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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 16 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence; et, à huis clos, pour étudier le projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard).

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, avant de commencer, je rappelle aux sénateurs et aux témoins qu’ils doivent garder leur microphone en sourdine en tout temps, sauf lorsque la présidence leur donne la parole.

En cas de difficultés techniques, notamment avec l’interprétation, veuillez m’en informer ou informer la greffière, et nous nous efforcerons de régler le problème. Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, veuillez communiquer avec le bureau de service ISD au numéro qui vous a été fourni.

L’utilisation de plateformes en ligne ne garantit pas la confidentialité de ce qui y est dit et ne garantit pas non plus qu’il ne puisse y avoir d’écoute illicite. Ainsi, durant les réunions du comité, tous les participants doivent donc être conscients de ces limites et prendre garde à restreindre la divulgation éventuelle de renseignements de nature confidentielle, privée et privilégiée du Sénat.

Les sénateurs devraient y participer depuis un lieu privé et être attentifs à leur entourage pour éviter de communiquer par inadvertance des renseignements personnels susceptibles d’être utilisés pour identifier leur emplacement.

Sur ce, bonjour à tous. J’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité ainsi qu’à nos témoins d’aujourd’hui — nous en avons deux groupes — et à tous ceux qui nous regardent sur le Web.

Je m’appelle Rob Black, sénateur de l’Ontario, et je suis président du comité. J’ai maintenant le plaisir de vous présenter les membres du Comité de l’agriculture et des forêts, en commençant par la vice-présidente, la sénatrice Simons, de l’Alberta. Nous avons aussi le sénateur Cotter, de la Saskatchewan, le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse, la sénatrice Jaffer, de la Colombie-Britannique, le sénateur Klyne, de la Saskatchewan, le sénateur Marwah, de l’Ontario, le sénateur Oh, de l’Ontario (Mississauga), et la sénatrice Petitclerc, du Québec (Grandville).

Mesdames et messieurs, le comité entreprend aujourd’hui son étude du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard), qui lui a été renvoyé le 7 juin.

J’aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du premier groupe. J’ai le plaisir d’accueillir l’honorable Diane F. Griffin, ancienne sénatrice, l’honorable Wayne Easter, C.P., ancien député de Malpeque, à l’Île-du-Prince-Édouard, et agriculteur, et M. Philip Brown, maire de Charlottetown.

Merci à tous de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous sommes ravis de vous accueillir. Nous entendrons les déclarations préliminaires de l’ancienne sénatrice Griffin, suivies de celles de M. Easter et du maire Brown. Vous disposez de cinq minutes chacun. Sénatrice Griffin, vous avez la parole.

L’hon. Diane F. Griffin, ancienne sénatrice, à titre personnel : Merci. Je suis heureuse de revoir tout le monde, et d’avoir aujourd’hui l’occasion de parler du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard).

Tout d’abord, je tiens à remercier la sénatrice Pat Duncan, du Yukon, d’avoir assumé la responsabilité de ce projet de loi lorsque j’ai pris ma retraite du Sénat. Ce qui l’a amenée à agir ainsi, c’est l’injustice de la situation actuelle de l’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard, et je la cite :

Je comprends la nécessité de deux régions dans un territoire aussi vaste que le Yukon, où Dawson City, avec plus d’emplois saisonniers et moins d’offres d’emploi, se trouve à cinq heures de route de Whitehorse.

Mon expérience à la commission des accidents du travail et, par la suite, à titre de représentante des travailleurs blessés auprès de la commission, ainsi que ma formation par l’entremise de la Foundation of Administrative Justice, m’ont incitée à agir surtout parce que je crois être, sur le plan politique, une tierce partie neutre en tant que sénatrice indépendante qui ne vient pas de l’Île-du-Prince-Édouard.

La division de l’Île-du-Prince-Édouard en deux zones économiques en 2014 a créé une injustice fondamentale pour les travailleurs, surtout ceux qui vivent dans la zone de Charlottetown, mais qui travaillent à l’extérieur de la région de la capitale. Les autres témoins vous donneront des exemples des effets négatifs que ce partage en deux zones peut avoir sur une petite population de 160 000 personnes.

L’an dernier, j’ai parlé de l’interpellation du sénateur Gold sur le budget fédéral de 2021, qui visait à attirer l’attention du Sénat sur la politique boiteuse de deux régions de l’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard. La Loi d’exécution du budget de 2021 se trouvait à codifier ce partage inutile de ma province.

Le gouvernement a fourni plusieurs raisons pour lesquelles il n’a pas pu appuyer la modification de la Loi d’exécution du budget l’an dernier. La première était les systèmes informatiques d’Emploi et Développement social Canada. Des fonctionnaires ont expliqué qu’il n’était pas possible pour le régime d’assurance-emploi d’avoir une seule zone pour les travailleurs saisonniers et deux zones pour les demandeurs réguliers d’assurance-emploi.

De plus, dans le cahier d’information du ministre, le gouvernement a dit qu’en raison des mesures temporaires liées à la COVID-19 qui faisaient augmenter artificiellement les taux de chômage, un changement au printemps 2021 n’était pas justifié, car les deux régions étaient temporairement les mêmes de facto.

Ces mesures temporaires sont maintenant expirées, et ce projet de loi réglerait le problème du système informatique en modifiant à la fois la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement.

Depuis plus de sept ans, le gouvernement fédéral promet aux habitants de l’île de revenir à une seule zone. Ce changement a souvent été proposé dans le cadre d’un vaste examen du régime d’assurance-emploi. Dans un rapport publié en juin 2021, le Comité permanent de la Chambre des communes chargé des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées a formulé une recommandation distincte pour EDSC : « rétabli[r] une seule région économique de l’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard dans un délai de 12 mois ».

Douze mois se sont écoulés sans que le gouvernement ne réagisse.

Le Sénat est bien placé pour examiner le retour à une seule zone de l’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard et pour amender le projet de loi afin d’assurer une bonne harmonisation avec les systèmes informatiques d’Emploi et Développement social Canada. Même si, entretemps, le gouvernement a pris des mesures pour revenir à une seule zone, il est tout de même très souhaitable qu’une mesure comme le projet de loi S-236 soit adoptée afin que l’approbation du Parlement soit nécessaire pour assurer une surveillance adéquate à l’avenir.

Bien qu’elle soit la plus petite province, l’Île-du-Prince-Édouard demeure un partenaire égal au sein de la Confédération. Le Sénat doit intervenir dans ce dossier, dans le but de renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes. C’est une façon pour le Sénat de jouer un des rôles que lui reconnaît la Constitution, celui de donner une voix aux intérêts régionaux, surtout dans les régions de faible population. Je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui.

Le président : Merci, sénatrice Griffin. J’ai oublié de dire à nos témoins que je vais lever la main à une minute de la fin, pour que vous ayez une idée du temps qu’il vous reste. Sénatrice Griffin, vous n’avez pas dépassé votre temps de parole.

Nous passons maintenant à l’honorable Wayne Easter. C’est à vous, monsieur Easter.

Wayne Easter, C.P., ancien député de Malpeque et agriculteur, à titre personnel : Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, je vous remercie de vous pencher sur cette question. Je suis très heureux de pouvoir parler du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard).

Son objet est d’établir que l’Île-du-Prince-Édouard constitue une région aux fins de l’application des parties I et VIII de la Loi. C’est une question qui hante — le mot n’est pas trop fort — depuis maintenant huit ans les travailleurs, surtout les travailleurs saisonniers, qui vivent dans ce qu’on appelle la « zone de Charlottetown ».

J’imagine que d’autres personnes vous ont expliqué les conséquences du partage en deux zones. Je vais en parler brièvement, mais la question centrale ici est la justice et l’équité de la Loi sur l’assurance-emploi et de son règlement pour les habitants de l’île.

Comme vous le savez, j’ai été député de la circonscription de Malpeque pendant environ 28 ans. J’ai vu beaucoup de changements à l’assurance-emploi au cours de cette période et j’ai vu leurs effets sur les travailleurs, les familles et les entreprises, mais je n’ai jamais rien vu d’aussi injuste pour certains d’entre eux, ceux qui résident dans ladite zone de Charlottetown, que les changements apportés en octobre 2014.

En fait, la zone de Charlottetown n’est pas du tout la zone de Charlottetown. Elle va presque jusqu’au mont Stewart à l’est, et elle s’étend à l’ouest jusqu’à la localité de Hunter River, sans toutefois l’inclure. Vers le nord, elle s’étire par une espèce d’étroit embranchement vers Cavendish et s’arrête près de Toronto Road. Cependant, à l’est de cet embranchement, il y a un bloc qui comprend South Rustico et Cymbria et qui redescend au sud aussi loin qu’Ebenezer, qui se trouve dans l’autre zone.

J’espère que les recherchistes de votre comité vous ont fourni la carte qui montre clairement les deux zones. Il est essentiel que la carte montre bien les localités pour que vous puissiez les voir.

En dehors de Charlottetown proprement dite, de Cornwall et de Stratford, il n’y a que des régions rurales à l’Île-du-Prince-Édouard. Les fonctionnaires vous diront que la zone 1, Charlottetown, correspond à l’agglomération de recensement de Charlottetown et que la zone 2 comprend tout le reste de l’île. Regardez la carte et demandez-vous qui diable a pu imaginer cette ligne et cette zone, et pourquoi?

Mais, honorables sénateurs, je tiens à être très clair : il ne s’agit pas de distinguer entre régions urbaines et rurales. L’Île-du-Prince-Édouard tout entière devrait être traitée comme une seule zone, et les travailleurs, quel que soit leur lieu de résidence, devraient être traités de façon juste et équitable dans toute l’île.

Examinons les données géographiques et démographiques. L’Île-du-Prince-Édouard mesure 140 milles de long et entre 2 et 40 milles de large. En mai dernier, sa population était de 166 000 habitants, dont 86 000 sur le marché du travail, et son taux de chômage était de 7,8 %.

Est-ce que cela vous paraît logique d’avoir deux zones dans une île de cette taille et de cette population?

Examinons maintenant rapidement les conséquences d’avoir deux zones. À un certain moment, au point le plus aberrant, je pense, un résident de la zone alambiquée de Charlottetown devait travailler 665 heures pour toucher des prestations d’assurance-emploi pendant 14 semaines. Un résident de la zone rurale, par contre, devait travailler 490 heures pour toucher des prestations pendant 20 semaines. Cependant, surtout dans les industries saisonnières, les gens ne travaillent pas seulement dans la zone où ils habitent. C’est une petite province, et le tourisme saisonnier est la deuxième industrie en importance.

C’est du secteur de Riverdale Road que je recevais le plus grand nombre de plaintes. Riverdale Road est la ligne de démarcation entre les zones 1 et 2, qui part de la partie sud de la circonscription. Les voisins des deux côtés du chemin travaillent chez New Glasgow Lobster Suppers, mais à la fin de la saison, le travailleur de la zone 2 avait droit à l’assurance-emploi. Son voisin d’en face dans la zone 1 n’y avait pas droit. Certains ont dû se trouver un autre emploi pour accumuler les heures donnant droit à l’assurance-emploi.

C’était la même chose pour d’autres qui vivaient en ville et qui allaient travailler dans les entreprises touristiques. La situation a nui non seulement aux travailleurs, mais aussi aux exploitants d’entreprises touristiques, qui avaient du mal à attirer la main-d’œuvre nécessaire. En fin de compte, c’est injuste et inéquitable, et cela n’a pas de sens.

Comment en sommes-nous arrivés là? Ce partage a été fait pour des raisons bassement politiques en 2014 par le gouvernement précédent, et le gouvernement actuel a échoué lamentablement à le corriger, pour des raisons politiques également. Il y a des divergences entre les députés et, naturellement, le député d’Egmont devrait protéger ses intérêts parce qu’il y aurait moins d’assurance-emploi dans sa circonscription s’il n’y avait qu’une seule zone. Mais le véritable enjeu est la justice et l’équité. Quant à savoir s’il faut redresser la situation globale du rendement de l’assurance-emploi, c’est une autre question qui nécessite des changements au régime lui-même.

Je suis prêt à répondre aux questions. Merci beaucoup de m’avoir écouté.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Easter. Nous passons maintenant au maire Brown.

Philip Brown, maire de Charlottetown, Ville de Charlottetown : Bonjour, tout le monde. Je vous salue depuis la belle capitale de l’Île-du-Prince-Édouard.

[Français]

Je suis très heureux d’être ici en tant que représentant de la Ville de Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, pour présenter notre avis sur le projet de loi S-236 et sur les régions économiques du Canada.

[Traduction]

Je tiens à remercier les sénatrices Griffin et Duncan, ainsi que l’honorable Wayne Easter, pour tous les efforts qu’ils ont consacrés à ce projet de loi S-236. Je tiens aussi à remercier M. Carl Pursey, qui fera partie du deuxième groupe de témoins et qui représente la P.E.I. Federation of Labour.

Au nom de la Ville de Charlottetown et de ses citoyens, je remercie le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts de me donner l’occasion de discuter de la teneur du projet de loi S-236 en ce qui concerne la situation des régions économiques du Canada.

Sur les 62 régions économiques, il y en a quatre qui entourent les capitales des trois territoires et la nôtre ici à l’Île-du-Prince-Édouard. Ce qui distingue ces quatre régions économiques, c’est qu’elles sont divisées en deux zones pour déterminer l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. La Ville de Charlottetown et les localités environnantes en forment une, et l’honorable Wayne Easter vous en a parlé. Il a donné d’excellents exemples de localités formidables, mais il reste que la zone couvre plus grand que la ville elle-même. Donc, Charlottetown et les localités environnantes se trouvent dans une zone, et le reste de la province, dans l’autre.

Étant donné que l’admissibilité à l’assurance-emploi est fondée sur le taux d’emploi dans la zone, les résidents de Charlottetown et des localités environnantes reçoivent des prestations moins élevées que ceux du reste de la province. Cela entraîne des injustices graves et inacceptables pour de nombreux vaillants habitants de l’île et leurs familles.

Bref, les résidents de deux zones différentes qui travaillent ensemble reçoivent des prestations différentes ou peuvent même ne pas en recevoir du tout, comme l’a signalé l’honorable Wayne Easter. Par exemple, les travailleurs de la zone de Charlottetown ont dû travailler plus de 700 heures — mes chiffres diffèrent un peu de ceux de M. Easter — pour avoir droit à 36 semaines de prestations, alors que ceux qui vivaient dans le reste de la province ont eu droit à 45 semaines de prestations après 525 ou 490 heures de travail.

L’ironie, c’est que les prestations dépendent de l’endroit où vous vivez et non de l’endroit où vous travaillez. C’est non seulement injuste et inéquitable, mais cela mine aussi les principes de justice économique et sociale.

Le problème a été soulevé à maintes reprises depuis l’établissement des zones il y a huit ans. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a critiqué l’arbitraire qui a présidé à la création de ces zones. Elle a conclu que le partage de l’Île-du-Prince-Édouard en deux zones était une erreur et qu’il fallait la corriger. Elle a recommandé que le processus de révision des zones soit dépolitisé.

C’est une opinion partagée par l’actuel conseil municipal de Charlottetown et les précédents, qui ont tous adopté des résolutions pour s’opposer aux modifications effectuées en 2014. Des résolutions semblables ont été adoptées par les localités avoisinantes de Cornwall et de Stratford, dont les résidants sont également touchés. Le député de Charlottetown, Sean Casey, s’est également engagé publiquement à rétablir la zone économique unique pour la province, une mesure que son parti a promis de mettre en œuvre durant la campagne électorale de 2015.

La politique des deux zones ne tient pas compte du fait que l’Île-du-Prince-Édouard est une petite province ayant un taux élevé d’emplois saisonniers. Cette politique a des répercussions financières très néfastes sur les travailleurs et leurs familles, sans parler du stress et des problèmes de santé mentale qu’elle occasionne. Tous les travailleurs doivent être traités de manière juste et équitable.

Mesdames et messieurs membres du comité permanent, l’Île-du-Prince-Édouard est une seule île et une seule communauté, et elle devrait constituer une seule et même zone. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous.

Le président : Merci beaucoup à nos témoins. Nous allons maintenant passer aux questions.

Comme d’habitude, je rappelle aux sénateurs qu’ils auront quatre minutes pour poser des questions et obtenir des réponses. Je vous demande donc de poser des questions brèves et je demande aux témoins d’être également succincts dans leurs réponses. Si vous avez une question, levez la main. Si vous êtes dans la salle, attirez mon attention. Nous allons commencer. Nous avons une liste. Si le temps le permet, nous ferons un deuxième tour de questions si cela est nécessaire.

La sénatrice Simons : Comme c’est agréable de vous revoir, sénatrice Griffin. Vous nous avez manqué.

Je veux comprendre la genèse de cette division. Je pense qu’aucun de vous ne faisiez partie du gouvernement qui a pris cette décision, mais d’après votre compréhension, pouvez-vous nous expliquer de votre mieux ce qui a motivé la décision de diviser la province en deux zones économiques aux fins de l’assurance-emploi?

M. Easter : Je vais essayer de répondre. Je ne veux pas blâmer un gouvernement précédent ni mon propre gouvernement parce que ni un ni l’autre ne s’en est bien sorti dans ce dossier. Selon moi, la raison qui a incité l’administration précédente à prendre cette décision, c’est le fait que ces changements augmentaient les revenus liés à l’assurance-emploi dans la circonscription d’Egmont, représentée par le ministre. Cette région avait un taux de chômage plus élevé et ces changements signifiaient que vous pouviez travailler moins d’heures et toucher des prestations d’assurance-emploi durant une plus longue période. C’est exactement ce qui s’est passé.

La totalité de la ville de Charlottetown est dans la zone de Charlottetown. Près de la moitié de la circonscription de Malpeque, la mienne, une région surtout rurale, se trouve dans la zone de Charlottetown. Les circonscriptions de Cardigan et de Malpeque sont scindées et la capitale se trouve entièrement dans la zone de Charlottetown. Les travailleurs de cette zone doivent travailler plus d’heures pour obtenir peu de revenus.

Quand vous accueillez des témoins, jetez un coup d’œil à la carte. Comment pouvez-vous — je ne sais pas comment les fonctionnaires peuvent justifier ce découpage de la carte. Cela n’a aucun sens pour moi. Deux maux ne font pas un bien. L’administration actuelle n’a pas réussi à corriger la situation, malgré sa promesse. En 2016, un comité de la Chambre a recommandé que ce changement soit fait, mais il n’est pas encore fait parce que je pense qu’il y a une divergence d’opinions parmi les députés de l’Île-du-Prince-Édouard à ce sujet.

La sénatrice Simons : Il y a deux manières de rendre la situation équitable. L’une consiste à rehausser les prestations de tout le monde et l’autre, de réduire les prestations de tout le monde. Si vous revenez à une zone unique, les résidants de la province s’inquiètent-ils du fait qu’il y aura des gagnants et des perdants? N’est-ce pas ce qui arrivera?

M. Easter : Oui. Il y a une inquiétude. Et je souligne aussi que dans le contexte actuel, si ce changement avait lieu, il y aurait moins d’argent de l’assurance-emploi d’injecté dans l’économie de la province dans son ensemble.

Vous avez soulevé un bon point. Tout le monde doit être augmenté. Et si le régime n’apporte pas suffisamment de revenus pour les prestataires de l’assurance-emploi, il faut quand même faire ce changement. C’est une question de justice et d’équité.

Cette situation nuit également aux entreprises. Cavendish est la grande région touristique. C’est là que je me trouve en ce moment. Les entreprises ont beaucoup de difficulté à recruter du personnel parce que les gens de Charlottetown, qui doivent se rendre là-bas en voiture, risquent de ne pas pouvoir toucher leurs prestations d’assurance-emploi, à cause de la situation actuelle dans le secteur touristique. Cela empêche donc les entreprises d’attirer des travailleurs.

Le sénateur C. Deacon : Je m’attendais à passer une magnifique journée, mais le fait de revoir d’anciens collègues la rend encore plus belle. Vous me rappelez tous les deux le grand vide que vous avez laissé en quittant la Colline du Parlement.

Monsieur Easter, vos propos étaient passionnants. Merci pour votre résumé de la situation. Croyez-vous que les fonctionnaires qui ont pris ces décisions étaient déjà allés à l’Île-du-Prince-Édouard? Sur quels critères se sont-ils appuyés, bon sang, et comment ont-ils pu faire cela? Oui, d’accord, ils avaient un motif bassement politique, mais je ne comprends quand même pas comment vous pouvez appliquer les règles différemment d’une province à l’autre. C’est certainement le cas, parce que si je regarde différentes zones du pays, je ne vois rien qui ressemble à cela, comme vous l’avez fait remarquer. Comment expliquer cette saillie qui pointe vers le golfe Saint-Laurent à partir de Charlottetown? Cela n’a aucun sens.

Premièrement, croyez-vous que les fonctionnaires sont allés sur place? Deuxièmement, pourquoi notre régime d’assurance-emploi est-il basé sur le lieu de résidence et non sur le lieu du travail? Quelle est la logique? Notre but n’est-il pas d’aider les gens à se trouver des emplois et à travailler? N’est-ce pas le facteur important? S’ils doivent se déplacer pour aller travailler et qu’ils sont prêts à le faire, c’est merveilleux parce qu’au moins, ils travaillent. Où est la logique? Vous pouvez peut-être me donner un peu de contexte sur ces deux points.

M. Easter : Ce fut toujours agréable de travailler avec bon nombre d’entre vous dans le passé.

Je ne sais pas si je peux vous expliquer la logique, mais je pense qu’ils sont allés à l’Île-du-Prince-Édouard. À mon avis, il n’y a pas de logique. Je pense qu’il s’agit d’une décision politique imposée aux fonctionnaires, et ils ont dû essayer de justifier la décision.

En politique, nous faisons parfois des choses insensées, y compris mon gouvernement et ses prédécesseurs. En l’instance, il s’agit simplement d’une mauvaise décision qui a été prise pour sauver le siège d’un ministre. Personnellement, j’aime bien le ministre.

Je vais vous signaler une anomalie sur cette carte. J’espère que vous l’avez sous les yeux. Vous voyez que la localité de Hunter River n’est pas dans la zone. Au sommet de la colline, le village de Rennies Road se trouve dans la zone de Charlottetown. Entre Rennies Road et le restaurant New Glasgow Lobster Suppers, qui emploie de nombreux travailleurs durant la saison touristique, il y a environ trois kilomètres, peut-être un peu moins. La localité de Hunter River, qui se trouve à moins d’un kilomètre plus loin, est dans la zone rurale. Est-ce que cela est logique? Et ces deux localités sont traitées différemment.

Je pense donc qu’il n’y a aucune logique. C’est une décision politique qui a été imposée. Regardez l’agglomération de recensement, comme ils l’appellent. Je pense qu’elle a été trafiquée pour justifier la décision et en arriver aux chiffres qu’ils voulaient.

Le sénateur Klyne : Je vais poser ma question à M. Easter, pour la simple raison que vous avez beaucoup insisté sur ce point. Trois choses me frappent ici. Premièrement, l’injustice dans le calcul du nombre de semaines que vous devez travailler et de la durée des prestations dans une région, par rapport au temps de travail que vous devez accumulé dans une autre région pour toucher des prestations pendant un nombre plus élevé de semaines, même si vous avez travaillé moins d’heures. C’est une injustice flagrante.

L’autre commentaire que vous avez fait, c’est « une île, une communauté » qui me fait penser aux travailleurs qui font la navette. C’est une population de navetteurs, je dirais. Si vous vivez à Charlottetown et que vous travaillez à l’extérieur de la région, vos prestations d’assurance-emploi seront moins élevées qu’elles le seraient si vous viviez plus près de votre lieu de travail, à l’extérieur de Charlottetown.

Ces deux commentaires nous ramènent au cœur du sujet, soit la justice et l’équité. Comment vous a-t-on expliqué, à vous et aux personnes concernées, qu’il s’agissait là d’une pratique acceptable et qu’aucun changement n’était envisagé? Je pense à la Saskatchewan. C’est une province beaucoup plus vaste. Elle compte quatre zones — Regina, Saskatoon, le nord de la Saskatchewan et le sud de la Saskatchewan. Je n’ai pas examiné de près les différences quant au nombre d’heures de travail requises et aux périodes correspondantes de prestations. Mais comment vous explique-t-on la situation, pourquoi est-ce ainsi?

De plus, pouvez-vous nous parler davantage de toute la dimension politique et de ce qui arriverait si on supprimait les deux zones pour en faire une seule région économique? En quoi est-ce une perte pour certains intérêts politiques?

M. Easter : Sénateur Klyne, je connais bien la Saskatchewan. J’ai vécu à Saskatoon par intermittence durant une dizaine d’années quand j’étais président du Syndicat national des cultivateurs. La différence, c’est que chez vous, vous faites une heure et demie de route pour aller prendre un café et cela vous semble normal. À l’Île-du-Prince-Édouard, si vous faites 10 minutes de route, vous trouvez ça long.

Je vous signale que le maire Brown et moi-même ne vous avons pas donné les mêmes chiffres quant au nombre d’heures travaillées et au nombre de semaines de prestations. Ces chiffres changent au fil du temps en fonction des taux de chômage, il y a donc toujours eu des variables durant les huit dernières années. Oui, beaucoup de résidants de l’île font le trajet en auto jusqu’à la région de Cavendish pour y travailler, car c’est la grosse région touristique en été, sans porter attention à ces zones. Mais je veux revenir à ce que je disais. Le fait de ne pas pouvoir accumuler le nombre d’heures requis par l’assurance-emploi cause du tort aux entreprises du secteur touristique parce qu’il leur est difficile d’attirer ces travailleurs saisonniers.

Je ne peux vraiment pas vous dire comment on nous a expliqué cela, parce que je n’ai jamais accepté cette explication, quelle qu’elle soit. Je pense que tout cela a été fait pour les mauvaises raisons.

La sénatrice Jaffer : Merci, monsieur le maire, et merci également à nos deux anciens collègues. C’est un grand plaisir de vous revoir. Je ne me souviens plus combien d’années nous avons travaillé ensemble dans le passé.

Je ne suis pas surprise, parce que je viens de la Colombie-Britannique et je n’ai jamais compris certaines des décisions que j’ai prises à Ottawa. J’aimerais savoir si vous avez été consultés à ce sujet, ne serait-ce que superficiellement?

M. Easter : L’administration précédente ne nous a pas consultés. Elle a simplement pris la décision à des fins politiques. Cette décision n’a pas été prise en consultation avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada qui, normalement, devrait avoir son mot à dire dans ce genre de décision. Ce n’a pas été le cas. La décision a été prise et appliquée.

Avec l’actuelle administration, oui, nous avons eu beaucoup de discussions à ce sujet. Toutefois, nous n’en sommes jamais arrivés à rétablir la zone unique.

La sénatrice Jaffer : Il ne me reste que quelques minutes, je vais donc poser ma question seulement à M. Easter. Ce qu’on oublie dans tout cela, ce sont les répercussions dévastatrices sur les gens de l’Île-du-Prince-Édouard. Pouvez-vous expliquer cela au comité? Au bout du compte, ce sont vraiment les gens qui importent. Quand vous prenez ce genre de décisions arbitraires, des gens en souffrent.

Vous avez siégé au Parlement pendant 28 ans. Pouvez-vous nous donner quelques exemples des répercussions de cette décision?

M. Easter : Cela nuit aux amitiés. Comme je l’ai dit au sujet du chemin Riverdale, il peut arriver que deux voisins habitent d’un côté et de l’autre de la route, dans deux zones différentes. L’un d’eux pourrait percevoir des prestations d’assurance-emploi et l’autre pas. Si les deux sont admissibles aux prestations, celui qui réside dans la zone de Charlottetown pourrait les toucher durant une période beaucoup moins longue que l’autre. Vous voyez votre voisin ou votre voisine toucher des prestations durant quatre à six semaines de plus que vous, alors que vous avez travaillé au même endroit. C’est tout à fait inacceptable. Voilà le problème.

Comme je l’ai dit, les entreprises en souffrent également parce qu’elles ne peuvent attirer des travailleurs dans le secteur touristique.

La sénatrice Jaffer : Merci à tous les trois de votre présence.

La sénatrice Petitclerc : Merci à nos témoins. Sénatrice Griffin, c’est un plaisir de vous revoir. Vous nous manquez.

Comme vous le savez, nous accueillerons M. Carl Pursey au cours de la prochaine heure. Je veux vous lire un passage de l’un des articles que j’ai lus pour me préparer à cette réunion. Dans cet article, M. Pursey dit à peu près ceci :

Certaines personnes n’arrivent pas à être embauchées parce que l’employeur leur demandera où elles habitent. Si elles habitent dans la zone de Charlottetown, il ne va pas les embaucher parce qu’il sait qu’elles doivent travailler un plus grand nombre de semaines pour être admissibles à l’assurance-emploi et que son entreprise ne sera pas ouverte pendant un si grand nombre de semaines.

J’aimerais simplement savoir si vous pensez que ce qu’il a dit est toujours pertinent. C’était il y a un an et demi. Quelle est l’ampleur de ce genre de problèmes?

Ma question s’adresse aux deux témoins et bien entendu à la sénatrice Griffin, si vous voulez intervenir.

M. Easter : Allez-y, chers collègues. J’ai eu la parole pendant un bon moment.

Mme Griffin : Je n’ai pas vécu cette situation personnellement. Comme M. Pursey fera partie du prochain groupe de témoins, j’espère que vous lui poserez la question, parce qu’il est sûrement au courant. Je ne connais pas les détails, mais je vous remercie d’avoir posé la question.

M. Brown : Madame la sénatrice, je peux vous donner l’exemple de ma fille qui a travaillé au Bell Aliant Centre ici à Charlottetown en tant qu’étudiante. Emma Louise vivait à Charlottetown et sa collègue du centre aquatique habitait dans la zone 1. Quand elles se sont inscrites à l’assurance-emploi pour poursuivre leurs études à l’université de l’Île-du-Prince-Édouard, son amie qui habite dans la zone 1 avait un taux plus élevé de prestations et avait besoin d’avoir travaillé moins de semaines, tandis que ma fille touchait des prestations moins élevées et pendant une période plus courte.

C’est un exemple familial. Mais Carl Pursey vous donnera d’autres exemples. J’ai aussi l’exemple de Carl Phillis, qui a travaillé d’arrache-pied pour trouver une solution à ce problème. Il a adressé de nombreuses lettres au Sénat et au Parlement. Voici ce qu’il écrivait dans l’une d’elles :

J’ai fait une étude sur les raisons et les techniques des fonctionnaires et du gouvernement fédéral qui font en sorte que des travailleurs saisonniers temporaires se voient refuser les prestations d’assurance-emploi, même si l’employeur et l’employé ont cotisé à l’assurance-emploi au moyen des retenues à la source prévues par la loi.

Ainsi, deux employés qui paient des cotisations égales au régime, n’ont pas droit aux mêmes prestations. Petite province... ce n’est pas équitable. Merci.

Mme Griffin : J’ai connu Carl Phillis dont le président a parlé. Il est décédé quelques semaines après que je l’ai rencontré, car je voulais qu’il m’en dise davantage sur cette situation. J’ai assisté à ses funérailles. Je ne l’ai donc vu que deux fois. Il travaillait pour la Ville de Charlottetown qui avait fait de son mieux pour que ses semaines d’AE lui soient payées. Cependant, il devait se renseigner régulièrement et, chaque année, on lui accordait un nombre de semaines de chômage différent.

C’était un artiste qui a grandement contribué à la société. Mais c’était une personne qui a été durement touchée par ce qui s’est passé après 2014. Merci.

Le président : Merci beaucoup, sénatrice Griffin.

Le sénateur Cotter : Merci beaucoup aux trois témoins qui se sont joints à nous. C’est un plaisir de vous voir tous trois aujourd’hui.

Je suis sénateur de la Saskatchewan, mais j’ai passé énormément de temps à l’Île-du-Prince-Édouard. J’ai enseigné à la faculté de droit de l’Université Dalhousie pendant près de 20 ans, et j’ai eu l’impression de former la moitié des avocats de l’Île-du-Prince-Édouard, à leur plus grand désespoir sans doute.

Je me suis acheté une carte routière après mon arrivée à l’Île-du-Prince-Édouard, et j’ai constaté qu’elle est de la même taille que celle de la Saskatchewan. J’ai été surpris par la rapidité avec laquelle on se rend d’un bout à l’autre de l’île. C’était comme se rendre à mi-chemin entre Moose Jaw et Regina.

Tous ceux qui connaissent l’Île-du-Prince-Édouard savent qu’il s’agit d’une seule et même collectivité d’un bout à l’autre, pas seulement sur le plan des relations personnelles, mais aussi sur le plan de la structure économique. On peut aller à un souper de homard et rencontrer quelqu’un qui travaille là, mais qui vient de Charlottetown. L’incongruité de cette situation est frappante. En fait, j’ai même l’impression que cela joue dans la façon dont les décisions normales d’affaires et d’embauche sont prises tant par les employés que par les employeurs. L’assurance-emploi peut poser des défis à une économie qui tourne rond, mais les aspects pervers de son dysfonctionnement créent des inefficacités qui ne devraient pas exister pour les gens, les entreprises et les collectivités.

Je ne sais pas si ma question s’adresse à monsieur le maire ou à M. Easter. J’ai lu les documents que vous avez soumis, monsieur le maire. On y laisse entendre que les choses changeraient si les quatre députés de l’Île-du-Prince-Édouard pouvaient s’entendre, ce qui n’est pas le cas, car l’un d’eux n’est pas d’accord. J’aimerais savoir si cette affirmation est exacte et comment il se fait qu’un gouvernement puisse décider d’une politique provinciale et accorder un droit de veto à un député. Franchement, cela me semble politiquement inacceptable.

M. Brown : Pour revenir sur ce qu’a dit le sénateur Klyne de la Saskatchewan, il se trouve que j’ai vécu un an à Swift Current. C’est une belle province, une énorme province qui est effectivement découpée en quarts de section et en huitièmes de section. À l’Île-du-Prince-Édouard, ce pourrait être huit sections complètes. Vous avez raison, sénateur.

Parlons de la lettre de Carl Phillis. Il était obsédé par le mauvais traitement dont il se disait victime, notamment parce que le régime d’assurance-emploi est régi par une commission qui administre les cotisations des employés et des employeurs. C’est une décision politique que le gouvernement a prise.

On m’a parlé de la question, monsieur le sénateur de la Saskatchewan. Il faut l’unanimité pour modifier le régime. À mon avis, ce n’est pas digne d’une démocratie équitable.

Je ne sais pas si M. Easter peut ajouter quelque chose.

M. Easter : J’ajouterais rapidement ceci, sénateur. Je ne crois pas que les choses puissent fonctionner ainsi et que l’on aboutirait forcément à un résultat si les quatre députés étaient d’accord. J’ai participé à cet exercice et ma circonscription était divisée en deux zones. J’étais d’avis qu’il aurait fallu instaurer une seule zone. Le député de Charlottetown pensait aussi qu’il fallait créer une seule zone. Le ministre, lui, était un peu sur la défensive en tant que membre du Cabinet, alors il ne pouvait pas prendre de décision, et le député d’Egmont était contre, mais il faut comprendre ses raisons.

Dans le scénario actuel, s’il y avait une seule zone, le taux de chômage diminuerait et les prestations d’AE baisseraient quelque peu. L’impact serait négatif sur ses électeurs, mais cela ne libère pas le gouvernement de ses responsabilités. Le gouvernement lui-même devrait examiner la question du point de vue de la justice et de l’équité du régime et, si le niveau des prestations diminuait, nous aurions affaire à une question de politique différente qui devrait être traitée par le gouvernement lui-même.

Je comprends le député d’Egmont. Nous n’aurions pas dû nous retrouver dans cette situation. Nous sommes directement concernés et comme c’est un élu local, ses électeurs pourraient penser qu’il fait des compromis sur leur dos. C’est à l’ensemble du gouvernement de prendre la décision.

Le sénateur Marwah : Je remercie encore une fois nos témoins et je suis tout particulièrement heureux de voir la sénatrice Griffin. Nous sommes tous deux entrés au Sénat le même jour. Bonjour, chère ancienne collègue.

Vous avez deux régimes dont l’un est plus généreux que l’autre. Dans quelle mesure pensez-vous qu’ils tendront tous deux vers une bonification des prestations? Est-on entre les deux extrêmes, ou va-t-on vers une diminution des prestations? Quelles sont les conséquences de la décision prise? Quel est le coût économique de ce changement? Parle-t-on de plus ou de moins d’argent pour les prestataires, et de quel montant au juste? Je vois que le directeur de la Direction des politiques de l’assurance-emploi sera le prochain à prendre la parole. Il sera peut-être mieux placé pour répondre à cette question, mais j’aimerais connaître votre opinion.

Mme Griffin : Je peux commencer, même si les deux témoins qui m’accompagnent ont probablement plus d’expérience dans le dossier qui nous occupe. Dans ce cas-ci, le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard, dans sa stratégie de lutte contre la pauvreté, aimerait effectivement que tout le monde puisse voir sa situation s’améliorer. Il ne s’agit pas d’un revenu annuel garanti, mais d’un mécanisme répondant essentiellement au même objectif social. Il aimerait donc que le régime soit le plus avantageux possible pour tous les habitants de l’île.

M. Easter : Pour répondre brièvement à votre question, sénateur, je dirais que les montants de l’assurance-emploi fluctuent constamment en fonction du taux de chômage dans les diverses zones, de sorte que les coûts et les prestations changent en conséquence. Il est donc très difficile de répondre précisément à votre question si ce n’est pour dire : « Bon, le chômage est à tel ou tel niveau. À combien les prestations devraient-elles s’élever et à combien de semaines les gens devraient-ils avoir droit? »

Il existe un tableau. La Loi sur l’assurance-emploi contient un tableau — j’ai oublié de quelle annexe il s’agit, à la fin — qui indique un rapport entre le taux de chômage, le nombre de semaines de prestations, et ainsi de suite. Il faudrait donc le consulter.

Mais, encore une fois, je reviens au fait qu’il s’agit d’une question de justice et d’équité. Quand on parle d’une population de 166 000 personnes, d’une main-d’œuvre d’environ 87 000 personnes, pourquoi avoir deux zones?

Le sénateur Marwah : Monsieur Easter, je suis d’accord pour dire que c’est une question de justice et d’équité, mais seriez-vous satisfait si tout le monde passait au niveau inférieur?

M. Easter : Ce serait beaucoup mieux que tout le monde passe au niveau supérieur, mais cela relève d’une décision de nature politique. En réalité, la Loi sur l’assurance-emploi doit être suffisamment avantageuse pour celles et ceux qui travaillent dans des industries saisonnières et qui attendent que les emplois reviennent. C’est une question fondamentale.

Le sénateur Klyne : J’aimerais revenir sur la question du sénateur Marwah. Il me semble que, si personne n’est lésé, tout le monde se retrouvera au niveau supérieur. Quelqu’un a-t-il mis les chiffres sur la table pour voir de quoi nous parlons en ce qui concerne l’ampleur des coûts, et pour savoir si l’économie, face à la création d’emplois envisagée, sera en mesure de composer avec la croissance du marché du travail?

M. Easter : Il faudrait consulter la loi, sénateur. Les gens cotisent, et il faudrait consulter la loi pour voir si cela s’équilibrerait. Il y a des moments où la caisse de l’AE est déficitaire et d’autres où elle est excédentaire, et cela vaut aussi pour le Trésor.

Ce serait peut-être une bonne question à poser aux fonctionnaires. Il ne fait aucun doute que, dans le scénario actuel, si vous passez au niveau supérieur, cela coûtera plus cher, mais est-ce que vous obtiendrez une plus grande productivité en retour, et ferez-vous travailler les gens dans l’industrie touristique de la zone 1?

Le sénateur Klyne : J’essaie de comprendre l’ampleur du problème. S’agit-il de quelque chose qui va acculer le pays à la faillite, ou s’agit-il d’une erreur d’arrondi?

M. Easter : Nous sommes loin d’une erreur d’arrondi.

Le sénateur C. Deacon : Pour autant que vous sachiez, monsieur Easter, rien à l’époque ne laissait entendre que la création de deux zones était une mesure de réduction des coûts, mais que cela obéissait à une justification économique. Est-ce exact?

M. Easter : Honnêtement, je ne me souviens pas de ce qui a été dit. La décision a été prise, et je ne pense pas qu’il y ait vraiment eu de justification.

Le sénateur Cotter : Brièvement, et si j’ai bien compris ce qui vient de se dire, s’il l’on se retrouve avec une seule zone, les taux de chômage seront fusionnés et les règles de l’assurance-emploi s’appliqueront en conséquence. Au final, les prestataires verront généralement leurs prestations augmenter, parce que l’ajustement se fera en leur faveur, mais on assistera à un ajustement modeste à la baisse en fonction du niveau établi pour les prestataires se trouvant dans une zone où ils sont actuellement avantagés.

M. Easter : C’est bien cela.

Le président : Merci beaucoup. Je présente mes excuses à mes collègues qui étaient peut-être inscrits pour le deuxième tour ou qui n’ont pas eu la chance de poser de question cette fois-ci.

Sénatrice Griffin, monsieur Easter et monsieur le maire Brown, merci beaucoup pour vos témoignages. Nous vous sommes très reconnaissants de votre aide dans le cadre de l’étude de ce projet de loi.

Chers collègues, pour notre deuxième groupe de témoins aujourd’hui, nous entendrons des représentants de la Direction des politiques de l’assurance-emploi d’Emploi et Développement social Canada, soit M. George Rae, directeur, Caroline Cantin, gestionnaire, et Mona Nandy, directrice générale par intérim. De la Commission de l’assurance-emploi du Canada, nous entendrons M. Pierre Laliberté, commissaire des travailleurs et travailleuses, et, de la P.E.I. Federation of Labour, M. Carl Pursey, président. De la Chambre de commerce de Charlottetown, nous accueillons M. Bill DeBlois, président et M. Robert Godfrey, chef de la direction.

Je remercie les témoins de s’être joints à nous aujourd’hui. Nous allons entendre la déclaration liminaire de M. Rae qui sera suivi de M. Laliberté, de M. Pursey et de M. DeBlois. Vous avez chacun cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire et c’est vous qui avez la parole, monsieur Rae.

George Rae, directeur, Direction des politiques de l’assurance-emploi, Emploi et Développement social Canada :

Bonjour, honorables sénateurs, je suis directeur exécutif par intérim à la Direction de la politique de l’assurance-emploi à Emploi et Développement social Canada. Mona Nandy est la directrice générale par intérim et Caroline Cantin est gestionnaire.

Je tiens à souligner que nous nous joignons à vous depuis Ottawa, territoire non cédé des Algonquins Anichinabés.

Nous sommes ici aujourd’hui pour vous parler du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi. Ce projet de loi propose des modifications à cette loi qui ramèneraient la province de l’Île-du-Prince-Édouard à une seule région économique d’assurance-emploi.

Le régime de l’assurance-emploi divise le pays en 62 régions économiques de l’AE, dont les frontières sont fondées sur les unités géographiques établies ou utilisées par Statistique Canada. Depuis 2014, l’Île-du-Prince-Édouard est divisée en deux régions : l’une qui comprend la capitale, Charlottetown, et l’autre qui couvre le reste de l’île.

Le taux de chômage mensuel propre à chaque région économique de l’assurance-emploi est utilisé pour déterminer le nombre d’heures assurables dont les travailleurs ont besoin pour être admissibles aux prestations régulières de l’AE. Le taux de chômage a également une incidence sur la durée de leurs prestations régulières et sur le calcul du taux de prestations hebdomadaires.

Les régions économiques de l’AE ont pour objet de faire en sorte que les personnes vivant dans des régions où les conditions du marché du travail sont similaires soient traitées de la même manière en termes d’admissibilité aux prestations, de taux de prestations et de durée des prestations.

Les régions économiques de l’AE sont une composante fondamentale du régime de l’assurance-emploi, lui permettant de s’adapter aux changements des conditions économiques qui touchent les marchés du travail locaux.

La Commission de l’assurance-emploi examine les frontières des régions économiques de l’assurance-emploi au moins une fois tous les cinq ans. Le but de ces examens est de déterminer s’il est approprié d’apporter des changements à ces frontières pour représenter l’homogénéité au sein d’une région de l’assurance-emploi.

L’examen des frontières de l’AE est un processus en plusieurs étapes qui nécessite une analyse approfondie du marché du travail et des données géographiques. Une fois l’examen des frontières terminé, la Commission de l’assurance-emploi peut formuler des recommandations visant à modifier les frontières ou à maintenir le statu quo. En 2021, la commission a choisi de conclure l’examen des frontières de 2018.

Les modifications aux frontières des régions économiques de l’AE sont généralement mises en œuvre par le biais de modifications réglementaires et requièrent l’approbation du gouverneur en conseil.

En 2012, un examen des taux de chômage dans les territoires a permis d’identifier des différences dans les réalités du marché du travail entre les zones des capitales et celles hors capitales au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et, par la suite, à l’Île-du-Prince- Édouard.

En conséquence, à compter du 12 octobre 2014, l’Île-du-Prince-Édouard et les territoires ont été divisés en régions de la capitale et en régions autres que la capitale, ce qui porta de 58 à 62 le nombre total de régions économiques de l’assurance-emploi au Canada.

Lors du changement des régions de l’Île-du-Prince-Édouard en 2014, la différence du taux de chômage entre la nouvelle région économique de Charlottetown, 8 %, et la nouvelle région économique de l’Île-du-Prince-Édouard, 11,7 %, était de 3,7 points de pourcentage. En comparaison, le taux pour l’ancienne région agrégée de l’Île-du-Prince-Édouard au cours du mois précédant le changement était de 9,8 % et s’appliquait à tous les prestataires de l’Île-du-Prince-Édouard à ce moment-là.

Par conséquent, en 2014 un prestataire d’assurance- emploi dans la nouvelle région de l’Île-du-Prince-Édouard avait droit à plus de semaines de prestations d’assurance- emploi qu’un prestataire de la nouvelle région de Charlottetown en raison du taux de chômage plus élevé.

Actuellement, selon les taux en vigueur au 12 juin, la région de Charlottetown a un taux de chômage de 7,3 % tandis que la région de l’Île-du-Prince-Édouard a un taux de chômage de 8,7 %, soit une différence totale de 1,4 point de pourcentage.

Comme vous le savez, le dernier examen des frontières a commencé à l’automne 2018 et s’est terminé en juin dernier. Le gouvernement étudie les conclusions de l’examen et déterminera si des changements sont nécessaires.

En plus de continuer à travailler avec le commissaire des travailleurs et travailleuses et la commissaire des employeurs à la Commission de l’assurance-emploi sur cette question importante, le programme de l’assurance-emploi continuera de surveiller et d’analyser les tendances du marché du travail à mesure qu’elles se manifestent dans tout le pays et initiera le prochain examen des frontières en 2023.

Cette analyse servira à déterminer les changements éventuels apportés ultérieurement aux régions économiques de l’assurance-emploi pour que le système continue de répondre aux besoins actuels et à venir des travailleurs et des employeurs.

Merci.

Le président : Merci beaucoup.

Monsieur Laliberté, c’est à vous.

Pierre Laliberté, commissaire des travailleurs et travailleuses, Commission de l’assurance-emploi du Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à commenter le projet de loi S-236. Vous abordez un sujet un peu frustrant pour moi, à titre de commissaire. Je remplis cette fonction depuis 2016 et je me rends compte qu’il est extrêmement difficile d’apporter des changements ou des corrections aux régions de l’assurance-emploi.

Comme l’a dit tout à l’heure M. Rae, il faut procéder à un examen tous les cinq ans, mais le gouvernement n’est pas tenu d’y donner suite. Depuis 2000, aucune correction n’a été effectuée, sauf en 2014.

En politisant à outrance cette question, nous empêchons carrément le programme de s’adapter comme il le devrait. Je rappelle que les prestations et leur durée sont fixées en fonction des taux de chômage locaux.

Cela dit, je dois m’inscrire en faux contre ce qu’a dit M. Rae, parce que, en expliquant comment fonctionne le processus, il semble avoir laissé entendre que c’est l’examen qui a mené aux changements apportés en 2014. Or, ce n’est pas le cas. Aucun examen de ce genre n’a été effectué à l’époque, et les changements ont été apportés par le gouvernement au pouvoir à ce moment-là. En l’occurrence, la commission et les commissaires ont été confrontés à une décision prise sans leur participation.

Je vous demande instamment de corriger la situation et de donner à la commission le pouvoir de faire ces corrections.

J’attire votre attention sur le fait qu’il y a 62 régions en tout. En créant une série de nouvelles petites régions en 2014, nous avons créé une anomalie. En général, les régions de l’assurance-emploi comptent au moins 100 000 travailleurs. Ces deux régions en comptaient environ la moitié. Si nous avions suivi le processus habituel en essayant de trouver un équilibre entre une région homogène et une région suffisamment grande pour que Statistique Canada procède à un échantillonnage valable permettant d’obtenir des données fiables sur le chômage d’un mois à l’autre, ce n’est probablement pas ainsi que les choses se seraient passées.

L’exemple le plus extrême est celui d’Iqaluit, qui compte 5 000 habitants. Si nous avions appliqué le principe d’Iqaluit à toutes les divisions de recensement du Canada, nous aurions près de 350 régions de l’assurance-emploi.

Il faut donc créer un certain équilibre. Il n’est jamais parfait, et il y a toujours des gens qui auront de bonnes raisons de remettre en question le fondement de la décision, mais c’est à partir de là que nous devons travailler. Nous utilisons les données des divisions de recensement et nous essayons de les colliger d’une façon qui semble logique.

Dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard, je ne pense pas que ce serait arrivé si nous avions utilisé les chiffres habituels. Je vais m’arrêter ici. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Monsieur Pursey, c’est à vous.

Carl Pursey, président, P.E.I. Federation of Labour : Je vous remercie de me donner l’occasion de parler de cette question très importante.

Le problème a commencé lorsque Gail Shea, ancienne députée conservatrice sous le gouvernement de Stephen Harper, a annoncé les deux zones en 2014. Cette décision a profité aux prestataires d’assurance-emploi de sa circonscription d’Egmont, car c’est la seule circonscription qui n’ait pas été touchée par cette répartition. Les trois autres circonscriptions l’ont toutes été.

Cela peut être corrigé du jour au lendemain, comme cela s’est fait dans une région de l’Alberta. On y a utilisé une partie de nos renseignements, et le premier ministre actuel a modifié la répartition.

À l’Île-du-Prince-Édouard, c’est un enjeu électoral courant qui touche les trois autres circonscriptions, surtout Charlottetown. Depuis 2014, beaucoup d’habitants et de responsables politiques locaux de tous niveaux, ainsi que notre fédération, demandent au gouvernement d’annuler cette modification. Le gouvernement provincial conservateur a écrit à la ministre Qualtrough pour lui proposer d’envisager des modifications au Règlement sur l’assurance-emploi dans le but de rétablir l’Île-du-Prince-Édouard en une seule région économique.

J’ai parlé à des travailleurs qui vivent dans la zone rurale et travaillent aux côtés de travailleurs de l’autre zone et qui estiment que ce n’est pas juste. Tous ceux qui travaillent au même endroit devraient être traités équitablement, et tous les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard devraient en bénéficier également, où qu’ils vivent.

Certains travailleurs m’ont dit que, lorsqu’ils se présentent à une entrevue d’emploi, on leur demande dans quelle zone ils habitent. S’ils vivent dans la mauvaise zone, ils ne trouveront pas de travail, parce qu’il leur faut plus de semaines pour être admissibles à l’assurance-emploi qu’une personne vivant dans la zone rurale. Ils savent qu’ils vont devoir chercher du travail ailleurs pour avoir le nombre de semaines les rendant admissibles aux prestations.

L’Île-du-Prince-Édouard est une si petite région, dont les travailleurs vont et viennent pour travailler, qu’il est insensé de la diviser en deux régions économiques.

J’habite dans une zone et je traverse une zone rurale pour me rendre à Charlottetown, qui est une autre zone. Cela n’a aucun sens. Vous pouvez voir sur la carte cette longue saillie de la zone de Charlottetown. Les travailleurs de l’Île-du-Prince-Édouard se déplacent dans toutes les directions, entrant dans les différentes zones et en sortant, pour trouver du travail, et il est injuste de fonder l’assurance-emploi sur le lieu de résidence. Ceux qui ont une adresse rurale peuvent obtenir des prestations d’assurance-emploi pendant plus de semaines que les autres et recevoir plus d’argent qu’eux tout en ayant besoin de travailler moins d’heures pour être admissibles. C’est injuste.

La plupart des gens qui travaillent dans des entreprises saisonnières travaillent au salaire minimum ou à peine plus. Ces travailleurs sont touchés parce qu’ils n’ont pas assez de prestations d’assurance-emploi pour vivre jusqu’à la saison suivante en raison de la zone dans laquelle ils vivent.

L’Île-du-Prince-Édouard dépend des entreprises saisonnières, puisque les travailleurs sont employés dans les secteurs du tourisme, de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche et qu’ils ne peuvent pas trouver de travail pendant les mois d’hiver étant donné que ces entreprises ne fonctionnent pas en raison de la neige et de la glace.

La pénurie de main-d’œuvre actuelle n’est pas un enjeu en hiver, puisqu’il n’y a pas de travail pour ces travailleurs, et on ne devrait donc pas les pénaliser en faisant des coupures dans le régime d’assurance-emploi. En ce moment, tous les travailleurs travaillent dans ces entreprises.

Lorsque nous serons rétablis en une seule zone, nous aimerions qu’Ottawa applique les conditions les plus favorables de chacune des deux zones économiques actuelles à toute la province. Les mesures temporaires adoptées en raison de la COVID-19 ont compensé certaines lacunes du régime d’assurance-emploi. Il faudrait les prolonger jusqu’à ce que le régime d’assurance-emploi soit définitivement fixé.

Cette question a été suffisamment étudiée; il faut maintenant la régler.

Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Monsieur DeBlois, vous avez la parole.

Bill DeBlois, président, Chambre de commerce de Charlottetown : Bonjour. Je suis le président de la Chambre de commerce de Charlottetown et le fier propriétaire-exploitant de Buns and Things Bakery, une petite entreprise de Charlottetown. Au nom de la Chambre de commerce et de son conseil d’administration, je remercie le comité de m’avoir invité à venir parler du régime d’assurance-emploi et du projet de loi S-236, qui sont un sujet important.

La Chambre de commerce de l’agglomération de Charlottetown est la plus importante Chambre de commerce de l’Île-du-Prince-Édouard. Nous représentons plus de 1 100 petites entreprises et environ 20 000 employés. Depuis 1887, nous sommes la voix des entreprises de l’agglomération de Charlottetown.

Nous appuyons le programme d’assurance-emploi. Il est important d’avoir des filets de sécurité pour les employés licenciés ou sans travail. Le programme est à nos yeux nécessaire pour offrir un revenu temporaire aux personnes provisoirement sans emploi. Nous sommes conscients de la complexité du programme fédéral d’assurance-emploi, du rôle qu’il joue dans l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard et de son mode d’intégration aux entreprises saisonnières.

Nous appuyons l’amendement proposé. Beaucoup de nos membres ont exprimé des préoccupations au sujet des deux zones distinctes et du manque de parité entre elles. Il y a des disparités entre les deux zones, les gens de la région de Charlottetown recevant des prestations d’assurance-emploi moindres que les résidants des régions rurales de la province. Si je suis un employeur à Charlottetown, je ne veux pas être en concurrence avec ce qu’un employé pourrait considérer comme des conditions favorables du point de vue de l’assurance-emploi dans la zone rurale, sans compter que ces zones dépendent du lieu de résidence et non du lieu de travail.

Nous appuyons l’idée d’une zone unique parce qu’elle garantit des règles du jeu équitables pour les employeurs et les employés en matière d’assurance-emploi. Ce qui nous préoccupe, c’est le climat de travail actuel. Nous faisons face à une pénurie de main-d’œuvre quasiment sans précédent. Il y avait des postes vacants et il était difficile de trouver de la main-d’œuvre avant la pandémie, mais le problème n’a fait que s’aggraver depuis. À la fin de mars de cette année, 9 520 résidants touchaient des prestations d’assurance-emploi. Selon le dernier rapport, non désaisonnalisé, de Statistique Canada, le taux de postes vacants à l’Île-du-Prince-Édouard était de 5,6 % en mars de cette année.

Il y a quelque chose qui ne va pas quand certains — pas tous, mais certains — touchent des prestations malgré l’existence de postes vacants auxquels ils auraient accès. Nous invitons le comité à recommander au gouvernement un examen exhaustif du programme d’assurance-emploi. Nous devons nous concentrer sur les moyens d’aider les gens à retourner au travail.

En mars, nous avons chargé quatre groupes de réflexion de déterminer les moyens de renforcer notre main-d’œuvre. Les groupes étaient composés de représentants d’entreprises de divers secteurs. En passant, les groupes et leurs membres ont dit et répété que le maintien en poste est un énorme problème dans tous les secteurs d’activité en ce moment. Nos propres membres expliquent qu’il est difficile de trouver du personnel et de le garder longtemps. Certains estiment qu’il faut modifier le programme d’assurance-emploi pour que les gens restent au travail.

Nos membres s’inquiètent également des retombées de l’annonce de 2017 visant à inclure les étudiants de niveau postsecondaire dans le programme Connexion Carrière pour leur permettre de toucher des prestations d’assurance-emploi pendant leurs études postsecondaires. La Chambre de commerce a entendu des députés dire que c’est en raison de ce changement qu’il est plus difficile de trouver des étudiants pour occuper des emplois à temps partiel. Nos membres estiment qu’un examen exhaustif du programme d’assurance-emploi permettrait de s’assurer que ce programme reste un filet de sécurité.

Certaines mesures susceptibles de découler de cet examen pourraient consister à augmenter le nombre de semaines de travail exigibles pour avoir accès au soutien de l’assurance-emploi, de telle sorte que les employés restent en poste et que les actifs soient plus nombreux. L’examen devrait également produire des solutions permanentes aux problèmes saisonniers.

Honorables sénateurs, nous vous remercions de votre temps et vous demandons respectueusement d’appuyer l’adoption du projet de loi S-236 et de recommander la mise en œuvre d’un examen du programme d’assurance-emploi actuel. Nous sommes confrontés à un problème de main-d’œuvre qui doit être réglé, et un examen du programme est l’un des nombreux moyens par lesquels il est possible d’atténuer le problème et de consolider notre filet de sécurité sociale pour les employés qui ont parfois besoin d’une aide temporaire. Je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de ce sujet.

Le président : Merci beaucoup au témoin. Nous allons maintenant passer aux questions. Quatre minutes par sénateur. Si nous en avons le temps, nous aurons une deuxième série.

La sénatrice Simons : Ma première question s’adresse à M. Rae. Si j’ai bien compris, vous dites que les taux d’emploi étaient très différents entre, disons pour simplifier, la zone urbaine et la zone rurale. Vous avez dit que l’écart était beaucoup plus important en 2014 qu’aujourd’hui. C’est bien cela?

M. Rae : Merci, sénatrice. Oui, c’est bien cela. Les taux actuels sont de 7,3 % dans la région économique de Charlottetown et de 8,7 % dans celle de l’Île-du-Prince-Édouard.

Pour ce qui est des taux ultérieurs au changement apporté en octobre 2014, ils étaient de 8 % à Charlottetown et de 11,7 % dans la nouvelle région économique de l’Île-du-Prince-Édouard. L’écart était de 3,7 points de pourcentage. Le taux de chômage global dans l’Île-du-Prince-Édouard était de 9,8 % en 2014.

La sénatrice Simons : Mais le fait est que, s’il y a jamais eu de justification au changement apporté en 2014, elle semble s’être évaporée, sinon complètement, du moins en très grande partie.

M. Rae : À un moment donné, oui, puisque les taux ont récemment convergé. À l’époque, en 2014, ils étaient plus élevés.

La sénatrice Simons : En général, quand la différence est faible à ce point, est-ce quand même suffisant pour justifier deux zones?

M. Rae : Il est difficile de vous répondre étant donné que nous tenons compte des conditions communes du marché du travail et des taux de chômage. En général, une différence d’un point de pourcentage, si elle se situe dans les taux du tableau des semaines variables... en général, une différence de 1 % donnera lieu à un traitement différentiel des prestations.

La sénatrice Simons : Merci.

Monsieur Laliberté, avant que je manque de temps, vous avez dit qu’à votre avis, ces changements ne devraient pas être politisés. Mais c’est un processus politique. Par ailleurs, vous semblez dire que, en 2014, c’était aussi un processus politique. Pensez-vous que le processus risque d’être encore plus politisé si on donne suite à cet amendement ou à ce projet de loi? Ou sommes-nous, en fait, en train de rétablir l’équilibre?

M. Laliberté : C’est une question intéressante. En un sens, vous corrigez un tort. La décision initiale était effectivement politique. Je le rappelle, la Commission a du mal à garder au processus son caractère administratif. De concert avec le ministère, nous avons adopté un processus fondé sur des critères objectifs pour fixer les zones.

En fait, j’ai un peu de mal à vous répondre. En un sens, vous vous appuyez sur un processus qui est déjà politisé. Que ce soit opportun ou non, je vous en laisse juge. Je peux vous dire, en tout cas, que ce n’est pas un processus que la Commission a approuvé.

La sénatrice Simons : Deux erreurs s’annuleraient donc l’une l’autre? Ou voulons-nous essayer de rendre ce processus aussi apolitique et administratif que possible, ce qui pourrait être l’idéal?

M. Laliberté : Eh bien, c’était un peu ce que je voulais dire tout à l’heure. Il serait bon de laisser simplement la Commission faire son travail. Le processus ne devrait pas être politisé. C’est toujours litigieux, n’est-ce pas? Les perdants dans ce processus seront toujours plus bruyants que les gagnants. En ramenant la question au Parlement, par exemple, vous allez nécessairement produire ces allers-retours. Ce serait certainement mieux si... Nous avons une Commission. Laissez-la faire son travail. D’accord? Merci.

Le sénateur Oh : Merci aux témoins. Jusqu’à maintenant, nous n’avons entendu que des commentaires négatifs. J’aimerais poser la question suivante. En 2014, le changement de zone a fait suite à un processus politique. Aujourd’hui, que se passera-t-il si nous devons en revenir à la situation précédant 2014? La situation dont j’entends parler ce matin n’améliore pas la croissance économique et elle a créé beaucoup de chômage dans différentes zones. Si nous en revenions à 2014, que se passerait-il?

Le président : À qui adressez-vous la question?

Le sénateur Oh : Au représentant de l’assurance-emploi d’abord, M. Rae.

M. Rae : Je vais essayer de répondre. Je vous remercie de votre question, sénateur. Le processus de modification des régions économiques de l’assurance-emploi est un processus réglementaire qui est confié à la Commission pour l’adoption des règlements et au gouverneur en conseil pour leur approbation. C’est prévu à l’alinéa 54w) de la Loi sur l’assurance-emploi. C’est ainsi que le processus se déroule dans des circonstances, disons, normales.

La Commission prend les règlements, lesquels sont approuvés par le gouverneur en conseil en vertu du pouvoir que lui confère la Loi sur l’assurance-emploi.

Le président : Les autres témoins ont-ils des commentaires?

M. Laliberté : Si je peux me permettre, je ne sais pas si votre question portait sur l’impact ou le processus. Mais, s’il s’agissait de l’impact, je pense qu’on a dit tout à l’heure qu’il y aurait des pertes dans une région et des gains dans les autres. C’est ce qui se passerait, et il n’y aurait pas ce facteur de division dont nous parlons depuis une heure.

Le sénateur C. Deacon : Merci aux témoins. Monsieur Rae, vous nous avez expliqué comment les zones économiques sont fixées à partir des données de recensement de Statistique Canada, l’objectif étant de garantir équité et justice en matière d’admissibilité à telle durée et à tel taux de prestations dans les régions. C’est bien cela?

M. Rae : Oui, sénateur. Je dois cependant préciser une chose. L’alinéa 54(w) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’on utilise les unités géographiques de Statistique Canada pour fixer les limites des zones de l’assurance-emploi. Ce n’est pas au ministère de l’Emploi et du Développement social de délimiter ces zones. Nous devons simplement nous appuyer sur les données de l’Enquête sur la population active pour déterminer le taux de chômage régional et sur celles des enquêtes de Statistique Canada pour délimiter ces unités géographiques. La loi exige donc qu’on utilise les unités géographiques de Statistique Canada pour fixer limites des zones de l’assurance-emploi.

Le sénateur C. Deacon : Garantir équité et justice en matière d’admissibilité à telle durée et tel taux dans les régions. C’est bien cela?

M. Rae : L’objectif ultime est de veiller à ce que les travailleurs dont la situation sur le marché du travail est comparable soient traités de la même façon par le régime d’assurance-emploi du point de vue de leur admissibilité aux prestations et du calcul du taux de ces prestations. Oui, c’est bien cela.

Le sénateur C. Deacon : Êtes-vous d’accord avec M. Laliberté lorsqu’il dit qu’il y a généralement 100 000 travailleurs par zone au pays?

M. Rae : Il y a 62 régions économiques de l’assurance-emploi, et à y réfléchir, la population active est évidemment moins nombreuse dans les territoires qu’ailleurs.

La région économique de l’assurance-emploi de l’Île-du-Prince-Édouard comprend l’agglomération de recensement de Charlottetown. Cette région compte moins de 100 000 habitants. Je ne suis donc pas sûr que le seuil de 100 000 soit une règle absolue. Mais je peux vous dire que d’autres régions économiques de l’assurance-emploi comptent moins de 100 000 habitants.

Le sénateur C. Deacon : Si j’ai bien compris, vous avez participé aux premières étapes de ce processus, quand il est entré en vigueur en 2014. N’est-ce pas?

M. Rae : Je ne suis pas certain de comprendre la question, sénateur. Je connais les changements...

Le sénateur C. Deacon : Vous étiez au courant et vous étiez actif à ce moment-là, donc vous devez savoir ce qui s’est passé. À votre avis, est-ce que l’objectif d’équité concernant la durée et le taux des prestations a été atteint grâce à la création des deux zones et à la façon dont elles ont été conçues? J’ai souvent pris la route 224 et je changeais de zone trois ou quatre fois entre le début et la fin. D’après vous, a-t-on atteint l’équité?

M. Rae : Sénateur, je ne sais pas comment vous répondre au sujet de l’équité. Mais je peux vous dire que le système des régions économiques de l’assurance-emploi vise à créer des conditions semblables pour les travailleurs qui se trouvent dans la même situation sur le marché du travail.

Je ne peux pas me prononcer sur la question de savoir si les changements apportés en 2014 étaient justes ou non.

Le sénateur Klyne : Ma question s’adresse probablement à un représentant d’EDSC.

Il est clair pour moi que l’Île-du-Prince-Édouard est une seule et même collectivité, dont les travailleurs qui font la navette tous les jours et dont les activités sont normalement associées à une île et à une même collectivité, de sorte qu’elle devrait être l’unité géographique normalisée pour l’analyse de l’activité régionale.

Cela ne devrait pas simplement servir à faciliter la collecte de données par Statistique Canada. C’est une vaste collectivité sur un petit territoire, et il devrait être possible de recueillir des statistiques sur cette île. Il y a trois divisions de recensement. Je ne sais pas pourquoi il est nécessaire de créer deux régions économiques ou de considérer ce territoire comme deux régions économiques.

Il est évident que, pour les travailleurs qui font la navette tous les jours, il n’y a pas de frontière. Je ne vois pas pourquoi Statistique Canada aurait besoin de ces régions économiques pour faciliter la collecte de données. Il aurait fallu, me semble-t-il, inviter Statistique Canada à s’expliquer ici. Est-ce qu’un représentant d’EDSC peut me dire ce qu’il en pense? À mon avis, c’est inacceptable.

M. Rae : Je vais essayer de répondre, sénateur. Comme je l’ai dit tout à l’heure, Statistique Canada fixe les unités géographiques que nous utilisons et, en vertu de la loi, nous sommes tenus de les utiliser. Je m’en tiendrai là. C’est ce qu’exige la loi.

Le sénateur Klyne : Tout ce que je peux dire, c’est que les lois, les règlements et les politiques deviennent parfois obsolètes ou ne conviennent plus à la situation. Il faut donc que quelqu’un fasse, non pas une entorse à ces principes, mais une recommandation juste et équitable. Merci.

Le président : Est-ce que vous vous adressiez à quelqu’un, sénateur Klyne? Ce n’était pas une question, mais un commentaire, n’est-ce pas?

Le sénateur Klyne : En effet.

Le président : Avant de passer à la deuxième série de questions, j’aimerais poser une autre question à M. Rae. Le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes, alors présidé par le député de Charlottetown Sean Casey, a recommandé le 17 juin 2021 qu’EDSC « rétablisse une seule région économique de l’assurance-emploi pour l’Île-du-Prince-Édouard dans un délai de 12 mois ».

Nous sommes maintenant un an moins un jour plus tard. Pourquoi ce changement n’a-t-il pas été effectué? Pourquoi d’autres consultations sont-elles nécessaires si la Chambre des communes elle-même a recommandé ce changement? Monsieur Rae?

M. Rae : Sénateur, je suis au courant de la recommandation du comité de la Chambre des communes à cet égard. Je ne peux que confirmer ce que vous dites, à savoir qu’aucun règlement n’a été pris pour ramener l’Île-du-Prince-Édouard à une seule région économique.

Le président : Merci.

La sénatrice Simons : J’aimerais revenir sur une remarque de M. Laliberté. Vous nous avez suggéré de vous laisser faire votre travail et de vous laisser prendre en charge l’examen qui doit se faire en 2023. Mais vous nous avez également dit que les examens précédents, bien qu’obligatoires, n’avaient pas eu lieu ou n’avaient pas eu de suite.

Je comprends très bien votre point de vue. L’idée d’un projet de loi du Sénat portant sur la microgestion des zones d’assurance-emploi dans une province me met très mal à l’aise. Je ne suis pas sûre que ce soit notre rôle. Par ailleurs, quand vous nous invitez à vous laisser faire votre travail et que vous dites que vous allez vous en occuper en 2023, êtes-vous convaincu que, si cet examen a lieu, il se fera en temps opportun et qu’on y donnera suite en temps opportun?

M. Laliberté : Je vous remercie de la question, sénatrice. Je n’en suis pas sûr du tout. Tout simplement. Pour ce que cela vaut, sachez que nous n’avons absolument aucun contrôle sur les recommandations que nous formulons dans le cadre de l’examen.

L’examen a été effectué l’an dernier au moment où le comité HUMA formulait ses propres recommandations, et rien n’en a été tiré. Comme vous le savez, il y a toujours de bonnes raisons pour qu’il ne se passe rien. Tout cela fait partie d’un processus qui n’a pas produit de corrections utiles depuis 22 ans. Il me semble qu’on devrait se demander si la loi et le processus fonctionnent comme ils sont censés le faire. À mon avis, ce n’est pas le cas. C’est triste à dire, mais c’est ainsi. Je vais m’en tenir là.

La sénatrice Simons : M. DeBlois a laissé entendre, de façon plutôt ambitieuse — puisqu’il s’agit tout de même d’un modeste projet de loi traitant d’un problème très circonscrit —, que notre comité devrait recommander de faire un examen beaucoup plus approfondi de l’assurance-emploi, ce qui n’entre vraiment pas dans le mandat du Comité de l’agriculture. Vous nous dites, me semble-t-il qu’il y aurait des corrections à faire partout au pays — pas nécessairement celle dont nous parlons, mais dans cet ordre d’idées —, mais qu’on ne les fait pas.

Compte tenu de votre rôle, que devrait faire le gouvernement pour s’assurer que les prestations d’assurance-emploi sont justes et équitables partout au pays? Par « équitable », je ne veux pas dire égal, mais équitable selon les besoins des gens dans les très diverses régions du pays.

M. Laliberté : Je vous remercie de la question. J’aimerais que nous puissions agir avec plus de diligence à cet égard. Le ministère a travaillé d’arrache-pied pour que nous puissions effectuer cet examen dans les délais prescrits, et nous voilà dans une impasse. C’est aussi simple que cela.

Je peux comprendre le sentiment de frustration. Je serais le dernier à dire qu’il ne faut rien faire, parce qu’on pourrait se retrouver à attendre Godot pendant un certain temps.

Je n’ai aucun plaisir à le dire, mais, pour moi, c’est simplement un état de fait. C’est ainsi que les choses se sont passées, et c’est ainsi que les choses vont probablement se passer, à moins que des modifications à la Loi sur l’assurance-emploi ne resserrent l’obligation non seulement de procéder à un examen, qui est déjà prévu, mais aussi d’y donner suite. À l’heure actuelle, cela dépend d’un million de choses différentes. Les gens ont de bonnes raisons et de bonnes intentions, mais, ensuite, les choses stagnent.

La sénatrice Simons : Merci de votre témoignage. Merci d’avoir fait référence à l’une de mes pièces préférées. J’aime la voir. Je n’aime pas la vivre.

Le sénateur C. Deacon : Merci encore aux témoins.

Monsieur Rae, je regarde la carte des zones de recensement de l’Île-du-Prince-Édouard et je ne vois pas du tout en quoi elles correspondent à la carte des zones de l’assurance-emploi de Charlottetown et de l’Île-du-Prince-Édouard.

Pourriez-vous ultérieurement nous fournir, et transmettre à la greffière, le travail qui a été fait? Vous y avez peut-être accès ou vous pouvez peut-être trouver le travail qui a été fait pour justifier la cartographie de 2014 et la façon dont les zones de recensement déterminent les zones de l’assurance-emploi, comme vous l’avez expliqué. Si cela vous est possible, je vous en serais reconnaissant.

À mon avis, notre pays porte un énorme fardeau réglementaire. C’est difficile pour les entreprises et c’est difficile pour les Canadiens, surtout pour les plus vulnérables. Ils ont autant d’obstacles à surmonter que les entreprises.

Est-ce que vous craignez, compte tenu de la façon dont tout cela est organisé, que cela complique la question de la pénurie de main-d’œuvre dans l’Île-du-Prince-Édouard? Est-ce l’un des enjeux dont vous tenez compte dans vos décisions et vos responsabilités?

M. Rae : Je vais essayer de répondre à cette question, sénateur. Je ne peux pas parler précisément de la pénurie de main-d’œuvre et de la question de savoir si les zones exacerbent ce problème. Je ne me prononcerai pas là-dessus.

Notre rôle est d’appuyer la Commission dans son examen des limites de l’assurance-emploi, d’examiner les conditions du marché du travail, les taux de chômage et d’autres indicateurs concernant ces régions, et de circonscrire les configurations et les zones susceptibles de traduire les réalités locales du marché du travail. C’est la fonction que nous assumons.

Le sénateur C. Deacon : Si je comprends bien, c’est un client pour vous. Vous comptez sur ses conseils et ses directives, et vous l’aidez à les mettre en œuvre. C’est bien cela?

M. Rae : Nous aidons la Commission à remplir son obligation d’entreprendre un examen des limites tous les cinq ans.

Le sénateur C. Deacon : Mais en quoi consiste cette aide? Pourriez-vous être plus précis?

M. Rae : Il s’agit d’examiner les sous-unités géographiques dans les limites actuelles de l’assurance-emploi, de déterminer si le taux de chômage et d’autres indicateurs du marché du travail traduisent la situation générale de la région pour circonscrire les écarts éventuels, et de déterminer si la Commission peut recommander des changements dans ces régions.

Le sénateur C. Deacon : Cela ressemble à une contre-vérification du travail. Qui en est chargé? Ce processus ne semble pas clair, et des gens se retrouvent coincés au beau milieu de tout cela.

M. Rae : Sénateur, je rappelle que la responsabilité finale d’apporter des changements aux régions économiques de l’assurance-emploi est énoncée dans le pouvoir de réglementation prévu à l’article 54 de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission prend les règlements, lesquels sont approuvés par le gouverneur en conseil.

Le sénateur C. Deacon : J’en déduis que vous avez donné suite aux recommandations de la Commission pour les faire approuver par le gouverneur en conseil. N’est-ce pas?

M. Rae : Comme je l’ai dit, sénateur, nous faisons une analyse des régions de l’assurance-emploi. Mais c’est à la Commission et au gouverneur en conseil de modifier les limites de ces régions.

Le sénateur C. Deacon : Merci, monsieur le président. Je ne suis pas moins perplexe, mais je vais m’en tenir là.

Le président : J’ai une autre question pour M. Rae.

À supposer que le projet de loi S-236 reçoive la sanction royale, avez-vous une idée du moment où il devrait entrer en vigueur pour assurer l’harmonisation de la réglementation avec le régime d’assurance-emploi? À quelle vitesse le ministère peut-il mettre en œuvre le changement? Faudrait-il modifier la disposition d’entrée en vigueur de la loi?

M. Rae : Je vous remercie de la question, sénateur. Je ne me prononcerai pas, pour l’instant, sur la question de savoir s’il est nécessaire ou souhaitable d’apporter des amendements au projet de loi.

Le président : Chers collègues, nous avons abordé toutes les questions qui figurent sur notre liste pour les deux séries.

La sénatrice Simons : Si vous me tendez la perche, je vais en profiter.

J’ai une question pour M. DeBlois. Je n’ai eu qu’une seule fois le privilège et l’occasion de visiter l’Île-du-Prince-Édouard. J’y étais au début de la saison touristique, à la mi-mai, et il m’a semblé évident que beaucoup de gens travaillaient avec enthousiasme au service de cette économie touristique. Mais on peut supposer que, pour une entreprise comme la vôtre, il doit y avoir un pic d’activité pendant l’été, mais qu’il faut ensuite s’occuper des clients tout au long de l’année.

À votre avis, quels changements faudrait-il apporter à l’assurance-emploi pour faire face à la pénurie chronique de main-d’œuvre et à la pénurie de main-d’œuvre que vous et tant de gens constatez à la suite de la COVID-19? Il y a des pénuries de main-d’œuvre partout, de l’aéroport international Pearson à tout le marché du travail. Que devrait-on changer, à votre avis, pour régler certains des problèmes liés au marché du travail dans votre collectivité?

M. DeBlois : Je vous remercie de la question. C’est une excellente question. Il y a matière à réflexion.

Je suis très chanceux que mon entreprise fonctionne 12 mois par an. Nous sommes plus occupés l’été, mais les affaires sont assez stables toute l’année.

Certains clients de notre commerce de gros sont saisonniers. La correction de ce projet de loi les aiderait sûrement. Comme on vous l’a montré sur la carte, une grande partie de la région touristique de la côte nord de l’Île-du-Prince-Édouard est reliée à la région de Charlottetown. Cela a évidemment causé des difficultés à certaines grandes entreprises saisonnières, surtout dans les secteurs de l’hôtellerie et du tourisme, qui emploient plus d’une centaine de personnes dans un certain restaurant et qui essaient de recruter des gens. C’est un défi de taille, surtout cette année.

Ce serait un très bon point de départ. Sans aucun doute. Ce serait un bon point de départ d’essayer de rendre les choses un peu plus équitables, et même pour les gens de toutes les régions de l’île.

J’ai abordé deux ou trois autres questions dans mon exposé au sujet de certaines modifications concernant les étudiants universitaires, qui ont changé la donne pour d’autres entreprises fonctionnant toute l’année, comme la mienne. Mais j’imagine que cela pourrait certainement faire l’objet d’une discussion plus vaste à une autre occasion.

Le président : Sur ce, chers collègues, nos sénateurs n’ont plus de questions à poser.

Monsieur Rae, madame Cantin, madame Nandy, monsieur Laliberté, monsieur Pursey, monsieur DeBlois et monsieur Godfrey, merci beaucoup de votre participation. Je remercie également le groupe de témoins précédent. Votre aide concernant ce projet de loi nous sera très utile.

Je tiens à souligner que la marraine du projet de loi est en ligne avec nous. Que tout le monde sache que la sénatrice Duncan a participé à une bonne partie de la discussion.

Je tiens également à remercier les membres du comité de leur participation active et de leurs questions judicieuses, ainsi que notre équipe en coulisse — les équipes d’interprétation et de logistique, ici dans la salle et à l’extérieur — d’avoir veillé à ce que nos réunions se déroulent harmonieusement. Merci à toutes les personnes concernées.

Notre prochaine réunion est prévue pour le jeudi 23 juin — la semaine prochaine — à l’heure habituelle. Comme vous le savez, puisque nous sommes en juin, nous aurons peut-être à régler des affaires émanant du gouvernement et nous risquons de perdre cette plage horaire. Votre comité directeur confirmera l’ordre du jour de la semaine prochaine lorsque nous aurons eu l’occasion de délibérer. Tout indique cependant — à moins d’autre discussion — que nous serons prêts à procéder à l’étude article par article de ce projet de loi.

Les membres du comité qui ont l’intention de proposer des amendements sont invités à consulter le Bureau du légiste du Sénat pour s’assurer que ces amendements sont rédigés comme il convient et dans les deux langues officielles. C’est très utile. Le Bureau du légiste fournit des conseils confidentiels et des services de rédaction législative à tous les sénateurs. Ces consultations devraient commencer le plus tôt possible pour que vous ayez suffisamment de temps pour rédiger vos amendements.

Il est également utile d’envoyer vos amendements à l’avance à la greffière du comité. Cela lui permet de s’organiser et de distribuer des exemplaires avant la réunion.

Veuillez noter que votre amendement sera traité de façon absolument confidentielle et ne sera distribué avant la réunion que si vous le souhaitez.

Après l’étude article par article, le comité voudra peut-être annexer des observations au rapport. Les membres sont invités à fournir un texte dûment rédigé à partir d’observations provisoires éventuelles. Ce texte doit être court et dans les deux langues officielles. La greffière pourra vous aider.

Sur ce, je suspends la séance pour tenir une très brève séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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