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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 9 juin 2022

Le Comité permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence; et à huis clos, pour examiner, afin d’en faire rapport, les questions concernant l’agriculture et les forêts en général.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, la séance du Comité permanent de l’agriculture et des forêts est ouverte.

Comme je l’ai fait dans le passé, je voudrais, avant de commencer, rappeler aux sénateurs et aux témoins de garder leur microphone désactivé en tout temps, à moins que la présidence leur accorde la parole.

Si des problèmes techniques surviennent, en particulier au sujet de l’interprétation, veuillez en aviser la présidence ou la greffière, et nous nous emploierons à résoudre le problème. Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, veuillez communiquer avec le Centre de services de la Direction des services d’information en composant le numéro qui vous a été fourni.

Lorsque des plateformes en ligne sont utilisées, rien ne garantit la confidentialité des propos ou l’absence d’écoute illicite. Par conséquent, pendant les séances de comité, tous les participants doivent être au fait de ces restrictions et éviter la divulgation possible de renseignements délicats, privés ou protégés du Sénat. Les sénateurs doivent prendre part à la séance dans un endroit privé et porter attention à leur entourage afin de ne pas divulguer par inadvertance des renseignements personnels ou des informations permettant de savoir où ils se trouvent.

Cela étant dit, bonjour à tous. Je voudrais tout d’abord souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et aux personnes qui regardent la séance sur le Web.

Je m’appelle Robert Black, et je suis sénateur de l’Ontario et président du comité. J’aimerais maintenant présenter les membres du Comité de l’agriculture et des forêts, en commençant par notre vice-présidente, la sénatrice Simons de l’Alberta. Il y a aussi le sénateur Deacon de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Klyne de la Saskatchewan, le sénateur Marwah de l’Ontario, le sénateur Oh de l’Ontario, la sénatrice Petitclerc du Québec et la sénatrice Jaffer de la Colombie-Britannique.

Aujourd’hui, le comité poursuit son étude des inondations et des efforts de rétablissement de la Colombie-Britannique, et j’aimerais maintenant présenter les témoins qui composent notre groupe d’experts. Nous accueillons aujourd’hui des représentants de la Northwest Hydraulic Consultants Ltd., Monica Mannerström et Graeme Vass.

Mesdames et messieurs, je vous remercie de vous joindre à nous. Nous allons maintenant entendre la déclaration préliminaire de Mme Mannerström, qui dispose de cinq minutes pour faire cette déclaration. Je lèverai la main quand il ne restera plus qu’une minute, juste pour vous donner une idée du temps qui passe. Sur ce, la parole est à vous, madame Mannerström.

Monica Mannerström, ingénieure principale en gestion des crues, Northwest Hydraulic Consultants Ltd. : Nous vous remercions de nous donner l’occasion de présenter les conclusions que nous avons tiré à la suite de l’évaluation des digues de la vallée du bas Fraser. Northwest Hydraulic Consultants Ltd., ou NHC, a été retenue par le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique pour effectuer ce travail en 2015. J’aimerais résumer brièvement l’histoire de l’endiguement de la vallée du bas Fraser, l’état actuel des digues et quelques réflexions concernant l’avenir.

Lorsque nous parlons de la vallée du bas Fraser, nous faisons allusion aux collectivités du district de Hope, de l’extrémité amont de la vallée du Fraser à l’océan Pacifique.

Des Premières Nations habitent cette région depuis des milliers d’années. Dans le passé, les inondations ne représentaient pas un problème majeur, car les gens avaient des habitations saisonnières et se mettaient à l’abri pendant la saison des crues ou la fonte des neiges. Bien entendu, ce n’est plus le cas maintenant.

Au milieu des années 1800, lorsque les colons européens ont commencé à arriver, l’agriculture a débuté et les premières digues ont été construites pour protéger les terres. En 1894, au cours de l’inondation record, toutes les digues ont cédé et toute la vallée du Fraser a été inondée.

Après l’inondation, des digues plus importantes ont été construites. En 1948, la deuxième plus grande crue du Fraser a rompu ces digues, et la vallée a été inondée de nouveau. Après cet événement, le programme de lutte contre les inondations du fleuve Fraser a été mis en place et d’importantes améliorations ont été apportées aux digues.

Notre évaluation des digues de 2015 comprenait bien plus d’une centaine de segments de digues. Il s’agissait d’une étude documentaire de niveau général, fondé sur des renseignements déjà disponibles, provenant de rapports d’ingénierie antérieurs. Elle ne comprenait pas d’évaluations sur le terrain. L’étude visait à fournir une comparaison des niveaux de crue basée sur la modélisation hydraulique unidimensionnelle et la hauteur des crêtes des digues recensées.

Nous avons également résumé les caractéristiques des digues, telles que la géométrie de leur coupe transversale, leur stabilité géotechnique, leur protection contre l’érosion, etc. Nous avons constaté qu’en général, les digues ne sont pas conformes aux normes provinciales. Cela est dû au fait que la modélisation numérique récente a permis d’établir des niveaux de crue de conception plus élevée et plus précise, et que les critères de conception des digues sont devenus plus stricts au fil du temps.

Si l’on considère la hauteur des crêtes des digues par rapport aux niveaux de crue de conception, 71 % des digues devraient céder par simple débordement pendant la crue de conception. Cette crue est la récurrence de la crue record de 1894. En ce qui concerne les autres caractéristiques, 87 % des digues ont été classées comme étant dans un état moins que correct. Les digues sont également vulnérables sur le plan sismique et subiraient des déformations et des déplacements dans l’éventualité d’un séisme majeur.

Compte tenu des coûts fonciers, le rehaussement des digues serait très coûteux et le respect des critères sismiques extrêmement difficile. Il convient d’accorder la priorité à la mise à niveau des digues et d’envisager d’autres mesures d’atténuation des inondations, tant structurelles que non structurelles. Il est nécessaire d’élaborer de toute urgence des plans de préparation aux situations d’urgence causées par une inondation.

Nous avons pris part à un certain nombre d’initiatives de gestion des inondations mises en œuvre par le Conseil du bassin du Fraser, mais ces initiatives sont dotées d’un budget limité, et les particularités de la protection contre les inondations restent à élaborer. L’adaptation aux répercussions du changement climatique, comme l’augmentation des débits de pointe et l’élévation du niveau de la mer, nécessitera, à l’avenir, des mesures beaucoup plus importantes.

L’inondation de novembre 2021 n’a pas été le résultat du débordement du fleuve Fraser, mais l’inondation peut être considérée comme une mini-crue du Fraser. Les dommages causés par l’inondation de conception du Fraser seraient au moins 10 fois plus importants que ce que nous avons observé en novembre.

Cela dit, je vais terminer l’exposé de NHC. Graeme Vass a travaillé avec moi à la mise en œuvre de ce projet, et c’est avec plaisir que nous répondrons ensemble à vos questions.

Le président : Nous allons passer aux séries de questions et, comme c’est l’usage, je rappelle à tous les sénateurs que nous disposons de cinq minutes pour poser des questions et obtenir des réponses. Si vous souhaitez poser une question, il vous suffit de le signaler. Vous pouvez soit lever la main dans la salle, soit lever la main sur la plateforme Zoom et je le noterai. Je lèverai la main quand il ne restera plus qu’une minute avant la fin de l’intervention. Je le mentionne simplement pour que tout le monde le sache, et nous procéderons à plusieurs séries de questions si cela s’avère nécessaire. Nous avons beaucoup de temps devant nous.

Sur ce, je cède la parole à notre vice-présidente, la sénatrice Simons, afin qu’elle pose la première question.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureuse que vous soyez parmi nous ce matin. J’ai tellement de questions à poser, et je suis heureuse que nous ayons le temps d’en poser un grand nombre.

Vous avez réalisé cette étude importante en 2015, et vous avez déclaré qu’à l’époque, il s’agissait d’une étude documentaire qui ne comprenait pas l’inspection réelle des digues. À votre connaissance, quand les digues ont-elles été inspectées physiquement pour la dernière fois? Puisque vous soutenez que 71 % d’entre elles ne sont pas conformes aux normes, à quand remonte la dernière fois que quelqu’un a réellement examiné l’état dans lequel elles sont maintenant?

Mme Mannerström : Je crois que cela n’a pas été fait. En 2003, le gouvernement provincial a délégué aux municipalités la responsabilité de gérer les inondations. Certaines municipalités ont accès à plus d’argent que d’autres, et elles sont parvenues à inspecter des digues par elles-mêmes. Nous avons participé à quelques-unes de ces inspections, mais certainement pas à la totalité d’entre elles. Alors que d’autres municipalités et d’autres autorités responsables de l’endiguement n’ont pas été en mesure de faire des inspections approfondies. Je pense que l’inspection annuelle des digues avant les crues fait partie de leur travail, mais les normes à respecter varient énormément.

La sénatrice Simons : En tant qu’experte dans ce domaine, recommanderiez-vous que la politique consiste à examiner le système d’endiguement dans son ensemble? Parce que, vraisemblablement, la seule façon de déterminer si l’infrastructure d’atténuation des inondations sera suffisamment résiliente, c’est de l’examiner comme un système complet, et non comme une digue isolée ici et là.

Mme Mannerström : Je suis tout à fait d’accord. Je pense qu’il serait très important d’analyser l’ensemble du système de manière générale parce que, dans de nombreux cas, si une digue cède, plusieurs collectivités seront touchées.

La sénatrice Simons : Ai-je le temps de poser une autre question?

Le président : Vous l’avez.

La sénatrice Simons : Si j’ai bien compris ce que vous avez dit à la fin, cette inondation n’a pas été causée par le débordement du fleuve Fraser, mais plutôt par celui de la rivière Nooksack et du lac Sumas. Vous ai-je bien entendu dire que si le fleuve Fraser sortait de son lit, les dégâts et l’étendue de l’inondation pourraient être 10 fois plus importants que ceux de l’année dernière?

Mme Mannerström : C’est exact. C’est mon estimation. En 2016, le Conseil du bassin du Fraser a retenu les services de Northwest Hydraulic Consultants afin que l’entreprise procède à une évaluation de la vulnérabilité de la vallée du bas Fraser. J’ai le sentiment que les chiffres calculés pourraient être dépassés maintenant, mais en tout cas, nous pensions qu’il y aurait des milliards de dollars de dommages, et si nous tenons compte du changement climatique pour prédire les conditions futures, nous arriverons à des dommages de l’ordre de 30 ou 40 milliards de dollars.

La sénatrice Simons : J’ai une dernière question à vous poser avant que nous passions à la personne suivante. Vous avez parlé des normes sismiques. La vallée du bas Fraser de la Colombie-Britannique est une zone sismique. Que faudrait-il faire pour respecter ces normes? J’essaie d’imaginer les conséquences d’une crue printanière survenant en même temps qu’une secousse majeure. Que faudrait-il faire pour que ces digues respectent les normes de résistance aux séismes?

Mme Mannerström : Cette situation est problématique, principalement parce que les digues ont été construites très près de la rivière. Le plus grand danger est qu’elles s’effondrent dans la rivière au cours d’un séisme. La probabilité qu’une crue et un tremblement de terre surviennent en même temps est très faible. Ce risque existe toujours, mais il est faible.

Les critères de stabilité sismique sont généralement fondés sur la rapidité avec laquelle la digue peut être reconstruite pour se protéger contre les inondations à venir. Compte tenu des sols qui sous-tendent les digues, elles sont très problématiques, et il serait très coûteux de remédier au problème.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup. Je pense que mes questions pourraient occuper tout le temps dont nous disposons, mais je sais que d’autres sénateurs ont aussi des questions à poser, alors je vous remercie infiniment de vos réponses.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins de s’être joints à nous. Je tiens simplement à poursuivre dans la foulée des questions qui viennent d’être posées. Une inondation pourrait survenir encore à tout moment cette année. Elle pourrait se produire à nouveau en novembre, en décembre ou en janvier. Les trois ordres de gouvernement ont-ils travaillé ensemble pour trouver des solutions concrètes?

Mme Mannerström : Nous faisons face à deux types d’inondations. Il y a les inondations dues à la fonte des neiges au printemps, et les inondations dues aux pluies à l’automne. Oui, des inondations pourraient se produire cette année, ainsi que l’année prochaine.

En ce qui concerne la fonte actuelle des neiges, je pense que le fleuve Fraser pourrait avoir un débit assez important, car la fonte des neiges est très lente cette année. Si nous devions connaître une rivière atmosphérique ou un dôme de chaleur conjugué au débit du fleuve Fraser, cela pourrait provoquer des niveaux de crue considérables.

Le sénateur Oh : Savez-vous qui assume la direction de ce projet? Le temps presse tellement à l’heure actuelle. Comme vous l’avez dit, le printemps pourrait apporter des inondations, une tempête de pluie pourrait survenir et le changement climatique est un gros problème que nous vivons en ce moment. Quelqu’un prend-il la tête de ce projet pour régler les problèmes rapidement?

Mme Mannerström : Notre gouvernement provincial joue un rôle dans la prévision des crues, en examinant à la fois le débit des rivières et les niveaux de crue. Il organise aussi des patrouilles d’endiguement lorsque les niveaux de crue sont très élevés. Monsieur Vass, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Graeme Vass, ingénieur hydrotechnicien, Northwest Hydraulic Consultants Ltd. : Je n’ai pas nécessairement grand-chose à ajouter à cela. Je ne suis pas sûr de connaître les mesures qui sont prises à l’heure actuelle pour résoudre ces problèmes.

Le sénateur Oh : Le gouvernement vous a-t-il tous informés des progrès réalisés? Vous connaissez bien la région. Le gouvernement vous consulte-t-il au sujet de la prochaine étape à franchir?

Mme Mannerström : En fait, hier encore, on a demandé à NHC de fournir un devis concernant une aide à la prévision des niveaux de crue. Nous travaillons souvent pour le gouvernement provincial, mais je crois savoir qu’ils manquent de personnel.

Le sénateur Oh : Il est très regrettable qu’un projet très sérieux manque actuellement de personnel.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie de votre rapport et de votre présence parmi nous ce matin. Je constate que, dans le cadre de votre travail, vous adoptez une approche très pragmatique fondée sur les sciences, la technologie, l’ingénierie et l’étude de l’histoire de la région. J’ai deux questions à vous poser, mais je garderai ma deuxième question pour la deuxième série de questions.

Ma première question est la suivante : compte tenu de vos connaissances, de votre expérience approfondie et de tous les outils dont vous disposez dans votre boîte à outils — je suis préoccupé par la vulnérabilité de cette région et par la possibilité que l’histoire se répète —, y a-t-il un moyen de mieux reconstruire en tirant des leçons et en utilisant tout ce que nous savons — y compris les connaissances traditionnelles que nous pouvons acquérir en travaillant avec les Premières Nations qui, comme vous l’avez mentionné, sont là depuis des temps immémoriaux — pour trouver des solutions qui augmentent nos probabilités de réussite à l’avenir? Nous nous attendons à ce que des inondations se produisent de nouveau, et il semble juste que nous devions — et je ne veux pas utiliser l’expression « affecter de l’argent à des situations catastrophiques » — chercher une stratégie révolutionnaire en comité parmi les solutions possibles. Je ne suis pas sûr que nous prenions ces solutions en considération autant que nous le devrions, et il se pourrait que nous commettions des erreurs semblables et que tout cela se reproduise.

Que pensez-vous de l’idée de mieux reconstruire?

Mme Mannerström : C’est une situation classique où l’on dit qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Si nous pouvions prévenir ou réduire les dommages causés par des inondations, nous économiserions beaucoup d’argent. Il y a tellement de mesures qui pourraient être prises, mais elles nécessitent un financement. Le fait qu’il n’y a pas assez de financement semble être le message à retenir à chaque fois.

Nous avons travaillé à la mise en œuvre d’un certain nombre de projets pour tenter de réduire les dommages causés par les inondations, mais leur portée est toujours limitée, et nous ne pouvons accomplir que très peu de choses. Si vous me posiez la question, je pourrais vous fournir une très longue liste des mesures qui, selon moi, devraient être prises.

Le sénateur Klyne : Je vous pose la question.

La sénatrice Simons : Veuillez nous fournir une longue liste.

Le sénateur Klyne : Ce serait formidable.

En ce qui concerne les limites du financement, il existe des moyens pour le Canada de réunir les ressources nécessaires, et pas seulement par l’intermédiaire de son propre trésor. Cependant, si nous devons engager ces dépenses tous les 10 ans, les coûts ne diminueront pas. Si nous pouvions investir dès maintenant, non seulement pour atténuer ce problème, mais aussi pour l’éliminer grâce à la mise en œuvre d’un important projet de canal qui redirigerait l’eau de ruissellement des montagnes et qui capterait peut-être même une partie de cette eau pendant une période d’inondation, nous pourrions gérer les eaux de crue. Et, en période de sécheresse, nous pourrions libérer une partie de cette eau.

J’aimerais vraiment savoir ce que vous pensez de cette idée. Peut-être que le temps est venu pour nous de faire d’énormes investissements pour faire obstacle à ces inondations à l’avenir. Ce serait formidable d’entendre vos réflexions au sujet de l’avenir, si vous disposez d’un rapport à ce sujet. Merci.

Mme Mannerström : Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que nous devons investir dès aujourd’hui pour prévenir les dommages futurs, car cela représenterait une économie considérable d’argent pour les contribuables.

Compte tenu du changement climatique, ce problème ne fera qu’empirer. Nous pouvons déjà le détecter dans nos relevés de débit et de précipitations. La situation ne fera que s’aggraver. Il est important que nous envisagions des mesures d’atténuation des inondations autres que le simple endiguement.

Le sénateur Klyne : Bravo!

Mme Mannerström : Le plus gros problème des digues est qu’elles accroissent en fait le risque. Elles entraînent une augmentation de la population et des développements qui occupent l’espace derrière les digues, et lorsque les digues cèdent, les dégâts sont beaucoup plus importants.

L’une des mesures que nous devons envisager de prendre consiste à reculer les digues pour accorder plus d’espace à la rivière. Dans le passé, nous nous sommes montrés âpres au gain en construisant des bâtiments très près des rivières. En particulier dans les zones de rétrécissement de la rivière, nous devons élargir ces zones afin que la capacité du canal soit plus grande.

L’enlèvement des sédiments est controversé parce qu’il a une incidence sur les habitats des poissons, mais il doit également être envisagé dans une certaine mesure, s’il est effectué d’une manière qui respecte l’environnement.

Le président : Merci.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie infiniment de vous être joints à nous ce matin.

En ce qui concerne votre longue liste de recommandations, je ne peux vous dire à quel point nous aimerions tous en prendre connaissance, selon moi. Par conséquent, dans la mesure où vous seriez disposés à investir un peu de temps pour nous donner au moins un résumé de cette liste, nous vous en serions reconnaissants. Madame Mannerström, vous semblez avoir une merveilleuse idée de ce qui a été fait et de ce qui ne l’a pas été.

Il y a une semaine, le chef Tyrone McNeil et Brenden Mercer nous ont livré un puissant témoignage concernant les restrictions qui leur sont imposées et l’incapacité des responsables à utiliser les connaissances et les pratiques traditionnelles pour prévenir la cascade de problèmes qui peuvent se produire, qui se sont produits l’automne dernier et qui se produiront probablement à nouveau dans un avenir pas trop lointain.

Si vous êtes prêts à dresser cette liste, pourriez-vous simplement vous assurer qu’elle nous aidera à mettre en avant les principaux conseils que vous souhaiteriez voir figurer dans notre rapport?

Pourriez-vous nous parler dès maintenant d’un, deux ou trois éléments clés de cette liste dont vous voudriez que nous discutions dans notre rapport sur cet événement, des éléments qui n’ont pas été atténués et qui ne le seront pas à l’avenir si aucune mesure n’est prise?

Mme Mannerström : Je serais heureuse de dresser une liste de projets. Je pense que cela deviendra une étude de délimitation pour nous. Il faudra que nous y réfléchissions longuement.

Nous travaillons avec les Premières Nations à la mise en œuvre de plusieurs projets. Les connaissances traditionnelles sont précieuses, et elles ont été négligées pendant bien trop longtemps. Pour bien faire les choses, il faudrait que nous réalisions un petit projet, une étude de délimitation de la portée des mesures, pour aller de l’avant, et je pourrai certainement fournir des détails sur ce qu’il faudrait faire à mon avis.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Petitclerc : Je remercie nos témoins de leur présence qui est très utile. Tant de bonnes questions ont déjà été posées, mais j’aimerais approfondir un point.

La semaine dernière, nous avons entendu des témoignages intéressants, tout comme aujourd’hui. Pendant que nous parlions de ce qui se passe maintenant et de ce que nous pouvons faire à l’avenir, un des témoins de la semaine dernière a mentionné le fait que la façon dont nous faisions les choses il y a maintes et maintes années n’était peut-être pas optimale. Ce n’était pas toujours une bonne idée de construire des bâtiments à certains endroits. C’est évidemment une conversation qu’il est très difficile d’avoir. Je ne m’interroge pas sur ce qui se passe maintenant, mais je me pose les questions suivantes : maintenant que nous sommes mieux informés, prenons-nous de meilleures décisions? Êtes-vous consultés lorsque de nouveaux projets ou développements sont envisagés? Avons-nous tiré des leçons des événements, et mettons-nous les populations, les organisations, les entreprises en danger?

Ce sont des questions importantes et une conversation difficile à avoir, mais j’aimerais connaître votre avis à ce sujet.

Mme Mannerström : Vous demandez si nous avons appris. Nous sommes en train d’apprendre. C’est un processus continu. Nous pouvons espérer que nous aborderons mieux la gestion des inondations à l’avenir.

Nous avons un très bon exemple avec la rivière Yakima, dans l’État de Washington, où le recul des digues a donné des résultats probants. Il y a quelques précédents en Colombie-Britannique, mais pas beaucoup. Je pense toutefois qu’il y a là une occasion d’apprendre de nos erreurs et de mettre de l’avant de nouvelles façons de faire.

La sénatrice Petitclerc : Merci. Permettez-moi de demander quelques précisions. Je ne suis pas une experte. Lorsqu’il y a une idée, un projet, qui pourrait être réalisé dans un territoire donné où il y a un certain risque d’inondation, êtes-vous consultés? Les entreprises qui vous consultent vous disent-elles : « Avez-vous des réserves quant à l’endroit que nous avons choisi? Est-ce une bonne idée? Quel est le degré de risque? » Ces consultations se font-elles plutôt après coup?

Mme Mannerström : Eh bien, elles se font surtout après coup, lorsqu’il y a eu un problème, une inondation. On est alors contraint d’agir en mode rétroactif, alors qu’il serait tellement mieux d’être proactif. Malheureusement, ce n’est pas ce qui arrive en général. Je pense que cela se résume principalement à une question de coûts. Les gens ne considèrent pas cela comme étant une priorité élevée, alors que ça devrait l’être.

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie.

La sénatrice Jaffer : Merci aux témoins d’être ici. C’était très intéressant. Comme vous le savez, madame Mannerström, beaucoup de fermes ont été construites là où il y avait des lacs, et c’est un problème. Quelques années plus tard, les lacs se souviennent qu’il y avait de l’eau à cet endroit, alors c’est un problème, comme vous le savez.

Néanmoins, il y a le conseil d’Abbotsford. Il y a notre province de la Colombie-Britannique, mais il y a aussi le comté de Whatcom, aux États-Unis, ainsi que Washington, D.C. Là-bas, le plus grand problème, c’est que les digues doivent être à deux mètres au-dessus du niveau du sol. Je ne pense pas que nous ayons réussi à les convaincre à ce sujet. Pouvez-vous parler gentiment du rôle des États-Unis à cet égard? Si je ne m’abuse, lors de la dernière inondation, l’eau venait en grande partie des États-Unis. Avez-vous des suggestions à formuler sur ce que nous pourrions faire pour améliorer notre situation là-bas?

Mme Mannerström : Je ne suis pas très au courant de ce qui se passe dans le comté de Whatcom. Nous avons un bureau du côté américain, et je sais qu’il travaille sur ce problème. Je crois savoir qu’ils sont assez novateurs et qu’ils envisagent de construire un deuxième canal vers la rivière Nooksack, qui pourra recueillir le trop-plein et permettre l’acheminement des sédiments vers un autre canal. Ainsi, il sera possible de faire passer la rivière dans l’autre canal tout en retirant des matériaux du premier canal. Ne me citez pas à ce sujet parce que je n’ai pas tous les détails, mais je crois que de très bons concepts sont à l’étude.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup. Je suis désolée de vous avoir mise dans une position inconfortable. Ce n’était pas mon intention. Je comprends aussi que, parfois, la planification qui se fait aux États-Unis ne cherche pas nécessairement à accommoder la Colombie-Britannique et le Canada. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez déjà entendu, ou non?

Mme Mannerström : Oui, je l’ai entendu dire. Nous avons la Commission mixte internationale qui s’occupe des questions relatives aux eaux transfrontalières. Je pense que cet organisme devrait également se pencher sur la rivière Nooksack.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup.

La sénatrice Simons : Cela a été extrêmement utile. J’aimerais revenir plus précisément sur ce qui s’est passé en Colombie-Britannique l’automne dernier. Techniquement parlant, pouvez-vous nous expliquer où les digues et les autres systèmes de gestion de l’eau ont cédé, provoquant ainsi la crise que l’on sait?

Mme Mannerström : Je peux essayer. À Abbotsford, il y a une digue dite d’interception qui protège la zone la plus basse du lac Sumas contre les inondations de la rivière Nooksack. La digue est construite pour déborder. C’est peut-être quelque chose que peu de gens savent, mais elle est construite pour déborder afin que les inondations soient mieux réparties dans toute la région. Si la digue d’interception était construite pour empêcher tout déversement vers le lac Sumas, cela provoquerait de très graves inondations de l’autre côté de la digue. Quoi qu’il en soit, cette digue a effectivement fonctionné comme prévu.

La sénatrice Simons : Donc le problème ici n’était pas la défaillance de cette digue. C’était juste le volume d’eau sans précédent de la Nooksack et de la... comment dit-on? Vous savez, la rivière dans le ciel.

Mme Mannerström : La rivière atmosphérique. C’est exact. C’était un phénomène extrême. D’autres bassins versants environnants — la Coquihalla, d’autres rivières plus loin à Langley et dans d’autres régions — ont atteint des niveaux extrêmes, et nous pouvons nous attendre à d’autres conjonctures de ce genre.

La sénatrice Simons : Nous sommes un comité du Sénat. Ce n’est pas nécessairement notre travail de fournir des recommandations aux gouvernements provinciaux ou municipaux. C’est notre travail de proposer des choses au gouvernement fédéral. Selon vous, quel leadership le gouvernement fédéral devrait-il exercer à cet égard, étant donné l’ampleur du problème et le fait qu’il s’agisse de voies navigables interprovinciales et de voies navigables internationales qui traversent la frontière américaine? Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait assumer un rôle de direction tant du point de vue financier que de celui de la planification concrète?

Mme Mannerström : Je dirais oui, absolument. Je pense d’ailleurs que cela permettrait aux contribuables d’économiser de l’argent à l’avenir.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

Le sénateur C. Deacon : Merci, sénatrice Simons. Vous avez fait un bien meilleur travail que moi en demandant des conseils bien précis. Je vous en remercie.

En parlant de ce que cela pourrait coûter si cela se produisait en aval, vous avez donné un chiffre qui était 10 fois le coût des dommages subis dans la région de Sumas, la région d’Abbotsford, l’année dernière. Vous avez ensuite dit que cela pourrait représenter 30 ou 40 milliards de dollars. Cela porte à croire que vous avez peut-être une idée du coût global de cet événement pour la région. Pourriez-vous nous en donner un aperçu? Merci beaucoup.

Mme Mannerström : Je n’ai pas de renseignements particuliers sur les coûts des dommages survenus. J’ai vu quelques chiffres dans les journaux, c’est tout. Je n’ai pas été mise à contribution pour évaluer ces dommages en détail. Les estimations que j’ai vues pouvaient atteindre 5 milliards de dollars. Je n’en suis pas certaine.

Le sénateur C. Deacon : S’il y a une source que vous nous recommandez de consulter à cet égard, nous vous en serions reconnaissants. De même, si vous le voulez bien, envoyez-nous cette liste de recommandations, en particulier en ce qui concerne la façon dont nous pouvons encourager le gouvernement fédéral à jouer un rôle de chef de file dans une situation qui, nous le savons, se reproduira. Merci.

Mme Mannerström : Je vous remercie.

Le président : Sur ce, chers collègues, il n’y a plus de questions, sauf s’il y a d’autres mains levées ou des questions de dernière minute?

La sénatrice Simons : J’ai l’impression que ces témoins sont trop bons pour qu’on les laisse partir.

Si vous deviez donner des conseils sur les priorités à établir — c’est un système à engrenages. Il y a différentes voies navigables, différentes collectivités, différents pays. D’un point de vue technique, quelles devraient être les premières étapes? Quelles devraient être les priorités absolues pour assurer la sécurité des personnes et des industries agricoles de cette collectivité unique en son genre?

Mme Mannerström : En tant qu’ingénieurs, nous ne sommes pas très spontanés. Nous avons besoin de nous isoler, d’étudier et de faire nos calculs. Dans ce cas, les calculs consisteraient à estimer le risque, principalement, à voir où se trouvent les principales déficiences et quels pourraient être les dommages causés par la défaillance des structures. Notre priorité devrait être d’éviter les pertes de vie, et cela consisterait peut-être à mettre en place des plans d’intervention d’urgence détaillés et à les mettre en pratique de manière à ce que les gens connaissent et comprennent les risques qui sont en jeu.

La sénatrice Simons : Merci. C’est tout un aspect dont nous n’avons pas encore parlé, la préparation aux situations d’urgence, c’est-à-dire savoir que ces choses peuvent échouer et ce que les plans de rechange devraient être pour préserver la sécurité des gens le plus possible en cas d’urgence. Merci beaucoup. Vous avez été une témoin exceptionnelle.

Le sénateur Klyne : J’aimerais simplement faire un lien avec cette dernière question et la réponse que vous avez fournie. Ce sera une question difficile, mais je cherche une réponse dans la zone générale qui correspond à cet indicatif régional.

Combien de temps prendrait l’étude dont vous dites qu’elle serait à l’opposé de la spontanéité et une approche plus pragmatique? Et quel serait le coût de la modélisation de tous ces scénarios, de toutes ces prédictions et de l’analyse des risques? Risques élevés, faibles coûts, risques élevés, coûts importants. Ce genre de choses.

Mme Mannerström : Souvent, nous trouvons que la meilleure approche est de commencer par une petite étude exploratoire où nous pouvons envisager des options, avoir une idée globale des problèmes et de la façon de les résoudre. Les études exploratoires peuvent coûter jusqu’à 100 000 $. Cela nous conduirait à une évaluation plus détaillée des options les plus prometteuses. Pour faire cela correctement, il faudrait un engagement beaucoup plus important.

Le sénateur Klyne : Combien de temps faudrait-il pour réaliser l’étape numéro un, l’étude exploratoire?

Mme Mannerström : Probablement environ une demi-année, dans ces eaux-là.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup, chers collègues. Madame Mannerström et monsieur Vass, merci beaucoup de votre participation aujourd’hui. Je pense que mes collègues vous ont dit que vos témoignages ont été très importants pour notre étude, et je vous remercie donc bien sincèrement de votre participation. Nous vous en remercions. Vous pouvez vous attendre à ce que nous fassions un rapport sur notre étude, et je pense que vous reconnaîtrez certains des messages que nous avons entendus aujourd’hui, car les vôtres ont été bien reçus.

Distingués collègues, je vous remercie de votre participation réfléchie et de vos questions très pertinentes. Je tiens à remercier nos interprètes et notre équipe logistique qui veillent à ce que tout fonctionne sans anicroche. Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons passer à huis clos, alors je vais momentanément suspendre la séance. Merci beaucoup à nos témoins.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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