Aller au contenu
AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 15 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner, pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

Le président : Bonjour à toutes et à tous. Je suis heureux de voir ici ce matin. Je vais d’abord souhaiter la bienvenue aux membres du comité et aux témoins, ainsi qu’aux personnes qui nous regardent sur Internet. Je m’appelle Robert Black, je suis sénateur de l’Ontario et je préside ce comité.

Aujourd’hui, le comité se réunit afin d’examiner, pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada. Avant d’entendre les témoins du premier groupe, je demanderai aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Simons : Paula Simons, Alberta, territoire visé par le Traité no 6.

La sénatrice Burey : Sharon Burey, Ontario.

Le sénateur Cotter : Brent Cotter, Saskatchewan, territoire visé par le Traité no 6 et terres ancestrales des Métis.

Le sénateur Klyne : Marty Klyne, Saskatchewan, territoire visé par le Traité no 4.

Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, Nouvelle-Écosse.

Le président : Je vous remercie. Je vous demande, en cas de problème technique, notamment avec l’interprétation, de le signaler à la présidence ou à la greffière, et nous nous efforcerons de régler le problème, et si nous devons suspendre la séance, nous le ferons.

Dans notre premier groupe de témoins, nous accueillons, du Bureau du vérificateur général du Canada, M. Jerry V. DeMarco, qui est le commissaire à l’environnement et au développement durable, et Mme Marie-Pierre Grondin, qui est directrice. À titre personnel, par vidéoconférence, nous accueillons M. Nathan Basiliko, professeur de sols forestiers à la Faculté de gestion des ressources de l’Université Lakehead.

Vous aurez chacun cinq minutes pour présenter vos observations préliminaires. Je vous ferai signe quand quatre minutes se seront écoulées et qu’il vous restera une minute et, quand je lèverai les deux mains, le moment sera venu de conclure rapidement.

Jerry V. DeMarco, commissaire à l’environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci, monsieur le président. Nous sommes heureux de comparaître devant votre comité dans le cadre de son étude sur l’état de la santé des sols au Canada. Je tiens à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je suis accompagné de Marie-Pierre Grondin, qui était responsable de notre rapport sur les forêts et les changements climatiques dont il sera question ce matin. J’aimerais également souligner que nous avons récemment commencé nos travaux concernant un audit sur l’agriculture et les changements climatiques, qui portera sur l’atténuation des changements climatiques et l’agriculture et qui pourrait sans doute intéresser votre comité.

Notre rapport d’audit d’avril 2023, intitulé Les forêts et les changements climatiques, porte sur la conception et la mise en œuvre du programme 2 milliards d’arbres et sur la façon dont le Canada fait le suivi des émissions de gaz à effet de serre provenant des forêts.

Le gouvernement fédéral a lancé le programme 2 milliards d’arbres pour lutter contre les changements climatiques, améliorer la biodiversité et favoriser le bien-être humain. Dans le cadre du programme, des arbres seront plantés partout au Canada, notamment sur des terres publiques, des terres autochtones, dans des municipalités et sur des terres privées, comme des fermes. Les coûts de la majorité des activités liées à la plantation d’arbres sont partagés avec les partenaires; toutefois, certains groupes, comme les partenaires autochtones, recevront également des subventions pour soutenir le renforcement des capacités, souvent sans obligation de partager les coûts.

Même si Ressources naturelles Canada a presque atteint son objectif de planter 30 millions d’arbres en 2021, il a manqué de beaucoup son objectif pour 2022, soit la plantation de 60 millions d’arbres. Le ministère n’avait toujours pas signé d’accords de projet à long terme avec les provinces ou les territoires, qui devaient recevoir près de 70 % de tous les fonds du programme. Non seulement les retards dans la signature des accords avec les partenaires ont considérablement entravé la capacité du ministère à planter le nombre d’arbres qu’il avait prévus pour 2022, mais ils auront également une incidence sur les années subséquentes, pour lesquelles des objectifs encore plus ambitieux avaient été établis.

Compte tenu des premiers résultats enregistrés en matière de plantation d’arbres et de la difficulté d’établir des partenariats, il est peu probable que le programme 2 milliards d’arbres atteigne ses objectifs, à moins que des changements importants ne soient apportés.

[Traduction]

Nous savons que, depuis la fin de la période visée par notre audit, des progrès ont été réalisés en ce qui concerne la signature d’accords supplémentaires, mais il reste à faire pour arriver à deux milliards d’arbres plantés d’ici 2031. Même si cet objectif est atteint, les cibles initiales du programme relatives à la séquestration du carbone d’ici 2030 et 2050 ne seront pas atteintes.

De plus, dans sa conception du programme, le ministère n’a pas pris en compte des considérations financières particulières relatives à la restauration des habitats pour tous les volets de financement, ce qui a fait laisser passer des occasions de renforcer la biodiversité et les bienfaits à long terme liés la restauration des habitats. Par exemple, pendant la saison de plantation de 2021, Ressources naturelles Canada a financé plus de 270 sites en monoculture, ce qui représentait 14,4 % du total des arbres plantés. Les plantations en monoculture séquestrent effectivement le carbone et pourraient convenir dans certains habitats. Cependant, dans la grande majorité des cas, ce type de plantation ne favorise pas la biodiversité et d’autres retombées positives sur l’environnement et le bien-être humain autant que des plantations plus diversifiées.

Au-delà du programme 2 milliards d’arbres, Ressources naturelles Canada, qui travaille en collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada, n’a pas fourni de vue d’ensemble claire et complète du rôle des forêts canadiennes dans les émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, les estimations des émissions variaient considérablement dans les rapports au fil des ans en raison de nouveaux calculs dus à la mise à jour des données. Il en résultait que les forêts étaient présentées ou pas comme une source nette d’émissions, plutôt que comme captant des émissions.

Nous avons également constaté un manque de transparence au sujet des effets des activités humaines et des perturbations naturelles sur les émissions des forêts. Plus précisément, les rapports des ministères sur les effets des changements apportés à la gestion forestière sur les émissions étaient incomplets. En outre, les forêts du Canada deviennent une source nette d’émissions en raison des feux de forêt et des perturbations causées par les infestations d’insectes. Par exemple, en 2018, les émissions attribuables aux feux de forêt et aux perturbations causées par les infestations d’insectes ont fait augmenter de 26 % les émissions de gaz à effet de serre du Canada, mais il n’était pas obligatoire de les inclure dans les rapports sur les quantités totales. À cause de ce manque de transparence et de rapports exacts, il est très difficile pour les décideurs de prendre des décisions éclairées et pour la population canadienne de demander des comptes au gouvernement.

Ce sera tout pour mes observations préliminaires. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Le président : Je vous remercie.

Nathan Basiliko, professeur de sols forestiers, Faculté de gestion des ressources naturelles, Université Lakehead, à titre personnel : Je suis très heureux de me joindre à ce comité sénatorial à titre de témoin et j’aimerais féliciter le comité du travail qu’il a entrepris pour mieux comprendre la santé des sols au Canada.

Je suis professeur de sols forestiers à la Faculté de gestion des ressources naturelles de l’Université Lakehead à Thunder Bay, sur le territoire visé par le Traité Robinson-Supérieur. À sa création, la faculté portait le nom de faculté de foresterie, et nous proposons encore le seul baccalauréat ontarien de formation des forestiers professionnels inscrits qui soit reconnu. J’ai grandi dans une petite exploitation agricole familiale avec un terrain boisé et, depuis 26 ans, j’étudie les sols et les changements climatiques et je travaille notamment sur le stockage du carbone et des gaz à effet de serre et sur les émissions des sols forestiers et des forêts, dans les contextes de sylviculture comme de reboisement et de réhabilitation de terrains.

Je me considère généralement comme un scientifique et un éducateur spécialiste expérimenté des sols, et j’ai de bons contacts avec la communauté de la science du sol au Canada. J’ai été président de la Société canadienne de la science du sol, et je suis ravi de voir que tellement de mes collègues et amis nationaux de la SCSS ont déjà témoigné devant ce comité important. Vous avez entendu ma collègue de l’Université Lakehead et actuelle présidente de la SCSS, Mme Amanda Diochon. La semaine dernière, Mme Diochon et moi avons participé à l’épisode de TVOKids consacré aux sols forestiers dans le cadre d’une série de 26 épisodes appelée Secrets of the Forest. Notre épisode avait pour hôte une fillette de 10 ans de Toronto, ce qui était très sympathique. Je le dis pour souligner que la communauté de la science du sol est aussi engagée et passionnée en ce qui concerne l’éducation et la sensibilisation aux sols qu’elle l’est en ce qui a trait à la recherche.

Pour en venir plus précisément à certains aspects des sols forestiers et des changements climatiques au sujet desquels vous m’avez invité aujourd’hui, cette année est peut-être une année charnière déprimante pour la planète, car la quantité de carbone dans l’atmosphère qui alimente l’effet de serre à l’échelle planétaire est maintenant égale à toute la quantité de carbone stockée dans les forêts du monde entier. La plus grande partie de ce carbone est stockée dans les sols, pas dans la biomasse vivante. Ce phénomène est plus accentué dans les forêts boréales et les forêts tempérées du Nord, qui dominent au Canada, tandis que les forêts tropicales ont tendance à avoir plus de carbone dans les arbres. Il est important de penser aux sols forestiers et aux changements climatiques sous plusieurs angles. Les changements climatiques modifient le fonctionnement de nos forêts, ce qui comprend leur mode de stockage du carbone et les processus sous-jacents de microbes dans les sols et les arbres. Heureusement, depuis les cinq dernières décennies environ, à l’échelle mondiale, les sols forestiers agissent comme des puits actuels nets dans un contexte de réchauffement climatique. Cependant, des données de plus en plus probantes montrent que cela ne persistera pas et que les sols forestiers vont commencer à perdre plus de carbone qu’ils n’en absorbent sous des climats plus extrêmes. Au Canada, ce sera lié aux perturbations plus intenses créées par les feux. Il est important aussi de réfléchir à la façon dont la gestion des forêts peut aider à combattre les changements climatiques. Cela peut être par un nouveau stockage de carbone et par des écosystèmes dans des contextes de boisement et de réhabilitation de terrains, mais aussi en fournissant des matières premières bioénergétiques dans des systèmes de sylviculture bien gérés, si nous pouvons les amener à se rapprocher de la carboneutralité dans leurs rotations complètes de récolte.

Notre groupe de recherche a examiné des aspects des deux questions. Un grand projet, que j’ai dirigé, a décrit le stockage de carbone par la réhabilitation active de terrains dans les vastes secteurs de Sudbury, en Ontario, touchés par des fonderies de métaux.

Pour mettre les choses en contexte, le Programme de reverdissement de Sudbury est le plus grand projet de reboisement du Canada, si ce n’est par la superficie, par le nombre d’années d’activité. L’été dernier, le 10 millionième arbre a été planté après 44 années de travail actif de la ville et de nombreux partenaires. Dans ce cas, nous avons également étudié de près la biodiversité et les services écosystémiques, ainsi que le stockage du carbone en tant que service écosystémique. Par ailleurs, le secteur forestier canadien est, à l’heure actuelle, et de loin, le principal producteur industriel et utilisateur de bioénergie du pays. Nous avons étudié les avantages et les compromis éventuels de l’intensification de l’enlèvement de la biomasse forestière dans les systèmes de foresterie sylvicole afin de fournir plus de matières premières bioénergétiques. En outre, nous avons examiné la possibilité de produire du biogaz à partir des déchets organiques et des déchets des usines de pâte à papier qui finissent actuellement dans des décharges.

Ces deux domaines de recherche ont convergé de façon très intéressante. Ces 12 dernières années, l’accent a notamment été mis sur des moyens d’utiliser judicieusement les déchets, les pâtes de l’industrie forestière et les résidus des scieries comme amendements de sol pour faciliter la reconstitution des sols et le stockage de carbone et pour maintenir la nutrition des sols dans les systèmes sylvicoles afin d’aider la régénération et de se rapprocher de la carboneutralité dans leurs rotations complètes de récolte. Nous avons des projets avec des entreprises forestières et des partenaires gouvernementaux, et aussi dans la réhabilitation de terrains à Sudbury, et nous nous concentrons depuis quelque temps sur les problèmes de reboisement de l’agrégat des anciens puits de mine, c’est-à-dire des sablières et des gravières.

Il me semble qu’il s’agit d’un paradigme important de l’écologie industrielle qu’il faut rendre opérationnel à grande échelle pour aider à atteindre les objectifs de gestion plus durable des forêts, mais aussi alors que nous passons à la gestion active du carbone. Je m’arrêterai là. C’était une introduction utile.

Le président : Je vous remercie, professeur Basiliko. Avant de passer aux questions des sénateurs, je tiens à rappeler aux témoins présents dans la salle et aux sénateurs de ne pas parler trop près du microphone afin d’éviter un retour sonore qui gênerait les collaborateurs situés derrière nous.

Comme d’habitude, je rappelle aux sénateurs et aux témoins que chaque sénateur dispose de cinq minutes, pour les questions et réponses, et que nous aurons plusieurs tours de table, si nécessaire. Encore une fois, lorsqu’il restera une minute, je lèverai la main et, quand je lèverai les deux mains, le moment sera venu de conclure. Cela dit, nous allons commencer par la sénatrice Simons, qui est notre vice-présidente.

La sénatrice Simons : Monsieur DeMarco, je tiens à commencer par vous remercier de votre persévérance à venir nous voir. Je sais que nous avons dû annuler votre venue au moins une fois, peut-être deux. Je suis donc heureuse que vous soyez des nôtres aujourd’hui.

Votre témoignage souligne le problème des grandes promesses qui paraissent formidables et qu’il faut ensuite tenir. Je veux vous parler de quelque chose de frappant que vous avez dit, c’est-à-dire que nous n’incluons pas les émissions de carbone des feux de forêt dans le calcul des émissions de carbone du Canada. Depuis ce rapport, nous avons connu un des débuts de saison des incendies les plus extraordinaires que nous ayons jamais eus, avec des feux dans tout le pays, de la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse.

Est-ce que la vérificatrice générale ou quelqu’un d’autre essaie de calculer l’incidence du carbone rejeté par ces feux de forêt sur les objectifs généraux de réduction d’émissions de carbone du Canada?

M. DeMarco : Je vous remercie, sénatrice Simons. En effet, à propos de l’audience qui a été annulée quelques fois, mieux vaut tard que jamais. Nous sommes toujours heureux de comparaître devant le comité ou devant d’autres comités parlementaires. Le changement de date n’est donc pas un problème.

Dans mes observations préliminaires, je mentionnais que les données que nous avons sur 2018 en ce qui concerne les 26 % d’émissions supplémentaires liées aux incendies et aux infestations d’insectes montrent que c’est tôt dans la saison des incendies cette année, mais que nous allons peut-être en voir de nouveau un grand nombre en 2023.

Pour ce qui est de tenir compte, il y a une différence entre les choses permises par les normes internationales. La méthode de comptabilisation du Canada pour la foresterie et les domaines connexes de l’utilisation des terres et changement d’affectation des terres, qui ont l’acronyme assez long d’UTCATF, pour utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie... Ce que fait le gouvernement canadien est permis du point de vue de la méthode comptable. Cependant, ce n’est pas très instructif ou clair pour les décideurs, selon nous. Par exemple, quels changements faudrait-il recommander en matière de pratiques forestières, ou de lutte contre les incendies, entre autres choses? Si nous avons des données plus claires sur chaque élément de la gestion forestière, ainsi que sur les perturbations des forêts, comme les feux de forêt ou les infestations d’insectes, ce sera plus utile pour les décideurs pour décider des changements à apporter aux pratiques ou à la réglementation, et cetera. Nous demandons une approche plus transparente avec plus de détails sur les éléments de la gestion des forêts en ce qui concerne les émissions, les puits de carbone et les perturbations. Avec ce tableau plus clair et plus complet, des décideurs tels que les parlementaires, les fonctionnaires et les personnes qui travaillent dans l’industrie auront une meilleure idée de ce qu’ils peuvent faire pour contribuer à l’effort général de réduction nette des émissions canadiennes.

La sénatrice Simons : Professeur Basiliko, vous avez mentionné qu’à cause de la nature de la forêt boréale canadienne, il y a plus de carbone séquestré dans le sol que dans les arbres en comparaison d’autres écosystèmes. Pourquoi? Qu’est-ce que cela veut dire pour nos pratiques de gestion forestière? D’une certaine façon, les feux de forêt sont naturels et je crois comprendre que, aussi dévastateurs qu’ils soient, ils ont le pouvoir d’enrichir les sols ensuite. Que devons-nous faire pour être certains de gérer nos forêts de manière à ce qu’elles soient les puits de carbone les plus efficaces possible?

M. Basiliko : C’est une bonne question et je vous en remercie. Pour répondre brièvement, je dirai que notre climat est froid ou frais, ce qui fait que les arbres poussent assez lentement par rapport aux tropiques. Au Canada, nous avons plus de climat — c’est-à-dire plus de limites d’humidité et de température qui jouent sur la vitesse de croissance des arbres. Ces mêmes facteurs ralentissent aussi la décomposition des matières organiques, des détritus morts et des déchets. Nous avons une plus grande accumulation et un plus grand stockage de matières organiques dans les sols et sur le tapis forestier que dans les arbres, tandis que, dans une forêt équatoriale productive, le climat est parfait. Il y a plein d’humidité et des températures élevées toute l’année et les éléments nutritifs du sol limitent la productivité. Les arbres absorbent tout ce qu’ils peuvent pour produire la quantité maximale de biomasse et il y a beaucoup plus de carbone dans le système stocké dans les arbres vivants et que dans les sols. Cela veut dire, selon moi, que nos forêts sont probablement plus résilientes à la déforestation à bien des égards ou à la gestion et à la récolte en raison de ces réserves d’éléments nutritifs plus importantes à plus long terme.

En ce qui concerne la façon de gérer les forêts pour penser à préserver ou à augmenter la séquestration de carbone dans le sol, je crois que nous avons beaucoup à apprendre. L’intégration dans des systèmes plus biodiversifiés est une façon de se couvrir en gardant des systèmes qui continueront de piéger le carbone dans les sols de différentes façons. Différentes essences et des bois durs par opposition à des bois tendres réagissent différemment. Nous avons beaucoup à apprendre, mais ce serait une possibilité pour la suite.

La sénatrice Simons : Est-il logique pour nous de planter 3 milliards d’arbres, de nous en féliciter et de penser que nous avons résolu quelque chose?

M. Basiliko : Il y a rarement une mauvaise raison de planter des arbres. Pour ce qui est du total des gains nets en carbone — autrement dit, le carbone supplémentaire retiré de l’atmosphère —, je pense, de manière générale, que nos chiffres sont trop optimistes. Le reboisement — autrement dit, les zones en cours de boisement qui n’avaient aucune forêt pendant un certain temps — offre un potentiel de séquestration de carbone. Cependant, les forêts font beaucoup de choses importantes et elles sont naturellement exposées à des perturbations. Quand ces autres facteurs entrent en ligne de compte, il est difficile de dire non. Bien entendu, il faut être prudent quant à l’atténuation des changements climatiques que nous en attendons.

Le président : Je vous remercie.

Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins de leur présence. C’est une très bonne réunion. Merci de votre persévérance.

Je viens de la Nouvelle-Écosse. La Northern Pulp Corporation a fermé ses portes il y a trois ans. C’était le seul acheteur de déchets ligneux de notre province. Il y avait un problème avec la Première Nation voisine de l’entreprise qui ne voulait plus recevoir d’eaux usées. Je suis fier que notre province ait réglé ce problème, qui était important parce que nous avions un seul acheteur de déchets ligneux.

Nous avons une quantité énorme de déchets de chablis dans notre province parce que notre sol est mince. Les tempêtes créent beaucoup de combustible pour les feux. Les déchets ligneux des scieries restent sur place et se décomposent maintenant. Nous avons une situation difficile dans la province.

Des méthodes comptables acceptables, mais pas instructives, ce n’est pas peu dire. Je ne peux imaginer avoir jamais accepté, dans ma vie passée de PDG, une méthode comptable acceptable, mais pas instructive en ce qui concerne une grande priorité. Que devons-nous faire dans notre province pour régler ce problème? Je suis obligé de croire que nos forêts ne sont pas vraiment le mécanisme puissant qu’elles pourraient être pour séquestrer le carbone et qu’elles nous emmènent peut-être dans une autre direction.

Voulez-vous commencer, monsieur Basiliko?

M. Basiliko : Certainement. Excellente question, très bons commentaires et très bon point de vue aussi. L’autre facette, lorsque l’on compte sur les forêts comme puits de carbone sur pied et que l’on essaie de renforcer ce système par le boisement à l’échelle nationale, est que nous gérons une assez grande partie de nos forêts. J’ose espérer que nous le faisons passablement bien — pas parfaitement, mais passablement bien. Il y a des améliorations à apporter.

Comme vous l’avez mentionné, il y a les volumes importants de biomasse ligneuse de moindre valeur qui sont en train de pourrir et qui ne seront pas utilisés, et il peut être difficile, en ayant d’autres sources d’énergie, de trouver des moyens d’encourager la production de bioénergie. Je pense au gaz naturel.

L’Ontario a converti une centrale thermique de taille moyenne, la centrale Atikokan, pour qu’elle brûle de la biomasse ligneuse, afin de compenser les fluctuations du marché. Compter sur les usines de pâte à papier pour produire cette énergie, faire en sorte que des municipalités ou des sociétés d’État municipales produisent de l’énergie dans des centrales thermiques et envisager de les convertir à la biomasse pour offrir un autre marché à une partie des déchets résiduels pourraient être des moyens de compenser les émissions de carbone des combustibles fossiles dans le secteur forestier sans s’en remettre à une séquestration du carbone à une échelle écosystémique.

Par ailleurs, nous voulons continuer de gérer nos forêts, je l’espère, comme quelque chose qui nous aide à atteindre la carboneutralité, mais pas nécessairement comme des puits de carbone.

M. DeMarco : Le professeur Basiliko a bien couvert le sujet. Je n’ai donc rien à ajouter.

Le sénateur C. Deacon : Nous venons d’avoir le plus grand feu de forêt de l’histoire de notre province. À moins de trouver un moyen de gérer le risque de feu de forêt d’une manière ou d’une autre, selon moi, en réglant la question des déchets ligneux qui servent de combustible — en récoltant soigneusement, de façon sélective, et en commençant à éliminer le risque —, nous allons devoir livrer une vraie bataille avec la plantation d’arbres pour qu’elle présente des avantages. Pour l’instant, vous ne vous êtes pas encore penché sur ce sujet dans vos travaux. J’essaie d’en venir à l’avantage net.

M. DeMarco : En effet. Nous nous y intéressons dans quelques-uns de nos audits, y compris dans le prochain sur l’adaptation aux changements climatiques. Je peux en parler un peu.

J’attire votre attention sur le premier paragraphe de notre rapport, même s’il a été écrit il y a deux mois. Nous y disons que les effets des changements climatiques accroîtront les risques et les conséquences négatives pour les Canadiens en raison, par exemple, du nombre de vagues de chaleur et de feux de forêt. Avec la saison précoce des feux, cela se révèle certainement être vrai plus rapidement que nous ne l’aurions imaginé.

En réponse à votre question, sénateur Deacon, je parlerai d’une comptabilité plus complète des coûts et de l’actualisation d’hypothèses et de modèles précédents, étant donné que nous avons un climat plus rude maintenant avec la fréquence et la gravité accrues de perturbations telles que les feux de forêt et les ouragans.

Nous devons revoir certaines des hypothèses sur la gestion des forêts et des terres, car nous avons échoué à l’échelle mondiale à vraiment atténuer les changements climatiques depuis que nous avions tous décidé de le faire en 1992.

Le président : Je vous remercie.

Le sénateur Klyne : Ma première question est pour M. DeMarco.

Venant de Regina, j’ai conscience de l’importance des arbres et de la plantation d’arbres. À sa création, Regina, Oskana, était une plaine herbeuse sans arbre. Aujourd’hui, notre forêt urbaine compte 500 000 arbres plantés à la main.

Dans les Prairies, dans des cours de ferme notamment, les arbres sont une solution naturelle et ils jouent un rôle essentiel pour lutter contre l’érosion des sols et soutenir la biodiversité, ce qui est important, comme vous l’avez indiqué dans vos observations préliminaires.

Si vous vous roulez en voiture dans les zones rurales, nous avons un réseau routier qui date des années 1930. Nous avons construit des routes parce qu’il n’y avait rien d’autre pour donner du travail aux gens. Aujourd’hui, nous en profitons. Si vous vous promenez et regardez les cours de ferme et les intersections, vous verrez qu’il y a des arbres. Des conifères au nord, des feuillus au sud et à l’ouest, ce qui nous aide, sous notre climat, à travers les saisons.

J’étais déçu de voir votre lettre. Je surveillais le programme 2 milliards d’arbres. Quand il a été créé, y avait-il des prescriptions ou des recommandations quant aux endroits où ils devaient être plantés stratégiquement pour servir de solutions naturelles et soutenir la biodiversité, mais aussi les aspects pour lesquels nous les utilisons dans les Prairies et que je mentionnais?

M. DeMarco : Le programme n’a pas été conçu seulement pour séquestrer le carbone. Ce devait être un programme mathématique avec deux millions d’arbres multipliés par la quantité moyenne de carbone que chaque arbre pourrait stocker, ce qui permettrait d’atteindre l’objectif. Il avait deux autres objectifs : l’un concernant la biodiversité et l’autre, le bien-être humain. En ce qui concerne le bien-être humain, pour certaines forêts, il pourrait s’agir d’un usage récréatif, dans un cadre urbain, les arbres pourraient aider à atténuer les effets des îlots de chaleur que génèrent nos centres urbains, offrir de l’ombre et des espaces verts.

Pour ce qui est de la biodiversité, le reboisement de différents endroits qui ont été dégradés, s’il est bien fait avec diverses plantations adaptées au site, peut présenter cet avantage. Le programme avait bien ces objectifs.

Nous avons été déçus de constater que le seul aspect d’une recommandation avec lequel Ressources naturelles Canada n’était pas d’accord était une partie de notre recommandation 47, Ressources naturelles Canada refusant de fournir des incitatifs supplémentaires pour la restauration des habitats. À mon avis, c’était manquer de vision, étant donné surtout le nouvel engagement d’assainir des terres pris par le Canada aux termes du Cadre mondial de la biodiversité de Montréal.

Nous ne devrions pas considérer qu’il s’agit seulement d’un programme de plantation d’arbres. Nous devrions y voir une excellente occasion d’aider à obtenir des avantages connexes en matière de bien-être humain et de biodiversité et d’atteindre d’autres objectifs voisins, comme le nouvel objectif de restauration de 30 % des habitats énoncé dans l’accord de Montréal.

J’ai bon espoir que Ressources naturelles Canada, en collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada, reconsidère sa réponse et fasse des efforts pour se rallier à des initiatives de restauration et de plantation d’arbres.

Le sénateur Klyne : Je suis d’accord. Il y a toujours les efforts de lutte contre les changements climatiques et, en même temps, le suivi de certaines autres choses. C’est très bien.

M. DeMarco : Cela illustre ce que j’ai mentionné quelques fois cette année, l’intersection entre la crise climatique et la crise de la biodiversité. Il existe de nombreuses solutions, y compris des solutions naturelles que vous venez de mentionner, qui sont gagnant-gagnant pour s’attaquer à une crise, puis à l’autre.

Le sénateur Klyne : Peut-être ont-ils besoin d’un petit encouragement. Nous verrons ce que nous pouvons faire.

Professeur Basiliko, à entendre vos observations préliminaires, je suppose que vous connaissez notre étude et les témoignages que nous avons entendus. Avez-vous des mesures à recommander au gouvernement fédéral pour aider les provinces et les territoires dans leurs efforts relatifs à la santé des sols?

M. Basiliko : Je dirai, en bref, que je suis tout à fait pour. La plupart des terres publiques ou de la Couronne sont gérées à l’échelon provincial et il me semble nécessaire d’intégrer ce que ce comité sénatorial permanent fait pour promouvoir des études sur la santé des sols. À mon avis, il faut, dans un premier temps, une intégration avec des partenaires provinciaux, que ce soit le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario, également appelé MAAARO, et le ministère des Richesses naturelles et des Forêts, ou MRNF, en Ontario ou d’autres homologues provinciaux dans tout le pays. Je ne sais pas exactement comment procéder, mais je pense que c’est tout à fait essentiel.

Le sénateur Oh : Je vous remercie, monsieur DeMarco. J’aimerais revenir sur la question que vient de vous poser le sénateur Klyne.

Quelles sont vos recommandations pour une stratégie nationale fédérale visant à améliorer la santé des sols? Quels outils de gestion des données proposez-vous à l’appui de cette initiative? Normalement, quand je vois un documentaire sur les forêts, sur les arbres et sur ceux que l’on abat, combien de temps se passe-t-il avant que l’on commence à replanter après l’abattage?

M. DeMarco : Je vous remercie de la question, sénateur Oh. Parce que notre audit ne portait pas précisément sur la santé des sols, je n’ai pas de recommandations détaillées à ce sujet, mais plusieurs de nos constatations et de nos recommandations sont pertinentes par rapport à votre question, et je vais en parler.

Tout d’abord, notre rapport comporte deux parties. L’une concerne le programme 2 milliards d’arbres et l’autre l’approche visant à réduire la comptabilisation du carbone forestier, qui constitue la seconde moitié de notre rapport. Un bien meilleur système de comptabilisation des forêts, et d’ailleurs de comptabilisation de l’utilisation des terres et des changements d’utilisation des terres, permettrait d’éclairer les décisions concernant, par exemple, un meilleur soutien aux initiatives de santé des sols si nous disposions d’un meilleur moyen de mesurer les pratiques de gestion forestière, par exemple, ou même les pratiques agricoles, sur le plan du rendement du carbone stocké dans le sol. Nous pourrions prendre de meilleures décisions à ce sujet. La méthode de comptabilisation du Canada pour l’utilisation des terres, le changement d’affectation des terres et la foresterie n’est pas très transparente et est également sujette à beaucoup d’incertitude, comme nous l’indiquons à la pièce 1.8. Selon les recalculs, les forêts peuvent être à la fois une source et un puits pour la même année. Si nous parvenons à nous entendre sur un système beaucoup plus précis, clair et complet de comptabilisation de l’utilisation des terres, des changements d’utilisation des terres et de la foresterie, y compris le carbone stocké dans le sol, cela nous aidera grandement à prendre des décisions plus éclairées sur les initiatives à soutenir à l’échelle fédérale.

Le sénateur Oh : Merci.

Le sénateur Cotter : Merci à vous deux d’être ici et de nous éclairer sur ces sujets importants. Je comprends que normalement, au cours d’une réunion de comité, les sénateurs posent des questions, et je vais dire quelque chose que je tenterai de transformer en question si possible, mais je ne peux pas le promettre.

J’ai une observation préliminaire, suite à l’intervention du sénateur Klyne. J’ai grandi à Moose Jaw, en Saskatchewan. C’est une région assez plate du Sud de la Saskatchewan. J’avais un ami qui suivait son entraînement à la base militaire au Sud de Moose Jaw. Il n’était pas originaire de la Saskatchewan, et il avait l’habitude de dire que les pilotes avaient pour instruction, lorsqu’ils rentraient à la base, de repérer l’arbre et de tourner à droite. Je suppose qu’il y a eu des développements, comme l’a décrit le sénateur Klyne. Mon ami venait de la Nouvelle-Écosse.

Je pense que la plupart de mes observations, qui, je l’espère, déboucheront sur une question, s’adressent à vous, monsieur DeMarco, et à vos collègues. Si j’ai bien compris, parmi les différents objectifs du programme 2 milliards d’arbres, il y a un effet considérable en ce qui concerne le carbone. Je ne sais pas de combien il s’agit. Il me semble que la comptabilisation soulève des questions à ce sujet, mais cela semble être beaucoup. Deux milliards d’arbres, c’est beaucoup. Cela doit représenter beaucoup d’économie.

J’en viens maintenant à mon irritation. Vous avez fourni les renseignements nécessaires, à savoir qu’en tant que gouvernement du Canada, nous demandons à toutes sortes de personnes de rendre des comptes sur les progrès accomplis en matière de changement climatique et que la séquestration du carbone en est un élément important. Le gouvernement du Canada s’adresse à toutes sortes de personnes du secteur privé pour leur demander d’en faire plus et, si elles ne le font pas, elles devront le payer de leur poche. Nous entendrons un débat à ce sujet lorsque cet autre projet de loi nous parviendra sous peu.

Ma question est la suivante : pourquoi le gouvernement du Canada ne dit-il pas que vous êtes en train de produire un échec massif? J’ai l’impression d’imiter le sénateur Plett, et je m’en excuse, mais pourquoi ne tenons-nous pas notre propre gouvernement responsable de sa part dans ce projet, alors que nous réprimandons tous les autres et les tenons pour financièrement responsables? Pouvez-vous m’aider un peu sur ce point?

Vous faites partie du projet de responsabilisation, mais nous entendons le rapport et nous nous adressons ensuite aux agriculteurs ou aux producteurs d’énergie pour leur dire qu’ils ne font pas assez bien leur travail. D’ailleurs, nous faisons nous-mêmes un travail minable, mais c’est de la vieille histoire ou nous ne voulons plus en entendre parler. C’est une question, je pense.

M. DeMarco : Je ferai de mon mieux, et j’inclurai peut-être une question dans ma réponse pour que les choses s’équilibrent sur le plan comptabilité et que nous soyons à net zéro à la fin de ma réponse.

Il y a bien des choses dans votre question et vos remarques, sénateur Cotter. Nous avons pour mission d’améliorer la responsabilisation, mais les comités comme celui-ci le font aussi. Je pense que nous pouvons tous deux travailler vers un objectif commun qui est d’évaluer la performance du gouvernement et les écarts entre cette performance et ce qu’il tente de faire, et de faire des recommandations pour aider à combler ces écarts.

L’histoire du Canada en matière d’atténuation des changements climatiques n’est pas très brillante. Vous connaissez peut-être notre rapport 2021, qui montre la trajectoire de nos émissions de 1990 à aujourd’hui. Le Canada est le seul pays du G7 à avoir une trajectoire ascendante. Les émissions ont légèrement baissé depuis la COVID, mais les émissions canadiennes restent plus élevées que le niveau de référence depuis 1990.

Ce qui est intéressant dans ce rapport, c’est que nous parlons de la nécessité d’adopter une vision à plus long terme. Même si le programme 2 milliards d’arbres ne présente pas beaucoup d’avantages à court terme, il convient de féliciter le ministère d’avoir entrepris un projet qui produit un rendement à long terme. En général, les gouvernements se concentrent sur des initiatives à court terme. Ce programme, comme le montre la pièce 1.4 de notre programme sur les forêts et le changement climatique, aura des retombées importantes dans les décennies à venir. Il n’y a pas beaucoup d’impact en 2030; en fait, il n’y a presque rien par rapport à l’objectif. Un petit impact d’ici 2050. Mais plus on avance, plus les arbres sont grands, plus on capte le carbone.

Le fait que le Canada dispose de programmes à long terme sur le changement climatique est une bonne chose. À cet égard, je suis d’accord avec M. Basiliko pour dire que c’est encore une contribution relativement modeste au calcul global de l’objectif net zéro. Nous ne pouvons pas ignorer le fait que la grande majorité du changement climatique est due au transfert massif de carbone fossile du sous-sol vers l’atmosphère. Tant que nous n’aurons pas résolu ce problème, les changements que nous apporterons avec le carbone biogénique dans les sols, les arbres, la biomasse, etc. seront réduits à néant par le fait que nous continuerons à avoir un flux important de carbone stocké dans l’atmosphère.

Le sénateur Cotter : Pouvez-vous nous dire, en pourcentage, quel est l’écart négatif par rapport à ce que l’on attendait à ce stade ou d’ici 2030 de cette initiative sur le carbone?

M. DeMarco : Absolument. Dans notre rapport, nous indiquons que les projections initiales prévoyaient que deux milliards d’arbres allaient produire deux mégatonnes de gain en séquestration d’ici 2030, et que leur projection initiale était de 11 à 12 mégatonnes d’ici 2050. Dans notre rapport, nous disons qu’au lieu de 2 et 11, il faudrait 0,1 et 4,3, soit beaucoup moins de séquestration que ce qu’ils avaient annoncé au départ. Ils obtiendront cette séquestration, mais quelques décennies plus tard.

Le sénateur Cotter : Merci.

La sénatrice Burey : Je remercie nos témoins d’être venus. C’est un réel plaisir de siéger à ce comité. Ma première question s’adresse au vérificateur, et tous les témoins peuvent intervenir à ce sujet.

En ce qui concerne le programme 2 milliards d’arbres et votre analyse de la capacité du Canada à atteindre les objectifs de capture de carbone, d’amélioration de la biodiversité et de soutien au bien-être, l’un des obstacles que vous avez mentionnés concerne les partenariats et la mise en œuvre de ces partenariats.

Pourriez-vous nous en dire plus sur les genres de partenariat qui ont été formés? Avez-vous des données sur les bénéficiaires de financement? Comment s’est déroulée la procédure de candidature pour pouvoir faire partie des partenaires? C’est un point que nous avons souvent rencontré au sein de ce comité, à savoir qu’il existe des programmes, mais que personne n’est au courant de leur existence. Les partenariats ne sont pas bien mis en œuvre.

Auriez-vous des recommandations à formuler sur cet obstacle en particulier?

M. DeMarco : Nous avons déterminé que la lenteur des partenariats sous forme d’accords et d’accords à long terme constitue l’une des principales causes de leur retard en 2022. Ils étaient proches de l’objectif en 2021, mais ils ont pris beaucoup de retard en 2022. Cela est principalement dû à l’absence d’accords de partenariat et à la décision du ministère de changer de cap et de créer ce qu’il appelle des accords de principe, sur lesquels il travaille et dont il a signé plusieurs depuis la fin de notre audit.

Pour l’essentiel, il s’agit d’un programme fédéral doté d’un nom accrocheur, comme le programme 2 milliards d’arbres, mais qui reconnaît que la plupart des terres du Canada n’appartiennent pas au gouvernement fédéral et ne sont pas directement gérées par lui. Le gouvernement fédéral est un partenaire obligé pour assurer la réussite de ce programme. La plupart des terres publiques sont gérées par les provinces et les territoires du Canada. Lorsqu’ils ont lancé ce programme, ils savaient qu’ils ne pourraient en fournir qu’une fraction sur les terres fédérales et les terres gérées par le gouvernement fédéral. Essentiellement, ils ont besoin que les provinces assument probablement les deux tiers, ou au moins 70 %, de ce programme. Ils ont besoin de partenaires de danse volontaires provinciaux et territoriaux. Tant que les provinces et les territoires clés sur le plan superficie de terres forestières ne seront pas associés à des accords à long terme, il sera difficile pour le secteur privé de justifier l’ajout aux pépinières d’une capacité supplémentaire marquée au-delà de ce qu’elles produisent déjà pour le reboisement normal après les opérations forestières. Ils ont également besoin de cette certitude à long terme pour réaliser ces investissements. Les partenariats et les investissements dans les plants sont la clé de la réussite à long terme de ce programme.

La sénatrice Burey : Monsieur Basiliko, avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Basiliko : Merci, madame la sénatrice. M. DeMarco l’a dit avec beaucoup d’éloquence. J’aimerais réitérer la nature à long terme d’un investissement ou d’une proposition comme la plantation de deux milliards d’arbres. Dans notre étude sur le boisement à Sudbury, le programme de reverdissement de Sudbury était en cours depuis environ 40 ans, soit quatre décennies après que les émissions atmosphériques ont été suffisamment réduites pour permettre un boisement à grande échelle. Ce programme a été mis en œuvre à l’échelle municipale, mais avec une contribution importante de la part des collectivités partenaires.

Sur une période de quatre décennies, nous constatons des gains importants en matière de stockage du carbone dans les arbres, mais des changements étonnamment indétectables de carbone dans le sol. Ce n’est pas parce qu’il n’y en a pas. C’est parce qu’ils sont lents, très variables et qu’il faudra de nombreuses décennies pour qu’ils s’accumulent.

Je voudrais réitérer l’observation de M. DeMarco sur le long terme, en particulier lorsqu’il s’agit de reconstituer les stocks de carbone dans le sol là où ils n’ont pas été depuis longtemps. La contrepartie est qu’ils sont probablement plus résistants aux perturbations dues à l’exploitation forestière et aux incendies de forêt que les arbres eux-mêmes. Je vous remercie de votre attention.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre présence. Comme vous le savez, je suis arrivée en retard. Vous en avez peut-être déjà parlé, je m’excuse. Tout d’abord, je tiens à féliciter le sénateur Cotter pour ce qu’il a dit. Je suis agricultrice et il m’est donc plus difficile de dire ce qu’il a dit parce que je risque de ne pas m’en tirer. Je vous remercie donc. J’ai beaucoup influencé le sénateur Cotter en lui posant cette question. J’ai l’impression que l’on attend de nous que nous fassions de plus en plus de choses sans le soutien des deux gouvernements.

Je viens de la Colombie-Britannique. Malheureusement, nous nous sommes habitués aux incendies et aux inondations. Cela ne s’arrête jamais. Vous avez eu plus de temps pour travailler sur vos audits parce que nous avons eu cette expérience pendant un certain temps, contrairement à mes amis. Avez-vous une vision différente pour la Colombie-Britannique? Je sais que vous avez dit avoir procédé à un audit il y a deux mois.

M. DeMarco : Les effets du changement climatique se sont accrus dans tout le Canada sur le plan du réchauffement. Le Nord se réchauffe plus rapidement que le reste du pays, mais le pays dans son ensemble se réchauffe plus rapidement que de nombreux autres pays du monde. Le Canada subit de plein fouet les effets néfastes du changement climatique.

La Colombie-Britannique, en particulier, a connu ces dernières années des incendies de forêt, des inondations dans la vallée du Fraser, des vagues de chaleur et la morbidité et la mortalité humaines associées aux vagues de chaleur, ainsi que des impacts liés à la biodiversité pour ce qui est de l’assèchement des cours d’eau.

La sénatrice Jaffer : Plus la grippe aviaire.

M. DeMarco : Oui. Vous et vos collègues de la Colombie-Britannique subissez de plein fouet ce que l’on a prédit il y a trois décennies comme pouvant se produire en cas de changements climatiques importants. Il est dommage que nous n’ayons pas, en tant que pays ou dans le cadre d’un effort mondial, relevé le défi que nous nous étions fixé en 1992 avec la convention sur le climat et que nous n’ayons pas stabilisé les émissions à des niveaux sûrs. Nous en payons le prix aujourd’hui. Auparavant, c’était une conversation théorique ou abstraite sur ce qui se passerait si la température mondiale augmentait d’un ou de deux degrés. Aujourd’hui, nous constatons ce qui se passe.

La sénatrice Jaffer : J’ai une question à vous poser, monsieur Basiliko. Qu’arrive-t-il au sol dans ces conditions météorologiques extrêmes de sécheresse et d’inondation? Cela se poursuit dans ma province, du moins dans la vallée du Fraser. Quel est l’impact sur le sol? Les producteurs de bleuets autour de moi sont très perturbés par ce qui se passe. Nous le sommes aussi, mais nous ne nous occupons pas tellement des sols. Je me demandais ce que vous aviez à dire à ce sujet.

M. Basiliko : Merci, madame. C’est une bonne question. Il est important de se rappeler que, du moins dans de vastes zones de la forêt boréale du Canada, les perturbations causées par le feu et les infestations régulières de ravageurs sont en quelque sorte naturelles et se poursuivent depuis que ces forêts existent. Mais nous allons plus loin. Nous constatons, par exemple, que les incendies de forêt sont moins nombreux en raison du réchauffement climatique, mais qu’ils sont très graves et de grande ampleur.

Le Washington Post a publié la semaine dernière des graphiques sur la quantité de carbone produite par les incendies de forêt au Canada cette année. Nous en sommes déjà à 90 mégatonnes. Habituellement, la moyenne à long terme, la perte naturelle, est d’environ 70 mégatonnes. Nous en sommes déjà là au début du mois de juin.

Les effets de ces incendies violents sur les sols forestiers sont inévitablement différents de ceux d’incendies de moindre envergure, mais plus épars. Je ne suis pas un spécialiste des incendies. J’ai des collègues qui le sont, donc je ne veux pas outrepasser ma spécialité ou mon domaine d’expertise ici.

Nous ne savons pas exactement. Nous ne savons pas quelle quantité de carbone est perdue ni comment cela modifie la régénération. Au fur et à mesure que les choses évoluent, nous sortons du cadre habituel de nos connaissances. Ces connaissances sont en quelque sorte à la base de la gestion des forêts au Canada afin d’imiter les perturbations naturelles, qui constituent un paradigme assez courant. Nous avons du travail à faire.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie.

Le président : J’ai quelques questions à poser. Monsieur Basiliko, au cours d’une récente mission d’enquête à laquelle le comité a participé à Guelph, nous avons souvent entendu parler de la demande d’un meilleur réseautage pour les pratiques de santé des sols, au-delà de la recherche et de la mise en rapport des agriculteurs pour montrer comment la recherche peut être adoptée. En tant qu’ancien président de la Société canadienne de la science du sol et scientifique actif, comment voyez-vous la concrétisation de cette démarche? Comment pouvons-nous faire en sorte que cela se produise?

M. Basiliko : J’aimerais bien avoir la réponse parfaite à cette question, mais c’est la bonne question à poser.

Je pense que certains de mes collègues qui se sont déjà présentés devant ce comité ont mentionné que la cartographie des sols au Canada a toujours été incomplète. Elle s’est toujours concentrée sur les sols agricoles et les sols « fertiles » à texture fine, et une grande partie de ces travaux a été réalisée par Agriculture et Agroalimentaire Canada il y a 50 ou 60 ans dans certains cas.

Je pense qu’un point de départ, surtout s’il y avait quelque chose à faire à l’échelle fédérale qui serait utile sur le plan de la gestion provinciale, mais aussi sur le plan de l’exploitation agricole, serait un investissement plus important dans l’actualisation de la cartographie des sols. Cela pourrait également inclure davantage de terres forestières et intégrer des éléments tels que la susceptibilité aux changements climatiques et les stocks de carbone. Ce pourrait être un point de départ.

Dans le nord de l’Ontario, par exemple, nous observons au moins une conversion des terres dans les régions où se trouvent des sols à texture fine. Il y a une certaine expansion agricole dans le nord, car le prix des terres dans le sud de l’Ontario est devenu très élevé. En outre, le climat se réchauffe, ce qui permet de commencer à surmonter certains obstacles climatiques à la production de certaines cultures et à l’élevage de certains animaux, mais les cartes pédologiques de ces régions sont plutôt rares. Ce pourrait être un point de départ.

Je ne suis pas allé dans une ferme depuis l’âge de 18 ans, alors je ne veux pas aller au-delà de ma crédibilité là non plus, mais ce serait peut-être un outil utile pour les agriculteurs et un moyen de se connecter.

Le président : Merci beaucoup. J’ai une question pour M. DeMarco.

Nous entendons beaucoup parler du fait que le sol fonctionne comme un tabouret à trois pieds, en conjonction et en coopération avec l’air et l’eau. Dans votre récent rapport, vous avez annoncé que le gouvernement n’atteindrait pas son objectif de deux milliards d’arbres, et nous en avons entendu parler.

Je me tourne vers des programmes comme celui de ma propre municipalité, le Wellington County Green Legacy Programme, qui a réussi à planter plus de trois millions d’arbres au cours des 20 dernières années. Ces programmes sont-ils considérés comme des partenaires? Les rares partenaires dont vous parlez — les provinces, les territoires, les sociétés de gestion forestière, les pépinières sont-ils les partenaires? Comment pouvons-nous arriver à ce qu’une partie du travail soit faite?

M. DeMarco : J’ai mentionné le rôle clé des provinces et des territoires étant donné que 70 % de ce programme devra être mis en œuvre par eux, mais il y a beaucoup d’autres partenaires. En fait, pour la composante arbres urbains de ce programme, les organisations municipales et locales peuvent également être des partenaires volontaires. Ces arbres dans les zones urbaines ont un impact plus négligeable sur la séquestration totale du carbone, mais ils ont un potentiel très élevé sur le plan de la biodiversité et du bien-être humain pour les loisirs, l’ombre, la faune et la flore locales, et cetera.

Absolument, le gouvernement peut travailler non seulement avec les provinces et les territoires, mais aussi avec les collectivités autochtones, les communautés locales, le secteur privé, et ainsi de suite. Il aura besoin de partenaires dans tout le pays et dans de nombreux secteurs différents pour en arriver à deux milliards d’arbres.

Je dois ajouter que nous n’avons pas dit qu’ils n’y parviendraient pas. Il est encore temps de le faire. Nous avons dit qu’ils ne l’atteindraient pas à moins que des changements importants ne soient apportés. Nous ne voulons pas faire une croix sur le programme. Il est encore réalisable du point de vue des deux milliards d’arbres. Du point de vue de la séquestration, ils n’atteindront pas ces objectifs dans les années qu’ils souhaitaient, mais ils le reconnaissent. Cela vaut la peine de le faire et de corriger le tir pour atteindre l’objectif de deux milliards d’arbres.

Le président : Je vous remercie de cet éclaircissement. Merci.

La sénatrice Simons : Je m’adresse à M. Basiliko. Vous avez parlé dans votre déclaration liminaire de projets visant à enrichir le sol en utilisant les déchets de la transformation du bois. Je ne pense pas que quelqu’un nous ait parlé de l’idée de fertiliser ou d’enrichir le sol, mais j’imagine qu’il serait difficile de le faire à grande échelle. Pouvez-vous nous donner quelques exemples de ceux qui font ce genre de travail et nous dire dans quelle mesure il est plausible de l’étendre à l’entretien de nos forêts?

M. Basiliko : C’est une excellente question. En fait, le Service canadien des forêts de Ressources naturelles Canada dispose d’un réseau appelé AshNet. Ce réseau étudie l’utilisation de la cendre de bois issue de la production de bioénergie. L’écorce qui a été retirée dans les scieries et les usines de pâte à papier est généralement brûlée dans des chaudières à biomasse. Les minéraux, les éléments non volatils du sol ont tendance à se concentrer dans l’écorce. Il existe un vaste réseau national de chercheurs, dont mon équipe qui fait partie du groupe AshNet dirigé par le Service canadien des forêts, qui s’intéressent tout d’abord aux besoins de l’écosystème. Ces cendres de bois contiennent beaucoup de calcium, de potassium, de magnésium et de phosphore. Du point de vue de la physiologie du sol et de l’arbre, quelle est la meilleure façon d’appliquer ces éléments? Je pense que nous sommes sur le point d’avoir la réponse.

L’étape suivante est exactement ce que vous avez dit. Sur le plan opérationnel, comment procéder? Comment modifier le matériel de transport et de récolte pour qu’il puisse transporter les cendres de bois jusqu’à la forêt? C’est quelque chose qui est légiféré dans certaines parties de la Fennoscandie, par exemple. En Suède, lors des récoltes intensives de biomasse, environ huit tonnes de cendres de bois par hectare doivent être replacées dans le sol de la forêt. Ce n’est pas le cas au Canada. Cela s’explique en partie par des problèmes de logistique et d’exploitation forestière, mais aussi par la réglementation. Par exemple, dans les forêts de la Couronne de l’Ontario, nous ne fertiliserions jamais avec des engrais synthétiques comme le font certaines régions de la Colombie-Britannique. Cela est en partie lié à l’idée d’essayer d’imiter les perturbations naturelles. Comment modifier ou ajuster les consignes de gestion forestière pour que le retour des cendres de bois reproduise ce qui pourrait se produire lors d’un feu de forêt naturel? Ainsi, pour récolter les forêts au lieu de les laisser brûler, l’application de cendres de bois répond peut-être à ce genre de paradigme.

Nous en sommes à l’étape suivante, et nous espérons que les choses évolueront.

Le sénateur C. Deacon : Je voudrais m’appuyer sur ce que vient de dire M. Basiliko, à savoir des méthodes novatrices pour atteindre le même objectif. Je trouve que l’approche « partant d’Ottawa » pour atteindre les cibles et les objectifs manque trop souvent de créativité parce qu’elle est le fruit de cerveaux et d’expériences basés à Ottawa. En revanche, si nous nous rendons dans les collectivités et si nous regardons ce qui se passe à l’étranger, nous pouvons trouver des modèles très créatifs.

Supposons que nous devions accélérer la courbe en nous fondant précisément sur les données dont vous disposez. Quels sont les modèles novateurs que vous avez vus et qui peuvent commencer à dépasser les questions de compétence provinciale, fédérale et provinciale et ce qui semble ralentir les choses pour les fonctionnaires parce qu’ils doivent gérer ces différentes questions de compétence? Comment pouvons-nous engager et catalyser des moyens plus innovants pour atteindre cet objectif très important? Avez-vous étudié des modèles comme ceux que M. Basiliko vient de nous présenter?

M. DeMarco : Nous n’avons pas abordé les contrats individuels que le Canada a signés pour la réalisation de ce projet, mais nous devons féliciter le ministère de ne pas avoir adopté une approche purement descendante — je crois que vous l’avez appelée l’approche « partant d’Ottawa » — parce qu’il est disposé à établir des partenariats avec les municipalités, les collectivités, les communautés autochtones et ainsi de suite pour la réalisation de ce projet. C’est un bon signe. C’est le signe qu’il s’agit d’un problème qui concerne l’ensemble de la société, le changement climatique et la perte de biodiversité, et qu’il va nécessiter une solution qui concerne l’ensemble de la société.

Je dirais que sur un plan très général, l’un des enseignements tirés de notre rapport de 2021 concerne le renforcement de la collaboration entre tous les acteurs pour trouver des solutions au problème du climat. Nous avons quelques exemples de solutions climatiques dans ce rapport de 2021. Je vous invite à y jeter un coup d’œil. Les partenariats auxquels participent tous ceux qui sont à la fois à l’origine des problèmes et leur solution, cette approche de l’ensemble de la société, sont meilleurs qu’une approche descendante, j’en conviens.

La sénatrice M. Deacon : Ceci s’adresse à tous nos témoins. Si vous avez des programmes innovateurs qui disent que si l’on faisait ceci, on ferait beaucoup plus de progrès, pouvez-vous nous les envoyer? Ils pourraient se révéler être de bons témoins que nous pourrions inviter pour en apprendre davantage sur les moyens novateurs et perturbateurs d’obtenir des résultats dans le cadre de cet objectif très important.

Le président : Monsieur DeMarco, madame Grondin et monsieur Basiliko, merci beaucoup pour votre témoignage d’aujourd’hui. Comme vous pouvez le constater, vous avez abordé un sujet qui nous tient à cœur.

Je vous demanderais, monsieur Basiliko, d’éteindre votre caméra. Vous pouvez rester pour écouter, si vous le souhaitez.

Nous allons maintenant demander à notre deuxième groupe de témoins d’allumer leurs caméras et de se joindre à nous.

Je remercie nos témoins présents dans la salle.

Chers collègues, pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons, par vidéoconférence, Mohamad Yaghi, responsable principal, Politique agricole et climatique, Institut action climatique, de la Banque Royale du Canada, et Lara O’Donnell, directrice générale, de la Fondation de la famille Weston. Monsieur Yaghi et madame O’Donnell, vous disposez chacun de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Lorsqu’il ne restera plus qu’une minute, je lèverai la main et lorsque je lèverai les deux mains, il sera temps de conclure. Sur ce, la parole est à monsieur Yaghi.

Mohamad Yaghi, responsable principal, Politique agricole et climatique, Institut action climatique, Banque Royale du Canada : Merci infiniment et bonjour, honorables sénateurs et distingués invités. C’est un honneur d’être invité à participer à cette discussion.

Au sein de l’Institut action climatique de la Banque Royale du Canada, communément appelée RBC, nous rassemblons les résultats de recherches et des experts du secteur pour aider les clients et les collectivités à mettre en œuvre des solutions à la crise climatique. En réunissant des économistes, des analystes de politiques et des stratèges du milieu des affaires, nous voulons contribuer à la recherche et proposer des idées qui peuvent contribuer aux ambitions économiques et climatiques du Canada. Nous pensons que le secteur agricole est essentiel pour aider le Canada à atteindre ses objectifs dans la transition vers la carboneutralité. Nous le faisons entre autres en étudiant le rôle de la santé des sols et la manière dont elle peut rendre les exploitations agricoles canadiennes plus résilientes sur le plan environnemental et plus rentables sur le plan économique.

Le sol que nous foulons au Canada a le potentiel de stocker et de séquestrer le carbone et d’agir ainsi comme un puits de carbone. Selon nos estimations, cela signifie que les terres agricoles du Canada peuvent séquestrer annuellement entre 35 et 38 mégatonnes d’émissions de gaz à effet de serre, réduisant ainsi d’environ 25 % les émissions potentielles de 2050.

Le monde et la RBC reconnaissent l’incroyable potentiel du sol comme outil de lutte contre le changement climatique, mais des obstacles majeurs s’opposent à l’exploitation de ce potentiel. Le principal d’entre eux est le coût pour les producteurs de l’adoption de pratiques plus intelligentes en matière de climat. Déjà confrontés à des conditions économiques difficiles, les agriculteurs doivent également supporter le coût d’un équipement coûteux, les pertes de rendement potentielles liées aux nouvelles pratiques et d’autres risques. En termes simples, nous ne pouvons pas demander sans cesse à nos agriculteurs de supporter le risque financier de cette transition, surtout sans l’aide dont bénéficient leurs pairs aux États-Unis ou dans l’Union européenne.

Pour amorcer ce changement, la RBC s’est associée à Loblaw, aux Aliments Maple Leaf, à Nutrien et au Centre for Canada’s Future du Boston Consulting Group, avec le soutien du Smart Prosperity Institute, de The Natural Step Canada et de l’Arrell Food Institute de l’Université de Guelph, pour lancer la Canadian Alliance for Net-Zero Agri-food, ou CANZA.

Globalement, la CANZA vise à rassembler les bonnes personnes dans la chaîne de valeur alimentaire, à établir des partenariats entre les secteurs afin d’augmenter considérablement les investissements et de stimuler l’innovation à l’échelle nationale, tout en tenant compte des réalités régionales. Le Canada utilisera le pouvoir de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement agricole pour stimuler le changement.

L’objectif de cette alliance est de réduire les émissions de 50 mégatonnes d’ici à 2030 et de 150 mégatonnes d’ici à 2050. Pour que les changements soient aussi rapides et efficaces que possible, deux volets de travail ont été créés, la Carbon Farming Initiative et la National Biodigester Network Initiative. Ces initiatives s’attaqueront aux principales sources d’émissions de la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire, l’objectif étant de réduire les émissions de 50 mégatonnes d’ici à 2030.

Si l’on y réfléchit bien, cela ne représente que six saisons de culture après cette année. Cela n’a rien d’effrayant.

L’initiative pour l’agriculture du carbone vise à mettre au point un système de mesure, de déclaration et de vérification peu coûteux, évolutif et pertinent à l’échelle nationale ainsi qu’à créer une plateforme de crédits de carbone pour aider les producteurs à créer et à monétiser des actifs carbone de grande qualité. Nous voulons aussi atténuer les risques technologiques pour les producteurs et tester les innovations pour leur permettre de savoir ce qui pourrait fonctionner le mieux dans leurs exploitations. Un premier projet de démonstration en Saskatchewan jettera les bases d’autres projets pilotes dans tout le pays, qui s’adresseront à toutes les exploitations agricoles.

La deuxième initiative du réseau de biodigesteurs naturels vise à établir une feuille de route et un modèle pour la mise à l’échelle d’un réseau de digestion en vue de valoriser des déchets dans des zones à fortes émissions au Canada. En créant des incitatifs politiques et commerciaux pour l’aménagement de digesteurs agricoles, le volet de travail fournira une source stable de biomasse et créera de nouvelles possibilités économiques.

Nous souscrivons à la mission du comité et nous pensons que l’un de ses plus grands impacts peut être d’aider à guider les responsables des politiques sur la meilleure façon de créer des orientations normalisées pour un cadre de mesure, de déclaration et de vérification, ou MDV, pour la séquestration du carbone et le sol. Des orientations détaillées et normalisées en matière de MDV permettront de préciser comment les crédits compensatoires peuvent être commercialisés. En outre, la création d’une base de données nationale sur les sols peut aider les producteurs à comprendre les pratiques climatiques qui conviennent à des catégories de sol données.

En adoptant la bonne approche, nous pouvons saisir une occasion en or de récompenser les producteurs non seulement pour ce qu’ils peuvent produire, mais aussi pour ce qu’ils conservent.

Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci. Nous passons maintenant à Mme O’Donnell.

Lara O’Donnell, directrice générale, Fondation de la famille Weston : Au nom de la Fondation de la famille Weston, je vous remercie de m’avoir invitée à m’exprimer sur l’importance d’une occasion d’améliorer la santé des sols sur les terres agricoles canadiennes. Avant de venir vous voir, nous avons sondé nos bénéficiaires et nous avons trois points à soulever qui reflètent leurs opinions et les leçons que nous avons retenues : premièrement, l’importance de la santé des sols pour la biodiversité; deuxièmement, le fait que les producteurs canadiens sont des gardiens et des champions essentiels de la santé des sols et qu’ils méritent d’être inclus dans la conversation et la conception des futures stratégies pour la santé des sols; et troisièmement, le fait que le temps est venu d’aider le secteur agricole à adopter des pratiques exemplaires en matière de santé des sols.

Tout au long des 60 ans d’existence de la Fondation de la famille Weston, notre objectif a été d’améliorer le bien-être des Canadiens. Nous adoptons une approche collaborative de la philanthropie et nous travaillons avec des partenaires dynamiques pour créer des impacts durables au Canada. À ce jour, nous avons financé à hauteur de plus de 200 millions de dollars des initiatives visant à protéger et à restaurer la biodiversité du Canada dans des paysages ruraux, urbains et sauvages, d’un océan à l’autre.

Dans cet objectif, nous avons constaté que les zones les plus précieuses pour la biodiversité au Canada sont souvent les terres consacrées à l’agriculture et que la partie la plus riche en biodiversité de ces terres, comme vous le savez certainement, est le sol. Voilà pourquoi une partie de notre stratégie de conservation se concentre sur les pratiques agricoles durables et écologiques.

Le secteur agricole est très prometteur pour la conservation et la résilience de la biodiversité. À cette fin, nous avons investi dans la croissance et l’expansion d’ALUS Canada, une organisation qui fournit le savoir-faire et les ressources nécessaires à la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature sur les terres agricoles. Nous travaillons aussi dans les prairies de l’Ouest canadien en favorisant l’adoption de pratiques exemplaires de gestion pour les éleveurs.

La recherche scientifique montre que le soutien à la santé des sols sur les terres agricoles du Canada offre une solution immédiate pour améliorer la biodiversité du pays et contribuer à atténuer les effets néfastes du changement climatique. La matière organique d’un sol sain contribue à améliorer la rétention de l’eau, favorise la séquestration du carbone et rend les écosystèmes agricoles plus résilients et mieux à même de se rétablir et de s’adapter aux stress environnementaux comme la sécheresse et les inondations.

Nos recherches ont révélé qu’en dépit de l’importance de la santé des sols et des possibilités qu’offrent les terres agricoles, de nombreuses exploitations agricoles canadiennes ne sont pas gérées de manière à optimiser la santé des sols. Par exemple, la teneur du sol en matières organiques diminue dans 82 % des terres agricoles ici même, en Ontario, et de plus en plus de données probantes donnent à penser que cette tendance est en train de se produire dans tout le Canada. Les sols sont menacés d’érosion, les rotations de cultures sont de moins en moins diversifiées et l’on assiste à un abandon des fourrages pérennes au profit des cultures annuelles.

En soutenant le secteur de l’agriculture durable au fil des ans, nous savons que la grande majorité des producteurs sont soucieux de la conservation et ont une conscience aiguë de l’importance de la santé des sols. Bien que de nombreux agriculteurs souhaitent améliorer leurs pratiques pour la santé des sols sur leurs terres, de nombreux obstacles légitimes les empêchent de le faire. Bien que ces obstacles varient, comme nous venons de le mentionner, les principales raisons sont les coûts initiaux connexes et le manque de connaissances techniques ou de mise en application de ces pratiques dans leur contexte agricole. L’occasion est donc excellente de combler cette lacune et de trouver les bonnes approches régionales pour accroître l’adoption de ces pratiques et aider les agriculteurs à réaliser leurs objectifs en matière de viabilité économique et environnementale.

Au printemps 2022, notre fondation a lancé l’initiative de la famille Weston pour la santé des sols qui vise à promouvoir l’adoption généralisée de pratiques exemplaires de gestion, scientifiquement éprouvées, pour augmenter la teneur organique des sols sur les terres agricoles canadiennes.

Nous nous sommes engagés à verser 10 millions de dollars sur cinq ans à huit organisations qui font la promotion de la santé des sols au moyen de différentes approches synergiques. Ces approches comprennent des encouragements financiers à l’intendance, le soutien à la sensibilisation et à l’éducation et le soutien aux approches fondées sur le marché en vue de l’adoption.

Bien qu’il soit encore tôt, nos bénéficiaires, dont beaucoup sont eux-mêmes des agriculteurs, nous ont dit que pour réussir, nous ne pouvons pas miser sur une approche universelle. Certaines pratiques de santé des sols fonctionnent bien dans certaines régions du pays et d’autres non, ou du moins pas avant que d’autres conditions soient remplies. Toute évolution vers une meilleure santé des sols ne doit pas se faire au détriment de la productivité et des réalités économiques de l’exploitation agricole. Les producteurs ont besoin d’un menu d’options et de points d’accès à l’aide pour que ce changement se produise à une échelle utile.

En conclusion, nous vous remercions de votre volonté de soutenir la santé des sols. Nous vous encourageons à continuer d’écouter et d’apprendre d’une variété de producteurs. Nous aurons besoin de leur engagement pour créer le changement nécessaire à l’évolution vers un secteur agricole plus centré sur les sols et de l’engagement du gouvernement canadien à veiller à la mise en place de mesures de protection de notre biodiversité. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci beaucoup à nos témoins. Nous allons commencer la période de questions. Je vais exercer la prérogative de la présidence et poser la première question.

Madame O’Donnell, vous avez parlé des 10 millions de dollars que vous avez engagés dans ce programme sur les sols. Avec qui avez-vous coordonné la mise en œuvre? S’agissait-il de groupes provinciaux? Comment avez-vous déterminé les pratiques les plus nécessaires pour améliorer la gestion, et quels chercheurs avez-vous consultés, si vous l’avez fait? D’où vous est venue cette idée?

Mme O’Donnell : Nous nous sommes livrés à un exercice de consultation de près d’un an auprès d’un très grand nombre de chercheurs. Je n’ai pas la liste, mais ils venaient de partout au pays. Je serai ravie de vous communiquer la liste en temps voulu ou d’une autre manière.

En ce qui concerne la façon dont nous avons lancé le programme, nous avons lancé un appel ouvert et demandé aux organisations que nous pourrions financer de nous faire part de leurs idées. Nous avons reçu des candidatures d’une large gamme d’organisations de tailles différentes à travers le pays et certaines d’entre elles ont été financées.

L’initiative que nous menons comporte deux volets. La véritable expérimentation que nous envisageons porte sur les mesures incitatives et les approches qui aideront les agriculteurs à faire le premier pas ou à faire le second. C’est ce que nous testons. Je n’ai pas la réponse à ces questions. Nous nous sommes concentrés sur trois pratiques exemplaires de gestion, soit les cultures de couverture, la rotation des cultures et la gestion des nutriments misant sur les « 4 B ». Nous nous sommes concentrés sur ces pratiques et nous avons demandé aux candidats de les inclure dans leurs approches parce que nous avons constaté qu’elles s’appuyaient sur les preuves scientifiques les plus solides. Grâce à cette consultation, le milieu agricole comprenait déjà ces pratiques, en avait généralement une bonne idée et essayait de les adopter. Enfin, la socialisation et la compréhension étaient déjà bien présentes. Nous n’avons pas obligé nos candidats à des subventions à s’en tenir à ces pratiques, mais nous voulions qu’elles soient au moins incluses dans les solutions qu’ils proposaient.

Le président : Merci infiniment et merci pour votre travail sur le sujet.

La sénatrice Simons : Je veux m’adresser d’abord à M. Yaghi. L’idée de créer des marchés du carbone qui fonctionnent vraiment et qui ont une valeur économique concrète et stable m’intéresse beaucoup, mais je m’inquiète. Nous avons discuté avec plusieurs personnes qui expérimentent différents modèles, mais aucun d’eux ne comporte des liens cohérents.

Comment pouvons-nous établir un marché du carbone fonctionnel pour le Canada, dans lequel nous ne nous contentons pas d’échanger des rubans de bonne conduite, mais où nous disposons réellement d’un marqueur de valeur?

M. Yaghi : C’est une excellente question, merci beaucoup. Tout d’abord, si nous prenons le cadre de mesure, de déclaration et de vérification, la composante de mesure doit être fondamentale, car nous voulons renforcer la confiance de tous ceux qui achètent de tels produits. La mesure sera une façon fondamentale d’en tenir compte, car si nous pouvons renforcer la confiance que nous avons dans la mesure de la séquestration du carbone, cela nous offrira une occasion rêvée. Tout d’abord, nous considérons comme une avancée viable le principe selon lequel la perfection est l’ennemie de l’exécution. Nous devons essayer différents programmes et voir lequel sera le plus efficace, non seulement pour les personnes qui achètent des crédits sur le marché libre, mais aussi pour les producteurs eux-mêmes, parce qu’à l’heure actuelle, nous constatons que les coûts administratifs de l’assurance représentent une grande partie du prix des crédits.

Nous devons mettre en œuvre ces programmes pour qu’ils soient évolutifs et abordables pour les producteurs afin qu’ils puissent en tirer le plus grand bénéfice possible. En permettant aux décideurs politiques et à Ottawa d’établir une ligne directrice normalisée pour les mesures, cela contribuera à faire avancer les choses, car la confiance des consommateurs qui achètent ces produits s’en trouvera également renforcée.

La sénatrice Simons : Je vais poser ma deuxième question à Mme O’Donnell. J’aimerais en savoir plus sur vos travaux sur les prairies de l’Ouest. Cette année, des régions du Sud de l’Alberta ont déjà annoncé qu’elles n’auraient aucune récolte en raison de la sécheresse. De nombreuses régions du Sud de l’Alberta et de la Saskatchewan ont été conçues par Dieu et la nature pour être broutées par de grands animaux et non pour être ensemencées. Comment pouvons-nous encourager plus de gens dans ces régions à cultiver des couvertures fourragères pérennes ou à ne pas arracher les prairies pour ensemencer une culture commerciale dont la seule valeur est peut-être l’assurance?

Mme O’Donnell : C’est une excellente question. Nous avons délibérément maintenu la séparation entre nos travaux sur les prairies de l’Ouest et nos travaux sur la santé des sols. L’initiative de la famille Weston sur la santé des sols est distincte de notre travail sur les prairies. L’approche générale que nous adoptons consiste à essayer de donner le plus de choix possible aux producteurs, surtout à ceux qui vivent dans les Prairies et qui ne veulent pas convertir leurs prairies en cultures. Comment pouvons-nous les aider à faire ce choix tout en préservant les prairies? Nous avons utilisé toute une série d’outils et nous avons travaillé avec plusieurs partenaires pour les inciter à le faire. Par exemple, il s’agit de les aider à accéder à meilleur coût aux pâturages, d’installer des clôtures pour les animaux et d’améliorer leurs terres, donc de les aider financièrement. Je ne pense pas qu’il y ait une solution universelle, mais nous essayons de donner des options à tous les producteurs pour qu’ils puissent faire les meilleurs choix possible à l’égard de la gestion de leurs terres.

La sénatrice Simons : Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Klyne : Ma première question s’adresse à M. Yaghi. Un rapport de la RBC intitulé 92 à zéro : comment la réconciliation économique peut contribuer à la réalisation des objectifs climatiques du Canada affirme que la transition du Canada vers la carboneutralité reposera sur des sources cruciales de capitaux détenus par des nations autochtones. Une grande partie des sols que nous devons protéger se trouve sur des terres détenues par des nations autochtones et ces terres sont des solutions naturelles pour le progrès dans la lutte au changement climatique. Pouvez-vous nous expliquer comment l’Institut d’action climatique de la RBC a consulté les Autochtones et pris en compte leurs savoirs ancestraux? Y a-t-il des leçons ou des idées à cet égard dont vous pourriez nous faire part pour ajouter de la valeur à notre étude?

M. Yaghi : Merci beaucoup pour votre question. Tout d’abord, les collectivités autochtones du Canada utilisent des pratiques intelligentes en matière de climat depuis des millénaires. Il s’agit également d’apprendre ce que l’agriculture autochtone a fait au cours des siècles. Il y a une forte reconnaissance de ce constat.

Je sais que je sors un instant de nos terres, mais si nous pensons à nos océans, le Canada a le plus long littoral du monde. De nombreuses collectivités autochtones vivant le long des côtes gardent intacts les zostères marines et les marais salants qui séquestrent d’énormes quantités de carbone, ce qui représente également une grande possibilité.

Les collectivités autochtones joueront un rôle essentiel dans la transition vers la carboneutralité. Nous devons non seulement apprendre d’elles les pratiques qu’elles ont mises en œuvre au fil des siècles, mais aussi ce qu’elles sont en train de redynamiser dans leurs propres collectivités grâce à leurs compétences agricoles. Nous constatons qu’en Saskatchewan quelques collectivités retournent à la terre pour mettre en œuvre des initiatives intelligentes en matière de climat. C’est aussi un élément fondamental de notre recherche lorsque nous examinons ce que ces collectivités font, parce que le Canada peut aussi apprendre beaucoup de ces collectivités.

Le sénateur Klyne : J’espère que la RBC produira un rapport, peut-être sous la plume de M. Stackhouse.

J’ai une question pour Mme O’Donnell. Je suis impressionné que M. Yaghi ait fait référence aux compétences des régions agricoles autochtones. De nombreux Canadiens ne sont pas conscients de la vaste étendue des terres arables et des pâturages détenus par les nations autochtones, sans parler de la valeur écologique des riches écosystèmes que les nations autochtones protègent avec vigilance.

En ce qui concerne les initiatives de la famille Weston pour la santé des sols et pour les prairies de l’Ouest, pouvez-vous nous expliquer comment ces initiatives se sont adressées de manière proactive aux nations autochtones pour les aider dans leurs efforts visant non seulement à promouvoir des terres agricoles plus adaptables et résilientes, mais aussi à protéger et à restaurer les écosystèmes les plus précieux pour l’écologie et les plus menacés du Canada, qui sont détenus par les nations autochtones et qu’elles protègent avec vigilance?

Mme O’Donnell : Je vous remercie. C’est une excellente question.

Je peux aborder quelques points. Dans notre processus d’exploration et de consultation, nous nous adressons à une vaste gamme de personnes et d’organisations, dont beaucoup peuvent représenter exactement ce que vous décrivez. Il s’agit là de la phase initiale.

En ce qui concerne notre approche, pour la plupart de nos concours, nous essayons d’organiser un processus ouvert. Cela permet à de nombreux groupes, représentants et organisations représentatives de présenter leurs idées, de consulter leurs collectivités et d’en parler.

En ce qui concerne notre programme pour la santé des sols, l’Université de la Saskatchewan est l’une des organisations que nous avons financées. Son projet porte explicitement sur les cercles d’apprentissage autochtones sur la santé des sols. Ce projet visait à établir des cercles d’apprentissage sur la santé des sols qui mettront en commun des connaissances d’un point de vue autochtone et du point de vue de la science occidentale. Les personnes qu’ils ciblent et avec lesquelles ils travaillent sont des agriculteurs autochtones ou non autochtones qui cultivent et gèrent des terres autochtones.

Le sénateur C. Deacon : Je remercie nos témoins.

Madame O’Donnell, je commencerai par un commentaire. Je pense que le nombre d’initiatives dont votre organisation s’occupe est formidable. L’an dernier, j’ai pu en apprendre beaucoup sur les abeilles sauvages en Nouvelle-Écosse grâce à un programme que vous financez. Chers collègues, il y a 120 espèces différentes d’abeilles sauvages en Nouvelle-Écosse et certaines d’entre elles pollinisent tout ce que nous cultivons en Nouvelle-Écosse. Il y a d’autres options que l’abeille mellifère commune. « Venez nous rendre visite. Nous piquerons votre curiosité à mort. »

Notre plus grande difficulté a été de trouver comment favoriser une meilleure coordination des efforts à l’échelle fédérale entre AAC, ECCC et ISDE en raison du nombre d’approches et de technologies innovantes nécessaires et RNCan. Il ne semble pas y avoir beaucoup d’horizontalité entre ces ministères et les différentes responsabilités pour s’assurer que nous agissons sur le terrain. Comme vous l’avez dit, monsieur Yaghi, la perfection limite le progrès dans tous les cas, et la perfection est ce que nous recherchons à Ottawa; nous ne bougeons pas tant que nous n’avons pas trouvé cette perfection insaisissable. C’est un problème.

Vous travaillez tous deux sur des initiatives importantes. Quelle est la chose sur laquelle vous aimeriez que nous nous concentrions pour essayer d’obtenir un effort fondé sur une politique publique qui vous permette d’avoir le vent dans les voiles dans ce que vous faites?

Mme O’Donnell : C’est une bonne question, mais il est difficile d’y répondre.

En ce qui concerne la santé des sols en particulier, nos bénéficiaires nous ont dit qu’il fallait garder les choses aussi simples que possible pour le milieu agricole. Il y aura des complexités dans chaque organisation, et je peux comprendre et mesurer les complexités avec lesquelles vous devez composer en tant que gouvernement, mais nous ne voulons pas que ces complexités se répercutent sur les producteurs. Comme nous l’avons entendu, ils sont déjà très stressés. Ils portent le fardeau de produire des aliments, ils essaient de garder nos terres en bonne santé et ils doivent faire face à des tensions économiques et générationnelles dans leurs exploitations.

Nous devons vraiment faire tout en notre pouvoir pour que l’adhésion à un programme ou une politique soit la plus facile possible pour eux et la plus simplifiée.

Je dirais aussi qu’en ce qui concerne la santé des sols, nos bénéficiaires, dont beaucoup sont des producteurs, nous ont dit sans détour qu’il n’y a pas de solution universelle. Il est essentiel qu’ils disposent d’un menu d’options, d’une sélection d’outils qu’ils peuvent essayer et auxquels ils peuvent accéder. Ainsi, en fonction de leur situation régionale dans le pays, ils ont des options à leur disposition. L’avantage de cette démarche est qu’elle permet de faire participer et de joindre le plus grand nombre de producteurs possible, où qu’ils se trouvent dans le continuum de l’exposition aux différentes pratiques pour la santé des sols.

Je m’arrêterai là pour permettre à M. Yaghi de s’exprimer.

Le sénateur C. Deacon : Ce sont d’excellentes suggestions.

M. Yaghi : Commençons par le thème, soit d’atténuer les risques de cette transition pour beaucoup de nos producteurs. Parmi les agriculteurs canadiens, 65 % ont déjà adopté une forme de pratique intelligente en matière de climat, qu’il s’agisse du semis direct ou des cultures de couverture. Il s’agit de faciliter cette transition en réduisant les risques financiers pour eux.

L’un des moyens d’y parvenir consiste à élaborer un cadre de mesure, de déclaration et de vérification. Si Ottawa peut fournir plus d’orientations sur la mise en place d’un tel cadre, cela aidera une grande partie du marché secondaire du carbone à se développer à sa manière. Que ce soit au moyen de crédits compensatoires pour la fixation du carbone ou par la compensation en interne, il sera incroyablement utile et plus lucratif pour les producteurs de bénéficier de ces programmes. Pour l’instant, les programmes ne sont pas aussi rentables qu’ils devraient l’être.

Enfin, et c’est une demande personnelle — malheureusement, nous ne disposons que de cinq minutes par sénateur, mais je pourrais y consacrer cinq heures —, j’adore copier les politiques d’autres pays. L’Australie a des archives nationales des sols. Elles sont en train d’être mises sur pied ou l’ont déjà été. L’un des avantages de ces archives nationales des sols est qu’elles permettent d’informer les exploitants agricoles du pays sur les pratiques mises en œuvre en fonction des catégories de sol et de sous-sol afin de les aider à mieux comprendre les pratiques les moins risquées pour eux. S’ils peuvent consulter cette information, ils disposent d’un outil qui leur permet de mieux planifier l’avenir.

En fin de compte, lorsque nous regardons d’autres pays, comme les États-Unis et l’Union européenne, qui injectent des milliards dans des programmes comme le programme des partenariats pour des produits de base intelligents en matière de climat des États-Unis, doté de 20 milliards de dollars, le Canada fournit une certaine aide financière, mais ce n’est pas la seule politique que nous devrions avoir au menu. Ce n’est pas une solution miracle. Nous devrions offrir une série d’options aux agriculteurs afin de les aider à tirer le maximum de valeur de cette transition. Je vous remercie de votre attention.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup à vous deux. Ce sont d’excellentes suggestions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Yaghi. En passant, nous accueillerons bientôt comme témoin Penny Wilks, la défenseure des sols d’Australie, et nous en saurons donc plus sur cette possibilité qu’ils ont mise en œuvre.

M. Yaghi : Parfait.

Le sénateur Cotter : Je vous remercie.

Monsieur Yaghi, j’ai cru que vous étiez en communication spirituelle avec notre président. Nous avons accordé beaucoup d’attention à ce qui se passe en Australie et nous avons des idées sur les façons dont nous pourrions en tenir compte dans notre travail.

J’ai deux questions à poser. La première s’inscrit dans le prolongement de la question posée par le sénateur Klyne sur les agriculteurs et l’agriculture autochtones. Il n’y a pas si longtemps, les gouvernements du Canada et de la Saskatchewan ont conclu des ententes-cadres sur les droits fonciers issus de traités qui ont permis de verser environ trois quarts de milliard de dollars aux Premières Nations qui n’ont pas obtenu la totalité des terres auxquelles elles avaient droit en vertu de traités conclus il y a un siècle ou plus. Une part importante de cet argent a été investie dans des terres agricoles situées à l’intérieur, autour ou à proximité de réserves existantes des Premières Nations.

On m’a dit qu’une grande partie de ces terres ont été louées, peut-être faute de compétences en agriculture. Nous avons entendu des témoignages ici même sur le fait que les locataires n’ont pas le même engagement à long terme que les propriétaires envers les terres et, par conséquent, leur gestion et leur entretien minutieux, mais cette situation est en train de changer.

Je m’interroge sur la mesure dans laquelle les banques et les autres financiers voient la valeur de ce type de transition dans les endroits où les pratiques agricoles modernes peuvent être influencées par les utilisations traditionnelles des terres par les Autochtones. C’est la question que je vous pose.

Madame O’Donnell, en ce qui concerne ces deux initiatives importantes, disposez-vous de ce que nous pourrions appeler des mesures de succès? À la fin de ces projets, comment saurez-vous si vous avez obtenu ce que vous espériez de l’investissement que votre Fondation a fait dans ces différents domaines?

M. Yaghi : Madame O’Donnell, voulez-vous vous lancer?

Mme O’Donnell : Pourquoi ne commenceriez-vous pas?

M. Yaghi : Pour répondre à votre première question, monsieur Cotter, plusieurs pratiques intelligentes en matière de climat que nous observons aujourd’hui sur les terres autochtones sont identiques à celles qui sont préconisées dans le monde entier. Lorsque nous les examinons de loin, ces pratiques sont intéressantes pour beaucoup de gens parce qu’elles promettent de séquestrer le carbone. Le défi actuel consiste à mesurer cette séquestration du carbone. Nous aimerions en voir davantage, en particulier dans les collectivités autochtones — qui sont en train de reconstituer leur capacité agricole comme nous l’avons vu dans quelques collectivités de la Saskatchewan. Il y a aussi une longue histoire dans ce domaine. La banque est tout à fait favorable à ce que les collectivités réintègrent le secteur agricole. Il importe aussi de souligner qu’en ce qui concerne la location de terres, de nombreux propriétaires terriens examinent aujourd’hui leurs terres et cherchent la meilleure façon de comprendre le stock de carbone de leurs terres afin de maintenir leur résilience. Lorsque nous parlons de durabilité, nous parlons aussi de santé des sols. La santé des sols c’est la façon dont nous rendons nos terres plus résistantes et plus saines pour les générations futures.

Le président : Merci.

Madame O’Donnell, vous avez du temps, alors prenez-le pour répondre à la question.

Mme O’Donnell : Très bien, je vous remercie.

C’est une excellente question. Nous faisons de notre mieux pour établir une forme de mesure avant toute initiative majeure que nous entreprenons. Je le répète, cela se fait généralement dans un processus de consultation avec des conseillers et des organisations qui nous aident à élaborer un programme. Par exemple, dans notre initiative de la famille Weston pour la santé des sols, nous espérons qu’à la fin de l’initiative, nous aurons amendé environ 1,5 million d’acres de terres agricoles en incluant les pratiques exemplaires de gestion que j’ai mentionnées, à savoir les cultures de couverture. C’est un exemple de l’une des mesures que nous espérons atteindre. Nous espérons mettre à contribution environ 20 000 producteurs à l’échelle nationale par l’intermédiaire des huit organisations avec lesquelles nous travaillons. Nous espérons former et éduquer environ 7 000 producteurs aux nouvelles pratiques.

Voilà le genre d’objectifs que nous nous fixons. Ils évoluent dès l’idéation et la conception du programme, et une fois que nous avons identifié nos bénéficiaires, nous continuons à les affiner.

Cela dit, nous nous considérons vraiment comme un espace philanthropique capable de prendre des risques. Si nous échouons sur ces indicateurs, nous en tirons des leçons qui s’imposent. L’espoir pour nos programmes et nos initiatives est que nous puissions communiquer ces leçons aux gouvernements, aux banques et à tous ceux qui souhaitent lancer des programmes. Nous pouvons leur dire que c’est là que nous avons réussi et c’est là que nous avons échoué. Nous estimons que nous disposons du capital de risque nécessaire pour tester certaines de ces choses.

Le sénateur Cotter : Vous êtes de loin mieux informée et plus sophistiquée que moi sur ce sujet. L’un des avantages que vous avez également, sur la base de l’information et des leçons tirées de cette initiative pour la santé des sols, est de pouvoir de transmettre ce message au groupe que vous avez identifié et à plus grande échelle. Il me semble que plus vous serez en mesure de le faire, plus cela catalysera l’activité d’un plus grand nombre de personnes que les seuls premiers utilisateurs sur un grand nombre de ces questions. Peut-être qu’au lieu de faire une publicité sur le pain, M. Weston pourrait faire une publicité sur la santé des sols, que nous pourrions tous regarder à la télévision.

Mme O’Donnell : Je ne peux pas parler en son nom, mais je peux dire qu’à la Fondation de la famille Weston, nous sommes totalement investis pour faire exactement ce que vous proposez. Notre initiative pour la préservation des prairies de l’Ouest a quelques années de plus que l’initiative pour la santé des sols. Nous venons de nous engager dans une stratégie de consultation qui vise non seulement à mettre en communication ces organisations les unes avec les autres, mais aussi à les aider à mobiliser celles qui connaissent moins bien les possibilités et les options qui s’offrent à eux.

Nous sommes tout à fait d’accord pour dire que l’argent compte pour aider ces organisations à mettre en œuvre leurs activités, mais nous savons que les plateformes, le message et la diffusion de l’information sont tout aussi précieux, sinon plus. C’est pourquoi nous accordons désormais beaucoup d’attention à cet élément.

Le sénateur Cotter : Je vous remercie.

Le sénateur C. Deacon : Je voudrais me concentrer sur un défi qui a frustré certains d’entre nous, et probablement chacun d’entre nous, en ce sens que la façon dont le gouvernement fédéral a abordé cette question n’a pas récompensé les premiers utilisateurs, c’est-à-dire ceux qui emploient les pratiques exemplaires depuis un certain temps, surtout le semis direct, mais aussi d’autres pratiques. Ayant passé ma vie à créer des entreprises innovantes, je trouve cela personnellement troublant. Il est très important de récompenser les premiers utilisateurs, parce que les Canadiens ont tendance à prendre des risques, mais nous ne sommes pas nécessairement les chefs de file mondiaux dans certains domaines de risque. Je pense qu’il est important de ne pas laisser les retardataires se tirer mieux d’affaire que les précurseurs.

Avez-vous des recommandations sur la manière de créer un système d’encouragement et un système de marché équitables, comme vous l’avez dit, monsieur Yaghi, basés sur la mesure, la vérification et des cadres qui ne récompensent pas de manière disproportionnée les retardataires et ne découragent pas les premiers utilisateurs?

Je commencerai par vous, monsieur Yaghi, puis je donnerai peut-être la parole à Mme O’Donnell.

M. Yaghi : Merci pour cette question. Il est certain que c’est un sujet important. Il faut absolument récompenser les premiers utilisateurs dans cette transition.

En ce moment, beaucoup d’initiatives différentes visent à chercher et à trouver des moyens de récompenser ces premiers utilisateurs. Le programme le plus intéressant que je connaisse se déroule aux États-Unis avec les Partnerships for Climate-Smart Commodities, ou les partenariats pour des produits de base intelligents en matière de climat. Une partie de ce programme, doté de 20 milliards de dollars, est destinée aux premiers utilisateurs. Les résultats n’ont pas encore été publiés. Je ne les ai pas vus, mais l’accent mis sur la récompense des premiers utilisateurs est intéressant, car ce sont eux qui seront les principaux participants à ce programme, ou qui bénéficieront d’un traitement préférentiel pour toute demande qu’ils soumettront. Lorsque nous parlons de nouveaux mécanismes de financement ou de programmation ici au Canada, les premiers utilisateurs devraient être mis en évidence comme ceux dont nous devrions nous inspirer et que nous devrions récompenser pour leurs efforts.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.

Mme O’Donnell : Vos questions sont excellentes et elles m’ont amenée à réfléchir moi aussi à ce sujet.

Ce que je peux dire, c’est que bon nombre des premiers utilisateurs sont en fait aujourd’hui nos premiers bénéficiaires qui essaient de promouvoir ces pratiques auprès de leurs pairs ou de leurs collectivités. Souvent, ce que nous voulons éviter avec nos bénéficiaires, c’est de réserver des programmes à ceux qui n’ont jamais rien testé auparavant. Je ne dirais pas que les programmes ciblent explicitement les premiers utilisateurs, mais nous essayons de créer nos programmes de manière à ce que les premiers à y adhérer ou ceux qui ont toujours appliqué ces pratiques aient toujours la possibilité d’être récompensés, encouragés et soutenus. C’est l’approche que nous avons adoptée.

J’imagine que plus une pratique comporte de risques, plus la récompense devrait être grande. Je pense qu’il est juste de le demander. Ils deviennent des ambassadeurs, et vous essayez de leur accorder un financement de suivi, ou de les encourager à passer à l’étape suivante. C’est en grande partie l’approche que nous utilisons dans notre style et notre conception des programmes.

Le sénateur C. Deacon : J’aimerais poursuivre sur ce point, car je pense qu’il s’agit d’un concept très important, le fait que des premiers utilisateurs ont pris des risques. Comment pouvons-nous continuer à les aider à s’orienter vers des pratiques de plus en plus efficaces et à produire les données probantes qui leur permettent de diffuser ces pratiques ou d’encourager leurs voisins et leurs pairs à les adopter?

Je m’adresse à vous deux. Avez-vous des suggestions précises à nous faire pour que nos recommandations soient fondées sur des réussites? Ces données probantes seront importantes, car ce n’est pas ce qui se produit actuellement. Je pense que cela nous préoccupe tous. Si vous pouviez nous donner des exemples, nous les faire parvenir par l’entremise de la greffière ou en parler brièvement maintenant, nous vous en serions reconnaissants.

Mme O’Donnell : Je peux parler d’une suggestion très brièvement. Nous communiquerons toute l’information sur tous les projets que nous finançons après cette réunion.

Le Collège communautaire Assiniboine est l’un de nos bénéficiaires. Il travaille particulièrement dans les provinces des Prairies. Il construit un réseau innovant de communautés de pratique régionales dirigées par des agriculteurs. Il consacre beaucoup de temps à l’organisation de ces noyaux d’agriculteurs afin de pouvoir faire exactement ce que vous décrivez, sénateur. Ils mettent en contact les bons agriculteurs qui possèdent la bonne expérience et les mêmes types de contraintes, de pratiques ou de connaissances de la terre. Ils essaient de créer une dynamique au sein de ces communautés de pratique pour qu’elles fassent rayonner leurs connaissances et deviennent des ambassadrices. Pour relier ces pôles les uns aux autres, ils disposent d’un moyen sophistiqué de rassembler ces connaissances et ces idées et de réunir les pôles de manière à les décloisonner.

Il est encore tôt, mais les rapports et les discussions que nous avons eus sont très prometteurs. Encore une fois, il s’agit d’une initiative menée par des agriculteurs, mais les efforts de cette nature sont une source de confiance, de bonne volonté et de résonance. Je vais m’arrêter là.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.

Monsieur Yaghi, il semble que l’Australie nous offre quelques exemples de diffusion plus systématique de cette information. Pouvez-vous nous en parler et nous faire part de vos autres réflexions?

M. Yaghi : Bien sûr. J’aimerais souligner aussi le financement de l’analyse active des sols, afin d’alléger les coûts supportés par les agriculteurs à l’heure actuelle. Lorsque nous examinons les différents moyens de mesurer la séquestration du carbone dans le sol, nous avons l’échantillonnage du sol, la télédétection et la modélisation. L’allègement du fardeau des producteurs sera extrêmement utile à cette transition.

En ce qui concerne les premiers utilisateurs, je voudrais souligner à nouveau le programme des produits de base intelligents en matière de climat aux États-Unis, qui accordera un traitement préférentiel aux premiers utilisateurs. Si nous pouvions faire quelque chose de similaire, cela motiverait beaucoup de gens.

En outre, s’ils gagnent, nous gagnons tous. Il serait essentiel de montrer que les premiers utilisateurs peuvent toucher un chèque non seulement pour ce qu’ils produisent, mais aussi pour ce qu’ils conservent, car ils montreront à tous les autres qu’il s’agit d’une nouvelle source de revenus dont les producteurs peuvent tirer profit. Si nous obtenons de bons résultats avec les premiers producteurs, cela aura un effet domino dans tout le secteur, je crois.

Le sénateur C. Deacon : Merci infiniment à tous les deux.

Le président : Merci, monsieur Deacon. Monsieur Yaghi et madame O’Donnell, avant toute chose, j’aimerais vous demander de nous excuser d’avoir dû annuler votre comparution précédente, et je vous remercie d’avoir été persévérants avec nous.

Au nom de mes collègues, je vous remercie de votre participation. Comme vous pouvez le constater, vous avez suscité l’intérêt d’un grand nombre d’entre nous autour de la table et votre aide dans le cadre de cette étude est très appréciée.

Nous allons maintenant passer à huis clos. Au préalable, je tiens à remercier mes collègues pour leur participation, ainsi que les personnes qui nous soutiennent dans nos bureaux et derrière nous pour faire en sorte que ces auditions de témoins soient accessibles pour que d’autres les regardent et nous-mêmes nous y référions par la suite. Merci à toutes les personnes concernées.

Sur ce, je propose que nous poursuivions nos travaux à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

Haut de page