. Elles peuvent être très grandes.

Elles sont massives; elles ressemblent à de beaux et grands rondins rabotés. Ce sont des poutres massives. Et les murs sont construits avec ce que l’on appelle du bois lamellé-croisé. Il s’agit de panneaux qui peuvent être fabriqués dans différentes dimensions, mais qui peuvent faire, par exemple, quatre mètres sur trois. Vous prenez des planches de deux par quatre ou de deux par six, vous les posez en panneaux et vous les laminez pour en augmenter la solidité. C’est comme du contreplaqué sous stéroïdes. Les panneaux eux-mêmes font environ 30 cm d’épaisseur.

C’est très, très différent de la construction en bois ordinaire. Ces matériaux sont assez solides pour construire de grands bâtiments, et le fait qu’ils soient traités leur donne une très grande résistance au feu; ils ne brûlent pas. Comme je l’ai dit, ce serait comme mettre une allumette sur une bûche. Ils se consument lentement. Et pour ce qui est de l’évacuation des personnes, si les matériaux à l’intérieur du bâtiment commencent à brûler, les personnes ont autant de temps, voire plus, pour sortir du bâtiment en toute sécurité que si elles se trouvaient dans un bâtiment standard.

Ces tests ont été effectués dans le monde entier, mais nous les avons effectués ici avec le Conseil national de recherches, et les chefs de pompiers canadiens sont derrière tout cela. Comme l’a mentionné la sénatrice Griffin, Brock Commons a été approuvé par le chef des pompiers de Vancouver.

C’est très différent de la construction en bois ordinaire.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : C’est un plaisir pour moi d’assister à notre réunion du comité ce matin.

[Traduction]

Ma question peut s’adresser à vous deux, si vous voulez y répondre. Ce projet m’intéresse beaucoup, en partie à cause de ce comité. Je me souviens qu’il y a des années — et peut-être vous en souvenez-vous, sénatrice Griffin —, nous avions reçu quelqu’un qui venait parler, je crois, d’un projet à Montréal, nommément ce Griffintown que je vois tous les jours.

Lorsque j’ai fait quelques recherches ce matin, je me suis très vite rendu compte que cette conversation sur la sécurité, les avantages environnementaux et l’esthétique avait déjà eu lieu en Allemagne, au Danemark, en Norvège et dans de nombreux autres pays. Il me semble qu’ils sont très en avance sur nous. Ma question est simple : sommes-nous en train de manquer le bateau? L’avons-nous déjà manqué?

En particulier au chapitre de la construction en bois en milieu urbain, comment pensez-vous que ce projet de loi nous aidera? J’ai l’impression qu’il nous aidera à rattraper notre retard, du moins, c’est ce que j’espère.

M. Cannings : Nous avons presque certainement manqué le bateau en Europe. Comme vous le dites, l’Europe est très en avance sur nous dans ce domaine. La France s’est engagée à construire 30 % de ses nouveaux bâtiments au cours des prochaines décennies avec ce type de construction en bois. Deux des principales usines qui fabriquent ces produits au Canada sont dans ma circonscription. Toutes leurs machines viennent d’Europe. Structurlam, à Penticton, reçoit tout son équipement de l’Allemagne et elle doit faire venir des ingénieurs allemands pour le faire fonctionner et former le personnel. Kalesnikoff, à Castlegar, a une usine beaucoup plus récente qui est entièrement équipée de machines danoises et elle fait appel à des Danois pour l’aider à les faire fonctionner. Nous avons perdu cela.

Nous sommes en tête en Amérique du Nord. Aucune entreprise américaine ne fait cela à l’échelle où nous le faisons. En utilisant les marchés publics pour aider ces entreprises à prendre de l’expansion au Canada, ce projet de loi nous aiderait à maintenir cette domination sur le marché nord-américain.

Le président : Sénatrice Griffin, avez-vous quelque chose à ajouter?

La sénatrice Griffin : Non, je vous remercie. C’était très bien.

Le président : Sénatrice Peticlerc, avez-vous quelque chose à ajouter?

La sénatrice Petitclerc : Non, c’est la réponse que j’attendais.

Le sénateur C. Deacon : Heureux de vous voir, sénatrice Griffin, et heureux de vous revoir, député Cannings. L’année dernière a été très difficile dans votre région, et je vous remercie de ce que vous avez fait.

Lorsque je regarde la tragédie de la tour Grenfell, en Angleterre, qui n’avait pas de composantes en bois et où 70 personnes sont mortes, cela ne fait aucun doute dans mon esprit. La gestion des immeubles comporte beaucoup de problèmes, mais le bois n’en fait pas partie. Si je me fie à ce que j’ai lu et vu, pour moi, c’est une question facile.

Ce qui m’intéresse davantage, c’est l’importance de la demande de bois dans la gestion des forêts. Monsieur Cannings, votre circonscription — votre province — a été la proie de feux de forêt très dévastateurs. Or, nous savons que la gestion forestière est importante pour réduire les risques de feux de forêt et l’étendue de ces derniers. Qu’avez-vous à dire sur la recherche et sur l’importance d’avoir une demande contrôlée de produits du bois afin de réduire les émissions de méthane provenant du bois en décomposition ou les risques de feux de forêt?

M. Cannings : Merci, sénateur Deacon, pour cette question. Il s’agit d’un élément essentiel, car l’un des arguments de base de ce projet de loi est que le bois est une ressource renouvelable. En poussant, les arbres séquestrent le carbone. Nous devons nous assurer que ce cycle joue en notre faveur pour lutter contre le changement climatique. Nous devons pour cela nous assurer de disposer d’un approvisionnement en bois vraiment, vraiment durable.

Le Canada possède la plus grande quantité de bois certifié durable au monde. Par exemple, lorsque de grandes entreprises se développent et cherchent à construire de nouvelles installations, elles se tournent vers le bois d’ingénierie. Par exemple, Microsoft s’est adressée à l’usine Structurlam de Penticton pour construire son nouveau campus en bois de masse et elle a exigé que tout soit fait à partir de matériaux certifiés. Structurlam a dû parcourir toute la Colombie‑Britannique pour trouver ces matériaux. Toutes les scieries de la province en ont profité, car elles ont acheté de grandes quantités de planches de deux par quatre et de deux par six pour fabriquer les matériaux nécessaires à la construction du campus de Microsoft.

Pour en revenir à votre question, je pense que cela concerne davantage les pratiques forestières. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons améliorer dans le domaine de la foresterie. Je n’en mentionnerai qu’une, à savoir la pratique du brûlage des déchets forestiers. Chaque automne, dans ma province et dans ma circonscription, l’air est tout enfumé parce que tous les déchets de l’exploitation forestière sont brûlés. Ils sont mis en tas, aspergés d’essence et brûlés, et cela produit autant de dioxyde de carbone que toutes les voitures de la Colombie‑Britannique. C’est quelque chose que nous devons examiner et corriger. Nous devons le faire en même temps que nous cherchons des moyens d’utiliser le bois de manière plus durable afin qu’il reste intact dans les bâtiments pendant au moins un siècle. Cela nous donnerait un avantage en matière de lutte contre les changements climatiques.

Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le président; cela signifie qu’il y a eu trois Néo‑Écossais d’affilée ici, ce qui est tout à fait légitime.

J’aimerais rappeler aux gens que ce comité a fait une autre étude sur l’utilisation du bois. Nous avons fait témoigner des experts en matière d’incendie et des gens du secteur de l’assurance. Une personne qui souhaiterait se renseigner sur ce qui a été fait jusqu’ici n’a qu’à consulter nos dossiers.

La chose intéressante que M. Cannings a mentionnée est le potentiel du marché américain. Je présume que les États-Unis sont loin derrière nous en ce qui concerne la réglementation encadrant l’utilisation du bois, et nous avons besoin de voir des exemples de l’efficacité de cette utilisation.

Existe-t-il des exemples américains d’utilisation réussie du bois manufacturé?

M. Cannings : Il y en a beaucoup. Une grande partie du travail que font les usines de ma circonscription pour fabriquer du bois de masse et du bois d’ingénierie est destinée à des projets qui sont aux États-Unis. En fait, Structurlam — la première entreprise à avoir commencé à faire cela en Amérique du Nord, à Penticton — a ouvert une usine secondaire en Arkansas parce qu’il y a là-bas beaucoup de pin qu’elle peut utiliser et que cela lui donne un accès de premier plan au marché américain.

J’ai mentionné le projet Microsoft, mais il y en a beaucoup d’autres. Jusqu’ici, je dirais que la plupart de ces projets concernaient de grands édifices publics : galeries d’art, arénas, centres sportifs. Dès lors que vous êtes en mesure de fabriquer des poutres très longues, le bois de masse se prête très bien à ce type de bâtiment. L’anneau de patinage de vitesse érigé à Richmond dans le cadre des Jeux de Vancouver a été réalisé par Structurlam en bois d’ingénierie.

Il existe d’énormes possibilités aux États-Unis et, pour une raison quelconque, les entreprises américaines n’ont pas réussi à combler ce vide. Une grande entreprise du nom de Katerra a été créée par des investisseurs de la Silicon Valley, qui ne savaient manifestement pas ce qu’ils faisaient. Ils étaient obligés d’utiliser des matériaux provenant des usines canadiennes pour remplir leurs commandes. Ils ont fini par faire faillite l’année dernière, et ce n’était pas par manque de travail. C’est simplement parce que l’entreprise — je ne veux pas entrer dans les détails — n’était pas très bien gérée.

Il y a un énorme marché là-bas. Comme je l’ai dit, nous pouvons approvisionner ce marché à partir du Canada en franchise de droits, car il s’agit d’un produit manufacturé qui n’a pas été frappé de droits de douane, du moins pas jusqu’ici.

Le président : Sénateur Mercer, il vous reste 40 secondes. Avez-vous d’autres questions?

Le sénateur Mercer : Non, si ce n’est le fait que les forêts aménagées sont une partie intéressante du processus. Il y a quelques années, le comité a visité la forêt aménagée dans le nord du Nouveau-Brunswick — une initiative de la compagnie Irving — et a pu constater les effets de ces aménagements. Alors, j’invite mes collègues à prêter attention à cela aussi.

M. Cannings : Si je peux ajouter quelque chose au sujet d’Irving, je sais qu’elle est l’une des plus grandes entreprises forestières intégrées verticalement du continent. Pour elle, cela semble être la voie qui s’impose naturellement. Je sais qu’Irving est allée en Europe et qu’elle a examiné cette technologie, alors il se peut qu’il y ait des annonces de ce côté.

Le sénateur Mercer : Et il y a des emplois là-dedans.

Le sénateur Wetston : Merci, monsieur le président. J’espère que le sénateur Mercer m’inclut dans le groupe des Néo‑Écossais.

Le sénateur Mercer : Absolument.

Le sénateur Wetston : Mais je vous rappelle, monsieur, que je suis en fait un Cap-Bretonnais.

Merci à M. Cannings et à la sénatrice Griffin. J’ai deux questions rapides. Avant de commencer, je tiens à vous dire que je suis très favorable à cela. Pourquoi avons-nous besoin de ce projet de loi? Il me semble évident que le gouvernement et les marchés publics pourraient facilement s’engager dans cette voie et utiliser davantage le bois, étant donné l’appui qu’il reçoit dans de nombreuses régions du pays. Monsieur Cannings, je pense que la vallée du bas du Fraser, en Colombie‑Britannique, utilise la construction en bois depuis très longtemps. C’est une observation que je tenais simplement à formuler, mais j’aimerais toutefois avoir vos réponses à ce sujet.

En deuxième lieu, j’aimerais savoir si vous avez effectué une analyse coûts-avantages quelconque qui nous permettrait d’examiner les coûts-avantages associés à la construction en bois, en acier et en béton, juste pour nous donner une idée. Certains des problèmes sont évidents et vous en avez parlé aujourd’hui, mais avez-vous quelque chose de plus précis à nous donner à ce sujet?

M. Cannings : Pour ce qui est de la raison pour laquelle nous avons besoin de ce projet de loi, oui, le gouvernement va dans cette direction. Je pense que ce qu’il nous faut, c’est d’une directive claire pour que le gouvernement, chaque fois qu’il construit une infrastructure — qu’il s’agisse d’un immeuble, d’un entrepôt ou d’un pont — soit obligé d’envisager et d’évaluer la possibilité d’utiliser le bois. Ce n’est pas quelque chose que les architectes et les constructeurs font. Ils ont tellement l’habitude d’utiliser le béton et l’acier qu’ils se tournent naturellement vers ces matériaux. C’est l’un des obstacles à la promotion de cette technologie.

En ce qui concerne l’analyse coûts-avantages, je n’ai pas vu d’éléments récents qui auraient pu rendre cette technologie plus coûteuse. L’année dernière, le bois se vendait à 1 600 $ par millier de pieds-planche et les prix du bois d’œuvre étaient exorbitants, mais ils ont baissé depuis. De manière générale, il s’agit d’augmenter le volume, d’augmenter le nombre d’usines afin que ces dernières puissent monnayer les coûts d’investissement ou les rembourser, et nous serons alors très concurrentiels par rapport au béton et à l’acier. Ce sont des produits qui durent très longtemps. Vous pouvez économiser de l’argent sur la construction parce que pendant que vous construisez le bâtiment en morceaux, vous pouvez faire toute la préparation du site. Ce sont des bâtiments qui se montent très rapidement, ce qui permet de faire des économies, et des économies substantielles. Brock Commons a été construit en neuf semaines. C’est un immeuble de 17 ou 18 étages, et il a été construit en neuf semaines. Il y a d’importants aspects où il est possible de faire des économies de coûts.

La sénatrice Griffin : Je n’ai rien à ajouter. C’était très bien.

Le sénateur Wetston : Merci beaucoup, monsieur Cannings.

Le sénateur Klyne : Merci à nos invités, M. Cannings et notre propre sénatrice, Mme Griffin. J’ai deux questions. La première porte sur les avantages d’une exploitation accrue des forêts et d’autres choses du genre. Je vais commencer en disant que je me fais un peu l’avocat du diable. Je pense à des choses comme l’augmentation de l’exploitation forestière et la perte accrue de la diversité culturelle, la perte de la biodiversité, la perte de la capacité de stockage du carbone et la perte de l’habitat faunique, sans parler de l’augmentation de l’envasement des rivières et des lacs, des dommages causés aux arbres immatures — parfois même la coupe sélective peut devenir incontrôlable — et aux produits forestiers non ligneux, de l’augmentation du coût de la main-d’œuvre agricole en raison de la concurrence exercée par le secteur des forêts ainsi que des différends et des crises concernant l’accès aux terres et aux indemnités connexes. Ma question à ce sujet est la suivante : quelles sont les alternatives au bois qui pourraient être envisagées et qui peuvent ou pourraient avoir les mêmes avantages environnementaux?

Ma deuxième question est la suivante. Nous avons vu différentes versions de ce projet de loi être présentées lors de précédentes législatures, mais aucune de ces versions de loi n’a été adoptée. Pourquoi pensez-vous que ces autres versions ont été rejetées, et pourquoi êtes-vous optimiste quant au fait que le projet de loi dont nous sommes saisis sera celui qui franchira la ligne d’arrivée?

M. Cannings : Pour répondre d’abord à votre dernière question, ce projet de loi, dans sa forme actuelle, a effectivement été adopté par la Chambre des communes. Il n’a pas eu la chance de passer par le Sénat. On m’avait assuré que c’était sur le point de se faire, mais pour d’autres raisons qui ne sont pas imputables à ce projet de loi ou à quoi que ce soit d’autre, il n’a pas été adopté avant le déclenchement des élections en 2019.

Pour répondre à votre première question, qui est plus importante, ce projet de loi n’a pas pour but d’essayer d’augmenter la demande de produits forestiers. Nous voulons augmenter la demande intérieure de produits forestiers. Je n’envisage pas que les forestiers essaient d’abattre plus d’arbres à cause de cela. Cela ne fera que leur donner un nouveau marché pour leurs produits.

Le sénateur Klyne : Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Cannings, ce que je voulais savoir c’était quels sont les produits de remplacement du bois qui peuvent être utilisés et auraient les mêmes avantages environnementaux que lui?

M. Cannings : Je suis désolé. J’ai oublié cette partie. Il y a très peu de matériaux qui peuvent être utilisés dans la construction des grands édifices. Il y a essentiellement l’acier, le béton et le bois. L’industrie du béton est en train de mettre au point des technologies pour séquestrer le dioxyde de carbone dans le béton. À l’heure actuelle, cela se fait à une très petite échelle. Les avantages seraient vraisemblablement en partie les mêmes pour ce qui est de la séquestration du carbone. Du côté de l’acier, il faut penser à des technologies comme l’hydrogène qui rendrait l’acier plus vert. Le bois en est un avec lequel nous pouvons aller de l’avant dès maintenant.

La sénatrice Griffin : Comme M. Cannings l’a dit — et je pense que c’est l’idée importante ici —, nous ne voulons pas dégrader les forêts, mais accroître la valeur ajoutée. Il y a quelques années — peut-être trois ou quatre, la COVID m’a fait perdre le fil —, on se souviendra que le comité a mené une étude sur la valeur ajoutée dans les secteurs agricole et forestier. C’est un bel objectif, ou une belle retombée devrais-je dire, de ce projet de loi.

Le sénateur Oh : J’ai quelques questions. Le comité a visité des édifices du secteur public et du secteur privé. J’aimerais avoir vos idées sur ce qui suit. Je pense qu’il faudrait commencer par en faire beaucoup dans le secteur public, car le gouvernement a une obligation en matière d’infrastructure. La façon la plus simple de procéder serait que le gouvernement commence à donner un coup de main pour l’infrastructure des universités, les édifices gouvernementaux provinciaux, les centres communautaires et toutes sortes d’édifices publics. En Europe, comme vous l’avez dit, on fait des merveilles avec le bois. Les pays scandinaves utilisent beaucoup le bois. Dans le secteur privé, y a-t-il eu des études de réalisées sur les coûts? La grande question au fond est de savoir quel est le coût du bois par rapport au béton et à l’acier. Pouvez-vous nous en dire plus? Y a-t-il des études sur la question?

M. Cannings : Je vous remercie, sénateur Oh. Pour revenir au coût — j’ai répondu à une question semblable —, je ne sais pas s’il y a des analyses des coûts récentes, mais quand j’ai déposé ce projet de loi pour la première fois il y a quelques années, le coût du bois était de plus en plus concurrentiel par rapport aux autres produits. Une des raisons du projet de loi est de promouvoir l’utilisation du bois dans le secteur public.

J’ai déjà siégé au Comité des ressources naturelles de la Chambre des communes. Il y avait tellement de nouvelles technologies qui voyaient le jour que nous pourrions utiliser nos ressources naturelles différemment. Les entreprises s’entendaient presque toutes pour dire que la meilleure façon pour le gouvernement de les aider, c’est par l’entremise des marchés publics. Elles préféraient pouvoir mettre au point les technologies et construire les édifices plutôt que de recevoir de l’argent. On leur donnait ainsi la capacité nécessaire pour financer une nouvelle infrastructure. Construire une nouvelle usine pour fabriquer ces matériaux coûte très cher. On les aidait ainsi à démarrer et à prendre une longueur d’avance pour pouvoir vraiment devenir concurrentielles, et les coûts diminueraient grandement par la suite.

Je pense que les marchés publics sont un élément très important. Comme je l’ai mentionné, la plupart des projets dans le secteur privé ont été de très belles réussites. Je présume qu’ils n’ont pas coûté beaucoup plus cher, ou si c’est même le cas. Et ils sont très beaux. Ce sont des édifices magnifiques que le secteur privé aime bien mettre en valeur.

Le sénateur Oh : Savez-vous si nous avons des fabricants de bois d’ingénierie au Canada? De quelle taille sont-ils?

M. Cannings : Je connais trois grandes entreprises qui fabriquent ces produits ici au Canada. Une se trouve au Québec, Chantiers Chibougamau, et elle est en activité depuis de nombreuses années. Elle a construit de tout, des ponts pour traverser une rivière pour des entreprises minières ou forestières, des édifices à Montréal, et cetera. Il y en a aussi deux dans ma circonscription. Structurlam à Penticton et Kalesnikoff à Castlegar sont des entreprises très importantes dans ce secteur, en particulier Structurlam. Nous avons donc trois grandes entreprises à l’heure actuelle, mais le potentiel d’en voir naître d’autres est énorme.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie nos deux témoins qui sont avec nous pour nous parler du projet de loi S-222. Voici ma première question : quelles sont les répercussions prévues de l’utilisation du bois, comme proposé dans ce projet de loi, sur les secteurs des produits forestiers primaires et secondaires, de même que sur les secteurs qui produiraient ou vendraient des matériaux de construction de remplacement?

M. Cannings : Pour ce qui est des répercussions sur les autres secteurs, je pense que la part du marché du bois dans la construction des grands édifices est de 5 %, et celle du béton et de l’acier est de 95 %. Je ne crois pas que le bois s’emparera de ces marchés ou aura des effets importants sur eux. On veut simplement donner une chance au bois. L’acier et le béton n’y perdraient sans doute pas beaucoup au change. En faisant passer le pourcentage de 5 % à 10 %, on doublerait la part de marché du bois au Canada. Voilà. J’essaie de me rappeler la première partie de votre question.

La sénatrice Poirier : C’était au sujet des répercussions prévues de l’utilisation du bois, mais vous y avez répondu en quelque sorte.

Au sujet du projet de loi S-222, le gouvernement devra donc se pencher, au moment de choisir le type de matériau de construction, sur les réductions potentielles des émissions de gaz à effet de serre et sur tout autre avantage environnemental. Lors des tests, quelles ont été les réductions potentielles des émissions de gaz à effet de serre du bois par rapport aux autres matériaux habituellement utilisés, comme le béton et l’acier?

M. Cannings : À l’heure actuelle, la fabrication de l’acier et du béton produit beaucoup de gaz à effet de serre. Comme je l’ai mentionné, l’industrie du béton cherche des façons de les réduire. Le béton et l’acier sont des matériaux qui durent longtemps. Je présume que ce serait leur argument si des représentants de ces industries étaient ici, alors oui, il y a des répercussions, mais ces édifices sont là pendant très longtemps.

Je dirais que l’avantage du bois massif est qu’il dure lui aussi très longtemps, et beaucoup plus longtemps que — comme je l’ai dit — les édifices qui ont une structure en bois, en planches de deux par quatre. On a l’avantage que le bois vient des arbres, alors si on récolte un arbre et que le carbone reste dans le bois dans une construction en bois massif, qui durera facilement plus d’un siècle, il y aura à sa place d’autres arbres qui pousseront et séquestreront du carbone. Je pense que l’industrie forestière a des chiffres très positifs à cet égard. Nous devrions les examiner également.

Si nous procédons à une analyse du cycle de vie — et les industries du béton et de l’acier demanderont qu’une telle analyse soit menée —, je pense que le bois a de fortes chances d’avoir le haut du pavé, mais les industries de l’acier et du béton ont aussi des éléments qu’ils peuvent revendiquer.

Le sénateur Cotter : Je vous remercie, monsieur Cannings, et sénatrice Griffin, d’être avec nous aujourd’hui. Les discussions m’éclairent beaucoup. Si ce n’était de l’expérience dont je vais vous parler dans un instant, je n’aurais pas vraiment de connaissances sur le sujet et je ne pourrais pas vous poser de questions vraiment intelligentes. Mais passons à mon expérience.

Il y a quelques années, j’étais doyen d’une faculté de droit et nous avons fait construire une annexe de 20 millions de dollars. Nous étions bien décidés à atteindre les normes les plus élevées du Conseil du bâtiment durable du Canada et du système Leadership in Energy and Environmental Design, ou LEED, et nous avons réussi. L’utilisation du bois en était un aspect.

Je dois dire, sénateur Wetston, du moins à partir de cette expérience personnelle, que pour atteindre les normes du Conseil du bâtiment durable du Canada et du système LEED, il nous en a coûté 1 % de plus dans le budget total, et cela n’était pas attribuable au bois. Nous avons utilisé en fin de compte beaucoup de bois, et l’édifice est très impressionnant.

Au cours de cet exercice, j’ai appris notamment que les normes du Conseil du bâtiment durable du Canada pour le leadership dans la conception environnementale ne portent pas seulement sur l’utilisation du bois, mais aussi sur le bois produit localement. Ce qu’il faut savoir ici, c’est que le transport des produits utilisés pour la construction d’un édifice et les répercussions sur le climat de leur transport sur de longues distances peuvent venir miner les avantages d’un produit comme le bois. Nous avons donc utilisé beaucoup de bouleaux provenant du nord de la Saskatchewan parce que la région se trouvait suffisamment près pour nous éviter d’être aux prises avec le fardeau du transport pendant toute la durée du projet.

J’aimerais donc savoir dans quelle mesure nous devons aussi prendre en considération le transport du produit jusqu’au marché et, dans un sens, le désavantage que cela présente pour, disons, le bois produit en Colombie‑Britannique qui doit être transporté jusqu’en Saskatchewan, par exemple.

J’aimerais vous entendre sur la question du bois et de l’enjeu global de la durabilité environnementale. Je vous remercie.

M. Cannings : Pour revenir au projet de loi, nous voulons faire la promotion de cette industrie, de cette technologie, de façon à avoir des installations de production partout au Canada. Le transport est assurément un élément important dans les émissions de gaz à effet de serre. Je ne sais pas à combien d’endroits on produit de l’acier au Canada, mais je présume qu’il y a des coûts de transport qui y sont associés, et qui sont sans doute moins élevés dans le cas du béton. Je n’ai pas ces données. Nous devons inclure tout cela dans les tests. Le gouvernement a déjà des analyses du cycle de vie très poussées dans lesquelles on pourrait ajouter ces données. Ce ne serait pas un lourd fardeau pour les fonctionnaires de le faire. Ils ont déjà les outils nécessaires. Comme je l’ai mentionné, la distance depuis la source est un des éléments qui seraient pris en compte.

Le sénateur Cotter : J’ajouterai seulement que j’aime l’idée que le projet de loi vise autant la construction durable que le bois. Le bois est un matériau merveilleux, mais l’objectif plus large semble être un message important.

Le sénateur Marwah : Je vous remercie, monsieur le président. Il s’agit plus d’une demande que d’une question, et elle s’adresse à la sénatrice Griffin.

Auriez-vous des analyses coûts-avantages à nous faire parvenir dans lesquelles on examine vraiment tous les points positifs et négatifs, ainsi que les répercussions sur les coûts de construction?

Il est incontestable que le bois est beaucoup plus esthétique et qu’il réduit notre empreinte carbone. Ce sont les gros avantages. Il y a aussi une valeur ajoutée pour les entreprises canadiennes, c’est certain. Toutefois, la question des analyses coûts-avantages me tracasse. Si vous pouviez nous aiguiller vers des analyses, même si elles datent de quelques années, ce serait fantastique.

À cet égard, savez-vous si, dans le cadre d’une analyse coûts-avantages, on s’est penché sur les répercussions des coupes de bois excessives? Le sénateur Klyne en a parlé, et il y aura une augmentation. Même si l’utilisation du bois passe de 5 % à 7 %, cela représente une augmentation de 50 %. Quelles répercussions cela aura-t-il sur l’exploitation forestière, les Premières Nations et les zones écologiquement fragiles? Je n’ai aucune idée de ce que cela peut représenter.

Si vous pouviez nous faire parvenir cette information, ce serait utile.

La sénatrice Griffin : Je vous remercie, sénateur Marwah. Je vais faire des recherches à propos des analyses coûts-avantages, mais comme M. Cannings l’a mentionné, elles ne seront pas à jour. Si je devais construire aujourd’hui la même maison que j’ai construite en 2004, les coûts seraient énormes. Les coûts de construction ont beaucoup augmenté, ne serait-ce qu’au cours des deux dernières années. Nous allons essayer d’avoir des données à jour, mais ce ne sera pas facile.

Mon mari était évaluateur de biens immobiliers; il vient de prendre sa retraite. Il m’a dit que c’était un excellent moment pour partir à la retraite, parce que c’est la folie dans le système.

Les coupes excessives et les répercussions — je comprends cette préoccupation, tout comme M. Cannings. Nous avons tous les deux siégé au conseil de Conservation de la nature Canada et de Oiseaux Canada. Nous n’aurions pas présenté ce projet de loi si cela risquait de nuire à l’environnement.

Le point important ici est d’accroître la valeur ajoutée au pays et de mieux utiliser les matériaux que nous avons. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de pression dans certaines régions, mais je pense que le sénateur Mercer a parlé d’une saine gestion des forêts et de l’exemple qu’ont pu voir les membres du comité au Nouveau-Brunswick avant que je me joigne à eux.

Il existe des réponses à toutes ces questions, mais on en revient à celle de la saine gestion des terres et de la meilleure utilisation possible des ressources, afin de ne pas avoir à brûler ou à gaspiller des tonnes de matériaux, comme l’a mentionné M. Cannings, et comme c’est le cas actuellement. La valeur ajoutée — c’est le but à atteindre avec ce que nous avons.

Le président : Sénateur Marwah, il vous reste une minute.

M. Cannings : Puis-je ajouter un commentaire?

Le président : Allez-y, s’il vous plaît.

M. Cannings : Je veux préciser que le bois manufacturé utilise des planches de deux par quatre et de deux par six qui sont fabriquées dans des scieries standards qui se trouvent partout au pays. Ces scieries fabriquent ce bois d’œuvre qui est vendu en majeure partie aux États-Unis. Ces scieries auront donc un marché supplémentaire pour le vendre aux usines qui produisent du bois massif au Canada, ce qui veut dire qu’on en tire un double avantage, comme la sénatrice Griffin l’a dit, de la valeur ajoutée. Il ne s’agit pas de couper plus d’arbres, mais de procurer à notre industrie forestière un meilleur marché.

Le président : Je vous remercie.

Nous venons de terminer la première série de questions. Nous avons le temps pour une autre question, qui sera posée par la vice-présidente.

La sénatrice Simons : Je n’aime pas décevoir, mais le sénateur Marwah a posé ma question.

Le sénateur Wetston : Je vais faire très vite. Il se passe beaucoup de choses dans les municipalités, comme vous le savez tous les deux, et elles sont très engagées dans la mise en place d’initiatives pour lutter contre les changements climatiques. Pensons aux codes du bâtiment, à l’isolation, à l’électrification, aux thermopompes, et cetera.

Avez-vous une idée sur le rôle des codes du bâtiment provinciaux et municipaux pour encourager l’utilisation du bois de la manière que vous proposez?

La sénatrice Griffin : Puis-je répondre en premier?

Le président : Oui, sénatrice Griffin.

La sénatrice Griffin : À titre d’ancienne conseillère, j’ai toujours pensé que c’est au sein des municipalités que les choses se concrétisent et que la gouvernance se joue. Elles sont les plus près des gens, et elles ont beaucoup de pouvoir concernant le zonage et les codes du bâtiment.

Vous constaterez que de nombreuses municipalités au pays ont déployé beaucoup d’efforts pour « verdir » leurs activités. À Stratford, à l’Île-du-Prince-Édouard, nous avons fait un travail remarquable, et je pense que d’autres municipalités peuvent en dire autant à propos de leurs activités.

M. Cannings : Au sujet des codes du bâtiment, le Canada a un code national du bâtiment. Le code actuel est en cours de révision, et il sera publié bientôt, espérons-le. La Colombie‑Britannique et sans doute le Québec, je ne suis pas certain, mais je sais que tous les deux ont une longueur d’avance sur le Canada et ont pris les devants. Les codes du bâtiment permettent maintenant de construire un édifice de 12 étages en bois d’ingénierie en Colombie‑Britannique, de même qu’au Québec, je pense. Le Canada inclura cela dans la prochaine édition de son code du bâtiment.

Une des barrières est donc la révision des codes, qui ont été rédigés à l’origine pour la construction à partir de structure en deux par quatre, et cetera. On n’avait pas prévu d’utiliser le bois d’ingénierie lorsqu’ils ont été rédigés. Le nouveau code du bâtiment sera donc d’une grande utilité à cet égard.

Il faut aussi changer la culture dans la construction afin d’amener les architectes, les ingénieurs, à penser au bois, et c’est une des raisons d’être de ce projet de loi.

Le président : Je remercie beaucoup nos témoins, la sénatrice Griffin et M. Cannings. Je tiens à vous remercier de votre participation aujourd’hui. C’est la fin de la première heure. Nous vous sommes très reconnaissants de votre aide dans l’étude de ce projet de loi.

Je tiens aussi à remercier les membres du comité de leur participation dynamique et de leurs questions judicieuses. Ils ont contribué à faire avancer le débat.

Chers collègues, sommes-nous d’accord pour suspendre la séance pendant deux minutes pour mettre fin à la partie publique et passer à huis clos?

Des voix : D’accord.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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