LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 3 mars 2022
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois).
Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je voudrais rappeler aux sénateurs et aux témoins de garder leur microphone désactivé en tout temps, à moins que la présidence leur accorde la parole. Si des problèmes techniques surviennent, particulièrement au sujet de l’interprétation, veuillez en aviser la présidence ou la greffière, et nous nous emploierons à résoudre le problème. Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, communiquez avec le centre de services de la DSI au numéro de soutien technique qui vous a été fourni.
Lors de l’utilisation de plateformes en ligne, rien ne garantit la confidentialité des propos ou l’absence d’écoute illicite. Par conséquent, pendant les séances de comité, tous les participants devraient être au fait de ces limites et éviter la divulgation possible de renseignements délicats, privés ou protégés du Sénat, et porter attention à leur entourage afin de ne pas divulguer par inadvertance des renseignements personnels ou des informations permettant de savoir où ils se trouvent.
Cela étant dit, je dis bonjour à tous. Je voudrais commencer en souhaitant la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et à ceux et celles qui regardent la séance sur le Web.
Je m’appelle Rob Black, sénateur de l’Ontario ayant le privilège de présider le comité. Je voudrais présenter les membres du comité qui participent à la séance, que ce soit ici, dans la pièce, ou de manière virtuelle. Notre vice-présidente, la sénatrice Simons, le sénateur Deacon, la sénatrice Griffin et le sénateur Klyne participent de manière virtuelle, alors que le sénateur Marwah, le sénateur Mercer, le sénateur Oh, le sénateur Plett, la sénatrice Ringuette et le sénateur Wetston se trouvent dans la pièce.
Le comité poursuit son étude du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois), qui lui a été renvoyé le 9 décembre 2021.
Nous recevons deux groupes de témoins aujourd’hui. Le premier comprend Jean‑François Houle, vice-président, Génie; Trevor Nightingale, directeur général, Centre de recherche en construction; et Thomas Ferguson, directeur, Règlement et spécifications sur l’environnement bâti, tous du Conseil national de recherches Canada; ainsi que Stéphan Déry, sous-ministre adjoint, Services immobiliers, de Services publics et Approvisionnement Canada. Je vous remercie de vous joindre à nous.
Nous entendrons d’abord l’exposé que M. Houle fera au nom du Conseil national de recherches Canada, pour ensuite écouter M. Déry, de Services publics et Approvisonnement Canada.
Jean-François Houle, vice-président, Génie, Conseil national de recherches Canada : Je vous remercie, monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis vice-président par intérim de la Division du génie au Centre national de recherches Canada, ou CNRC. Je suis accompagné aujourd’hui de mes collègues Trevor Nightingale et Thomas Ferguson, que le président vous a gracieusement présentés.
J’aimerais commencer par reconnaître que les installations du Conseil national de recherches du Canada se trouvent sur les territoires traditionnels non cédés de nombreux peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Les travaux réalisés par le CNRC couvrent un large éventail de disciplines scientifiques et techniques, et ont contribué à changer la vie de nombreuses personnes au pays et ailleurs dans le monde. Avec plus de 4 000 chercheurs et employés hautement qualifiés et innovateurs, le CNRC est le plus grand organisme fédéral de R-D au Canada. Nos 14 centres de recherche sont répartis à 22 endroits à l’échelle du pays.
Par l’entremise du Programme d’aide à la recherche industrielle, ou PARI, nous fournissons des conseils techniques à 8 000 petites et moyennes entreprises, et nous collaborons avec un grand nombre d’universités, de collèges, d’hôpitaux de recherche, de ministères fédéraux et de partenaires internationaux.
Dans le cadre de notre discussion d’aujourd’hui sur le projet de loi S-222, le rôle du CNRC est de s’assurer que les exigences de recherche technique et de sécurité sont respectées et appliquées aux codes du bâtiment. Le CNRC est le coordonnateur et le gardien des codes modèles nationaux du Canada, notamment le code modèle du bâtiment, le code modèle de prévention des incendies et le code modèle de l’énergie. Le CNRC procure un soutien administratif et scientifique à la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies, ou CCCBPI, dans les efforts qu’elle déploie pour établir des codes qui feront consensus. Le processus fait appel à tous les secteurs de la communauté de la construction et au public sur un cycle de cinq ans.
Les travaux du CNRC facilitent aussi l’élaboration de normes, de pratiques exemplaires, de guides et d’outils qui s’adressent à l’industrie de la construction. Ses recherches thématiques aident l’industrie à trouver des solutions techniques que valident ensuite des projets pilotes et des évaluations technicoéconomiques. De cette façon, nous facilitons l’adoption sur le marché des codes modèles et des nouvelles technologies qui soutiennent le code.
Grâce à la collaboration, nous veillons à ce que les meilleures connaissances disponibles soient à l’origine de changements pertinents. À mesure que les codes du bâtiment évoluent avec les nouvelles technologies et les nouveaux matériaux, ces connaissances permettent d’établir un point de référence qui donne aux professionnels de la construction la confiance nécessaire pour innover en toute sécurité et réduire les risques tout en tenant compte des coûts de conformité.
Nous travaillons en étroite collaboration avec la CCCBPI et ses comités techniques pour respecter les engagements énoncés dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Compte tenu du projet de loi en cours d’examen, je dois ajouter que ce processus comprend une plus grande exploitation du bois en construction. Comme vous le savez, les bâtiments en bois à plusieurs étages suscitent un intérêt grandissant. Ces bâtiments sont souvent conçus pour réduire l’empreinte carbone totale tout en offrant des avantages économiques supplémentaires à l’industrie des produits forestiers du Canada.
En réponse à cette tendance, le CNRC, en collaboration avec l’industrie, le gouvernement et d’autres organismes de recherche, a produit des informations techniques sur les bâtiments en bois de grande hauteur. De concert avec les comités techniques de la CCCBPI, le CNRC fournit un soutien pour développer les connaissances impartiales nécessaires pour appuyer les changements au code du bâtiment.
Un exemple du type de soutien fourni par le CNRC est l’introduction de la construction en bois d’œuvre massif encapsulé, ou CBOME. La CBOME est une technologie de matériaux de construction qui utilise du bois d’œuvre traditionnel de manière à former des éléments de construction structuraux. Dans les prochaines éditions du Code national du bâtiment et du Code de prévention des incendies, qui seront publiées en mars 2022, les bâtiments en bois massif encapsulé seront considérés comme une solution acceptée et sûre jusqu’à 12 étages. Cela permettra des options de conception pour les bâtiments en bois massif, utilisant des produits en bois canadiens, dans les nombreuses régions géographiques et climatiques du Canada.
Alors que le gouvernement multiplie ses efforts pour réduire l’empreinte carbone des édifices publics, on s’attarde de plus en plus à la quantité de carbone que ces bâtiments émettent durant leur exploitation, calculée d’après leur rendement énergétique, mais aussi aux émissions qui résultent de la fabrication des matériaux de construction. Pour cette raison, nous devons également être conscients du carbone supplémentaire qui peut être nécessaire pour mettre hors service le bâtiment lorsqu’il atteint la fin de son cycle de vie. Pour réduire l’empreinte carbone totale d’un bâtiment au cours de sa vie, il faut faire preuve de prévoyance, d’une bonne conception et d’une bonne ingénierie, ainsi que d’une exploitation diligente.
Comme l’indiquait le ministre Champagne lors de son annonce, le CNRC collabore avec l’Association canadienne du ciment pour tracer une feuille de route qui nous conduira à un béton carboneutre. Cette feuille de route renseignera l’industrie canadienne sur les technologies, les outils et les politiques dont elle a besoin pour fabriquer du béton carboneutre d’ici 2050.
En définitive, le bois, le béton à faible teneur en carbone et d’autres matériaux de construction, dans le cadre d’une conception à faible teneur en carbone, peuvent jouer un rôle majeur et distinct pour atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
Grâce à ses projets rassembleurs et à sa collaboration avec l’industrie et ses partenaires provinciaux ou territoriaux, le CNRC continuera de contribuer à l’introduction sécuritaire des technologies de construction afin d’appuyer l’engagement du gouvernement à atteindre des émissions nettes nulles d’ici à 2050.
Pour conclure, c’est l’étendue de l’expertise du CNRC, son infrastructure scientifique unique et sa portée nationale qui nous permettent de rassembler les acteurs nécessaires tout au long de la chaîne de valeur de la construction, ainsi que les technologies du Canada et de l’étranger qui devraient nous donner les meilleures chances de succès en matière d’innovation. Cela changera la donne pour les Canadiennes et Canadiens, maintenant et dans les décennies à venir.
Je vous remercie de l’intérêt que vous portez au CNRC, monsieur le président. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Je vous remercie beaucoup. Avant de passer aux questions, nous entendrons M. Déry.
[Français]
Stéphan Déry, sous-ministre adjoint, Services immobiliers, Services publics et Approvisionnement Canada : Bonjour. C’est un plaisir de comparaître pour la première fois devant le comité pour discuter du rôle que mon organisation pourrait jouer à l’égard du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois).
[Traduction]
J’aimerais commencer par reconnaître que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblés font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple anishinabe. Les Algonquins vivent sur ce territoire depuis des temps immémoriaux. Nous sommes reconnaissants d’avoir l’occasion d’être présents sur ce territoire.
Services publics et Approvisionnement Canada, ou SPAC, gère l’un des portefeuilles immobiliers les plus importants et les plus diversifiés au pays, en plus d’être l’expert du gouvernement du Canada en matière de biens immobiliers. SPAC offre des milieux de travail sains, sécuritaires et propices à la productivité à plus de 260 000 fonctionnaires fédéraux partout au Canada, fournissant notamment des locaux aux parlementaires, ainsi qu’une vaste gamme de services immobiliers, dont des services d’architecture et de génie.
L’esprit et l’intention de ce projet de loi cadrent avec les objectifs du gouvernement visant à soutenir l’industrie forestière canadienne et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. J’aimerais souligner l’important travail entrepris par SPAC à cet égard.
La Stratégie pour un gouvernement vert 2020 exige du gouvernement qu’il réduise l’impact environnemental des matériaux de construction structuraux en divulguant la quantité de carbone intrinsèque dans les matériaux structuraux des grands projets de construction. Le gouvernement doit aussi réduire de 30 %, à compter de 2025, le carbone intégré dans les matériaux structuraux des grands projets de construction. La mise en œuvre d’outils permettant de répondre à ces exigences au sein de SPAC sera une priorité dans les années à venir.
SPAC tient compte de l’ensemble du contexte avant d’entreprendre des projets de construction ou de réhabilitation, afin de bien analyser le milieu, la distance, le territoire et les conditions générales, tout en respectant non seulement nos engagements en ce qui a trait à l’écologisation et à la carboneutralité, mais aussi nos engagements en matière de réduction de coûts, d’utilisation de matériaux durables et de collaboration avec les communautés autochtones.
[Français]
La dernière lettre de mandat de la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement stipule que SPAC doit collaborer avec Infrastructure Canada et Ressources naturelles Canada pour mettre en place une nouvelle stratégie favorisant l’achat de produits propres afin de promouvoir et de prioriser l’utilisation de produits à faible teneur en carbone fabriqués au Canada dans les projets d’infrastructure au pays. Grâce à son expertise en matière de durabilité et en tant que fournisseur de services d’approvisionnement, d’architecture et de génie et de biens immobiliers, SPAC est particulièrement bien placé pour influer de manière directe et importante sur l’écologisation des opérations gouvernementales.
SPAC participe activement à plusieurs initiatives soutenant l’utilisation de matériaux à plus faible teneur en carbone dans les projets de construction. En voici des exemples : nous avons établi une collaboration avec le Conseil national de recherches Canada, avec nos collègues qui sont ici aujourd’hui, pour produire un ensemble de données canadiennes sur les matériaux de construction à faible teneur en carbone afin de permettre une prise de décision éclairée grâce à l’initiative d’analyse du cycle de vie et à l’intégration d’exigences en matière de faible teneur en carbone dans le cadre des projets de construction et d’infrastructure au Canada. Le Devis directeur national de la construction au Canada a été mis à jour en 2021 pour donner des précisions sur la construction en bois d’œuvre massif encapsulé. De plus, nous avons également établi une collaboration avec le Centre pour un gouvernement vert du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada pour soutenir la mise en œuvre de la réduction du carbone intégré dans les matériaux structuraux, en développant des exigences obligatoires et en entreprenant des projets pilotes. Des discussions sont en cours avec les industries du béton, de l’acier et du bois pour contribuer à l’établissement des cibles de réduction. De plus, nous collaborons avec le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et le ministère de la Défense nationale à l’élaboration et à la mise en œuvre de solutions à faible teneur en carbone intrinsèque dans les projets de construction.
[Traduction]
À SPAC, nous sommes toujours attentifs aux matériaux utilisés pour les infrastructures et nous continuons à encourager l’innovation écologique, comme ce fut le cas récemment avec l’utilisation d’un ciment plus écologique pour notre projet de réhabilitation de l’Édifice commémoratif de l’Ouest à Ottawa.
En conclusion, SPAC continuera de montrer la voie en intégrant des considérations environnementales, et plus particulièrement la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans ses exigences en matière de construction, de modernisation, d’entretien et de réparation des biens immobiliers fédéraux.
[Français]
Nos pratiques à SPAC permettent l’utilisation du bois et d’autres matériaux de construction dans les projets de construction en fonction des exigences des projets et conformément aux exigences relatives à la santé et à la sécurité des personnes énoncées dans les codes du bâtiment.
Merci. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie beaucoup, messieurs.
Nous allons maintenant passer aux questions. Conformément à notre pratique habituelle, je voudrais rappeler à chacun de mes collègues que nous accorderons quatre minutes par question, ce qui inclut la réponse. Je demanderais à nos témoins de répondre succinctement. Les sénateurs doivent lever la main s’ils souhaitent poser une question. Un certain nombre sont d’ailleurs prêts à lever la main. Si le temps nous le permet, nous effectuerons un deuxième tour.
[Français]
La sénatrice Simons : Merci beaucoup. J’ai une question pour M. Houle.
[Traduction]
Je me demande si vous pourriez nous expliquer le processus nécessaire pour transformer le bois en produit encapsulé du genre que vous nous avez décrit. Dans quelle mesure ce produit est-il sécuritaire? Pourquoi en recommandez-vous l’utilisation pour les édifices d’une hauteur maximale de 12 étages?
M. Houle : Monsieur le président, comme je l’ai souligné dans mon exposé, quand nous envisageons des ajouts dans les codes modèles nationaux, il faut effectuer une somme considérable de recherches et d’évaluations techniques afin d’évaluer de nombreux aspects de l’ajout de ces types de matériaux. Je laisserai peut-être mes collègues, M. Nightingale et M. Ferguson, répondre aux aspects plus techniques de cette question.
Trevor Nightingale, directeur général, Centre de recherche en construction, Conseil national de recherches Canada : Je vous remercie beaucoup, sénatrice.
Tout simplement, le bois d’œuvre massif ressemble fort à un morceau de contreplaqué extrêmement épais, où le bois de dimension courante est souvent fixé avec de la colle, des clous, des vis ou des goujons pour constituer un élément structurel très épais.
Comme vous le savez, le bois est combustible. Nous voulons donc le protéger en cas d’incendie. Ainsi, sur la surface extérieure, exposée du bois, on applique habituellement une substance offrant une forte résistance au feu pour encapsuler le bois et le protéger en cas d’incendie. Le milieu de la recherche sur les incendies a effectué énormément de travail pour évaluer la résistance au feu du bois exposé et du bois d’œuvre massif encapsulé.
Pourquoi le code du bâtiment fixe-t-il la limite à 12 étages? C’est la hauteur que le comité responsable du code a jugée acceptable pour le moment. Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas construire d’édifice de plus de 12 étages. En Colombie-Britannique, par exemple, sur le campus de l’Université de la Colombie-Britannique, la résidence pour étudiants Brock Commons est bien plus haute que cela. Il y a aussi un édifice dans la ville de Québec.
La souplesse du Code national du bâtiment autorise une solution d’ingénierie qui tient compte de la résistance au feu, aux séismes et à d’autres facteurs. Chaque projet de construction est évalué selon ses mérites; il est donc possible de construire des édifices de plus de 12 étages. Essentiellement, donc, la limite de 12 étages constitue ce que nous appelons une exigence prescriptive. Autrement dit, si on suit les exigences du code, on peut construire un édifice de 12 étages sans devoir entreprendre d’activités supplémentaires.
Je pense que je céderai maintenant la parole à Thomas Ferguson pour qu’il explique la nuance entre les diverses exigences en matière de conformité du code.
Le président : Sachez qu’il vous reste environ 50 secondes.
Thomas Ferguson, directeur, Règlement et spécifications sur l’environnement bâti, Conseil national de recherches Canada : Tout ce que je dirai, c’est que le code comprend effectivement une approche prescriptive, mais d’autres solutions d’ingénierie sont possibles. Il revient aux autorités compétentes, soit les provinces et les territoires responsables de l’application des codes du bâtiment en vertu de la Constitution, de déterminer si les projets de construction sont adéquats et peuvent être réalisés. C’est ainsi qu’il est possible de construire des édifices dont la hauteur excède celle préconisée dans le code du bâtiment, lequel fournit essentiellement une solution acceptable minimale pour la construction. Je vous remercie.
La sénatrice Simons : Je vous remercie.
Le sénateur Oh : Je remercie nos témoins. J’ai une question portant sur le même sujet. Le code du bâtiment fixe la limite à 12 étages. J’ai visité l’édifice de l’Université de la Colombie‑Britannique, qui comporte 18 étages, il me semble. Cela signifie-t-il que tous les codes du bâtiment provinciaux contiennent des normes distinctes des recommandations du gouvernement fédéral? N’importe quel témoin peut répondre à cette question.
M. Houle : Monsieur le président, les codes modèles nationaux du Canada constituent un système centralisé qui résulte de la rédaction de codes modèles qui a commencé dans les années 1930. Les provinces et les territoires réglementent la conception et la construction de maisons et d’édifices, ainsi que l’entretien, l’exploitation et les systèmes de prévention des incendies des édifices existants. Les provinces peuvent adopter des modifications sans attendre la publication du compendium sur les codes modèles nationaux du Canada. En définitive, ce sont les provinces qui sont responsables des codes du bâtiment.
J’ignore si mes collègues, M. Nightingale et M. Ferguson, voudraient ajouter quelque chose.
M. Ferguson : Je pourrais ajouter quelques observations. De façon générale, comme M. Houle l’a fait remarquer, les codes modèles nationaux forment un système centralisé rigoureux, fruit d’un processus basé sur le consensus dans le cadre duquel les comités techniques de la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies élaborent des modifications au code qui sont ensuite approuvées. Par la suite, les provinces et les territoires adoptent, en tout ou en partie, les dispositions du code, y apportant parfois des changements. Sachez qu’à l’heure actuelle, on s’efforce d’harmoniser la réglementation à l’échelle nationale au titre de l’accord sur la Table de conciliation et de coopération en matière de réglementation de l’Accord de libre-échange canadien afin que les règlements soient semblables d’un bout à l’autre du pays.
Pour en revenir à votre question initiale, je ne dirais pas que l’édifice de 18 étages a été construit parce que le code est différent dans la province. Cette dernière a simplement exercé son droit d’autoriser un projet de construction surpassant les prescriptions du code. Je vous remercie.
Le sénateur Oh : Savons-nous quel est l’édifice de ce genre le plus haut du monde? Existe-t-il des recherches à ce sujet?
M. Houle : Je pense que je laisserai mon collègue, M. Nightingale, répondre à cette question. Je sais qu’il y a certaines activités à ce chapitre en Europe. Si M. Nightingale possède des informations récentes, il pourrait vous répondre.
M. Nightingale : Je pense que nous devrons vous transmettre la réponse à une date ultérieure, sénateur, car je n’ai pas la réponse au bout des doigts à ce moment-ci.
Le sénateur Oh : Est-ce que quelqu’un peut faire la comparaison entre la construction en bois et la construction en béton? Quelle est la différence de coût?
M. Nightingale : Il est très difficile de répondre à cette question, car cela dépend beaucoup du lieu de construction, des zones de vitesse sismique et de l’usage prévu de l’édifice — autrement dit, de sa hauteur, de sa forme et de sa fonction. Je ne pense pas qu’il existe de réponse unique indiquant qu’un édifice en bois est X % moins cher ou plus cher qu’une construction en béton comparable. Il faut vraiment analyser le coût au cas par cas.
Le sénateur Oh : Je vous remercie.
La sénatrice Ringuette : Ma question s’adresse à M. Déry. Hier soir, devant le Comité des banques, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Steven Poloz, a souligné qu’Approvisionnement Canada a une politique d’approvisionnement à faible coût et à faible risque. Pouvez‑vous m’indiquer comment vous réviserez vos critères d’approvisionnement pour faciliter l’adoption de ces produits canadiens novateurs dans le cadre de votre approvisionnement?
M. Déry : Merci beaucoup, sénatrice Ringuette.
Monsieur le président, je tiens à dire que l’objectif, en matière d’approvisionnement, c’est d’être juste, ouvert et transparent. Je vais parler davantage des projets de construction parce que c’est ce dont je suis responsable à Services publics et Approvisionnement Canada, mais il doit assurément y avoir un équilibre entre le coût, la qualité des produits et la longévité.
Quand nous construisons un immeuble, quand nous voulons construire ou rénover un immeuble ou en faire la réfection, nous faisons appel à des experts professionnels qui nous fournissent des devis afin que l’immeuble ait la meilleure valeur pour les Canadiens et la meilleure empreinte écologique possible, et afin d’utiliser le matériau, ayant la plus faible empreinte carbone, offert sur le marché canadien à l’heure actuelle.
J’aimerais mentionner à titre d’exemple d’innovation canadienne — et j’en ai parlé dans ma déclaration préliminaire — le béton à faible teneur en carbone que nous avons coulé à l’Édifice commémoratif de l’Ouest ici, à Ottawa, lors de la rénovation du sous-plancher. C’est une entreprise canadienne qui a produit ce béton, et il sera désormais utilisé pour toute la rénovation de cet édifice. Nous mettons l’accent sur l’innovation.
Nous devons également respecter tous les accords commerciaux que le Canada a conclus. Cela doit aussi être pris en compte dans notre stratégie d’approvisionnement lorsque nous entreprenons un grand projet de construction, un nouvel immeuble, ou lorsque nous faisons la réfection de certains de nos édifices, comme c’est le cas actuellement sur la Colline du Parlement, et d’autres immeubles.
La sénatrice Ringuette : Je comprends tout à fait que nous devons respecter nos accords commerciaux, pourvu que l’autre partie respecte aussi sa part de l’entente. La question que je veux vous poser de nouveau est la suivante : dans le cadre de votre analyse, êtes-vous en train de réviser ou allez-vous réviser vos critères afin de favoriser l’innovation canadienne, c’est-à-dire les produits actuels du bois dont nous discutons ce matin?
M. Déry : Merci, sénatrice Ringuette.
Je dirais, monsieur le président, que nous avons des lettres de mandat qui encouragent l’innovation au Canada, et c’est ce que nous faisons. Nous collaborons avec nos collègues du Conseil national de recherches qui sont avec nous aujourd’hui pour faire la promotion de l’innovation, et pas seulement pour promouvoir nécessairement l’innovation dans les produits du bois, mais aussi dans tous les matériaux de construction au Canada. Nous avons une lettre de mandat qui demande l’achat de produits propres, alors nous prenons part à cette stratégie. Il est assurément important pour nous de jouer un rôle de premier plan dans l’achat de matériaux propres pour nos projets de construction.
La Stratégie pour un gouvernement vert qui a été mise en place par le Secrétariat du Conseil du Trésor a établi un prix fictif du carbone de 300 $ la tonne. Lorsque nous faisons l’estimation de notre projet, au lieu d’utiliser un prix fictif du carbone de 50 $, nous utilisons celui de 300 $ la tonne, ce qui nous place déjà dans une autre catégorie sur le plan de la qualité, si on tient compte de l’impact environnemental et de la réduction des GES pour le fonctionnement de l’immeuble par rapport au coût de construction de l’immeuble.
Le président : Je vous remercie de votre réponse. Je dois vous interrompre, car le temps est écoulé.
Le sénateur Wetston : Je voudrais parler encore un peu de ces divers produits dont il est question. Le sénateur Oh en a mentionné. Nous avons l’acier, le béton, le bois. Je pense que le sénateur Oh voulait connaître les coûts. J’aimerais que nous parlions un peu plus du coût unitaire de chaque produit. Je ne parle pas de la conception de l’immeuble et de ce que cela peut supposer. Vous devez en avoir une idée, puisque vous visez des initiatives de réduction des émissions de carbone.
Ma seconde question est la suivante : pouvez-vous décrire la dynamique de concurrence qui existe dans le marché pour le béton, l’acier et le bois? Je comprends que tous ces secteurs se livrent concurrence pour obtenir un meilleur accès à la construction de bâtiments à faibles émissions de carbone. L’un ou l’autre des témoins peut-il nous parler de ces enjeux?
Le président : Je dois vous dire qu’il vous reste trois minutes.
M. Houle : Le CNRC fournit un soutien scientifique afin d’évaluer les spécifications techniques et la valeur scientifique de ces innovations et la façon de les soutenir. Nous cherchons à repérer et à élaborer des outils et des normes pour effectuer les analyses du cycle de vie et évaluer l’incidence globale sur les émissions de gaz à effet de serre. C’est là-dessus que nous concentrons nos recherches et nos évaluations des nouveaux matériaux, que ce soit pour appuyer les entreprises qui élaborent ces produits novateurs ou même qui les mettent à l’essai pour la protection contre les incendies, ou pour mener des projets de démonstration à notre Centre canadien de matériaux de construction, à Ottawa.
Le sénateur Wetston : Quelqu’un d’autre veut-il répondre?
M. Déry : À Services publics et Approvisionnement Canada, nous embauchons des experts pour qu’ils nous disent quel est le meilleur matériau pour construire un immeuble ou quel est le composant qui a la teneur la plus faible possible de carbone. Nous n’achetons pas nous-mêmes le bois, l’acier ou le béton; c’est soit un entrepreneur soit un directeur des travaux qui le fait. L’architecte et l’ingénieur établissent quel est le matériau ayant la plus faible intensité de carbone que nous pourrions utiliser dans ce projet.
Le sénateur Wetston : J’essayais d’en venir à l’idée que l’industrie a un rôle à jouer ici, et j’aimerais savoir en quoi consiste ce rôle. Je sais que nous avons des codes provinciaux et municipaux, ainsi que le code national, et j’essaie de déterminer la place et le rôle de l’industrie. C’est ce que je tente de faire. Quand vous parlez de l’approvisionnement au fédéral, je comprends vos responsabilités, mais je ne vois pas le point de vue de l’industrie de la construction, des entrepreneurs. Il se peut que le Conseil national de recherches ne soit pas en mesure de répondre à cette question, mais Services publics et Approvisionnement Canada le sera peut-être.
M. Déry : Sénateur, votre question est excellente, mais elle n’est pas facile.
L’une des initiatives de la Stratégie pour un gouvernement vert qui entrera en vigueur à compter de 2025 est une réduction de 30 % du carbone intégré dans les matériaux de construction pour les nouveaux bâtiments ou pour ceux qui font l’objet de rénovation ou de réfection. Cela aura une grande incidence sur l’industrie.
Nous recueillons actuellement des données pour élaborer une DEP pour ces produits afin que lorsqu’un produit est créé, nous connaissions la véritable empreinte carbone de ce produit, qu’il s’agisse d’acier ou de béton, qui devra être réduite de 30 %. Toutes nos spécifications pousseront l’industrie à jouer un rôle en ce sens. Les innovateurs d’aujourd’hui en bénéficieront dans les années à venir, car aussitôt qu’il y aura un projet dans lequel il faudra une réduction de 30 % du carbone dans les matériaux, ces industries innovantes en bénéficieront.
Le président : Nous allons maintenant entendre la sénatrice Griffin, qui est la marraine du projet de loi.
La sénatrice Griffin : J’ai quelques questions à poser. La première concerne SPAC. Dans le mémoire que nous avons reçu à l’avance, on parle de la possibilité de proposer un amendement mineur au projet de loi. Je ne sais pas si vous en avez parlé dans votre allocution. Si oui, j’ai manqué cette partie et je m’en excuse. Vous vouliez proposer que le libellé soit modifié, dans la version anglaise, de sorte que les mots « the minister must consider » soient remplacés par les mots « the minister shall consider »; ainsi, « must » deviendrait « shall », ce qui serait cohérent avec le reste de votre loi et toutes les dispositions concernant les obligations ministérielles et le mot « shall ». Si cet amendement était apporté au projet de loi, seriez-vous satisfait du libellé?
M. Déry : Oui, nous serions tout à fait satisfaits. Il y a une chose que j’aimerais mentionner au comité. Je vous remercie, sénatrice Griffin et monsieur le président, de me donner l’occasion de le faire. Nous serions satisfaits du mot « shall », et je crois que nos services juridiques veulent s’assurer qu’il y a une uniformité, car dans le reste de la loi, on dit « shall ».
En tant que fournisseur de services communs, SPAC réalise de nombreux projets d’infrastructure. Si le projet de loi S-222 modifie la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, cela aura une incidence sur SPAC et sur tout notre processus d’approvisionnement pour les projets que nous gérons pour notre ministère. Cela aura également une incidence sur l’approvisionnement pour les projets que nous gérons pour le compte d’autres ministères. Nous sommes l’un des 27 gardiens d’immeubles du gouvernement fédéral, et la loi s’applique à SPAC. Je tiens à ce que le comité sache qu’elle ne s’appliquera pas nécessairement aux 26 autres gardiens. Elle s’appliquera à notre ministère et à nous si nous travaillons pour le compte d’autres ministères. Nous effectuons beaucoup de travaux pour le compte d’autres ministères, mais certains ministères ont le droit de faire leurs propres travaux et de mener leurs propres projets en tant que gardiens. Je voulais le souligner aux membres du comité.
La sénatrice Griffin : Merci beaucoup.
Monsieur Nightingale, quelle hauteur aura la nouvelle tour à l’Université de Toronto? On dit que ce sera la plus haute en Amérique du Nord. Savez-vous quelle est la hauteur prévue?
M. Nightingale : Je vous remercie de la question, sénatrice. À l’heure actuelle, je ne connais pas la hauteur approuvée de cet immeuble.
La sénatrice Griffin : Bien. Le sénateur Oh a mentionné que nous avions fait une visite de Brock Commons. Il s’agit d’une résidence pour étudiants, soit dit en passant, alors je pense que cela nous donne une bonne idée de la confiance qu’on a dans cette structure.
Le sénateur Klyne : Je souhaite la bienvenue à nos invités, et je vous remercie pour vos exposés.
Tout le domaine de la conception et de la construction est complexe, et étant donné les biens que vous avez sous votre responsabilité et ceux qui sont à l’étape de la conception, il y a bien des choses à prendre en considération, comme on peut s’y attendre : l’utilisation prévue des immeubles et leurs occupants, les différences régionales liées aux chantiers de construction, un substrat rocheux à 6 pieds de profondeur, 70 pieds d’argile, les fondrières et les cycles accrus de gel et de dégel, bref, toutes les considérations qui entrent en jeu relativement aux fondations, et bien sûr, les phénomènes météorologiques extrêmes que nous connaissons. Ce qui n’arrivait peut-être qu’une fois par siècle pourrait se reproduire chaque année d’ici 2050.
Il est certain que, dans ce travail, l’empreinte carbone est une réalité omniprésente. On doit en tenir compte dans presque tout ce que nous faisons, de nos jours, tout comme pour la résistance, la longévité et la rentabilité. Toutefois, la priorité, c’est la sécurité. Nous devons miser sur la sécurité et l’intégrité dans la construction de ces bâtiments. De nombreuses considérations et de nombreux rouages entrent en ligne de compte.
À vous écouter parler du protocole, des pratiques exemplaires, des choses que vous avez prises en considération, surtout en ce qui concerne notamment l’empreinte carbonique, la sécurité et le rapport qualité-prix, j’ai l’impression qu’il conviendrait, comme le suggère la sénatrice Griffin, de remplacer « must » par « shall » dans la formulation actuelle du projet de loi, ce qui apporterait un complément au protocole actuel et à ce que vous faites déjà, voire le mettrait en valeur. Ce serait donc un compliment et non, disons, une intrusion. Ai-je raison de penser ainsi?
Le président : Il vous reste environ une minute et demie.
M. Déry : Merci, sénateur Klyne. Comme je l’ai dit, je pense que cette formulation apporterait un complément. Je vous remercie d’avoir expliqué notre processus. Nous évaluons déjà ce qui constituerait le meilleur matériau pour tel bâtiment, à tel endroit, et cetera, ce que vous avez bien expliqué. Hier, j’ai participé à un panel sur la résilience au climat. Nous ignorons presque les conditions pour lesquelles nous construisons, car nous ne savons pas ce que l’année suivante nous réserve. Tout dépend de l’endroit et de la ville en question. Je pense que cela apporterait un complément à notre travail tout en nous laissant continuer ce que nous faisons déjà, c’est-à-dire trouver les meilleurs matériaux possible sur le marché afin de bâtir ou de rénover un bâtiment à un endroit donné, comme vous l’avez si gracieusement expliqué.
Le sénateur Klyne : Merci.
Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins.
Je pense que ce panel fait ressortir un point soulevé par la sénatrice Ringuette, à savoir que le gouvernement a la responsabilité, sur toutes sortes de plans, d’inciter l’industrie à innover et de lui donner les moyens de le faire. Si les normes, la réglementation, les lois et les pratiques d’approvisionnement n’évoluent pas, l’innovation canadienne stagne. Je tiens à souligner à quel point c’est important et combien vous devez déployer d’efforts. Vous devez investir afin d’obtenir ce résultat. Vous devez nous aider à aider l’industrie canadienne à innover afin de stimuler la productivité. Je pense qu’il s’agit d’un point important.
Je veux m’intéresser à un élément précis. C’est à propos des produits du bois et non seulement du bois composite, c’est exact? Il s’agit d’utiliser le bois de façon générale. Nous accueillerons d’autres témoins pour le prochain panel, alors je veux comprendre — et la réponse viendra vraisemblablement de M. Nightingale — l’utilisation de plaques et de contre-plaques dans la construction avec le bois. Je pense qu’il s’agit de l’autre extrémité du spectre de ce que vous avez expliqué à propos du gros immeuble de Brock Commons.
Des pompiers volontaires de ma connaissance m’ont dit redouter les plaques de raccord, qui posent souvent des difficultés dans diverses parties des structures, entre autres les escaliers, car le feu peut affecter ces joints beaucoup plus rapidement que la charpente de bois elle-même. Les escaliers peuvent alors s’écrouler. Souvent, la partie entrée, récupération et sauvetage de leur travail se trouve ainsi entravée.
Je tenais à poser des questions sur ces produits connexes. Je suis un grand partisan de ce projet de loi et de ce qu’il accomplirait, mais j’estime important de prendre en compte tous les éléments. J’aimerais donc savoir quel genre de travail vous avez fait sur les matériaux autres que le bois lui-même, sur les éléments qui permettent de l’utiliser.
Le président : Vous avez environ une minute et demie.
M. Nightingale : Merci beaucoup de la question, monsieur le sénateur. Je tenterai d’être bref et direct.
Le bâtiment en question est un immeuble hybride : son cœur est en béton, mais les éléments structuraux autour sont en bois. Beaucoup d’ascenseurs et, si je ne me trompe pas, les escaliers de secours se trouvent dans ce cœur en béton. L’interface entre le bois et le béton représente un défi, comme vous l’avez relevé.
Des recherches ont été effectuées sur la question, tant sur le plan de la résistance sismique que sur celui de la sécurité-incendie. Ces types d’interfaces sont pris en considération par les comités d’élaboration des codes, les techniciens, et il y a une coordination entre les comités. Autrement dit, la question est examinée sous une perspective multidimensionnelle en fonction de la résistance, notamment sismique, de l’évacuation, et cetera. Des pompiers et des responsables de la sécurité-incendie siègent aux comités; pensons entre autres à l’Association canadienne des chefs de pompiers, que vous entendrez un peu plus tard aujourd’hui. Nous examinons les choses de façon objective et factuelle afin de mettre au point des codes qui reflètent une approche consensuelle par rapport à toutes les dimensions. J’espère avoir répondu à votre question.
Le sénateur C. Deacon : Merci. Je suis ravi de l’entendre. C’est un bon point.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie, messieurs, d’avoir témoigné devant nous. Nous vous savons gré de l’information que vous nous avez fournie et du savoir dont vous nous avez fait profiter.
Monsieur Déry, vous avez mentionné le contenu de la lettre de mandat de la ministre. Or, ce n’est pas parce qu’elle dit quelque chose que ce sera accompli. Pouvez-vous suivre ce que dit la lettre de mandat de la ministre et nous dire précisément ce qui est en train d’être accompli?
M. Déry : Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, notre intention est de soutenir l’innovation et de travailler avec nos collègues du Conseil national de recherches, de Ressources naturelles Canada et du Secrétariat du Conseil du Trésor pour soutenir l’innovation et l’utilisation de matériaux à faible teneur en carbone dans les immeubles. J’ai mentionné que d’ici 2025, tous nos projets — et ce sera une exigence que nous imposerons aux ingénieurs et aux architectes — devront utiliser des matériaux contenant 30 % moins de carbone.
À titre d’exemple, l’activité du gouvernement produit beaucoup de gaz à effet de serre. Les immeubles produisent environ 40 % de ces émissions — non seulement la construction des immeubles elle-même, mais aussi leur exploitation. D’ici 2025, mon ministère aura réduit de près de 92 % les émissions des immeubles appartenant à l’État.
Grâce aux données et aux analyses et exigences appropriées, je suis convaincu que nous serons en bonne position pour faire de même avec les matériaux de construction et que nous arriverons à réduire leur empreinte carbone. Les décisions fondées sur des données et des preuves que prennent nos collègues du Conseil national de recherches présupposent des connaissances techniques considérables. Mon collègue pourrait nous en dire plus long à ce sujet. Lorsque nous aurons l’EDP des matériaux, nous pourrons dire :« Voici ce que nous cherchons à atteindre. » Nous pourrons mesurer l’ampleur de cette réduction de la teneur en carbone des matériaux que nous achetons et utilisons dans la construction des immeubles.
L’écologisation des opérations gouvernementales comprend les matériaux, mais aussi l’écologisation de notre fonctionnement. Je pense que nous avons bien réussi l’écologisation des opérations et que nous devons maintenant nous focaliser sur la réduction du carbone dans les matériaux que nous utilisons dans la construction.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de la valeur scientifique et des différences qui existent d’un ministère à l’autre. L’une des mesures dont je n’entends jamais parler de la part des fonctionnaires est le nombre d’emplois qui seront créés. Combien d’emplois sont créés dans la récolte du bois au cours du processus? Cela semble être le grand changement qui est sur le point de se produire. Si nous mettons cela en œuvre, le travail dans les bois sera la partie la plus difficile du travail, mais c’est aussi le processus qui génère le plus d’emplois, je dirais. Est-ce que l’un d’entre vous fait ce genre d’analyse pour tenter de savoir combien d’emplois seront créés par ce changement?
M. Déry : Comme la question du sénateur Klyne, la vôtre est aussi une très bonne question. Or, pour nous, comme le matériel utilisé varie avec chaque projet, ce que vous demandez est difficile à calculer. Nous connaissons l’incidence qu’un projet peut avoir sur l’ensemble de l’industrie et sur l’économie, ainsi que le nombre d’emplois qui seront créés par cet investissement particulier. Comme nous n’achetons pas le produit, il nous est difficile de dire combien d’emplois seront créés dans chacune des industries qui fabriquent les produits qui sont à l’origine de ces projets. C’est quelque chose qu'il nous est difficile de jauger. Toutefois, si nous construisons un immeuble d’un milliard de dollars, nous sommes en mesure de dire le nombre d’emplois qui seront créés.
Le sénateur Mercer : Merci beaucoup.
Le sénateur Marwah : Bonjour à tous, et merci de votre présence. Vos connaissances nous sont utiles.
Ce projet de loi porte sur l’utilisation accrue du bois dans la construction. Cette question s’adresse à chacun d’entre vous : pourriez-vous nous donner votre avis sur les conséquences involontaires qui pourraient résulter de l’adoption cavalière de cette approche? Y aura-t-il des conséquences socio-économiques? Y aura-t-il une incidence sur le secteur forestier, positive ou négative? Toutes ces répercussions peuvent-elles être absorbées et gérées de manière appropriée? Y a-t-il des conséquences dont nous devrions être conscients, selon vous? Je vais d’abord poser la question à M. Houle, puis M. Déry pourra peut-être nous donner son avis. Encore une fois, y a-t-il des conséquences involontaires au fait de pousser ce changement de façon cavalière, surtout quand on sait qu’il figure dans la lettre de mandat de la ministre? Cela signifie qu’une plus grande attention sera accordée à cette question. Y a-t-il quelque chose dont nous devrions nous inquiéter?
M. Houle : Merci, sénateur Marwah, pour cette question.
Le travail du Conseil national de recherches du Canada est d’aider à stimuler l’innovation. Par conséquent, notre travail consiste généralement à essayer de travailler avec les entreprises canadiennes pour les rendre concurrentielles à l’échelle mondiale. Notre travail ne nous permet pas de constater ces conséquences involontaires. Nous travaillons surtout à aider les entreprises à devenir plus concurrentielles à l’échelle mondiale.
Le sénateur Marwah : Monsieur Déry, quelle est votre position à ce sujet?
M. Déry : De notre point de vue, il s’agit d’un équilibre, et le bois est l’une des composantes de cet équilibre. Si l’on construit davantage en bois, on utilise moins d’autres matériaux. Comme je l’ai dit, pour nous, les choses sont envisagées projet par projet. Nous comptons sur les experts pour nous dire quel est le meilleur matériau avec la plus faible empreinte carbone qui pourrait être utilisé dans un projet donné. C’est une question d’équilibre sur le marché : si nous construisons un immeuble en bois, il y aura moins de béton et moins d’acier. S’il est en béton, il y aura moins de bois et moins d’acier.
Cela va de pair avec le changement climatique dans la mesure où, puisque nous évaluons les projets à la pièce, les types de matériaux qui devraient être utilisés dans tel ou tel projet... Je pense avoir fourni une photo d’un bâtiment au Québec, le manège militaire Voltigeurs, où nous avons utilisé du bois. Il y a un autre projet en Colombie‑Britannique, un aéroport cette fois, où nous avons utilisé du bois. Nous utilisons constamment du bois dans tous nos immeubles, même au Parlement, que nous sommes en train de rénover. Nous n’avons pas mesuré l’incidence que cela aura sur l’industrie du bois, et Services publics et Approvisionnement Canada n’est pas en mesure de le faire. Nous ne sommes probablement pas les mieux placés pour répondre à cette question concernant les répercussions sur l’industrie du bois.
Le sénateur Wetston : Vous n’avez peut-être pas d’information à ce sujet, monsieur Déry, mais à Toronto, et je suis un sénateur de Toronto, nous avons environ 225 grues. Cela signifie qu’à court terme, il y a une foule d’immeubles de grande hauteur qui seront construits à Toronto, plus que dans toute autre ville nord-américaine. Je vais confirmer cette information pour éviter d’induire qui que ce soit en erreur, que ce soit l’un d’entre vous ou les sénateurs. Avez-vous la moindre information sur l’ampleur de la quantité de bois que les entrepreneurs utilisent? Je suis conscient que ce n’est pas une question qui relève de Services publics et Approvisionnement Canada, pour des raisons évidentes, mais avez-vous des renseignements sur la proportion de matériaux à faible teneur en carbone qui est utilisée par l’industrie pour la construction de ces immeubles de grande hauteur à Toronto?
M. Déry : Merci. Je ne pourrais pas répondre à cette question. Je sais qu’actuellement, les matériaux à faible teneur en carbone ont la cote dans toutes les innovations, et que le prix des matériaux à faible teneur en carbone diminue à mesure que l’innovation progresse dans l’industrie canadienne, mais je ne peux pas répondre à votre question précise sur la quantité de bois utilisée dans ces constructions. J’en suis désolé, monsieur le sénateur.
Le sénateur Wetston : Je vous remercie.
Le président : Merci à mes collègues pour ces questions, et merci beaucoup à M. Houle, M. Déry, M. Nightingale et M. Ferguson de s’être joints à nous aujourd’hui, et de nous avoir présenté leurs informations et leurs exposés, que nous avons d’ailleurs reçus. Votre aide dans le cadre de ce projet de loi est très appréciée.
Pour notre deuxième groupe d’experts, nous entendrons John Metras, vice-président associé, Installations, Université de la Colombie‑Britannique, et Daniel Tingley, directeur exécutif, ingénieur de conception senior, Wood Research and Development. De l’Association canadienne des chefs de pompiers, nous entendrons Keven Lefebvre, chef des pompiers, comté de Leduc, Alberta, coprésident du comité sur les codes des bâtiments de l’ACCP, ainsi que Tina Saryeddine, directrice générale.
Nous allons entendre la déclaration liminaire de M. Metras. Viendront ensuite celles de M. Tingley et de M. Lefebvre. La parole est à vous, monsieur Metras.
John Metras, vice-président associé, Installations, Université de la Colombie-Britannique : Bonjour et merci, monsieur le président, de me donner l’occasion de participer à la séance d’aujourd’hui.
Je me joins à vous depuis le campus de Vancouver de l’Université de la Colombie‑Britannique, sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé du peuple musqueam.
Je suis heureux de pouvoir répondre aux questions du comité sur l’expérience de l’Université de la Colombie‑Britannique en ce qui a trait à l’utilisation du bois massif ou du bois d’ingénierie dans la construction de la Brock Commons Tallwood House et d’autres projets qu’elle a entrepris. Ce fut un plaisir d’accueillir les membres du comité pour une visite de Brock Commons en mars 2018, y compris les sénateurs Black et Griffin. C’est un plaisir de vous revoir tous les deux.
Brock Commons Tallwood House est une résidence étudiante de 18 étages — d’une hauteur de 54 mètres — située sur le campus de l’Université de la Colombie‑Britannique à Vancouver. La construction de cet immeuble s’est terminée en juin 2017. L’immeuble possède une structure hybride en bois massif qui utilise des plaques de plancher en bois lamellé-croisé, ou CLT, et des colonnes structurelles en bois lamellé-collé, ainsi que des cages d’ascenseur et d’escaliers en béton. Au moment de son achèvement, c’était l’immeuble hybride en bois massif le plus haut au monde, mais il a depuis été dépassé par la tour Mjösa, qui est située à Brumunddal, en Norvège, et qui fait 85 mètres.
À propos, pour répondre à une question posée plus tôt, je crois que la hauteur proposée pour l’Academic Tower de l’Université de Toronto est de 75 mètres.
Pour son projet Brock Commons, l’Université de la Colombie‑Britannique a eu la chance de recevoir un financement aux termes de l’Initiative de démonstration des bâtiments en bois de grande hauteur de Ressources naturelles Canada. Ces fonds ont permis de couvrir les coûts supplémentaires liés à la conception et à la construction d’un immeuble en bois massif de cette hauteur, inégalée jusqu’alors. Nous sommes reconnaissants du soutien que nous avons reçu du gouvernement et nous nous engageons à communiquer les leçons tirées de ce projet ainsi que d’autres projets réalisés par l’université. Au cours des 30 dernières années, l’Université de la Colombie‑Britannique a construit 21 immeubles en utilisant du bois massif. Nous avons donc une expérience de longue date avec ce matériau et son utilisation dans la construction institutionnelle.
Brock Commons est unique en son genre puisqu’il s’agit du premier projet de plus de six étages. Brock Commons a démontré avec succès que le bois massif est un matériau structurel sûr et durable pour les immeubles de grande hauteur. En plus de réduire l’empreinte carbone du bâtiment, l’utilisation de composants préfabriqués en bois d’ingénierie a permis d’optimiser le processus de construction en misant sur un assemblage précis, et d’abréger le calendrier d’exécution. La construction s’est faite proprement, à un niveau sonore réduit et avec un minimum de déchets.
Le projet a également démontré que la sécurité incendie et les risques sismiques pouvaient être gérés efficacement dans un immeuble de grande hauteur en bois massif. Un responsable du service d’incendie local a déclaré que Brock Commons était l’un des bâtiments les plus sécuritaires de Vancouver, ce qui est très encourageant. Les étudiants résidents ont été très élogieux à l’égard de l’immeuble et ont dit aimer y vivre.
Le processus de conception et de construction de Brock Commons a été bien documenté, et des études de cas sont disponibles pour les concepteurs et les décideurs. Les leçons tirées de Brock Commons et d’autres projets de démonstration soutenus par Ressources naturelles Canada ont permis d’apporter des modifications aux codes du bâtiment et ont donné l’impulsion à un certain nombre de projets de construction en bois massif à l’échelle du pays, nombre qui va croissant.
En résumé, le bois massif est un matériau de construction éprouvé et nécessaire qui nous aidera à atteindre nos objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Compte tenu de notre expérience à l’Université de la Colombie‑Britannique, les mesures que le gouvernement pourrait mettre en place pour promouvoir l’utilisation du bois massif et d’autres matériaux de construction durables dans les bâtiments publics et dans l’ensemble du secteur de la construction seront assurément les bienvenues.
Je vous remercie encore une fois de me donner l’occasion de prendre part à cette séance. J’ai bien hâte de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Metras.
Daniel Tingley, directeur exécutif, ingénieur de conception senior, Wood Research and Development : Bonjour, et merci de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui. Je suis ingénieur principal des structures en bois et technologue du bois chez Wood Research and Development. Nous faisons partie d’un plus grand groupe d’entreprises qui a débuté à Fredericton et à Halifax — j’ai grandi dans le comté d’Albert, juste au sud de Moncton —, groupe qui s’est développé au point d’être désormais présent dans de nombreux pays à travers le monde. Nous concevons des structures sur tous les continents maintenant, à l’exception de l’Afrique. Nous sommes un service d’accréditation international et une agence d’essais et de tierce partie accréditée. Nous sommes membres du Code des ponts S6, partie 9, du Canada, du comité 7 de l’American Railway Engineering and Maintenance-of-Way Association, structures en bois, et du comité 10, sécurité des ponts. Nous sommes aussi membre votant de l’American Society for Testing and Materials, ou ASTM. Nous travaillons dans ce domaine depuis de nombreuses années, depuis 1981 en fait, et nous avons débuté à Fredericton et Halifax. Je suis heureux de pouvoir vous parler aujourd’hui du bois d’œuvre et de notre expérience dans ce domaine.
J’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur en bois à l’Université du Nouveau‑Brunswick au milieu des années 1970, puis j’ai commencé à travailler dans le domaine, notamment sur les poutres en bois lamellé-collé, ces grandes poutres faites de plus petites lamelles de bois massif. Au cours de ma carrière, j’ai travaillé sur des bâtiments assez grands avec ce matériau que, pendant des décennies, nous n’appelions pas « bois massif ». C’est intéressant parce que le plus long bâtiment à portée libre au Canada se trouve à Belledune, au Nouveau‑Brunswick — un immeuble de 12 étages avec une portée libre de 535 pieds, qui fait partie du terminal d’entreposage frigorifique. J’ai participé à sa conception. Quand on y pense, les quatrième, cinquième et sixième plus grands bâtiments à portée libre au monde sont en bois.
Nous faisons cela depuis des décennies, mais parce que nous avons un nouvel outil dans notre coffre — le bois lamellé-croisé —, nous nous sommes mis à penser au bois d’une manière différente. Au lieu de construire de grands terminaux de stockage réfrigéré et de stockage de la potasse en bois et de n’y voir rien de spécial, nous voilà en train de parler d’immeubles de grande hauteur qui peuvent accueillir des gens. Cela prend une nouvelle direction, car nous devons dès lors penser à l’accès et à l’évacuation en cas d’incendie. Cela nous incite à envisager des modifications aux codes de construction modèles, etc., afin que ces immeubles puissent être considérés comme étant sécuritaires pour le public. Il reste que les ingénieurs conçoivent des bâtiments en gros bois depuis des décennies.
Pour moi, c’est intéressant, car à l’heure actuelle, c’est le secteur des infrastructures qui connaît la plus forte croissance dans le monde entier. La société Lendlease considère que d’ici 2030, 30 % des centres-villes seront construits en bois. Pourquoi cela? Parce que le bois est durable. Nous plantons des arbres. Chaque fois que nous en coupons un, nous en plantons deux. Les arbres intègrent et séquestrent le carbone. Le plus grand bloc de carbone séquestré au monde se trouve aujourd’hui dans les bâtons de bois d’œuvre que possède l’Amérique du Nord. Les arbres transforment le CO2 en oxygène et, ce faisant, ils séquestrent le carbone.
Au début du siècle dernier, 82 % des ponts du Canada étaient en bois. Nous avons commencé à nous tourner en bloc vers le béton et l’acier dans les années 1960 et 1970. Au début de ma carrière, les ponts en bois étaient en voie de disparition. Aujourd’hui, ils sont en plein essor. J’ai un pont pour lequel nous avons récemment gagné un prix. Il s’agit du pont Roger Bacon, qui est situé un peu à l’extérieur de la ville d’Amherst, en Nouvelle‑Écosse. C’est le plus long pont en bois à trois voies du pays. Lorsque nous l’avons conçu, nous cherchions à concurrencer l’acier. Le pont en acier qui se trouvait là auparavant n’avait duré que 48 ans, alors que son prédécesseur, un pont en bois, avait tenu 70 ans. Nous avons réutilisé les vieilles piles en bois de l’ancien pont qui se trouvait sous le pont en acier et nous avons construit un nouveau pont en bois sur ces piles avec une durée de vie envisagée de 100 ans. Voici quelques caractéristiques intéressantes. Le nouveau pont en acier allait générer 2 700 tonnes métriques de carbone. Le nouveau pont en bois a permis d’en éliminer 970, et parallèlement à cela, le bois qui était là et qui a servi à bâtir une grande partie du pont avait 280 ans, 280 ans à séquestrer le carbone. Si vous y pensez, le nouveau pont en bois conçu pour une centaine d’années supplémentaires contiendra du carbone séquestré pendant 380 ans. Pour nous, ces attributs sont importants lorsque nous concevons des infrastructures immobilières : durabilité, séquestration du carbone et faible coût.
À la session précédente, un sénateur a posé une question sur les coûts. Habituellement, aujourd’hui, nous sommes en tête de file pour cela parce que nous faisons partie d’un plus grand groupe qui possède des usines de fabrication dans trois pays différents. Ces usines fabriquent des structures en bois à l’intérieur de l’usine, les préusinent et les préassemblent, les démontent, les post-traitent et les expédient dans le monde entier. Nous sommes en voie d’ouvrir une autre installation à Moncton. Ces installations fabriquent des structures en bois et les expédient partout dans le monde. Généralement, les ponts en bois coûtent 30 % moins cher que les ponts en acier et 50 % moins cher que les ponts en béton.
Le bois apporte de la valeur économique et une tonne d’avantages de ce côté de l’équation, en plus d’être carboneutre, durable et de permettre la séquestration du carbone, ce qui en fait le meilleur produit dans le monde d’aujourd’hui, où l’empreinte carbone des structures compte. Du point de vue de l’empreinte carbone des structures, bien sûr, le bois trône en tête de liste. Nous suivrons le cycle...
Le président : Monsieur Tingley, je vous prierais de conclure.
M. Tingley : J’aimerais vous faire remarquer que nous pensons que les structures en bois de grande taille sont nouvelles. Le fait est que l’on construit des structures en bois de grande taille depuis des décennies. Ce qui est nouveau, c’est un produit qu’on appelle le bois lamellé-croisé, qui enrichit la boîte à outils des ingénieurs dans la conception de structures en bois. Je vous remercie.
Le président : Merci, monsieur Tingley.
Keven Lefebvre, chef de pompier, comté de Leduc, Alberta, coprésident du comité sur les codes des bâtiments de l’ACCP, Association canadienne des chefs de pompier : Bonjour et merci d’avoir invité l’Association canadienne des chefs de pompiers, ou ACCP, à prendre la parole ici aujourd’hui. Pour le compte rendu, je m’appelle Keven Lefebvre. Je suis le chef des pompiers du comté de Leduc, en Alberta.
Je m’adresse à vous depuis les territoires traditionnels des peuples du Traité no 6, qui comprennent 16 Premières Nations de l’Alberta ainsi que le peuple de la région 4 de la nation métisse de l’Alberta. En ce moment, mes pensées vont également vers l’Ukraine. Je suis un membre élu du conseil d’administration de l’ACCP et le coprésident du comité sur les codes des bâtiments de l’ACCP.
J’ai entamé ma 41e année au service d’incendie au début du mois. Je suis actif au sein du conseil des codes de sécurité de l’Alberta, ainsi qu’au Building Technical Council, et j’ai siégé à l’ancien Fire Technical Council. Je suis accompagné aujourd’hui par la directrice générale de l’ACCP, Tina Saryeddine.
L’ACCP représente les plus de 3 000 services d’incendie qui existent au Canada par l’entremise de leurs chefs respectifs et d’un conseil consultatif national composé d’organismes provinciaux, territoriaux et nationaux connexes, dont le ministère de la Défense nationale, le MDN, qui est l’un des plus importants propriétaires d’immeubles fédéraux. Les services d’incendie varient, allant de petits services ruraux bénévoles aux grands services métropolitains syndiqués. En dépit de notre diversité, nous sommes unis dans notre vocation de protéger la vie des Canadiens. Outre les installations des Forces armées canadiennes, les immeubles fédéraux sont protégés par les services d’incendie municipaux, pour la plupart.
Le projet de loi S-222, dans le contexte des propriétés fédérales et des travaux publics, exigerait que la ministre tienne compte de toute réduction potentielle des émissions de gaz à effet de serre et de tout autre avantage environnemental à utiliser du bois ou tout autre matériau, produit ou ressource durable procurant des avantages comparables. C’est une bonne chose, mais cela ouvre également la porte à un certain nombre de problèmes.
Le premier concerne précisément le bois, qui revêt une signification particulière pour nombre d’entre nous, Canadiens. Nous l’utilisons de manière sélective, et l’avons toujours utilisé. Cependant, il pourrait s’avérer désastreux de l’utiliser dans des stationnements où se trouvent des véhicules électriques et des batteries au lithium-ion en recharge, dans de grands bâtiments non dotés d’un système de gicleurs ou en milieu périurbain. Des efforts environnementaux bien intentionnés, comme l’utilisation de bardeaux de bois et la plantation d’arbres à proximité des maisons en milieu périurbain, empirent les dommages causés par les feux de forêt. Les principes Préventifeu doivent être respectés et pris en considération, notamment en cas de catastrophe. Les bâtiments fédéraux doivent demeurer pleinement opérationnels en cas de catastrophe, ils doivent faire partie de la solution et des opérations, et non du problème.
Deuxièmement, faites attention, parce que si vous favorisez l’utilisation de certains produits dans les marchés publics sans comprendre pleinement leur utilisation finale, vous risquez de contredire des codes et des normes déjà en place qui traitent de ce type de développement ou de les dupliquer. Vous devez aussi reconnaître la possibilité que des additifs, des traitements ou divers produits aient des conséquences involontaires et que certaines interactions empêchent en fait de réduire les émissions de carbone comme vous le prévoyez. Ils pourraient même devenir toxiques en cas d’incendie.
Troisièmement, rappelez-vous qu’à Vancouver, l’introduction de produits novateurs dans les bâtiments en bois de haute taille s’est accompagnée de ressources importantes pour la formation en matière de sécurité publique. On ne peut innover de façon responsable sans y mettre les ressources et offrir la formation nécessaire.
La Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies doit systématiquement en tenir compte avant de modifier les codes pour tout ce qui concerne les matériaux novateurs et les nouvelles utilisations de matériaux existants. Ainsi, si vous adoptez ce projet de loi, nous vous recommandons d’inscrire dans le règlement connexe l’objectif d’assurer la sécurité des pompiers, et nous vous demandons d’appuyer l’inclusion du même objectif au Code national du bâtiment du Canada, comme il en a été question récemment dans les lettres de mandat des ministres.
Dans le même ordre d’idées, il faut évaluer combien de temps les pompiers pourront travailler à l’intérieur des structures en cas d’incendie et inclure des normes de rendement des planchers dans le Code national du bâtiment. Bien qu’il s’agisse d’un sujet à débat parmi les spécialistes, dans la pratique quotidienne, les pompiers peuvent tomber si les planchers s’effondrent pendant un incendie, et il arrive qu’ils tombent, ce qui a souvent des conséquences fatales. L’ACCP travaille avec le CNRC et la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies pour que le Canada se dote des mêmes garanties de rendement des planchers que les États-Unis et d’autres pays.
Si vous allez de l’avant avec ce projet de loi, il est crucial que les premiers intervenants soient bien informés et formés pour intervenir en cas d’incendie sur les chantiers de construction où ces matériaux ont été choisis. C’est essentiel pour que des mesures d’entrée, d’évacuation et d’intervention appropriées soient mises en place.
Enfin, nous rappelons au comité que les systèmes de protection contre les incendies, dont des détecteurs de fumée, des gicleurs et des alarmes incendie en bon état de marche, sont des éléments importants de la solution en matière de sécurité incendie. Ils sont extrêmement efficaces lorsqu’ils sont conçus, installés, entretenus et modernisés correctement et de manière professionnelle, pour répondre aux nouveaux besoins en matière de construction et de matériaux.
En conclusion, bien que l’étude de ce projet de loi ait sa place, le conseil que nous vous donnons au sujet des bâtiments fédéraux est le même que celui que nous donnons pour les logements des travailleurs étrangers temporaires, les bâtiments construits dans les communautés autochtones et ceux construits dans nos propres municipalités. Le même code du bâtiment devrait s’appliquer à tous, partout. Il devrait être appliqué et applicable. Il devrait avoir pour objectif d’assurer la sécurité des pompiers. La formation et l’équipement utilisé en cas d’urgence doivent être pris en compte. Bien que nous appuyions l’esprit du projet de loi, nous estimons qu’il serait peut-être plus judicieux d’adopter un projet de loi plus générique visant à tenir compte de toutes les considérations en matière de sécurité et d’environnement.
Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Lefebvre.
Nous passerons maintenant aux questions des sénateurs. C’est la vice-présidente qui brisera la glace.
La sénatrice Simons : Merci à tous de vos exposés.
Ma question s’adresse à M. Lefebvre, et pas seulement parce qu’il est de Leduc et que je suis d’Edmonton. Je suis vraiment toujours préoccupée par la sécurité des matériaux de construction, non seulement à cause de la combustibilité du bois, mais aussi à cause de la combustibilité potentielle des produits de colle qui maintiennent le bois ensemble et du risque que des fumées toxiques se dégagent en cas d’incendie, comme vous l’avez noté, étant donné tout le traitement que le bois a subi. Je me demande, monsieur Lefebvre, si vous avez des préoccupations particulières à propos des produits de bois encapsulé et si vous êtes au courant de recherches concernant leur combustibilité, ainsi que la qualité de l’air et la sécurité lorsqu’ils brûlent.
M. Lefebvre : Oui.
Sénatrice Simons, nous pouvons tous convenir que notre plus grand organe est notre peau, et les pompiers ont souvent des cancers précoces en raison de leur exposition à des agents cancérigènes tels que les produits de combustion de tous types de produits dans des conditions d’incendie.
Les produits novateurs sont très efficaces du point de vue de l’ingénierie, mais dans les pires conditions, souvent dans le feu, quand les pompiers doivent intervenir, ce n’est jamais bon. Il y a des tas d’éléments cancérigènes et toxiques qui se dégagent en situation d’incendie, et cela ne se limite pas au bois, c’est la même chose pour tous les types de produits.
La sénatrice Simons : Nous avons entendu parler de la tour de résidence de l’UBC, et mon amie la sénatrice Griffin a laissé entendre que le fait qu’ils utilisent cette construction en bois pour loger des étudiants prouve la confiance que ce matériau inspire. Je dois vous poser la question suivante : voudriez-vous que vos enfants ou vos petits-enfants vivent dans une résidence construite en bois? Pensez-vous qu’il existe un moyen de la rendre sûre, ou avez-vous vos propres craintes?
M. Lefebvre : Il existe assurément des produits et des procédures de sécurité que nous pouvons utiliser pour assurer la sécurité du bâtiment. Je ne sais pas s’il y a des tests approfondis qui sont réalisés pour les bâtiments les plus hauts. Cependant, cela pourrait suivre. Nous avons fait quelques essais ici, à Leduc, l’année dernière, sur des produits qu’on peut appliquer sur les matériaux pour ralentir la progression du feu, qui semblent prometteurs.
Je ne suis pas contre les constructions en bois. Je pense simplement que l’innovation évolue très rapidement et que les nouveaux produits sont utilisés en plus grand volume que les années précédentes, mais que les services d’incendie qui doivent intervenir dans ces bâtiments lorsque tout va mal ne sont pas nécessairement au diapason de l’innovation, si l’on regarde les formations offertes et l’argent qui y est investi. Certaines petites municipalités où se trouvent pourtant des bâtiments élevés ne sont pas en mesure d’intervenir adéquatement dans ce contexte. Ce sont des considérations importantes à prendre en compte à mesure que nous avançons.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
Le président : Écoutons maintenant la sénatrice Griffin, marraine du projet de loi.
La sénatrice Griffin : Monsieur Tingley, vous avez mentionné la sécurité en matière d’incendie dans votre exposé. Vous venez d’entendre un autre exposé dans lequel on a exprimé des craintes. Y a-t-il contradiction ou le fait que les pompiers soient consultés chaque fois qu’on conçoit un bâtiment particulier suffit-il pour apaiser les craintes? Monsieur Metras, j’aimerais que vous répondiez à la même question, s’il vous plaît.
M. Tingley : Merci, madame la sénatrice.
Le feu est pris en considération dans la construction des bâtiments en bois depuis la nuit des temps. Lorsque nous travaillons dans des bâtiments à grande occupation, nous devons toujours afficher un taux de résistance au feu d’au moins une heure pour l’évacuation. Nous devons recouvrir les systèmes d’incendie de cloisons sèches pour y arriver. Dans ce que nous appelons les bâtiments de grande taille en bois, cette caractéristique est d’autant plus importante. Le temps dont disposent les gens pour sortir du bâtiment est crucial. Actuellement dans l’industrie, nous travaillons avec des produits comme la fibre haute résistance pour augmenter la résistance au feu en quelques minutes. Ainsi, l’utilisation de fibres haute résistance dans notre bois de grande taille nous permet d’obtenir un délai d’évacuation de quatre heures. Quant aux effluents gazeux, la fumée qui se dégage du bois est, à bien des égards, moins toxique que les effluents gazeux provenant des plastiques et d’autres matériaux qui entrent dans la conception de nos bâtiments.
Il est vrai que notre préoccupation première est la capacité de sortir quand un incendie se déclare, mais les gens imaginent un incendie dans une maison de bois, et c’est là que le bât blesse. Quand le bois utilisé est de petite taille, comme des planches de deux par quatre ou de deux par six, il a tendance à brûler rapidement. Quand un bâtiment est fait de bois massif, les morceaux de bois de grande taille carbonisent à l’extérieur. Cette carbonisation empêche toute nouvelle inflammation et limite la propagation du feu. Il existe de nombreux exemples de grands bâtiments en bois ravagés par un incendie où les pièces de bois sont restées intactes et ont résisté. Après nettoyage aux coquilles de noix, le bois a pu être réutilisé pour reconstruire le bâtiment. En revanche, un bâtiment en acier se dilatera, même en cas de feu à basse température, car son coefficient de dilatation thermique est trois fois plus élevé que celui du bois. Le feu fait sauter les joints, et le bâtiment s’effondre. Je pense que le bois de grande taille dont nous parlons ici est un matériau ignifuge bien meilleur que l’acier ou le béton à bien des égards, car il possède cette durabilité naturelle.
Nous sommes en train de certifier une nouvelle usine en cours de construction à Halifax, qui produira des colonnes pour grands bâtiments d’un mètre carré. Les Saoudiens construiront un immeuble en bois de 126 étages d’ici 2030. Ce sont de grands bâtiments qui sont construits en bois, à une époque où le monde se tourne vers un matériau durable, qui constitue une solution aux problèmes d’incendie, grâce aux nouvelles technologies, un matériau durable qui possède d’excellentes propriétés de résistance au feu. Merci.
Le président : Monsieur Metras, je pense que la question vous est posée également. Nous avons environ 45 secondes.
M. Metras : La sécurité incendie était notre priorité numéro un dans la conception du projet Brock Commons. Nous avons mis en place tout un train de mesures pour prévenir les incendies dans le bâtiment. Toute la structure de bois est encapsulée dans trois ou quatre couches de panneaux de gypse à l’épreuve du feu. Nous disposons d’un réservoir d’eau de secours de 20 000 litres et d’une génératrice de secours dans le bâtiment pour alimenter les systèmes de gicleurs automatiques en cas d’incendie. La conception a été examinée par un groupe indépendant de scientifiques du bâtiment, de spécialistes des services d’incendie et d’ingénieurs en structure qui se sont montrés très satisfaits de la stratégie que nous avons adoptée. Nous avons été assez conservateurs dans la conception parce qu’il s’agissait d’une résidence pour étudiants, et nous sommes convaincus que nous avons su gérer très efficacement le risque de sécurité incendie.
Le sénateur Oh : Ma question s’adresse à l’ensemble des témoins. Quelles sont les répercussions prévues de l’utilisation du bois proposée dans le projet de loi S-222 sur les secteurs des produits forestiers primaires et secondaires, ainsi que sur les secteurs qui produisent ou vendent d’autres matériaux de construction?
Le président : Qui souhaite répondre à cette question? Est-ce que vous l’adressiez à tous, sénateur Oh?
Le sénateur Oh : Oui, à l’ensemble des témoins.
M. Tingley : Nous en voyons déjà constamment les effets en cette période de grande croissance du secteur du bois massif. Comme je l’ai dit plus tôt, nous sommes en processus de certification d’une usine qui ouvrira en périphérie de Halifax pour les ventes nord-américaines, au Canada et aux États-Unis. Je viens des Maritimes. J’ai grandi dans les Maritimes. C’est chez moi. Ce projet aura des retombées importantes pour les gens des Maritimes. S’il peut y avoir une usine à Halifax qui produit des quantités importantes de matériaux, de l’ordre de 100 millions de dollars par an, pour le Canada et les États-Unis, elle aura un grand effet économique. Je crois que le changement suscité par le projet de loi aura une grande portée économique, parce que c’est vraiment une déclaration de ce que nous allons faire des produits secondaires du bois, ce que nous appelons les produits de bois d’ingénierie à valeur ajoutée.
M. Metras : Je partage cette impression. Le bois d’ingénierie utilisé dans le projet Brock Commons a été fabriqué par une entreprise du nom de Structurlam, située à Penticton, en Colombie‑Britannique. Les exigences assez strictes exposées dans le cahier des charges du projet Brock Commons ont en fait incité Structurlam à améliorer son processus de fabrication, ce qui, je pense, l’a finalement placée au même niveau ou au-dessus des fabricants européens qui sont dans le domaine depuis beaucoup plus longtemps. L’utilisation de bois massif avantage vraiment le secteur des produits de bois à valeur ajoutée.
M. Lefebvre : Je dévierai peut-être un peu de la question. Je pense que le coût total du bâtiment du début à la fin de son cycle de vie peut ne pas être si différent selon les produits choisis. Très souvent, des produits moins chers sont choisis ou des produits différents sont choisis pour différentes raisons. Mais à l’échelle du cycle de vie total du bâtiment, qui comprend l’entretien jusqu’à la date finale où le bâtiment devra peut-être être démoli ou rénové en profondeur, je ne suis pas sûr que le coût de construction influence tellement le coût total du bâtiment.
Le sénateur Oh : Merci.
Le sénateur Mercer : Merci à nos témoins d’être des nôtres aujourd’hui.
L’utilisation de bois lamellé-croisé offre toutes sortes de possibilités intéressantes. M. Tingley a notamment parlé d’une usine dans mon secteur, à l’extérieur de Halifax. Cela nous ouvre d’autres perspectives, mais c’est au chef de pompier que je voudrais m’adresser pour l’instant.
Je peux comprendre vos préoccupations, car ce sont vos pompiers qui sont en première ligne lorsque les choses tournent mal. Il est beaucoup question de ce bois lamellé-croisé, mais je crois qu’aucun d’entre nous ne voudrait l’utiliser dans un édifice qui ne serait pas équipé d’un système de gicleurs. N’est-ce pas là une partie de la solution?
M. Lefebvre : Je crois effectivement, sénateur, qu’un édifice de haute taille devrait être doté de dispositifs de sécurité‑incendie additionnels, comme un système de gicleurs. Cependant, si le feu pénètre à l’intérieur des murs, les gicleurs ne servent à rien. Il y a des parties de l’édifice qui ne seraient tout simplement pas protégées adéquatement. Nous avons pu constater au cours des dernières années que l’on utilisait un parement inflammable pour le revêtement extérieur de certains de nos bâtiments. Nous sommes en train de faire le nécessaire à ce sujet. Certains ont payé de leur vie pour que nous le découvrions. Nous avons besoin d’innovations technologiques s’appuyant sur des données scientifiques rigoureuses. Il faut toutefois que ces innovations soient mises en œuvre à un rythme nous permettant de déterminer les mesures à prendre dans les scénarios les plus catastrophiques. J’espère que cette réponse vous suffira.
Le sénateur Mercer : Merci.
M. Tingley, il y a une question que l’on peut se poser — et je la pose parce que je ne connais pas la réponse — lorsqu’on utilise un produit qui doit être fabriqué — qu’il s’agisse du ciment, de l’acier ou du bois. J’ai pour ma part l’impression que le recours au bois lamellé-croisé exige une plus grande quantité de main-d’œuvre. Je me demande donc si cela ne crée pas davantage d’emplois que l’acier ou le béton, par exemple.
Le président : Je vous signale qu’il reste environ une minute et demie.
M. Tingley : C’est une excellente question, sénateur.
Lorsqu’on veut utiliser du bois massif dans l’infrastructure d’un édifice, on doit souvent soutenir la comparaison directe avec d’autres méthodes comme le béton en coffrages glissants coulé sur place. La tendance actuellement à la hausse pour le bois massif consiste à livrer des éléments préusinés et partiellement assemblés sur le chantier, ce qui réduit considérablement le temps de travail nécessaire sur place tout en permettant une bien meilleure assurance de la qualité. On substitue ainsi le travail en usine à celui sur le chantier. On gagne alors en qualité, non pas parce que les travailleurs d’usine sont meilleurs ou plus qualifiés, mais parce qu’un contrôle plus serré est exercé. Grâce à cette assurance de la qualité bien meilleure en usine, on peut expédier sur le chantier des pièces préusinées et préassemblées qui peuvent être rapidement mises en place.
D’une certaine façon, nous créons de la valeur ajoutée. À titre d’exemple, on utilisera pour la construction en bois massif dans votre secteur à l’extérieur de la ville de Halifax de l’épinette rouge et de l’épinette blanche de la Nouvelle‑Écosse et du Nouveau‑Brunswick, des essences dont la valeur commerciale a toujours été jugée inférieure à celle du sapin de Douglas et du pin jaune. Nous utilisons ces essences pour pouvoir produire en usine des composantes en bois de grande taille qui peuvent être expédiées aux chantiers pour une mise en place rapide. On crée ainsi un grand nombre d’emplois dans la région de Halifax pour la livraison sur les chantiers de produits durables à faible empreinte carbone pour lesquels les coûts découlant des risques associés aux incendies, aux effluents gazeux et à la santé ont déjà été pris en compte.
C’est tout simplement un fait établi que les constructions en bois massif offrent, tout bien considéré, un meilleur rendement que celles en acier ou en béton. Si vous étudiez la question, c’est la conclusion à laquelle vous allez en arriver. C’est tout ce que j’avais à dire à ce sujet.
Le sénateur Klyne : Bienvenue et merci à nos témoins. Ma première question sera pour M. Metras, puis j’en aurai une pour M. Tingley.
Permettez-moi d’abord un bref préambule. La construction de la résidence Brock Commons Tallwood House terminée en juin 2017 se démarque vraiment. Elle se distingue notamment par l’intelligence de sa conception et la satisfaction de ses occupants. Je rappelle qu’en plus de réduire l’empreinte carbone de l’édifice, l’utilisation de composantes de bois d’ingénierie préfabriquées a optimisé l’efficience de la construction en permettant un achèvement accéléré, un assemblage précis, un chantier propre et tranquille et des déchets réduits au minimum. Si l’on ajoute à cela les commentaires positifs des étudiants qui aiment bien vivre dans cette résidence, cela me donne presque le goût de retourner aux études. Tout indique que c’est un endroit formidable.
Je voudrais m’attarder un peu sur les enseignements tirés du projet de Brock Commons ou sur les limites que l’on a pu observer. Ma première question est donc pour M. Metras. Quel était l’objectif principal des ingénieurs qui ont conçu cette résidence, et s’agissait-il d’un projet pilote?
M. Metras : C’était en fin de compte un projet pilote, mais nous avons vraiment mis l’accent sur les aspects pratiques et l’utilisation du bois. Nous nous efforcions de construire un édifice efficient d’une manière qui pourrait être reproduite ailleurs. Nous avons voulu nous assurer de nous servir du bois à bon escient dans le cadre de ce projet. Il faut noter que c’est un édifice hybride. Nous avons utilisé le ciment pour les cages d’ascenseur et d’escalier ainsi que pour les fondations jusqu’au premier étage. Nous avons tenté de choisir des méthodes de conception qui pourraient être utilisées ailleurs à d’autres fins. C’était donc l’un des objectifs premiers du projet, mais il fallait également veiller à prendre en compte les risques associés aux incendies et aux séismes, un aspect bien évidemment essentiel. Nous voulions réaliser un projet d’utilité pratique en concevant un édifice efficient.
Le sénateur Klyne : Merci.
Le président : Il vous reste deux minutes, sénateur Klyne.
Le sénateur Klyne : M. Tingley, est-ce que les structures en bois massif sont assujetties à certaines limites? Vous avez parlé des tempêtes qui sont de plus en plus fréquentes et intenses, et il faut penser aux disparités régionales en matière de météo et de configuration des lieux. À titre d’exemple, on ne construit pas de la même manière dans les Prairies, au nord du 56e parallèle ou dans les Maritimes. Pour les transports et les coûts de la main-d’œuvre spécialisée pour le bois d’œuvre, les conditions sont sans doute intéressantes à l’ouest des Rocheuses, mais quelles sont les préoccupations et les considérations à prendre en compte si on se déplace plus à l’est vers le Bouclier canadien, le nord de l’Ontario, les Maritimes ou les Prairies?
M. Tingley : Ce sont là d’excellentes questions, sénateur.
Le bois d’œuvre a fait ses preuves au fil des siècles. Nous utilisions le bois pour la construction bien avant l’arrivée en scène du bois massif il y a une dizaine d’années.
Nous savons notamment depuis des décennies que le bois offre une excellente résistance aux alternances de gel et de dégel. Il possède d’excellentes propriétés de résistance chimique. Il offre une esthétique supérieure. Il est léger. Le poids mort d’un édifice de haute taille en bois peut correspondre au quinzième de celui du même édifice construit en béton. Dans le cas des centres-villes, on évite ainsi des problèmes avec le métro et les autres infrastructures souterraines.
Le bois offre cette durabilité intrinsèque grâce à ses caractéristiques naturelles de solidité sans excès de poids. Peu de gens le savent, mais le bois est le matériau qui présente le meilleur ratio poids-résistance. On est porté à croire que l’acier est plus résistant, et c’est effectivement le cas pour une section donnée, mais c’est le bois qui l’emporte si l’on tient compte du poids. Le bois se distingue en outre nettement du point de vue environnemental et patrimonial, en plus d’offrir de la longévité et de la durabilité dans une perspective de carboneutralité.
Il y a toutes les caractéristiques environnementales reliées à l’endroit où l’édifice est construit. S’agit-il d’une zone de forte activité sismique? Est-ce que le secteur est balayé par de grands vents? Est-ce que la surcharge de neige risque d’être élevée? Il incombe alors aux ingénieurs de tenir compte de ces différents éléments pour concevoir un édifice adapté à son emplacement qui pourra résister à la charge appliquée, c’est-à-dire non pas seulement à celle de ses occupants, mais aussi à celle découlant des facteurs environnementaux comme le vent, la neige et la pluie. Les ingénieurs sont formés pour intégrer ces considérations à la construction des édifices en hauteur, que l’on utilise le bois ou un autre matériau.
Le bois d’œuvre devient donc un outil de plus dans leur coffre à outils. Il devrait être considéré sur le même pied que le béton et l’acier. Il devrait être un partenaire à part égale, et non à titre secondaire. C’est la tendance qui se dessine actuellement à l’échelle de la planète. Le bois est de retour comme partenaire à part entière au sein des grands projets d’infrastructures civiles.
Le président : Merci beaucoup, sénateur Klyne. Si vous avez une autre question, nous vous donnerons la parole au second tour.
Le sénateur C. Deacon : Merci à tous nos témoins. Vous avez déjà répondu à la plupart de mes questions.
Je veux d’abord m’adresser à M. Tingley. Nos témoins du premier groupe nous ont indiqué que ce projet de loi s’applique uniquement à Services publics et Approvisionnement Canada, plutôt qu’à l’ensemble des activités d’approvisionnement des ministères fédéraux. Pourriez-vous nous dire d’une manière générale quels changements législatifs, réglementaires ou autres devraient être apportés pour faciliter encore davantage l’utilisation du bois dans la construction de manière sûre, efficace et efficiente et profiter de ces débouchés planétaires dont vous nous avez donné un aperçu?
M. Tingley : Merci, sénateur, de me donner l’occasion de répondre à cette question, car c’est un sujet qui me passionne vraiment.
Je suis juste un ingénieur parmi tant d’autres. J’ai grandi dans les Maritimes. C’est ma région. Comme un saumon, j’y retourne et je m’y sens chez moi. Lorsque je réfléchis à ma carrière, à ces 45 années consacrées à la conception de grandes structures de bois comme les ponts, les édifices et les tours, je ne peux que me réjouir vivement de cette renaissance, de cette résurgence du bois d’œuvre. Le Canada est un pays forestier. Comme je l’indiquais, 82 % de nos ponts étaient construits en bois au tournant du siècle dernier. C’est le matériau qui a servi de base à notre nation.
Nous nous dirigeons vers un avenir carboneutre. Dans bien des régions de l’Amérique du Nord, il est désormais impossible d’acheter une paille en plastique. On envisage l’imposition d’une taxe sur le carbone applicable à différents produits. Dans ce contexte, nous avons le bois d’œuvre, un matériau à faible empreinte carbone que nous connaissons bien au Canada. Il devrait être considéré comme un partenaire à part égale. Pourtant, vous pouvez rouler de St. John, Terre-Neuve, jusqu’à Victoria, Colombie‑Britannique, sans passer sur un pont ou sous un viaduc en bois.
Le sénateur C. Deacon : J’aimerais vraiment que nous parlions des modifications législatives et réglementaires qu’il faudrait apporter pour accélérer le processus.
M. Tingley : Il nous faut une loi qui fera du bois un partenaire à part égale. Il convient de considérer les infrastructures dans une perspective de carboneutralité en accordant une importance égale au bois comme matériau. Il suffit de voir ce que stipulent les lois en vigueur. Dans certaines régions, nous ne sommes pas autorisés à soumettre des propositions prévoyant l’utilisation du bois d’œuvre. Le Nouveau‑Brunswick et la Colombie‑Britannique ont adopté une politique accordant la priorité au bois. Ce sont les deux seules provinces à l’avoir fait. Il faut également une loi en ce sens à l’échelon fédéral. Si nous sommes disposés à financer 50 % des ponts construits au pays, il faut obliger les ingénieurs à travailler dans une optique de carboneutralité. N’est-ce pas une simple question d’équité? Nous allons imposer aux citoyens une tarification sur le carbone et limiter l’accès aux pailles en plastique. Le Canadien moyen estime que le bois devrait bénéficier d’un traitement égal. Si nos lois ne lui assurent pas un traitement semblable, mais permettent plutôt aux bureaucrates de limiter au ciment et au béton les matériaux utilisés pour la construction de nos infrastructures, c’est totalement injuste.
Le bois devrait avoir sa place au soleil. C’est ce que nous devrions faire avec nos lois. Ramener le bois à l’avant-plan en lui permettant d’être un partenaire à part entière. Tout le reste est accessoire. Permet‑il la construction d’édifices en hauteur? Peut-il servir pour des structures plus larges? Je vous disais tout à l’heure que j’ai travaillé il y a 30 ans à Belledune à la conception de la plus grande structure en bois à portée libre au pays. À l’heure actuelle, les quatrième, cinquième et sixième plus grands édifices à portée libre au monde sont construits en bois. Ce n’est donc pas qu’il est impossible de le faire avec du bois; c’est une simple question d’ingénierie.
Il faudrait en fait que tous les ordres de gouvernement reconnaissent cette nécessité, parallèlement à leur volonté d’imposer une taxe sur le carbone et de limiter les différents produits en plastique. On doit adopter des lois qui vont rendre accessibles nos marchés publics, et les investissements qui en découlent, à nos propres produits en veillant à ce que le bois d’œuvre ait sa place. C’est aussi simple que cela.
Le sénateur C. Deacon : Merci.
Le sénateur Wetston : Je veux poser une question concernant l’électrification, car j’estime qu’il y a un lien avec le projet de loi dont nous sommes saisis. Je vais l’adresser à MM. Lefebvre et Tingley, mais M. Metras pourra bien sûr y répondre également. Je vis à Toronto et je suis un sénateur représentant l’Ontario, mais je suis un ancien des provinces maritimes, si tant est que cela puisse exister.
Ma question porte donc sur l’électrification, ce qui me ramène un peu à ce que disait M. Lefebvre dans le contexte de la protection contre les incendies. Nous nous éloignons de plus en plus du gaz comme source énergétique en nous tournant plutôt vers l’électricité avec les thermopompes, les bornes de recharge pour véhicules électriques, un recours accru au stockage d’énergie et tout le reste. J’aimerais bien savoir ce que vous pensez de la situation étant donné le nombre croissant de municipalités et de provinces qui se dirigent vers l’électrification. Est-ce que cela peut permettre une utilisation accrue du bois? Est-ce que cela veut plutôt dire que l’on aura moins recours au bois? Je comprends bien les aspects scientifiques que vous avez soulevés, monsieur Tingley, et je constate votre passion pour ce sujet.
M. Lefebvre : Comme je suis maître électricien agréé depuis 40 ans, je suis aussi conscient de ce qui se passe du point de vue de l’électrification. Les innovations dans ce domaine, notamment pour ce qui est du chargement des nouveaux systèmes de batterie, ne vont pas sans certains problèmes. Il y avait au départ la question des petits outils à main dont la batterie avait tendance à exploser lorsqu’on l’échappait. Le tout a maintenant été réglé en bonne partie, mais cela a tout de même causé des incendies. Nous avons aussi vu des bâtiments être la proie des flammes en raison de problèmes avec des chargeurs pour voiturettes de golf.
Mes fils sont également pompiers, et l’un d’eux a dû intervenir l’autre jour pour l’incendie d’un véhicule électrique dans un garage en bois attaché à une résidence. Il ne pouvait pas l’éteindre, car la batterie lithium-ion continue de générer de l’énergie. Le feu alimente la batterie qui produit son propre oxygène. Ce sont des brasiers très ardents qu’il est impossible d’éteindre. La seule façon d’y parvenir est d’enfouir le véhicule dans le sable ou de l’immerger totalement dans l’eau pendant un jour ou deux.
Certaines de ces innovations nous compliquent la tâche. Il y a assurément des mesures qui peuvent être mises au point ou intégrées à ces nouveautés pour assurer une meilleure sécurité. C’est un aspect sur lequel je reviens souvent, car mon objectif principal est d’assurer la sécurité de nos premiers répondants en même temps que la sécurité des citoyens. Je dirais celle des premiers répondants d’abord, car si nous ne sommes pas nous‑mêmes en sécurité, nous ne pourrons pas aider qui que ce soit.
Le président : Vous avez environ une minute et demie pour répondre, monsieur Tingley.
M. Tingley : Comme vous le savez sans doute, le bois a la constante diélectrique la plus faible parmi les trois principaux matériaux, soit l’acier, le ciment et le bois. Il fut une époque où l’on se servait des propriétés isolantes de longues perches en bois pour travailler sur les lignes électriques. Le bois possède une constante diélectrique intrinsèque. Il est constitué d’hémicellulose, d’air et de lignine, ce qui lui confère une excellente capacité d’isolation, non seulement pour le feu, mais aussi pour l’électricité. Dans cette perspective, le bois devient donc une option très intéressante. Pour nos anciens transformateurs, on utilisait des lamellés de bois. Ce n’était pas toujours très apprécié, mais cela assurait une certaine durabilité. On se servait de panneaux de bois — des lamellés et des contreplaqués — pour assurer l’isolation. Il faut donc savoir que le bois offre une excellente constante diélectrique pour les installations nécessaires dans nos constructions.
Le président : Nous avons terminé un premier tour de questions. Nous passons donc au second tour, mais il ne reste que quelques minutes avant la fin de la séance.
Le sénateur Klyne : J’ai une question de suivi à l’intention de M. Tingley concernant le bois massif et la grande taille que certains éléments peuvent atteindre. Sont-ils tout de même fabriqués en usine avant d’être transportés sur le chantier pour l’assemblage? Est-ce une méthode qui demeure concurrentielle malgré ces coûts additionnels? A-t-on besoin d’une main-d’œuvre spécialisée une fois sur le chantier?
M. Tingley : C’est une excellente question.
Pour commencer, les bâtiments en bois massif, dans leur forme actuelle, sont habituellement préusinés et ensuite, bien souvent, partiellement préassemblés. Par exemple, dans les entreprises de notre groupe, la façon de faire est de préassembler en usine d’énormes ponts — d’une portée libre de 50 mètres —, puis de les démonter en pièces détachées et d’utiliser des assemblages fixes offrant une résistance aux moments pour souder les pièces ensemble, parce qu’il est impossible d’expédier des pièces de plus de 17 mètres dans un camion et généralement de 27 mètres sur un navire, mais qu’il faut les acheminer jusqu’à un quai. Nous produisons donc ces pièces de courte longueur et utilisons des assemblages fixes résistant aux moments pour souder les pièces sur place. Nous venons de concevoir un pont de 35 mètres dont les pièces sont soudées, à l’extérieur d’Halifax.
Les structures sont préusinées. Les structures extérieures font l’objet d’un post-traitement, mais pas les structures intérieures. Elles sont ensuite transportées sur le chantier. En général, des experts en matière de réassemblage travaillent avec la main‑d’œuvre locale pour les assembler sur place. C’est le mode de fonctionnement traditionnel.
Pour les gros éléments, comme les colonnes — dont je vous ai parlé tout à l’heure —, ils fabriquent des colonnes d’un mètre carré à partir de poutres lamellées. Voilà la direction que prend notre industrie aujourd’hui. Le Canada doit sauter dans ce train, car c’est là que le monde va. Il s’agit d’un système de qualité supérieure qui assure la qualité pendant le transport, jusqu’au chantier. Ensuite, sur le chantier, le système offre les détails nécessaires pour que le tout soit monté correctement. Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Klyne : Oui. Sur le plan de l’empreinte carbone, c’est une excellente solution, et les coûts restent compétitifs.
M. Tingley : Oui, les coûts sont très compétitifs. Comme je l’ai dit plus tôt, ces grands bâtiments en bois permettent de réduire considérablement le poids mort. Souvent, nous avons des stationnements de six étages sous le sol en raison du poids mort du bâtiment. Ce n’est pas pour garer des voitures, c’est parce que le poids mort est énorme. Donc si nous avons un quinzième du poids mort en bois, c’est une énorme économie. Ce sont les aspects qui ressortent pour ces bâtiments en bois massif. Je ris parce que je fais du bois massif depuis que je suis diplômé. Le bois lamellé-croisé est un élément qui s’ajoute à notre coffre à outils et le rend plus complet. J’aimerais avoir à nouveau 25 ans, car les carrières sont en plein essor en ce moment. C’est un marché en pleine croissance. C’est formidable pour notre pays.
La sénatrice Simons : Moi aussi, j’aimerais avoir à nouveau 25 ans, comme tout le monde, n’est-ce pas?
J’ai une question pour M. Tingley. Nous parlons de l’utilisation de cette technologie pour les grands projets de construction, car nous en parlons dans le contexte de Travaux publics, et ce sont de grands projets. En vous écoutant parler, je me suis demandé ce que ce type de construction préfabriquée pourrait signifier pour les constructions plus petites ou résidentielles, pour les nouveaux lotissements et les nouveaux logements. Est-ce qu’il y a du potentiel dans ce domaine? Ma question complémentaire s’adresse à M. Lefebvre et porte sur les préoccupations qu’il pourrait avoir à ce sujet.
M. Tingley : En fait, oui. Partout dans le monde, des immeubles de faible hauteur à logements multiples sont préfabriqués et assemblés. C’est un phénomène important. Pour vous donner une idée, l’un des projets en cours dans le désert égyptien par l’intermédiaire de la Banque mondiale est la construction rapide de 2 200 logements par groupes de quatre. Les bâtiments font un étage. Ils sont montés rapidement, en deux jours. On choisit ces produits en bois pour le désert en raison de leur légèreté, de leur facilité d’assemblage sur le chantier et de leur facilité de transport. Ils ne sont pas lourds. On observe actuellement une tendance mondiale à la construction d’immeubles de grande hauteur, mais aussi de bâtiments à logements multiples, et je pense qu’il en sera de même pour les logements individuels.
La sénatrice Simons : C’est une solution qui pourrait servir dans d’autres domaines. Je pense à d’autres éléments du champ d’action fédéral, qu’il s’agisse de logements dans les réserves, de logements pour les sans-abri ou de la construction rapide de logements pour faire face aux afflux de réfugiés. Est-ce que ce serait d’après vous une solution pratique?
M. Tingley : Absolument, et c’est ce qui se passe en ce moment même. Ce que vous évoquez se passe réellement. En Scandinavie, ils lancent un appel d’offres aux fabricants européens pour ce que nous appelons des logements mobiles à assemblage rapide pour les réfugiés. Pourquoi le Canada ne participe-t-il pas à ce projet? Nous devons y participer, en produisant la même chose par l’intermédiaire de nos producteurs. Il faut que le bois lamellé-croisé soit produit partout au pays, tout comme nos scieries se trouvent partout au pays. C’est un autre outil dans notre coffre à outils; utilisons-le à notre avantage.
Le gouvernement donne le ton. Si le gouvernement fédéral dit qu’il va rédiger des politiques et des dispositions législatives qui considèrent le bois comme un partenaire égal à l’acier et au béton, et non comme un citoyen de seconde classe, alors il va donner le ton dans notre pays. Il faut montrer la voie. C’est pourquoi j’ai utilisé l’analogie des pailles en plastique. Nous ne pouvons pas acheter de pailles en plastique; il nous faut un texte de loi qui dise que nous allons passer de la parole aux actes et que le bois sera un partenaire égal à ces autres matériaux. Inscrivons cela dans la loi. C’est tout ce qu’il faut.
Le président : Monsieur Lefebvre, très rapidement.
M. Lefebvre : Sénatrice Simons, c’est une bonne occasion de parler de systèmes d’extincteurs automatiques, quand il est question de bâtiments de grande hauteur. Plus vous avez de bois dans un assemblage, plus il y a de risques pour les zones périphériques et pour les occupants. J’ai parlé un peu des dispositifs de sécurité supplémentaires dans les constructions en bois. C’est l’occasion parfaite pour les extincteurs automatiques à eau. Lorsque de tels bâtiments brûlent, ils emportent aussi des zones extérieures. La phase de construction est un moment très vulnérable. Il est difficile de s’assurer que les systèmes d’extincteurs automatiques et les autres systèmes de sécurité fonctionnent pendant la construction, mais nous pouvons y arriver, j’en suis sûr.
Le président : Sur ce, et avec mes excuses au sénateur Deacon, nous allons passer à la conclusion.
Messieurs Metras, Tingley et Lefebvre, et madame Saryeddine, merci beaucoup de vous être joints à nous aujourd’hui. Nous vous sommes reconnaissants de votre aide pour la suite de nos travaux. Je remercie également les membres du comité de leur participation active et de leurs questions très réfléchies. Ces questions ont fait émerger la passion de tous nos intervenants. Merci beaucoup.
Le sénateur Mercer : Je peux rappeler au sénateur Wetston, cependant, que vous pouvez sortir le gars de la baie, mais que vous ne pouvez pas sortir la baie du gars.
Le président : La semaine prochaine, nous poursuivrons l’étude du projet de loi en accueillant les derniers témoins. Nous nous attendons alors à être prêts à procéder à l’étude article par article du projet de loi.
Les membres du comité qui ont l’intention de proposer des amendements sont invités à consulter le Bureau du légiste et conseiller parlementaire pour s’assurer que tout amendement est rédigé dans le format approprié et dans les deux langues officielles. Le Bureau du légiste et conseiller parlementaire offre des conseils confidentiels et des services de rédaction législative à tous les sénateurs. Il faut entreprendre ces consultations le plus tôt possible afin de laisser suffisamment de temps pour la rédaction et la traduction des amendements.
Il est également judicieux d’envoyer vos amendements à l’avance à la greffière du comité. Elle peut ainsi préparer et distribuer des copies pour la réunion. Veuillez noter que votre amendement sera traité de manière confidentielle et qu’il ne sera pas communiqué avant la réunion, sauf si vous le souhaitez.
Après l’étude article par article, le comité peut souhaiter annexer des observations au rapport. Il est recommandé aux membres de soumettre un texte pour tout projet d’observations. Le texte doit être court et doit être rédigé dans les deux langues officielles. La greffière peut aider votre bureau à prendre les dispositions nécessaires pour la traduction, le cas échéant.
Avant de lever la séance, je tiens à souligner que la sénatrice Griffin siégeait pour la dernière fois au Comité de l’agriculture et des forêts. Elle fait partie de ce comité depuis plusieurs années. Je pense que cela remonte au début de votre mandat au Sénat, sénatrice Griffin. Vous allez nous manquer au sein de ce comité, et nous vous savons gré de ce que vous avez fait. Je sais que vous suivrez ce projet de loi jusqu’à la fin, mais sachez que nous allons le mener à bien. Sur ce, félicitations, sénatrice Griffin. Nous vous souhaitons tout le meilleur.
S’il n’y a rien d’autre à ajouter, honorables sénateurs, je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)