LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 1er juin 2023
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner, pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada.
Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que le comité permette à des membres de la Direction des communications du Sénat de prendre des photos et des enregistrements vidéo pour le reste de la séance d’aujourd’hui? Ils sont ici et vont circuler. Êtes-vous d’accord? Adopté. Merci.
Bonjour à tous. Je suis heureux d’être de retour. Je souhaite la bienvenue aux membres du comité aujourd’hui. Je m’appelle Rob Black, sénateur de l’Ontario, et je préside la réunion du comité. Aujourd’hui, le comité se réunit afin d’examiner, pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada. Avant de donner la parole aux témoins, je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter.
La sénatrice Simons : Je suis Paula Simons, sénatrice de l’Alberta, territoire du Traité no 6.
Le sénateur Cotter : Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan, territoire du Traité no 6 et terre natale des Métis.
La sénatrice Duncan : Bonjour. Sénatrice Pat Duncan, du Yukon.
Le sénateur Klyne : Bonjour. Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan, territoire du Traité no 4.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Bonjour et bienvenue. Chantal Petitclerc, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l’Ontario.
Le président : Merci, chers collègues.
Avant de commencer, je voulais seulement vous demander, en cas de problèmes techniques et en particulier de problèmes d’interprétation, de bien vouloir le signaler à la présidence ou à la greffière, et nous tâcherons de corriger le problème. Sur ce, je tiens également à remercier les gens derrière nous qui s’occupent de l’interprétation et de la télévision, qui diffusent la séance sur le Web, ainsi que nos collègues qui nous appuient au sein du comité, notre greffière, nos analystes et notre personnel. Merci beaucoup de tout ce que vous faites pour nous soutenir.
Nous accueillons aujourd’hui Angela Straathof, directrice du programme, Association pour l’amélioration des sols et des récoltes de l’Ontario, et Tori Waugh, directrice générale, Réseau des sols de l’Ontario.
Je vous invite à faire vos exposés. Nous allons commencer par Mme Straathof, qui sera suivie de Mme Waugh. Vous avez chacune cinq minutes. Lorsqu’il restera une minute, je lèverai une main, et lorsque je lèverai les deux mains, il sera temps de conclure. Nous passerons ensuite aux questions de mes collègues.
Angela Straathof, directrice du programme, Association pour l’amélioration des sols et des récoltes de l’Ontario : Bonjour. Comme le sénateur Black l’a dit, je suis directrice du programme à l’Association pour l’amélioration des sols et des récoltes de l’Ontario, ou AASRO. L’AASRO est un organisme agricole communautaire sans but lucratif qui représente les membres dans chaque comté et chaque type de produit agricole en Ontario. Bien que je travaille actuellement au siège social de notre organisation à Guelph, en Ontario, j’ai grandi dans une ferme laitière à environ 70 kilomètres à l’ouest de l’édifice du Sénat. Ce début précoce en agriculture a galvanisé mon cheminement de carrière au sein de l’industrie, et j’ai terminé mon doctorat en biologie et en chimie des sols agricoles, étudiant la dynamique du carbone et de l’azote dans le sol selon divers types de sols et diverses pratiques de gestion agricole. Je suis heureuse de dire que mon expertise appuie les enquêtes de votre comité permanent et le mandat de l’Association pour l’amélioration des sols et des récoltes de l’Ontario, et je suis reconnaissante d’avoir l’occasion de m’adresser à vous ce matin.
À l’AASRO, nous croyons que l’état actuel de la santé des sols au Canada a besoin d’être amélioré, mais qu’il serait utile pour les sols canadiens et les agriculteurs canadiens d’avoir les bons outils pour progresser vers un meilleur état des sols au cours des prochaines années. Parmi ces outils, mentionnons des possibilités d’éducation des agriculteurs et de transfert des connaissances, des incitatifs financiers pour compenser le risque que les agriculteurs assument lorsqu’ils mettent en œuvre des pratiques qui ont fait leurs preuves pour faire progresser la santé des sols, et des programmes de recherche qui appuient les avantages sur les plans de l’agronomie, de l’environnement et de la rentabilité de pratiques agricoles qui améliorent la santé des sols.
En Ontario, nous avons vu pendant près de 30 ans la mise en œuvre réussie de programmes d’éducation des agriculteurs, comme le Plan environnemental de la ferme, pour avoir accès à des incitatifs financiers à l’appui d’initiatives d’intendance à la ferme. Nous profitons également d’une abondance de possibilités de transfert des connaissances. L’un des principaux points à retenir de leur prestation est que les agriculteurs sont plus enclins à changer de comportement lorsqu’ils sont inspirés par leurs pairs ou lorsqu’ils sont en mesure de voir des démonstrations de pratiques réalisées par d’autres agriculteurs et d’interagir avec ces démonstrations.
Tout en établissant une vision commune de l’état dans lequel nous voulons voir la santé des sols canadiens, les différences régionales dans le climat, le type de ferme et les propriétés du sol signifient que la voie vers cet état peut avoir des points de départ différents d’un bout à l’autre du pays. Les agriculteurs eux‑mêmes auront aussi des points de départ différents. Nous devons reconnaître que des agriculteurs dévoués et innovateurs obtiennent des résultats positifs en matière de santé des sols depuis de nombreuses années. Au lieu que leurs réalisations soient reconnues et récompensées, en leur qualité d’adopteurs précoces, ils sont souvent exclus des programmes d’encouragement. Des programmes incitatifs sont essentiels pour réduire le fardeau financier que les agriculteurs pourraient ne pas vouloir assumer seuls.
Dans le cadre de la mise en œuvre du programme Fonds d’action à la ferme pour le climat de l’Ontario, l’AASRO a constaté une demande sans précédent de la part des agriculteurs qui cherchaient à obtenir une aide financière pour améliorer leur gestion de l’azote, commencer des cultures de couverture et mettre en œuvre ou élargir la rotation du pâturage bovin. Notre récent appel de demandes au Fonds d’action à la ferme pour le climat a reçu trois fois plus de demandes que le financement disponible, ce qui confirme le besoin de mécanismes de soutien fédéraux comme le programme de financement Solutions agricoles pour le climat.
Les résultats positifs en matière de santé des sols sont associés à une multitude d’autres avantages environnementaux et économiques connexes, notamment l’amélioration de la qualité de l’eau, l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et la séquestration du carbone, ainsi qu’à l’amélioration de la structure des sols et la résilience des cultures. Le fait de combiner l’éducation sur cet éventail d’avantages et l’accès à un soutien financier pour la mise en œuvre de pratiques aideront certainement à améliorer les sols canadiens. L’éducation et le transfert des connaissances comprennent le partage des dernières découvertes de la recherche appliquée sur les pratiques bénéfiques en matière de santé des sols.
À titre d’agent de prestation de la recherche appliquée pour le programme Laboratoire vivant financé par Agriculture et Agroalimentaire Canada et le programme de surveillance et de recherche appliquée à la ferme de notre province, l’AASRO a pu constater de première main la curiosité innée et la motivation intrinsèque qui inspirent et amènent les agriculteurs à travailler avec les chercheurs et à échanger les points de vue de leur cheminement vers l’amélioration de la santé des sols. Comme industrie, nous sommes bien placés pour améliorer la santé de nos sols grâce à la mise en œuvre d’outils d’éducation éprouvés, au soutien financier pour la mise en œuvre de pratiques et à la recherche qui vérifie les voies de gestion menant à des résultats positifs pour la santé des sols.
Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Tori Waugh, directrice générale, Réseau des sols de l’Ontario : Honorables sénateurs. Je fais partie du Réseau des sols de l’Ontario, un organisme dirigé par des agriculteurs qui innove dans la mobilisation des connaissances et l’adoption de l’innovation depuis 2017.
Le sol joue un rôle important dans la stabilité de notre secteur, la sécurité alimentaire, la qualité de l’eau et la résilience aux changements climatiques. La qualité du sol ne s’est pas encore entièrement rétablie des pratiques antérieures ou est en déclin à divers degrés. Bien que les chercheurs et les gouvernements aient défini les pratiques de gestion exemplaires clés pour assurer la durabilité de nos sols, les agriculteurs doivent le faire. À l’heure actuelle, nous avons beaucoup d’excellentes stratégies en place pour préserver nos sols, notamment des programmes incitatifs, des voies de transfert des connaissances et certains des meilleurs établissements d’enseignement en Amérique du Nord.
Je sais que vous avez probablement déjà beaucoup entendu parler de la façon dont les programmes financiers canadiens se classent à l’échelle mondiale. Je ne vois pas de pays qui possède aujourd’hui une solution parfaite. Je ne veux pas laisser la perfection nuire à ce qui est bon, mais je veux proposer trois mesures très réalisables que les organisations agricoles, les chercheurs et les gouvernements provinciaux peuvent et vont mettre à profit pour assurer l’avenir de la santé des sols au Canada. Mes deux premières mesures seront brèves, car je ne fais que reprendre ce que bon nombre de mes collègues ont dit en mars et plus tôt.
Premièrement, il est essentiel d’avoir un dépôt national de tous les renseignements que nous avons sur les sols au pays.
Deuxièmement, la santé des sols semblera subjective jusqu’à ce que les moyens d’évaluation soient adaptés aux contextes canadiens et normalisés. Le personnel de vulgarisation du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario, ou MAAARO, a mené un ambitieux projet d’élaboration d’un protocole d’évaluation de la santé des sols que l’Université de Guelph utilise maintenant pour créer une base de données sur la santé des sols en Ontario. Il faut de toute évidence ne pas se limiter à l’Ontario et mettre en place immédiatement un répertoire de renseignements recueillis conformément à une norme canadienne et des données gérées à l’échelle nationale.
Troisièmement, et de notre point de vue unique du Réseau des sols de l’Ontario, les agriculteurs doivent participer à une grappe d’innovation des sols. J’entends souvent dire qu’avec les bons renseignements ou les bonnes technologies, les agriculteurs vont continuer à améliorer les sols canadiens. Je suis ici pour faire valoir que la mobilisation des connaissances et, sans l’ombre d’un doute, l’adoption de l’innovation ne sont pas des scénarios de « construisez-le et ils viendront ». Les programmes qui appuient la recherche et l’innovation sont beaucoup trop précieux pour continuer d’ignorer les stratégies qui garantissent l’objectif final de l’adoption.
Le sénateur Deacon a consacré une grande partie de sa carrière à favoriser la collaboration entre la recherche et les entreprises, et tout comme lui, j’en suis sûre, nous avons consacré beaucoup de temps à la recherche et à l’évaluation de programmes pour comprendre ce qui rend l’information utilisable et les innovations adoptables. En fait, nous venons tout juste de terminer une étude qui a révélé une augmentation de 19 % de ce qu’un agriculteur était prêt à payer pour des cultures de couverture lorsque la perspective était approuvée par une organisation agricole plutôt que par un chercheur. Cela nous dit deux choses : la preuve sociale vaut des millions de dollars, et il y a un écart de pertinence dans la façon dont les agriculteurs perçoivent les renseignements provenant du milieu universitaire.
Les agriculteurs reçoivent souvent des renseignements sans avoir reçu de directives pour les mettre en œuvre, et pour cause, parce que chaque ferme est différente. Ils ont tous des ressources, des types de sols et de l’équipement différents, et le chercheur n’est qu’une personne. Souvent, les stratégies qui fonctionnent bien pour joindre un vaste auditoire ne sont pas des stratégies efficaces pour amener l’auditoire à faire quoi que ce soit. Il est essentiel que les chercheurs fassent part de leurs travaux. Il est essentiel que nous ayons des agents de vulgarisation impartiaux qui traduisent et compilent toutes ces recherches. Il est également essentiel de permettre aux agriculteurs de transmettre ces messages dans leurs collectivités.
Grâce à l’apprentissage par les pairs, les agriculteurs sont en mesure d’accélérer l’innovation, de trier et de filtrer les meilleures idées, d’éviter les erreurs, d’améliorer leur confiance et de renforcer leur chance de réussite. Le réseau des sols s’est développé rapidement parce que les agriculteurs en avaient besoin, et il a offert un moyen d’unir les organisations agricoles, les établissements d’enseignement et la vulgarisation par les gouvernements dans l’objectif commun d’améliorer nos sols au moyen d’une approche réseau.
Chantal Petitclerc a déclaré : « L’excellence n’arrive jamais par accident. [...] on ne choisit pas toujours ce qui nous arrive dans la vie. » Un environnement et des structures propices à la collaboration sont essentiels pour créer et propulser le genre d’attitude gagnante qui permettra aux agriculteurs de relever ce défi. Une grappe d’innovation des sols nous permettrait, au réseau des sols, de communiquer nos méthodes afin que d’autres provinces puissent adopter des approches semblables.
Le sol est au cœur de l’agriculture et représente une occasion en or d’unifier de nombreux intervenants. Nous devons briser les cloisons et équiper les bons messagers pour promouvoir l’adoption de pratiques en matière de santé des sols. Nous devons innover dans les programmes de recherche et d’encouragement existants et nous concentrer sur l’évaluation exhaustive des programmes. En intégrant les points de vue d’économistes spécialisés dans le comportement et en tenant compte des normes et des perceptions sociales, nous pouvons concevoir des programmes qui s’adaptent et qui sont plus susceptibles de réussir. En reconnaissant l’état actuel des sols, les risques liés au maintien du statu quo et les possibilités d’innover dans les politiques et les programmes, nous pouvons semer les graines d’un avenir durable.
Merci.
Le président : Merci beaucoup de vos exposés. J’ai envie d’applaudir. Les applaudissements ne sont pas chose fréquente, donc vous avez réussi. Merci beaucoup de vos témoignages.
Avant de passer aux questions, je demanderais à mes collègues et aux témoins dans la salle de bien vouloir s’abstenir de se pencher vers les microphones, car cela entraîne parfois une rétroaction acoustique, et nous ne voulons pas nuire au travail des collègues derrière nous.
Comme nous l’avons toujours fait, j’aimerais rappeler que chaque sénateur disposera de cinq minutes pour les questions, ce qui comprend les réponses. Nous avons une liste, et je suis certain qu’elle s’allongera à mesure que nous avancerons. Si nous devons passer au deuxième tour, nous le ferons.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup à nos deux témoins.
Vous avez abordé des sujets dont nous parlons depuis des semaines et des mois. Il s’agit de savoir comment faire en sorte que les gens soient des adopteurs précoces ou même secondaires. L’un des défis, c’est que si vous offrez des programmes d’encouragement aux personnes qui ont pris du retard, vous allez peut-être dissuader les gens d’agir tôt parce qu’ils vont penser qu’ils peuvent attendre que tout leur tombe cuit dans la bouche.
J’ai deux questions — une pour chacune d’entre vous, je suppose. Comment pouvons-nous mettre en place un système qui ne pénalise pas ou qui ne dissuade pas les adopteurs précoces en accordant plus d’attention aux enfants prodigues? De plus, comment pouvons-nous amener les agriculteurs à ne plus craindre d’agir? J’ai assisté à une conférence sur les sols à Edmonton en décembre, où les agriculteurs ont parlé très franchement du fait que c’était la pression des pairs qui les empêchait d’adopter des techniques, essentiellement parce qu’ils ne voulaient pas que les autres agriculteurs se moquent d’eux. Comment pouvons-nous établir ces réseaux de pairs pour que les gens puissent voir le comportement modélisé et le reproduire?
Mme Straathof : Je peux essayer de répondre en premier, puis céder la parole à Tori.
Oui, c’est la question à un million de dollars. En sa qualité d’agent de mise en œuvre de ces programmes d’encouragement, l’AASRO reçoit constamment des commentaires à ce sujet, c’est-à-dire que les gens en retard sont essentiellement récompensés pour avoir attendu.
Je pense que ce qu’il est intéressant et important de reconnaître au sujet de la santé des sols, c’est qu’en plus des avantages à long terme en matière de résilience, il peut y avoir des gains économiques à moyen et à long terme. Je pense qu’un grand nombre des adopteurs précoces ont profité du rendement du capital investi de la mise en œuvre de ces pratiques plus rapidement que les adopteurs tardifs, même s’ils n’ont pas reçu d’incitatifs financiers directs.
Encore une fois, la communication des avantages économiques qui sont confirmés par la recherche pourrait inciter les gens, avant la mise en place d’incitatifs financiers directs, à rechercher ce rendement à long terme de l’investissement de façon indépendante. Le fait de communiquer qu’il pourrait y avoir, en plus des avantages pour l’environnement, la santé des sols et la société, un gain économique pour l’agriculteur pourrait faire augmenter les taux d’adoption précoce.
Mme Waugh : Le Réseau des sols de l’Ontario a été fondé et évolue dans le cadre d’un partenariat de recherche comportementale depuis maintenant six ans. C’est une excellente question. Il faut assurément une approche à plusieurs volets.
Ces adopteurs précoces, innovateurs, adopteurs tardifs et retardataires — c’est la courbe de diffusion de l’innovation, n’est-ce pas? C’est en partie une question de personnalité et en partie de capacité. Il est vraiment essentiel de s’assurer d’avoir de multiples points d’accès et de soutien pour chaque type d’innovation afin de maintenir l’élan.
Nous avons récemment publié un rapport, Social Networks for Healthy Soils, avec un certain nombre de chercheurs qui ont étudié le Réseau des sols de l’Ontario ainsi que des chercheurs de renommée mondiale. Le rapport porte sur l’influence des réseaux de pairs sur le changement de comportement. Il y a six parties à l’utilisation du genre d’influence des pairs qui empêche les gens d’adopter ces pratiques et d’inverser le scénario. Tout d’abord, il faut envisager les choses différemment. La contagiosité n’est pas comme un virus dans cette situation. Cela fonctionne dans les réseaux périphériques. C’est très difficile à percevoir de façon intuitive. Deuxièmement, cela protège les innovateurs. Ces innovateurs, même si nous ne pouvons pas soutenir qu’ils ont besoin d’incitatifs financiers, ont besoin d’être appuyés pour qu’ils n’aient pas l’impression de devenir fous. Il faut aussi créer des ponts. La redondance est souvent regardée de haut, mais dans un réseau social et en influant sur le changement par des réseaux de pairs, plus il y a de gens qui disent le même message, mieux c’est.
Le sénateur Oh : Merci aux témoins. Normalement, un comité sénatorial ne vous applaudit pas. Bravo.
J’ai deux questions. Selon vous, de quelle technologie les agriculteurs ont-ils besoin pour maximiser la santé des sols et accroître la productivité et la rentabilité? L’une ou l’autre d’entre vous peut répondre à cette question.
Mme Waugh : Une seule technologie? Je me sens obligée de répondre en premier parce que je vous ai incitée à répondre en premier à la dernière question.
Mme Straathof : Je vous en prie.
Mme Waugh : Une technologie — les agriculteurs travaillent avec tellement de gens —, mais il est certain que leurs systèmes de collecte et de gestion des données seront l’épine dorsale d’une bonne prise de décisions lorsqu’il revient à des humains de prendre ces décisions. Ils vont permettre qu’il y ait beaucoup plus de technologies dans leur coffre à outils. C’est une réponse générale. C’est l’un des points d’appui les plus essentiels pour les agriculteurs à l’heure actuelle.
Mme Straathof : J’ai aussi une réponse relativement générale, ou une suggestion selon laquelle le type précis de technologie est moins important que le résultat.
Le moyen le plus efficace d’améliorer la santé du sol est probablement de le garder couvert, que ce soit avec des matières vivantes ou des résidus. Il existe de nombreux moyens de mise en œuvre sur le terrain pour y arriver. Ce ne sont que des moyens pour y parvenir. Le maintien de cette couverture réduira l’érosion et augmentera la séquestration du carbone dans le sol. Selon la rotation des cultures et le type de sol, de nombreux instruments différents peuvent être utilisés à cette fin, y compris des semoirs sans labour ou des instruments de travail réduit du sol. Une grande partie de la technologie dépendra de l’approche de gestion des agriculteurs.
Le sénateur Oh : Ma deuxième question concerne votre recommandation sur la façon dont les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent aider les agriculteurs à accroître leur production agricole. Y a-t-il une méthode que vous aimeriez suggérer?
Mme Straathof : Pour accroître la production agricole ou la santé des sols?
Le sénateur Oh : La production agricole, oui.
Mme Straathof : Il faut plus de preuves pour convaincre les agriculteurs qu’ils forment un tout. Il faut des ensembles de données à long terme qui appuient cette notion. Beaucoup de gains de production agricole sont réalisés grâce aux rendements, qui ont beaucoup à voir avec la génétique végétale. La réduction de la susceptibilité des cultures aux événements extrêmes se traduira par une police d’assurance à plus long terme pour la productivité. Cela va de pair avec les réalisations en matière de santé des sols.
Le sénateur Oh : Depuis que vous étudiez toutes les deux la santé des sols, depuis le début de vos études jusqu’à maintenant, avez-vous constaté une amélioration des conditions des sols pour les agriculteurs?
Mme Straathof : Cela fait près de 10 ans que j’ai terminé mon doctorat et je dirais que l’amélioration la plus spectaculaire que j’ai vue est la familiarité, le niveau de confort et le vocabulaire que les agriculteurs utilisent individuellement pour décrire l’état de leur sol et comprendre la trajectoire qu’ils veulent suivre pour la santé de leur sol. D’après mon expérience, il s’agit d’une amélioration considérable.
Mme Waugh : J’aimerais répondre aux deux dernières questions.
Pour ajouter à ce que dit Mme Straathof, nous avons mené quelques études de rentabilité avec des économistes d’Agriculture Canada. Elles valent leur pesant d’or. Elles sont très précieuses. Elles justifient un financement important pour être utilisables, et non pas pour constituer ces énormes bases de données que les agriculteurs doivent ensuite explorer. C’est donc une étape très facile et concrète.
Pour ce qui est de la deuxième question, nous avons constaté des améliorations objectives dans le bassin du lac Érié, où nous avons affecté beaucoup de financement et de soutien aux programmes. Nous avons de toute évidence constaté des améliorations dans l’adoption de pratiques visant à améliorer la santé des sols et la rentabilité. De façon générale, les données fédérales laissent entendre qu’il s’agit d’un méli-mélo, que certains endroits s’améliorent et d’autres sont en déclin. Je dirais que, dans l’ensemble, nous ne sommes pas là où nous devrions être pour ce qui est de la capacité de soutenir le genre de productivité qui nous permettra de demeurer concurrentiels à l’échelle mondiale.
Le sénateur Klyne : La dégradation et l’érosion des sols ne sont pas seulement des problèmes environnementaux; c’est aussi une question économique, sans compter le facteur clé de la sécurité alimentaire. Dans le cadre de l’étude, nous nous sommes concentrés sur la meilleure façon d’atténuer et de gérer ces problèmes.
Selon vous, quelle est l’ampleur du problème de l’érosion et de la dégradation des sols au Canada? Je vous ai entendue dire que c’était évidemment un problème, mais vous parliez peut-être seulement de l’Ontario. À l’échelle nationale, quelle est l’ampleur du problème?
Vous avez déjà mentionné que des incitatifs devraient ou pourraient être offerts pour compenser l’investissement dans l’adoption de pratiques exemplaires et de nouvelles technologies. Notre étude devrait-elle comprendre d’autres recommandations sur ce que le gouvernement fédéral devrait faire pour lutter contre ce problème? Pourriez-vous nous dire quelles devraient être ces recommandations?
Mme Straathof : Je vais répondre à la première partie de votre question et vous demander de répéter la deuxième.
Oui, il est vrai que l’érosion et la dégradation représentent un défi national, un défi économique pour les agriculteurs parce que c’est une ressource qui quitte physiquement leurs champs, mais aussi un défi sociétal et économique parce que ces particules de sol se déplacent littéralement en aval et hors site. Les effets de ces éléments de sol qui se déplacent doivent être abordés, soit sur le plan de la qualité de l’eau, soit à l’échelle municipale, car ils ont une incidence sur la qualité de vie des gens et sur la jouissance des conditions environnementales en aval.
Il y a bien sûr une disparité à l’échelle nationale quant à la mesure dans laquelle l’érosion est un problème. Certaines provinces et régions ont fait plus de progrès pour réduire le taux de perte de matières organiques du sol au cours des 20 dernières années, par exemple, mais je suis convaincue que les moyens de réduire cette perte à l’échelle nationale sont plus ou moins les mêmes.
Le sénateur Klyne : La deuxième partie de la question, la deuxième moitié, était de savoir si notre étude devrait inclure des recommandations précises sur ce que le gouvernement fédéral devrait faire pour lutter contre ce problème et quelles seraient ces recommandations.
Mme Straathof : Je dirais que oui, il est toujours plus facile de mettre en œuvre des recommandations précises que des recommandations subjectives ou à grande échelle.
Une grande partie de ce qui est déjà en place doit simplement être amplifiée et accélérée par un niveau de soutien. Lorsque je dis « ce qui est déjà en place », je fais référence aux connaissances que nous avons sur les pratiques qui réduisent l’érosion et la dégradation en augmentant les matières organiques du sol. Il s’agit notamment de systèmes de travail réduit du sol ou sans labour, de garder le sol couvert, que ce soit par des plantes vivantes ou des résidus de culture, et de minimiser la perturbation des champs agricoles tout au long de la saison de végétation ou la circulation dans ces champs. Ce sont toutes des choses que nous connaissons, que nous avons mesurées et que nous pouvons mesurer qui ont un effet positif sur la santé des sols.
Le sénateur Klyne : Je vais y revenir au deuxième tour. Le gouvernement fédéral devrait-il pencher en faveur de quelque chose de précis pour faire bouger les choses, ou est-il perçu comme offrant un bon service à titre consultatif et des services de soutien? Nous y reviendrons peut-être plus tard.
Nous avons entendu beaucoup de provinces et de territoires, notamment l’Ontario. J’aimerais savoir si vous trouvez que le gouvernement provincial de l’Ontario comprend bien les problèmes auxquels font face les agriculteurs qui essaient de protéger la santé des sols, particulièrement en ce qui concerne l’étalement urbain. Maîtrise-t-il l’étalement urbain?
Mme Straathof : Chaque fois que le sol est recouvert de bâtiments ou de chaussées, il cesse de produire des aliments. Voilà l’essentiel.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup à vous deux.
Oui, une fois qu’on bâtit une maison, on ne peut pas semer. Vous avez toutes les deux fait un excellent travail. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence. Evan Fraser, je crois, a dit au comité que nous devrons nourrir plus de gens au cours des 40 prochaines années qu’au cours des 10 000 années précédentes. Ce que vous avez dit, c’est que la quantité de terres arables diminue, alors nous devons accroître la productivité de notre sol.
J’adore le résumé sur la nécessité d’un répertoire national, de normes et d’outils d’évaluation, et d’être axé sur les agriculteurs. Parce que si vous n’êtes pas axé sur chaque client — et cela fait partie de l’adoption de la technologie. Vous devez être au cœur des choses qui les empêchent de dormir la nuit, sinon ils n’adopteront pas ce que vous livrez. Je pense que ce sont trois éléments différents de la même chose. On ne peut pas avoir un système axé sur les agriculteurs si on n’a pas un répertoire national qui permet de faire des comparaisons entre les régions et de communiquer les pratiques de façon à pouvoir les appliquer. Je pense que vous constaterez que nous sommes d’accord sur ces trois points.
Quels sont les obstacles? Nous en voyons partout à Agriculture et Agroalimentaire Canada et ailleurs à la gestion de certains de ces enjeux, en particulier en ce qui concerne la permanence, l’additionnalité et le carbone dans le sol, ainsi qu’à la façon de mesurer le tout en vue de créer des marchés susceptibles de récompenser les agriculteurs, qu’ils aient adopté les pratiques exemplaires depuis longtemps ou encore tout récemment. L’essentiel, c’est qu’ils les connaissent et les appliquent comme si de rien n’était. Aidez-nous à cerner les obstacles. Je pense que nous sommes tout à fait d’accord avec ce que vous recommandez, mais nous devons savoir comment nous y prendre pour réussir. Elle est facile, la question, n’est-ce pas?
Mme Waugh : La sous-ministre d’Agriculture et Agroalimentaire Canada est justement en train de l’examiner, mais nous allons bientôt produire une étude sur les obstacles et les incitatifs pour couvrir les cultures en particulier et pour notre gestion des éléments nutritifs, qui valide simultanément un modèle d’adoption de l’innovation pour le Canada. Ce modèle, qui a été élaboré en Australie, a été utilisé à l’échelle nationale. Il comporte 22 points qui permettent de déterminer l’à-propos d’une innovation et si elle est en fait adoptable.
Les deux principaux facteurs ne vous surprendront pas, soit la viabilité économique au cours de l’année utilisée et la simplicité avec laquelle elle est intégrée à une exploitation agricole existante. Le troisième est complexe, mais il n’est pas surprenant non plus si on songe aux théories du contrôle du comportement perçu, c’est-à-dire que lorsque d’autres veulent que je le fasse, je peux le faire et je veux bien le faire. Le « je peux le faire » est en grande partie influencé par les réseaux de pairs et c’est le point de pincement qui fait que « je veux faire quelque chose » se transforme en « voilà qui est fait ». Le « je peux le faire » est une histoire très colorée qui réunit toute une série de partenaires autour de la table et présente des points d’accès aussi nombreux que divers à l’information et au renforcement des capacités.
La mesure du carbone est une tout autre chose.
Le sénateur C. Deacon : Mais c’est ce genre de témoignage qui va nous guider. Je suis ravi de la façon dont vous envisagez les facteurs qui jouent pour l’adoption des pratiques, car sans cela, nous n’aurons pas les bonnes politiques pour catalyser la chose. Continuez, je vous en prie.
Mme Straathof : Je pense que le problème à l’heure de cerner les obstacles, c’est avant tout que s’il n’y en avait qu’un ou deux ou si on pouvait en arriver à un consensus, on ne serait pas ici aujourd’hui. Le problème serait réglé. L’ennui c’est que si on demande à six agriculteurs ce qui les empêche d’adopter les pratiques exemplaires, on aura six réponses différentes, alors qu’à mon avis, un obstacle sur le plan politique va au-delà de la nécessité de s’attaquer à l’obstacle indiqué par chacun d’eux. Il est essentiel de s’adresser aux agriculteurs et de comprendre les obstacles qu’ils perçoivent, car ils doivent surmonter ces obstacles au niveau de la ferme avant de pouvoir surmonter ceux d’ordre politique.
Le sénateur C. Deacon : Merci.
La sénatrice Duncan : Merci aux témoins.
J’ai quelques petites questions, qui mènent à une dernière. Je m’intéresse au rayonnement de votre organisation en Ontario. Jusqu’où arrivez-vous au nord?
Mme Straathof : Nous couvrons tout l’Ontario. Notre organisation compte des membres de Cochrane à New Liskeard, et même jusqu’à Chatham-Kent, au sud.
La sénatrice Duncan : Y a-t-il des exploitations agricoles plus au nord?
Mme Straathof : Oui.
La sénatrice Duncan : Merci.
En ce qui concerne d’autres organisations du réseau des sols dans d’autres provinces, par exemple, les diverses commissions des accidents du travail du pays tiennent une réunion nationale tous les deux ans. Y a-t-il des organismes consacrés à la santé des sols dans chaque province — je sais qu’il n’y en a pas dans les territoires — et vous réunissez-vous?
Mme Straathof : La réponse toute simple est non, pas de façon organisée, mais il y a des initiatives sur la santé des sols qui sont liées à beaucoup d’autres initiatives nationales et qui rassemblent des représentants de toutes les provinces et des territoires, dont la planification d’un plan agricole national pour l’environnement. Mme Waugh peut probablement vous parler des autres réseaux de sols.
Mme Waugh : L’Ontario fait partie d’une multitude de réseaux de vulgarisation, allant de Soils at Guelph, une initiative de l’Université de Guelph visant explicitement à mobiliser les connaissances, à notre incroyable personnel de vulgarisation sur le terrain du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales, ou MAAARO, en passant par les diverses approches proposées dans le cadre d’une collaboration permanente des réseaux d’agriculteurs dans nos organisations.
L’Initiative de création de laboratoires vivants nous a offert une occasion en or de travailler avec les scientifiques fédéraux, mais je n’ai rencontré personne des autres provinces, même pas sur Zoom. Je pense qu’une grappe d’innovation des sols ou tout autre moyen fédéral d’encourager la collaboration entre les provinces serait extrêmement utile. On saurait ainsi reconnaître les occasions en or de diffuser des méthodologies et d’inciter les gens à adopter des pratiques exemplaires, en plus de savoir ce qu’on peut demander à sa province respective. Il y a eu des tentatives, certes, mais je pense que tant que les organisations de tout le pays n’auront pas la possibilité de former ce genre de partenariats ensemble au lieu de dépendre d’un programme, on n’aura pas nécessairement ce genre de rapports.
La sénatrice Duncan : Comme son nom l’indique, notre comité s’occupe également de foresterie. Nous constatons les effets des changements climatiques. Les incendies de forêt auront un impact important sur le sol d’un bout à l’autre du pays. Je me demande ce que vous avez constaté au cours de vos années de recherche au chapitre des changements climatiques et de leurs effets sur nos sols.
Mme Straathof : Vous avez fait cette observation tout à l’heure ou demandé la confirmation que l’agriculture s’étendait vers le nord en Ontario. Cette prolongation est associée au défrichage des terres et aux changements climatiques qui, essentiellement, augmentent les degrés-jours de croissance des cultures toujours plus loin au nord. Il y a moyen de tirer profit de ces nouvelles exploitations à mesure que les températures augmentent, mais elles s’accompagnent du risque de phénomènes météorologiques extrêmes. Je songe au point où la foresterie et l’agriculture se rencontrent, à l’interface du défrichage potentiel ou des effets des feux de forêt perturbateurs. Je me réjouis de voir que ces deux industries sont adjacentes dans l’enquête du comité permanent, car je ne crois pas que leurs priorités soient exclusives.
La sénatrice Duncan : Vous avez maintenant une bonne mesure de la santé des sols dans le Nord de l’Ontario, vous voyez des changements et vous voyez...
Mme Straathof : Je pense qu’il y a moyen de recueillir plus de données, surtout dans le Nord. Je suppose que cela a été un peu un angle mort, essentiellement à cause de la logistique. J’estime qu’il faut recueillir plus de données dans cette région.
La sénatrice Duncan : Merci.
Le président : Je vous signale que si nous nous réunissons mardi prochain, nous entendrons également des experts en foresterie.
La sénatrice Burey : Bonjour à tous. Veuillez avant tout m’excuser d’être arrivée un peu en retard. J’ai toutefois une petite excuse. Hier soir, j’ai été tellement occupée à faire mes devoirs que je lisais et regardais les vidéos, en particulier celles sur le changement social qui sont fortement recommandées. Je vous interrogerai plus tard, s’il me reste du temps.
Madame Straathof, pourriez-vous me donner des précisions au sujet de ce que vous avez dit dans votre déclaration préliminaire, à savoir qu’il y avait un nombre de demandeurs sans précédent pour les programmes. Par exemple, avez-vous des données ventilées sur les femmes et les personnes marginalisées et racisées qui présentent une demande? Voilà pour commencer. Ensuite : quel est le taux d’approbation?
Il y a une grande question à la fin, si nous avons le temps. Si, à force de modélisation, vos études pouvaient aboutir à un taux d’adoption de 20 à 30 % cette année, l’année prochaine, et au-delà — car il s’agit de songer à ce que nous voulons faire avec notre programme de carboneutralité et l’agriculture —, de combien d’argent aurions-nous besoin pour appuyer pleinement ce programme? Vous pouvez y réfléchir. Commençons par la ventilation des données.
Mme Straathof : Je vous remercie de cette question.
Dans le cadre du Fonds d’action à la ferme pour le climat, nous essayons de ventiler les données démographiques des participants. Les demandeurs et les prestataires du programme sont invités à fournir volontairement leurs renseignements démographiques, de sorte que nous n’avons pas nécessairement un tableau complet, mais au cours de la première année du programme, nous avons eu environ 14 % de participation d’agricultrices et environ 25 % de jeunes agriculteurs. Agriculture et Agroalimentaire Canada a précisé qu’il s’agissait d’agriculteurs de moins de 40 ans. Moins de 1 % des agriculteurs s’identifient comme des producteurs de couleur, mais nous disposerons d’un ensemble de données plus étoffé à mesure que nous soutiendrons de nouveaux projets au cours de la deuxième année du programme.
Quant au taux d’approbation, il y a deux ou trois façons de le mesurer. Il y a le taux d’approbation des demandes acceptées, c’est-à-dire celles qui étaient conformes aux lignes directrices du programme sans dépasser le nombre de demandes que nous pouvions financer. Ce taux est d’environ 75 % dans le cadre du Fonds d’action à la ferme pour le climat, qui était conforme aux taux d’approbation de la gérance environnementale que nous appliquions dans le cadre du Partenariat canadien pour l’agriculture. Mais le taux de refus des demandes potentiellement admissibles que nous n’avons pas pu appuyer en raison d’un manque de financement représentait environ les deux tiers des demandes que nous avons reçues lors de la dernière date de réception, en janvier 2023.
La sénatrice Burey : Si j’ai le temps, je vais laisser Mme Waugh répondre à l’autre question sur la modélisation. Merci beaucoup pour tout le travail que vous faites. Je suis pédiatre comportementale, alors j’ai été ravie d’entendre toute cette théorie du changement et des modèles. Elle s’applique à tout.
Vous avez aussi parlé de l’importance du mentorat et de l’adoption entre pairs, ce qui nous ramène à la question de la diversité et de l’inclusivité du Réseau des sols de l’Ontario. Avez-vous fait de la sensibilisation auprès de certaines de ces communautés — par exemple, les femmes, les jeunes agriculteurs, les personnes racisées — parce que c’est ce réseau qui va vraiment favoriser ce changement. Pouvez-vous nous dire les initiatives que vous prenez à cet égard?
Mme Waugh : Nous travaillons en partenariat avec des organismes de toute la province pour que nos efforts de recrutement pour le réseau des sols rejoignent le plus vaste public possible. Nous ratissons large.
De plus, nous avons un comité de sélection avec des critères particuliers. Par exemple, nous reconnaissons que la diversité est non seulement nécessaire pour atteindre les grands objectifs d’un avenir plus équitable, mais qu’elle est aussi notre pouvoir secret. Lorsqu’un réseau est diversifié, les gens apprennent davantage et sont beaucoup plus influencés et inspirés que dans une sorte de réseau monotone. Nous en tenons compte dans nos sélections.
Je dirais que le réseau des sols est diversifié et qu’il ne l’est pas. Oui, nous faisons de notre mieux.
La sénatrice Burey : Merci.
La sénatrice Petitclerc : Ma question s’adresse à vous, madame Waugh, mais je serais heureuse d’obtenir des réponses de vous deux, si vous le pouvez. J’essaie de déterminer si l’objectif est d’optimiser la santé du sol et le rétablissement et la guérison du sol. Je sais que vous êtes en contact avec les agriculteurs. Selon vous, quel est le plus grand facteur de motivation? Je sais que nous voulons croire que tout le monde fera et veut faire ce qu’il faut par rapport aux priorités environnementales, mais au bout du compte, qu’est-ce qui fonctionne vraiment sur le terrain avec les agriculteurs? S’agit-il de profits? Est-ce la productivité? Est-ce que l’innovation leur parvient de façon efficace? S’agit-il d’objectifs fédéraux‑provinciaux, d’incitatifs ou de coercition? Quelle est la meilleure recette pour y arriver?
Mme Waugh : C’est la question par excellence qui nous intéresse depuis un certain temps. Je dirais que tout dépend de la partie de la courbe de diffusion de l’innovation dans laquelle ils se trouvent. S’il s’agit d’innovateurs, nous avons constaté que les bienfaits écologiques constituent le principal incitatif. Pour les traînards et la majorité tardive, nous avons été témoins de la pression exercée par les pairs, de la coercition, comme une motivation vraiment forte par opposition à l’avantage économique, qui est en revanche l’incitatif le plus puissant pour la majorité qui s’y sont pris de bonne heure.
Je dis cela avec hésitation parce que c’est ce que nous révèlent nos sondages. Nous demandons aux gens quel est leur obstacle. Si vous me demandez ce qui m’empêche, moi, de changer les fenêtres à simple vitrage de ma maison, je dirais que c’est une question d’argent, histoire de répondre, même si ce n’est pas vrai. En réalité, ce serait plutôt par distraction ou par paresse. Ce ne sont pas les excuses qui manquent. Tant que nous miserons sur des sondages plutôt que sur des études expérimentales axées sur l’économie comportementale, nous ne connaîtrons pas les vraies réponses.
Enfin, il est possible de modifier les réponses pour les besoins de corroboration. Au Réseau des sols de l’Ontario, nous avons vu comment le logiciel peut modifier les motifs évoqués par les agriculteurs.
La sénatrice Petitclerc : Diriez-vous alors que nous devrions nous assurer qu’il y a suffisamment de données et de recherches sur ce qui motive la productivité? Ce que nous entendons, c’est que nous savons que c’est bon pour la productivité et, par conséquent, peut-être pour le profit, mais ce n’est pas tout le monde qui sait à quel point. Nous faudrait-il mieux documenter et diffuser cet aspect, ainsi que le besoin d’innover?
Mme Waugh : Absolument, je pense que oui. Attention. Ça s’en vient. L’Arrell Food Institute de l’Université de Guelph vient d’annoncer l’entrée en fonction de sa nouvelle présidente, Mme Tongzhe Li, du Département d’économie alimentaire, agricole et des ressources. L’institut se vaut d’une approche expérimentale pour déterminer le pourquoi des changements de comportement en matière de durabilité agricole. Ça s’en vient. C’est une question qui est bien étudiée. Il y a de très bons outils pour l’étudier au-delà des sondages. C’est une question qui mérite non seulement d’être étudiée, mais aussi d’être intégrée à l’évaluation de nos programmes. Il est inutile de la classer sous pli distinct. Elle peut contribuer à éclairer un processus réfléchi de mise en œuvre du changement.
Le sénateur Cotter : Merci beaucoup de vos exposés et des communications encourageantes et optimistes que vous nous avez transmises.
Je viens de la Saskatchewan. J’ai une idée de la nature de l’agriculture là-bas, dans une certaine mesure. Je voulais parler un peu de l’Ontario et vous inviter à nous faire part de vos réflexions sur ce qui semble être des défis non négligeables dans votre milieu. Les terres arables diminuent de façon notoire en Ontario, et ce qui est le plus précieux pour le développement est souvent aussi le plus précieux pour l’agriculture et la production agricole. Il y a beaucoup de fermes en Ontario, mais elles sont relativement petites et rapportent moins de 100 000 $ annuels à plus de la moitié des agriculteurs de la province, qui comptent parmi les plus nombreux à devoir prendre un emploi à l’extérieur de la ferme pour joindre les deux bouts.
Il me semble que compte tenu de ces caractéristiques et des agriculteurs d’un certain âge que l’on retrouve en Ontario, le défi se pose au niveau de l’innovation. C’est en partie une question d’économie, et en partie d’état d’esprit. Le défi vous paraît-il insurmontable? Le degré d’innovation en Ontario n’est pas plus élevé que dans le reste du pays, bien que vous soyez à certains égards le cœur du pays. Parlez-nous de ces défis et dites-nous si les approches que vous choisissez, vous et peut-être le gouvernement de l’Ontario, permettront de les surmonter.
Mme Straathof : L’Ontario a pour caractéristique un très haut degré de contiguïté rurale urbaine. Les agriculteurs peuvent donc avoir plus facilement des emplois à l’extérieur que dans d’autres régions du pays où la ferme peut se trouver trop éloignée d’un centre urbain.
Compte tenu du changement démographique que vous avez mentionné, nous en voyons déjà les répercussions, car les agriculteurs de la prochaine génération ont un niveau d’engagement qui est vraiment inspirant et unique. Ils font des études postsecondaires en agriculture, en économie agricole ou en génie. Ils retournent à la ferme. Cette exposition aux environnements et groupements urbains les incite à rester en contact avec d’autres agriculteurs et d’autres experts de l’industrie par l’entremise du Réseau des sols de l’Ontario ou de l’adhésion à l’Ontario Soil and Crop Improvement Association, ou OSCIA. L’avènement de cette génération d’agriculteurs qui connaissent bien les médias sociaux, la technologie et le réseautage sera essentielle pour renforcer leur confiance et leur capacité d’apprendre et de mettre en œuvre des pratiques à mesure qu’ils obtiennent de l’information à ce sujet. C’est à la fois un atout et un défi. La prochaine décennie sera cruciale pour la capacité de l’Ontario de tirer parti de ce changement démographique.
Le sénateur Cotter : Pour ce qui est de l’aspect financier, de nombreuses exploitations agricoles des Prairies génèrent des revenus de 500 000 à 1 million de dollars par année, d’où une base économique qui permet de faire des investissements technologiques à la hauteur des idées. Il me semble que cela doit être un défi pour de nombreux agriculteurs de l’Ontario. Même s’il y a des moyens de soutenir ces investissements, les exploitations agricoles plus modestes ont beaucoup de difficulté à investir. Est-ce que vous l’avez constaté, ou est-ce que les gens trouvent des moyens?
Mme Straathof : Les terrains sont très valorisés, ce qui favorise les investissements parmi les agriculteurs de l’Ontario. Or, la situation varie énormément sur le plan économique, et ce n’est pas tout le monde qui est en mesure de prêter de l’argent ou d’aspirer à un revenu élevé. Si la variabilité à l’intérieur de l’Ontario est comme un microcosme de ce qui se passe à l’échelle du Canada, ça devient une bonne étude de cas sur la façon d’aborder une si grande diversité économique.
Mme Waugh : Il est possible de créer une capacité d’innovation.
Le président : Nous approchons d’une heure. Nous avons le temps, parce que c’est le seul groupe de témoins, pour un deuxième tour, mais avant d’y passer, j’ai moi-même quelques questions à poser.
Madame Straathof, lors de la mission d’enquête de notre comité à Guelph il y a quelques semaines, quelqu’un nous a appris que les pratiques de semis direct en Ontario plafonnent à environ 30 % depuis une quinzaine d’années. Êtes-vous d’accord? Quelles en seraient les raisons selon vous? Que peut‑on faire pour accroître le recours à des pratiques de semis direct?
Mme Straathof : Oui, je suis d’accord. Il est vrai que les taux d’adoption de ces pratiques ont plafonné. C’est probablement lié à une stase atteinte dans la rotation des cultures que beaucoup de producteurs industriels sont en train d’adopter en Ontario.
Les pratiques de semis direct ont été rapidement adoptées tout au long des années 1990, alors que beaucoup d’anciens éleveurs de bétail et systèmes de cultures fourragères sont passés à la rotation du maïs, du soja et du blé. Le soja, en particulier, a permis d’accélérer le rythme d’adoption du semis direct. Nous constatons maintenant que cette rotation est pratiquement uniforme dans toute la province.
Je dirais que le marché a amplement soutenu ce plafonnement, et ce n’est pas un manque de disposition de la part des agriculteurs à passer au semis direct qui y est pour quelque chose. Même dans le cas de labour plus intense, nous avons constaté qu’il y a de plus en plus de technologie pour réduire la quantité de sol labourée tout en ayant une culture viable ensemencée pour la saison de croissance suivante. Je pense que même si le semis direct a en quelque sorte plafonné comme méthode, il y a des gains à récolter d’autres types de travail réduit du sol partout dans la province.
Le président : Madame Waugh, le Réseau des sols de l’Ontario mobilise les agriculteurs sur le terrain depuis maintenant sept ans, et comme j’y ai participé dès le départ, je suis ravi de voir où vous en êtes. Il y a certainement eu beaucoup plus d’interaction entre les agriculteurs et les chercheurs, et vous l’avez mentionné. Vous avez mentionné le programme des laboratoires vivants. Est-ce que ce que vous faites avec votre réseau local est semblable à cette initiative? Diriez-vous qu’il y a une interaction ou une similitude? L’organisation interagit-elle en général avec le programme des laboratoires vivants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada?
Mme Waugh : Le Réseau des sols de l’Ontario a été un partenaire de l’initiative Living Lab-Ontario ces trois dernières années. Notre rôle était de diriger l’application des connaissances et de la technologie. C’est nous qui avons dirigé la mobilisation des connaissances. Nous avons formé tous les agriculteurs qui participaient à l’initiative. Nous avons également été le chef de file de la composante socioéconomique, travaillant en partenariat avec des économistes agricoles sur des études coûts-avantages ainsi que sur l’étude de validation du modèle d’adoption et sur une expérience portant sur la volonté de payer.
C’est une idée semblable, et elle faisait en fait partie de ma maîtrise. L’approche des laboratoires vivants est censée être très dynamique et réfléchie. Les intentions sont les mêmes, mais le résultat est différent. Avec le réseau des sols et les programmes provinciaux, nous avons beaucoup plus de capacité et d’agilité pour permettre aux agriculteurs d’élaborer des programmes pour une année en mars, alors qu’au niveau fédéral, ce genre de programmation dirigée par les agriculteurs n’est pas aussi faisable et il est beaucoup plus lent de passer par les canaux.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Simons : Nous avons parlé un peu de la diversité de l’agriculture au Canada. On me l’a rappelé cette semaine lorsque j’ai rencontré les Producteurs de Fruits et Légumes du Canada. Lors de cette réunion, un agriculteur de l’Ontario a parlé de la difficulté de cultiver du céleri sans beaucoup d’engrais azoté, ce qui m’a vraiment fait réfléchir, pour de nombreuses raisons. Je viens de l’Alberta. Je songe à la santé des champs de blé, de canola et d’orge, et non pas tellement à celle des sols destinés à la production de fruits et de légumes, qui, bien sûr, sont très présents en Ontario et dans le Sud. Je me demande si vous pourriez nous parler un peu de ce que la santé des sols signifie pour les agriculteurs qui cultivent des produits frais plutôt que des céréales et des légumineuses. Quelles techniques différentes faudrait-il pour les encourager à adopter des pratiques saines pour les sols? Les cultures de couverture ne sont pas vraiment pertinentes si on cultive du céleri, n’est-ce pas? Je n’y connais rien au céleri.
Mme Waugh : Je suis vraiment emballée par cette question parce que je pense que le secteur horticole commence à se réinventer. Au Canada, la robotique se concentre en grande partie sur le secteur horticole et crée des solutions vraiment novatrices qui mèneront vers des sols plus sains.
Pour ce qui est des plantes de couverture, certaines cultures horticoles sont réalisables et sont même utiles dans le cadre des stratégies globales de lutte antiparasitaire. Dans l’ensemble, en ce qui concerne la gestion des nutriments, lorsque l’azote est utilisé par la culture, il n’est pas gaspillé. L’objectif global de réduire les émissions d’azote d’ici 2050 consiste à réduire le gaspillage des intrants.
Avec la robotique, nous commençons à voir une série de tests de tissus sur place, ce qui fait que l’échantillonnage et l’action de l’azote se produisent en quelques secondes plutôt qu’en quelques jours. Nous voyons toutes sortes de robots entrer dans les champs pour s’occuper d’une grande partie de la lutte contre les mauvaises herbes. Nous voyons l’intelligence artificielle prendre en charge l’évaluation des maladies et la gestion des projets qui s’ensuivent. Je pense que la robotique va vraiment changer radicalement le secteur horticole. C’est le secteur sur lequel AgRobotics se concentre en premier.
La sénatrice Simons : Je vois d’ici des robots style Isaac Asimov qui se rendent sur le terrain pour faire le désherbage. Je suis sûre qu’il ne s’agit pas de robots anthropomorphiques.
Mme Waugh : Si vous êtes dans la province de l’Ontario à la fin de juillet ou au début d’août, le Groupe de travail de l’organisme AgRobotics de l’Ontario travaille en partenariat et organise une série de journées sur le terrain auxquelles je suis certaine qu’on serait ravi de vous accueillir. Vous pouvez voir tout cela en personne.
La sénatrice Simons : C’est très intéressant. Merci beaucoup. Cela nous a menés dans une toute nouvelle direction.
Le sénateur Klyne : Ma question s’adresse à Mme Waugh. Vous avez mentionné des programmes et des considérations que nous devrions ou pourrions envisager. Peu de gens y trouveraient à redire, mais je vous prie de faire savoir au comité quelle est la tâche numéro un. Aussi, qui devrait prendre l’initiative, quel ordre de gouvernement? Comment les différences régionales entrent-elles en ligne de compte?
Mme Waugh : Je suis d’accord avec mes collègues pour dire que la première tâche consiste à créer un dépôt national d’information sur les sols pour le Canada. Qui devrait le faire? Ce pourrait être Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il pourrait s’agir d’un organisme national consacré à la santé des sols, comme le Conseil canadien de conservation des sols. Ce sont deux organismes très compétents. Il faut certainement le faire, et je pense que toutes les provinces seraient très enthousiastes. Il me semble que nous verrions très peu de résistance de la part des provinces ou de quoi les empêcher de participer à ce genre d’initiative, le cas échéant. Je pense qu’il y aurait très peu d’obstacles.
Le sénateur Klyne : Il y aurait donc un dépôt national, probablement dirigé par Agriculture Canada, et les provinces et les territoires fourniraient leurs échantillons de façon récurrente. Ensuite, bien sûr, il y aurait les ressources spéciales et le personnel approprié pour synthétiser les données et fournir les rapports et la rétroaction aux provinces et aux territoires pour qu’ils les examinent et déterminent les changements qu’ils pourraient devoir apporter. Nous reconnaissons que chaque province et région a des conditions et des types de sols différents. La Saskatchewan, je crois, a cinq zones de sol différentes, et il y a donc beaucoup de variétés, si vous voulez. Je suis sûr que c’est le cas de toutes les autres provinces et de tous les territoires. Il faudrait pas mal de temps, mais je pense qu’avec la technologie que nous avons, c’est faisable.
Mme Waugh : C’est certainement faisable. C’est justement à ce chapitre que j’oserais nous comparer, non pas à de petits pays européens où la tâche est plus viable, mais à des pays comme l’Australie qui ont certains des meilleurs répertoires nationaux de données sur les sols au monde. L’Australie a des solutions très novatrices pour rendre cette information publique et utilisable et pour jeter les assises de programmes et d’initiatives à l’échelle du pays, qui est assez vaste.
Le sénateur Klyne : Nous devrions y faire une petite excursion. Merci.
Le sénateur C. Deacon : Je suis content de me retrouver à être le frappeur-clé de cette excellente séance. Vous êtes toutes deux une excellente source d’inspiration et je vous en remercie. C’est formidable dans la mesure où vous comprenez qu’il s’agit de vendre des idées et des solutions fondées sur des données probantes. Vous faites de votre mieux pour qu’elles soient centrées sur les besoins de chaque groupe.
Nous devons trouver un moyen d’augmenter les revenus à la ferme pour que de plus en plus de gens soient attirés par l’agriculture, car il y en a trop qui ont la couleur de mes cheveux, et il faut que leurs enfants et petits-enfants soient inspirés, ainsi que des personnes de l’extérieur du secteur. La solution peut venir de prix plus élevés ou de coûts réduits, et ce dont nous parlons fait que les deux sont possibles. Mais nous avons besoin de dépôts de données à la base de tout le système. C’est ce qu’il faut pour prendre des décisions fondées sur des données probantes.
Je constate qu’il y a beaucoup de réflexion et de cohérence par rapport à d’autres propos que nous avons entendus au sujet du fardeau administratif des programmes fédéraux. J’ai l’impression que bon nombre de ces programmes sont fondés sur des pratiques du passé plutôt que sur des pratiques exemplaires. Nous ne tirons pas vraiment de leçons pour savoir vers quoi nous diriger. Si nous pouvions avoir un bon système d’information pour un changement de comportement qui soit bénéfique pour le climat, bénéfique pour les agriculteurs, bénéfique pour nous tous et qui offre tous ces avantages, il ne nous restera qu’à miser sur les pratiques exemplaires et amener les gens à renoncer à leurs croyances pour se concentrer sur ce qui fonctionne.
Il y a deux exemples récents qui m’ont vraiment impressionné. La Fédération canadienne du mouton a un système de blocage qui permet de retracer le parcours du produit, de la ferme au consommateur, en passant par l’usine de transformation et le détaillant. Tout se déroule en continu. Chaque groupe obtient l’information dont il a besoin d’un bout à l’autre. Nous l’avons vu aussi en Australie pour les spiritueux, la bière et le vin, une traçabilité de la ferme jusqu’au consommateur, et d’énormes améliorations et avantages liés à la taxe d’accise.
Aidez-nous à comprendre ce que nous devons faire ou dire pour nous assurer d’adopter les pratiques exemplaires, car je crains vraiment que nous ne présentions des recommandations qui seront interprétées en fonction de ce qui se fait actuellement, et non pas en fonction de ce que nous devons faire. Vous avez parlé du fardeau des programmes fédéraux. Ils ne sont tout simplement pas efficaces parce qu’ils ne sont pas axés sur les agriculteurs, ou en tout cas pas aussi efficaces qu’ils pourraient l’être. Est-il juste de poser cette question? Comment pouvons‑nous nous assurer que nos recommandations donneront des résultats?
Mme Waugh : J’aborderais ce sujet avec circonspection parce que la possibilité de travailler en partenariat avec des chercheurs fédéraux est énorme, surtout pour une petite organisation comme le Réseau des sols de l’Ontario. Nous avons produit tellement avec les bonnes personnalités. Il y a certainement des obstacles structurels qui ont ralenti la collaboration dans le cadre de ces initiatives et qui pourraient être surmontés par une plus grande tolérance au risque dans ces programmes.
Le sénateur C. Deacon : La volonté de s’y mettre.
Mme Waugh : La volonté de s’y mettre, oui, certainement. Mais il y a aussi ce niveau inférieur, une question de personnalité, d’un changement de mentalité, et un certain degré de formation, sinon un soutien accru, pour les gestionnaires de projet afin qu’ils comprennent le renforcement des capacités et les approches de réseau ou l’organisation communautaire, qu’ils possèdent le genre de compétences qu’il faut pour appuyer les chercheurs qui sont peut-être très enthousiastes à l’égard de leur recherche, mais qui le sont moins à l’égard de l’approche visant à les influencer et à les aider à adopter ces pratiques exemplaires.
Vous avez également parlé de la chaîne de blocage et du dilemme global au sujet de la manière d’accroître la rentabilité à la ferme. C’est en quelque sorte un jeu de qui se fait pincer. Est‑ce le consommateur ou l’agriculteur? Ce ne peut être les deux. Je pense qu’il y a moult possibilités de croissance horizontale qui commencent à être offertes aux exploitations agricoles.
Mme Straathof : Je pense que l’arme à double tranchant de l’administration des programmes fédéraux, c’est qu’il nous faut recueillir ces données pour pouvoir faire des commentaires significatifs sur leur efficacité. Même s’il est pénible pour les agriculteurs de fournir des données et pour les administrateurs de les recueillir, nous ne saurions disposer des indicateurs de réussite sans eux. Je songe à trouver un terrain d’entente. Pour revenir à ce que disait Mme Waugh au sujet d’une plus grande tolérance au risque, c’est là qu’on aura également l’occasion de reconnaître et de récompenser l’innovation. Il s’agit de trouver un juste milieu entre la capacité de suivre les succès et la volonté de prendre des risques avec les deniers publics.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup à toutes les deux.
Le président : J’ai une brève question. D’ici quelques semaines, nous entendrons probablement Mme Penelope Wensley, du National Soils Advocate de l’Australie. Que pensez-vous de la nécessité d’un défenseur national des sols canadiens?
Mme Straathof : Un particulier?
Le président : Il s’agit d’une personne qui a un petit secrétariat, et elle parcourt le pays et le monde pour défendre les intérêts du sol australien.
Mme Straathof : Comme c’est intéressant. Génial! Tout comité ou toute initiative a besoin d’un visage, d’une figure de proue ou d’un propriétaire. Je pense que toute stratégie nationale sur les sols sera encadrée par un haut fonctionnaire. Ce modèle me semble logique.
Le président : Lorsque nous afficherons le poste, je vous le ferai savoir.
Mme Straathof : Laissez-moi sortir ma carte.
Mme Waugh : Je peux voir que c’est très efficace pour que tous les ordres de gouvernement tiennent compte du sol, que ce soit dans le contexte de la planification municipale ou des budgets fédéraux. Je peux voir que c’est un outil très efficace pour rejoindre les espaces urbains qui n’ont pas nécessairement l’occasion d’interagir avec la belle chose que nous appelons la santé des sols au Canada. Je pense que c’est effectivement très utile pour ces groupes. Je me demande ce que les agriculteurs en penseraient. Il faudrait choisir la bonne personne. C’est certain.
Le président : Merci beaucoup.
Mesdames Straathof et Waugh, je tiens à vous remercier au nom de ce groupe pour votre inspiration. Merci de votre aide aujourd’hui. Elle sera essentielle à l’étude de longue haleine que nous entreprenons.
Encore une fois, je tiens à remercier les gens qui nous appuient dans cette salle et ailleurs. Nous ne pourrions pas le faire sans vous, alors merci beaucoup.
Chers collègues, nous nous réunirons de nouveau mardi prochain, je l’espère, et il y aura un débat sur la foresterie ce soir-là. Ensuite, jeudi prochain, pour notre réunion régulière de deux heures, nous entendrons deux groupes de témoins, soit les Toronto Black Farmers, le Sundance Harvest Market et des organismes du Québec qui ne sont pas de compétence provinciale.
S’il n’y a pas d’autres questions, mesdames et messieurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)