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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 27 septembre 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner, pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices. J’aimerais, pour commencer, souhaiter la bienvenue à mes collègues, les membres du comité, ainsi qu’aux témoins et à tous ceux et toutes celles qui regardent la réunion de ce soir. Je suis Rob Black, sénateur de l’Ontario. Je suis le président du comité. Ce soir, il s’agit de la deuxième réunion du comité dans le cadre de son étude visant à examiner, pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada. Avant d’entendre les témoignages, je vais d’abord demander aux sénateurs et aux sénatrices autour de la table de se présenter.

La sénatrice Simons : Bonjour, je suis Paula Simons, sénatrice de l’Alberta, du territoire du Traité no 6.

Le sénateur Marwah : Sabi Marwah, de l’Ontario.

Le sénateur Klyne : Bonjour, et bienvenue. Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan.

Le sénateur Cotter : Je suis Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan.

Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l’Ontario.

Le président : Merci beaucoup. Il reste une sénatrice?

La sénatrice Duncan : Sénatrice Pat Duncan, du Yukon.

Le président : Nos témoins d’aujourd’hui participent par vidéoconférence. Aujourd’hui, nous accueillons Mme Laura Van Eerd, professeure, Gestion durable des sols, Université de Guelph; et M. David Lobb, professeur, Département de pédologie, Faculté d’agronomie et de bromatologie, Université du Manitoba.

J’invite nos témoins à nous présenter leur exposé. Nous allons commencer par Mme Van Eerd, qui a eu la gentillesse d’accepter de donner à notre comité un aperçu des notions fondamentales de la santé des sols. Essentiellement, c’est un cours d’introduction à la santé des sols. Son exposé durera environ cinq minutes, puis M. David Lobb va nous parler pendant cinq minutes, et enfin Mme Van Eerd reprendra la parole pour les cinq minutes suivantes. Sur ce, allez-y, madame Van Eerd.

Laura L. Van Eerd, professeure, Gestion durable des sols, Université de Guelph, à titre personnel : Merci beaucoup, sénateur Black, et merci de me donner l’occasion de contribuer à cet important mandat. Mon programme de recherche comprend la science du sol, l’agronomie et tout ce qu’il y a entre les deux. Je m’intéresse surtout au cycle du carbone et de l’azote dans les systèmes agricoles. J’ai fondé ma carrière sur l’établissement de stratégies grâce auxquelles les agriculteurs pourraient améliorer la productivité des récoltes et la santé des sols. Donc, merci pour le cours d’introduction sur la santé des sols.

J’ai aussi corédigé un chapitre d’un manuel sur le sujet pour la Société canadienne de la science du sol, et je suis vraiment heureuse de pouvoir transmettre ce que j’ai appris lorsque j’ai écrit ce chapitre.

Je vais donner une définition de la santé du sol : qu’est-ce que c’est? Comment peut-on la mesurer? Puis, enfin, je vais conclure en décrivant certaines pratiques clés des soins du sol qui en améliorent la santé.

La dégradation potentielle du sol est une menace constante pour la résilience et la durabilité des écosystèmes agricoles et naturels. Quand le sol se dégrade, il en va de même pour sa santé. Mais la santé du sol, qu’est-ce que c’est? La santé du sol, c’est la capacité du sol à fonctionner, à faire ce qu’il a à faire. C’est la même chose que la santé humaine : quand vous allez bien, vous êtes capable de fonctionner, de faire des choses. Cela vaut aussi pour le sol. La fonction du sol, c’est ce que le sol fait et comment il se comporte; ce n’est pas une simple description du sol. C’est pour cela que les fonctions du sol sont parfois qualifiées de services écosystémiques.

Je vais maintenant décrire les fonctions d’un sol en santé. Sans doute le plus évident : un sol en santé est un sol productif. Il produit de la nourriture pour les gens, du fourrage pour les animaux et des fibres et du combustible pour la consommation nationale et mondiale. Le sol conserve et régénère les nutriments. C’est aussi un réservoir d’eau. Un sol en santé conserve davantage l’eau. La semaine dernière, votre comité a eu une bonne discussion sur le fait qu’un sol en santé peut atténuer la sécheresse.

J’ajouterai aussi que, en aval — oui, c’est un jeu de mots —, cela a une influence énorme sur la société. Un sol en santé peut infiltrer et retenir de plus grandes quantités d’eau, ce qui réduit les inondations et les dommages que pourraient subir les maisons et les infrastructures. Un sol en santé améliore la qualité de l’eau, réduit l’érosion, l’érosion des berges, pour ne donner que quelques exemples.

Il y a d’autres avantages à un sol en santé : la régulation du climat et de la température, la conservation de la biodiversité, l’atténuation du problème des phytoravageurs et des maladies et le contrôle de l’érosion.

Donc, voilà ce que font des sols en santé. C’est leur fonction. On pourrait qualifier cela de biens et de services écosystémiques. Donc, tout effort visant à améliorer ou à maintenir la santé du sol avantage non seulement les agriculteurs et les gestionnaires des terres, mais aussi l’environnement. Cela avantage tout le monde, parce que des sols en santé donnent nécessairement des services écosystémiques qui sont importants pour la vie.

Maintenant, je vais expliquer comment on mesure la santé du sol. Il existe une multitude d’approches pour mesurer l’état de santé du sol. Certaines sont simples et ne visent qu’un seul aspect, et d’autres sont multidimensionnelles et complexes. Récemment, un article a été publié sur des échantillons de sol prélevés dans le cadre de plus d’une dizaine d’expériences à long terme au Canada, et dans plus d’une centaine de sites en Amérique du Nord.

Même si la santé du sol est un domaine de recherche intensif partout dans le monde, il n’existe aucun consensus mondial sur la mesure idéale de la santé du sol. Au bout du compte, il faut choisir les approches pour mesurer la santé du sol en fonction de nombreux aspects. Nous choisissons la mesure que nous allons utiliser en fonction de la facilité à prélever des échantillons, des critères de mesure, du matériel que nous avons pour effectuer les analyses en laboratoire, de la fiabilité et du coût.

Malgré ce débat, il existe une seule règle de base : pour qu’une analyse de la santé du sol soit significative, elle doit refléter la fonction du sol ou le service écosystémique.

Excusez-moi. Ce n’est pas l’émotion, j’ai un petit chatouillis dans la gorge, même si la santé du sol est tout de même un sujet qui m’émeut.

Laissez-moi approfondir : une analyse du sol devrait comprendre une évaluation visuelle ainsi qu’une analyse des indicateurs chimiques, biologiques et physiques. Il faut pour cela prendre des mesures sur le terrain et envoyer des échantillons de sol au laboratoire pour diverses analyses. Les évaluations visuelles sont extrêmement utiles pour en apprendre davantage à propos du sol, mais souvent, on les néglige. Il suffit de creuser à 30 centimètres de profondeur pour observer l’horizon A, ou de tenir un échantillon physique de sol dans la main pour le sentir, pour sentir sa texture, son agrégation et sa structure, pour vérifier la compaction et pour regarder l’eau s’infiltrer. Ce sont d’excellents essais visuels et physiques qu’on peut faire sur le terrain.

Je m’en voudrais d’oublier le projet « Soil your undies », qu’on peut traduire par « Enterrez vos sous-vêtements ». C’est un puissant indicateur de l’activité biologique. Le projet a été mis sur pied en Ontario par l’Innovative Farmers Association, et M. Lobb a d’ailleurs mentionné l’organisation la semaine dernière. Donc, il y a beaucoup de choses à faire sur le terrain. Il y a aussi beaucoup d’analyses qu’on peut faire en laboratoire.

Donc, c’était : qu’est-ce que la santé du sol et comment la mesurons-nous? J’aimerais maintenant vous parler de ce qui peut être fait pour protéger ou améliorer la santé du sol. Il y a deux approches principales, et elles sont pour ainsi dire mutuellement inclusives. La première approche consiste à réduire au minimum les menaces qui contribuent à la dégradation, et la deuxième consiste à adopter des pratiques pour renforcer ou maintenir la santé du sol. Je vais maintenant décrire ces approches.

Premièrement, la dégradation. Des mesures devraient être prises pour détecter et atténuer les menaces causant la dégradation du sol. Nous savons que les activités humaines ont des conséquences sur le sol. Le but est de réduire au minimum les menaces qui causent la dégradation du sol.

Donc, quelles sont les menaces principales? Au Canada, dans les écosystèmes agricoles, les menaces principales sont l’érosion du sol, la compaction, le déclin de la matière organique dans le sol, l’appauvrissement ou l’excès des substances nutritives, la perte de la biodiversité, la salinisation, l’urbanisation, et, dans une moindre mesure, la désertification et la contamination du sol. Ces menaces doivent être détectées et atténuées. Ces menaces visent des exploitations agricoles et des champs en particulier.

La deuxième approche consiste à adopter des pratiques qui renforcent ou maintiennent la santé du sol. Dans notre manuel, nous proposons six pratiques pour prendre soin du sol. Vous connaissez déjà la gestion des nutriments 4B. Ici, mes coauteurs et moi-même avons proposé six pratiques de gestion qui sont liées au rôle du carbone dans la santé du sol. Ce n’est pas un hasard s’il y a des C partout. Si vous pensez au carbone, pensez à ces six pratiques.

Ces six pratiques sont les suivantes : la réduction de la compaction, la diversité des cultures agricoles et des animaux, le travail de conservation du sol, le compost et l’amendement du sol et la continuité des plantes vivaces et les cultures de couverture. Ensemble, ces pratiques permettent de protéger le sol. Elles ont pour effet d’accroître la diversité et la pérennisation et, peut-être par-dessus tout, toutes ces pratiques réduisent au minimum la perte de sol et la perte carbonique, ou alors elles maximisent les gains en carbone.

Je n’ai pas présenté ces six pratiques dans un ordre précis. Aucune pratique n’est supérieure à une autre pour toutes les exploitations agricoles. Il y a aussi d’autres pratiques que les exploitations agricoles utilisent, comme les brise-vents, la régularisation des eaux, la démobilisation des terres et des structures, pour ne nommer que celles-là.

Ces pratiques de soin du sol peuvent être mises en œuvre individuellement ou, idéalement, en combinaison. Comme vous l’avez probablement remarqué, on peut faire de nombreux liens entre ces pratiques. Par exemple, en utilisant des cultures de couverture, on accroît la durée de vie des plantes vivaces et on accroît la diversité des cultures.

Je dois souligner que chacune de ces stratégies de gestion a des avantages et des inconvénients. Chaque pratique de soin du sol demande qu’on y consacre plus de temps et d’argent, et pour bon nombre d’agriculteurs, tout changement suppose un changement des façons de faire. Comme nous le savons tous, ce n’est pas facile de changer.

Aussi, le temps qu’il faut pour mesurer l’effet de toute nouvelle pratique de santé du sol peut se compter en années, sinon en décennies, dépendamment de la pratique. Cela dépend aussi des caractéristiques du sol, du système de culture et de l’environnement local. Mais, de façon générale, on s’attend à ce que l’adoption d’une de ces six pratiques de soin du sol ait des effets positifs sur la santé du sol.

Je vais conclure en insistant sur le fait que la santé du sol est un concept important, parce qu’il nous oblige à réfléchir au sol en tant que système vivant. Ce système vivant a des propriétés biologiques, chimiques et physiques et, comme tous les autres systèmes vivants, il est compliqué. Lorsqu’il est question de gestion du sol, il n’existe pas de solution unique. La science du sol innove constamment. Nous nous attendons à ce que nos connaissances en sciences du sol et les outils que nous utilisons pour l’analyser se développent rapidement. C’est une période très intéressante, et je vous remercie de votre intérêt pour le sol et la santé du sol. Merci.

Le président : Merci beaucoup, madame Van Eerd. Merci de vos commentaires. Si nous ne pouvons pas tous y aller, peut-être que je devrais passer à l’Université Guelph pour participer au projet « Enterrez vos sous-vêtements » en tant que représentant des membres du comité. Nous pourrions en discuter.

La parole va à M. David Lobb.

David Lobb, professeur, Département de pédologie, Faculté d’agronomie et de bromatologie, Université du Manitoba, à titre personnel : J’aimerais remercier le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts ainsi que son président, le sénateur Black, de m’avoir invité à participer aux audiences. Je remercie aussi Mme Van Eerd, qui a témoigné avant moi.

En plus de témoigner aujourd’hui, j’ai aussi témoigné devant votre comité dans le cadre de ses audiences sur les sols en mai 2019. J’ai pu écouter les témoignages, la semaine dernière, et la discussion que vous avez eue avec vos deux premiers témoins. C’était très intéressant, et je suis impatient de suivre les travaux du comité au cours des prochains mois.

Comme cela a été souligné lors de la première réunion, la semaine dernière, le rapport du Sénat intitulé Nos sols dégradés : le Canada compromet son avenir a eu un impact important. C’était une étude cruciale, qui a eu lieu à un moment crucial, et grâce à elle, il y a eu une grande prise de conscience des menaces à l’utilisation durable des sols et des mesures que l’industrie et les gouvernements peuvent prendre pour conserver les sols pour les générations futures.

Le rapport Nos sols dégradés a été publié il y a presque 40 ans. Cela fait presque aussi longtemps que je travaille dans le domaine de la conservation des sols — je prends de l’âge —, cela fait presque aussi longtemps que mon père. Vous avez pu lui parler la semaine dernière. Tout ce temps, nous avons fait d’énormes efforts pour comprendre les sols, leur productivité et leur dégradation et pour élaborer, promouvoir et mettre en œuvre des pratiques durables de gestion des sols d’un bout à l’autre du pays. Ces efforts se poursuivent aujourd’hui, comme Mme Van Eerd vient de nous le décrire. Mais, pour que ce soit absolument clair, nous ne comprenons pas tout à fait la nature des menaces à l’utilisation durable des sols ou les pratiques de gestion qui sont nécessaires pour protéger ou restaurer la productivité des sols. Nous ne comprenons pas tout à fait les problèmes, et nous ne comprenons donc pas tout à fait les solutions. Pour appuyer ce que je viens de dire, j’aimerais vous donner quelques exemples liés à l’érosion du sol.

Premièrement, il ne s’agit pas uniquement de l’érosion par le vent dans les Prairies ou de l’érosion par l’eau dans les autres parties du pays, comme on en a parlé la semaine dernière. Lorsqu’il est question de la dégradation du sol et de la productivité du sol dans l’ensemble du pays, l’érosion due au travail du sol est souvent le facteur le plus important. Puis, quand il s’agit de la gestion durable des sols, c’est tout cela : le vent, l’eau et le travail du sol... et leurs interactions. Ce sont des processus différents, et ils requièrent des solutions différentes. Parfois, les solutions sont complémentaires, mais il arrive aussi que les solutions soient incompatibles.

Deuxièmement, les approches traditionnelles pour réduire l’érosion par le vent et par l’eau — donc, en gardant le sol couvert de végétaux et de résidus végétaux — ne permettent pas de protéger la qualité de l’eau. La végétation à la surface du sol — et toute la végétation n’importe où dans l’exploitation agricole — contribue à accroître les pertes de phosphore dissout et à l’eutrophisation des plans d’eau. Dans certaines régions du pays, comme dans les Prairies, c’est surtout ce genre de nutriments qui pénètrent les plans d’eau.

Troisièmement, notre perspective sur le travail du sol a changé. Le travail du sol comprend toutes les formes d’activité sur le terrain qui perturbent et qui déplacent le sol ou qui brisent ou ensevelissent les résidus agricoles. Notre perspective sur les systèmes conventionnels de travail du sol et les systèmes de conservation de travail du sol a changé à mesure que nous comprenions mieux les conséquences du travail sur les sols et les récoltes et que la technologie a évolué. Par exemple, les semoirs à grande vitesse qui bougent beaucoup le sol entraînent une perte importante du sol, tout comme le travail du sol vertical, et ces deux exemples ont d’ailleurs été mentionnés la semaine dernière. Nous devons repenser la façon dont ce genre d’activités peuvent s’inscrire dans un système de travail du sol de conservation, pour aujourd’hui et pour demain.

Quatrièmement, il n’y a pas eu d’études adéquates sur les effets cumulatifs à long terme de l’érosion du sol et leurs répercussions — antérieures, actuelles et futures — sur l’économie. C’est probablement ça, le plus important : comme je l’ai dit dans ma déclaration en 2019, malgré tous les efforts de conservation déployés au cours des 40 dernières années, selon nos meilleures estimations, nous n’avons pas amélioré de façon importante le grave problème de la perte de récolte. Les pertes économiques ont aussi beaucoup augmenté. Ces conclusions sont corroborées par une étude récente sur la perte de sol, le rendement des récoltes et les perspectives économiques dans la ceinture de maïs des États-Unis.

Je n’ai rien dit qui soit nouveau. Cependant, de façon générale, ce n’est pas quelque chose qu’on reconnaît, et on ne prend pas de mesures par rapport à cela. Cela met en relief les complexités techniques et sociales de la situation. Mon dernier point en particulier pourrait peut-être donner une idée des raisons pour lesquelles la plupart des agriculteurs sont réticents à adopter rapidement les pratiques de conservation du sol. L’agriculture, c’est une entreprise, et tout changement au niveau de la gestion suppose une analyse de rentabilité saine et convaincante, et je ne pense pas que c’est ce que nous avons fait.

Si je devais évaluer, en tant qu’enseignant, les progrès que nous avons accomplis à l’égard de l’utilisation durable de nos sols, je dirais que nous avons accompli environ 70 % de ce que nous devions faire du côté de la science et de la technologie, mais seulement environ 30 % de ce que nous devions faire du côté socioéconomique. Je serai heureux de discuter de ce que je viens de dire.

Le président : Merci, monsieur Lobb. Madame Van Eerd, vouliez-vous conclure?

Mme Van Eerd : Oui, j’aimerais profiter de l’occasion pour présenter mon témoignage. Merci de m’avoir invitée à témoigner à titre d’experte de la santé du sol. J’ai, moi aussi, écouté la discussion de la semaine dernière. J’ai trouvé cela très intéressant, et je suis aussi d’accord avec M. Lobb sur bon nombre de ses commentaires.

Je suis tout à fait d’accord pour dire que, quand j’ai présenté les notions de base, on aurait dit que les pratiques de gestion étaient bien établies, mais M. Lobb a raison de dire que nous ne comprenons pas la science derrière tout cela. Nous ne savons pas quand ça fonctionne et quand ça ne fonctionne pas. Donc, quand j’ai présenté les notions de base, vous avez peut-être compris qu’il s’agissait des pratiques définitives, mais ce n’est pas le cas.

Je vais reprendre mon texte. J’aimerais commencer par « pourquoi ». C’est assez facile de faire comprendre que nous devrions tous nous préoccuper de la santé du sol. Le sol permet aux êtres vivants de subvenir à leurs besoins et il est utile à tous. Le problème, c’est qu’on ne peut pas mesurer certains de ces effets facilement ou directement. Aussi, la mise en œuvre de pratiques pour prendre soin du sol entraîne des coûts immédiats, et ils incombent uniquement aux agriculteurs. À l’inverse, les avantages pour l’exploitation agricole elle-même s’obtiennent habituellement sur le long terme, tandis que les retombées immédiates des pratiques de santé du sol surviennent à l’extérieur de l’exploitation agricole; ce sont des avantages pour l’environnement et pour la société en général. Cette rupture entre les coûts immédiats pour l’agriculteur et les avantages potentiels tardifs, en plus des avantages immédiats à l’extérieur de l’exploitation agricole, cette rupture constitue un véritable problème.

Pour surmonter cela et les autres obstacles qui doivent être surmontés avant que les pratiques de soins des sols soient adoptées à grande échelle — et je suis tout à fait d’accord avec M. Lobb à cet égard —, nous avons besoin de plus de recherches. J’ajouterais aussi que nous avons besoin de former plus de gens et de leur donner des connaissances sur le sol.

Tout d’abord, la recherche. Cela fait presque une décennie que mon programme de recherche est axé sur la quantification de la santé du sol. Nous avons ainsi contribué à faire mieux comprendre à la communauté mondiale les indicateurs de la santé du sol. À dire vrai, au cours des cinq dernières années, il y a eu une augmentation exponentielle des connaissances et des recherches en matière de santé du sol. Malgré ces progrès, il n’y a toujours pas de consensus mondial sur l’indicateur à adopter. Cela veut dire que, en premier lieu, il faut plus de recherches et que, en second lieu, nous sommes toujours à débattre pour savoir quel type de sol, le système agricole qui est étudié, le climat qui est étudié, la topographie, les études sur la santé du sol d’une petite parcelle de terre... Tout cela a beaucoup d’influence ici. Le meilleur indicateur dans un scénario donné n’est peut-être pas vraiment utile dans un autre. Nous avons besoin de plus d’études pour cerner les facteurs qui influencent la santé du sol. Le contexte et les caractéristiques du site ont beaucoup d’importance.

Dans le même ordre d’idées, il n’existe pas de solution unique pour les pratiques de soin du sol. Les pratiques spécifiques de soin du sol qui sont nécessaires pour atténuer la dégradation du sol et maximiser la santé du sol doivent être adaptées à la rotation des cultures et au système d’exploitation agricole; elles vont aussi varier selon le type de sol, la topographie, le climat et les caractéristiques intrinsèques du terrain. Tout comme il n’y a pas deux fermes identiques dans n’importe quelle région, surtout pas au Canada, les politiques et la planification pour les soins du sol doivent être adaptables. Nous avons besoin de plus d’études pour aider à expliquer la variabilité dans les champs, la variabilité des terrains et les différences d’un bout à l’autre du pays. Nous devons quantifier les pratiques de soins des sols qui peuvent avoir un effet. J’ai l’impression de répéter un peu ce que M. Lobb vient de dire, mais je pense que c’est une bonne chose que vous l’entendiez d’une autre façon.

Parlons de certaines des questions. De combien d’échantillons avons-nous besoin? Avec quoi comparons-nous les échantillons de sol? Quel est le seuil? Une fois que l’agriculteur a un échantillon de sol et un rapport d’analyse, quelles mesures seront prises? Que veut dire la cote du sol, sauf pour montrer que le sol est plus ou moins en santé? Qu’est-ce qu’un agriculteur devrait faire en réaction à une analyse de santé du sol? Voilà quelques-unes des questions d’étude qui doivent trouver réponse.

Comme le sol est vivant et complexe, nous avons un grand besoin d’études scientifiques complètes et de communications concrètes sur les connaissances sur le sol. C’est crucial pour faire avancer les connaissances. Vu les approches de soin du sol qui sont axées sur le site et la complexité de la gestion de la santé du sol, j’aimerais dire que j’appuie la discussion de la semaine dernière et que je veux y contribuer. La semaine dernière, M. Macleod et M. Lobb ont déclaré qu’il devrait y avoir plus de gens sur le terrain. Je suis d’accord. Pour qu’il y ait de réelles améliorations en matière de santé du sol à l’échelle du paysage, nous avons besoin de plus d’experts. Par exemple, si plus d’échantillons sont envoyés au laboratoire, nous allons avoir besoin de plus d’experts qualifiés pour réaliser ces analyses de la santé du sol. Il y a beaucoup d’occasions pour les gens, à tous les niveaux, mais la formation en sciences du sol est cruciale, et nous avons aussi besoin d’installations pour former ces gens. Aussi, les gens sur le terrain ont souvent des postes précaires. Ce sont souvent des postes contractuels.

Il y a deux choses que j’aimerais vous dire à propos des politiques. Premièrement, il faut que les soins du sol deviennent un avantage préconcurrentiel pour les agriculteurs, en ce qui a trait à l’achat de leurs produits par les multinationales. Elles achètent uniquement des produits où la gestion prend en compte le soin du sol.

Enfin, j’aimerais vous inviter tous et toutes à l’Université de Guelph, sur le campus de Ridgetown, au Soil Health Interpretive Centre d’Elora. J’aimerais vous inviter à observer les études que nous faisons et voir ce qui se fait. Merci.

Le président : Merci, madame Van Eerd. Je suis désolé de vous avoir interrompu. Je vais tous vous avertir quand il vous restera une minute, à partir de maintenant.

La sénatrice Simons : Merci à nos deux témoins. Je serai brève.

J’aimerais aborder sans attendre la controverse entourant l’utilisation d’engrais azotés. Beaucoup d’agriculteurs croient très fermement que l’engrais azoté est ce qui les aide à avoir un sol fertile. Parallèlement, le gouvernement demande aux agriculteurs s’ils peuvent trouver des façons de réduire considérablement leur utilisation d’engrais azotés. Comme nous l’avons constaté, les agriculteurs ont réagi avec beaucoup de colère, et ils sont nombreux à craindre ce que cela pourrait vouloir dire pour leur moyen de subsistance.

Je me demandais si vous pouvez tous les deux nous dire si, dans l’ensemble, nous dépendons trop des engrais azotés artificiels? Les agriculteurs pourraient-ils adopter d’autres stratégies qui seraient préférables pour la santé des sols et aussi pour les émissions? Ou alors, sommes-nous piégés dans une situation où nous avons besoin des engrais azotés parce que le sol s’est appauvri?

M. Lobb : Je ne pense pas que la question est de savoir si nous avons besoin des engrais azotés parce que les sols se sont appauvris. Nous avons besoin d’engrais azotés parce que nous devons produire de la nourriture. Il faut pour cela beaucoup d’azote. C’est inévitable. Je pense que personne ne serait assez inconscient pour dire que nous pouvons éliminer ou réduire considérablement notre utilisation d’azote sans que cela ait des conséquences sur la production alimentaire.

Pour ce qui est de notre capacité à réduire notre utilisation d’azote, il y a toujours des gains en efficience à réaliser, dans notre système, mais nous devons avoir une idée claire de ce qui est réaliste, compte tenu de chaque situation. Chaque situation est différente, chaque exploitation agricole et chaque sol sont différents, dans chaque région climatique. Il est donc compliqué de formuler une recommandation générale, en disant de réduire l’azote de 20 ou de 30 %... J’ai oublié la proportion utilisée dans l’une ou l’autre partie du pays. Il y a toujours des gains en efficience qui sont possibles, et les gains en efficience qui permettent à l’agriculteur de réaliser des économies sont probablement très raisonnables et justifiés, mais je ne pense pas que ces recommandations arrivent même proches de ce que le gouvernement fédéral recommande pour la réduction en azote.

Mme Van Eerd : J’aimerais ajouter quelque chose. Je ne suis vraiment pas en désaccord. Des gains en efficience, c’est possible. Je comprends la réticence; je comprends tout à fait. Je pense qu’il est difficile de lier la santé du sol et les substances nutritives directement. C’est impossible de dire que, si votre sol est en santé, désormais vous n’avez plus besoin d’apports externes d’engrais. Les choses ne fonctionnent tout simplement pas ainsi. Qu’on parle d’engrais ou d’autres nutriments, leur utilisation est inévitable. Il n’y a pas suffisamment d’études pour que nous puissions dire que, si vous avez un sol en santé, vous pouvez réduire d’un tel pourcentage.

M. Lobb : Mais je pense que c’est assez clair, si on pense aux pertes d’efficience qu’il y a dans n’importe quel champ, à cause de la variabilité, que si on avait un sol en santé et un sol plus uniforme, un sol plus stable au chapitre du rendement, les agriculteurs pourraient être beaucoup plus efficaces. Le lien est un tant soit peu indirect, mais c’est tout de même un lien qui peut être fait. C’est tout simplement que nous ne le comprenons pas, parce que nous n’étudions pas la santé du sol dans des paysages variables. Il est donc très difficile d’établir ce genre de lien, mais, intuitivement, nous savons qu’il existe. Un sol en santé permettrait aux agriculteurs d’être plus efficaces, nous devons seulement comprendre mieux le système.

Mme Van Eerd : Et cela offre aussi une protection.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Klyne : Ma question s’adresse à M. Lobb, mais je serai aussi heureux de recevoir d’autres commentaires. La semaine dernière, MM. Don Lobb et Cedric MacLeod ont parlé en long et en large des méthodes et des pratiques d’exploitation agricoles que vous avez mentionnées ici vous aussi. Ces pratiques favorisent la bonne gestion des sols. Ils ont aussi souligné que l’Accord de Paris avait débouché sur un cadre sur l’agriculture, et ils ont dit durant la réunion que certains avaient adopté très rapidement ces pratiques et ces cadres, tandis que d’autres avaient tardé à le faire. Malheureusement, il ne semble pas y avoir de majorité, en dernier lieu. C’est malheureux, et c’est aussi décevant de voir que les retardataires et ceux qui ne vont pas les adopter représentent 50 %, si je me souviens bien.

Ceux qui font obstacle sont-ils des sceptiques ou des gens qui accordent la priorité aux profits annuels? Quant à ceux qui ont adopté ces pratiques, leurs résultats n’ont-ils pas démontré la valeur des bonnes pratiques de gestion du sol? Que doit-on dire ou faire pour convaincre ceux qui refusent d’adopter et d’utiliser de bonnes pratiques de gestion du sol? Comprennent-ils pourquoi ils doivent intervenir et quelles seront les conséquences s’ils ne le font pas? Je vous demanderais de répondre rapidement à ces questions. Donnez-moi seulement une idée générale, vous n’avez pas à répondre à chaque question précisément, mais plutôt au contexte global, parce que j’aimerais poser une autre question à propos de Soileos et de ses innovations.

M. Lobb : Je vais répondre à votre première question très rapidement, parce que c’est dans ma déclaration. Pour bon nombre d’entre eux, c’est l’incapacité de présenter une analyse de rentabilité. C’est ce que je constate quand j’enseigne à mes étudiants diplômés qui sont agriculteurs. Malgré la logique de la chose, ils demeurent très sceptiques sans une analyse de rentabilité. Nous avons été complètement inefficaces de ce côté-là. J’ai dit qu’on avait avancé de 30 % à cet égard; donc, c’est un échec.

Mme Van Eerd : Je pourrais ajouter que nous ne savons pas. Il y a beaucoup de facteurs qui peuvent motiver ou démotiver par rapport à la santé du sol. Comme M. Lobb l’a dit, nous avons besoin d’études en sciences sociales. Cela pourrait être extrêmement utile d’avoir plus d’information sur ceux qui refusent d’adopter ces pratiques et sur ce qui les démotive. Merci.

Le sénateur Klyne : Pour ce qui est de l’analyse de rentabilité, les résultats de ceux qui ont adopté les pratiques, que ce soit tôt ou tard, ne montrent-ils pas les avantages?

M. Lobb : Pas nécessairement. Souvent, on ne tient pas nécessairement compte du rendement des récoltes. Pour mesurer la santé du sol, je dis toujours à mes étudiants qu’il y a une seule mesure de la santé du sol, et c’est le rendement des récoltes et sa variation dans un champ. Mais cette mesure n’est jamais incluse. Cela génère beaucoup de scepticisme.

Le sénateur Oh : Merci aux témoins d’être ici.

Voici ma question pour vous deux. Depuis 1984, depuis que le rapport sur les dernières analyses du sol a été publié... Cela fait presque 38 ans. Qu’arrive-t-il maintenant...? Pouvez-vous nous expliquer comment les conditions au Canada ont évolué depuis que le dernier rapport a été publié? Quelle est l’incidence des changements climatiques sur la production agricole?

Mme Van Eerd : C’est très difficile, sans données et sans études, de décrire le déclin de la santé du sol ou la dégradation du sol durant cette période. Ce qui vient compliquer les choses, c’est qu’au cours de cette même période, la génétique et la sélection ont vraiment augmenté la productivité agricole. À mon avis, cela a vraiment compensé tout déclin dans la productivité du sol.

Pour répondre à votre deuxième question sur les changements climatiques, avec les phénomènes météorologiques extrêmes, que ce soit la température, les précipitations ou le manque de précipitation, c’est là qu’on va remarquer la différence entre un sol dégradé et un sol en santé. C’est là que nous allons voir un meilleur rendement des sols en santé et un moins bon rendement des sols dégradés.

M. Lobb : J’ajouterais quelque chose. Nous avons réalisé une étude, pour revenir à ma déclaration d’aujourd’hui et à celle de la dernière fois, selon laquelle le carbone organique du sol est le meilleur indicateur des propriétés du sol que nous ayons, et, si on se fie à la productivité, il semble que l’état du sol, à l’échelle du pays, n’est pas meilleur qu’en 1984. Nous avons des zones plus petites où l’érosion est aujourd’hui plus grave. La plus grande partie des sols s’est améliorée, mais il y a de petites zones où l’érosion est plus grave, et cela a entraîné d’énormes pertes du rendement agricole.

Mme Van Eerd a tout à fait raison. Quand on regarde les chiffres à l’échelle nationale, le fait que le rendement des récoltes a doublé ou triplé pour chaque récolte au cours des 40 dernières années a comme effet de camoufler les conséquences de la dégradation du sol. Comme je le dis aux agriculteurs, s’ils s’attaquaient au problème de la dégradation du sol, leur rendement serait de trois à quatre fois plus élevé. Donc, il y a beaucoup de pertes de profit qui semblent ne pas être prises en considération, pour faire un lien avec le manque d’information sur les aspects économiques.

Le sénateur Oh : Merci.

Le sénateur Marwah : Merci aux témoins de leurs excellents exposés.

Madame Van Eerd, vous avez fait un commentaire intéressant, à savoir qu’il y a une rupture entre les coûts immédiats pour les agriculteurs et les avantages différés pour la société et l’environnement.

Monsieur Lobb, vous avez aussi déclaré qu’il n’y avait pas eu de véritable analyse de rentabilité pour empêcher la perte des sols, et que les agriculteurs sont réticents à adopter cette approche, et je trouve cela curieux, parce qu’ils doivent sûrement comprendre que c’est crucial pour leur réussite et leur croissance à long terme.

D’autres États ont-ils mis en œuvre des solutions qui pourraient aider à réparer cette rupture et trouver des solutions qui encourageront les agriculteurs à adopter ces genres de pratiques?

J’entends toujours parler de réussites en Nouvelle-Zélande, par exemple. Je ne sais pas si elles s’appliqueraient ici, ou si c’est dans un autre domaine.

M. Lobb : Je vais répondre en termes d’économie. En Amérique du Nord, il y a peu de bonnes études axées sur les aspects économiques de la perte des sols en tant que forme principale de la dégradation du sol et de son impact sur la productivité des récoltes et, conséquemment, sur les profits. Il y a une étude ontarienne qui a été réalisée en 1984, 1985, 1986, 1987. C’est la dernière année de publication. C’est assez vieux. C’est en partie pour cela qu’il y a un problème d’information, et il est très difficile de réaliser une analyse de rentabilité quand on ne recueille pas ce genre de données économiques.

Le gouvernement n’a pas appuyé ce genre de collecte de données.

Mme Van Eerd : Je suis d’accord. Comment peut-on mettre un prix sur le coût de l’eau potable, sur le fait qu’il y a moins de terre dans l’eau, qu’il y a moins de phosphore ou d’azote à nettoyer dans l’eau? Comment peut-on mettre un prix sur la valeur de l’air pur et sur la qualité de l’air? Quel est le coût de la biodiversité? Nous avons absolument besoin de ces données si nous voulons effectuer une analyse économique.

Pour l’agriculteur, les coûts sont immédiats, et les avantages pourraient être immédiats pour l’environnement. Il y a une raison pour laquelle on appelle cela des « coûts externes », parce qu’on considère qu’ils sont externes, alors on ne leur assigne pas un chiffre ou une valeur, même si on devrait le faire et que nous savons que nous devrions le faire.

Le sénateur Marwah : D’autres États ont-ils corrigé ce problème ou ont-ils trouvé une solution pour réparer cette rupture, n’importe où dans le monde?

M. Lobb : Je fais partie du Groupe technique intergouvernemental sur les sols. Nous travaillons avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, et cela nous pose aussi problème. Au cours de la dernière année et demie, nous n’avons pas réussi à régler le problème du manque d’information économique dont les agriculteurs ont besoin. C’est particulièrement le cas dans les pays en développement, où les petits agriculteurs n’ont pas les renseignements dont ils ont besoin pour prendre de bonnes décisions. Ces données ne sont tout simplement pas là. Donc, nous essayons de retenir les services d’un économiste pour nous fournir cette information, dans la communauté mondiale. Nous n’avons pas réussi jusqu’ici.

Le sénateur Marwah : Si vous deviez recommander une solution pour essayer de corriger ce problème, que recommanderiez-vous?

M. Lobb : Si je devais faire une recommandation, je dirais qu’il faudrait parler aux gens responsables des politiques. Il y a deux ou trois ans, je leur ai fait valoir que c’était la direction à prendre. Vous devez intervenir auprès des responsables des politiques et de leurs économistes pour qu’ils réorientent leurs activités.

Mme Van Eerd : Je serais d’accord. Embaucher quelqu’un qui peut dire quelle est la valeur des services écosystémiques. Si vous pouvez donner la valeur monétaire de ces services écosystémiques ou des fonctions des sols, alors les économistes pourront prendre ces chiffres et les appliquer aux diverses pratiques de soin du sol, puis montrer leurs résultats aux agriculteurs. Pour certains, cela devrait être un incitatif.

Le sénateur Cotter : Je vous remercie tous les deux de vos exposés, c’était très clair; certains d’entre nous essaient d’apprendre tout cela aussi rapidement que possible.

Après avoir écouté vos deux témoignages, j’aimerais vous poser une question sur ce qui m’a semblé être une équation pratiquement impossible.

Premièrement, on suppose qu’améliorer la santé du sol avantagera à un moment donné l’agriculteur et surtout la société en général. C’est la première partie de l’équation.

La deuxième partie, c’est que, actuellement, les agriculteurs doivent eux-mêmes payer pour ces pratiques, et nous ne les avons pas convaincus que c’est rentable. Donc, c’est assez délicat, parce que les agriculteurs vont probablement seulement rentabiliser ces investissements grâce aux avantages à long terme. Si j’ai bien compris, monsieur Lobb, c’est ce que vous avez constaté, en partie, du fait que le rendement des agriculteurs a considérablement augmenté, et pas parce que le sol est nécessairement plus en santé, mais parce que d’autres pratiques ont rendu la chose possible.

Troisièmement, nous ne cernons pas bien les effets externes, c’est-à-dire les avantages pour la société, et nous ne trouvons pas de façon, d’un point de vue économique, de remercier les agriculteurs d’avoir choisi cette orientation.

Quatrièmement, le pouvoir décisionnel, dans toutes ces terres agricoles, est laissé entre les mains de l’exploitant, lequel, on présume, est motivé par une combinaison de facteurs. D’un côté, il souhaite peut-être bien gérer l’environnement, mais de l’autre, il ne veut pas faire faillite et veut gagner assez d’argent pour élargir son exploitation agricole, pour que ses enfants puissent devenir des agriculteurs, et ainsi de suite.

J’ai l’impression que, si nous ne trouvons pas une façon ou une autre de résoudre cette équation impossible, nous n’allons probablement aboutir à rien. Avez-vous des commentaires?

M. Lobb : Je vais revenir sur une déclaration que les deux témoins de la semaine dernière ont faite, je crois, qui concerne le mode de tenure et la propriété des terres. L’écart que vous venez de décrire, en particulier la dernière partie, par rapport aux décisions et aux motivations des gens... Si vous êtes entrepreneur et que vous avez une exploitation agricole sur votre propre terre, pour les générations futures, vous n’aurez pas la même perspective que si vous avez une exploitation agricole pour payer le loyer de l’année. Comme cela a été décrit dans les témoignages de la semaine dernière, étant que le mode de tenure a considérablement changé au cours des 30 ou 40 dernières années, on doit s’attendre à ce que l’écart se creuse davantage.

Pour dire les choses autrement, les agriculteurs sont peu intéressés à investir dans leur terre, et c’est le fond du problème. Nous discutons de l’amélioration de la santé du sol en tant qu’investissement durable, ce qui devrait leur assurer une rentabilité à court terme, et, espérons-le, à long terme.

Mais ce n’est pas le contexte dans lequel nous sommes présentement.

Mme Van Eerd : Je suis d’accord. Une autre façon d’aborder le problème serait peut-être du point de vue de la gestion. Je dis « prendre soin du sol », mais peut-être que c’est simplement l’entretenir. Les agriculteurs investissent dans leurs camions, et ils doivent l’entretenir. Ils font le changement d’huile, ils vérifient les liquides et les freins. Ils font ce travail d’entretien. Ils ne font pas d’argent avec cela, mais ils le font parce que cela prévient d’autres coûts dans l’avenir.

Peut-être que nous pourrions contextualiser la santé du sol en disant : « Éliminons les coûts futurs en investissant maintenant dans l’entretien du sol »?

La sénatrice Duncan : Je remercie nos deux témoins de leurs excellents exposés.

Je suis nouvelle au comité, alors je vous remercie de votre cours d’introduction sur la santé du sol. C’était très utile.

Depuis que je siège au comité, j’ai pris le temps de lire le rapport de 1984, Nos sols dégradés. Ce qui m’a tout de suite frappée — vous me pardonnerez, je représente le Yukon au Sénat —, c’est qu’il n’y avait absolument rien dans le rapport sur ce qui se trouve au nord du 60e parallèle. J’aimerais tout simplement rappeler à nos experts en santé du sol et à mes collègues que les agriculteurs et les éleveurs du Yukon produisent des aliments de haute qualité pour la consommation locale depuis la ruée vers l’or du Klondike, en 1896.

En 1915, le ministère de l’Agriculture du Dominion du Canada a commencé à réaliser des études coopératives avec les producteurs du Yukon intéressés. En 1917, il y avait une substation expérimentale près de Dawson, qui a permis de confirmer que diverses récoltes pouvaient pousser au nord du 64e parallèle. Une exploitation agricole expérimentale a ouvert ses portes en 1944, près de Haines Junction, et elle a été en activité pendant plus de 20 ans.

Le gouvernement du Yukon mène des études depuis les années 1980 sur les taux d’épandage d’engrais, les organismes du sol, les variétés fourragères et les techniques de gestion.

Nous devons inclure tout le Canada. Dans vos études, est-ce que la santé du sol ou les études du Yukon qui sont en cours sont comprises?

À ce sujet, ce qui m’a le plus frappée dans votre discussion, c’est qu’il ne semble pas y avoir une seule partie responsable de la santé des sols. Je suis toujours étonnée de constater qu’il semble y avoir un certain nombre de vases clos au gouvernement. Incluez-vous le nord du 60e parallèle dans votre recherche et, selon vous, qui est responsable de la santé des sols au Canada?

Le président : Je souligne que c’est notre étude.

Mme Van Eerd : Comme je travaille dans la région la plus au sud du Canada, je n’inclus pas du tout le Yukon dans ma recherche, bien que je trouve ce territoire très intéressant.

En ce qui concerne la responsabilité de la santé des sols, je pense que, en grande partie, en Ontario, le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales a pris le rôle de chef de file en matière de santé des sols. En réaction au rapport de 2016 sur l’importance de la santé des sols en lien avec le climat, intitulé Putting Soil Health First: A Climate-Smart Idea for Ontario oublié par le commissaire à l’environnement de l’Ontario, ce ministère a embauché une foule de personnes pour relancer les recherches sur la santé des sols et la vulgarisation.

M. Lobb : Je m’occupe de la cartographie nationale de l’érosion des sols, j’ai donc affaire au ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire pour ce qui est des analyses et de la cartographie à l’échelle du pays.

Vous avez raison; le Yukon n’est pas inclus. Ce n’est pas que nous ne savons pas qu’il existe. Le problème, c’est la gestion des données. Il n’y a pas suffisamment d’exploitations agricoles pour que nous fassions des rapports. Statistique Canada a tout un tas d’exigences concernant la superficie minimale pour chaque catégorie d’exploitation agricole, et cela passe donc entre les mailles du filet.

Vous n’êtes pas les seuls. Terre-Neuve-et-Labrador est dans la même situation. Si vous prenez seulement Terre-Neuve-et-Labrador, bon nombre de ses données ne peuvent pas être communiquées.

Ce n’est donc pas que nous ignorons l’existence de ces lieux. Cela met en lumière un grand et important problème concernant la santé des sols. La santé des sols au Yukon est très différente de celle dans le Sud de l’Ontario. Il faut traiter cela de manière différente et le reconnaître, mais il est très difficile de faire des rapports ou d’analyser des données quelconques.

Le président : J’ai une petite question pour vous deux : pensez-vous qu’il y aura un jour une technique qui permettra de déterminer la santé des sols d’une manière ou d’une autre? Est-ce possible? Pensez-vous que nous pourrons y parvenir?

M. Lobb : Oui. Il n’y en a pas une, mais deux : la matière organique du sol et le rendement des cultures dans une interprétation à l’échelle du champ.

Le président : Merci.

Mme Van Eerd : J’allais dire le carbone dans le sol, c’est la même chose que la matière organique du sol. Est-ce suffisant? Cela dépend de la fonction qui vous intéresse. Mais je suis d’accord avec M. Lobb.

Le président : Merci.

La sénatrice Simons : La semaine dernière, nous avons beaucoup entendu parler des problèmes d’érosion des sols, de perte des sols et d’occupation des terres agricoles par le développement urbain.

J’aimerais comprendre de quoi il est question ici, madame Van Eerd. Si vous parlez des sols eux-mêmes, quels sont les éléments que vous devez rechercher pour savoir si les sols sont en bonne santé?

Mme Van Eerd : La matière organique des sols. Je m’en tiendrai à cela. Les sols sont composés d’eau, d’air, de minéraux et de matière organique. Si vous prenez une poignée de terre, vous devez penser à ces cinq choses : la partie minérale, l’eau, l’air et la partie vivante.

La sénatrice Simons : Et qu’est-ce que c’est? Vous cherchez des feuilles mortes, des vers de terre? Simplifiez les choses pour la citadine que je suis.

Mme Van Eerd : Oui, c’est cela et plus. Si je pense à la matière organique des sols, je pense à ce qui est vivant, à ce qui est mort et à ce qui est mort depuis longtemps. C’est la vie.

Le président : Il doit exister une chanson sur cela quelque part.

La sénatrice Simons : C’est la réponse la plus simple.

Mme Van Eerd : Tout est issu de la vie.

M. Lobb : Elle a tout à fait raison. Une des choses que je pourrais souligner, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de la matière organique. Ce sont les organismes vivants dans la matière organique. Vous pouvez prendre une poignée de terre riche et organique du fond des gros monticules que l’on trouve dans les chantiers des zones résidentielles, et c’est mort. Si le sol contient de la matière organique, il peut revenir à la vie et produire. S’il n’en contient pas, il ne produira rien.

Le sénateur Klyne : Oui. Je me demandais si vous avez entendu parler de Soileos, ou si vous le connaissez ou avez un avis à ce sujet; c’est un engrais durable à base de micronutriments, fait à partir de petits pois, de lentilles et des enveloppes d’autres végétaux. En avez-vous entendu parler?

Mme Van Eerd : Non.

M. Lobb : Oui, mais je n’ai aucun avis là-dessus, parce qu’il n’est probablement pas différent des autres fertilisants organiques.

Mme Van Eerd : Il fait partie de la catégorie des amendements de compost et des fertilisants organiques. Il est issu de la partie vivante, de la matière organique.

Le sénateur Klyne : Je me doutais que vous diriez cela.

La sénatrice Duncan : Vous avez mentionné le compost. Whitehorse dirige un programme de compostage très efficace. Nous avons un excellent terreau. J’ai remarqué qu’un certain nombre de villes et de municipalités font la même chose.

Dans tout ce que vous faites pour étudier la santé des sols, incluez-vous des études sur les programmes municipaux de compostage et leurs effets sur la santé des sols?

Mme Van Eerd : Oui, de nombreux chercheurs le font. Je ne le fais pas précisément dans mon programme de recherche, mais de nombreux chercheurs le font.

M. Lobb : Je ne le fais pas non plus, mais il y a un certain nombre de problèmes quand on prend les déchets municipaux, parce qu’ils sont souvent contaminés par de nombreux métaux, et cetera. Ils doivent être traités de façon assez délicate.

Mme Van Eerd : Il existe des règlements relatifs à sa gestion et à son application, mais c’est une bonne source, et je suis d’accord pour qu’on l’applique à la terre.

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs et les témoins, il est 19 h 30 et nous sommes donc arrivés à la fin de notre premier groupe de témoins. J’aimerais remercier nos deux témoins, Mme Van Eerd et M. Lobb. Nous apprécions vraiment votre participation ici, ce soir. J’espère que nos chemins se recroiseront un jour.

Pour notre second groupe de témoins, nous allons entendre M. Nadir Erbilgin, professeur et directeur du Département des ressources renouvelables de l’Université de l’Alberta, et Mme Angela Bedard-Haughn, professeure et doyenne du Collège d’agriculture et de bioressources de l’Université de la Saskatchewan.

Madame, monsieur, merci de vous joindre à nous. Nous allons écouter la déclaration préliminaire de M. Erbilgin, puis celle de Mme Bedard-Haughn. Vous aurez chacun cinq minutes pour présenter votre déclaration préliminaire. Vous avez la parole, monsieur Erbilgin.

Nadir Erbilgin, professeur et directeur, Département des ressources renouvelables, Université de l’Alberta, à titre personnel : Merci beaucoup. Salutations d’Edmonton. Je me demande toujours comment les gens prononceront mon nom, et merci beaucoup de l’avoir prononcé comme vous l’avez fait.

J’aimerais me présenter brièvement avant d’aller plus loin. Je m’appelle Nadir Erbilgin. Je suis professeur et directeur du Département des ressources renouvelables de l’Université de l’Alberta. J’ai obtenu mes diplômes aux États-Unis. Je suis titulaire d’un doctorat de l’Université de Wisconsin-Madison. Je suis chercheur postdoctorant à l’Université Berkeley, en Californie.

Depuis 2007, j’enseigne, je mène des recherches, j’encadre des étudiants de premier cycle et des étudiants diplômés et je suis au service de la collectivité à l’Université de l’Alberta. Je suis devenu directeur l’année dernière.

Mes recherches sont axées sur la santé des forêts, alors nous allons passer d’une perspective plus agricole à une perspective forestière, car la santé des sols est un élément essentiel de la santé des forêts.

La question est donc, qu’est-ce que la santé des forêts? Je devrais peut-être la définir. Le point de vue est davantage axé sur la gestion ou l’humain. La santé des forêts est considérée comme les conditions forestières qui nous permettent d’atteindre nos objectifs de gestion des forêts ou des terres. Nous essayons essentiellement de comprendre et de gérer les insectes et les maladies dans les écosystèmes forestiers naturels et gérés et de décrire comment ils interagissent pour affecter les propriétés des écosystèmes.

Il s’agit d’aspects essentiels, parce que nous avons récemment observé d’importantes éclosions ici, le dendroctone du pin ponderosa dans l’Ouest canadien et la tordeuse des bourgeons de l’épinette dans l'Est du Canada. Cela se produit dans le monde entier. Je reviens d’Europe où ils ont leurs propres problèmes de santé des forêts.

Une meilleure santé des sols est essentielle, et la santé des sols est un élément crucial de la durabilité des forêts. La durabilité des forêts est essentielle, après l’exploitation, après les épidémies d’insectes ou après les incendies, les forêts doivent pouvoir reprendre vie. La santé des sols leur permet d’y parvenir. C’est un élément essentiel du reboisement dans le monde entier, y compris au Canada.

Alors, qu’est-ce que la santé des sols? Comment pouvons-nous faire des liens? Je pense que, ici, la partie la plus importante est la matière organique des sols, un élément vraiment vital de la santé des forêts, comme l’ont dit les précédents témoins.

La matière organique des sols est responsable de la majorité des propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols, du fait de la litière végétale et de l’incidence anthropique. Elle est également essentielle pour la réussite du reboisement et la restauration des forêts après une perturbation, comme un feu de forêt, qui est une perturbation courante; les épidémies d’insectes; l’exploitation et de nombreuses autres perturbations. Mais elle est également vulnérable. Elle se trouve à la surface du sol et est très vulnérable aux perturbations.

Pour cette raison, la matière organique est liée quand on parle des sols forestiers. En tant que chercheur, j’ai beaucoup travaillé sur ce volet. L’évaluation des sols est essentielle pour comprendre les écosystèmes sains.

Il est très difficile d’évaluer la santé des sols forestiers, car les sols sont dynamiques et sont influencés par des propriétés physiques, chimiques et biologiques. Cela signifie qu’il n’existe pas d’indicateur unique de la santé des sols forestiers que l’on peut mesurer pour évaluer la santé des sols. Parce que les changements d’une propriété, comme les propriétés chimiques, pourraient avoir des répercussions sur les propriétés microbiennes, par exemple.

Je pense qu’il faut avoir une vue d’ensemble. Peu importe nos discussions, nous devons avoir une vision d’ensemble, et nous devons investir. Je vous suggère donc vivement d’envisager d’établir — je pense que les précédents témoins seront également d’accord avec moi — un protocole de surveillance des perturbations des sols dans tout le Canada pour recueillir les données à court et à long terme sur les changements des propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols.

Cela pourrait peut-être faire partie d’un institut national pour la santé des sols qui relèverait du Conseil canadien de conservation des sols. Je ne connais pas les détails, mais c’est une institution importante. Je pense que nous en avons réellement besoin. A-t-on la capacité nécessaire, au Canada? Absolument. Nous avons les institutions universitaires intellectuelles nécessaires. Nous avons des institutions provinciales et fédérales, des organismes à but non lucratif et nous avons aussi des avancées technologiques comme tous les « omique » : la génomique, la métabolomique et la protéomique. Nous disposons des informations essentielles pour surveiller les perturbations de nos sols.

D’accord, je m’arrêterai ici. Merci.

Le président : Merci. Madame Bedard-Haughn, merci de vous être jointe à nous.

Angela Bedard-Haughn, professeure et doyenne, Collège d’agriculture et de bioressources, Université de la Saskatchewan, à titre personnel : Merci beaucoup de m’avoir invitée. Bonsoir à tous. Je vous parle aujourd’hui du territoire visé par le Traité no 6, le territoire traditionnel des Métis, et le centre des Prairies, où se trouvent 80 % des terres agricoles du Canada. Nous avons également un grand nombre de sols forestiers.

J’ai grandi dans une ferme, dans une région rurale de la Saskatchewan. J’ai obtenu mes deux premiers diplômes ici, à l’Université de la Saskatchewan, avant d’aller à Davis, en Californie, pour mon doctorat. Je suis revenue à l’Université de la Saskatchewan en tant que professeure des sciences du sol et j’ai fini par devenir doyenne il y a deux ou trois ans.

Je suis l’ancienne présidente de la Société canadienne de la science du sol et j’ai siégé pendant deux mandats au conseil d’administration de la Société pour la conservation des sols de la Saskatchewan. Je suis donc une passionnée et une défenseure enthousiaste des sols.

J’aimerais commencer par remercier le comité d’entreprendre ce travail important, qui est essentiel non seulement pour le Canada, mais aussi pour la sécurité alimentaire et la sécurité des sols du monde entier.

J’aimerais reprendre la définition de la santé des sols formulée par Mme Van Eerd. J’aimerais souligner que, quand je parle de la santé des sols, je ne parle pas d’une seule chose. Je parle de la capacité d’un sol donné de fournir des services écosystémiques. Mais je tiens à souligner que c’est au plus fort de son potentiel. Je pense qu’il s’agit d’un aspect important auquel nous devons réfléchir.

Les sols fournissent de nombreux services écosystémiques, comme l’a résumé Mme Van Eerd, mais certains sols sont intrinsèquement meilleurs que d’autres dans chacun de ces services écosystémiques. Ce qu’il faut donc rechercher... Il n’existe pas un sol dont on peut dire, d’accord, c’est l’idéal pour un sol sain, car chaque sol ne peut donner le meilleur de lui-même que dans un climat donné. Donc, un sol sableux du sud-ouest de la Saskatchewan et un sol fertile et loameux du sud-ouest du Manitoba auront des rendements très différents au regard de certains de ces indicateurs de santé des sols. Mais ce qu’il faut chercher à obtenir, c’est que les sols atteignent une santé optimale.

La façon dont nous gérons un sol particulier pour en optimiser la santé dépend à la fois de la nature du sol et, comme l’a souligné Mme Van Eerd, des services que nous souhaitons optimiser.

Le problème, bien sûr, quand on parle d’un cadre national pour la santé des sols, c’est que la définition est dynamique et quelque peu subjective. Nous avons déjà entendu parler du carbone dans le sol; si l’on prend deux sols de texture similaire dans un climat similaire, le sol qui contient le plus de carbone ou le plus de matière organique sera en meilleure santé, selon plusieurs indicateurs. Il aura une meilleure structure. Il aura une communauté microbienne plus robuste et permettra à davantage de plantes de pousser, pourra davantage filtrer l’eau, recycler les nutriments, et cetera. Pour répondre donc à une précédente question, si on ne devait mesurer qu’une seule chose, ce serait le carbone.

Ici, dans les Prairies, nous célébrons la réussite de la culture sans labour. Ce changement généralisé de la méthode de gestion a permis de réduire l’érosion, d’augmenter la conservation de l’eau et des nutriments et le stockage du carbone, mais nous savons également que, d’après le travail de suivi que nous avons effectué, depuis l’adoption des méthodes de conservation du sol, nous avons fait une réplique d’une étude appelée le projet établissant le bilan du carbone dans les sols des Prairies. Et nous savons grâce à ce travail que la variabilité spatiale, quand on parle d’une chose aussi fondamentale que le carbone du sol, peut être très élevée, de l’ordre de quelques mètres, et sur des gradients climatiques allant du semi-aride au subhumide.

De plus, la variabilité temporelle, c’est-à-dire la variabilité d’une année sur l’autre de certains processus du sol, peut également être élevée en raison de l’évolution des pratiques de gestion et de phénomènes tels que les sécheresses s’étendant sur plusieurs années, qui entraînent des pertes de récoltes. Cela a également des répercussions sur la santé des sols. Si l’on constate ces types de variabilité dans le carbone, les autres indicateurs de la santé des sols varieront également.

Je tiens donc à vraiment souligner — l’un de mes points clés pour ce groupe — que la compréhension de l’état actuel de la santé des sols nécessitera quelques programmes de mesure de référence rigoureux qui tiennent compte de ces principaux facteurs, c’est-à-dire les variabilités spatiale et temporelle. Il ne suffit pas de prélever un échantillon ici et là. Il faut comprendre les variabilités spatiale et temporelle.

Je ne saurais trop insister sur l’importance des données de base. Si je veux perdre du poids, je dois me peser aujourd’hui, pour que je sache d’où je commence. La prochaine fois que je me pèserai, je saurai si ce chiffre a augmenté ou baissé. Je dois également connaître une partie de cette variabilité temporelle. Est-ce que je me suis pesée avant le déjeuner ou tout de suite après le repas de l’Action de grâce? Ce serait très différent.

Pour revenir aux commentaires des précédents témoins, j’aimerais également souligner que le suivi de la santé des sols au Canada, au fil du temps, nécessitera réellement une surveillance et une gestion coordonnée des données, à l’échelle régionale et nationale.

Au cours des dernières décennies, la gestion des renseignements sur le sol est devenue de plus en plus répartie. Comme l’a remarqué un des membres de votre comité, nous avons plusieurs secteurs. L’industrie et les chercheurs recueillent également des données. Elles sont éparpillées un peu partout. De grands volumes de données sont recueillis, mais nous n’avons aucun moyen de les rassembler et nous perdons des occasions importantes d’exploiter la puissance des mégadonnées.

Je voudrais pour terminer dire que de nombreux renseignements sont recueillis. Oui, je suis d’accord avec les précédents témoins pour dire qu’il faut mener des recherches supplémentaires, mais nous devons également être plus stratégiques et coordonnés quant à la façon dont nous travaillons avec les résultats de ces recherches et penser à cela à l’échelle du pays. Les pratiques exemplaires sembleront très différentes selon que l’on est dans la vallée du Fraser, dans les plaines de Regina ou dans les basses-terres du Saint-Laurent, et nous devons penser à cela.

Je conclus ma déclaration et je vous remercie tous de votre attention. Je répondrai avec plaisir à quelques-unes des questions qui ont également été posées au premier groupe de témoins.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Simons : Je commencerai par M. Erbilgin. Je suis diplômée de l’Université de l’Alberta, d’Edmonton, c’est donc un bon jour pour le Traité no 6, ici. Je suis originaire de l’Alberta, et je connais trop bien les effets dévastateurs des feux de forêt sur nos forêts et la mortalité massive causée par le dendoctrone du pin ponderosa. Je suis curieuse de savoir, si le carbone est bon pour les sols et qu’il les aide à se régénérer, quels sont les effets sur les sols de ce genre de destruction d’arbres, que ce soit par des parasites ou par le feu? Cela finit-il par enrichir les sols, ou est-ce une équation trop simpliste?

M. Erbilgin : C’est une excellente question. Les sols ont la capacité de stocker autant de carbone qu’ils le font. Si on examine les forêts sous l’angle de la biomasse souterraine et de la biomasse aérienne, si la biomasse souterraine est beaucoup plus importante que la biomasse aérienne, les sols stockent beaucoup de carbone. Quand une épidémie d’insectes se déclare et tue les arbres, si les entreprises forestières sont chanceuses, elles peuvent retirer ces arbres à temps. Sinon, les arbres restent là et, dans 10 ou 15 ans, ils feront plus ou moins partie du sol, et apporteront une grande contribution.

Il y a de nombreuses sources de carbone. Pas seulement la biomasse forestière. Par exemple, les racines des arbres libèrent de nombreuses substances chimiques — les phénols —, des composés à base de carbone qui restent dans le sol. Ils contribuent également aux changements dans les communautés microbiennes.

Les feux de forêt ou les épidémies d’insectes accélèrent absolument la transformation des sols forestiers de puits de carbone à source de carbone, car les sols ont la capacité de retenir un certain volume de carbone, et, lorsqu’ils n’y parviennent pas, ils libèrent, après un feu de forêt, une partie du carbone dans l’atmosphère. Cela a un effet positif sur le changement climatique mondial. J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Simons : Je pense que oui. C’est intéressant. Nous avons discuté avec des gens du secteur agricole, et il est facile de constater que, si vous faites de l’agriculture artificielle, comme l’a dit le sénateur Cotter la semaine dernière, vous exploitez le sol. Mais, dans le secteur forestier, nous n’avons pas une forte empreinte écologique. Qu’est-ce qui cause la dégradation de la santé des sols dans une forêt?

M. Erbilgin : Ce sont principalement les perturbations que vous avez décrites, c’est-à-dire les feux de forêt et les épidémies d’insectes. Ensuite, vraiment, encore une fois, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous devons prendre un peu de recul et essayer de mettre les choses en perspective. Pourquoi y a-t-il autant d’épidémies d’insectes ou d’incendies? Cela revient à la façon dont nous gérons nos forêts.

Je me concentrerai sur les insectes. Je suis un écologiste spécialiste des scolytes, c’est mon travail. Ensuite, si on pense aux composants des sols et des arbres, qu’est-ce qui est essentiel? Nous fournissons ce que les scolytes aiment. Qu’est-ce qu’ils aiment? Ils aiment les forêts âgées et les arbres qui ne peuvent pas supporter les attaques des insectes ni y résister. Tout cela contribue à l’ajout de carbone au sol.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

Le sénateur Oh : Merci, madame, monsieur, d’être ici. D’après ce que je comprends, le Canada n’a pas pris d’engagements fermes ou fixé des objectifs au niveau national en vue d’établir une norme nationale visant à accroître la séquestration du carbone dans le sol. Quels systèmes politiques encourageraient les agriculteurs à capturer le carbone dans les sols agricoles? À quelle vitesse le carbone peut-il être absorbé par le sol? Quelles sont les meilleures méthodes pour faire cela?

Mme Bedard-Haughn : Tout d’abord, quand on réfléchit à la raison pour laquelle il n’y a pas de politique nationale en matière de carbone, je tiens de nouveau à souligner ce que j’ai dit plus tôt, ce ne sont pas tous les sols qui peuvent stocker la même quantité de carbone. On ne peut donc pas fixer un seul objectif et faire en sorte qu’il ait du sens pour toute la Saskatchewan, sans parler d’un objectif national qui aurait du sens pour la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et le Yukon. Chaque région a un potentiel maximal différent. Nos sols séquestraient le carbone de manière différente, bien avant l’introduction de toute pratique de gestion. Une politique nationale devrait viser un changement relatif, et non une valeur absolue.

Le second point que je voudrais souligner, c’est qu’il y a dans la province — et M. Lobb l’a mentionné — des régions où il y a eu une importante augmentation du carbone depuis les années 1980. Dans une grande partie de la Saskatchewan, ce serait certainement le cas en raison du travail de conservation du sol. Selon moi, le risque, avec une politique qui ne tient pas compte de certains de ces aspects historiques... J’entends des gens dire qu’il doit y avoir une augmentation par rapport à la situation actuelle. Je crois que nous pénalisons essentiellement les premiers utilisateurs dont nous avons précédemment entendu parler. Si j’ai séquestré du carbone pendant les 40 dernières années parce que j’étais une pionnière et que, soudainement, mon voisin qui n’a pas du tout pris la peine d’adopter la politique obtient un paiement parce qu’il change maintenant de pratique, cela ne sera pas très bien accueilli dans le monde agricole.

En ce qui concerne la vitesse à laquelle le carbone peut être stocké, cela varie un peu. Il y a différents bassins. Aujourd’hui, nous avons parlé pour la gouverne des personnes présentes — du carbone organique comme d’un tout. Il y a différents bassins que nous pouvons mesurer pour ce qui est des différentes formes biochimiques du carbone, mais, si l’on examine le carbone en général, on ne s’attend pas à voir des changements avant cinq à dix ans ou plus. Le carbone au total change relativement lentement, parce que, dans une année donnée et à un moment donné, le carbone que nous mesurons dans le sol est le résultat net des nouveaux apports et des nouvelles émissions de carbone. C’est juste une partie du cycle biogéochimique. Il y aura toujours les deux. Ce que nous recherchons, c’est un gain net dans le sol.

M. Erbilgin : Je pense qu’il faut faire la promotion de l’agroforesterie au Canada. Qu’est-ce que l’agroforesterie? C’est une façon simple d’améliorer la santé des sols. L’agroforesterie est une pratique de gestion intensive des terres, où les arbres et les arbustes sont intégrés dans la gestion des cultures ou des animaux. Elle permet d’optimiser réellement les nombreux avantages des interactions biophysiques et même biochimiques entre les cultures, les animaux et les arbres. Les pratiques agroforestières ont été approuvées par les programmes de reboisement dans le cadre des mécanismes pour un développement propre du Protocole de Kyoto pour la séquestration du carbone. Elle pourrait être un des mécanismes pratiques.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Duncan : Je remercie tous les témoins. Les feux de forêt et leurs effets sur la santé du sol ont été abordés et discutés. J’aimerais faire suite aux questions de la sénatrice Simons. Après les feux de forêt dans le Nord de la Colombie-Britannique et au Yukon, il y aura une invasion de cueilleurs de morilles, la saison suivante. Je ne sais pas si c’est la même chose dans tout le pays, mais il y a très clairement des morilles. Nous verrons les cueilleurs arriver. Je me demande ce que cela dit de la santé de nos sols. Est-ce la même chose dans tout le pays? Que nous apporte ce type d’information?

M. Erbilgin : C’est une question excellente et très intéressante. Examinons les caractéristiques biologiques de ces champignons. Que font-ils? Ils utilisent le carbone. Ils sont opportunistes. Après un incendie, les arbres sont probablement stressés, et ils meurent, en commençant par les racines, alors ces champignons apparaissent et utilisent ce carbone facilement disponible, ce qui est un très bon signe. Cela fait partie du processus de décomposition. Cet arbre ne tiendra pas debout, il va se passer quelque chose. Des champignons de surface, des champignons souterrains, des champignons coprophiles et d’autres types de champignons — même pathogènes — peuvent jouer des rôles essentiels dans le flux de nutriments qui passent du sol au végétal et du végétal au sol. Cela fait partie de ce magnifique continuum. Et c’est un indicateur de santé. Je ne suis pas préoccupé par les incendies. Les incendies affectent trop de gens et d’entreprises, mais à long terme, le feu est bénéfique pour un écosystème.

La sénatrice Duncan : Et les champignons sont seulement bons pour une saison?

M. Erbilgin : Oui, ils sont probablement évincés par d’autres organismes pathogènes ou saprophytes. La compétition est l’un des principaux moteurs des organismes de la planète.

La sénatrice Duncan : Est-ce pareil partout au pays, ou est-ce propre au Nord?

M. Erbilgin : Je l’ai observé dans certaines parties de l’Alberta. Le champignon a également besoin d’une certaine quantité d’humidité, si humidité il y a. C’est crucial parce que, lorsque les arbres meurent, il n’y a rien pour absorber l’eau du sol. Avant, ils utilisaient l’eau; ils transpiraient et l’eau s’évaporait. Maintenant, ils ne prennent pas autant d’eau, il reste donc un peu d’eau. L’eau et le carbone disponibles créent de très bonnes conditions. Si un feu se déclare dans un sol très sec, vous ne verrez peut-être pas ce genre de champignons pousser.

La sénatrice Duncan : Merci.

Le sénateur Cotter : Ma question, je crois, s’adresse à vous deux, mais peut-être principalement à Mme Bedard-Haughn. Je crois que vous comprendrez le sens de ma question parce que vous avez aidé à définir l’orientation des dimensions politiques du congrès international auquel le sénateur Black et moi-même avons assisté.

Pour ce qui est de la recherche et des résultats de la recherche, y a-t-il une manière de déterminer quels genres de recherches pourraient le mieux orienter les politiques publiques, ou peut-être guider les agriculteurs de sorte qu’ils puissent prendre des décisions différentes? Je ne veux pas manquer de respect, ayant moi-même fréquenté le milieu universitaire. Parfois, les chercheurs deviennent doués pour « couper les cheveux en quatre ». C’est très important pour la réflexion et le progrès de la science, mais l’application du savoir à de bonnes politiques publiques me semble, dans ce domaine, devenir chaque jour plus importante. Qu’est-ce qui serait le plus utile pour la prise de décisions en matière de politiques publiques?

Mme Bedard-Haughn : Je crois justement que le Canada est très bien placé, si l’on pense à nos collèges agricoles dans tout le pays. Ils sont très efficaces dans ce genre de recherches. Chose certaine, dans les programmes de certains membres du corps enseignant de notre collège, on passe de la théorie très détaillée directement aux parcelles d’essai dans les champs des agriculteurs et aux journées de travail sur le terrain avec les producteurs pour comprendre les variations dans le fonctionnement du site A et du site B. Les collèges agricoles du pays sont doués, entre autres, pour l’application générale des connaissances.

Dans la même veine, je demanderais de nouveau à ce que nous puissions recueillir des données à partir de différents sites, pour en faire une synthèse. Je réfléchis à la manière dont nous pouvons réellement recueillir des données et utiliser la capacité d’analyse de certaines de ces mégadonnées. Étant donné que la collecte de renseignements est tellement répartie à l’heure actuelle, cela demande beaucoup de travail. Il va de soi que la cueillette doit être répartie. Nous devons nous demander ce que nous pouvons faire pour compiler plus facilement mes ensembles de données avec ceux de Laura Van Eerd, de David Lobb et de Dave Burton, de Dalhousie. Comment pouvons-nous rassembler ces données? Parce que c’est en les regroupant que nous pouvons observer des tendances et trouver des solutions. Même si nous ne le faisons qu’à l’échelle régionale, il y aura plus de similitudes dans les Prairies. Comment pouvons-nous apprendre l’un de l’autre et appliquer ces connaissances aux politiques?

Si je n’avais qu’à choisir une seule chose, ce serait du soutien pour le regroupement des données et des informations. C’est ce qui aurait la plus grande incidence.

Le sénateur Cotter : Où, dans les gouvernements, ces investissements pourraient-ils être faits, ou d’où pourraient-ils provenir?

Mme Bedard-Haughn : C’est là que ça se complique. C’est là, je crois, qu’il faudrait avoir une sorte d’institut — j’en ai fait mention plus tôt, et l’un de vos sénateurs en a fait mention. À l’heure actuelle, nous recueillons des données à l’échelle de nombreuses institutions. Auparavant, j’aurais dit que, bien entendu, ça devrait être Agriculture Canada. Mais nous recueillons de l’information par l’intermédiaire d’Agriculture Canada, d’Environnement Canada, de gens du secteur forestier et d’autres gens qui font des travaux. Une grande partie de l’échantillonnage des sols effectué à l’heure actuelle dans le Nord fait en réalité partie des évaluations environnementales des sites d’exploitation et d’exploration minières. Donc, l’échange de données est en fait complexe parce qu’il n’y a aucun institut.

Donc, si la santé des sols est une priorité nationale, il faut que toutes ces organisations s’entendent pour dire qu’elles doivent assurer ensemble la santé des sols — les petits échantillons de sol que nous avons — et qu’elles doivent tout regrouper pour discuter des limites qui s’imposent. Parce qu’un des autres facteurs à prendre en compte, lorsque nous pensons aux changements climatiques, est que nous allons peut-être soudainement voir des sols qui étaient principalement destinés à la foresterie devenir des sols agricoles ou l’inverse, n’est-ce pas? Soudainement, nous allons devoir faire davantage de reboisement parce que nous ne pourrons plus cultiver les terres en raison du climat.

Je crois que ça ne cadre avec aucune des enveloppes gouvernementales actuelles ni aucune des structures actuelles, sénateur Cotter.

Le sénateur Klyne : De toute évidence, à mesure que nous écoutons les témoins experts comme vous, il devient clair que la santé des sols au Canada est menacée. Nous faisons face à d’importants problèmes de gestion des sols, qu’il s’agisse de la dégradation ou de l’érosion des sols. Nous habitons un vaste pays qui affiche des différences régionales.

J’aimerais me pencher sur cette recherche approfondie. Il semble qu’il sera difficile d’aller de l’avant sans y avoir recours. Lorsqu’on y pense, on commence à envisager la gestion d’une chaîne de blocs et de mégadonnées. Une bonne partie des mégadonnées circulent dans nos universités, qui ont d’énormes ordinateurs capables de faire une quantité incroyable de calculs mathématiques. Je crois qu’il est question de faire un grand bond en avant, pour arriver là où nous devons arriver en ce qui concerne les chaînes de bloc, les mégadonnées et la synthèse des résultats des données.

Vous avez en quelque sorte posé cette question, mais je vais la poser maintenant. Comment devons-nous rassembler tout ça? Comment passons-nous à l’action? À ce point-ci de la crise, je crois qu’il n’est plus question de savoir ce qui est difficile ou facile. Que devons-nous faire?

Mme Bedard-Haughn : Oui. Nous devons passer à l’action en reconnaissant qu’il s’agit d’une priorité. Pauvre David Lobb, qui a dû m’entendre faire ce discours plus d’une fois, mais j’en parle depuis un bon bout de temps et j’ai souvent demandé des subventions auprès d’institutions fédérales au fil des ans. Je leur ai dit qu’il s’agit d’une priorité nationale, que nous avons besoin d’une base de données nationale d’information sur les sols. Nous devons relier tous les éléments et trouver un moyen de mettre cela en place.

Ça a été vraiment difficile parce que ce n’était pas le mandat d’une organisation fédérale comme, par exemple, Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous avons des scientifiques ici et là, mais nous ne pouvons y arriver sans financement. Nous avons besoin de ce soutien. Il y a des gens ayant la capacité, les compétences, l’intérêt et la volonté, mais pas les ressources pour le faire. Étant donné qu’il s’agit d’un problème de distribution, aucune province ne souhaite participer à la création d’une base de données nationale.

Je vais en rester là. J’ai conscience du temps qui s’écoule, mais il me ferait plaisir d’avoir une tout autre discussion à ce sujet.

M. Erbilgin : J’ajouterais qu’il s’agit d’un processus en deux étapes. La première étape est de voir quel genre de données nous obtenons des universités et des organismes. Rassemblons ce que nous avons, voyons ce que nous avons, puis réfléchissons à ce que nous allons faire ensuite. Nous devons le déterminer. Nous n’avons peut-être pas à prélever des échantillons de sols partout. Quelles sont les régions, par exemple au Yukon? Déterminons d’abord les lacunes en matière de recherche, et nous pourrons ensuite nous concentrer sur certains de ces aspects. Cela va peut-être nécessiter un plan d’action à l’échelle nationale. Je le suggère une fois de plus : mettons sur pied un institut national sur la santé des sols afin de réunir sous un seul toit toute l’information sur les sols, et laissons ensuite les chercheurs analyser ces données.

La deuxième étape consiste à cerner les lacunes; à savoir où aller. Je crois que ces deux étapes sont essentielles, à mon avis.

Le sénateur Klyne : Donc, nous avons ces vases clos, mais nous avons vraiment besoin ici d’adopter une approche nationale et de lancer un appel à l’action.

Qu’arrivera-t-il si nous ne faisons pas ce grand bond en avant? Quelle est la gravité de la situation? Nous devrions peut-être rassembler les gens afin d’adopter cette approche nationale et obtenir les ressources que nécessite cette recherche approfondie.

Mme Bedard-Haughn : Il semble que nous allons avancer dans le noir, en gros, si nous continuons à utiliser cette approche décousue comme nous le faisons à l’heure actuelle. Certains secteurs fourniront beaucoup de renseignements, et d’autres, aucun renseignement. Nous ne serons pas en mesure d’aller vraiment de l’avant, de prendre le genre de décisions éclairées et de mesures politiques dont, je crois, nous parlons ici à cette table.

Le sénateur Klyne : Mais la santé des sols continue de se détériorer et de se dégrader. Nous avons un sérieux problème.

Mme Bedard-Haughn : Oui. Les choses bougeront grâce aux agriculteurs qui le font pour leur propre bien, parce qu’ils savent que c’est la bonne chose à faire puisqu’ils ont observé les avantages économiques qu’ils en tirent. Dans l’ensemble, toutefois, il sera difficile d’inciter ceux qui tardent à adopter ces pratiques sans brosser un tableau plus complet de la direction que nous prenons en tant que pays.

Le sénateur Klyne : Merci.

Le président : Avant de passer au deuxième tour, j’ai une question à poser. Je connais assez bien nos témoins et j’ai une assez bonne idée des précédents relevés sur l’état de santé actuel des sols au Canada dans le domaine de l’agriculture. Quel est l’état de santé actuel de nos sols, sous les forêts? Pourriez-vous nous donner un aperçu de leur état de santé actuel, s’il vous plaît?

M. Erbilgin : Il est difficile de répondre à cette question parce que nous ne disposons pas vraiment de données sur les sols à l’échelle du Canada. Il en va de même pour le système agricole. Nous ne pouvons utiliser les données qui sont recueillies en Colombie-Britannique, en Alberta, au Yukon ou dans d’autres territoires. Nous faisons face au même problème. Nous avons une foule de données sur certaines régions de l’Alberta, mais pas sur le Nord de l’Alberta, par exemple, et sur d’autres communautés. C’est le principal problème. Pour vous répondre rapidement, je ne peux pas vraiment l’évaluer parce que nous ignorons ce que nous avons. Nous ignorons ce qui manque, globalement, à l’échelle du Canada.

Dans l’ensemble, nos sols sont vraiment sains comparativement aux systèmes agricoles parce que, selon tous les indicateurs, nos forêts sont fonctionnelles et résilientes. Après une perturbation — c’est-à-dire, après un incendie ou une épidémie d’insectes comme la tordeuse des bourgeons de l’épinette qui a sévi dans l’Est du Canada — je peux vous garantir que les arbres continueront de pousser. Pourquoi? Parce que le système fonctionne très bien. C’est ce qui compte. Les propriétés chimiques, biologiques et physiques du sol des forêts fonctionnent. Sauf, bien sûr, si vous allez dans le Nord de l’Alberta, où il y a l’exploitation des sables bitumineux ou l’exploitation minière. Ils ont retiré tout le sol, la matière organique dont ont parlé certains témoins. Si vous retirez cette portion vivante du sol, il est très difficile de la remettre.

Ce sont des exemples vraiment extrêmes. Dans l’ensemble, pour ce qui est de la forêt boréale, je dirais que nous avons, plus ou moins, un sol en santé et fonctionnel.

Le président : Merci.

Mme Bedard-Haughn : J’aimerais rapidement ajouter quelque chose à ce sujet. En ce qui concerne la post-récolte, où il y a une activité forestière, la nature des pratiques forestières sera un facteur clé à considérer quant au risque de compaction, d’érosion et aux choses du genre. C’est une chose au sujet de laquelle nous avons certaines données et sur laquelle nous pouvons continuer à nous appuyer.

Il faut aussi réfléchir au fait que, dans le passé, nous avons eu des problèmes de pluies acides dans l’Est. Plus récemment, nous avons commencé à observer certains problèmes de qualité de l’air, qui ont des répercussions sur la santé forestière ainsi que sur la santé du sol forestier, dans certaines régions, en raison de la pollution atmosphérique créée par les activités minières et des choses du genre. Il y a donc plusieurs choses. C’est beaucoup plus localisé. Si nous faisons une évaluation exhaustive de la santé des sols forestiers, il s’agit de facteurs de risque supplémentaires qu’il faudrait prendre en compte en plus des incendies et des infestations de ravageurs. Il y a des perturbations d’origine humaine, mais elles sont plus localisées par rapport à l’étendue des forêts comparativement aux terres agricoles.

Le président : Merci.

Le sénateur Marwah : Je remercie les témoins. Ce sont des points de vue très intéressants.

Madame Bedard-Haughn, vous avez dit qu’il était difficile de faire de vrais progrès de manière globale. Les agriculteurs peuvent prendre des mesures pour eux-mêmes, mais le faire à grande échelle est beaucoup plus difficile.

Y a-t-il des groupes responsables des politiques ou y a-t-il une politique d’intérêt public? Les gouvernements sont-ils saisis de cet enjeu, leur a-t-on dit qu’ils doivent prendre les devants afin que certaines de ces grandes questions soient abordées, ou ces questions sont-elles laissées à l’industrie et aux milieux universitaires?

Mme Bedard-Haughn : À ce stade-ci, ces questions sont principalement laissées à l’industrie et aux milieux universitaires.

Si nous pensons, par exemple, aux crédits de carbone, en lien avec la santé des sols, les gens parlent davantage d’autres types de moteurs économiques qui pourraient stimuler certains changements.

Plus tôt, j’ai mentionné qu’il y a un petit problème d’équité en ce qui concerne les premiers utilisateurs comparativement aux utilisateurs tardifs, si nous y pensons. Il n’y a pas autant de politiques de ce genre en place lorsqu’il est question d’améliorer la santé des sols. Cela tient en partie, une fois de plus, au fait que, si nous ne pouvons pas assurer une surveillance, comment pouvons-nous mettre en place des politiques? Si nous n’avons pas de données de base, comment pouvons-nous en faire le suivi? Si nous n’avons pas de programme de surveillance, comment pouvons-nous en faire le suivi? Nous sommes seulement en train de faire semblant d’en faire la surveillance.

Ensuite, il faut réfléchir à l’étendue de ce que nous aurions à surveiller. Du point de vue de l’agriculture dans les Prairies, si cela repose sur les pratiques plutôt que sur une sorte de mesure quantitative des sols, laquelle présente une variabilité spatiale et temporelle plus importante; ou si nous envisageons la chose du point de vue des pratiques de surveillance, cela pose certaines difficultés du point de vue de la capacité humaine de dire : « Cet agriculteur a dit qu’il allait adopter cette pratique, mais son voisin vient de nous téléphoner pour dire qu’il ne le fait pas vraiment. Il laboure son champ et en tire les récoltes. » Comment faire pour mettre en application la politique de la carotte et du bâton? Il est vraiment difficile d’aborder la question sans avoir de données à l’appui.

Nous avons de plus en plus d’outils de surveillance comme des outils de télédétection, et ainsi de suite. Pour avoir une très bonne idée de la situation, nous aurions beaucoup plus de possibilités d’investissements et d’innovation stratégiques pour faire avancer les recherches si nous intégrons certaines de ces techniques de télédétection aux programmes de recherche sur le terrain. Je crois que nous avons vraiment la possibilité de passer à l’étape suivante de la surveillance.

Le sénateur Marwah : Merci.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer au deuxième tour.

La sénatrice Simons : J’ai une question pour Mme Bedard-Haughn. Nous avons parlé de la forêt boréale et des terres agricoles, mais il y a un autre écosystème agricole dont nous n’avons pas encore parlé ce soir : les terres d’élevage, les pâturages.

J’imagine qu’il y a des problèmes de compaction et d’érosion, mais à quels autres obstacles ou contraintes font face ces pâturages? Qui est responsable? C’est une chose de surveiller le sol sur une ferme ou dans une forêt, mais qui s’occupe de toutes ces acres de pâturage?

Mme Bedard-Haughn : La plupart des pâturages, ici, dans les Prairies, sont des terres privées; ce serait donc au propriétaire du ranch ou au cultivateur de veiller à la santé de ces terres. On a tout intérêt à s’en occuper, lorsque nous pensons à la sécheresse de l’an dernier et la situation désastreuse dans laquelle se trouvent nos propriétaires de ranch en raison du manque d’aliments pour animaux; c’est vraiment à ces producteurs, à ces propriétaires de ranch, qu’il revient d’avoir le sol le plus sain possible parce que c’est ainsi qu’ils vont produire les aliments les plus durables et rentables.

Lorsqu’il est question de cet impératif économique, j’ai souvent constaté que les propriétaires de ranch sont les responsables de la santé des sols les plus passionnés parmi les producteurs, et ils ont un certain avantage en raison de certains facteurs qui contribuent à la santé des sols — Laura Van Eerd parlait des diverses semences et des racines vivantes dans les récoltes — et un grand nombre de terres d’élevage, qu’elles soient naturelles ou gérées, servent à des fourrages vivaces. Donc, ces herbages et la luzerne et le trèfle, par exemple, contribuent au carbone dans le sol, ce qui aide à soutenir un système microbien en santé et ainsi de suite.

Ensuite, il s’agit de bien réfléchir aux pratiques de gestion qui optimisent cela. Je commence en fait une nouvelle étude, ce printemps, en partenariat avec un collègue de l’Université de l’Alberta, qui porte sur la mesure du carbone sous les cultures fourragères dans le cadre de différentes pratiques de gestion, en Saskatchewan, dans le but d’avoir une idée de la diversité des types de sols représentatifs également de l’Alberta et du Manitoba.

La sénatrice Simons : Nous allons poursuivre cette étude pendant un certain temps, j’espère donc que vous allez nous faire part de vos découvertes au fur et à mesure.

Mme Bedard-Haughn : Oui.

La sénatrice Simons : Quels sont les véritables stress, alors, pour ces pâturages? Est-ce le surpâturage? Est-ce la compaction due à tous ces sabots? Ces pâturages ont fini par être broutés par des bisons.

Mme Bedard-Haughn : Oui. Cela dépend vraiment des pratiques en matière de pâturage. C’est la question à se poser. Si vous faites du surpâturage, si vous gardez trop longtemps les animaux sur une étendue de terre qui n’est pas suffisamment grande, ils finiront par pâturer à l’excès et compromettre la santé de la couverture végétale, ce qui peut causer de l’érosion. Beaucoup de pâturages se trouveront sur des sols plus sableux, peut-être, qui sont plus vulnérables à ce type de risque ainsi qu’à la compaction, dont vous avez fait mention.

Ce sont tout à fait des éléments à prendre en compte : la compaction, le risque d’érosion. Et une fois que vous en êtes au stade du surpâturage, vous vous retrouvez dans une situation où il y a plus de risque d’espèces invasives qui ne sont peut-être pas propices à une biomasse microbienne saine non plus. Vous pourriez vous retrouver avec une infestation de mauvaises herbes, et certaines de ces herbes sont elles-mêmes allélopathiques et tuent les autres plantes qui pourraient s’y trouver, et vous vous retrouvez donc avec une monoculture d’une sorte de mauvaises herbes, qui a ses répercussions particulières sur la santé du sol.

La sénatrice Simons : Cela ne présage rien de bon.

Mme Bedard-Haughn : Non, en effet. Rien de bon.

Le président : C’est comme mon jardin.

M. Erbilgin : J’aimerais ajouter quelque chose à ce sujet.

Le président : S’il vous plaît, allez-y.

M. Erbilgin : Je crois que Mme Bedard-Haughn en a déjà fait mention, mais je crois que l’information sur ces espèces végétales envahissantes est importante. En Alberta, le cytise glabre envahit les pâturages et modifie les propriétés chimiques et les communautés microbiennes des pâturages. L’herbe ne peut pas vraiment repousser parce que les plantes envahissantes créent un environnement qui n’est viable que pour elles, et non pour les espèces compétitrices, comme c’est le cas pour les pâturages indigènes. Je crois qu’il s’agit peut-être d’un autre stress sur lequel les chercheurs devraient se pencher.

Le président : Merci beaucoup.

Y a-t-il d’autres questions?

J’ai une dernière question à poser, si vous me le permettez. Il nous reste quelques minutes. Je pose la question à chacun d’entre vous, quelle est la chose que vous voulez que nous prenions en considération pour la suite de notre étude? Quelle est la chose que vous voulez que nous ayons vraiment retenue ce soir?

Mme Bedard-Haughn : Monsieur Erbilgin, vouliez-vous prendre la parole?

M. Erbilgin : Une chose à retenir? J’aurais souhaité que cette séance ait eu lieu hier, et non aujourd’hui, parce que la santé des sols est très, très importante. Nous devons vraiment nous en occuper. Si les mesures pour l’avenir sont retardées, nous ne savons pas à quels problèmes nous ferons face. La santé des sols est importante pour préserver la santé des écosystèmes, de l’agriculture, des forêts ou des élevages; nous devons aller au fond du problème. Merci.

Le président : Merci.

Mme Bedard-Haughn : La chose que je voudrais que vous reteniez, c’est la nécessité d’une perspective nationale qui transcende nos limites organisationnelles actuelles, que ce soit un institut national sur la santé des sols ou une autre structure qui nous permettra d’avoir vraiment une vision globale qui va au-delà de l’agriculture, de l’environnement, de la foresterie et de l’exploitation minière. Nous devons tenir compte de tous ces éléments à la fois pour comprendre la santé des sols et savoir comment nous pouvons rassembler l’information pour déterminer où nous en sommes et où nous voulons aller.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Duncan : J’aimerais poser une question, et c’est peut-être aux analystes de notre comité, avec l’aide des témoins, d’y répondre.

Nous avons, au Yukon, un secteur de recherche en foresterie, un projet de recherche en foresterie qui se trouve très près de l’endroit où j’habite. Je me demandais s’il y a des projets semblables ailleurs dans le pays, si chaque province et territoire a un projet de recherche en foresterie. Si nous apprenons que c’est le cas, pouvons-nous leur demander leurs travaux de recherche? Merci.

Mme Bedard-Haughn : Je vais seulement faire un commentaire. Je ne crois pas qu’il y a toujours une surveillance provinciale. Je sais que certains projets, certains sites de surveillance forestière que nous avons ici en Saskatchewan ont été lancés dans le cadre d’initiatives nationales ou provinciales, mais que la surveillance a été depuis confiée aux universités. Cela nous ramène à ce que vous avez mentionné plus tôt, à savoir qui est responsable ici? Des ensembles de données passent de main en main parce qu’on reconnaît leur importance, mais je crois que c’est exactement ce qui nous permettra de suivre certains changements au fil du temps, grâce à ces sites de données à long terme.

M. Erbilgin : Ici, en Alberta, nous avons un ensemble de données provinciales, mais ça ne couvre pas vraiment l’ensemble de l’Alberta, cela dépend du budget. On surveille le dendroctone du pin ponderosa, par exemple. Je crois que la Colombie-Britannique fait des photographies aériennes depuis vraiment longtemps, mais ensuite, parce qu’il y a eu une crise budgétaire, elle a dû réduire la région couverte.

C’est ça le problème. Le problème c’est que, même si le Yukon, l’Alberta et la Colombie-Britannique recueillent tous des données, ils n’ont aucune norme. Ils ne savent même pas quelle portion de la forêt a été ravagée ni comment définir une forêt en mauvaise santé et une forêt en bonne santé. Nous n’avons pas de normes claires, comme pour ce qui est des points de vue sur la santé des sols. Je crois que nous devons établir ces critères.

Le président : Merci beaucoup.

Comme il n’y a pas d’autres questions, madame Bedard-Haughn et monsieur Erbilgin, je vous remercie beaucoup, au nom de mes collègues, de votre participation aujourd’hui. Nous sommes très reconnaissants de votre aide dans le cadre de cette étude, et j’espère que vous allez nous suivre à mesure que nous avançons, et nous chercherons à croiser votre chemin encore une fois dans l’avenir, peut-être.

Je voudrais remercier les membres de notre comité de leur participation active et de leurs questions bien réfléchies. J’en suis reconnaissant.

Je souhaite également remercier le personnel qui s’est assuré du bon déroulement des réunions du comité : les interprètes, les équipes de débats qui transcrivent les réunions, les préposés de la salle de réunion, nos techniciens en services multimédias, l’équipe de diffusion, le centre d’enregistrement, la DSI, notre page, nos agents de communication, nos analystes, nos adjoints administratifs et notre greffière. Il faut une équipe pour tenir des réunions, donc, merci beaucoup.

Notre prochaine réunion aura lieu jeudi de cette semaine, le 29 septembre 2022, à 9 heures, et nous continuerons à entendre des témoins experts au sujet de cette étude.

(La séance est levée.)

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