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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 30 mars 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner, pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, tout le monde. Je suis content de vous voir. J’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité, à nos témoins, en personne et en ligne, et à ceux et celles qui nous regardent sur Internet. Mon nom est Rob Black; je suis sénateur de l’Ontario, et je préside la réunion du comité aujourd’hui.

Aujourd’hui, le comité se réunit pour examiner, pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada. Avant de donner la parole aux témoins, je vais inviter les sénatrices et les sénateurs autour de la table à se présenter.

La sénatrice Simons : Je suis Paula Simons, de l’Alberta, du territoire du Traité no 6.

La sénatrice Greenwood : Je suis Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique. Je remplace la sénatrice Deacon, et je viens de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Burey : Bonjour, tout le monde. Je suis Sharon Burey, de l’Ontario.

Le sénateur Klyne : Bonjour, et bienvenue à tous nos témoins. Je suis Marty Klyne, de la Saskatchewan, du territoire du Traité no 4.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Sénatrice Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Bonjour. Pat Duncan, sénatrice du Yukon.

Le sénateur Cotter : Bonjour. Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan.

Le président : Avant de commencer, si jamais un problème technique survient, surtout un problème d’interprétation, veuillez le signaler à la présidence ou à la greffière, et nous tâcherons de résoudre le problème.

Aujourd’hui, nous accueillons des représentants du gouvernement de l’Ontario : Mme Christine Brown, spécialiste de la durabilité des grandes cultures, Direction du développement de l’agriculture, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales; et M. Daniel Saurette, spécialiste des ressources foncières — Sol, Direction de la gestion de l’environnement, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario.

Nous accueillons aussi un représentant du gouvernement de la Saskatchewan, en ligne : M. Rick Burton, sous-ministre de l’Agriculture. Nous accueillons également des représentants du gouvernement de la Colombie-Britannique : M. Dieter Geesing, spécialiste des sols au niveau provincial, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de la Colombie-Britannique, et M. Mark Raymond, directeur général, Direction des services de vulgarisation et de soutien, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de la Colombie-Britannique.

Je vous invite à nous présenter vos exposés. Nous allons commencer par M. Burton, puis ce sera à Mme Brown. Vous aurez cinq minutes chacun. Enfin, M. Geesing et M. Raymond auront sept minutes pour nous présenter leur déclaration conjointe.

Je vous ferai signe quand votre temps sera presque écoulé. Je vais lever la main quand il vous restera une minute, puis, quand vous me verrez lever les deux mains, vous devrez finir au plus vite. Voilà. Sur ce, monsieur Burton, vous avez la parole.

Rick Burton, sous-ministre de l’Agriculture, gouvernement de la Saskatchewan : Je travaille au ministère ainsi que dans l’industrie de l’agriculture depuis 35 ans. Comme la Saskatchewan compte 40 % des terres cultivées du Canada et le tiers des prairies naturelles et des terres fourragères du Canada, la santé des sols y est extrêmement importante.

Au cours des 30 dernières années, nos agriculteurs et nos éleveurs ont changé leurs méthodes d’exploitation agricole. Ils ont adopté de nouveaux outils et de nouvelles technologies, ce qui leur a permis non seulement d’améliorer la santé des sols et d’accroître le rendement de leurs terres, mais aussi de réduire leur empreinte carbone nette.

Selon le Rapport d’inventaire national 2022, les producteurs de la Saskatchewan ont séquestré près de 13 millions de tonnes de carbone, en 2020, ce qui représente presque 80 % des émissions agricoles totales. Selon une étude commandée récemment par le Global Institute for Food Security, l’empreinte carbone nette de la Saskatchewan pour la production de canola et de blé était inférieure de 60 % à celle des territoires concurrents, et de 95 % pour les poids secs de grande culture.

Aujourd’hui, je vais mettre l’accent sur deux éléments qui favorisent les pratiques agricoles durables et l’amélioration de la santé des sols dans notre province : à savoir les améliorations des systèmes de production utilisés dans l’Ouest du Canada et l’adoption uniforme, continue et en temps opportun des technologies les plus récentes et les plus novatrices.

Premièrement, c’est en Saskatchewan qu’on a inventé la pratique de conservation du sol. À ce jour, environ 95 % de nos terres ensemencées de cultures annuelles le sont sans travail du sol, ou avec un travail du sol minimal. Ce pourcentage est plus élevé que dans n’importe quelle autre province, et il s’agit d’une augmentation énorme par rapport à 1991, où la proportion n’était que de 36 %. Les producteurs de la Saskatchewan ont mis en place une rotation de cultures diversifiées, notamment pour les cultures oléagineuses, les légumineuses, les céréales, et cetera. En cultivant en rotation des cultures fertilisées avec des éléments nutritifs équilibrés, nous obtenons des rendements optimaux, et cela permet en retour d’optimiser la séquestration du carbone, le cycle des éléments nutritifs et la structure des sols. Nous avons observé une augmentation marquée des terres consacrées aux cultures de légumineuses fixatrices d’azote dans notre province : plus précisément, nous sommes passés de 400 000 acres en 1990 à 5 ou 6 millions d’acres annuellement, ce qui a permis de réduire nos émissions de 2,1 millions de tonnes par année.

Même s’il reste encore du travail à faire, l’adoption de technologies d’agriculture de précision contribue aussi à l’amélioration de l’efficience des intrants et de la santé des sols au fil du temps. Pour vous donner un exemple, les technologies numériques, l’analyse approfondie des sols, l’imagerie satellitaire et la technologie de contrôle par section nous permettent de faire en sorte que le bon volume d’éléments nutritifs soit donné exactement là où les cultures en ont besoin. Grâce à l’adoption du système de gérance des nutriments 4B, nous sommes certains que nos producteurs utilisent les éléments nutritifs le plus efficacement possible, tout en réduisant les émissions au minimum.

Une chose que je dois souligner, c’est que l’amélioration de la santé des sols et l’augmentation du rendement des cultures ne sont pas mutuellement exclusives. Au cours des 30 dernières années, la production de grains en Saskatchewan a considérablement augmenté; nous sommes passés d’environ 22 millions de tonnes à plus de 40 millions de tonnes en 2020, et pourtant, selon le Prairie Soil Carbon Balance Project — le projet établissant le bilan du carbone dans les sols des Prairies —, les systèmes de culture sans travail du sol et de culture continue ont eu comme effet d’accroître de plus de 20 % le carbone organique et la matière organique dans les sols de la Saskatchewan. Cette augmentation de la matière organique du sol se traduit par de meilleurs éléments nutritifs et une meilleure efficacité d’humidité, des sols plus en santé et une capacité accrue de séquestration carbonique, en plus de nombreux autres avantages.

Nos producteurs contribuent à la conservation et à la gestion des sols, et ils contribuent de façon considérable à la sécurité alimentaire mondiale. Pourtant, le gouvernement fédéral ne reconnaît pas toujours les contributions de nos agriculteurs.

Mais les efforts de la Saskatchewan en matière de durabilité ne se limitent pas aux cultures; il y a aussi le secteur de l’élevage. Les éleveurs aident à maximiser l’utilisation des terres peu productives, qui ne sont pas adaptées à la production agricole, tout en produisant des aliments de grande qualité. La Saskatchewan compte 20 millions d’acres de prairies naturelles et de cultures fourragères pour la production de bétail. Les prairies remplissent un rôle essentiel pour le maintien de la biodiversité et de la qualité de l’eau, la protection des habitats et des espèces menacées, et pour la séquestration du carbone dans le sol. Les données montrent que le pâturage intensif permet d’accroître le stockage du carbone, et, encore une fois, la Saskatchewan est un chef de file dans ce domaine : plus de 6 400 agriculteurs avaient adopté des pratiques de pâturage en rotation en 2021.

On estime que les quelque 14,3 millions d’acres de prairies naturelles en Saskatchewan stockent entre 22 et 86 tonnes de carbone par acre. Combiné à la séquestration par les culturelles annuelles et à la séquestration par les prairies, la séquestration du carbone dans les sols de la Saskatchewan compense largement nos émissions agricoles qui proviennent des cultures, de l’élevage du bétail et du carburant utilisé dans les exploitations agricoles. En effet, à l’échelle de la Saskatchewan, nous avons atteint la carboneutralité depuis de nombreuses années, en ce qui a trait à notre empreinte carbone, mais nous savons qu’il était essentiel de continuer de miser sur l’innovation dans le secteur agricole pour nous adapter aux changements climatiques. Nos agriculteurs et nos éleveurs continueront de prioriser l’amélioration de la santé des sols et la durabilité de la production agricole pour nourrir le monde entier.

Je vous remercie de votre attention. Je suis impatient de pouvoir discuter avec vous aujourd’hui.

Le président : Merci, monsieur Burton.

Christine Brown, spécialiste de la durabilité des grandes cultures, Direction du développement de l’agriculture, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales, gouvernement de l’Ontario : Honorables sénatrices et sénateurs, merci de nous avoir invités à contribuer à votre étude sur l’état de la santé des sols au Canada. Nous représentons le ministère ontarien de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales. Je suis spécialiste des pratiques de gestion des éléments nutritifs et des sols. Je suis accompagnée ce matin de Daniel Saurette, spécialiste des ressources foncières et expert en prospection et en cartographie des sols, en classification des sols et en cartographie numérique prédictive des sols.

Un sol en santé est essentiel à tous les aspects de la vie, notamment la sécurité alimentaire. Au sujet de la dégradation des sols : les sols de l’Ontario — ceux exploités par leur propriétaire, mais surtout les sols loués — sont de plus en plus vulnérables à l’érosion, au compactage et à la diminution de la teneur en matière organique.

Il y a un intérêt croissant en Ontario pour l’amélioration des sols, en particulier grâce aux cultures de couverture, à une rotation de cultures plus diversifiées, à la gestion des résidus et aux amendements organiques. Beaucoup d’agriculteurs vouent une passion à leur sol et ont à cœur les améliorations qu’ils y constatent. C’est ce qu’a remarqué l’équipe des sols de notre ministère durant les ateliers sur la gestion des sols et les événements sur le terrain organisés depuis sa création en 2000.

Les spécialistes des sols et des cultures du ministère ont travaillé directement avec des agriculteurs et des associations comme l’Association pour l’amélioration des sols et des récoltes de l’Ontario, Certified Crop Adviser, le Ontario Soil Network, Innovative Farmers of Ontario et l’Ecological Farmers Association of Ontario, pour offrir des occasions d’apprentissage pratique. Cependant, il faut du temps pour mesurer l’amélioration de la santé des sols.

Les initiatives actuelles de la Stratégie pour la santé et la préservation des sols agricoles de l’Ontario mettent l’accent sur quatre domaines d’intérêt : la gestion des sols, les données et la cartographie des sols, l’évaluation et la surveillance des sols et, enfin, les connaissances sur les sols et l’appui à l’innovation. Un groupe de travail sur les sols, constitué de représentants du gouvernement, des offices de protection de la nature, des associations de producteurs et du monde universitaire, a été chargé d’établir l’ordre de priorité des activités et des buts énoncés dans la stratégie.

De plus, on a annoncé, pas plus tard que la semaine dernière, que le gouvernement de l’Ontario s’est engagé à verser 9,5 millions de dollars sur trois ans pour l’amélioration des données, de la cartographie, de l’évaluation et de la surveillance des sols ainsi que pour soutenir les engagements clés de la stratégie sur les sols. Le Projet ONFARM de recherche appliquée et de surveillance à la ferme ainsi que le programme d’échantillonnage de la couche arable de l’Ontario, entre autres activités de vulgarisation, ont déjà démontré l’incidence de la gestion sur l’amélioration de la santé des sols. Par exemple, le programme d’échantillonnage de la couche arable a visé 500 exploitations agricoles, sélectionnées stratégiquement, afin d’obtenir des échantillons d’un vaste éventail de sols agricoles. Les résultats ont montré un écart de 1 % dans la matière organique du sol lorsque les cultures fourragères constituaient une partie importante de la rotation.

Même si de nombreuses mesures ont été prises pour améliorer la santé des sols dans tout l’Ontario, il reste encore beaucoup de travail à faire. Les gouvernements, les offices de protection de la nature et l’industrie n’ont pas de méthode commune pour mesurer et enregistrer l’état de la santé des sols. On recueille énormément de données, mais il est difficile de les analyser et de les diffuser quand les organisations n’utilisent pas les mêmes paramètres ou la même méthodologie pour recueillir et disséminer les données. Il serait important de diversifier les méthodes de collecte et de diffusion de la quantité croissante de données de précision concernant tous les aspects de la production agricole si nous voulons améliorer les méthodes de mesure des résultats au niveau provincial, fédéral et même mondial. Présentement, le public a accès à certains outils, comme le site AgriCartes du ministère, pour obtenir de l’information sur les sols provinciaux. Toutefois, une grande partie de ces informations proviennent de données recueillies avant 1960, et une mise à jour s’impose pour assurer leur pertinence.

Les changements climatiques nuisent aussi à la santé des sols : ils augmentent le risque d’érosion lié à des événements météorologiques parce qu’ils altèrent les modèles de précipitations et entraînent des températures plus hautes que la moyenne durant toute l’année. Aussi, en raison de la diminution du nombre d’éleveurs et de la tendance à la hausse des cultures annuelles — en raison des prix élevés du maïs et du soya —, il y a moins de cultures fourragères, de pâturages, de terrains boisés et de zones humides. Des saisons de croissance plus longues font qu’il y a plus d’insectes et de maladies. Malgré tout, elles favorisent la diversité dans la rotation des cultures et des cultures de couverture. Le ministère propose la calculatrice AgErosion et la calculatrice d’émissions de gaz à effet de serre AgriSuite qui, avec le nouvel outil d’évaluation et de planification de la santé des sols permettent, de cerner les pratiques qui aident à améliorer les sols et potentiellement à réduire les émissions. Ces outils, combinés aux livres, aux fiches d’information et aux vidéos sur les pratiques exemplaires de gestion pour la santé des sols, nous donnent tout un éventail d’outils d’approche pour sensibiliser les agriculteurs de chaque génération.

Toutefois, en raison des changements climatiques et des changements des paysages, les gouvernements fédéral et provinciaux vont peut-être devoir changer certaines de leurs mesures de soutien habituelles. Une collaboration avec l’industrie pour créer un forum de collecte et de mise en commun des données permettrait de mesurer les améliorations et de justifier les investissements.

Un exemple serait le système de gérance des nutriments 4B : l’industrie recueille des données sur le nombre d’acres où on applique les principes de gérance des nutriments 4B.

Pendant que le Sénat étudie les méthodes qui permettront d’améliorer la santé des sols dans tout le Canada, nous croyons qu’il est important non seulement de comprendre la santé des sols grâce à une recherche continue, mais qu’il est tout aussi important de mettre en œuvre des pratiques favorables à la santé des sols, de diffuser les résultats et de mobiliser les premiers à adopter dans chaque secteur. Ils ont changé leurs pratiques, souvent sans incitatif, et ont continué de les mettre en œuvre parce qu’il y avait des avantages économiques et agronomiques à le faire. Les résultats économiques, comme la résilience des cultures attribuable à l’amélioration des pratiques favorables à la santé des sols, vont influencer d’autres propriétaires fonciers autant, sinon plus, que les recherches.

Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner aujourd’hui, et merci aussi du travail que vous faites pour aider à ce que l’économie du sol soit prospère pour les générations futures.

Le président : Merci.

Mark Raymond, directeur général, Direction des services de vulgarisation et de soutien, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de la Colombie-Britannique, gouvernement de la Colombie-Britannique : Je vous souhaite le bonjour, monsieur le président. Bonjour aux membres du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. C’est un honneur de comparaître devant votre comité et de témoigner dans le cadre d’une étude si importante.

Mon nom est Mark Raymond, et je suis accompagné aujourd’hui de mon collègue, M. Dieter Geesing, spécialiste des sols au niveau provincial.

Je tiens d’abord à souligner que M. Geesing et moi-même vivons et travaillons sur le territoire ancestral et non cédé des Salishs de la côte, le territoire des peuples Sto:los, notamment les Premières Nations Sumas, Matsqui et Leq’á:mel. Nous reconnaissons l’importance des Premières Nations, qui gardent nos sols depuis des millénaires et qui les garderont dans l’avenir.

L’agriculture est l’un des principaux moteurs économiques, ici en Colombie-Britannique. Même si nos terres ne représentent que 5 % de la superficie de la province, elles demeurent tout de même très importantes pour l’économie de nos collectivités rurales. Récemment, les phénomènes météorologiques extrêmes, que ce soit les inondations, les feux incontrôlés, la sécheresse ou la chaleur extrême que nous avons vécus ces dernières années, ont gravement perturbé et même, dans certains cas, détruit notre production alimentaire locale. C’est pour cette raison que la santé des sols et la résilience du système alimentaire, à l’échelle de la province, sont devenues une des grandes priorités du ministère.

En juin dernier, notre ministre a mis sur pied un groupe consultatif sur l’agriculture régénératrice et l’agriculture de pointe. Son mandat est de fournir au gouvernement des conseils stratégiques en matière d’innovation, de technologie et d’adoption de pratiques durables qui permettront de créer des exploitations agricoles et des systèmes alimentaires plus résilients, tout en priorisant au plus haut niveau la santé des sols, aux fins de l’agriculture régénératrice.

Dans le cadre de cette initiative, le ministère a élaboré un cadre stratégique sur l’agriculture régénératrice et l’agriculture de pointe pour définir la vision, la mission, les objectifs et les valeurs que nous visons pour l’avenir. Notre mission organisationnelle est d’accélérer l’agriculture durable grâce à l’adoption de pratiques d’agriculture régénératrice, en faisant la promotion, lorsque c’est approprié, d’outils et de solutions agricoles de pointe et en encourageant le transfert de connaissances et de technologies pour nous aider à nous préparer aux changements climatiques et à en atténuer les effets, et aussi pour nous assurer que la Colombie-Britannique a accès à une source d’alimentation sûre.

Outre les efforts de notre propre ministère, qui priorise la santé des sols, la province, en février de cette année, a mis sur pied le comité parlementaire permanent spécial sur l’agriculture, les poissons et l’alimentation, qui cible les technologies de séquestration du carbone dans le sol et les technologies connexes. Le mandat du comité est d’examiner trois choses et de formuler des recommandations à leur sujet : premièrement, les solutions pour augmenter la teneur en carbone des sols agricoles de la Colombie-Britannique; deuxièmement, soutenir le secteur des technologies agricoles de la Colombie-Britannique en ce qui a trait aux taux de séquestration du carbone; et troisièmement, soutenir les mesures incitatives qui encouragent l’utilisation des technologies agricoles novatrices produites en Colombie-Britannique et ainsi d’augmenter la séquestration du carbone.

Notre comité n’en est encore qu’à ses débuts, mais son existence reflète tout de même l’intérêt et la priorité de la Colombie-Britannique pour la santé des sols et à l’atténuation des changements climatiques au niveau provincial.

Depuis l’année dernière, le ministère a intensifié ses activités de vulgarisation régionales, et cette année, nous allons lancer et financer, en collaboration avec nos partenaires de l’industrie et du milieu universitaire, un vaste éventail de projets pilotes dans les exploitations agricoles pour promouvoir des pratiques d’agriculture régénératrice qui seront adaptées aux régions et aux besoins des groupes de producteurs. Les projets pilotes portent sur les cultures de couverture, sur le pâturage en rotation, sur le travail du sol à faibles perturbations, sur la biodiversité des cultures et sur les pratiques agroforestières.

Dans le cadre de notre plan environnemental d’exploitation agricole et de notre programme de pratiques de gestion bénéfiques, nous continuons de mettre à jour et d’allonger notre liste des pratiques de gestion les plus avantageuses pour offrir aux producteurs des incitatifs et pour augmenter le partage et le plafond des coûts.

La santé des sols est un élément crucial pour la création d’un système alimentaire résilient. Nous savons aussi que l’importance de la santé des sols ne se limite pas à la production des cultures, mais a aussi un effet sur la santé humaine, sur la santé du bétail, sur la biodiversité et sur la qualité de l’eau et de l’air. Autre fait intéressant à noter, plusieurs programmes et outils pertinents de vulgarisation que notre ministère offre dans ce contexte sont en place depuis de nombreuses années sous une forme ou une autre, mais de plus en plus, l’accent est mis sur ce qu’on appelle la santé des sols.

Les pratiques de gestion bénéfiques que nous avons encouragées sont toujours pertinentes aujourd’hui. Les programmes ont évidemment été modifiés au fil du temps, et ils sont vraiment jugés urgents et prioritaires par les producteurs.

Sur ce, je vais céder la parole à mon collègue, Dieter Geesing, qui va faire quelques commentaires sur l’état d’avancement de nos travaux, ici en Colombie-Britannique.

Dieter Geesing, spécialiste des sols au niveau provincial, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de la Colombie-Britannique, gouvernement de la Colombie-Britannique : Merci, monsieur Raymond. Je tiens à dire moi aussi que c’est un honneur de témoigner dans le cadre de votre étude.

La dégradation de la santé des sols en Colombie-Britannique varie selon les paysages et les climats. Le long de la côte, par exemple, les périodes prolongées où les nappes phréatiques sont près de la surface font que les agriculteurs ont moins de temps pour labourer leurs champs, et cela rend aussi les sols plus vulnérables au compactage. Dans le delta fertile du fleuve Fraser, les eaux océaniques se déplacent de plus en plus en amont, ce qui a une incidence sur l’irrigation et la salinité des sols. En ce qui concerne les cultures rurales comme le bleuet, on s’attend à une plus grande érosion des sols en raison des précipitations plus intenses.

Une préoccupation majeure est la perte du carbone organique du sol. Récemment, une étude a révélé une perte moyenne annuelle de 0,4 % dans de nombreuses régions de la vallée du bas Fraser, depuis 1984. Pour le reste de la Colombie-Britannique, nous n’avons malheureusement pas de données quantitatives pour définir l’état de la santé des sols, en partie parce qu’il n’y a pas de protocole d’évaluation de la santé des sols.

Le groupe consultatif que M. Raymond a mentionné plus tôt a formulé cinq recommandations pour une stratégie provinciale sur la santé des sols.

Les deux premières recommandations concernent l’établissement de mesures de référence pour la santé des sols et la surveillance continue de la santé des sols. Par la suite, nous allons former un groupe de travail sur la santé du sol, qui sera chargé de rédiger un protocole d’évaluation de la santé des sols grâce auquel nous pourrons mesurer de façon cohérente les pratiques de gestion efficaces pour la santé des sols et le stockage du carbone dans le sol.

Ce groupe de travail établira aussi un protocole pour faciliter l’échange de données entre chercheurs et responsables de projets dans toute la Colombie-Britannique, y compris ceux de l’Initiative fédérale des laboratoires vivants, et c’est d’ailleurs la troisième recommandation.

La quatrième recommandation a incité notre ministère à créer un programme de vulgarisation pluriannuel afin d’aider les producteurs à évaluer les changements au chapitre de la santé du sol et de la séquestration du carbone en lien avec les pratiques d’agriculture régénératrice. Cela a une importance toute particulière en Colombie-Britannique, parce que l’efficacité de ces pratiques varie énormément en raison de nos nombreux climats, qui sont très diversifiés.

La dernière recommandation est que toutes les parties prenantes, y compris le gouvernement fédéral, fournissent du soutien à long terme. Les changements dans la santé des sols s’échelonnent souvent sur des années ou même des décennies. Sans un engagement coordonné et à long terme, nous pourrons difficilement évaluer l’efficacité de nos programmes.

Il est donc important que le gouvernement fédéral continue d’investir dans la recherche et dans la vulgarisation touchant la santé des sols. Il sera aussi important d’exiger que les activités des initiatives fédérales soient coordonnées avec celles du groupe de travail sur la santé des sols de la Colombie-Britannique.

Encore une fois, merci de nous avoir invités à témoigner. M. Raymond et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci à nos témoins. Je tiens à remercier M. Geesing et M. Raymond. Je sais qu’il est encore tôt, pour vous. Nous pouvons voir à travers votre fenêtre, et vous avez votre tasse de café à la main.

Nous allons passer aux questions des sénatrices et des sénateurs. J’aimerais rappeler aux gens dans la salle d’éviter de trop s’approcher du micro ou d’enlever leur oreillette, avant de poser une question ou d’y répondre. Nous éviterons ainsi la rétroaction acoustique qui pourrait nuire au travail du personnel du comité dans la salle.

Comme nous l’avons fait précédemment, je rappelle aux sénatrices et aux sénateurs que vous aurez plus de temps cette fois, huit minutes chacun et chacune. Tout le monde pourra prendre la parole une fois, puis nous ferons un deuxième tour. Nous allons commencer par la vice-présidente.

La sénatrice Simons : Je suis vraiment contente d’avoir huit minutes.

Madame Brown, merci de nous avoir présenté votre exposé : vous avez résumé une bonne partie de ce que nous avaient déjà dit d’autres témoins en mentionnant notre frustration par rapport à l’absence de protocole pour l’échange de données.

Les données sont très éparpillées, et certaines sont aussi désuètes. Beaucoup de provinces semblent utiliser des études datant des années 1960, 1970 et 1980 pour comprendre leur sol.

J’ai une question pour les représentants de chaque province : de quoi avons-nous besoin pour créer une base de données nationale accessible ou alors un guichet central pour toute cette information, afin d’avoir une vision uniforme de la santé des sols à l’échelle du pays, afin que les diverses administrations puissent tirer parti des pratiques exemplaires les unes des autres?

Je demanderais à Mme Brown, à M. Burton et à M. Geesing de bien vouloir répondre à ces questions.

Mme Brown : Je vais demander à M. Saurette de répondre.

Daniel Saurette, spécialiste des ressources foncières — Sol, Direction de la gestion de l’environnement, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales, gouvernement de l’Ontario : Merci, c’est une bonne question. J’ai regardé les vidéos précédentes, et je sais que la question a été posée très souvent.

Il est essentiel de créer un dépôt national pour toute l’information que nous avons sur les sols. En Ontario, nous avons épluché nos dossiers et numérisé nos données afin de les télécharger dans des bases de données qui seront bientôt accessibles.

La semaine dernière, un investissement a été annoncé dans le budget de l’Ontario pour la création d’une base de données sur les sols, pour contenir ce genre de données. Et encore, ce n’est qu’un exemple. À l’échelle nationale, nous avons effectivement besoin d’une sorte d’organisme national qui va s’acquitter de cette tâche ou de cette responsabilité, qui va donc regrouper l’information provenant des diverses bases de données existantes ou qui sont en train d’être mises sur pied dans tout le pays.

Donc, en ce qui a trait à la structure de la base de données, au type d’information qui est recueillie : il faut harmoniser la façon dont l’information est recueillie, et tout cela a à voir avec la gestion des données. Ce serait possible de faire cela au niveau national. Quant à savoir s’il faut que ce soit une organisation ou un ministère fédéral ou alors un autre institut, c’est une autre discussion qu’il va falloir avoir, pour décider où les données seront emmagasinées, au bout du compte.

La sénatrice Simons : Monsieur Burton?

M. Burton : Oui. Merci, sénatrice, de cette excellente question. On a déjà répondu en partie à la question.

Il est important non seulement d’envisager des rapports nationaux, mais aussi de continuer à investir dans l’innovation, afin de comprendre non seulement quelles pratiques sont mises en œuvre et quels sont leurs résultats, mais aussi quelles autres pratiques pourraient être adoptées et quelles nouvelles pratiques bénéfiques de gestion pourraient améliorer la santé des sols au fil du temps.

L’Université de la Saskatchewan fait de l’excellent travail de ce côté-là, tout comme d’autres universités au Canada, j’en suis sûr. Oui, un bon départ serait un réseau national et des mesures de référence, mais il faut aussi faire quelque chose avec ces données. Améliorer la recherche et les pratiques, cela a aussi une incidence.

Il y a aussi la grande question de savoir comment encourager et indemniser les producteurs. Comment peut-on monétiser le travail et les progrès accomplis?

Un autre témoin a fait un commentaire sur la grappe d’innovation pour le sol, comme la supergrappe des industries des protéines en Saskatchewan.

Il se fait aussi d’excellentes choses au Global Institute for Food Security en Saskatchewan et au Collège de l’agriculture et des bioressources de l’Université de la Saskatchewan; au Centre d’amélioration des cultures et au Livestock and Forage Centre of Excellence. Je pense que ce serait un excellent endroit où lancer la grappe, et elle pourra ensuite étendre son réseau à l’échelle du pays.

La sénatrice Simons : Merci. Monsieur Geesing?

M. Geesing : Merci de cette excellente question.

Il s’agit d’une discussion à l’échelle nationale que nous avons également eue au sein de la province. Je ne veux pas répéter ce qu’on a dit auparavant. Tout est vrai.

M. Saurette se rappellera que nous avons communiqué de façon officielle. Cette communication informelle doit être officialisée; nous communiquons continuellement entre ces entités. Nous ne devrions pas nous contenter de recueillir des données. Nous avons également besoin de gens qui analysent les données et les font passer au niveau suivant. Que se passe-t-il alors?

Si vous obtenez les données, celles-ci doivent être conservées et analysées. Nous devons tirer des conclusions. Recueillir des données, c’est une chose, mais travailler avec les données, c’en est une autre.

L’autre aspect sur lequel je veux insister, c’est que les données doivent aussi être mises à la disposition des producteurs. Les producteurs doivent savoir comment mon travail et mes pratiques influent sur mon sol.

J’ai entendu un excellent commentaire selon lequel les producteurs sont fiers de ce qu’ils font. Nos producteurs sont très fiers de ce qu’ils font. La santé des sols est au premier plan pour eux.

Nous devons nous assurer que, lorsque nous formulons des recommandations, nous le faisons avec confiance; cela vise à atteindre l’objectif que le producteur veut atteindre. Le producteur lui-même doit s’assurer que ses décisions sont alignées sur les objectifs en matière de santé des sols.

La sénatrice Simons : J’ai une question rapide pour M. Geesing. Vous avez soulevé une question qu’aucun de nos témoins n’a soulevée auparavant, qui concerne la salinité du sol.

Les témoignages de la semaine dernière portaient sur les niveaux d’arsenic et de mercure dans le sol du Grand Nord. Je ne pense pas que des témoins aient parlé de l’incidence de l’eau de mer.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’incidence des niveaux de salinité?

M. Geesing : Nous nous sommes associés avec le Delta Farmer Institute en ce qui concerne l’observation anecdotique selon laquelle la fenêtre de l’irrigation devient de plus en plus petite en raison du fait que la période où les niveaux de salinité de l’eau de la vallée du Fraser sont faibles semble être de plus en plus courte, ou, en été, l’eau du fleuve Fraser diminue, mais les marées sont encore assez hautes.

Nous avons commandé une étude qui modélisait cette fenêtre vers la fin de l’été et avons démontré qu’elle devient de plus en plus petite, surtout durant la période où nous avons le plus besoin de l’eau. Les systèmes d’irrigation existants ne peuvent emmagasiner assez d’eau pour pouvoir fournir assez d’eau, à faible teneur en sel, à la plupart des agriculteurs de ces régions — je n’ai pas le nombre exact — en quelques décennies. Bien sûr, c’est une préoccupation majeure, car l’irrigation est l’un des outils dont nous avons besoin pour améliorer notre productivité.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

Le sénateur Klyne : La première question que j’aimerais poser concerne le gouvernement de la Saskatchewan. Je suis très ravi de voir que la Saskatchewan est le premier gouvernement des Prairies à témoigner devant nous pour cette étude. Votre déclaration liminaire a été une grande source de fierté saskatchewanaise pour moi, donc merci beaucoup.

Nous avons entendu à maintes reprises parler de la collecte, du stockage et de la recherche d’échantillons de sol, ainsi que de la communication des résultats et des recommandations en la matière. Je ne vais pas m’attarder sur ce point dans le cadre de cette question, mais je voudrais me concentrer sur ce qui suit : la Saskatchewan possède une grande quantité de terres arables en production. Comme les sols diffèrent d’une région à l’autre, il en va de même pour la productivité des sols. La Saskatchewan n’est pas différente. Je rappelle qu’il existe cinq grandes zones de sol en Saskatchewan.

Pourriez-vous parler au comité de la santé des sols dans ces cinq grandes zones de sol, des occasions et des difficultés qu’elles présentent, et nous dire s’il y a quoi que ce soit qui nécessite une collaboration aux différents paliers de gouvernement et de quelle façon le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle?

M. Burton : Merci, sénateur Klyne, pour la question et les commentaires. Sans aucun doute, les zones de sol diffèrent, et l’expérience est différente d’un bout à l’autre du pays en ce qui concerne la capacité d’avoir des sols plus sains.

Ce que nous avons vu dans le cadre du projet établissant le bilan du carbone dans les sols des Prairies que j’ai mentionné — je peux obtenir un exemplaire; je suis sûr que vous en avez aussi entendu parler — c’est que certains de nos sols dans le Sud‑Ouest, dans la zone de sol brun, ont en fait connu les gains les plus importants durant cette période, alors que nous sommes passés à la culture continue et à un système de culture intégré. Ce n’est pas parce que les sols sont plus pauvres au départ qu’ils ne peuvent pas être améliorés plus rapidement.

Je ne suis pas tout à fait dans le domaine de la science du sol, mais je sais qu’il y a une différence. Il y a une différence même à l’intérieur de la zone de sol et des champs, comme d’autres témoins vous l’ont dit. Les agriculteurs doivent analyser et recueillir cette information afin d’obtenir la bonne quantité d’engrais et de nutriments aux bons endroits dans leurs champs. Il faut procéder à des analyses approfondies du sol pour s’assurer que c’est ce que vous faites.

Nous travaillons avec le Global Institute for Food Security et le College of Agriculture and Bioresources de l’Université de la Saskatchewan. Vous avez invité Mme Bedard-Haughn à témoigner devant le comité. Elle fait de l’excellent travail. Elle recueille des données en temps réel au niveau de la ferme et utilise des données intensives sur le sol afin de pouvoir, au fil du temps, aider à déterminer quelles sont ces pratiques. Elle utilise aussi l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique pour étendre cela afin que nous puissions en apprendre davantage à mesure que nous allons dans des régions qui n’ont pas la même collecte de données intensive. Nous devons faire plus de travail à cet égard, et c’est une des choses dans lesquelles nous investissons.

Le sénateur Klyne : Merci.

Je m’adresse au gouvernement de la Colombie-Britannique : vous avez certainement connu des phénomènes météorologiques extrêmes et des feux de forêt, qui sont dévastateurs et perturbateurs. Vous avez mentionné un comité consultatif stratégique pour la relance et la croissance. Quels ordres de gouvernement participent à ce comité, et y a-t-il une participation de l’industrie? Y a-t-il quelque chose qui manque ou quelque chose que le gouvernement fédéral pourrait faire?

Vous savez que nous avons produit un rapport sur les inondations. Je me demande ce qu’il en est de la reconstruction. Faites-vous quelque chose de différent en ce qui concerne la relance et la reconstruction?

M. Raymond : Nous avons fait référence à deux comités différents. L’un d’entre eux est notre comité permanent spécial. Ce comité permanent est composé de membres de l’Assemblée législative, les MAL, partout dans la province. Il en est à ses premiers balbutiements. Les membres se sont réunis la semaine dernière pour établir leur mandat. C’est à l’échelle politique, mais il y a des représentants et des MAL dans toute la province.

Nous avons également évoqué notre groupe consultatif ministériel sur l’agriculture regénérative et l’agrotechnologie. Ce comité consultatif se compose de trois éléments : une perspective autochtone pour ce qui est des conseils fournis par les Autochtones; une mobilisation de notre BC Agriculture Council, qui représente nos associations axées sur les produits agricoles primaires de la Colombie-Britannique et il y a un groupe plus mixte qui comprend des représentants du milieu universitaire, de l’industrie et de l’agrotechnologie. Nous avons trois groupes distincts d’intervenants qui contribuent au comité consultatif.

Pour ce qui est des inondations, en particulier dans la vallée du Fraser, de nombreux ordres de gouvernement — fédéral, provincial, municipal et des Premières Nations — se sont engagés à élaborer un plan à cet égard. Hier, nous avons eu une réunion à mon bureau avec une trentaine d’employés de la Ville d’Abbotsford afin d’affiner ces plans et de déterminer comment nous allons mieux reconstruire. Le ministère propose des programmes qui examinent les types de cultures dans la région afin de déterminer s’il est possible de changer de produits de base pour permettre à certains de ces producteurs de mieux résister. Les bleuets ne sont peut-être pas les plus adaptés dans certaines de ces zones inondables à haut risque. Nous essayons d’examiner de nombreux aspects de la récupération, qu’il s’agisse de nos systèmes provinciaux de digues ou du niveau des producteurs.

Le sénateur Cotter : Merci à tous les témoins qui se sont adressés à nous aujourd’hui et qui participent à notre conversation. Je vous en suis très reconnaissant.

Je vais limiter mes questions et la discussion à la conversation avec vous, monsieur Burton. Merci beaucoup de vous être joint à nous. Si vous le permettez, j’aimerais également vous remercier pour votre présence matinale. Le sénateur Black a manifestement perdu la notion du temps en Saskatchewan. En tant que sous‑ministre issu d’une famille d’agriculteurs, vous êtes probablement déjà au milieu de votre journée, monsieur Burton. Je suis heureux de vous revoir. Il n’y a pas beaucoup de personnes avec qui j’ai pu travailler en collaboration avec le gouvernement de la Saskatchewan. Je sais que vous êtes captif du ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan depuis une trentaine d’années. C’est formidable que vous puissiez participer à notre enquête ici.

J’ai quatre questions. Je pourrais peut-être toutes les poser, et vous pourriez répondre à celles qui vous semblent le plus utiles.

À titre d’observation préliminaire, un certain nombre d’agriculteurs et d’innovateurs de la Saskatchewan nous ont donné des conseils impressionnants. Nous espérons que ce qui se passe dans l’ensemble des Prairies, en particulier, sera bénéfique pour la santé des sols et pour l’agriculture et l’agroalimentaire en général.

Ma première question découle de celle du sénateur Klyne, qui portait sur la relation avec l’Université de la Saskatchewan. Comme vous l’avez fait remarquer, une partie de l’innovation qui s’est produite, en particulier dans l’agriculture des Prairies, est fondée sur la recherche effectuée là-bas. J’ai parlé avec Alanna Koch, il y a un certain nombre d’années, lorsqu’elle était votre prédécesseur. Il y avait un certain nombre de partenariats et d’investissements que votre ministère concluait dans la recherche et l’innovation. J’aimerais savoir dans quelle mesure cela se poursuit.

Pour poursuivre le dialogue sur l’information, les bases de données et cetera, vous devez savoir, comme nous, que l’agriculture est une compétence conjointe des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Il semble que les gens s’attendent naturellement à ce que ces gouvernements travaillent ensemble sur des questions entourant la collecte de données et qu’ils financent ou soutiennent la consolidation des données et des renseignements de manière cohérente, afin qu’ils profitent non seulement aux personnes qui sont au téléphone, mais aussi aux agriculteurs, aux éleveurs et à d’autres personnes sur le terrain. J’aimerais savoir dans quelle mesure cela se fait ou si vous pensez que cela relève de la responsabilité d’Ottawa.

La troisième, c’est que nous avons entendu dire que les années où le prix des céréales et d’autres cultures alimentaires est élevé, cela exerce beaucoup de pressions sur les prairies et sur les gens qui les convertissent pour adopter des formes d’agriculture plus formelles. Est-ce le cas en Saskatchewan? S’agit-il d’un défi ou d’une occasion de votre point de vue et de celui du gouvernement de la Saskatchewan?

Enfin, j’ai aimé le conseil concernant l’idée d’une grappe d’innovation en matière de sols. C’est une idée nouvelle et intéressante à prendre en considération. J’aimerais également savoir dans quelle mesure vous envisagez les défis à venir pour l’agriculture de la Saskatchewan, quels que soient les facteurs en jeu, y compris le changement climatique. C’est une sorte de pot‑pourri de questions, mais j’aimerais que vous me fassiez part de vos réflexions à ce sujet. Je vous remercie.

M. Burton : Merci pour les questions, sénateur Cotter. Je suis heureux de vous revoir et j’apprécie vos commentaires.

En ce qui concerne la recherche, la Saskatchewan investit plus de 35 millions de dollars annuellement dans la recherche et l’innovation agricoles. Environ 6,4 millions de dollars de ce montant touchent directement la santé des sols et la recherche sur la santé des sols, et 22 millions de dollars supplémentaires appuient indirectement la santé des sols au moyen de la sélection et d’autres activités connexes.

Nous faisons beaucoup de choses dans ce domaine. Nous finançons un éventail de programmes et de chaires de recherche axés particulièrement sur la santé des sols et la recherche sur la fertilité. Nous abritons également plusieurs institutions de renommée mondiale qui aident à soutenir ce dont j’ai déjà parlé, par exemple le Global Institute for Food Security, le Crop Development Centre et le centre d’excellence en matière d’animaux et de fourrage.

Dans notre province, nous avons aussi des fermes de démonstration. Grâce au programme ADOPT, aussi appelé Agriculture Demonstration of Practices and Technologies, et à nos sites de gestion de la recherche appliquée en agriculture, ou Agri-ARM — nous en avons huit dans toute la province — nous contribuons à ce que l’innovation et la recherche parviennent rapidement aux producteurs par l’intermédiaire de ces réseaux d’innovation et de transfert de technologie. Je suis heureux d’avoir l’occasion d’en parler.

En ce qui concerne l’information, les bases de données et la communication, vous avez tout à fait raison. Les producteurs, nos clients, et les contribuables attendent des deux ordres de gouvernement qu’ils travaillent ensemble. Nous nous sommes engagés à le faire. Oui, nous devons travailler davantage, bien franchement, sur les bases de données et leur interconnexion, comme cela a déjà été souligné.

En Saskatchewan, et, je pense, dans les provinces et les territoires en général, on a parfois l’impression d’être un autre intervenant et non pas un partenaire. Pour vraiment progresser, nous devons être perçus comme un partenaire des hauts responsables du gouvernement lorsque nous faisons ce genre de choses. Je suis heureux de voir que les choses continuent de progresser, mais il y a encore du travail à faire.

En ce qui concerne l’augmentation du prix des céréales et votre commentaire sur le bétail et les surfaces fourragères, c’est tout à fait exact. C’est toujours un défi. C’est également une occasion. Nous avons vu une augmentation du prix du bétail, par exemple, dans l’Ouest canadien, mais nous savons aussi que le prix des intrants est réduit. La sécheresse et d’autres coûts ont fait grimper les coûts de production en ce qui concerne le bétail. Il y a peut-être là l’incitatif ou la possibilité de convertir certaines de ces prairies à la production de cultures.

Grâce à une partie du financement du Partenariat canadien pour une agriculture durable, nous mettons en place des pratiques de gestion bénéfiques pour aider à l’ensemencement de nouvelles surfaces fourragères et au renouvellement des surfaces fourragères. De plus, nous mettons en place des mesures incitatives pour aider à faire en sorte que ces nouvelles surfaces continuent de produire des cultures fourragères. Naturellement, nous ne pouvons pas mettre en place des mesures incitatives pour toutes les nouvelles surfaces, mais nous pouvons offrir des incitatifs pour les aider à continuer de servir à cette fin pendant un certain temps. Nous pouvons faire beaucoup de choses, mais nous cherchons toujours des façons d’en faire plus.

Le pâturage en rotation prend de l’ampleur en Saskatchewan. Le recours accru à cette technique dans nos prairies naturelles et nos fourrages cultivés augmente la capacité de production de ces cultures, augmente le cycle des nutriments et améliore le système économique pour nos éleveurs de bétail. Nous pouvons également fournir des incitatifs et un soutien dans ce domaine.

En ce qui concerne les défis à venir, oui, l’accès à tous les outils de la boîte à outils sera toujours un défi. Il s’agit d’un système intégré, et il faut avoir accès à tous les outils. On ne peut pas commencer à retirer des outils aux producteurs sans les remplacer par des outils de lutte contre les ravageurs, de gestion des nutriments et ce genre de choses.

La sénatrice Petitclerc : J’ai quelques questions plus courtes, mais aussi quelques questions concernant les données. Nous y revenons presque à chaque réunion. Cette fois-ci, je crois que c’est vous, monsieur Raymond ou monsieur Geesing, qui avez parlé dans votre déclaration liminaire de l’importance d’une base de référence appropriée. Si c’est le cas, j’aimerais que vous nous parliez de ce que nous voulons faire à l’avenir et de ce dont nous avons besoin maintenant pour faire de notre mieux en matière de santé des sols et de pratiques culturales.

Dans quelle mesure est-il important d’avoir des données et des renseignements de base adéquats et d’en tirer parti? Quels sont les défis à relever et les obstacles à surmonter? J’aimerais aussi avoir une réponse des représentants des différentes provinces.

M. Geesing : Oui. Merci, madame la sénatrice. Je crois que je vais commencer.

L’importance de la base de référence réside dans le fait que, à l’heure actuelle — et je suis ici précisément pour la Colombie-Britannique — nous avons des données limitées sur la santé des sols et nous quantifions où nous en sommes actuellement. Pour voir où nous allons, nous devons voir ces changements. Si nous mesurons les résultats l’année prochaine ou dans trois ans, nous ne saurons pas si nous nous sommes améliorés.

Une amélioration ou une détérioration doit être mesurée en deux points : maintenant et dans l’avenir. C’est comme une ligne... si vous ne savez pas si vous diminuez ou vous augmentez; vous ne pouvez pas savoir. Nous devons savoir où nous en sommes au départ. C’est très important. Il nous faut à la fois des recherches très détaillées, de bonnes données et une masse quantitative de données pour voir où nous nous dirigeons à l’échelle de la province.

De plus, les pratiques agricoles sont le résultat non seulement du sol, mais aussi du produit de base. Nous avons plus de 200 produits de base. La façon dont nous pratiquons l’agriculture sera presque chirurgicale. Nous savons que les conséquences de différentes pratiques agricoles différeront en fonction du produit de base. Nous nous assurerons que toutes les permutations de sols, de climats et de... Nous disposons des données nécessaires pour voir si ce que nous faisons est réellement utile. Nous pouvons nous attendre à ce que certaines pratiques qui sont généralement bonnes pour le sol ne soient pas aussi bonnes ou même soient contre-productives dans un contexte différent ou avec un produit différent. Ce sont des données importantes.

Cela doit se faire parallèlement à ce que nous faisons. Nous devons le faire; nous devons agir. Cependant, en même temps, nous devons nous assurer de recueillir les données afin que, dans un scénario inverse, nous puissions dire : « Arrêtez. Cela ne nous mènera pas là où nous voulons aller. » Ou encore, nous apprenons et nous disons : « Oh oui, c’est une bonne chose. Nous devons nous assurer que cette pratique est davantage adoptée. » C’est une approche très complexe qui exige beaucoup de travailleurs, beaucoup de fonds et un engagement coordonné et à long terme.

La sénatrice Petitclerc : Merci. Pour poursuivre, est-ce que cela s’appliquerait aussi à l’importance d’avoir une cartographie? Je ne suis pas sûre pour la Colombie-Britannique, mais dans le cas de la cartographie d’une province, ce n’est qu’une partie du territoire ou de la province qui est cartographiée correctement. Est-ce un problème?

M. Geesing : Oui. Je me suis référé à un commentaire précédent. Nos cartes sont également dépassées d’une certaine manière. Elles datent de 1960, de 1970, au mieux des années 1980, et le changement climatique a changé la donne. Encore une fois, même la meilleure cartographie des sols ne peut pas remplacer la gestion des sols sur le terrain. Nous ne pouvons obtenir qu’un certain degré de détail. Habituellement, les cartes actuelles des sols généralisent les données. Elles fonctionnent avec des algorithmes qui généralisent, mais nous devons être plus précis.

Cela ne nous dit pas comment le sol réagit aux pratiques de gestion. La cartographie des sols est un des outils importants qui doivent être utilisés, mais parallèlement à d’autres mesures que nous devons prendre. Nous devons aussi le faire de façon permanente. Les cartes des sols ne permettent généralement pas, par exemple, de cartographier des choses comme le pH et celles que nous avons, tout au plus, s’attachent à la texture. Par exemple, nous n’avons pas de cartes pédologiques du carbone. Il existe plusieurs niveaux de cartes des sols. Nous devons nous assurer qu’il s’agit d’un travail parallèle. Nous ne pouvons attendre que les cartes des sols soient réalisées. Nous devons agir dès maintenant, puis mesurer ce site en particulier.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

Je ne sais pas si d’autres témoins voudraient répondre à cette question ou ont quelque chose à ajouter. Je vous regarde, monsieur Saurette.

M. Saurette : Oui, bien sûr. Je me ferai l’écho de certains des commentaires de M. Geesing sur l’établissement d’une base de référence.

Nous nous faisons souvent poser la question : sommes-nous en train d’améliorer la santé des sols? Je demande toujours en retour ceci : eh bien, nous n’avons pas de base de référence pour pouvoir établir des comparaisons. Nous devons établir cette base de référence dès maintenant, pour que, dans l’avenir, nous puissions regarder en arrière et dire si nous nous sommes ou non améliorés.

Des travaux incroyables ont été réalisés au milieu des années 1980 jusqu’au début des années 1990, après le rapport Sparrow. On a investi dans des enquêtes pédologiques, la cartographie et la collecte de renseignements de base.

Il y a certains domaines dans lesquels nous disposons de renseignements adéquats, mais encore une fois, ils sont limités. Nous avons parlé des limites des cartes pédologiques et du fait que beaucoup de ces cartes datent d’avant 1960.

En Ontario, nous avons été chanceux. Nous avons commencé à réaliser quelques travaux sur l’établissement de points de référence sur la santé du sol. Mme Brown a mentionné le programme d’échantillonnage de la couche arable, qui a commencé en 2019. Jusqu’à maintenant, nous avons échantillonné 500 exploitations agricoles dans la province. Nous sommes en train d’établir une base de référence pour essayer de comprendre à quoi ressemble la santé des sols agricoles.

Il faut aussi tenir compte de l’échelle à laquelle nous mesurons ces choses. Il y a l’échelle des champs, puis il y a l’échelle régionale, l’échelle provinciale et l’échelle nationale. Nous avons besoin de différents types d’information pour comprendre et examiner la santé des sols à toutes ces échelles.

Par exemple, à l’échelle des champs, nous avons un programme appelé ONFARM, le Programme de recherche appliquée et de surveillance à la ferme, qui examine les sites jumelés où vous avez des PGB, ou des pratiques de gestion bénéfiques, appliquées d’un côté du champ et non de l’autre. Nous comparons ensuite les mesures de la santé des sols.

À l’échelle provinciale, nous avons le programme d’échantillonnage de la couche arable.

M. Geesing a raison. En ce moment, nous n’avons pas de cartes des sols qui montrent le carbone du sol dans tout le paysage, ou le pH. Vous avez entendu le témoignage de M. Heung, de l’Université Dalhousie. Nous collaborons au sujet de la cartographie numérique des sols, qui nous permettra de fournir de meilleurs renseignements sur les propriétés individuelles du sol dans l’ensemble du paysage, ce que les cartes traditionnelles des sols des années 1980 et 1990 n’étaient pas en mesure de faire. Des progrès technologiques nous permettent maintenant de faire ces choses.

La sénatrice Burey : Bonjour à tous. Merci beaucoup d’être ici et merci de votre expertise. J’apprends encore et encore, et c’est amusant.

Dans le cadre de notre étude, nous avons reçu de nombreux témoins. J’ai été en mesure de lire le rapport d’Agriculture et Agroalimentaire Canada de 2016, qui présentait l’état de la santé des sols, et j’ai constaté qu’ils s’étaient améliorés dans presque tout le Canada, en partie en raison de ces pratiques de gestion bénéfiques, et cetera.

Toutefois, en Ontario, l’étude a révélé que c’est l’Ontario qui ne suit pas le peloton, c’est ce que je vais dire, et elle signalait un risque d’érosion très élevé dans une grande partie de la province — je vais parler à mes collègues des Prairies là-bas — tout en indiquant un risque d’érosion des sols très faible dans les provinces des Prairies.

Ma première question est la suivante : est-ce vrai? L’Ontario est-il à la traîne?

Mme Brown : Il y a une érosion importante des sols. Je ne peux pas dire si elle augmente ou diminue, parce que je pense que c’est propre à chaque site.

Certains facteurs contribuent à l’augmentation de l’érosion dans les régions, dont les tempêtes de pluie intenses. Nous recevons parfois plus de pluie au début du printemps pendant la période de février à mars, en plus de la fonte des neiges. Nous recevons parfois plusieurs centimètres de pluie en très peu de temps, ou un fort volume de pluie en peu de temps. Même certaines des pratiques de gestion bénéfiques ne sont pas utiles à cet égard.

Lorsque les pluies sont plus douces, nous avons tendance à voir — si vous avez des cultures de couverture, si vous avez du seigle — au cours de l’hiver, nous voyons de grandes améliorations dans la quantité de sols qui ne se rendent pas jusqu’aux cours d’eau. Les tempêtes intenses sont une chose.

L’autre chose que nous constatons, c’est qu’à mesure que les rangs de clôture sont enlevés, à mesure que les champs et l’équipement s’agrandissent, il y a généralement de plus grandes zones, de plus grandes pentes où l’eau a la possibilité de déplacer une plus grande quantité de sol. La diminution des matières organiques du sol dans certains champs aura une incidence sur la stabilité des agrégats. Le sol n’est plus capable de rester à sa place.

Un certain nombre de facteurs différents contribuent à l’érosion du sol. Je ne dirais pas qu’elle augmente partout. Elle est propre à chaque site dans les différentes régions.

La sénatrice Burey : En général, pour l’Ontario, allons-nous dans la bonne direction?

Mme Brown : Nous allons dans la bonne direction, oui. Nous nous concentrons sur des régions où l’érosion est la plus élevée.

Avons-nous réglé le problème complètement? Non. Ce sera difficile jusqu’à ce que nous sachions comment ralentir les conséquences de ces tempêtes intenses.

La sénatrice Burey : Allez-y, monsieur Saurette.

M. Saurette : Si je peux aussi ajouter un commentaire. Ce rapport montre également — dans la deuxième partie de la section sur l’érosion du sol — que l’Ontario présente intrinsèquement un risque plus élevé d’érosion du sol.

Il montre aussi dans la deuxième partie de cette section que l’érosion globale n’a pas augmenté au fil du temps. Nous faisons un bon travail pour gérer cette érosion, malgré le fait qu’il y a eu beaucoup de conversion des cultures vivaces aux cultures annuelles. Les systèmes de culture annuelle sont plus susceptibles à l’érosion parce qu’ils ont plus de sol exposé.

Les pratiques de gestion bénéfiques qui sont utilisées dans ces systèmes aident à atténuer l’érosion également. Cela montre bien que l’adoption des pratiques de gestion bénéfiques qui préviennent l’érosion, qui sont aussi, par coïncidence, les pratiques de gestion bénéfiques qui améliorent la santé des sols, permet également d’atténuer l’érosion dans le paysage.

Une meilleure mise en œuvre de ces pratiques de gestion bénéfiques est essentielle pour réduire ou atténuer davantage notre risque d’érosion.

La sénatrice Burey : À ce sujet, les financez-vous dans une optique d’équité et en veillant à ce que les agriculteurs dans toute la diversité de notre magnifique province et pays puissent y accéder? Dans la même veine, avez-vous des données qui montreraient que ces programmes sont financés de manière équitable?

Mme Brown : Ces types de pratiques ont bénéficié d’un grand nombre de possibilités de financement, pour le travail de conservation du sol, la modification des équipements, la culture sans travail du sol et, plus récemment, le labour en bandes, car cela permet de laisser des résidus tout en gardant les bandes en place pour la plantation des cultures.

Le financement de ces pratiques de gestion bénéfiques a été mis à la disposition des agriculteurs dans toute la province par l’entremise du plan agroenvironnemental, ensuite par le Partenariat canadien pour l’agriculture et, aujourd’hui, probablement par l’entremise du Partenariat canadien pour une agriculture durable, et dans le cadre de programmes comme le Programme des paysages agricoles résilients.

Ces programmes permettent de partager les coûts avec les agriculteurs. Ils sont gérés par l’Association pour l’amélioration des sols et des récoltes de l’Ontario. Ils sont accessibles à toutes les exploitations agricoles. Elles doivent suivre le plan agroenvironnemental, et peuvent ensuite présenter une demande.

Il y a toujours un besoin de financement supplémentaire, parce qu’il y a plus d’agriculteurs qui veulent demander ces fonds qu’il n’y a de fonds. C’est équitable dans toute la province.

La sénatrice Burey : On a entendu dire que le financement est disponible. Cependant, d’autres témoins ont dit que certaines personnes ne connaissent pas ces ententes de financement. Elles ont de la difficulté à accéder à ces programmes.

J’aimerais savoir si vous aviez des données qui nous montreraient que des exploitations agricoles de tous les horizons ont pu, non seulement présenter une demande, mais aussi voir leur demande accueillie. Le gouvernement recueille-t-il ces données?

Mme Brown : Je n’ai pas accès à ces données. Je ne les connais pas.

L’Association pour l’amélioration des sols et des récoltes de l’Ontario rend compte du montant des fonds alloués à chacune des pratiques et sur la répartition de ces fonds. Je ne suis pas certaine qu’elle dispose d’une carte indiquant exactement dans toute la province quelles sont les pratiques en vigueur, mais elle conserve de très bons indicateurs et rend compte au gouvernement de ces indicateurs.

La sénatrice Burey : Pourriez-vous communiquer ces données au comité?

Mme Brown : Nous pouvons retourner et demander ces données.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup.

M. Burton : Puis-je réagir?

La sénatrice Burey : Bien sûr.

M. Burton : Formidable. C’est une excellente question et une excellente observation.

Bien sûr, la situation est différente dans tout le pays. Je pense que c’est ce que l’on constate aujourd’hui. Je pense que les défis ont été différents dans tout le pays, mais cela signifie également qu’il y aura différentes solutions à l’avenir. Il faut tenir compte de la flexibilité régionale dans nos solutions et dans notre approche. Voilà une chose.

L’autre chose, c’est que, dans les régions qui ont déjà bien progressé, comme notre province — je vous ai montré quelques‑unes des preuves —, il ne faut pas pénaliser les agriculteurs pour cela. Il faut trouver des façons de les aider à monétiser leur travail et à être reconnus pour le bon travail qu’ils ont fait jusqu’à présent.

Le président : Merci.

La sénatrice Duncan : Je remercie tous les témoins qui ont comparu devant nous tôt ce matin. Je peux certainement comprendre cela, étant originaire du Yukon.

J’aimerais souligner deux domaines d’intérêt et donner l’occasion aux témoins de répondre. Pour faire suite aux commentaires de la sénatrice Simons sur la collecte de données, vous avez tous décrit le travail extraordinaire qui est réalisé dans vos provinces, et les solutions et les pratiques novatrices. J’aimerais vous demander de fournir au comité une recommandation spécifique. Si vous aviez le pouvoir de décider, pourriez-vous formuler à notre intention une recommandation spécifique à inclure dans notre rapport concernant la meilleure méthodologie, selon vous, pour partager les données et les pratiques relatives à la santé des sols?

Mon second domaine d’intérêt, oui, nous sommes le Comité de l’agriculture. Compte tenu de l’évolution des sols et du climat, il est important que la santé des sols inclue, lorsqu’on parle de l’ensemble du pays, que l’on ne perde pas de vue le Nord et que l’on n’oublie pas qu’il y a trois territoires plus au nord. J’aimerais souligner qu’il y a plusieurs pratiques novatrices en matière d’agriculture dans mon territoire.

Cependant, en ce qui concerne la santé des sols également, des substances d’origine naturelle ont des répercussions sur la santé humaine. Je parle précisément du radon. L’Association pulmonaire du Canada a fait un travail considérable. Le radon est naturellement libéré, et s’il est présent dans le sol et libéré dans les sous-sols, il a des répercussions sur le taux de cancer du poumon des résidants, si des mesures d’atténuation ne sont pas mises en place.

Je sais que l’Association pulmonaire du Canada a effectué un travail considérable dans tout le pays où cette situation existe, certainement, dans le Yukon. Vos commentaires incluaient précisément l’agriculture, mais je me demande si vous connaissez également ces données et si vous aviez des commentaires à cet égard. Merci.

Le président : Posez-vous la question à tous les témoins?

La sénatrice Duncan : Oui.

Le président : Commençons par l’Ontario.

Mme Brown : Cela sort complètement de mon champ d’expertise.

M. Saurette : Le radon ne fait pas partie de mon champ d’expertise non plus. Pour ce qui est de votre première question concernant une recommandation relative à la gestion et au partage des données sur les sols, les témoins précédents en ont parlé, et je suis d’accord avec eux. Il faudrait une sorte de modèle centralisé où l’information peut être partagée entre toutes les organisations. Je pense qu’il faut également stocker les données dans différents établissements et les dupliquer.

Dans le passé, nous avons mis en place des systèmes de données, puis nous avons perdu le financement de ces systèmes, et ils ont diminué et disparu. Il s’agit en partie de s’assurer que les données sont dupliquées dans tout le pays et que tout le monde peut y accéder, de sorte que si l’on perd un site, on en a beaucoup d’autres.

La sénatrice Duncan : Si je puis me permettre, nous pouvons peut-être utiliser l’expression d’un bout à l’autre du pays.

Le président : Nous allons maintenant passer à nos témoins en ligne. Monsieur Burton, qu’en pensez-vous?

M. Burton : Merci. C’est une excellente question. Je n’ai aucune réponse concernant la seconde partie de cette question. Je n’ai aucune information à cet égard.

En ce qui concerne la première question, tout d’abord, je tiens à vous féliciter d’avoir organisé ces audiences et j’attends avec impatience votre rapport, car je pense qu’il peut marquer une première étape importante pour ce qui est de reconnaître les différences en matière de santé du sol dans tout le pays, mais aussi les progrès qui ont été réalisés. Je pense qu’il est important de les reconnaître et de les mettre en valeur, à l’échelle non seulement nationale, mais internationale.

Pour ce qui est de la recommandation, nous l’avons déjà. Certaines personnes ont parlé d’une base de données nationale. Je crois vraiment qu’il faut être plus audacieux et plus ouvert que cela. Il faut parler des solutions novatrices en matière de sol. La base de données est le point de départ, mais il faut parler de la façon dont on peut utiliser ces données pour informer les producteurs des changements susceptibles d’améliorer la santé des sols dans l’ensemble du pays. Elle peut également servir à favoriser les innovations dans les systèmes de commercialisation qui leur permettent de capter une partie des avantages, ce qui augmentera encore l’incidence et la reprise de certaines de ces activités.

S’ils peuvent la monétiser, cela arrivera très rapidement. Je pense qu’il est très important de mettre en place un centre d’innovation en plus. Je pense qu’il est important que nous continuions tous de parler de la situation de l’agriculture durable et de la production au Canada et dans nos régions, quand nous allons à l’étranger. Je pense qu’il est important que les consommateurs et les clients en entendent parler. Je pense que nous avons une belle histoire à raconter et que nous devons continuer de la raconter, et très fort.

M. Geesing : Je peux peut-être répondre à cette question. Je vais me concentrer sur la première partie, ce que je ferais, si je pouvais prendre une décision à cet égard. Une grande partie de ce qui a été dit tout à l’heure est très juste. Puisqu’il s’agit d’une question très complexe et technique, je mettrais sur pied un groupe de travail chargé de faire avancer la collecte et le partage des données. Ce groupe de travail serait actif au niveau fédéral et disposerait, si l’on veut, de groupes de travail plus importants dans les provinces. Il doit être modulaire. Le type d’information dont on a besoin à l’échelon provincial, et même local, est différent, alors il devient plus précis. Ces groupes de travail ont un mandat différent, mais il y a toujours ce système en place qui nous permet de communiquer. L’échange de données est facile et simple. Oui, on commence par un répertoire national, mais il faut également un répertoire provincial. Ces différents répertoires doivent communiquer entre eux. On ne doit pas se contenter de les établir; il faut que ce soit un engagement à long terme. Nous sommes passés par là, et nous avons établi que nous devons penser au-delà des deux ou trois années à venir.

Ces groupes de travail peuvent ensuite se pencher sur les détails techniques. Il ne s’agit pas seulement d’un exercice théorique : il doit être cohérent par rapport aux approches pratiques.

Le président : Si vous voulez, vous avez une minute de plus.

La sénatrice Duncan : Pour ma minute supplémentaire, j’aimerais signaler au comité que la santé des sols est liée à la santé humaine. Dans un contexte global de santé des sols, je pense qu’il est important que l’on tienne également compte de ces autres aspects, comme le radon dont j’ai parlé. Merci.

La sénatrice Jaffer : Je manquerais à mon devoir si je ne... Tout le monde parle de l’heure partout. Je suis originaire de la Colombie-Britannique et je tiens à vous dire que pour mes collègues de la Colombie-Britannique il n’est que 6 h 50. Bienvenue à tous. J’aimerais saluer mes amis de la Colombie-Britannique, où il est encore plus tôt.

J’ai une question pour les témoins de la Colombie-Britannique, mais avant de la poser, je tiens à dire en toute transparence que je suis agricultrice à Abbotsford. Je voulais que vous le sachiez.

Monsieur Raymond, vous avez parlé de l’endiguement dans la vallée du Fraser. Nous avons connu des sécheresses et des inondations, ensuite il y a le cas de la zone A1, mais cela ne concerne pas les sols, heureusement. Monsieur Raymond, ensuite peut-être M. Geesing, le sol a-t-il affecté les digues? Quel est l’état des sols et des digues?

M. Raymond : Je ne peux pas me prononcer sur l’intégrité des différents systèmes d’endiguement dans la vallée du Fraser. Ils présentent tous un niveau d’intégrité différent. En ce qui concerne les sols qui ont été touchés par une inondation récente, nous avons réalisé une étude sur les conséquences des inondations sur nos sols agricoles. Les sites testés ne contenaient aucun contaminant d’intérêt. En ce qui concerne les conséquences de la dernière inondation, les sols agricoles étaient peu menacés, et nous avons aidé les producteurs à retourner dans leurs champs et à cultiver leurs terres.

M. Geesing : Les digues sont des systèmes de sols artificiels qui ont peu de choses en commun avec les sols des Prairies. Comme M. Raymond l’a dit, après l’inondation, nous avons beaucoup appris. Nous avons également appris qu’il y aurait des répercussions en raison des contaminants et même du compactage. Tout cela était faux. En fait, nous avons été agréablement surpris du fait que, même si un grand nombre de bleuetiers sont morts — et c’était une tragédie —, nous avons été surpris de la quantité. Nous avions pensé que tous les bleuetiers étaient morts, mais, au bout du compte, une grande partie a survécu.

Vous avez mentionné Abbotsford, et j’y vis. Les terres de la prairie Sumas sont des terres lacustres et sont, en quelque sorte, habituées à être inondées. Ici, la structure physique n’a pas été compromise à ce point. La crainte relative aux contaminants était prédominante, mais il a été prouvé que ce n’était pas le cas. L’endiguement est une question municipale, sur laquelle je ne peux pas me prononcer. D’après ce que je comprends, il est grand temps d’améliorer les digues, mais c’est également une question de financement pour les municipalités.

La sénatrice Jaffer : Merci à vous tous.

La sénatrice Greenwood : Je vous remercie de l’occasion que vous m’offrez. Je suis une remplaçante dans ce comité. Je n’ai pas la même expérience que les autres, et il se peut donc que je pose des questions qui dépassent de loin l’expertise de chacun. Cependant, ces questions me viennent à l’esprit alors que j’écoute ces conversations importantes, et elles concernent la santé des terres et des sols non agricoles.

Je vais vous dire pourquoi je pose cette question. Récemment, j’ai écouté une conversation sur le réchauffement du pergélisol, les répercussions sur le sol et, par conséquent, l’accès aux services et à la santé humaine, dont les sénateurs précédents ont parlé. Je me demande si cela fait partie de votre travail.

Je m’interroge également sur la sécurité alimentaire. En toute transparence, j’ai vécu la majeure partie de ma vie dans le Nord de la Colombie-Britannique et j’ai beaucoup travaillé dans le Nord du pays. De nombreuses collectivités m’ont parlé de l’augmentation de la sécurité alimentaire par la chasse, la pêche et ce genre de choses. C’est de là que vient cette question concernant la santé de la terre en dehors de l’agriculture. Peut‑être que cela dépasse largement vos compétences, je ne sais pas. Cependant, j’ai pensé qu’il était important de soulever cette question.

J’ai brièvement entendu les mots « connaissance autochtone » concernant la santé de la terre. Je me demande si vous pourriez nous faire part de ces informations ou si vous avez pu en apprendre à ce sujet jusqu’à présent.

M. Raymond : Je peux commencer par cela. Au cours des six dernières années, l’agriculture autochtone a été une priorité croissante pour notre ministère et ma division. Il y a quatre ans, nous avons créé un comité directeur ministériel sur les questions autochtones, qui compte entre 15 et 18 membres. Nous nous sommes réunis à de nombreuses reprises tout au long de l’année, afin de déterminer comment nous pouvons soutenir l’agriculture autochtone et comprendre réellement ses besoins. À cette table, nous avons des producteurs agricoles, des chefs et des conseils de développement économique. Nous avons mis en place le Programme de développement de l’agriculture autochtone de la Colombie-Britannique qui est très solide et qui tient compte de nombreux besoins différents, qu’il s’agisse de planification des activités, d’initiatives alimentaires locales ou de soutien aux serres. Du point de vue autochtone, nous cherchons à soutenir nos producteurs agricoles. Cela a été un élément prédominant de notre programme et continuera de l’être à l’avenir.

En ce qui concerne les terres non agricoles, comme je l’ai mentionné précédemment, les terres agricoles de la Colombie-Britannique ne représentent que 5 % de la réserve de terres agricoles. Nous possédons beaucoup de terres publiques qui servent à l’exploitation de bois ainsi qu’au pâturage de notre bétail.

Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues du ministère des Forêts pour étudier la santé et le carbone contenu dans les sols. Nous avons beaucoup de systèmes intégrés. Nous examinons la santé des sols de notre secteur forestier et ses répercussions sur l’infiltration de l’eau et ses effets en aval sur l’agriculture et les niveaux d’irrigation et même sur certains habitats de poissons et sur l’aquaculture. Il s’agit d’un système très intégré sur lequel nous travaillons en étroite collaboration.

Vous avez mentionné la sécurité alimentaire en Colombie-Britannique. L’un des éléments de la lettre de mandat de notre ministre consiste à élaborer une stratégie d’intervention en cas d’urgence en matière de sécurité alimentaire en Colombie-Britannique, en tenant compte de certains événements météorologiques récents — qu’il s’agisse d’incendies, d’inondations ou d’épisodes de chaleur extrême que nous avons connus au cours des deux dernières années — et de leurs répercussions sur notre sécurité alimentaire au niveau local. De nombreuses collectivités n’ont pas eu accès à la nourriture parce que des routes ont été fermées entre autres à cause de feux incontrôlés. Et cela n’a pas épargné les communautés autochtones aussi.

Conformément à notre mandat, nous désirons travailler avec les responsables de Gestion des urgences en Colombie-Britannique, notre ministère partenaire, pour élaborer ce plan ou cette stratégie afin de nous assurer que nous établissons un lien entre la sécurité alimentaire locale et les événements météorologiques extrêmes que nous avons connus.

M. Burton : Je n’interviendrai pas au sujet de la première question concernant les terres non agricoles.

En ce qui concerne l’engagement auprès des producteurs agricoles autochtones et les possibilités qui s’offrent à eux, notre ministère a également entrepris des démarches dans ce domaine. Ces dernières années, nous avons augmenté nos ressources et notre attention dans ce domaine. Nous avons embauché un conseiller en chef pour les questions autochtones et mis en place une unité autochtone chargée d’engager le dialogue avec les collectivités des Premières Nations et des Métis. Nous avons une équipe de spécialistes régionaux, appelée le groupe de développement et d’amélioration du soutien aux populations autochtones qui s’efforce d’établir des relations pour aider les collectivités autochtones à tirer parti des possibilités agricoles qui existent pour elles et l’intérêt qu’elles ont à les développer.

Mme Brown : M. Saurette et moi-même travaillons exclusivement avec des agriculteurs. Nous ne nous occupons pas des terres non agricoles et nous ne pouvons donc pas commenter à ce sujet.

En ce qui concerne les pratiques de gestion bénéfiques qui tentent de maintenir ou d’améliorer la sécurité alimentaire, elles sont liées à la santé des sols. Nous cherchons à maximiser l’infiltration de l’eau, ce qui nous permettra d’avoir suffisamment de matière organique dans le sol et ainsi avoir la meilleure capacité de rétention d’eau. Même pendant la saison sèche, lorsqu’il n’y a pas de pluie pendant des semaines, il y a toujours de l’humidité disponible pour les cultures. Je pense que c’est le mieux que nous puissions faire au chapitre de la sécurité alimentaire.

Je ne peux pas faire beaucoup de commentaires sur le travail avec les collectivités autochtones. Notre groupe élargi compte de plus en plus de personnes d’origine autochtone, ce qui contribue à l’inclusion et à la collaboration avec ces groupes.

La sénatrice Greenwood : Le commentaire que je voudrais faire concerne l’interdépendance. Ce n’est pas parce qu’il y a des terres agricoles ici et des terres non agricoles à côté qu’elles sont toutes en relation et s’influencent mutuellement. C’est un point important que les intervenants ont souligné. Merci.

Le président : Madame Brown, vous avez dit dans votre exposé que le gouvernement, l’industrie et les organisations ne possèdent pas de méthode commune de mesure et de communication de l’état de santé des sols. Je sais que ce point a été abordé dans le cadre d’un certain nombre d’autres questions, mais est-il réaliste de s’attendre à ce qu’une méthode soit mise au point? Je poserai également la question aux représentants de chacune des autres provinces. Est-il réaliste de s’attendre à une méthode commune de mesure et de communication?

Mme Brown : Je vais renvoyer cette question à M. Saurette. Cependant, avant qu’il ne réponde, cela ne fait peut-être pas partie des mesures à long terme, mais nous pourrions peut-être fixer un prix pour la matière organique. Nous avons un prix pour l’azote, le phosphore et la potasse. Si une valeur était attribuée à la matière organique, dans de nombreux cas, cela faciliterait l’établissement des rapports. Elle serait cohérente, quel que soit l’endroit où l’on se trouve dans le pays, aux États-Unis ou dans d’autres pays. Cela permettrait également d’équilibrer certains amendements organiques, par exemple, qui s’attachent davantage à l’engrais liquide qu’à la matière organique.

Nous devons envisager la possibilité par exemple, d’utiliser certains déchets urbains, tels que les feuilles et résidus de jardin, les biosolides des eaux usées, etc. Compostez-les, apportez-les au commerce de détail et obtenez un mélange d’engrais et de matière organique. C’est une chose qui pourrait contribuer à la création de ce rapport. Je vais maintenant passer la parole à M. Saurette.

M. Saurette : En ce qui concerne la mesure de la santé des sols et une mesure unique, c’est plus complexe que cela. J’ai entendu d’autres témoignages et je suis d’accord. Si vous avez une seule mesure, une mesure de la matière organique du sol ou du carbone organique du sol est probablement plus importante. Nous devons également reconnaître qu’il existe des différences régionales. Les sols de l’Ontario n’atteindront pas la même quantité de carbone organique que les sols des prairies. Il faut garder à l’esprit qu’il existe des contraintes régionales qui touchent le carbone dans le sol.

Le président : Pour les deux autres gouvernements provinciaux, est-il réaliste de s’attendre à une mesure unique de la santé des sols?

M. Burton : Bien sûr, il est réaliste d’avoir une seule mesure. Je suis toujours convaincu qu’il est possible d’y parvenir. Cependant, lorsque vous avez une mesure unique, vous perdez également certains autres des aspects sous-jacents que vous pourriez vouloir connaître.

Cela peut fonctionner avec une seule mesure, oui, mais je pense que nous voudrions un ensemble plus solide de mesures, qu’il s’agisse de matière organique, de carbone organique ou d’autres éléments importants à l’échelle régionale.

Le président : La Colombie-Britannique?

M. Geesing : Je crois que cela est possible, mais il ne s’agira pas d’un seul chiffre. Il s’agira d’un ensemble de paramètres. Ces paramètres auront une importance différente, en fonction des circonstances et des conditions spécifiques au site.

J’ai bon espoir que si nous mesurons le même ensemble de paramètres, en fonction de la station, nous pourrons choisir celui qui est important dans ce contexte, tout en étant en mesure de communiquer et de faire des comparaisons entre les régions et les provinces voire même au niveau international.

Le président : Merci. Monsieur Saurette, j’ai entendu votre ministre parler du système OASIS. Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est le système OASIS?

M. Saurette : Oui. OASIS, ou le système d’information de l’Ontario sur les sols agricoles, a été mentionné dans l’annonce du financement du budget de 2022 de l’Ontario la semaine dernière. Il comprend une infrastructure physique pour stocker les données sur les sols et l’agriculture qui sont recueillies par le ministère, pour créer des applications de collecte de données visant à uniformiser la collecte de données sur le sol directement sur le terrain de sorte que tous nos spécialistes recueillent des informations qui peuvent toutes alimenter une base de données ou un répertoire unique, et pour fournir des mécanismes de diffusion des informations sur les sols et des ressources pour l’analyse des données et l’établissement de rapports. Il s’agit d’un système d’information destiné à assembler dans une seule base de données les informations sur les sols recueillies au niveau national. Cela permettrait d’analyser toutes les données en un seul endroit. Cela comprend l’information sur les sols et, éventuellement, les données provenant d’essais agronomiques sur le terrain... ce que certains de nos spécialistes font avec nos organismes partenaires.

Le président : Merci. Madame Brown, je sais que vous vous intéressez aux sols depuis de nombreuses années. En tant qu’experte en santé des sols... plusieurs témoins nous ont dit par le passé que les premiers à adopter des pratiques saines pour les sols craignent d’être oubliés dans la reconnaissance du gouvernement lorsqu’il s’agira d’élaborer des programmes et des subventions.

Dans votre travail, aujourd’hui et dans le passé, croyez-vous que ces pionniers seront laissés de côté? Comment pouvons-nous mieux les soutenir?

Mme Brown : C’est une excellente question. La réponse courte est oui, c’est ce que nous constatons. Ils ne sont pas admissibles à certains programmes de financement pour les pratiques de gestion bénéfiques parce qu’ils les appliquent déjà. L’objectif de ces programmes est d’inciter un plus grand nombre de personnes à appliquer les pratiques de gestion bénéfiques. Il y a toujours des normes à respecter pour pouvoir bénéficier d’un financement.

Il est important que les premiers à avoir adopté ces pratiques se sentent à leur place dans ces programmes de financement. L’une des choses — et ce n’est qu’une idée — que je vois qui pourraient aider serait de prévoir une sorte de financement pour les nouvelles personnes qui adoptent ces pratiques ou pour quelqu’un qui adopte un programme où il y a une petite composante d’assurance. Ils essaient quelque chose de nouveau. Lorsque vous essayez quelque chose de nouveau, il y a souvent des modifications à apporter, et vous pouvez connaître une baisse de rendement ou un revers dans ce qui serait votre activité normale. S’il existait une assurance pour couvrir certaines de ces pertes économiques potentielles pendant que cette pratique est modifiée ou améliorée, cela pourrait être une occasion pour certains de ces innovateurs. Il y a probablement d’autres choses à faire, mais c’est ce qui me vient à l’esprit.

Le président : Merci beaucoup. Je vais vous céder le reste de mon temps de parole. Auparavant, je sais que vous avez été reconnue comme une spécialiste des sols dans la province de l’Ontario, alors félicitations.

La sénatrice Simons : Sénateur Black, vous m’avez volé la question que je voulais poser à Mme Brown, alors je vais passer à la question que je voulais poser à M. Burton.

Vous avez parlé de l’importance de l’agriculture de précision et des techniques d’agriculture de précision qui permettent de réduire au minimum les déchets d’engrais et d’optimiser l’irrigation. Le défi qui se pose, c’est qu’une grande partie de la technologie d’agriculture de précision est extraordinairement chère pour les agriculteurs. Certaines technologies dépendent aussi d’un bon accès à des services sans fil à large bande ou à d’autres technologies informatiques auxquelles les agriculteurs des régions rurales des Prairies n’ont pas toujours accès.

Avez-vous des commentaires à faire, dans la foulée de ce que Mme Brown disait, sur ce que nous pourrions faire pour qu’il soit plus facile pour les agriculteurs de financer ce genre d’achat et pour encourager l’adoption à grande échelle de techniques qui, même si elles sont d’une grande valeur, coûtent très cher au départ?

M. Burton : C’est une excellente question, mais elle est complexe. Effectivement, l’accès aux services à large bande et la connectivité sont un problème dans certaines régions de notre province, et, je crois, dans d’autres provinces également. Nous savons que notre organisation provinciale continue d’investir dans ce secteur. Il y a quelques semaines, la ministre fédérale du Développement économique rural, Mme Gudie Hutchings, était en Saskatchewan, où elle a fait une annonce qui a été très bien accueillie. Nous sommes reconnaissants du soutien qui nous est offert pour élargir la couverture des services à large bande, mais cela reste un problème dans certaines régions, pour certains producteurs.

Vous avez raison, les coûts peuvent être élevés. Que ce soit des analyses du sol plus approfondies, l’accès à l’imagerie satellitaire ou le contrôle par section, toutes ces choses ont un prix, mais les producteurs constatent qu’elles ont aussi des avantages. Si c’est une question de financement, pourrions-nous fournir une aide financière? Je ne pense pas que nous ayons étudié cela spécifiquement, parce que je ne pense pas que le financement ait été un enjeu. C’est plutôt une question d’analyse de rentabilité pour chaque exploitation individuellement. Parfois, il faut avoir atteint un certain niveau de développement avant d’acheter un semoir pneumatique qui utilise les dernières technologies. Je pense que je vais m’arrêter ici, pour l’instant.

La sénatrice Simons : J’aimerais préciser, aux fins du compte rendu, que l’autre question que je veux poser porte sur les marchés du carbone. De quelle façon pouvons-nous offrir des incitatifs économiques, dans le cadre d’un marché du carbone, réel et soutenu officiellement, qui récompensent réellement les gens, en lien avec une séquestration réelle du carbone?

Le sénateur Cotter : Est-ce que je peux céder deux minutes de mon temps au deuxième tour à la sénatrice Simons, parce que c’est la question que j’allais poser, et que c’est le bon moment pour y répondre?

La sénatrice Simons : Voici ma question : de quoi avons-nous besoin pour créer des marchés du carbone efficaces qui encouragent les gens à changer ce qu’ils font? Je vais poser la question d’abord à Mme Brown.

Mme Brown : Essentiellement, c’est une question de séquestration du carbone. Sur le terrain, nous ne sommes pas encore rendus là. Notre équipe des sols travaille très dur avec les agriculteurs pour cerner les possibilités de stockage du carbone. Le stockage du carbone, ce n’est pas la même chose que la séquestration du carbone. Dans ce genre de cycle, parfois le carbone ne reste pas là pendant 20 ans, par exemple, mais on cherche les possibilités de stocker le carbone en utilisant des cultures de couverture, des amendements organiques, en utilisant des combinaisons ou des synergies de pratiques combinées en gérant les déchets, en réduisant le travail du sol et d’autres choses du genre.

À quel moment, dans les étapes de nos systèmes de production, dans les divers systèmes de production, le carbone est-il relâché? Par exemple, par rapport au travail du sol, quelle quantité du carbone que nous avons stocké est libérée durant les labours? C’est par là que nous commençons. Nous commençons à plus petite échelle. Nous voulons cerner les possibilités.

La sénatrice Simons : En Saskatchewan, vous êtes rendus là. Que peut-on faire pour que l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba aient de vrais marchés?

M. Burton : Merci de la question. Je vous suis très reconnaissant de l’avoir posée.

Pour ce qui est du système réglementé par le gouvernement fédéral, cela commence en 2017. C’est une date arbitraire, qui pénalise les adopteurs précoces.

Dans le marché volontaire, il y a des principes d’additionnalité et de permanence qui ne fonctionnent pas toujours bien dans le contexte agricole. Nous devons réfléchir à certaines de ces règles.

À mesure que nous développons les marchés volontaires, qu’ils se développent, nous constatons qu’on accorde énormément d’attention aux agrégateurs, aux vérificateurs et aux comptables qui vont se prendre une grosse part du gâteau. Ce que vont avoir les producteurs, leurs incitatifs, c’est beaucoup moins.

Nous devons trouver des moyens et des mécanismes, afin qu’une grande partie ou même la majeure partie de ces fonds aille aux producteurs, qui font vraiment changer les choses. La question est : comment allons-nous faire cela?

La sénatrice Simons : Et cela ne concerne pas seulement les agriculteurs, il y a les éleveurs, aussi.

M. Burton : Oui, tout à fait, c’est un excellent point. Il y a aussi les éleveurs. Qu’est-ce que nous allons faire pour eux?

Il y a certaines choses que nous pouvons faire, par rapport à la recherche, pour réduire au minimum l’ampleur de la collecte de certaines données sur le terrain, dont nous avons besoin dans le contexte actuel, pour avoir des modèles qui nous permettent de savoir quel est votre degré d’agrégation, selon les pratiques que vous utilisez. Nous investissons dans ce genre de recherche, au Global Institute for Food Security. J’ai aussi mentionné certains travaux de l’Université de la Saskatchewan, dirigés par Mme Bedard-Haughn. Donc, ce sont les mesures initiales qu’il faut prendre pour aider les producteurs à monétiser les gains qu’ils réalisent et le carbone qu’ils séquestrent dans leur sol.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

Le sénateur Cotter : Merci de votre réponse sur les marchés du carbone. Je voulais poser une question similaire.

J’ai une question, ou une observation, pour M. Burton. Il y a des tensions entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à divers égards, mais en particulier entre les provinces des Prairies et Ottawa. Il y a eu des discussions négatives.

Je voulais faire une observation : peu importe si les chiffres sont exacts, chaque fois que je vais à l’aéroport, à présent, je vois sur les panneaux électroniques que les agriculteurs et les éleveurs de la Saskatchewan font de l’excellent travail. Je ne sais pas si vous êtes l’auteur de ces panneaux, mais j’ai pensé que c’était une forme de dialogue plus constructive. En tant que Saskatchewanais, c’est évidemment quelque chose que j’apprécie.

J’aimerais revenir précisément sur ce que vous avez dit à propos des adopteurs précoces qui sont pénalisés. Selon ce que nous disent ces panneaux et une grande partie des témoignages que nous avons entendus ici, les agriculteurs, les éleveurs et les autres producteurs de la Saskatchewan et même de toutes les Prairies ont accompli de grandes choses.

Deux questions : premièrement, dans quelle mesure les pratiques vont-elles être adoptées davantage dans l’avenir? Où est-ce que cela nous situe, sur un continuum? Deuxièmement, y a-t-il un mécanisme qui ferait en sorte que les gens qui ont mené la charge voient leurs efforts reconnus et, dans certains cas, récompensés?

M. Burton : Merci de la question. Votre observation sur les panneaux et les campagnes publicitaires dans les aéroports était excellente. Je pense que c’est un moyen parmi d’autres.

Le sénateur Cotter : Je pense que j’ai vu Rick Burton, à un moment donné.

M. Burton : Non, non. Il y a une équipe qui s’occupe des chiffres. C’est important de raconter ce qui se passe. Il y a beaucoup de gens dans les aéroports, qui voyagent à l’intérieur du pays ou à l’étranger, qui voient cela et qui en parlent.

Combien y a-t-il de nouveaux adopteurs? Premièrement, les pratiques de culture sans travail du sol ou de travail minimal du sol ont atteint 95 %, mais même si c’est 95 %, cela veut dire qu’il reste seulement 5 % avant d’y arriver. Cela veut dire qu’il y a des contributions et des gains progressifs chaque année. Plus les agriculteurs font de la culture sans travail du sol ou plus ils font du travail de conservation du sol, plus la santé du sol s’améliore, et plus il y a de matière organique, c’est une chose.

Aussi, je veux parler de l’agriculture de précision. Nous avons abordé rapidement l’agriculture de précision. Il y a beaucoup d’autres choses que nous pouvons faire pour réaliser des gains dans le cadre de nos programmes de gérance des nutriments. Je vous le répète, nous collaborons avec Fertilisants Canada à des activités de vulgarisation. Nous en sommes encore au début de l’adoption de ces technologies. C’est de ce côté-là que nous allons pouvoir réaliser d’autres gains dans l’avenir.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Klyne : Je vais poser ma question dans le contexte de l’Ontario, mais je serais aussi content d’entendre la réponse des deux autres gouvernements.

C’est en Ontario que se trouvent certaines des plus grandes exploitations agricoles du pays. On trouve un peu de tout dans la province : de l’agriculture urbaine sur les toits, à Toronto, des exploitations agricoles à grande échelle, dans les régions rurales, et tout ce qu’il y a entre les deux, sans oublier qu’une grande partie des terres agricoles produisent également une valeur ajoutée, c’est-à-dire qu’on y prépare et emballe le produit de la récolte, et je pense qu’elles génèrent ainsi le revenu le plus élevé par acre au pays.

Voici ma question : toute cette diversité et toute cette agriculture intensive posent-elles des problèmes en lien avec la santé des sols, la distribution équitable des aliments et la sécurité alimentaire? Est-ce que tout cela est durable, vu l’étalement urbain, qui enlève de grandes parties des terres agricoles et de la capacité de production?

M. Saurette : Pour ce qui est de la diversité et de la difficulté à comprendre la santé des sols, c’est effectivement un défi d’avoir un secteur agricole diversifié, lorsque nous essayons de comprendre la santé de ces sols, mais nous commençons à y voir plus clair.

Nous collaborons avec le programme d’échantillonnage de la couche arable, et nous avons ciblé tous les différents types de systèmes de production. Nous faisons de l’échantillonnage et essayons de quantifier la santé des sols le mieux possible, dans les divers secteurs; cela va des vignobles et des vergers de la région du Niagara aux zones de culture commerciale dans le sud‑ouest et l’est de l’Ontario, en passant par les zones de production de cultures spécialisées et de légumes.

C’est certainement un défi. En raison de la diversité des cultures, nous devons faire plus d’échantillonnage, mais je ne pense pas que c’est si difficile de comprendre.

Encore une fois, nous examinons un ensemble d’indicateurs clés pour essayer de quantifier la santé des sols, et ces indicateurs s’appliquant à tous les sols.

Le sénateur Klyne : Au sujet de la distribution alimentaire, de la distribution équitable des aliments et de la sécurité alimentaire, sentez-vous une pression venant de l’étalement urbain, qui enlève des terres productives?

M. Saurette : Je ne suis pas certain. Notre travail concerne surtout les aspects techniques et scientifiques de la santé des sols. Nous avons des collègues dans d’autres services du ministère qui travaillent sur l’aménagement du territoire et la planification de l’utilisation du territoire, mais cela dépasse mon expertise.

Le sénateur Klyne : Je me demandais, s’il me reste du temps, parce que ce sera peut-être nécessaire d’innover pour accroître la production par hectare, parce qu’une partie des terres va être accaparée par l’étalement urbain. Je ne sais pas si d’autres témoins ont des commentaires là-dessus.

M. Burton : Merci. Il y a cette difficulté, ou cette dichotomie, entre lutter contre l’insécurité alimentaire mondiale et améliorer la santé des sols.

Je ne pense pas que les deux s’excluent mutuellement, et nous l’avons démontré dans notre province. Nos cibles de croissance en matière de production sont de 45 millions de tonnes de cultures d’ici 2030. Je pense que nous allons y arriver et que la santé des sols va aussi s’améliorer grâce à l’adoption de ces pratiques.

J’ai écouté le témoignage de M. Curtis Rempel devant votre comité, quand il disait que l’intensification de la production agricole supposait une amélioration de la santé des sols et de la séquestration du carbone; ce sont des choses importantes à garder à l’esprit, en ce qui concerne les cultures.

Pour ce qui est du bétail d’élevage, comment peut-on obtenir une plus grande quantité de bœuf en utilisant la même superficie pour l’élevage et pour les cultures fourragères? La réponse est : en adoptant de meilleures méthodes d’évaluation de la santé des pâturages, en comprenant quelles sont les espèces naturelles d’herbes qui sont présentes et quand il faut les donner en pâturage, en adoptant des pratiques de pâturage en rotation, et toutes ces choses qui contribueront à accroître la production alimentaire et à améliorer la santé des sols au fil du temps, parce qu’il y a un cycle d’éléments nutritifs qui s’enclenche quand nous utilisons mieux les sols.

Le président : Y a-t-il des commentaires du côté de la Colombie-Britannique?

M. Raymond : En Colombie-Britannique, nous avons des terres désignées, qui font partie de la réserve de terres agricoles, ce qui protège la productivité des terres agricoles. C’est un très bon outil pour nous aider à combattre l’insécurité alimentaire. Cela dit, nous subissons continuellement des pressions, que ce soit à cause de l’étalement urbain ou, plus loin dans la chaîne, de l’industrie de la transformation alimentaire à grande échelle, en ce qui a trait à l’intégration dans la réserve des terres agricoles pour faire en sorte que nous ayons cette sécurité alimentaire locale. Nous subissons ces pressions, mais la réserve de terres agricoles est indéniablement un outil utile.

Pour répondre à votre autre question, comme il y a 200 produits de base en Colombie-Britannique, c’est un fait que nous avons de la difficulté à faire de la sensibilisation sur les différentes pratiques de production. Quand il y a autant de variétés de cultures, il devient très difficile d’approcher tous les producteurs pour promouvoir les pratiques exemplaires. Nous essayons de trouver des solutions à cette difficulté, et nous faisons de notre mieux pour faire passer le message.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Burey : Merci encore une fois aux témoins.

Beaucoup de questions ont été posées sur la sécurité alimentaire. J’allais poser une question à ce sujet, pour savoir comment chaque province s’en tire, mais je pense que nous en avons assez parlé. Je vais passer à ma prochaine question, sur la carboneutralité. C’est un mot que j’ai appris de vous, monsieur le sous-ministre. Dans le Plan stratégique pour la science d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, on admet qu’il n’y a actuellement aucun moyen évident d’atteindre la carboneutralité sans nuire à la production alimentaire du Canada. Pourtant, si j’ai bien compris, la Saskatchewan y est arrivée. Corrigez-moi si je me trompe. J’aimerais savoir comment chaque province se débrouille actuellement dans l’atteinte de cet objectif.

Je voulais aussi vous offrir mes félicitations pour la merveilleuse vidéo que j’ai vue à l’aéroport. C’est du travail phénoménal. Continuez, nous avons beaucoup de choses à apprendre de vous.

Qui veut se lancer? Peut-être vous, monsieur le sous-ministre?

M. Burton : Merci de la question.

Oui, comme je le dis dans mon exposé, nous avons atteint la carboneutralité depuis de nombreuses années, et nous continuerons d’aller dans cette direction dans l’avenir.

En Saskatchewan, la séquestration du carbone entre en grande partie dans l’équation. Dans les terres cultivées, cela compense 80 % des émissions produites par les cultures, le bétail et le carburant utilisé. Si vous ajoutez la séquestration attribuable aux sols naturels, aux prairies naturelles et aux cultures fourragères... Nous avons des estimations de la taille du puits et de la quantité de carbone dans le puits. Malgré tout, nous n’avons actuellement pas beaucoup d’information sur la quantité séquestrée annuellement. Cependant, nous savons que c’est suffisant pour compenser le reste. Nous devons recueillir plus de données à ce sujet, mais il faut que cela soit reconnu dans le rapport d’inventaire national aussi. Oui, nous avons atteint la carboneutralité depuis de nombreuses années déjà. Bien sûr, les chiffres changent d’année en année, dépendamment des conditions climatiques, mais nous nous améliorons au fil du temps, et nous continuons de nous améliorer.

Le président : Voyons ce que l’Ontario a à dire, puis la Colombie-Britannique.

Mme Brown : Par rapport à la sécurité alimentaire, nous savons que les producteurs de légumes et les horticulteurs ont adopté beaucoup plus de pratiques de conservation et qu’ils essaient d’en capter davantage. Pour ce qui est de la carboneutralité, je pense que nous avons encore beaucoup à apprendre en Ontario sur ce que nous devons faire pour y parvenir. Nous avons une calculatrice de gaz à effet de serre, parmi nos outils AgriSuite. C’est là qu’il faut commencer à travailler avec les agriculteurs, parce que cela permet d’examiner un site spécifique d’une exploitation agricole et ses pratiques de culture, son bétail, ses méthodes d’entreposage et de manutention du fumier et aussi l’efficacité énergétique de la ferme. L’outil permet d’examiner ces pratiques, et les agriculteurs peuvent dire, d’accord, voici ce que je fais ou voici ce que je faisais avant, et voilà ce que je fais maintenant. Quelle est la différence, pour la carboneutralité? Dans la plupart des situations où nous avons examiné ce genre de scénarios, les résultats ne sont pas parfaits. Il y a tout de même certaines choses, du côté de la gestion du fumier, qui sont prometteuses. Agriculture et Agroalimentaire Canada a fait de l’excellent travail en coopération avec l’Université de Guelph, pour examiner les émissions provenant de l’entreposage du fumier et les résultats qu’on peut obtenir simplement en le recouvrant de quelques pouces de paille ou de croûte. Quelle sera l’incidence sur les émissions si on vide ces entrepôts au printemps et en été, au lieu de seulement en automne? Voilà quelques exemples.

Je pense que la carboneutralité commence par la compréhension de ce qui se passe dans l’exploitation agricole, pour voir comment on peut y arriver. Combien de carbone est-ce que je stocke si j’ai des cultures de couverture ou une rotation diversifiée, et combien si je n’en ai pas?

Le président : Merci. Voyons ce que la Colombie-Britannique a à dire, puis ce sera tout pour cette question.

M. Geesing : Oui, je dois être honnête, nous n’avons pas assez de données, et les outils d’évaluation auxquels nous avons accès sont des outils qui viennent de l’extérieur de la province, des outils internationaux. L’Université de la Colombie-Britannique a développé un petit outil, mais le problème avec ces outils, c’est qu’il faut souvent que les agriculteurs y entrent des données qu’ils n’ont tout simplement pas. Donc, c’est retour à la case départ par rapport à l’accès aux données. Dans l’ensemble, je crois certainement que c’est quelque chose que nous devrions examiner, mais ce sera un vrai casse-tête pour la Colombie-Britannique, parce que nous avons tellement de petites exploitations agricoles que la diversité elle-même va certainement ralentir les progrès à cet égard.

Le président : Merci beaucoup. J’ai une question pour M. Geesing. Des témoins de la Colombie-Britannique ont soulevé une préoccupation majeure, tout comme des experts de tout le pays, au sujet de la faible rétention d’eau. Quelles pratiques avez-vous vues en Colombie-Britannique qui ont permis d’améliorer la rétention d’eau du sol? Si nous avons le temps d’entendre toute votre réponse, je vais poser la même question aux autres provinces.

M. Geesing : C’est une excellente question. La rétention d’eau est étroitement liée à la teneur du sol en matière organique et, évidemment, à sa texture. La matière organique est ce que nous pouvons manipuler. C’est le facteur le plus important que les agriculteurs doivent évaluer. Dans ma liste de favoris pour les paramètres à mesurer, l’eau disponible planifiée est un facteur que nous devons surveiller pour voir si nos pratiques de gestion de la santé des sols donnent les résultats souhaités.

Pour ce qui est des pratiques agricoles, tout ce qui permet d’augmenter la teneur du sol en matière organique est utile, et il en va de même pour l’amélioration de la structure du sol, qui favorise l’infiltration. Les pratiques d’agriculture régénératrice sont bien sûr des outils dont nous avons besoin pour qu’il y ait plus d’eau dans le sol.

Le président : Merci beaucoup.

La Saskatchewan a-t-elle quelque chose à dire?

M. Burton : Je n’ai rien à ajouter.

Le président : Merci.

Et l’Ontario?

M. Saurette : J’aime bien les commentaires qui ont été faits jusqu’ici. La rétention d’eau du sol est certainement un paramètre important. J’ajouterais qu’une chose qui est en train de devenir de plus en plus évidente en Ontario, ce sont les problèmes liés au compactage du sol et les conséquences que cela a sur la circulation de l’eau dans les sols. Le compactage réduit l’espace poreux dans le sol, en dégrade la structure et empêche l’eau d’y circuler. Lorsqu’il y a moins d’espace poreux, le sol retient moins l’eau. C’est un autre aspect sur lequel nous avons beaucoup mis l’accent jusqu’ici : le compactage et la façon d’évaluer l’ampleur du compactage dans les paysages agricoles de l’Ontario.

La sénatrice Petitclerc : J’ai une question, rapidement. Dans votre déclaration préliminaire, madame Brown, et pendant la discussion, vous avez parlé des données et avez mentionné l’industrie. Vous avez dit, par exemple, que Fertilisants Canada recueillait aussi des données, mais l’organisation diffuse-t-elle ces données? Travaille-t-elle en partenariat avec les agriculteurs? Est-ce qu’elle diffuse les données autant qu’elle le pourrait ou qu’elle le devrait? J’imagine qu’elle a les moyens de faire des études et d’investir dans beaucoup de domaines précis. Je me demandais de quel genre de partenaire il s’agit, le cas échéant.

Mme Brown : On a déjà mentionné qu’un grand nombre de données sont recueillies grâce à l’agriculture de précision. Des entreprises comme John Deere et toutes les autres entreprises recueillent de l’information sur le rendement, sur tous les aspects des plantations et sur tous les aspects des activités d’une exploitation agricole. Je pense que cela nous offre beaucoup de possibilités, mais je ne sais pas si ces industries voudront collaborer avec le gouvernement. Toutefois, s’il y avait une façon de regrouper une partie de ces informations... un peu comme ce dont on parle avec le système OASIS, mais l’information serait regroupée afin que quelqu’un puisse dire : « J’ai un sol limoneux. Quel résultat pourrais-je obtenir avec cette pratique de gestion? »

Vous avez parlé de Fertilisants Canada. En Ontario, nous avons un certain nombre de commerces de détail qui vendent des engrais certifiés par le programme de gérance des nutriments 4B. L’une des choses les plus prometteuses de ce programme, c’est que les détaillants influencent la façon dont les agriculteurs gèrent leurs engrais. On ne cherche pas la perfection, mais le but est de faire mieux au bon moment, au bon endroit et au bon taux. Cela a été lancé en raison des préoccupations liées au phosphore, mais je pense que cela est tout aussi important pour les émissions d’azote et de carbone. Ainsi, on peut faire rapport au gouvernement et dire : « Voici le nombre d’acres que les agriculteurs de la région gèrent en appliquant des pratiques 4B. » Si, à terme, cela pouvait aussi être utilisé pour le fumier et l’horticulture, alors tous les éléments nutritifs seront traités dans la même perspective par tous les producteurs, et pas seulement les agriculteurs et les éleveurs de bétail.

La sénatrice Petitclerc : Sans vouloir vous prêter des propos, dites-vous qu’il y a une occasion à saisir? Peut-être pourrait-on en tirer parti un peu plus?

Mme Brown : L’occasion s’en vient. La difficulté, c’est à quoi ressemblent les données regroupées que l’industrie sera prête à transmettre au gouvernement. Nous ne le savons toujours pas.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

Le président : Merci. Nous avons une dernière intervenante pour le troisième tour, la sénatrice Simons, puis nous devrons conclure.

La sénatrice Simons : Ma question s’adresse au sous-ministre Burton. Vous avez parlé de l’importance des prairies naturelles pour l’équilibre des choses, en Saskatchewan. Quelles politiques votre province a-t-elle mises en place pour protéger les prairies naturelles et pour faire en sorte que les terres qui ne devraient pas être cultivées ne soient pas, disons, éventrées pour devenir des terres de canola ou de cultures fourragères peu productives, qui vont faire faillite et qui donneront droit à l’assurance-récolte?

Que faites-vous pour protéger les prairies naturelles, compte tenu de leur importance... pas seulement pour les éleveurs, mais aussi pour l’environnement?

M. Burton : Merci de la question. Actuellement, une grande partie des prairies naturelles appartiennent à la Couronne. Avant de les vendre ou de les confier à des producteurs privés, nous les évaluons. Si elles ont une cote élevée en ce qui a trait à l’habitat ou à l’intérêt écologique, alors nous les conservons. Si elles ont une cote moyenne, nous les vendons, mais assorties d’une servitude de conservation qui empêche qu’elles soient labourées ou drainées dans l’avenir. Donc, nous avons ce genre de protections.

Effectivement, certaines terres peu productives et certaines prairies naturelles ont été confiées à des producteurs privés. Présentement, nous n’avons pas de réglementation provinciale, mais nous avons de l’aide de la part d’autres groupes de conservation qui ont travaillé avec les producteurs pour que les terres restent dans leur état naturel.

La sénatrice Simons : Certaines personnes diraient que ces terres doivent être pâturées pour rester en bonne santé. Louez‑vous une partie des terres appartenant à la Couronne pour y faire paître du bétail ou des bisons? Que faites-vous pour les garder en santé?

M. Burton : Oui, tout à fait. Les terres agricoles de la Couronne sont des terres naturelles. Elles sont louées à des producteurs pour le pâturage. À cette fin, comme je l’ai dit plus tôt, nous réalisons tout un éventail d’évaluations de la santé du sol, sur de grandes parties de ces terres. Cela aide les producteurs et ceux qui les louent à obtenir plus d’informations sur la meilleure façon de gérer ces terres.

J’ai parlé des possibilités de pâturage en rotation et d’autres possibilités, comme l’introduction de nouvelles espèces qui seront plus propices à la santé des sols dans certaines régions. Ces informations font l’objet de nouveaux efforts de vulgarisation et d’évaluations plus vastes de la santé du sol, et nous faisons cela pour tout le portefeuille des terres.

La sénatrice Simons : Parlez-vous des bisons, des orignaux, des chèvres?

M. Burton : La grande majorité des terres de la Couronne sont louées à des éleveurs de bétail.

La sénatrice Simons : Mais vous avez dit que vous envisagiez d’introduire d’autres espèces.

M. Burton : Pardon, je voulais dire des espèces de graminées.

La sénatrice Simons : D’accord. Pardon. Merci.

M. Burton : Merci de m’avoir laissé préciser.

Le président : Merci beaucoup. Je pense que nous avons atteint la fin des témoignages. Monsieur le sous-ministre, madame Brown, monsieur Saurette, monsieur Geesing et monsieur Raymond, j’aimerais vous remercier chaleureusement d’avoir participé à la réunion d’aujourd’hui. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir aidés dans notre étude. Je pense que cela se voyait dans les questions qui vous ont été posées et dans l’intérêt avec lequel nous avons écouté votre témoignage.

J’aimerais aussi remercier les membres du comité d’avoir participé activement et d’avoir posé des questions réfléchies. Je vais aussi prendre un moment pour remercier tout le personnel qui appuie les travaux de notre comité. Merci à nos interprètes, à l’équipe de transcription de la réunion, aux préposés de la salle de réunion, aux techniciens des services multimédias, à l’équipe de radiodiffusion, au centre d’enregistrement, à la DSI et à nos pages. Nous vous sommes très reconnaissants de votre aide.

La prochaine réunion est fixée au mardi 18 avril, à 18 h 30. Nous allons étudier le projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard).

Avant de lever la séance, je dois rappeler à ceux et celles qui n’ont toujours pas répondu à l’invitation de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture que la séance aura lieu le 19 avril, de 12 h 30 à 13 h 30... ce n’est pas une réunion du comité, mais vous avez été invités, alors je vous demanderais de répondre et de confirmer votre présence.

S’il n’y a pas d’autres points à l’ordre du jour, honorables sénatrices et sénateurs, je propose de lever la séance.

(La séance est levée.)

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