LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 24 mars 2022
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois), et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (projets futurs).
Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, je déclare ouverte la présente séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.
Avant de commencer, je voudrais rappeler aux sénateurs et aux témoins de garder leur microphone désactivé en tout temps, à moins que la présidence vous accorde la parole. Si des problèmes techniques surviennent, particulièrement au sujet de l’interprétation, veuillez en aviser la présidence ou la greffière, et nous nous emploierons à résoudre le problème. Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, communiquez avec le Centre de services de la Direction des services d’information au numéro qui vous a été fourni.
Lors de l’utilisation de plateformes en ligne, rien ne garantit la confidentialité des propos ou l’absence d’écoute illicite. Par conséquent, pendant les séances de comité, tous les participants doivent être au fait de ces limites et éviter la divulgation possible de renseignements délicats, privés ou protégés du Sénat. Les sénateurs doivent prendre part à la séance dans un endroit privé et porter attention à leur entourage afin de ne pas divulguer par inadvertance des renseignements personnels ou des informations permettant de savoir où ils se trouvent.
Cela étant dit, bonjour à tous. Je voudrais tout d’abord souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et aux personnes qui regardent la séance sur le Web. Je m’appelle Robert Black, sénateur de l’Ontario et président du comité. Je voudrais présenter les membres du comité qui participent à la séance, en commençant par notre vice-présidente, la sénatrice Simons. Nous avons aussi le sénateur Cotter, le sénateur Deacon, le sénateur Klyne, le sénateur Marwah, le sénateur Mercer, le sénateur Oh, la sénatrice Petitclerc, le sénateur Quinn et le sénateur Wetston.
Le comité poursuit son étude du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois), qui lui a été renvoyé le 9 décembre 2021.
J’ai le plaisir de vous présenter maintenant nos témoins aujourd’hui. Nous accueillons Jérôme Pelletier, vice-président, Division scieries, de J.D. Irving, Limited; et Derek Nighbor, président et chef de la direction, de l’Association des produits forestiers du Canada. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’être avec nous. Nous allons commencer par les déclarations liminaires, qui sont limitées à cinq minutes. Nous commençons par M. Pelletier, suivi de M. Nighbor.
Jérôme Pelletier, vice-président, Division scieries, J.D. Irving, Limited : Bonjour à tous. J’aimerais d’abord remercier le comité de me permettre de témoigner ce matin.
Je vais commencer par donner au comité un aperçu de l’évolution de l’utilisation de la fibre de bois — comme le bois d’œuvre, les panneaux de bois et les produits de bois d’ingénierie — au Canada au cours des deux dernières décennies. Il est important de commencer ainsi afin de donner aux membres du comité une meilleure idée des possibilités qui existent pour accroître l’utilisation du bois dans les nouvelles constructions au Canada.
Historiquement, au Canada, le bois d’œuvre de dimensions courantes, deux par quatre et deux par six, ainsi que le placage de quatre par huit et les panneaux OSB étaient les produits du bois les plus utilisés dans les nouveaux bâtiments au pays. Ils étaient normalement ou traditionnellement utilisés pour la charpente des maisons et aussi pour la construction d’immeubles d’habitation de quatre étages.
Grâce à plusieurs années de recherche et développement menés conjointement par les intervenants de l’industrie du bois massif, le Conseil canadien du bois, FPInnovations et d’autres, nous sommes maintenant en mesure de construire des immeubles de grande hauteur en bois au pays. Un immeuble de grande hauteur est défini comme un bâtiment de plus de six étages. Nous sommes maintenant en mesure d’utiliser uniquement des produits du bois pour l’érection d’infrastructures comme des immeubles d’habitation ou un immeuble de bureaux de 12 étages. Nous pouvons également construire de grands centres de loisirs comme des patinoires de hockey, des hôpitaux et des terminaux d’aéroport en utilisant uniquement des matériaux en bois.
La combinaison de produits en bois, comme le bois lamellé‑croisé et les poutres en lamellé‑collé, permet aux ingénieurs et aux architectes canadiens de remplacer l’utilisation d’autres matériaux de construction, qui peuvent avoir une plus grande empreinte carbone lorsqu’ils sont fabriqués, par des produits en bois massif naturels, 100 % renouvelables et fabriqués au Canada. Les codes de construction canadiens ont maintenant des dispositions certifiant l’utilisation des produits de bois lamellé‑croisé et de bois lamellé‑collé pour la construction, qui tiennent compte des exigences du code de prévention des incendies et du code de protection contre les tremblements de terre.
Pour plusieurs constructeurs et promoteurs au pays, il s’agit d’une nouvelle façon de construire. Il faut donc qu’ils soient informés et apprennent à appliquer les nouvelles façons d’utiliser les produits du bois dans les immeubles de grande hauteur. Plusieurs experts au Canada, de Halifax à Vancouver, sont formés et à la disposition des constructeurs pour leur enseigner comment remplacer le béton et l’acier par des produits en bois. L’un des organismes les plus connus qui peut assister les constructeurs et les promoteurs est Wood WORKS!, qui fait partie du Conseil canadien du bois. Son personnel, présent d’un océan à l’autre, peut aider à mettre les constructeurs en contact avec les bonnes ressources qui leur permettront d’utiliser davantage de bois dans la construction de nouveaux bâtiments au pays.
Remplacer les matériaux de construction qui émettent de grandes quantités de carbone ou qui auraient une plus grande empreinte carbone est possible si nous utilisons plus de produits du bois. Pour le dire simplement, au fur et à mesure qu’un arbre croît, il capte du CO2, ou du carbone, et lorsque nous le récoltons et utilisons la fibre pour ériger des bâtiments, le carbone qui a été capturé par l’arbre est maintenant séquestré dans un bâtiment pour les 50, 80 ou 100 années à venir. Ainsi, non seulement nous remplaçons les matériaux de construction qui émettent du carbone pour réduire l’empreinte carbone du pays, mais nous accélérons également le rythme auquel nous pouvons séquestrer le carbone au pays. Tout cela est possible grâce à la gestion durable des forêts, ce que l’industrie fait ici au Canada.
Je crois n’avoir que cinq minutes, alors je vais conclure mon exposé ici.
Le président : Je vous remercie beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. Nighbor.
Derek Nighbor, président et chef de la direction, Association des produits forestiers du Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Je participe à la séance depuis notre bureau du centre‑ville d’Ottawa, qui se trouve sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe. Mon travail est un travail d’amour. Je suis né et j’ai grandi dans une communauté surtout connue pour son équipe de hockey junior, les Lumber Kings de Pembroke. Mon grand‑père et mon père travaillaient dans l’usine de fabrication de boîtes en carton ondulé qui s’y trouvait. C’est dans cette même usine que j’ai passé mes étés pour payer mes études universitaires. Pendant les années au cours desquelles j’ai travaillé pour le député provincial Sean Conway dans la vallée de l’Outaouais, j’ai passé beaucoup de temps dans les usines situées le long des autoroutes 41, 60 et 62 de l’est de l’Ontario.
Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour vous parler un peu de notre histoire. Je tiens à remercier le comité et les membres qui y siègent depuis longtemps et qui sont des champions de notre secteur.
En 2016, l’Association des produits forestiers du Canada, ou APFC, était fière d’être le premier grand groupe industriel du pays à lancer un plan sectoriel complet sur l’action climatique. Il s’agissait de notre défi « 30 en 30 » des changements climatiques servant à nous guider pour aider le Canada à atteindre ses objectifs de l’Accord de Paris. Au Canada, nous avons la chance de compter plus de 9 000 arbres par Canadien, et notre engagement envers la gestion durable des forêts signifie que nous remplaçons plus de bois que nous n’en récoltons, de sorte que nos forêts restent des forêts pour toujours.
Un fait intéressant — et beaucoup de gens ne le savent pas — est que plus de la moitié de nos forêts au Canada sont en fait non gérées. Sur les 48 % restants qui sont gérés de façon durable, environ la moitié d’entre elles font l’objet aujourd’hui d’une mesure de conservation, qu’il s’agisse d’une zone écologiquement sensible ou d’une zone d’habitat faunique. La conservation fait donc partie intégrante de la façon dont nous pratiquons la foresterie au Canada.
Il est également important de noter que dans les provinces où habitent le sénateur Mercer et mon ami, M. Pelletier, la situation est un peu différente. En effet, le Nouveau‑Brunswick et la Nouvelle‑Écosse ont une bonne part de forêts privées. Mais si vous regardez dans l’ensemble du pays, la grande majorité des forêts — plus de 90 % des forêts fonctionnelles — se trouvent sur des terres publiques provinciales, soumises aux lois et aux approbations du gouvernement provincial. De plus, la grande majorité de ces mêmes terres sont soumises à des vérifications indépendantes par des tiers.
Cette rigueur en matière de gouvernance est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles le Canada est un marché très recherché pour les produits forestiers et fait l’envie de la plupart des pays forestiers du monde.
Nous accueillons le projet de loi S-222 comme un moyen de mettre en évidence le potentiel du bois pour aider à décarboniser l’environnement bâti. À l’échelle mondiale, l’environnement bâti est responsable d’environ 40 % des émissions de gaz à effet de serre, et cela est dû au choix que nous avons fait au XXe siècle de construire en dépendant fortement du béton et de l’acier. C’est cette façon de faire depuis longtemps qui nous a menés là où nous sommes aujourd’hui. Ce projet de loi encourage à juste titre une approche plus innovante et plus ouverte en matière d’approvisionnement. Nous saluons cet appel à l’action et ce changement.
Même si les secteurs du béton et de l’acier continueront d’apporter une contribution importante au secteur de la construction et font tous deux un excellent travail de décarbonisation, il est important que le bois soit pris en compte dès le début de la conception des bâtiments et des décisions d’achat, non pas après coup, mais bien comme un partenaire égal aux autres matériaux de construction. Nous avons déjà vu des pays comme l’Allemagne, les Pays‑Bas, la Suisse et la Suède prendre des mesures pour faire progresser l’approvisionnement en matériaux de construction écologiques, et il y a donc beaucoup d’idées et d’exemples dont on peut s’inspirer.
Il y a quelques autres efforts mondiaux dont on peut s’inspirer. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a mentionné à plusieurs reprises le potentiel du secteur forestier à contribuer de manière significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, les arbres stockent le carbone, et ce carbone est ensuite séquestré pendant des générations dans les produits en bois qui ont une longue durée de vie dans l’environnement bâti. À la fin de l’année dernière, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a publié un rapport intitulé Forest Products in the Global Bioeconomy. Ce rapport confirme les avantages uniques en matière de carbone, d’économie et d’autosuffisance que la foresterie et les produits forestiers peuvent apporter à nos communautés et à notre planète.
Tout dépend en fait des matériaux que nous voulons utiliser et où nous voulons nous les procurer. Si nous voulons trouver des sources d’inspiration au pays, je sais qu’un certain nombre de membres de votre comité — il y a probablement une dizaine d’années de cela — ont eu l’occasion de visiter le magnifique anneau olympique de Richmond, et beaucoup de choses ont été apprises et réalisées depuis. Nous avons la résidence pour étudiants Brock Commons de l’Université de la Colombie‑Britannique — un immeuble de 18 étages sur son campus à Vancouver —, l’édifice Origine à Québec et le Limberlost Place du Collège George Brown. Il y a trois mois, j’ai eu l’occasion d’assister à la cérémonie d’inauguration des travaux au Collège George Brown et de parler des avantages carbone de cet immeuble en bois massif. Un immeuble de 10 étages dans le centre‑ville de Toronto, c’est 15 000 mètres cubes de bois canadien qui stockent 13 000 tonnes métriques de dioxyde de carbone et qui évitent ainsi près de 5 000 tonnes métriques supplémentaires d’émissions de gaz à effet de serre. Ces économies de carbone équivalent à retirer environ 4 000 voitures de la circulation chaque année.
Il y a environ 900 projets de construction en bois massif au Canada, qu’ils soient terminés, en cours ou en préparation. Le Canada a la possibilité d’obtenir une plus grande part du gâteau — ou du marché —, dont la valeur devrait dépasser les 16 milliards de dollars à l’échelle mondiale d’ici 2025. Le Programme de construction verte en bois s’est avéré extrêmement avantageux. Il s’agit d’une initiative de 40 millions de dollars sur 4 ans, lancée par Ressources naturelles Canada dans le cadre du budget de 2017. Grâce à ce programme, nous avons pu montrer ce que nous pouvions accomplir — résilience aux changements climatiques, réduction de l’empreinte carbone — en offrant un produit qui est renouvelable, que nous avons en abondance et qui soutiendra les emplois et l’autosuffisance du Canada.
Sachant que 10 % de l’approvisionnement en bois au Canada est maintenant contrôlé directement par les peuples autochtones — et cela ne fait qu’augmenter —, nous avons également l’occasion de faire avancer la réconciliation économique en cours de route.
Le président : Monsieur Nighbor, je vous saurais gré de bien vouloir conclure.
M. Nighbor : Je terminerai en faisant quelques remerciements. Je tiens à remercier la sénatrice nouvellement retraitée, Diane Griffin, de sa contribution au projet de loi, ainsi que le député d’Okanagan‑Sud—Kootenay‑Ouest, Richard Cannings, qui a présenté le précurseur du projet de loi à la Chambre des communes. J’ai hâte d’en parler davantage durant la période des questions et réponses.
Le président : Merci à nos deux témoins de ce matin. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence. Nous allons passer aux questions.
La sénatrice Simons : Merci à nos deux témoins d’aujourd’hui. Lors de nos audiences précédentes, nous avons entendu un représentant de l’Association canadienne des chefs de pompiers qui s’est dit inquiet des risques d’incendie des constructions en bois, ainsi que du traitement chimique du bois, lequel est susceptible d’exposer les pompiers à des substances toxiques.
Je me demandais ce que vous pouviez me dire au sujet du processus par lequel vous assurez l’adaptabilité de ce bois de sorte qu’il soit à l’épreuve du feu. Pouvez‑vous me dire si l’on utilise des matériaux ignifuges qui risquent de poser des problèmes aux pompiers en cas d’urgence?
M. Nighbor : Je suis désolé, sénatrice, mais la question s’adresse‑t‑elle à moi ou à nous deux?
La sénatrice Simons : À l’un ou l’autre d’entre vous, ou aux deux.
M. Nighbor : Je peux peut‑être commencer, et M. Pelletier pourra intervenir après moi. C’est un sujet complexe. J’ai lu le compte rendu du 3 mars, et j’ai vu certaines des questions concernant les toxines et les matériaux combustibles et non combustibles. Je vous ferai parvenir, par l’entremise de la greffière, une réponse plus détaillée parce que cela devient assez ardu sur le plan technique. Mais, en bref, il y a des niveaux de rendement qui sont reconnus dans le code du bâtiment pour les matériaux combustibles et non combustibles. Le bois brûle, comme nous le savons. Toutefois, les normes, les mécanismes et les innovations en matière de bois d’œuvre lamellé‑croisé, entre autres, sont conçus pour assurer la sécurité des pompiers et des personnes qui vivent dans les bâtiments ou qui y louent des locaux. Il y a tout un travail qui se fait dans le domaine plus large de la prévention des incendies et de la conception afin que l’environnement bâti soit résistant au feu pendant au moins deux heures.
Pour répondre à la question sur les toxines et tout le reste, les adhésifs thermorésistants sont couramment utilisés dans la fabrication de produits de bois d’ingénierie, mais ils brûlent de la même manière que le bois, sauf qu’ils ne fondent pas ou ne se dégradent pas. Les experts en incendie à qui j’ai parlé après avoir lu la transcription du 3 mars ont déclaré qu’il n’y a pas de risque significatif — ou de risque de toxicité supplémentaire — en raison de ces matériaux qui se trouvent dans l’environnement bâti ou qui sont liés au bois de construction.
Mais, comme je l’ai dit, j’ai environ une page et demie d’information ici. Je serai heureux de communiquer les détails, car je pense que c’est important. Le processus lié au code du bâtiment est très technique et lourd pour une bonne raison, mais je me ferai un plaisir de vous transmettre ces détails, par l’entremise de la greffière, afin que vous ayez l’information la plus complète.
Le président : Monsieur Pelletier, vous avez environ deux minutes.
M. Pelletier : Je veux simplement faire écho à certaines des observations faites par M. Nighbor. Le code du bâtiment est très complexe. Le Conseil canadien du bois a travaillé en étroite collaboration avec les intervenants en ce qui concerne la lutte contre les incendies et les répercussions des incendies sur les bâtiments en bois. Le Conseil canadien du bois surveille tous les nouveaux produits qui pourraient, un jour ou l’autre, être utilisés dans les nouveaux bâtiments.
Comme l’a mentionné M. Nighbor, il s’agit d’une question complexe. Il y a une foule de renseignements utiles. Beaucoup de tests ont été effectués, et ils continuent de l’être, pour surveiller la situation. À mon avis, il serait important de consacrer une autre séance aux témoignages d’experts, qui pourront fournir plus de détails au comité.
Le président : Merci beaucoup. Je rappelle aux collègues et aux témoins que nous prévoyons quatre minutes par personne, ce qui comprend les questions et les réponses. Je m’excuse d’avance, mais je vais devoir vous interrompre au bout de quatre minutes.
Le sénateur Oh : Je remercie les témoins d’être des nôtres. Selon le rapport La situation du bois massif au Canada 2021 de Ressources naturelles Canada, la construction en bois massif ouvre de nouveaux débouchés pour le bois canadien et crée des emplois pour les travailleurs forestiers. Comment et dans quelle mesure l’adoption du projet de loi S-222 pourrait‑elle nuire aux emplois du secteur forestier du Canada? Ma question s’adresse aux deux témoins.
M. Nighbor : Voulez‑vous répondre en premier, monsieur Pelletier, du point de vue d’une entreprise?
M. Pelletier : Je ne suis pas sûr d’avoir bien saisi la question. Je suis désolé.
Le sénateur Oh : Selon le rapport La situation du bois massif au Canada 2021 de Ressources naturelles Canada, la construction en bois massif ouvre de nouveaux débouchés pour le bois canadien et crée des emplois pour les travailleurs forestiers. Pouvez‑vous dire comment et dans quelle mesure l’adoption du projet de loi S-222 pourrait nuire aux emplois du secteur forestier du Canada?
M. Pelletier : J’entrevois deux domaines où il pourrait y avoir des effets positifs sur les emplois au Canada. Le premier concerne la foresterie et l’exploitation forestière. Je ne pense pas que nous assisterions à une augmentation du nombre d’emplois dans les secteurs de l’exploitation forestière et du camionnage. Je crois que, de façon générale, on récolte aujourd’hui la quantité de fibre utilisable par l’industrie.
Je vois davantage de possibilités du côté de la fabrication, où nous pourrions utiliser la fibre qui est produite aujourd’hui — le bois d’œuvre et certains de ses sous‑produits — et aller plus loin dans la transformation ou la création de bois lamellé‑croisé, de panneaux de bois, de poutres lamellées‑collées. Nous aurions beaucoup plus de possibilités de transformer davantage notre fibre et d’ajouter de la valeur à nos ressources forestières actuelles si nous augmentions le volume et le nombre de grands bâtiments construits en bois au Canada.
M. Nighbor : Je suis d’avis que les possibilités sont énormes. D’ailleurs, on trouve une toute nouvelle usine de bois massif lamellé‑croisé à St. Thomas, en Ontario, juste à l’extérieur de London. Nous avons l’occasion d’accroître notre capacité.
Si vous regardez les installations actuelles de fabrication de bois massif, il y a de longues listes d’attente au chapitre de la demande. Nous courons le risque que ces panneaux de bois d’ingénierie et de bois massif soient fabriqués dans des endroits comme l’Autriche ou les États‑Unis.
J’estime que les possibilités sont énormes du côté de la fabrication. Soit dit en passant, il y a une charte du bois ou un projet de loi privilégiant le bois au Québec et en Colombie‑Britannique. En tant qu’industrie, nous ne préconisons pas une politique accordant la priorité au bois, mais nous avons dû le faire il y a quelques années parce que nous n’arrivions pas à franchir la porte. Tout s’articule autour du ciment et de l’acier. Mais qu’en est‑il du bois? Nous offrons d’excellentes solutions et d’immenses débouchés.
Je pense que ce projet de loi met davantage en valeur le bois et les possibilités connexes, ce qui, espérons‑le, stimulera la demande. Selon moi, cela aboutira à des centaines, voire des milliers d’emplois dans le secteur manufacturier si le Canada devient un chef de file mondial et un marché de destination pour la fabrication de ces produits.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Merci à nos témoins. Ce projet de loi est très intéressant.
Je n’ai pas de questions directement liées au projet de loi, mais, lors d’une réunion de comité précédente, j’ai demandé si le Canada était en avance ou en retard en ce qui a trait non seulement à la promotion, mais aussi à l’utilisation du bois dans les constructions. Ce que vous dites aujourd’hui, c’est qu’en fait, nous sommes en retard.
Voici ma question : si ce projet de loi est adopté, par exemple, et si l’on voit une multiplication de la demande, le Canada est‑il prêt, sur les plans des capacités, des expertises et des compétences? Si nous ne le sommes pas tout à fait, que reste‑t‑il à faire parallèlement pour nous assurer d’être en mesure de répondre à une augmentation potentielle de la demande? Je ne sais pas qui veut répondre à ma question; je n’avais pas de préférence.
[Traduction]
M. Nighbor : Je veux bien commencer, et M. Pelletier pourra ensuite répondre du point de vue d’Irving. C’est une excellente question. Il y a quelques défis fondamentaux. Sur le plan du commerce, nous travaillons avec un certain nombre de collèges pour former les gens et les amener à se perfectionner et à se préparer pour ces nouveaux emplois innovateurs.
Nous avons également des problèmes fondamentaux de dotation. Il manque actuellement 23 000 camionneurs au pays. Donc, au‑delà de la valeur ajoutée et des rôles de perfectionnement, il y a d’autres problèmes.
Pour être honnête avec vous, j’estime que nous avons un problème plus important au pays, à savoir l’importance de la gestion de nos forêts. Je pense que la plupart des membres du comité en sont bien conscients. J’en suis bien conscient, et M. Pelletier aussi. Hier, 90 scientifiques, dont plusieurs des États‑Unis, ont envoyé une lettre au premier ministre, disant que nous devons protéger nos forêts pour lutter contre les changements climatiques, en passant sous silence les avantages du bois au chapitre du stockage du carbone, la possibilité de déplacement des produits biologiques à base de bois et le fait que les forêts boréales brûlent.
Les forêts anciennes de la côte sont un tout autre sujet. Dans notre forêt boréale, les arbres vivent de 80 à 120 ans. Nous vivons dans un pays où nos parcs nationaux constituent des sources de carbone. Pour faire croître notre secteur, nous devons avoir une conversation honnête sur le genre de Canada que nous souhaitons bâtir. Comment voulons‑nous développer notre économie de ressources?
Quarante pour cent des forêts certifiées par des tiers dans le monde entier se trouvent au Canada. Nous avons les meilleures lignes directrices en matière de durabilité et d’acceptabilité sociale et, pourtant, notre premier ministre reçoit une lettre de 90 universitaires lui demandant de mieux protéger les forêts. Nous sommes donc des défenseurs de la nature, mais cette idée qu’il faut sans cesse protéger les forêts et que celles‑ci sont à l’abri des effets des changements climatiques est de la pure folie.
En tout cas, je ne veux pas grimper sur mon estrade, mais ces discussions sont fondamentales pour les possibilités en amont dans notre secteur et pour nos gens.
[Français]
M. Pelletier : M. Nighbor a soulevé un point intéressant par rapport aux emplois et au manque de main‑d’œuvre. Si l’on bâtit davantage d’infrastructures avec du bois massif, avec du bois lamellé‑collé, normalement, pour un bâtiment de 12 étages, la quantité de ressources et le nombre de personnes sur un chantier sont 75 % plus bas, parce que l’ingénierie est faite comme des blocs LEGO que l’on assemble. Pour bâtir des immeubles résidentiels ou des immeubles de bureaux de 12 étages, normalement, les travaux sont beaucoup plus rapides lorsqu’on utilise du bois massif plutôt que du ciment et de l’acier.
[Traduction]
Le sénateur Wetston : Je ne sais pas vraiment qui voudra répondre à cette question, mais j’aimerais obtenir une petite précision, si je peux me permettre d’être un peu indiscret. Qu’avez‑vous dit à la ministre des Finances ou à la ministre de l’Agriculture sur ce qu’elles devraient ajouter au projet de loi d’exécution du budget, lorsqu’il sera présenté en avril, relativement à cette mesure législative ou à l’industrie en général?
M. Nighbor : Je ne prendrai pas autant de temps cette fois‑ci, monsieur Pelletier. Je suis désolé.
Tout d’abord, nous avons une belle occasion dans le prochain cycle budgétaire pour ce qui est de renouveler certains des programmes fondamentaux pour la construction en bois. Il y aura d’importantes demandes dans le budget de 2023.
Pour ce budget, toutefois, il y a des demandes substantielles ayant trait au perfectionnement et à l’acquisition de compétences liées à des métiers spécialisés. Il y a des demandes importantes concernant la participation des Autochtones dans le secteur forestier pour aider à renforcer les capacités. Enfin, l’autre demande n’est pas d’ordre financier.
Si je travaille dans l’industrie du ciment ou de l’acier et que je veux décarboniser mes activités, je me concentrerai sur la fabrication et les produits. Dans le secteur forestier, nous disposons d’un vaste territoire. Nous avons des stratégies de lutte contre les feux de forêt et nous devons régler les problèmes causés par les parasites, en plus d’essayer de trouver de nouveaux marchés pour les résidus de bois et tout le reste.
La principale mesure que le gouvernement peut prendre pour nous aider, c’est d’élaborer avec nous un plan d’action tout au long de cette chaîne de valeur — de la forêt au produit — afin de maximiser les avantages sur le plan du carbone que nous pouvons apporter au pays.
Bref, notre demande la plus importante ne coûte rien.
Le président : Monsieur Pelletier, souhaitez‑vous répondre?
M. Pelletier : Je suis entièrement d’accord avec M. Nighbor, et j’appuie ce qu’il a dit. Je n’ai rien à ajouter.
Le sénateur Wetston : J’ai une question sur le bois lamellé‑croisé, les adhésifs et les colles. Ce sont évidemment des produits nécessaires à la fabrication de ces produits à base de bois pour la construction, mais ce ne sont pas forcément des produits à faible teneur en carbone, comme vous pouvez l’imaginer; il y a aussi beaucoup de toxicité associée à ces produits.
Pouvez‑vous nous en dire un peu plus sur cet aspect de la fabrication de tels produits à des fins de construction, ainsi que sur leurs répercussions possibles et leur toxicité pour l’environnement?
M. Pelletier : Monsieur Nighbor, voulez‑vous répondre à cette question?
M. Nighbor : Je vais devoir vous faire parvenir une réponse — du moins, une réponse détaillée — parce que cette question touche un domaine scientifique auquel je ne rendrais pas justice.
Sur le plan de l’innovation, si vous avez entendu parler du terme « lignine », qui désigne la colle provenant des arbres, il y a beaucoup d’innovation dans cette bioéconomie pour transformer cette lignine en un bioadhésif, qui pourrait très bien avoir des applications futures. C’est une solution qui est en cours d’élaboration et qui continue d’être mise au point.
Quant à votre autre question, je serai heureux de me renseigner sur les aspects techniques auprès de mes collègues du Conseil canadien du bois pour vous faire parvenir un mémoire, par l’entremise de la greffière.
Le sénateur Wetston : Si cela ne vous dérange pas, je vous en saurais gré.
M. Nighbor : Je n’y manquerai pas.
Le sénateur Marwah : Je tiens à remercier nos deux témoins.
Ma question s’adresse à M. Nighbor. Pourriez‑vous parler des aspects macroéconomiques de l’utilisation du bois par rapport aux autres solutions, c’est‑à‑dire l’acier ou le béton? Je parle de deux domaines : si vous utilisez du bois au lieu d’autres matériaux, le PIB net est‑il positif ou négatif? Cela exclut la réduction de l’empreinte carbone, chose que je comprends parfaitement.
Deuxièmement, quel serait le coût par pied carré d’une construction lorsque vous avez du bois plutôt que du béton ou de l’acier?
M. Nighbor : Je laisse la question du coût par pied carré à M. Pelletier. S’il ne peut pas y répondre, je n’ai pas cette information, mais je sais où je peux la trouver pour vous.
En ce qui a trait aux débouchés, surtout compte tenu de la croissance en matière d’infrastructure qui s’opère au Canada et dans le monde entier, c’est un domaine où il est possible, selon moi, de s’approprier une plus grande part du marché pour tous les matériaux et d’obtenir de très bons résultats. En ce qui concerne le bois, les Nations unies ont fait savoir qu’au cours des 30 prochaines années, la demande de bois quadruplera à l’échelle mondiale. Je sais, pour en avoir discuté avec mes collègues des industries de l’acier et du béton, qu’ils entrevoient des débouchés importants dans leurs secteurs grâce à de nouveaux produits innovateurs.
On me pose souvent cette question. Tout d’abord, en ce qui concerne les matériaux, en faut‑il un seul? Oui, nous sommes tous en concurrence, mais laissons le meilleur matériau gagner. Il faut le bon matériau pour la bonne application. Du côté des affaires, la croissance est au rendez‑vous pour nous tous. Je ne pense pas qu’une augmentation nette du bois signifie une baisse nette de l’acier ou du béton. Je n’ai pas les chiffres pour l’acier et le béton, mais à en juger par leurs rapports, je constate que leur potentiel de croissance sur les marchés mondiaux augmente également. Je crois donc qu’il existe une énorme occasion pour nous tous et que nous pouvons tous exporter plus de produits canadiens dans le monde entier.
Le président : Monsieur Pelletier, avez‑vous une réponse à l’autre question?
M. Pelletier : Par l’entremise du Conseil canadien du bois, de nombreuses études ont été menées pour comparer les coûts de construction d’un bâtiment en bois de grande hauteur par rapport à ceux d’un bâtiment similaire en béton et en acier. Dans le marché normal du bois et de l’acier, les coûts sont similaires. En général, le coût des matériaux pour les produits en bois est un peu plus élevé, mais comme je l’ai dit tout à l’heure, il faut moins de main‑d’œuvre pour assembler le bâtiment sur place. Ainsi, le coût de la main‑d’œuvre est généralement moins élevé, ce qui rend le bois très concurrentiel lorsqu’on compare les deux.
Je serai heureux de vous fournir, par l’intermédiaire de Wood WORKS! ou du Conseil canadien du bois, des renseignements plus détaillés sur les études de cas qui ont été réalisées au cours de la dernière décennie.
Le sénateur Marwah : Si vous pouviez nous donner des renseignements précis sur le coût par pied carré, ce serait bien.
Je comprends parfaitement la question de la réduction de l’empreinte carbone, mais ceci mis à part, quel est le coût net par pied carré pour la construction? Voilà ce que je suis curieux de savoir. Merci.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup, messieurs Pelletier et Nighbor. Quels excellents exposés vous nous avez donnés! Notre comité se soucie beaucoup de la valeur ajoutée et de la durabilité dans les secteurs forestier et agricole.
J’aimerais que vous nous parliez un peu plus des effets qu’auront ces produits d’ingénierie à valeur ajoutée, car cette valeur supérieure favorise un plus grand nombre d’investissements tout au long de la chaîne de valeur jusqu’au sol forestier. Je pense à l’amélioration des salaires et à l’élaboration de nouveaux produits qui nous aideront de plus en plus à nous assurer que nos forêts sont gérées de la manière la plus durable possible, que nous pouvons atténuer les risques de changement climatique autant que possible, que nous pouvons stocker autant de carbone que possible dans les sols forestiers et gérer les infestations d’insectes, les sécheresses, la chaleur, les incendies, et cetera.
Quels autres travaux pouvez‑vous mentionner? Je considère que cette décision est d’une importance stratégique pour notre pays, et je veux simplement comprendre comment, concrètement, une gestion plus durable des forêts peut découler de cette valeur accrue.
M. Nighbor : Je commencerai par dire qu’à mon avis, il y a deux possibilités en matière de valeur ajoutée. La première, c’est le secteur des produits d’ingénierie de bois massif, que nous voyons vraiment se développer au Canada — j’ai mentionné le développement de la fabrication d’ELEMENT5, et j’espère que d’autres entreprises comme ELEMENT5 apparaîtront dans les années à venir. Deuxièmement — je n’aime pas utiliser le terme « déchets de bois », parce que ce ne sont pas des déchets, mais ils le seraient autrement —, la sciure, l’écorce et les copeaux de bois pourraient servir à produire des choses comme de la bioénergie ou à alimenter des systèmes de chauffage urbain, ou encore à fabriquer de la lignine ou des bioplastiques. Ce sont là les deux secteurs auxquels je faisais allusion.
Je tiens à souligner qu’il est impossible d’obtenir un secteur à valeur ajoutée avancé sans maintenir un secteur primaire fort. Je signale à ceux qui pensent que nous allons arrêter de fabriquer des planches de deux par quatre et nous contenter de produire du bois massif que cela ne se produira pas. Parlez à n’importe quelle entreprise intégrée. Vous constaterez que vous avez besoin d’un secteur primaire fort. À l’heure actuelle, nous avons cette discussion en temps réel en Colombie‑Britannique, où le gouvernement provincial s’intéresse, à juste titre, à la bioéconomie et à l’innovation dans le secteur du bois massif. Toutefois, il envisage en même temps de restreindre la récolte du bois ou de ne pas fournir de certitude aux entreprises qui travaillent sur le terrain. Cela représente un défi pour l’investissement.
L’une des meilleures choses que le gouvernement puisse faire pour favoriser une éventuelle valeur ajoutée, c’est de soutenir un secteur primaire certain, fort et stable, ce qui suppose qu’il doit adopter une politique sensée et cohérente. D’un point de vue fédéral, cela signifie qu’il ne peut pas mettre en œuvre une réglementation sur les carburants propres ici et protéger les caribous là; tous ces facteurs sont intégrés pour nous. Plus les politiques seront cohérentes pour garantir la stabilité et la certitude du secteur, plus le secteur primaire sera fort et plus de capitaux pourront être investis dans la valeur ajoutée et plus elle connaîtra une croissance.
M. Pelletier : Je crois qu’environ un tiers de la production canadienne actuelle est exportée et utilisée à l’extérieur du Canada. Comme vous le savez, tous les 10 ans au cours des 40 dernières années, un litige commercial nous a opposés aux États‑Unis. Maintenant, nous bénéficions d’une occasion en or de conserver une plus grande partie de notre bois d’œuvre dans notre pays et d’y ajouter de la valeur grâce au bois massif, ce qui réduirait considérablement notre dépendance à l’égard des autres pays en ce qui concerne la consommation de nos fibres.
Le sénateur Cotter : Messieurs Pelletier et Nighbor, je vous remercie tous les deux des renseignements que vous nous communiquez aujourd’hui.
Ma question porte assez précisément sur l’amendement législatif proprement dit. Je suis sûr que vous le connaissez au moins aussi bien que moi. Il met l’accent sur la construction, l’entretien et la réparation des travaux publics sous l’égide directe du gouvernement fédéral.
Je ne veux pas tenter de faire votre travail à votre place, monsieur Nighbor, mais j’aimerais savoir dans quelle mesure vous avez considéré que cette mesure législative devrait aller plus loin en englobant des bâtiments qui ne sont peut‑être pas des travaux publics fédéraux, mais qui seraient financés par le gouvernement fédéral. C’est une stratégie courante que d’essayer de mettre en œuvre ou de façonner une politique qui va au‑delà des seuls immeubles appartenant au gouvernement fédéral.
Pourriez‑vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous indiquer si, à votre avis, cela pose un problème, ou si c’est un changement que vous aimeriez demander, mais qui est prématuré pour le moment?
M. Nighbor : C’est une très bonne question, et pour nous, c’est un point de départ. Cela me rappelle que j’ai oublié ce que j’aurais dû dire en réponse aux demandes budgétaires de cette année, et c’est d’examiner les projets de démonstration pour décarboniser davantage l’environnement bâti dans les municipalités et dans les collectivités autochtones.
Je pense que le prolongement naturel, au‑delà du gouvernement fédéral, doit se faire par l’intermédiaire d’accords de financement avec les collectivités et les municipalités autochtones.
Nous entendons le gouvernement fédéral parler fréquemment de l’écologisation du gouvernement et des normes d’approvisionnement, et nous entendons souvent d’un programme d’achat propre. Les Américains sont très avancés dans ce domaine. Ils ont déjà mis en place un groupe de travail, et ce, avec le soutien de l’initiative « Buy America », qui est en cours. C’est l’un des plus gros problèmes que nous ayons. Nous devons aller de l’avant en ce qui concerne ce projet d’achat propre, et nous devons élaborer un plan clair pour soutenir l’industrie canadienne, car les Américains mettent en œuvre ce projet d’achat propre, non seulement dans l’optique de décarboniser l’économie, mais aussi dans celle de renforcer le secteur manufacturier américain.
Pour être très honnête, je n’entends pas beaucoup parler de cela au Canada. J’entends beaucoup parler du mouvement vert et j’entends beaucoup parler du fait que l’économie et l’environnement vont de pair. Je partage cet avis, mais je ne vois pas les gens prêter la même attention aux détails en ce qui concerne les avantages en matière de fabrication pour l’industrie nationale, qui est parmi les industries les plus propres du monde.
Le sénateur Cotter : Merci.
Le sénateur Klyne : Merci, monsieur le président, ma question a été posée de deux ou trois façons différentes, et j’ai été en mesure d’obtenir une réponse à ma question. Je suis donc satisfait. Merci.
Le sénateur Mercer : J’aborde cette question en tant que personne qui siège au sein du comité depuis 18 ans. Je me souviens d’une étude qui a été menée il y a quelques années et qui portait sur le même sujet, mais dont le contexte était différent de celui du projet de loi. À l’époque, nous avions entendu des témoins qui représentaient une organisation de pompiers, lesquels étaient favorables à l’utilisation de ce bois. Maintenant, j’entends dire que les pompiers sont beaucoup plus hésitants.
J’aimerais que la greffière et les analystes de la Bibliothèque du Parlement examinent ce qui a été dit à l’époque et comparent ces propos avec ceux qui sont présentés maintenant, car s’ils sont différents, nous devons le savoir avant de voter.
Êtes‑vous tous les deux préoccupés par les problèmes d’incendie liés à ce bois?
M. Nighbor : Je ne le suis pas en raison du processus. Il y a des casernes de pompiers à Oakville et à Vancouver qui sont construites en bois. J’ai été surpris par certains témoignages, et je ne veux pas les réfuter, mais lorsque j’ai vu le témoignage que le représentant de la communauté des pompiers a apporté le 3 mars, je suis retourné consulter nos techniciens pour m’assurer d’avoir bien compris. Dans les codéveloppements, les matériaux combustibles et non combustibles sont analysés d’une manière différente, parce qu’il s’agit d’une réalité différente et que des mesures différentes doivent être prises. J’ai pleinement confiance dans le processus. Parlez à quelqu’un comme Len Garis, l’ancien chef des pompiers de Surrey, en Colombie‑Britannique, qui est l’un des plus grands champions et porte‑parole de la construction en bois. Je ne veux pas parler au nom de la communauté des pompiers. Ce ne serait pas juste, et je ne veux pas être irrespectueux, mais je crois comprendre que toutes les mesures possibles sont prises dans le cadre de l’élaboration du code pour faire en sorte que la sécurité soit primordiale. Je vais en rester là.
M. Pelletier : Je suis actuellement président du conseil d’administration du Conseil canadien du bois, et j’ai eu l’occasion, au cours des cinq dernières années, d’être témoin de tout le travail effectué par des experts techniques hautement qualifiés pour comprendre le comportement du bois dans différentes situations, qu’il s’agisse d’incendies, de séismes ou de vents violents. Je crois vraiment que les connaissances scientifiques et les données qui sous‑tendent l’analyse sont fiables et que le code, tel qu’il est conçu en ce moment, est digne de confiance.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie tous les deux, messieurs.
Le président : Cela met fin à la première série de questions. Quelques sénateurs poseront des questions pendant la deuxième série de questions, et d’autres sénateurs s’ajouteront à eux s’il reste un peu de temps.
Le sénateur Wetston : J’ai une question à poser aux deux témoins. Il se peut que vous ne connaissiez pas la réponse à cette question. Je corrigerai le compte rendu si le chiffre que je mentionne est incorrect.
Je suis sénateur de l’Ontario, j’habite à Toronto où l’indice des grues pour la région du Grand Toronto s’élève à environ 168. L’indice des grues indique le nombre de grues qui sont installées dans la région du Grand Toronto, ce qui signifie évidemment qu’il y a une énorme quantité de projets de construction.
L’un d’entre vous aurait‑il une idée du pourcentage ou du nombre de bâtiments qui pourraient être construits en bois ou qui pourraient représenter la construction en bois dans la région du Grand Toronto?
M. Nighbor : Je ne connais pas ce chiffre par région. Nous suivons les projets qui sont terminés, en cours et en voie d’élaboration. À l’heure actuelle, leur nombre est légèrement inférieur à 900 à l’échelle nationale. Je peux faire un suivi auprès du Conseil du bois qui se trouve au bout du corridor, afin de déterminer si nous pouvons décomposer ce total en chiffres pour Toronto.
Dans le secteur forestier, compte tenu en particulier du clivage entre les régions urbaines et les régions rurales et de l’urbanisation croissante du Canada, l’un des problèmes que nous rencontrons est la question de savoir comment joindre le public urbain pour lui faire comprendre ce qu’offre la foresterie et lui faire croire en cette industrie.
Il y a deux façons d’y parvenir. Premièrement, il y a la croissance de la foresterie urbaine, la compréhension du fait que les arbres urbains doivent être entretenus, pris en charge et gérés. Deuxièmement, il y a les bâtiments en bois du centre‑ville de Toronto, de l’Université de Toronto et du Collège George Brown. Je pense que la présence de bâtiments en bois est très prometteuse pour nous, à bien des égards, car ils apparaissent dans les centres urbains. Cependant, je ferai un suivi en ce qui concerne les chiffres pour la région du Grand Toronto afin de vous permettre de les distinguer des chiffres nationaux.
Le sénateur Wetston : J’ai un suivi à faire, monsieur le président. J’aimerais faire ce suivi, parce que je m’intéresse aux questions d’offre et de demande associées à ce marché et, évidemment, cela vous intéresse aussi.
Je vous suggère simplement — et ce n’est qu’une suggestion, monsieur Nighbor — de communiquer avec certains des hauts fonctionnaires de la Toronto Hydro Corporation, car ils doivent électrifier tous ces immeubles, et ils seraient en mesure de vous fournir ces renseignements directement. Ils ne seront peut‑être pas en mesure de vous dire quels sont les bâtiments en bois, car comme votre collègue l’a indiqué, je pense que tout bâtiment de plus de six étages est considéré comme un grand bâtiment, et il y a évidemment de grands bâtiments en bois. Il se pourrait que cette information, à laquelle s’ajoutent les renseignements obtenus auprès du Conseil canadien du bois, vous aide un peu puisque le travail de ces fonctionnaires consiste à électrifier ces bâtiments.
M. Nighbor : C’est un excellent point. En ce qui concerne l’approvisionnement en fibres ou en bois canadiens, il est énorme. Cela constitue un immense débouché. Je pense que le problème d’approvisionnement au Canada est toujours lié à la capacité de fabrication du bois stratifié‑croisé et du bois stratifié cloué. Nous ne voulons pas importer ces produits manufacturés des États‑Unis ou d’Autriche. Donc, l’accès aux fibres et au bois n’est pas problématique. En ce qui concerne la capacité de fabrication, il y a encore du travail à faire, car la demande continue d’augmenter.
Le sénateur Wetston : Merci.
Le sénateur C. Deacon : J’aimerais remercier les témoins. Cette séance est très importante.
Monsieur Nighbor, vous avez commencé vos observations en expliquant comment le projet de loi S-222 fournit une sorte de rampe de lancement pour mettre en évidence le problème qui nous occupe. Pouvez‑vous vous projeter dans l’avenir et nous expliquer comment, selon vous, le projet de loi contribuera à déclencher un changement stratégique important dans la façon dont nous percevons potentiellement les produits forestiers et la gestion forestière au Canada?
M. Nighbor : La première chose à faire est de bouleverser la façon dont les achats sont effectués. Les personnes qui prennent les décisions en matière d’achat doivent réfléchir dès le départ à la manière de faire les choses différemment. Je pense que c’est là le plus grand avantage.
J’ai parlé à mes collègues des secteurs du ciment et de l’acier qui ont dit au début qu’ils allaient s’opposer au projet de loi, lorsqu’ils ont constaté que le projet de loi ne concernait que le bois. Allez‑y, opposez‑vous au projet de loi parce qu’en ce qui nous concerne, il ne s’agit pas seulement de bois. Tous les matériaux conviennent. Mais nous devons nous battre un peu plus fort et de manière plus intelligente, parce que nous sommes en retard dans ce domaine. Je considère cela comme la plus grande possibilité.
Même dans le milieu de la conception, de l’ingénierie ou de l’architecture, il y a des gens qui sont vraiment convaincus de la valeur du bois. Il y en a d’autres qui n’y connaissent pas grand‑chose, et nous devons aussi informer ces personnes. Ainsi, alors que nous réfléchissons au prolongement du projet de loi, nous constatons que les autres possibilités qu’il offre consistent à faire connaître les possibilités à de nouveaux esprits qui n’ont pas encore pensé à nous.
Parallèlement à cela, il est toujours important que nous, les membres de l’APFC, et d’autres personnes continuent d’expliquer pourquoi nous pouvons être fiers des produits provenant des forêts canadiennes. Nous sommes parmi les meilleurs producteurs de bois du monde. Nous devrions en être fiers, mais nous ne le sommes pas assez.
Le sénateur C. Deacon : Votre observation sur l’approvisionnement ne se limite pas à votre secteur. J’espère que vous le savez. Les Canadiens n’aiment pas s’approvisionner auprès des Canadiens. Nous devons corriger cela du point de vue de la culture. Merci beaucoup.
Monsieur Pelletier, avez‑vous quelque chose à ajouter?
M. Pelletier : Non, rien.
La sénatrice Simons : En écoutant les réponses que vous avez données aux sénateurs Wetston et Deacon, j’ai été frappée par le fait que la plupart des exemples de ce type de construction en bois qui nous ont été cités étaient des bâtiments publics, comme une résidence de l’Université de la Colombie‑Britannique, des bâtiments scolaires à Toronto et les casernes de pompiers que vous avez décrites. Il est clair que le secteur public a été plus disposé à essayer de construire ce type de bâtiments et à entreprendre des projets pilotes à cet égard.
Pour faire suite aux réponses que vous avez données aux sénateurs Deacon et Wetston, pourquoi le secteur privé n’a‑t‑il pas adopté cette technologie pour ces projets de construction? Les raisons sont‑elles de nature économique ou culturelle, ou s’agit‑il d’un manque d’information? Il me semble étrange que les entreprises de ce secteur, comme Ledcor et PCL, n’adoptent pas ce genre de technologie d’ingénierie.
Comment se fait‑il que le secteur public soit tellement surreprésenté dans le parc immobilier dont nous parlons?
M. Nighbor : C’est une très bonne question. Les codes accusent du retard; nous avons été vraiment lents à cet égard. La semaine dernière, la construction d’un complexe commercial contenant plusieurs bureaux, dans le quartier Leaside de Toronto, a été annoncée. Ce projet a été annoncé en grande pompe il y a une semaine ou deux.
Par ailleurs, le leadership provincial en matière de construction en bois s’est manifesté au Québec et en Colombie‑Britannique, deux provinces qui dominent le secteur forestier. Elles se sont demandé ce qu’elles pouvaient faire pour donner un coup de fouet à cette industrie et en tirer des avantages chez elles. Cette initiative a connu un énorme succès, et d’autres provinces ont suivi.
Je pense que le secteur public s’est montré plus actif dans ce domaine parce que nous avons remarqué qu’il souhaitait maximiser et promouvoir la foresterie locale, ce qui entraîne un accroissement des droits de coupe et des revenus que perçoivent les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. C’est une excellente nouvelle. Je pense que c’est aussi attribuable au fait qu’il y a eu des projets de démonstration et que des fonds ont été consacrés à leur promotion. Maintenant que les codes du bâtiment sont en train d’être actualisés et modernisés, cela créera plus de débouchés dans le secteur privé.
Mais il s’agit là d’une excellente observation à laquelle je n’avais pas vraiment pensé.
La sénatrice Simons : Je remercie infiniment nos deux témoins.
Le président : Merci beaucoup. Messieurs Pelletier et Nighbor, comme les sénateurs n’ont plus de questions à vous poser, je vous remercie du fond du cœur de vous être joints à nous aujourd’hui et d’avoir participé à la séance. Nous vous sommes reconnaissants de votre contribution à notre discussion et de l’aide que vous nous avez apportée dans le cadre de notre étude du projet de loi.
Je tiens à remercier mes collègues sénateurs de leur participation active et de leurs questions très réfléchies. Merci beaucoup.
Chers collègues, à ce stade, y a‑t‑il des objections à ce que le comité procède à l’étude article par article du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois)?
Puisqu’il n’y a pas d’objection, le Comité est d’accord. Je vais donc passer en revue les dispositions du projet de loi.
L’étude du titre est‑elle reportée? Oui ou non?
Des voix : Oui.
Le président : L’article 1 est‑il adopté?
Je crois comprendre que le sénateur Quinn a peut‑être un amendement à proposer.
Le sénateur Quinn : Je suis un membre suppléant et un débutant au sein de votre comité. Je remplace la sénatrice Griffin, et c’est un grand vide à combler. La motion devant moi est la suivante :
Que le projet de loi S-222 soit modifié à l’article 1, à la page 1, par substitution, à la ligne 10 de la version anglaise, de ce qui suit :
« ter shall consider any potential reduction in greenhouse ».
Le président : Souhaitez-vous parler de la motion, sénateur Quinn?
Le sénateur Quinn : Oui, j’aimerais le faire.
Comme je l’ai indiqué, c’est un grand honneur pour moi de remplacer la sénatrice Griffin. Pour faire suite à ce que le sénateur Deacon a déclaré, j’ai trouvé très intéressant de participer à cette réunion. Quel merveilleux groupe de collègues. J’ai été tiré des ligues mineures pour remplacer la sénatrice Griffin.
Mon rôle aujourd’hui consiste à proposer ce petit amendement au nom de notre collègue retraitée, la sénatrice Griffin. Comme nous l’avons entendu au cours de la dernière réunion, dans la réponse que Services publics et Approvisionnement Canada a adressée à la sénatrice Griffin, les fonctionnaires de ce ministère, suivant les conseils des services juridiques, sont d’avis que, dans la version anglaise du projet de loi, le mot « must » devrait être remplacé par le mot « shall » dans la phrase « the minister must consider », afin de veiller à ce que la terminologie coïncide avec le reste de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.
La sénatrice Griffin préfère que cette modification soit apportée au Sénat plutôt qu’à la Chambre des communes, afin d’éviter tout retard possible lié à l’adoption par le Sénat d’une modification apportée par la Chambre des communes. Je suis simplement ici pour faciliter cette demande, et je vous remercie tous de me permettre de le faire.
Le président : Nous passons donc au débat sur l’amendement. Je vois que quelqu’un a une question à poser.
Le sénateur Cotter : J’espérais participer au débat simplement pour appuyer l’amendement, si c’est Ie moment approprié de le faire.
Le président : Oui, ça l’est.
Le sénateur Cotter : Comme l’a fait remarquer le sénateur Quinn, je pense que le mot « shall » est plus conforme à la rédaction législative typique, en ce qui concerne la nature directive ou discrétionnaire des verbes utilisés dans les lois. Je souhaitais intervenir pour indiquer mon appui à l’amendement.
Le président : D’autres sénateurs souhaitent‑ils débattre de l’amendement? Puisqu’aucun sénateur ne le souhaite, y a‑t‑il des objections à ce que l’amendement soit adopté? Puisqu’il n’y en a aucune, l’amendement est adopté.
L’article 1 modifié est‑il adopté?
Y a‑t‑il des objections? Puisqu’il n’y en a pas, l’article 1 modifié est adopté.
Le titre est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Le comité souhaite-t-il envisager d’annexer des observations au rapport? Si c’est le cas, je crois que nous devrons passer à huis clos pour discuter de la formulation de ces observations. Très bien. La séance se poursuit à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)