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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 17 novembre 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, avec vidéoconférence, à 9 h 3 (HE), pour examiner le projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard).

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. J’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité, à nos témoins et à tous ceux qui regardent la réunion sur le Web.

Je m’appelle Rob Black, sénateur de l’Ontario et président du comité. Je vais demander à mes collègues autour de la table de se présenter.

La sénatrice Simons : Sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.

[Français]

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Bonjour et bienvenue. Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Bonjour et bienvenue. Sénatrice Pat Duncan, du Yukon.

Le président : Le comité se réunit aujourd’hui pour examiner le projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard).

Ce projet de loi a été renvoyé précédemment au comité le 7 juin. À ce moment, le comité a entendu des témoins et fait rapport au Sénat avec un amendement au projet de loi, qui a été adopté. Les sénateurs ont reçu une copie du projet de loi, de même que le cinquième rapport du comité qui contenait l’amendement concernant la nouvelle disposition sur l’entrée en vigueur qui avait été adoptée à ce moment. Ces deux documents sont disponibles en ligne.

Le 3 novembre dernier, le Sénat a adopté une motion demandant que le projet de loi S-236 modifié ne soit pas lu une troisième fois, mais qu’il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts pour qu’il entende d’autres témoins, dont le directeur parlementaire du budget, au sujet de son analyse financière du projet de loi.

C’est ce que nous allons faire aujourd’hui. J’aimerais souhaiter la bienvenue à Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, qui est accompagnée de Diarra Sourang, directrice, Analyse économique.

Nous accueillons également en ligne Mona Nandy, directrice générale, Direction des politiques de l’assurance-emploi, et George Rae, directeur, Initiatives et analyse des politiques, tous deux d’Emploi et Développement social Canada.

Nous accueillons aussi en ligne Carl Pursey, président, de la P.E.I. Federation of Labour.

Nous allons entendre la déclaration liminaire de M. Giroux, directeur parlementaire du budget, puis celle de Mme Mona Nandy, d’Emploi et Développement social Canada, et ensuite de M. Carl Pursey, de la P.E.I. Federation of Labour.

Vous disposez chacun de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Lorsqu’il vous restera une minute, je vais lever une main. J’espère que vous me verrez. Lorsque j’aurai les deux mains levées, c’est signe qu’il est temps pour vous de conclure. Je vous remercie de votre collaboration.

Je vous demanderais aussi de parler lentement pour que nos interprètes puissent bien comprendre ce que vous dites. Je vous remercie donc de parler clairement et lentement.

Sur ce, monsieur Giroux, je vous cède la parole.

[Français]

Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Honorables sénateurs et sénatrices, nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd’hui. Nous sommes heureux d’être ici pour discuter de notre analyse du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard), qui a été publiée le 7 septembre 2022.

Je suis accompagné aujourd’hui de Diarra Sourang, directrice de l’analyse économique.

[Traduction]

Le programme d’assurance-emploi, ou AE, divise la province de l’Île-du-Prince-Édouard en deux régions économiques, soit l’agglomération de recensement de Charlottetown, ou AR, et la région de l’Île-du-Prince-Édouard à l’exclusion de l’agglomération de recensement de Charlottetown.

Le projet de loi S-236 propose l’élimination des régions économiques de l’Île-du-Prince-Édouard prévues par le programme d’assurance-emploi. S’il est adopté, un seul taux de chômage sera utilisé pour évaluer les demandes des résidants de cette province, au lieu des deux taux de chômage distincts actuellement employés pour chacune des régions économiques.

Le Bureau du directeur parlementaire du budget estime que cette mesure entraînera des économies d’environ 76,6 millions de dollars pour le gouvernement fédéral entre 2021-2022 et 2025-2026, ou sur une période de cinq ans.

La mesure aura une incidence sur les prestations d’assurance-emploi régulières et pour pêcheurs des résidants de l’Île-du-Prince-Édouard.

Mme Sourang et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions sur notre analyse du projet de loi S-236 ou de tout autre aspect du travail du Bureau du directeur parlementaire du budget.

Je vous remercie.

Mona Nandy, directrice générale, Direction des politiques de l’assurance-emploi, Emploi et Développement social Canada : Bonjour à tous. Je suis ravie d’être avec vous aujourd’hui. Je m’appelle Mona Nandy, et je suis la directrice générale de la Direction des politiques de l’assurance-emploi, au ministère de l’Emploi et du Développement social Canada. Je suis accompagnée de George Rae, directeur à la Direction de la politique de l’assurance-emploi. Nous sommes ici aujourd’hui pour vous parler du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi.

Comme il a été mentionné, le projet de loi propose des modifications à la Loi sur l’assurance-emploi qui feraient en sorte que l’Île-du-Prince-Édouard soit fusionnée en une seule région économique à partir des deux régions économiques actuelles de l’assurance-emploi.

Depuis 2014, il y a deux régions économiques de l’assurance-emploi dans la province de l’Île-du-Prince-Édouard, l’une qui comprend la capitale de Charlottetown et l’autre qui couvre le reste de l’île.

L’objectif des 62 régions économiques de l’assurance-emploi actuelles est de permettre au programme de s’adapter automatiquement aux changements des conditions économiques qui affectent les marchés du travail locaux. Les régions veillent à ce que les personnes vivant dans des régions où les conditions du marché du travail sont similaires soient traitées de façon similaire en termes d’admissibilité aux prestations, de taux de prestations et de durée d’admissibilité aux prestations.

Le taux de chômage mensuel propre à chaque région économique de l’assurance-emploi sert à déterminer le nombre d’heures assurables dont les travailleurs ont besoin pour être admissibles aux prestations régulières de l’assurance-emploi. Le taux de chômage a également une incidence sur la durée de leurs prestations régulières et sur le calcul du taux de prestations hebdomadaires.

Le Règlement sur l’assurance-emploi exige que la Commission de l’assurance-emploi du Canada examine les limites des régions économiques de l’assurance-emploi au moins une fois tous les cinq ans. Le but de ces examens est de déterminer s’il est approprié d’apporter des changements à ces limites. Le dernier examen des limites a été conclu en juin 2021 et le prochain devrait commencer en 2023.

Les modifications des limites des régions de l’assurance-emploi sont généralement mises en œuvre par le biais des modifications réglementaires avec l’approbation du gouverneur en conseil.

Avant la division de l’Île-du-Prince-Édouard en deux régions économiques de l’assurance-emploi en 2014, un Résumé de l’étude d’impact de la réglementation a été publié dans la Gazette du Canada. L’énoncé des coûts et des avantages réalisé à l’époque et inclus dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation estimait que, sur une base annuelle, la division de l’Île-du-Prince-Édouard en deux régions de l’assurance-emploi entraînerait des coûts du régime d’environ un million de dollars par an pour la province, avec un nombre net global de 3 700 prestataires de l’assurance-emploi bénéficiant de prestations accrues.

Les conditions économiques et démographiques ont évolué de façon significative depuis 2014 à l’Île-du-Prince-Édouard. Le pourcentage de prestataires de la province qui résident dans la région rurale de l’Île-du-Prince-Édouard, hors capitale, a augmenté, passant de l’estimation d’environ 70 % dans l’analyse effectuée en 2014 pour le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation à 78 % pour l’exercice 2019-2020.

De même, l’écart entre les taux de chômage des deux régions de l’Île-du-Prince-Édouard a beaucoup fluctué depuis 2014, allant de 0,1 point de pourcentage à certains moments à 8,6 points de pourcentage à d’autres périodes.

Selon les dernières estimations du ministère, l’incidence financière du regroupement des deux régions de l’Île-du-Prince-Édouard en une seule région pour la province serait une perte nette pour les prestataires de l’Île-du-Prince-Édouard d’environ 13 millions de dollars par année en prestations de l’assurance-emploi, soit une réduction d’environ 15,3 millions de dollars dans la région rurale de l’Île-du-Prince-Édouard et de 2,7 millions de dollars supplémentaires en prestations versées à Charlottetown. Cette analyse suppose que la fusion entraînerait une diminution de deux points de pourcentage du taux de chômage dans la région rurale de l’Île-du-Prince-Édouard, hors capitale, et une augmentation de deux points de pourcentage à Charlottetown.

Il est important de garder à l’esprit qu’il est impossible de prédire quels seront les taux de chômage dans les deux régions dans les années à venir. Encore une fois, la différence dans les taux de chômage mensuels a été plus élevée et plus faible que cela dans le passé. Par conséquent, cette variation estimée de deux points de pourcentage des taux de chômage à l’Île-du-Prince-Édouard dans un scénario de fusion représente une fourchette moyenne basée sur les taux de chômage moyens observés en 2021.

Actuellement, la région de Charlottetown a un taux de chômage de 5 % tandis que la région rurale de l’Île-du-Prince-Édouard a un taux de chômage de 10 %, soit une différence totale de cinq points de pourcentage. Depuis la création des deux régions en 2014, le taux de chômage mensuel a toujours été plus élevé dans la région rurale, hors capitale, de l’Île-du-Prince-Édouard qu’à Charlottetown.

Notre analyse montre qu’il y a plus de 20 000 demandeurs de prestations régulières de l’assurance-emploi par année à l’Île-du-Prince-Édouard. Compte tenu de ce que nous savons et de ce que nous avons observé au sujet des différences entre le marché du travail de Charlottetown et celui du reste de l’Île-du-Prince-Édouard, la fusion des deux régions économiques de l’assurance-emploi entraînerait une diminution considérable des prestations de l’assurance-emploi versées aux prestataires résidant à l’extérieur de Charlottetown, tandis qu’un gain minime serait réalisé par les prestataires résidant à Charlottetown, ce qui, encore une fois, se traduirait par une perte nette des prestations de l’assurance-emploi versées à l’Île-du-Prince-Édouard.

En plus de continuer à travailler avec le commissaire à l’assurance-emploi pour les travailleurs et la commissaire à l’assurance-emploi pour les employeurs sur l’importante question des limites des régions de l’assurance-emploi, y compris à l’Île-du-Prince-Édouard, le régime de l’assurance-emploi continuera à surveiller et à analyser les tendances du marché du travail à mesure qu’elles se présentent dans tout le pays. Le prochain examen des limites devrait commencer en 2023. L’analyse effectuée sur les limites de l’assurance-emploi servira à éclairer toute modification future des régions économiques de l’assurance-emploi au pays afin de s’assurer que le régime d’assurance-emploi continue de répondre aux besoins actuels et futurs des travailleurs et des employeurs.

Je vous remercie.

Carl Pursey, président, P.E.I. Federation of Labour : Au nom de la P.E.I. Federation of Labour, j’aimerais vous remercier de nous donner l’occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi S-236 qui vise à faire en sorte que l’Île-du-Prince-Édouard redevienne une seule région de l’assurance-emploi.

La P.E.I. Federation of Labour représente 16 syndicats et plus de 15 000 travailleurs et leurs familles qui viennent de toutes les régions de la province.

Les rapports d’Ottawa ne tiennent pas compte des travailleurs à faible revenu invisibles à l’Île-du-Prince-Édouard qui en arrachent depuis la fin des règles spéciales de l’assurance-emploi liées à la COVID. Depuis 2014, l’Île-du-Prince-Édouard est divisée en deux régions de l’assurance-emploi : la région économique de l’assurance-emploi de Charlottetown et la région économique de l’assurance-emploi de l’Île-du-Prince-Édouard.

Cette division a créé une classe de travailleurs à faible revenu invisibles, étant donné que de nombreux travailleurs dans la région de Charlottetown ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi en raison de l’augmentation du nombre d’heures d’emploi assurable. Les travailleurs dans la région de Charlottetown ont besoin de 700 heures, alors que ceux dans la région rurale de l’Île-du-Prince-Édouard n’ont besoin que de 560 heures et reçoivent des prestations pendant moins longtemps.

Le problème des régions doit être réglé à l’Île-du-Prince-Édouard, car de petites communautés de 50 habitants sont actuellement divisées en deux par la route, et ceux qui habitent d’un côté se trouvent dans une région et ceux qui habitent de l’autre côté se trouvent dans l’autre région. Cette iniquité touche les travailleurs saisonniers. Il faut aussi prendre en considération les personnes dont les emplois sont précaires, comme les travailleurs à la demande, les travailleurs migrants et les entrepreneurs indépendants, car ils ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi.

Les travailleurs à faible revenu vivent dans les deux régions de l’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard.

La région de Charlottetown comprend à la fois la ville et des zones rurales. L’Île-du-Prince-Édouard est une seule région économique et ne devrait avoir qu’une seule région de l’assurance-emploi, car certains travailleurs dans la région de Charlottetown vont travailler dans une région rurale et retournent ensuite dans leur région.

Il est vrai que le rétablissement de l’Île-du-Prince-Édouard en une seule région de l’assurance-emploi aura pour effet de réduire légèrement les prestations de ceux qui vivent dans la région rurale de l’Île-du-Prince-Édouard. Cependant, cela permettra d’accroître l’admissibilité des travailleurs à faible revenu invisibles qui vivent dans la région de Charlottetown en réduisant le nombre d’heures d’emploi assurable pour obtenir des prestations d’assurance-emploi et obtenir des prestations pendant une durée plus courte. De plus, en étant admissibles à l’assurance-emploi, les gens peuvent participer à des programmes de recyclage professionnel, offerts par Compétences ÎPÉ, pour des emplois spécialisés. Cela crée un problème lorsque deux voisins vivent de part et d’autre de la route, car dans un cas, l’un d’eux aura besoin de 560 heures pour être admissible à un programme de recyclage, et l’autre de 700 heures pour être admissible au même programme.

Selon le Huitième rapport annuel sur la pauvreté des enfants et des familles à l’Île-du-Prince-Édouard du Centre MacKillop pour la justice sociale et de la coalition de l’Île-du-Prince-Édouard pour une stratégie d’éradication de la pauvreté, c’est dans la ville de Charlottetown que les enfants et les personnes en âge de travailler sont les plus touchés par la pauvreté, un nombre qui totalise 7 360 habitants. Cela n’inclut pas les personnes visant à l’extérieur de la ville.

Toujours selon le rapport, avant la pandémie, seulement 40 % des personnes sans emploi étaient admissibles aux prestations d’assurance-emploi. Les auteurs recommandent :

Que le gouvernement fédéral mette fin immédiatement à la division de l’Île-du-Prince-Édouard en deux régions de l’assurance-emploi, afin de mettre un terme à la disparité qui existe actuellement pour les prestataires de l’assurance-emploi dans la province [...]

Les commentaires au Sénat laissant entendre que les députés de l’Île-du-Prince-Édouard n’ont rien fait dans ce dossier sont irrespectueux des efforts déployés sans relâche par Wayne Easter, ancien député de Malpeque, et Sean Casey, député de Charlottetown.

Lors de la dernière législature, le député Casey a présidé le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, qui a adopté le rapport recommandant qu’Emploi et Développement social Canada « rétablisse une seule région économique de l’assurance-emploi pour l’Île-du-Prince-Édouard dans un délai de 12 mois ». Cela fait 16 mois, et rien n’a encore été fait.

Nous pouvons aussi mettre en place un projet-pilote de trois ans. Le gouvernement fédéral avait promis lors des élections de 2015 de ramener l’Île-du-Prince-Édouard à une seule région. Cette promesse n’a pas été tenue.

Je travaille depuis huit ans à ce dossier, et je n’ai jamais entendu un travailleur ou un employeur dire qu’il est contre l’idée d’une seule région pour l’Île-du-Prince-Édouard. Tous ceux à qui j’ai parlé sont pour avoir une seule région.

Nous demandons au comité d’être juste à l’égard de tous les habitants de l’île, et aux sénateurs de voter en faveur de ce projet de loi, afin d’accroître l’accès aux prestations de l’assurance-emploi pour tous les habitants de l’île et de faire en sorte que les travailleurs à faible revenu et leurs familles soient traités équitablement et aient les mêmes chances de réussir que les autres.

L’Île-du-Prince-Édouard est une petite région où les travailleurs utilisent toute l’île comme lieu de travail et où des voisins travaillant au même endroit n’ont pas droit aux mêmes prestations. Le Sénat a un rôle à jouer pour donner une voix aux personnes vulnérables, et c’est ce que nous vous demandons de faire maintenant. Il est urgent d’adopter ce projet de loi, et le Sénat ne devrait pas accroître le stress des travailleurs à faible revenu dans les zones urbaines et rurales de la région de Charlottetown en le rejetant.

Je vous remercie de votre temps. Si vous souhaitez en savoir plus à ce sujet, je vous invite à venir à l’Île-du-Prince-Édouard.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Pursey. Nous allons maintenant permettre aux sénateurs de vous poser des questions. Nous aurons une série de questions de cinq minutes, et je demanderai aux sénateurs de poser leurs questions de façon succincte et directe, et aux témoins d’y répondre de la même façon.

La sénatrice Simons : Madame Nandy, il me semble que vous étiez des nôtres en juin, mais que vous n’avez pas eu l’occasion d’intervenir, ce qui était peut-être un oubli. Vous vous souviendrez qu’à ce moment-là, j’ai fait part de mes préoccupations à M. Laliberté sur la possibilité que les sénateurs se mettent à faire de la microgestion des régions de l’assurance-emploi. Il m’a répondu que même s’il y avait eu un examen en 2021, rien n’avait changé, et il craignait que l’examen de 2023 ne donne un résultat improductif semblable. Je lui ai demandé s’il était sûr que l’examen de 2023 changerait les choses en temps utile, et il m’a répondu comme suit : « Je n’en suis pas sûr du tout. Tout simplement. »

Me voilà perplexe. Dans quelle mesure pouvons-nous être sûrs que si vous procédez à un examen en 2023, cela permettra de régulariser la situation, sans que le Sénat ait à s’immiscer là où, bien franchement, il ne devrait pas?

Mme Nandy : Merci, sénatrice Simons. Permettez-moi de vous expliquer comment on procède dans le cas d’un examen des limites des régions de l’AE. Comme je l’ai indiqué plus tôt, la réglementation visant l’assurance-emploi prévoit un examen des limites des régions économiques de l’assurance-emploi, et ce, au moins tous les cinq ans. Nous pouvons ainsi vérifier que les régions continuent de refléter les caractéristiques des marchés du travail régionaux.

Le gouvernement fournit son analyse à la Commission de l’assurance-emploi du Canada, c’est-à-dire le commissaire de l’assurance-emploi représentant les travailleurs, M. Pierre Laliberté, ainsi que le commissaire de l’assurance-emploi représentant les employeurs et les autres membres de la commission. Les membres de la commission sont chargés d’examiner les limites des régions de l’assurance-emploi afin de déterminer s’il faut y apporter des changements. La commission peut soumettre des recommandations au ministre responsable de l’assurance-emploi quant aux changements qui pourraient être apportés. Il se peut ensuite que des mesures soient prises.

L’examen des limites des régions de l’assurance-emploi utilise diverses méthodes pour examiner et comparer les marchés du travail à l’intérieur des limites d’une région de l’assurance-emploi. On utilise entre autres des données de Statistique Canada et d’autres renseignements sur les marchés du travail, qui sont analysés et comparés aux conditions des marchés du travail ailleurs au pays. Cette analyse rigoureuse permet d’évaluer si les régions économiques actuelles de l’assurance-emploi reflètent toujours les caractéristiques du marché du travail régional.

La sénatrice Simons : Ce n’est aucunement une réponse à ma question. M. Laliberté a exprimé sa grande frustration quant au fait que ces examens avaient lieu sans donner de résultats, et c’est l’une de ces raisons pour lesquelles j’ai voté pour le projet de loi, malgré mes doutes. Moi-même, je suis frustrée du fait qu’on nous dise qu’il y a un problème et que le processus d’examen est là pour régler le problème, sans garantie que les choses se passent ainsi.

Madame Sourang, vos chiffres sur l’impact économique du projet de loi étaient différents de ceux présentés par Mme Nandy. Dans votre rapport, vous indiquez que les chiffres sont tirés des taux de chômage escomptés. Vous dites essentiellement, et je m’excuse, car je n’ai pas le rapport devant moi, que vous ne vous attendez pas à ce que des mesures soient prises dans la foulée du rapport.

Je me demande ce que vous voulez dire. Je vais consulter le rapport. Je l’avais à l’écran, mais il a disparu.

M. Giroux : Je ne pense pas que nous puissions présumer ou non que des décisions seront prises à la suite de notre rapport. Il revient aux parlementaires de décider s’ils adoptent ou non un projet de loi.

Cela dit, nos chiffres ne sont pas si différents de ceux qu’a cités Mme Nandy dans sa déclaration. Il y a une légère différence par rapport à nos chiffres, mais compte tenu du fait que ce sont des projections estimatives, je crois que la marge d’erreur est acceptable. Je dirais que les chiffres fournis par Emploi et Développement social Canada à titre estimatif ressemblent beaucoup aux nôtres.

La sénatrice Simons : J’ai trouvé la phrase exacte : « L’estimation des coûts est très sensible aux perspectives du marché du travail… », ce que je crois comprendre est une estimation du coût futur.

La prochaine phrase se lit comme suit : « Aucun changement de comportement n’est attendu. » Que cela veut-il donc dire?

M. Giroux : Si nous ne nous attendons pas à un changement de comportement, c’est que nous ne nous attendons pas à ce que les gens déménagent d’une région à l’autre pour profiter de l’écart entre les prestations, ou encore ne déménagent pas du fait que l’Île-du-Prince-Édouard est devenue une seule région. Nous ne prévoyons pas que les gens prendront des décisions quant à l’emplacement de leur résidence à la suite de changements apportés au programme d’assurance-emploi.

La sénatrice Simons : Mais s’il n’y avait qu’une région, les gens n’auraient aucune raison de déménager. Je ne comprends pas.

M. Giroux : Justement. Ce que nous voulons dire, c’est qu’il n’y aura aucune incidence sur le comportement des gens d’une façon ou d’une autre. Cela veut probablement dire qu’actuellement, les gens ne déménagent pas pour profiter des critères d’admissibilité moins exigeants d’une région relativement à une autre.

Le sénateur Klyne : Je vais poursuivre dans la même veine que ma collègue, la sénatrice Simons. Mes premières questions sont destinées à Mme Nandy et à M. Rae, et ensuite j’aurai une question pour M. Pursey.

J’y reviendrai, mais je crois que notre réaction est semblable à celle exprimée par M. Pursey en ce qui concerne les facteurs retenus dans notre prise de décision et le résultat recherché en bout de ligne.

Madame Nandy, monsieur Rae, vous avez évoqué les examens des limites des régions dans vos déclarations auxquels on vient de faire référence. Le dernier a été effectué en juin 2021 et on s’attend à ce que le prochain commence en 2023. Dans un discours prononcé récemment au Sénat, la sénatrice Ringuette, qui a suivi de près le cheminement du projet de loi, a indiqué qu’un examen en profondeur du programme d’assurance-emploi est en cours. Afin que je puisse y voir plus clair, je vous pose une première question : va-t-on s’attaquer à d’autres aspects, outre la délimitation des régions à laquelle vous avez fait référence, dans le cadre de l’examen en profondeur? Il suffit d’y répondre par « oui » ou « non ».

Mme Nandy : Oui.

Le sénateur Klyne : D’accord.

Lors de votre dernière comparution devant le comité, vous n’avez fait aucune mention de l’examen en profondeur, lequel est presque terminé sinon déjà terminé, je crois, et dont le rapport sera publié pendant le premier trimestre de 2023. D’après ce que j’ai compris, cela mènera à des réformes du programme d’assurance-emploi que nous connaissons aujourd’hui.

C’est un peu bizarre que ce fait n’ait pas été mentionné, vu la nature du projet de loi à l’étude. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous n’avez pas mentionné cet examen dans votre témoignage?

Mme Nandy : Je vous remercie de la question. Lors de notre dernière comparution devant le Sénat sur le projet de loi, et il faudrait que je vérifie ce qui a été dit à ce moment-là, mais d’après ce que je comprends, nous avons parlé de la volonté du gouvernement de moderniser le programme d’assurance-emploi et des consultations en cours à ce moment-là. Il y a eu deux phases, c’est-à-dire deux séries de consultations. La première phase visait la période allant d’août 2021 jusqu’en février 2022, alors que la deuxième phase a commencé en avril et a pris fin en juillet 2022. Pendant les deux phases, nous avons organisé des tables rondes nationales et régionales et nous avons mis l’accent sur divers thèmes, tels que des améliorations à l’accès au programme d’assurance-emploi et un meilleur accès pour les travailleurs saisonniers qui participent au programme d’assurance-emploi, ainsi que bien d’autres thèmes.

Vous avez donc raison de dire que le gouvernement est en train d’examiner tous les renseignements…

Le sénateur Klyne : Je comprends déjà le processus et le programme. Nul besoin de me l’expliquer. Je me demande tout simplement pourquoi, à l’époque, vous ne pensiez pas que cela aurait une incidence sur notre étude. Si nous l’avions su à l’époque, il se peut que nous ayons décidé de reporter cette mesure jusqu’à ce que les résultats de l’examen soient connus. Il s’agit d’un examen en profondeur, d’après ce que je vois. Je comprends qu’il y aura probablement des réformes considérables à la suite qui modifieront le programme d’assurance-emploi par rapport à ce que nous avons actuellement. C’est bien cela?

Mme Nandy : Il revient au gouvernement de décider…

Le sénateur Klyne : D’accord, d’accord. C’est bon.

J’aimerais revenir à ce qui a été dit sur notre décision prise ici. Nous voulions donc créer une certaine égalité entre les deux régions économiques, c’est-à-dire les fusionner, en pensant bien faire. Nous avions les mêmes préoccupations que M. Pursey.

Lorsque nous avons demandé quels seraient les coûts d’une telle démarche, on nous a répondu que cela coûterait environ 1 million de dollars, ce qui semblait être une bagatelle, vu l’ampleur du programme, si vous me permettez de m’exprimer ainsi. Nous pensions donc qu’il serait utile de fusionner les deux régions, en éliminant ainsi l’iniquité, et que tout serait beau.

Nous avons ensuite appris, grâce au travail du DPB, que les écarts étaient considérablement supérieurs. Le changement allait coûter 76 millions de dollars, et non pas 1 million de dollars. Je ne comprends pas pourquoi on nous a cité des données du résumé de l’étude d’impact de la réglementation effectuée en 2014. Les données étaient périmées et ne reflétaient aucunement la réalité.

J’ai moi-même rapidement effectué des recherches sur le fusionnement et je me suis rendu compte qu’actuellement, l’Île-du-Prince-Édouard affiche un taux de chômage d’environ 9,2 %, alors que celui de la zone économique de Charlottetown se situe à environ 5 %. Si l’on fusionne les deux régions, on arrive à un taux de chômage de 7,3 %, ce qui aura une incidence sur l’assurance-emploi. Mes commentaires sont destinés à M. Pursey, car il pourra répondre à ma question par la suite. On se rend compte que l’incidence sur les gens qui vivent dans la région économique de l’Île-du-Prince-Édouard sera qu’ils devront faire plus d’heures afin d’être admissibles à moins de prestations, car leur statut aura changé. Le taux de chômage est maintenant de 7,3 %, et non de 9,2 %. Les habitants de Charlottetown en sont les gagnants, car ils devront désormais faire moins d’heures que lorsque le taux de chômage était fixé à 5 %, et leurs prestations seront supérieures à ce qu’ils recevaient autrefois.

Cela engendre une iniquité monumentale qui équivaut à environ 76 millions de dollars, et c’est sans tenir compte du fait que nous tentions de mettre la région économique de l’Île-du-Prince-Édouard sur un pied d’égalité avec celle de Charlottetown, alors que dans les faits, nous avons fait le contraire, car nous ignorions l’impact considérable du fusionnement des deux régions et d’un seul taux de chômage.

Le président : Sénateur Klyne, je vous ai donné du temps supplémentaire…

Le sénateur Klyne : J’en suis reconnaissant.

Le président : Vous pouvez continuer à poser des questions, si vous acceptez que cela corresponde à votre temps de parole du deuxième tour.

Le sénateur Klyne : J’aimerais savoir ce qu’en pense M. Pursey.

M. Pursey : Merci, sénateur.

Je crois que les chiffres retenus ici ne sont probablement pas suffisamment précis pour arriver au montant que vous recherchez. Il y a bon nombre de gens dans l’île qui, afin d’y vivre et d’y survivre, ont changé leur adresse sans déménager. Ils ont des permis de conduire et des pièces d’identité qui indiquent qu’ils vivent dans une région rurale. Ils sont nombreux, et je me demande si on en a tenu compte lorsqu’on a fait les calculs.

Les gens le font depuis que les changements ont été apportés. Ce n’est pas juste, mais c’est ce que les gens font. Ils vivent au même endroit, mais on a l’impression qu’ils ont déménagé. Toutefois, ils sont restés sur place, c’est juste qu’ils ont changé d’adresse. C’est un phénomène fréquent.

Ces gens ne le font pas de façon frauduleuse; ils le font pour survivre. Ils doivent le faire, car la plupart d’entre eux sont des travailleurs saisonniers qui gagnent le salaire minimum, c’est-à-dire presque rien, et ensuite lorsqu’ils ne reçoivent qu’une fraction du salaire minimum au titre de l’assurance-emploi, ils n’ont pas assez d’argent pour vivre. Ils disent donc qu’ils vivent chez leurs parents, chez leur grand-mère ou leur tante, mais ils continuent de vivre dans la même résidence.

Nous avons besoin de quelque chose d’équitable ici dans l’Île-du-Prince-Édouard. Le fait d’attendre un autre examen et de remettre des changements à un autre examen ne constitue pas une réponse non plus. On ne semble jamais finir les choses, et les examens ne mènent jamais à rien. Rien n’a changé. Je milite partout dans l’île. Quelqu’un qui vit dans la zone rurale et dont le collègue vit dans la ville m’a dit que ce n’est pas juste. Pourquoi la personne doit-elle faire plus d’heures et recevoir moins de prestations? Les deux personnes font le même travail chez le même employeur.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Klyne. Nous ajouterons votre nom à la liste des intervenants de la prochaine série de questions si vous voulez encore poser des questions.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma question s’adresse à vous, madame Sourang et monsieur Giroux.

Ma question fait suite aux commentaires de M. Pursey. Merci énormément, monsieur Pursey, pour vos commentaires. Ce qui m’est venu à l’idée, c’est qu’on a quelqu’un comme M. Pursey, qui est sur place et qui est au courant de ce qui se passe; on a ces exemples de changements d’adresse qui n’en sont pas et les gens font ce qu’ils peuvent.

Quelle confiance avez-vous en l’exactitude de la collecte de données, des différences dans les adresses, et cetera? Vous avez collecté beaucoup d’informations pour arriver à ce chiffre. On peut se demander s’il y a une différence entre la collecte des données et la réalité sur le terrain. J’essaie de me faire une idée sur la précision de ce dont vous nous avez parlé.

M. Giroux : C’est un très bon point, madame la sénatrice. On a utilisé les données qui sont mises à notre disposition par Emploi et Développement social Canada, des données administratives de l’assurance-emploi et des données de Statistique Canada. Donc, on se fie à l’exactitude de ces données. On se base sur ce que l’on a.

Évidemment, l’expérience de M. Pursey, étant donné qu’il côtoie et qu’il représente des travailleurs, est probablement beaucoup plus exacte que les données que nous avons dans nos bases de données. Cela reflète évidemment l’exactitude des données. Si les gens s’arrangent de différentes façons pour maximiser les prestations auxquelles ils ont droit, l’expérience et les anecdotes que M. Pursey a rapportées sont probablement plus exactes, puisqu’il est sur le terrain, qu’il discute avec des gens et qu’il reçoit de l’information directement de ceux-ci.

Donc, ce sont les limites de nos données. Nous n’avons pas la capacité d’aller à l’Île-du-Prince-Édouard et d’interroger les gens qui bénéficient de l’assurance-emploi pour voir s’ils sont réellement dans une région ou dans une autre. C’est une estimation qui se base sur les données qui nous ont été fournies.

La sénatrice Petitclerc : Merci. Est-ce difficile de quantifier le poids de ces différences sur le terrain par rapport à la collecte de données qui proviennent de sources officielles? Avez-vous une estimation de cela?

M. Giroux : Non; il est difficile de déterminer le chiffre exact. Par contre, si M. Pursey, qui représente les travailleurs, voit que la modification proposée est une bonne modification, puisque c’est lui, ses collègues et les gens qu’il représente qui seraient affectés, je serais tenté d’accorder un très grand poids à ses affirmations et à ses propos.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

[Traduction]

Le président : J’aimerais poser une question afin de permettre à moi-même et à nos spectateurs de mieux comprendre. Qui a recommandé que l’Île-du-Prince-Édouard soit divisée en deux zones, et pourquoi? Ma question est peut-être destinée aux représentants d’Emploi et Développement social Canada.

Mme Nandy : Merci. Les changements ont été apportés en 2014 conformément à des modifications faites à la réglementation. Lorsque les changements ont été apportés aux régions dans l’Île-du-Prince-Édouard, le taux de chômage de la nouvelle région économique de Charlottetown était de 8 % et celui de la nouvelle région économique de l’Île-du-Prince-Édouard était de 11,7 %, soit un écart de presque 4 points de pourcentage entre les deux nouvelles régions. Par conséquent, un demandeur de prestations d’assurance-emploi dans la nouvelle zone de l’Île-du-Prince-Édouard avait droit à plus de prestations d’assurance-emploi qu’un demandeur vivant dans la nouvelle région de Charlottetown. C’est donc pour cela qu’on a décidé de modifier les régions économiques de l’Île-du-Prince-Édouard aux fins de l’assurance-emploi.

Le président : Merci. Nous avons entendu divers chiffres, mais savons-nous combien de zones seraient classées dans la catégorie « rurale » dans la région actuelle de Charlottetown si le changement était apporté? Savons-nous combien de travailleurs saisonniers se trouvent dans chaque zone d’assurance-emploi si on se fie aux modèles que chacun d’entre vous a proposés? Je demanderai aux deux groupes de témoins de répondre à la question. Commençons par le DPB.

Diarra Sourang, directrice, Analyse économique, Bureau du directeur parlementaire du budget : Pouvez-vous répéter la question?

Le président : Est-ce que vous utilisez des données à jour dans vos modèles? Combien de zones seraient classées dans la catégorie « rurale » dans la région actuelle de Charlottetown, et combien de travailleurs saisonniers y a-t-il dans chaque région d’assurance-emploi? Ces gens-là sont-ils compris dans vos modèles?

Mme Sourang : Merci.

En ce qui concerne la première question concernant la reclassification des zones, nous n’avons pas prévu ce facteur dans notre modèle, car l’analyse portait uniquement sur le fusionnement des deux régions. Nous n’avons pas de données aussi détaillées.

En ce qui concerne le nombre de travailleurs saisonniers, nous nous sommes rendu compte que la définition utilisée par Statistique Canada pour désigner un « travailleur saisonnier », qui repose sur le secteur de travail, est différente de celle utilisée par le programme d’assurance-emploi pour désigner un « travailleur saisonnier ». On ne fait aucune référence au travail saisonnier du secteur. Il s’agit plutôt de la fréquence des demandes de prestations régulières. Si la personne demande plus de prestations régulières et vit dans une certaine région, alors elle est considérée comme étant un travailleur saisonnier au titre du programme d’assurance-emploi si d’autres critères sont satisfaits.

Le président : Les représentants d’Emploi et Développement social Canada ont-ils des commentaires?

M. Rae : Je vais répondre. Merci pour la question, sénateur.

C’est en fait Statistique Canada qui détermine quelles zones à l’intérieur d’une région de l’assurance-emploi sont considérées comme étant urbaines ou rurales. Dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard, c’est donc Statistique Canada qui a défini l’agglomération de recensement de Charlottetown en s’appuyant sur des paramètres comme la prévalence des trajets quotidiens vers le noyau urbain. Je crois d’ailleurs que Statistique Canada a fourni par écrit des explications quant à la méthodologie utilisée pour adjoindre ces subdivisions de recensement à l’agglomération elle-même. Ces gens-là pourront donc vous fournir tous les détails voulus en réponse à votre question à ce sujet.

Pour ce qui est des travailleurs saisonniers, ma collègue du Bureau du directeur parlementaire du budget a tout à fait raison. Notre définition d’un prestataire saisonnier est différente de celle que l’on retrouve dans l’Enquête sur la population active. Nous considérons la fréquence des demandes de prestations établies par un travailleur en déterminant si cela se fait toujours au même moment de l’année. En gros, il n’y a qu’une légère différence entre le nombre de prestataires saisonniers et celui des travailleurs saisonniers déterminé au moyen de l’Enquête sur la population active.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Duncan : Je tiens à remercier les témoins qui comparaissent devant nous aujourd’hui. Je parraine ce projet de loi après avoir pris le relais de la sénatrice Griffin.

Les arguments présentés quant à l’iniquité de cette mesure n’ont pas manqué de m’alarmer. Je prends bonne note des commentaires de M. Giroux concernant la situation telle que vécue par les travailleurs eux-mêmes et par les gens sur le terrain à l’Île-du-Prince-Édouard.

En 2014, on a apporté des changements à ces zones, et le sénateur Klyne voulait savoir comment on en est arrivé là et pour quelles raisons. Je connais très bien la distinction entre la zone 1 et la zone 2. Au Yukon, à titre d’exemple, cela ne fait pas de différence. Notre territoire est vaste. L’Île-du-Prince-Édouard est par contre incroyablement petite, et nous avons entendu parler de cas où des gens ont changé d’adresse.

Y a-t-il un autre endroit au pays où l’on crée une telle iniquité en divisant en deux zones une région de taille très réduite? Peut-être pourrais-je poser la question à Mme Nandy. Y a-t-il une autre région au Canada où la création d’une zone 1 et d’une zone 2 exacerbe à ce point les disparités quant à l’accès à des prestations d’assurance-emploi?

Mme Nandy : Merci pour cette question.

Comme nous l’avons indiqué, les limites régionales de l’assurance-emploi sont établies en fonction des unités géographiques définies par Statistique Canada et des conditions du marché du travail. En 2014, l’analyse effectuée à partir des données alors disponibles a mené à la division des territoires en deux régions, l’une pour la capitale et l’autre hors capitale. Ces limites régionales sont entrées en vigueur le 12 octobre 2014 en reconnaissance du fait que Charlottetown aurait été la seule capitale provinciale ou territoriale au pays à ne pas avoir le statut de région économique aux fins de l’assurance-emploi si l’on avait conservé une seule région pour l’ensemble de l’île. Comme le taux de chômage à Charlottetown était à l’époque considérablement plus bas qu’ailleurs dans la province, il a été convenu de diviser également l’Île-du-Prince-Édouard en deux régions, une pour la capitale et une pour le reste de la province à compter du 12 octobre 2014.

La sénatrice Duncan : Merci, madame Nandy. Je comprends bien que Charlottetown est la capitale, mais la situation n’est pas du tout la même avec Whitehorse, la capitale du Yukon, et les efforts qu’une personne doit déployer pour trouver de l’emploi à Dawson, l’ancienne capitale, à des centaines de kilomètres de là. Charlottetown est une petite ville. Comme nous le savons tous, l’Île-du-Prince-Édouard est une très petite province. Je voulais savoir s’il y avait d’autres endroits au pays où l’écart pouvait être aussi marqué. Si j’ai bien compris, vous nous dites que ce n’est pas le cas.

Le président : Voulez-vous réagir, madame Nandy?

Mme Nandy : Je voulais juste apporter une précision, et peut-être que mon collègue, M. Rae, voudra aussi ajouter quelque chose. Je pourrais par exemple vous communiquer certains résultats du plus récent examen des limites régionales pour l’Île-du-Prince-Édouard.

L’analyse de l’homogénéité des taux de chômage et des conditions du marché du travail dans l’ensemble des régions de l’assurance‑emploi a révélé qu’une fusion des deux régions de l’Île-du-Prince-Édouard entraînerait une diminution importante du taux de chômage et une perte d’homogénéité quant aux conditions du marché du travail par rapport à la situation avec les limites actuelles.

La sénatrice Duncan : Il s’agit d’abord et avant tout de veiller à ce que les travailleurs canadiens puissent bénéficier d’un accès équitable à l’assurance-emploi. Je vous remercie pour votre analyse et vos commentaires. Je retiens toutefois le fait que c’est le seul endroit au pays où la modification des zones peut causer autant de difficultés.

Il y a eu égalisation du taux de chômage pendant la pandémie. Tout le monde pouvait ainsi toucher des prestations. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Est-il possible pour Emploi et Développement social Canada, sans tenir compte de la recommandation du commissaire, et en dehors des cadres de ce projet de loi et de la loi elle-même, d’établir un taux qui permettrait aux gens de l’Île-du-Prince-Édouard de toucher des prestations d’un montant raisonnable, comme c’était le cas pendant la pandémie?

Le président : Nous allons vous permettre de répondre, après quoi le sénateur Klyne aura une question de suivi.

Mme Nandy : Emploi et Développement social Canada n’est pas autorisé à établir les taux. Les taux de chômage régionaux utilisés aux fins du régime d’assurance-emploi sont déterminés par Statistique Canada à partir des données mensuelles de son Enquête sur la population active. Dans les provinces, ces taux de chômage régionaux mensuels aux fins de l’assurance‑emploi sont désaisonnalisés et fondés sur une moyenne mobile de trois mois. Pour les territoires, on utilise le taux le plus élevé entre celui établi selon la moyenne mobile désaisonnalisée de 3 mois et celui établi selon la moyenne mobile désaisonnalisée de 12 mois.

Je répète que ce n’est pas Emploi et Développement social Canada qui établit les taux de chômage. Les taux utilisés aux fins du régime sont déterminés par Statistique Canada à partir des données mensuelles de son Enquête sur la population active.

La sénatrice Duncan : Exception faite de la pandémie, alors qu’il a été possible d’établir un taux raisonnable.

Le président : Sénateur Klyne, vous pouvez maintenant enchaîner. Il y a encore quelques collègues qui vous suivront pour compléter ce tour.

Le sénateur Klyne : Je serai très bref.

Pour poursuivre dans le sens des questions de la sénatrice Duncan, je vais m’adresser aux représentants d’Emploi et Développement social Canada. Il y a deux régions économiques au Yukon. Il y a d’abord celle de la capitale où le taux de chômage se situe à 3,4 %, puis la région du Yukon à proprement parler où le taux est de 7,3 %. Il y a donc une grande disparité entre les taux de chômage au sein du territoire. Si l’on devait fusionner ces deux régions, on créerait la même situation qu’à l’Île-du-Prince-Édouard. Une telle fusion serait injuste pour les résidants de la région où le taux de chômage est de 7,3 %, car ils se retrouveraient avec un taux moindre et toutes les conséquences qui s’ensuivent.

Dans chaque province, il y a des régions économiques dont la situation est différente. Je peux vous parler de ma propre province, la Saskatchewan. On y trouve quatre régions économiques : Regina, la capitale; Saskatoon, le grand centre d’affaires; le Nord de la Saskatchewan; et le Sud de la Saskatchewan. Il y a des écarts très marqués entre les taux de chômage dans ces différentes régions. À Saskatoon, le taux de chômage s’établit aujourd’hui à 4 %. À Régina, il est de 5 %. Dans la région du Sud de la Saskatchewan, où il y a une plus grande concentration de la population principalement le long de la route 1, il est de 6,9 %. La région du Nord de la Saskatchewan enregistre quant à elle un taux de 14,9 %.

Je crois que c’est le genre de réponse que la sénatrice Duncan souhaitait obtenir. Elle voulait en fait savoir s’il y a d’autres provinces ou des territoires où l’on note des écarts semblables entre les régions économiques. Je pense qu’on peut dire que c’est le cas partout au pays. Est-ce que je me trompe?

Mme Nandy : Non, vous avez raison. Il y a 62 régions économiques aux fins de l’assurance-emploi. On en retrouve un certain nombre dans chaque province et chaque territoire.

Le sénateur Klyne : Et si on devait procéder à un changement dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard, on établirait sans doute un précédent que personne ne voudrait voir se répéter ailleurs au pays, j’imagine. Vous n’avez pas à répondre. C’est davantage un commentaire politique.

Le sénateur Mockler : Je veux remercier nos témoins pour leurs réponses et leurs observations.

Je veux d’abord vous exposer ma position concernant l’assurance-emploi. Il est primordial que les résidants des 62 régions délimitées au Canada prennent bien conscience des efforts qui sont déployés et des mesures qui sont prises ici pour aider les petits salariés et les plus vulnérables, et pour faire en sorte, comme la sénatrice Duncan l’a souligné à maintes reprises dans le contexte des circonstances qui ont marqué et suivi la pandémie, que ces gens-là n’aient pas à s’inquiéter pour leur subsistance.

Pour revenir à la situation à l’Île-du-Prince-Édouard, je note que vous avez parlé, monsieur Pursey, des consultations que vous avez menées. Avez-vous tenu de telles consultations dans d’autres régions que l’Île-du-Prince-Édouard?

[Français]

Avez-vous consulté le Nouveau-Brunswick, c’est-à-dire la Fédération du travail du Nouveau-Brunswick? Avez-vous consulté la Nouvelle-Écosse et la région de Québec, dans l’Est-du-Québec?

[Traduction]

M. Pursey : J’ai effectivement mené des consultations dans ces autres régions et je peux vous dire qu’on y éprouve également certaines difficultés. Je pense notamment à la Péninsule acadienne dans le Nord du Nouveau-Brunswick où nous avons pu parler de la situation des travailleurs saisonniers et de la problématique du trou noir, une menace qui plane sur cette partie de la province.

Il en va de même de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, de certaines régions du Nord du Québec et de la partie septentrionale de toutes les provinces.

Le cas de l’Île-du-Prince-Édouard est toutefois différent. Il faut compter moins de 200 km pour aller d’un bout à l’autre de l’île, avec Charlottetown au centre. Tout le monde se livre concurrence pour les mêmes emplois. Les gens font la navette. Il y a un endroit où l’île n’a que deux milles de large. Lorsque ces zones ont été établies, c’était uniquement pour des motifs politiques et rien d’autre.

Il y a quatre circonscriptions à l’Île-du-Prince-Édouard, dont l’une est considérée comme étant un siège sûr. C’était celle de Gail Shea. C’est la seule circonscription entièrement en milieu rural; les trois autres incluent des portions de l’agglomération de Charlottetown. Elles entourent cette ville, la traversent et s’étendent encore plus loin.

Nous estimons que cela s’est fait uniquement pour des raisons politiques, et tous les citoyens de l’Île-du-Prince-Édouard partagent cet avis. J’ai pu depuis rencontrer des gens partout dans la province qui m’ont dit qu’ils considéraient cela comme un affront épouvantable. Tout le monde dit que c’est une mesure prise pour protéger Gail Shea en lui permettant de conserver son siège pour les conservateurs. Le changement a été apporté du jour au lendemain. Il n’y a pas eu de consultation.

Nous voudrions que tous ceux qui se déplacent depuis les différentes régions de l’île pour travailler côte à côte au même endroit aient droit au même traitement juste et équitable. Merci.

Le sénateur Mockler : Je peux vous dire, monsieur Pursey, que je viens moi-même du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick et que j’ai siégé pendant 24 ans à l’Assemblée législative de cette province. C’est une question délicate qui est toujours demeurée au cœur de l’actualité. Heureusement que nous avons tout au moins pu compter à l’échelon fédéral sur différents gouvernements qui, les uns après les autres, se sont toujours efforcés de trouver la meilleure solution, non seulement pour une région à l’intérieur du pays, mais pour l’ensemble du Canada. Il y a deux sénateurs qui représentent actuellement l’Île-du-Prince-Édouard — deux autres postes sont vacants — et j’aimerais savoir si vous les avez consultés. Quelle est la position des sénateurs Downe et Francis?

M. Pursey : Je ne les ai pas consultés directement, mais j’ai entendu dire qu’ils étaient favorables à ce qui est proposé.

Le sénateur Mockler : Merci.

Il y a également quatre députés fédéraux. Certaines promesses vous ont été faites en 2015, et dans notre rôle de parlementaires et de chambre de second examen objectif, nous voulons nous en tenir aux faits. Il y a deux députés qui appuient cette mesure et deux autres qui n’y sont pas favorables ou qui, du moins, ne se sont pas prononcés à ce sujet. Avez-vous consulté ces deux autres députés? Qu’est-ce qu’ils vous ont dit? Il ne faut pas oublier qu’il y en a un qui est ministre.

M. Pursey : Oui, j’ai consulté tous les députés à ce sujet en plus d’une occasion. Le ministre, qui reste muet sur la question, voit une partie de sa circonscription être touchée, et je crois en fait qu’il est favorable au changement. Pour avoir discuté avec lui, je peux vous dire qu’il n’est pas contre.

J’ai aussi parlé à maintes reprises avec Robert Morrisey, le député de la circonscription située à l’ouest de l’île. C’est la circonscription dont il a hérité dans sa forme actuelle lorsqu’il a défait Gail Shea. Il s’oppose à la modification proposée, mais a indiqué qu’il pourrait donner son appui si le premier ministre s’engageait, comme il a promis de le faire, à annuler tous les changements néfastes apportés par le gouvernement précédent. Il préférerait que les choses demeurent inchangées du fait que toute sa circonscription est en milieu rural et que ses commettants vont perdre de l’argent.

Lorsque le changement a été apporté au départ, cette région du comté de Prince était plus mal en point qu’actuellement. De nombreux résidants de ce secteur travaillent maintenant à Summerside où l’on trouve des bureaux gouvernementaux qui emploient des centaines de personnes pour l’administration de la taxe de vente harmonisée ou de la TPS. Il y en a beaucoup aussi qui ont un emploi à Charlottetown. Dans une région aussi petite — plus petite en fait que les agglomérations des capitales des autres provinces —, il faut savoir agir avec un maximum de réalisme et d’équité.

J’aimerais remercier la sénatrice Duncan pour l’excellent travail qu’elle a accompli en prenant le relais pour guider ce projet de loi. Merci pour cette initiative, sénatrice Duncan. Nous demandons seulement un traitement équitable pour les gens de l’Île-du-Prince-Édouard.

Comme je l’indiquais, je n’ai pas entendu un dirigeant d’entreprise ou qui que ce soit d’ailleurs s’opposer au principe d’un traitement égal et équitable pour tous. Et vous?

Le sénateur Mockler : Il ne fait aucun doute que le ministre provenant de l’Île-du-Prince-Édouard dispose d’autres moyens pour porter un sujet semblable à l’attention du gouvernement.

J’aurais toutefois maintenant une question pour Mme Nandy.

[Français]

Madame Nandy, un instrument distinct comme le projet de loi S-236 est-il nécessaire pour garantir les mesures à long terme visant à simplifier et assouplir le régime d’assurance-emploi partout au Canada?

[Traduction]

Mme Nandy : Merci pour la question, sénateur.

Comme on l’a mentionné précédemment, le gouvernement s’est engagé à moderniser le régime d’assurance-emploi afin qu’il soit mieux adapté aux besoins actuels et futurs des travailleurs et des employeurs. Il vient de terminer à cette fin des consultations qui se sont échelonnées sur deux ans et s’emploie maintenant à analyser cet apport considérable en vue de mettre au point un régime d’assurance-emploi qui sera plus simple, plus inclusif et plus souple pour les travailleurs.

Le gouvernement poursuit donc son travail en vue de moderniser le régime d’assurance-emploi.

Le sénateur Mockler : Je vais vous poser une question à laquelle je suis pas mal certain que vous ne pourrez pas répondre. Quand devrait être prêt ce rapport dont nous aimerions bien pouvoir prendre connaissance?

Mme Nandy : Vous parlez du rapport sur le plan du gouvernement pour la modernisation de l’assurance-emploi, sénateur?

Le sénateur Mockler : Tout à fait.

Mme Nandy : Vous avez raison. Je ne peux pas vous donner de date à ce sujet. Nous sommes en train d’analyser les différentes contributions.

Le sénateur Mockler : Merci.

Le président : Bel essai, sénateur Mockler. Nous passons maintenant au second tour.

La sénatrice Simons : Monsieur Rae, je me réjouis de vous voir de nouveau parmi nous aujourd’hui, même si vous n’avez pas présenté d’exposé au début de la séance.

Je crois parler au nom d’une grande partie des membres de ce comité en affirmant que nous avons l’impression d’avoir été placés dans une position plutôt inconfortable, du fait que ce n’est qu’après avoir pris connaissance du rapport de Mme Sourang que nous avons pu prendre conscience des risques que ce changement ait des répercussions économiques plutôt graves pour les gens vivant à l’extérieur de la région de Charlottetown, la capitale provinciale.

Pourtant, Mme Nandy vient tout juste de nous dresser une liste de résultats économiques qui, comme le faisait valoir M. Giroux, ne sont pas tellement différents de ceux présentés au pays par le directeur parlementaire du budget en septembre, soit des mois après votre examen initial.

Pouvez-vous donc nous dire, monsieur Rae, si vous saviez lorsque vous vous êtes adressés à nous le 16 juin à quel point les répercussions économiques de la mesure proposée pourraient être graves? Étiez-vous alors au fait des chiffres que Mme Nandy nous a présentés ce matin? Si vous saviez que cela pourrait coûter des dizaines de millions de dollars aux gens des secteurs ruraux de l’Île-du-Prince-Édouard, pourquoi ne pas nous l’avoir dit lorsque vous nous avez parlé en juin?

M. Rae : Merci pour la question.

Précisons d’abord que j’ai comparu au mois de juin et que le rapport du directeur parlementaire du budget a été rendu public en septembre. Je crois donc pouvoir affirmer sans crainte que je ne connaissais pas en juin le contenu de ce rapport qui allait être publié en septembre.

La sénatrice Simons : Ce n’est pas ce que je voulais savoir. Je vous ai demandé si vous étiez au fait des chiffres — des chiffres établis par ailleurs de façon indépendante — que Mme Nandy nous a communiqués ce matin.

M. Rae : Les chiffres présentés par Mme Nandy ce matin proviennent d’une analyse interne. Je ne suis pas certain de la date à laquelle ces chiffres ont été établis, mais je peux vous dire qu’au moment de mon témoignage l’écart des taux de chômage entre Charlottetown et la région rurale de l’Île-du-Prince-Édouard était de 0,1 point de pourcentage. Évidemment, les répercussions financières varient selon l’évolution des données, et nous aurions donc mis les estimations à jour par la suite.

Quant aux projections, sénatrice, elles sont en constante évolution. Par exemple, l’énoncé économique de l’automne, notamment, a permis de mettre à jour les projections sur les taux de chômage.

Ce que je peux dire, c’est que nous savions — et nous l’avons toujours dit —, toutes choses étant égales par ailleurs, que ce changement entraînerait une hausse des exigences de qualification dans les régions rurales de l’Île-du-Prince-Édouard et une baisse des exigences de qualification à Charlottetown comparativement aux exigences actuelles.

La sénatrice Simons : Au moment de votre comparution — j’ai votre témoignage devant moi —, concernant le différentiel des taux de chômage, vous avez dit que le taux était de 7,3 % de chômage dans la région de Charlottetown et de 8,7 % dans la région économique de l’Île-du-Prince-Édouard, ce qui est un écart beaucoup plus élevé que 0,01 %.

Je vous pose à nouveau la question, car j’ai l’impression que l’intégrité de ce comité a été remise en question. Vous avez comparu à titre de témoin le 16 juin. Vous saviez que nous cherchions à déterminer s’il s’agissait de la bonne décision en matière de politique publique. Ne pensez-vous pas qu’il aurait été utile que vous nous disiez combien d’argent ce changement retirerait de l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard? Parce que j’ai l’impression qu’on ne nous a pas donné toutes les informations dont nous avions besoin pour prendre une décision appropriée.

Je suis consciente que le directeur parlementaire du budget a terminé son travail le 7 septembre seulement — bien après que le comité ait adopté ce projet de loi —, mais vous avez comparu ici en juin, en compagnie de Mme Nandy. Pourquoi n’avez-vous pas informé le comité des répercussions économiques de ce changement à ce moment-là?

M. Rae : Encore une fois, sénatrice, nous avons effectué une analyse. Je ne suis pas certain que les chiffres fournis par Mme Nandy aujourd’hui étaient disponibles à ce moment-là, comme je l’ai dit. Nous avons réexaminé ces chiffres après les projections du DPB. Comme je l’ai mentionné, et comme le DPB l’a mentionné, ces chiffres concordent avec notre analyse interne. J’ai bien peur de ne pouvoir en dire plus à ce sujet.

La sénatrice Simons : Cependant, même si vous n’aviez pas ces chiffres, ne pensez-vous pas qu’il aurait été utile, lorsqu’un groupe de sénateurs vous a posé des questions le 16 juin 2022 au sujet des répercussions du regroupement proposé des régions de l’Île-du-Prince-Édouard en une seule région de l’assurance-emploi... Ne pensez-vous pas qu’il aurait été pertinent, lorsque nous vous posions des questions à cet égard, de nous faire part des informations — même partielles — dont vous disposiez au sujet des graves répercussions économiques potentielles pour l’Île-du-Prince-Édouard?

M. Rae : Sénatrice, je pourrais vérifier, mais je crois avoir clairement indiqué, dans mon témoignage, que cela pourrait se traduire, à l’Île-du-Prince-Édouard, par une diminution des prestations versées à l’extérieur de Charlottetown et une augmentation des prestations dans la région de Charlottetown. Je m’excuse si je n’ai pu fournir de chiffres précis à ce moment-là. Je peux relire mon témoignage pour vérifier, mais je pense que c’était clair.

La sénatrice Simons : J’ai votre témoignage sous les yeux. On ne nous a certainement pas fait comprendre que cela se traduirait par une perte de l’ordre de 15 ou 20 millions de dollars pour la province chaque année.

Le président : Merci, sénatrice Simons. Si nécessaire, nous vous inscrirons sur la liste pour un troisième tour.

Le sénateur Klyne : J’ai une petite question pour Mme Nandy, puis une question complémentaire pour notre autre témoin.

L’examen majeur en cours est de portée nationale. On pourrait dire, de façon générale, qu’il s’agit de moderniser le régime d’assurance-emploi. Je me demande, plus précisément, si vous pouvez nous fournir les modalités de cet examen, et nous dire si des cibles ou des objectifs ont été établis.

Si vous ne pouvez pas le faire maintenant ou si vous ne le savez pas de mémoire, je suis certain que vous pourrez trouver ces renseignements et les transmettre à la greffière. Nous vous en serions reconnaissants.

Mme Nandy : Sénateur, je vous remercie de votre question.

La portée des consultations sur l’assurance-emploi qui ont été menées pendant deux ans découle de l’engagement, dans le budget de 2021, de moderniser le programme d’assurance-emploi pour le rendre mieux adaptable aux besoins actuels et futurs des travailleurs et des employeurs. L’objectif est notamment de simplifier le programme d’assurance-emploi et de le rendre plus souple et plus inclusif.

Ces deux dernières années, des tables rondes ont été organisées à l’échelle nationale et régionale dans le cadre de ces consultations. Un sondage en ligne a été réalisé, et nous avons reçu des observations sur un certain nombre de thèmes. Comme je l’ai déjà mentionné, cela comprend des discussions avec des intervenants de l’ensemble du pays sur des sujets comme l’accès à l’assurance-emploi, le caractère adéquat des prestations d’assurance-emploi, les améliorations pour les travailleurs saisonniers, les améliorations au Programme de réduction du taux de cotisation et les améliorations pour l’accès aux travailleurs confrontés aux aléas de la vie.

Ce ne sont que certains des sujets qui ont été abordés lors des consultations de deux ans sur l’assurance-emploi en vue de la modernisation du régime d’assurance-emploi.

Le sénateur Klyne : Très bien. À vous entendre, cela semble être une excellente et précieuse étude.

Sachant cela et compte tenu de votre connaissance approfondie du sujet, pensez-vous que cela permettra de moderniser le régime d’assurance-emploi et de le rendre plus souple? Cela permettra-t-il de trouver une solution, un remède ou une résolution à la situation à l’Île-du-Prince-Édouard, en particulier du point de vue de M. Pursey?

Mme Nandy : Je vous remercie de cette question.

Je comprends, d’après les propos de M. Pursey, que le changement qu’il propose — rétablir une seule région économique de l’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard — vise particulièrement à appuyer les travailleurs pauvres et invisibles de sa province. Un des principaux objectifs de l’examen visant la modernisation du régime d’assurance-emploi est de favoriser l’accès au programme, y compris pour les travailleurs vulnérables et les travailleurs saisonniers.

À cette fin, il incombe au gouvernement de déterminer les éléments de cette modernisation. Dans le cadre de ces consultations, nous avons évidemment obtenu les commentaires des travailleurs saisonniers de l’Île-du-Prince-Édouard et de M. Pursey lui-même, et ils seront certainement pris en considération par le gouvernement lors de l’analyse de la modernisation de l’assurance-emploi.

Le sénateur Klyne : Concernant votre déclaration, encore une fois, je suis heureux de constater que cela se concrétise, mais avoir su l’ampleur de ce que vous venez de mentionner, nous aurions probablement pris le temps pour y réfléchir un moment et nous aurions peut-être attendu que cet examen soit terminé.

Ma deuxième question s’adresse à M. Rae. Je veux m’assurer de bien comprendre votre réponse à la sénatrice Simons. Vous avez une excellente connaissance de la question du sujet. Intuitivement, vous devez savoir que si l’on fusionne deux régions — une région ayant un taux de chômage élevé et l’autre ayant un taux plus faible —, il en résulte une situation préjudiciable à la région présentant le taux le plus élevé, étant donné que sa position sera maintenant améliorée. Par conséquent, les gens devront accumuler plus d’heures d’emploi pour être admissibles aux prestations, lesquelles seront d’un montant réduit. Est-ce exact, intuitivement?

M. Rae : Oui. Cela dépendrait évidemment de la taille relative de la population active dans les deux régions, entre autres facteurs. L’effet serait différent selon la taille de la population active dans les deux régions, mais intuitivement, regrouper deux régions ayant des taux de chômage différents donnera en effet un taux plus élevé dans une région et plus bas dans l’autre.

Le sénateur Klyne : Je ne parle pas en dollars absolus. Je parle du pourcentage à la base du régime d’assurance-emploi.

M. Rae : C’est exact.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie.

La sénatrice Duncan : De façon générale, j’ai entendu parler des 62 régions et ce que j’ai entendu, sans être mentionné explicitement, a renforcé le fait qu’aucune de ces régions n’est aussi petite que l’Île-du-Prince-Édouard. Je crois savoir que l’on compte quatre régions en Saskatchewan, et que le taux de chômage est égalisé, mais la Saskatchewan et l’Île-du-Prince-Édouard n’ont pas la même taille. Le véritable problème, c’est l’anomalie unique des zones 1 et 2, à l’Île-du-Prince-Édouard, et les gens qui se déplacent d’une région à l’autre ou qui affirment résider dans l’une ou l’autre région.

Mme Nandy a parlé des analyses, de toutes les données qui ont été examinées et de tout ce processus de consultation. Comment pouvons-nous avoir l’assurance, pour autant que ce soit possible, que cette situation unique ne sera pas négligée encore une fois lors de l’analyse et de l’examen à venir du régime à l’Île-du-Prince-Édouard?

Nous savons, évidemment, qu’il n’existe pas de solution unique pour la conception de tels programmes. Ce qui fonctionne en Saskatchewan ou dans les territoires ne fonctionne pas nécessairement ailleurs.

Pouvons-nous avoir l’assurance que cette situation unique — cette situation injuste — ne sera pas une conséquence imprévue de cet examen? Cela a-t-il été pris en considération dans l’analyse en cours?

Mme Nandy : Je vous remercie de cette question. Les particularités des limites des régions économiques de l’assurance-emploi n’ont pas fait partie des questions abordées lors des consultations sur la modernisation de l’assurance-emploi. Cela dit, nous avons traité de questions comme l’amélioration de l’accès aux prestations d’assurance-emploi pour les travailleurs, y compris ceux des régions rurales de l’Île-du-Prince-Édouard, de Charlottetown et de l’ensemble du pays.

Quant au commentaire de M. Pursey sur l’importance que l’assurance-emploi appuie les personnes invisibles, les travailleurs pauvres, les travailleurs de partout au pays et les employeurs, cela a fait l’objet de vastes consultations et divers intervenants se sont prononcés sur la question. Cela fait partie des consultations et de l’examen de la modernisation de l’assurance-emploi.

La sénatrice Duncan : Les zones n’en font pas partie. Il s’agissait de l’accès aux prestations. Encore une fois, ma question précise était la suivante : a-t-on examiné les conséquences imprévues découlant de ces situations uniques dans l’ensemble du pays? Nous devrons attendre de voir le rapport et l’analyse.

L’autre aspect qui n’a pas été examiné, d’après les témoignages que j’ai entendus ou lus, est la question des coûts, plus précisément une analyse comparative des coûts et des prestations versées aux travailleurs avant et après la division, après les changements apportés en 2014. Je me demande, monsieur Giroux, si votre bureau aurait ces renseignements.

M. Giroux : Il faudrait vérifier s’il est possible d’avoir accès aux données et de les obtenir. Cela prendrait les données historiques, et cela dépendrait de leur qualité. Cependant, si le comité souhaite que nous le fassions, il pourrait adopter une motion et nous demander d’entreprendre cette analyse.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie.

Le sénateur Cotter : Je suis arrivé à la réunion du comité il y a seulement quelques minutes. Je m’excuse de ne pas avoir été présent pour entendre vos exposés.

Je veux poser une question à M. Rae. Elle fait suite à certaines questions précédentes dont j’ai entendu les réponses. Monsieur Rae, je dirais que le comité a entrepris cette étude dans l’optique de corriger ce qui était considéré comme une anomalie de la structure du régime d’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard, afin d’accroître l’équité et, implicitement, d’aider les travailleurs de l’Île-du-Prince-Édouard. Du moins, il n’était pas prévu que cela aurait pour effet de nuire implicitement à la situation financière des travailleurs.

Je sais qu’il y a un débat sur ce que vous saviez des répercussions financières lors de votre dernière comparution, mais j’ai l’impression que votre connaissance approfondie du système d’assurance-emploi, à vous et vos collègues, est telle que vous auriez pu faire le genre de calcul dont la sénatrice Duncan vient de parler au dos d’une enveloppe, disons. Nous connaissons le nombre approximatif de travailleurs qui se trouvent dans une région donnée. Nous connaissons la région de l’Île-du-Prince-Édouard. Nous savons, de façon plus ou moins précise, combien de travailleurs se trouvent dans l’autre région. En les additionnant, on pourrait déterminer par simple calcul si cela aurait, en général, des répercussions importantes ou non.

Je n’arrive pas à comprendre pourquoi vous ne nous avez pas fait part de ces conséquences, du moins de manière approximative, à moins que vous ne pensiez que notre initiative aggraverait la situation des Prince-Édouardiens et que c’était notre intention. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous n’auriez pas pu simplement dire que cela pourrait avoir des répercussions négatives importantes pour les prestataires d’assurance-emploi de l’Île-du-Prince-Édouard?

Je ne veux pas dire que je me sens trahi, mais j’avais certainement compris que je faisais un exercice qui aboutirait du moins à une chose qui, à défaut d’être bonne, ne serait pas mauvaise. Maintenant, j’ai l’impression que nous avons recommandé une mauvaise chose.

Je vais m’arrêter là et vous inviter à répondre.

M. Rae : Merci, sénateur. Je pense avoir mentionné, lorsque je suis venu ici en juin, que la fusion des deux régions économiques de l’assurance-emploi de l’Île-du-Prince-Édouard entraînerait évidemment un taux plus bas à l’extérieur de Charlottetown et un taux plus élevé à Charlottetown, ce qui se traduirait par une amélioration de l’accès à Charlottetown et des seuils plus bas, dois-je préciser, dans les régions rurales de l’Île-du-Prince-Édouard. Vous avez tout à fait raison de dire que je n’ai pas donné de chiffres.

Pour revenir à la raison d’être des régions économiques de l’assurance-emploi, je devrais simplement mentionner que ces limites ont été mises en place afin que les personnes qui se trouvent en situations semblables en fonction des conditions du marché du travail soient traitées équitablement. Le principal facteur que nous regardons lorsque nous examinons les régions économiques de l’assurance-emploi est l’homogénéité du marché du travail au sein de ces régions. La raison pour laquelle les exigences d’admissibilité et d’autres paramètres du régime d’assurance-emploi sont différents, c’est qu’ils varient en fonction des conditions du marché du travail.

Le résultat secondaire, c’est que les prestations sont versées en fonction de ce principe. C’est donc l’analyse des conditions du marché du travail qui détermine l’accès aux prestations. Lorsque nous parlons de modifier les régions économiques de l’assurance-emploi, le principe qui est en jeu est la différence relative des conditions du marché du travail entre deux régions ou ce à quoi ressemblerait une nouvelle région fusionnée. Les résultats économiques en découlent, car c’est ainsi que le régime d’assurance-emploi est conçu.

Le sénateur Cotter : J’ai l’impression que vous auriez pu avoir une idée générale de ce que seraient les conséquences économiques. Je ne prétends absolument pas pouvoir accomplir le travail spécialisé que vous effectuez, et c’est un programme difficile et complexe que vous gérez fort bien. Je pense toutefois qu’avec les chiffres que vous avez à votre disposition, j’aurais pu, en 15 minutes, déterminer que quelques millions de dollars par année n’iront pas aux prestataires de l’assurance-emploi de l’Île-du-Prince-Édouard.

Compte tenu du genre d’objectif implicite de l’initiative que prévoit ce projet de loi, ces renseignements nous auraient été utiles en juin, même s’ils ne sont pas aussi précis que ceux que M. Giroux a présentés en septembre. C’est peut-être plus une observation qu’une question.

La sénatrice Simons : Monsieur Rae, j’ai le privilège d’avoir votre témoignage devant moi. Dans votre allocution d’ouverture de juin, vous n’avez exprimé aucune préoccupation ou même soulevé cet enjeu. En fait, d’après ce que je peux voir, la seule fois où elle est abordée pendant votre témoignage, c’est quand je vous ai interrogé sur la différence de taux de chômage entre les deux zones.

Ma question était la suivante :

En général, quand la différence est faible à ce point, est-ce quand même suffisant pour justifier deux zones?

Je vous lirai exactement ce que vous avez répondu alors :

II est difficile de vous répondre étant donné que nous tenons compte des conditions communes du marché du travail et des taux de chômage. En général, une différence d’un point de pourcentage, si elle se situe dans les taux du tableau des semaines variables... en général, une différence de 1 % donnera lieu à un traitement différentiel des prestations.

Je suppose que pour un économiste, cela pourrait donner l’impression que vous nous dites que 15 millions de dollars par année échapperont à l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard. Pourtant, je n’ai pas l’impression que cette déclaration préoccupante cadre avec les chiffres que Mme Nandy a lus ce matin. Comme le sénateur Cotter l’a formulé de manière peut-être éloquente que j’en suis capable, je n’ai pas le sentiment que nous avons pu accomplir adéquatement notre travail de sénateurs en n’ayant pas accès aux renseignements pertinents qui nous auraient aidés à évaluer les coûts et les avantages de ce genre de changement.

J’espère que quand vous répondrez à de telles questions lors de vos prochains témoignages devant des comités sénatoriaux, que ce soit le nôtre, celui des finances ou tout autre comité devant lequel vous pourriez être appelé à témoigner, vous répondrez en fournissant peut-être plus de détails et avec peut-être plus de franchise que celle à laquelle nous avons eu droit en juin.

Le président : Avez-vous également une question?

La sénatrice Simons : Oui. Ma question s’adresse à M. Giroux et à Mme Sourang. Grâce à votre excellent travail, nous avons maintenant rendu publique une conséquence potentielle du projet de loi. Il s’agit évidemment d’une conséquence potentielle qui repose sur la présomption selon laquelle aucun autre taux ou variable ne changera à l’Île-du-Prince-Édouard. Bien entendu, vous ne pouvez faire des prévisions qu’en fonction du statu quo. À l’évidence, nous ne pouvons, en qualité de sénateurs, proposer des projets de loi qui coûtent de l’argent du gouvernement, mais pourriez-vous nous dire, à titre de directeur parlementaire du budget, si le gouvernement dispose de mécanismes qui lui permettraient de créer hypothétiquement une zone d’assurance-emploi où les prestations des gens augmenteraient au lieu de diminuer?

M. Giroux : Sénatrice, je me suis fait dire au début de ma carrière que le gouvernement peut décider que les lundis sont des vendredis. Ainsi, s’il voulait fusionner les régions de l’Île-du-Prince-Édouard en une seule sans faire de perdant, je suis convaincu qu’il pourrait trouver un moyen d’y parvenir, en utilisant le plus élevé des deux taux de chômage pour évaluer l’admissibilité et la durée des prestations, par exemple.

Comme une sénatrice l’a souligné, le gouvernement a décidé que tout le monde aurait accès au programme d’assurance-emploi avec le nombre minimal d’heures pendant la pandémie. Quand vous posez des questions semblables à l’ensemble des témoins pour savoir s’il est possible de faire ceci ou cela, je pense que, selon les questions que j’ai entendues aujourd’hui, la réponse est « oui » dans la plupart des cas. Le gouvernement pourrait le faire, selon sa volonté d’adopter ou non une loi ou un règlement. Il est possible d’apporter bien des modifications au programme d’assurance-emploi, dont certaines peuvent être faites avec des règlements, alors que d’autres exigent une loi. C’est une longue réponse pour dire « oui ».

La sénatrice Simons : Je vous remercie.

Le sénateur Mockler : Je veux revenir aux enjeux avec lesquels nous devons tous composer. Chaque parlementaire, que ce soit à l’échelon municipal, provincial ou fédéral, doit répondre à des questions sur les travailleurs saisonniers quand ils vivent dans les régions concernées. Dans ma région, monsieur le président, on ne plante pas d’arbres en janvier. On ne peut pas déplacer la saison de la pêche ou planter des pommes de terre en janvier. Voilà pourquoi il y a au Canada ce que nous appelons les travailleurs pauvres ou les travailleurs saisonniers. Je pense qu’au Canada, les programmes devraient tenir compte des besoins de tous les Canadiens.

Ces 62 régions économiques sont très importantes. Je pourrais continuer et poser quantité de questions. J’emploierai seulement un terme que nous utilisons depuis de 30 à 40 ans : c’est celui de « trou noir ». Parlons-en, de ce trou noir. J’interrogerai Mme Nandy ou M. Rae à ce sujet. Vous avez entendu M. Pursey quand il a dit qu’il avait consulté la péninsule acadienne.

[Français]

Je connais également le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, là où j’habite, et l’importance du trou noir.

[Traduction]

Madame Nandy, y a-t-il des leçons ou des préoccupations à transmettre aux législateurs canadiens? Un témoin a affirmé que c’est une question politique. Eh bien, je ne veux pas m’engager dans l’arène politique actuellement, mais je peux vous dire que c’est important si on apporte des changements et ne laisse pas le gouvernement nous montrer les modifications et les recommandations qu’il propose pour ces régions, y compris à l’Île-du-Prince-Édouard.

Cela étant dit, y a-t-il des leçons ou des préoccupations que les législateurs canadiens devraient examiner en se fondant sur l’expérience d’autres régions économiques de l’assurance-emploi du pays? J’aurai ensuite une deuxième question.

Mme Nandy : Je vous remercie de cette question, sénateur. En ce qui concerne les leçons que nous avons apprises, je dirai peut-être de façon plus générale que je pense que nous pouvons toujours tirer des leçons de l’expérience des travailleurs et des employeurs sur le plan de leurs interactions avec le programme d’assurance-emploi, notamment sur l’utilisation des 62 régions économiques de l’assurance-emploi. C’est en fait une des raisons pour lesquelles la Loi sur l’assurance-emploi prévoit une révision des délimitations tous les cinq ans pour que le programme réponde aux besoins des travailleurs et des employeurs de ces régions et que ces régions correspondent aux conditions du marché du travail. C’est la leçon que je vous transmettrais.

Le sénateur Mockler : Je sais que tout récemment, quand j’entrais dans le Tim Hortons et le McDonald’s de mon petit patelin de Saint-Léonard, la première chose qu’on me demandait, c’est « Monsieur Mockler, qu’adviendra-t-il du trou noir? » Nous attendons. Le trou noir est donc là.

Ma question s’adresse à vous, madame Nandy, et en raison de votre professionnalisme, à vous deux. A-t-on déjà procédé au Canada à une fusion de régions économiques comme celle que propose le projet de loi C-236? Quelle incidence ce projet de loi aurait-il sur le « trou noir » dans les autres régions du pays?

Mme Nandy : Je vous remercie de la question, sénateur Mockler.

En ce qui concerne l’incidence qu’aurait la fusion des deux régions sur les prestations d’assurance-emploi des demandeurs, comme nous l’avons expliqué, cela remplacerait les deux taux de chômage actuels du programme d’assurance-emploi par un seul. Pour les travailleurs saisonniers de la région rurale actuelle de l’Île-du-Prince-Édouard, le nouveau taux de chômage serait plus faible que le taux actuel. Comme je pense l’avoir indiqué précédemment au cours de la séance, le taux régional actuel était de 10 % en date du 6 novembre dernier dans la zone rurale de l’Île-du-Prince-Édouard. Si les deux régions étaient fusionnées, le seuil d’admissibilité serait plus élevé pour les travailleurs saisonniers qui résideraient alors dans la nouvelle région fusionnée. Cela pourrait avoir des répercussions sur leur accès aux prestations d’assurance-emploi, exacerber pour eux le problème de trou noir et modifier leur nombre de semaines de prestations d’assurance-emploi.

Le sénateur Mockler : Je vous remercie. Pouvez-vous expliquer ce qu’est un trou noir pour des travailleurs saisonniers?

Mme Nandy : Le trou noir correspond à la période au cours de laquelle les travailleurs saisonniers n’ont pas accès aux prestations d’assurance-emploi ou au soutien au revenu du travail pendant la saison morte. Il existe, au cours de cette saison, un trou avant que les travailleurs reprennent leur travail saisonnier.

Le sénateur Mockler : Monsieur le président, j’ai posé une multitude de questions parce que les 62 régions ont exactement l’air de cela. Espérons que nous aurons le rapport sur la modernisation de l’assurance-emploi. Il nous brossera un tableau de la situation non seulement dans une province, mais aussi pour l’ensemble des provinces et des territoires.

Ma dernière question est la suivante : quand prévoyez-vous recevoir le rapport sur la modernisation?

Mme Nandy : Je vous remercie de la question.

Comme nous l’avons indiqué plus tôt, le gouvernement procède actuellement à l’analyse des nombreux commentaires reçus dans le cadre des consultations sur la modernisation de l’assurance-emploi, et examine les enseignements tirés de la pandémie, ainsi que les problèmes de longue date que l’on connaît à propos du programme. C’est sur tous ces renseignements qu’il s’appuiera pour établir son plan de modernisation de l’assurance-emploi. Par la suite, il s’emploiera à le communiquer.

Le sénateur Mockler : Vous n’avez pas de date?

Mme Nandy : Non.

Le président : Je vous remercie beaucoup. Je tiens à remercier nos témoins d’aujourd’hui : Mme Nandy, M. Rae et M. Pursey, qui ont témoigné par vidéoconférence, et M. Giroux et Mme Sourang, qui étaient ici en personne. Nous vous remercions beaucoup d’avoir formulé des observations et d’avoir aidé le comité alors qu’il poursuit son étude de ce projet de loi. Merci.

Je remercie également les membres du comité de leur participation active et de leurs questions judicieuses. Je veux prendre un instant pour remercier toutes les personnes qui nous ont aidés dans les coulisses, ici dans la salle et ailleurs : les interprètes, l’équipe des débats qui transcrit nos délibérations, le préposé aux salles de comité, le technicien des services multimédias, l’équipe de diffusion, le centre d’enregistrement, le centre de service TI et notre page Emily. Je remercie chaleureusement chacun d’entre vous de votre soutien.

Honorables sénateurs, je voudrais proposer de nous réunir à huis clos quelques instants. Acceptez-vous de mettre fin à la partie publique de la séance pour poursuivre à huis clos?

Des voix : Oui.

Le président : La motion est adoptée.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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