LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 21 septembre 2023
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui à 8 h 59 (HE) pour étudier le projet de loi C-234, Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.
La sénatrice Paula Simons (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonjour à tous. Je commencerai en souhaitant la bienvenue aux membres du comité et aux témoins, ainsi qu’aux gens présents dans la salle ou qui nous regardent sur le Web.
[Français]
Bienvenue à tous, et à tous les Canadiens qui nous regardent au sencanada.ca.
[Traduction]
Je m’appelle Paula Simons. Je suis une sénatrice de l’Alberta, du territoire du Traité no 6, et je suis la vice-présidente du comité.
[Français]
Je voudrais commencer par demander aux sénateurs et sénatrices autour de la table de se présenter.
[Traduction]
Le sénateur Cotter : Bonjour. Je suis Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan.
La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, sénatrice de l’Île‑du-Prince-Édouard.
La sénatrice Burey : Bonjour à tous. Je suis Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Bonjour, tout le monde. Pierre Dalphond, de la division sénatoriale De Lorimier, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Woo : Bonjour. Je suis Yuen Pau Woo, sénateur de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Yussuff : Bonjour. Je m’appelle Hassan Yussuff et je suis un sénateur de l’Ontario.
La sénatrice Galvez : Bonjour. Rosa Galvez, sénatrice du Québec. Je remplace la sénatrice Petitclerc aujourd’hui.
Le sénateur Loffreda : Bonjour à tous. Je souhaite la bienvenue aux témoins. Je suis le sénateur Tony Loffreda de Montréal, Québec.
Le sénateur Oh : Bonjour. Je suis le sénateur Oh de l’Ontario.
La vice-présidente : Le comité se réunit aujourd’hui pour étudier le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Notre premier groupe de témoins est constitué de l’honorable sénateur David M. Wells, le parrain du projet de loi au Sénat, et de Ben Lobb, député pour Huron—Bruce et parrain du projet de loi à la Chambre des communes.
Nous écouterons les déclarations du sénateur Wells et de M. Lobb. Vous aurez chacun cinq minutes. Je vous ferai un signe de la main lorsqu’il vous restera une minute, et je lèverai les deux mains lorsque votre temps de parole sera écoulé. Sur ce, je vous cède la parole, sénateur Wells.
L’honorable David M. Wells, parrain du projet de loi : Merci, madame la présidente. Chers collègues, bonjour. J’ai l’honneur aujourd’hui de comparaître devant vous en tant que parrain au Sénat du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.
Je commencerai en remerciant mon collègue parlementaire, le député Ben Lobb du caucus conservateur, qui a déposé le projet de loi dans l’autre endroit, et en soulignant la coopération remarquable entre les partis qui nous a permis d’être ici aujourd’hui. Dans un monde où les clivages partisans sont souvent monnaie courante, le parcours du projet de loi C-234 montre la conviction de nombreuses personnes de son importance et sa signification pour le secteur agricole. Les différends sont peut-être nombreux au Parlement, mais j’estime que le soutien accordé par les partis au projet de loi en dit beaucoup, en dépit de certains arguments avancés par le gouvernement.
Sous sa forme actuelle, la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre vise à lutter contre le changement climatique. Le texte tient compte de la situation particulière des agriculteurs, en exemptant le carburant utilisé dans la machinerie agricole. Toutefois, comme c’est souvent le cas des lois de grande portée, il comporte des lacunes, d’où la nécessité du projet de loi. Le libellé actuel de la loi ne reconnaît pas la nature indispensable du gaz naturel et du propane, qui sont des carburants de transition et qui jouent un rôle essentiel dans les activités agricoles des fermes, notamment pour le séchage du grain et le chauffage et la climatisation des bâtiments.
Le métier d’agriculteur est rempli d’incertitude… qu’il s’agisse des conditions météorologiques imprévisibles ou de la fluctuation des prix sur le marché. Au contraire des acteurs de nombreux secteurs, les agriculteurs se retrouvent souvent dans une position qui ne leur permet pas de faire passer la hausse des coûts opérationnels au consommateur. C’est un fardeau disproportionné pour nos agriculteurs, nos éleveurs et nos cultivateurs. Sans source d’énergie commerciale ou industrielle viable, ils sont confrontés à un dilemme. Ou bien ils s’engagent à adopter des pratiques durables, ou bien ils sont pénalisés financièrement du fait d’utiliser les seuls outils qui s’offrent à eux actuellement.
Ce ne sont pas des concepts abstraits. Ce sont des fardeaux financiers lourds qui ont une incidence directe sur la façon dont nos agriculteurs, éleveurs et cultivateurs gagnent leur vie.
En voici un exemple : un éleveur de poulets à griller m’a envoyé les frais qu’il assume actuellement au titre de la taxe sur le carbone. Cela représente plus de 10 000 $ par mois et dépassera les 40 000 $ par mois lorsque la taxe atteindra 170 $ la tonne. L’agriculteur devra dépenser plus de 250 000 $ par année sans que cela procure quelque avantage que ce soit pour son exploitation. En raison de leur dépendance sur le gaz naturel, les exploitations verront une augmentation de leurs coûts qui ne pourra être recouvrée et qui menacera leur viabilité.
Ce que je vous raconte n’est pas anecdotique, chers collègues. Tous les secteurs agricoles sont concernés. Pris globalement, les frais supplémentaires attribuables à la taxe sur le carbone risquent de coûter des milliards de dollars à notre secteur agricole, ce qui représente une atteinte directe à la capacité des agriculteurs de réinvestir dans leurs opérations; le rapport déposé la semaine dernière par le directeur parlementaire du budget, le DPB, chiffre ces frais à presque 1 milliard de dollars. Sans le projet de loi C-234, nous nuisons à la capacité de nos agriculteurs, éleveurs et cultivateurs à investir dans des technologies et processus plus récents et plus verts, ce qui constitue un résultat paradoxal pour une taxe qui vise à promouvoir la durabilité environnementale.
Sachez que le projet de loi C-234 n’a pas comme objectif de remettre en question la validité de la taxe sur le carbone. Le changement climatique est une réalité indéniable, et les mesures d’atténuation sont des outils cruciaux pour notre lutte. Il nous incombe cependant de nous assurer que les mesures sont appliquées de façon juste. Les amendements proposés à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre dans le projet de loi C-234 ne sont pas des changements ambitieux, et ils ne remettent pas en question le concept même de la taxe. Ce sont des amendements ciblés et précis qui pourraient néanmoins avoir une incidence profondément positive.
Nous ne cherchons pas à réduire notre responsabilité envers l’environnement. Il s’agit plutôt de reconnaître la position particulière des agriculteurs, éleveurs et cultivateurs, et de leur donner les outils dont ils ont besoin pour réussir en travaillant dans les limites d’un cadre de responsabilité environnementale.
Chers collègues, à titre de conclusion, je vous encourage à appuyer le projet de loi C-234. Ainsi, vous n’appuierez pas seulement un projet de loi, mais également un avenir plus durable de nos agriculteurs. Vous contribuez à la vitalité continue de notre secteur agricole, en reconnaissant le juste équilibre qui doit être trouvé entre nos objectifs environnementaux et la réalité économique.
Merci.
La vice-présidente : Merci beaucoup, sénateur Wells. Monsieur Lobb, à vous la parole.
Ben Lobb, député, Huron—Bruce, parrain du projet de loi : Merci beaucoup, madame la présidente. J’ai l’honneur de comparaître devant vous ce matin pour présenter mon projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-234.
Voici la raison d’être du projet de loi : la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre adoptée il y a quelques années prévoit une taxe sur le carbone et accorde une exemption au diésel et à l’essence utilisée dans les exploitations agricoles. Or, je pense qu’il y a eu une omission. Je suis sûr que le gouvernement reconnaîtrait à huis clos qu’il a oublié d’exempter le propane et le gaz naturel. Voilà l’alpha et l’oméga du projet de loi.
Vous savez sans doute que le propane et le gaz naturel ont plusieurs applications dans les exploitations agricoles, comme le séchage du grain. Dans quelques semaines, les agriculteurs de ma région commenceront à récolter le soya, et dans un mois, ce sera le maïs. Les délais sont serrés. Le maïs doit être séché pour réduire son taux d’humidité, et la façon la plus efficace de le faire est d’utiliser le propane et le gaz naturel.
D’ici quelques mois, les éleveurs de ma province, soit l’Ontario, ainsi que ceux des autres régions canadiennes, devront chauffer leurs bâtiments pour protéger les animaux. Il faut impérativement maintenir la température à plus de 27 degrés pour la volaille, surtout lorsque les poussins arrivent dans un élevage de poulets à griller. Certains d’entre vous seraient peut‑être étonnés d’apprendre qu’on chauffe le bâtiment à cette température, mais c’est ce qu’il faut pour assurer la sécurité et la viabilité des poussins. Cela vaut autant pour les porcheries, notamment dans les bâtiments servant de maternité et de pouponnière. Les porcelets doivent être gardés au chaud. La seule façon de le faire, c’est d’utiliser le propane ou le gaz naturel.
Voilà la raison d’être du projet de loi : aider les agriculteurs. L’agriculture est le plus grand moteur économique de ma province. C’est indéniable. Partout au pays, l’agriculture fait tourner l’économie. Toute mesure que nous pouvons prendre pour aider les agriculteurs aide également les Canadiens, la société canadienne et, dans la présente conjoncture économique, contribue à réduire les coûts et l’inflation qui pèsent sur le consommateur, qu’il fasse ses emplettes à l’épicerie ou au marché fermier.
Le sénateur Wells a soulevé la question de la remise, qui est très importante selon moi. En fait, il a soulevé bon nombre de questions, mais il a parlé de la remise. Le projet de loi C-8 a été adopté il y a quelques années afin de corriger l’iniquité inhérente de la loi en vigueur. On a donc accordé la remise, qui représente 1,73 $ par millier de dépenses admissibles. Or, c’est un montant risible. Pour une exploitation agricole, cela représenterait 1 730 $ sur 1 million de dollars de dépenses admissibles. Je pourrais vous fournir maints exemples de factures de taxe sur le carbone de 8 000 $, 9 000 $ ou 15 000 $, et la remise n’en constitue qu’une fraction. Cela représente environ 12 ou 15 %. Ce n’est pas assez.
Tous ces facteurs s’aggravent. Voici un problème auquel peut s’attaquer le Sénat et aider les agriculteurs à rendre leurs fermes un peu plus viables.
Mon dernier argument, c’est que les agriculteurs ne fixent pas les prix. Vous le savez tous. Ils sont preneurs de prix. Le marché impose sa volonté. Le cours des marchandises est fixé à Chicago et imposé dans le monde entier. Les agriculteurs doivent faire avec. Tout ce que nous pouvons faire pour réduire leurs frais vient soutenir leur rentabilité. L’inflation et les taux d’intérêt ont grimpé depuis le dépôt de mon projet de loi. Les agriculteurs voient le prix de tous les intrants monter. Mon projet de loi les aidera.
Le projet de loi vient aussi corriger un problème éthique. Est-il juste d’imposer une taxe sur le carbone à l’agriculteur qui œuvre pour protéger l’environnement dans son exploitation? Les agriculteurs font énormément de choses, y compris la rotation des cultures, la gestion responsable des forêts, des boisés et du fumier et les plans de gestion environnementale, et ces efforts ne sont jamais reconnus. Les agriculteurs le font pour le bien de leur exploitation et, en fin de compte, de la société.
Merci de m’avoir écouté. C’est un honneur pour moi d’être parmi vous aujourd’hui. Je tenterai de répondre à vos questions.
La vice-présidente : Monsieur Lobb, sénateur Wells, merci.
Nous allons maintenant permettre aux sénateurs de poser des questions. Je demanderai aux membres du comité et aux témoins d’éviter de se rapprocher du microphone lorsqu’ils portent l’oreillette pour l’interprétation, ou bien d’enlever l’oreillette carrément. Cela réduit la possibilité d’un retour sonore qui pourrait blesser les oreilles de nos interprètes.
Comme c’est notre habitude, chaque sénateur a droit à cinq minutes pour poser ses questions et obtenir des réponses. Je vous prie d’être brefs dans vos préambules et je rappelle aux témoins que les réponses font partie des cinq minutes.
Le sénateur Oh : Je tiens à remercier les témoins d’être des nôtres. Ma question est la suivante : le gouvernement affirme que la taxe sur le carbone vise à changer le comportement des gens, afin qu’ils abandonnent les carburants fossiles et adoptent les énergies renouvelables. Or, il n’y a aucune solution de rechange viable pour le gaz naturel ou le propane servant à sécher le grain, par exemple, et les tracteurs ne carburent qu’au diésel. Comment les agriculteurs peuvent-ils réduire leur utilisation de combustibles fossiles lorsqu’il n’y a aucune source d’énergie renouvelable qui réponde à leurs besoins?
M. Lobb : Je vous remercie de la question, sénateur Oh. Sachez que le sénateur Oh a assisté au Zurich Bean Festival dans ma circonscription cet été. Ce fut une belle occasion pour lui de découvrir l’Ontario rural.
Vous soulevez un point pertinent : il n’existe aucune source d’énergie commerciale viable pour sécher le grain ou chauffer un bâtiment. Aucune source n’est viable sur le plan économique. C’est la raison pour laquelle les verts ont voté pour mon projet de loi, y compris Elizabeth May. Tout le caucus néo-démocrate ainsi que celui du Bloc québécois ont voté pour mon projet de loi. Une poignée de députés libéraux l’ont aussi appuyé, car ils reconnaissent le fait qu’aucune source d’énergie de substitution n’existe en ce moment.
De plus, nous avons fait preuve de souplesse en incluant une disposition de temporisation de huit ans dans le projet de loi. Si nous réalisons des progrès ou une percée au fil du temps, il sera possible de modifier le texte au cours des huit prochaines années. Les verts et les néo-démocrates, ainsi que les libéraux et les bloquistes, voulaient voir ce type de disposition, et nous avons acquiescé. Je suis d’accord. Voyons voir. S’il y a une percée technologique, on pourra changer les choses plus tard.
Le sénateur Wells : Le sénateur Oh a raison de dire qu’il n’existe aucune autre solution viable. Les exploitations agricoles ne sont pas dans les villes, où l’on dispose souvent de plusieurs types de combustibles. Les exploitations agricoles se trouvent dans les régions rurales du Canada, où il n’y a pas toujours d’oléoducs ou de réseaux d’alimentation. Le propane a l’avantage d’être facile à transporter. Pour l’agriculteur en région rurale, que ce soit dans le Nord ou le Sud de l’Alberta ou dans toute région rurale du Canada, c’est la seule possibilité. C’est le seul choix qui s’offre à lui.
Ce qui me préoccupe, sénateur Oh, c’est que si l’on veut modifier le comportement des agriculteurs, éleveurs et cultivateurs pour qu’ils utilisent des carburants plus respectueux de l’environnement, selon toute logique, l’exemption aurait été accordée au propane et au gaz naturel, plutôt qu’au diésel et à l’essence. Cela m’indique qu’il y a eu une omission dans le texte original accordant une exemption au diésel et à l’essence.
Le sénateur Oh : Oui, j’ai eu la chance de me rendre dans votre magnifique région côtière dans le Sud-Est de l’Ontario il y a quelques semaines afin de rencontrer des agriculteurs.
Selon le type d’exploitation agricole, la quantité de gaz naturel et de propane consommée peut varier. Certaines exploitations, telles que les élevages de poulets à griller, sont de plus grandes consommatrices. Puisque la remise actuelle est versée aux agriculteurs en fonction de leurs dépenses totales et n’a aucun lien avec la proportion des frais représentés par la taxe sur le carbone, êtes-vous d’accord pour dire que c’est une façon très inefficace d’indemniser les agriculteurs frappés par la taxe sur le carbone ?
M. Lobb : Vous avez raison. Il pourrait y avoir un agriculteur qui utilise très peu les combustibles carbonés, comme un apiculteur qui a également un élevage vaches-veaux, qui n’utiliserait aucun propane au gaz naturel dans sa grange à flanc de colline. Et pourtant, cet agriculteur pourra demander une remise parce que ses dépenses sont admissibles. C’est une lacune. Il y a des représentants ici de l’Agence du revenu du Canada, l’ARC, dans la salle. J’ignore s’ils souhaitent se prononcer là-dessus, mais c’est une lacune.
Je le répète : le gouvernement prend-il une décision éthique lorsqu’il impose une taxe sur le carbone aux agriculteurs qui ne se font pas indemniser de façon juste et équitable pour le travail qu’ils font en vue de protéger l’environnement?
Le sénateur Loffreda : J’aimerais remercier nos témoins. Je vais continuer dans la même veine : dans son budget de 2021, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il remettrait une partie des sommes perçues au titre de la taxe fédérale sur le carburant aux agriculteurs admissibles au moyen de crédits fiscaux remboursables, ainsi qu’une subvention pour l’achat de séchoirs à grains plus efficaces.
Je vais poser mes questions et ensuite vous pourrez y répondre. Pourquoi est-il nécessaire d’accorder une exemption générale au gaz naturel et au propane utilisés dans les exploitations agricoles si le gouvernement a prévu des mesures compensatrices? Quels sont les obstacles qui s’opposent aux agriculteurs cherchant à acheter et à utiliser des séchoirs à grains moins énergivores? Quelles sont les difficultés que rencontrent éventuellement les agriculteurs lorsqu’ils cherchent à chauffer et à refroidir leurs bâtiments de façon plus efficace?
M. Lobb : Tout d’abord, en ce qui concerne le séchage des grains, que vous parliez à un agriculteur ou que vous assistiez à une réunion ou à une assemblée générale annuelle en hiver, vous entendrez que les agriculteurs réinvestissent toujours dans leur exploitation. C’est parce qu’ils souhaitent disposer de l’option la plus efficace, mais si un agriculteur a récemment acheté un séchoir pour son exploitation, il ne va pas en acheter un autre. Ce sont des acquisitions pluriannuelles, et ils en ont besoin pendant un certain temps.
Oui, il existe des séchoirs plus efficaces. Par exemple, les séchoirs d’aujourd’hui sont plus efficaces que ceux d’il y a 10 ans, et ceux-là étaient plus efficaces que ceux d’il y a 30 ans. C’est la nature de l’innovation, mais nous revenons à la viabilité d’une solution de remplacement.
Vous avez également mentionné la question des granges. De nos jours, les porcheries, les granges à poulets à griller ou les granges à pondeuses modernes sont aussi bien isolées que nos maisons. Il faut respecter un code du bâtiment à cet égard, et tout est isolé.
Bien entendu, si vous visitez la ferme du vieux MacDonald, comme dans la chanson, et qu’il s’agit d’une vieille grange à flanc de colline construite il y a 100 ans, vous constaterez qu’elle n’est pas isolée, car elle n’a jamais été conçue pour être isolée. Elle habitera aujourd’hui des moutons ou du bétail. Par contre, les granges plus récentes sont toutes isolées, elles respectent le code du bâtiment approprié et elles sont très bien construites.
Le sénateur Wells : J’aimerais revenir sur la réponse de M. Lobb au sujet des obstacles à l’acquisition de nouveaux séchoirs à grains. Il a tout à fait raison, mais il est rare qu’un agriculteur qui utilise un séchoir à grains l’achète au comptant. Il amortira plutôt l’achat sur 25 ou 30 ans ou selon l’accord conclu avec la banque. Vous savez déjà sûrement tout cela, sénateur.
Sur le plan du financement, c’est comme si l’agriculteur devait acheter l’appareil deux fois s’il doit acheter une technologie plus récente. Comme l’a dit M. Lobb, lorsque les agriculteurs font cet achat commercial, ils acquièrent ce qu’il y a de mieux. L’amortissement se fait sur 25 ou 30 ans, et le financement est donc un obstacle à la modernisation.
Au Canada, il est bien connu que les agriculteurs sont les intendants de l’environnement. Ils sont aussi les intendants de leur entreprise. Ils veulent donc disposer des appareils les plus performants et les plus efficaces, que ce soit pour le séchage ou le chauffage et la climatisation de leurs granges. C’est la raison pour laquelle ils ont recours à l’isolation. En effet, personne ne veut dépenser de l’argent pour le chauffage lorsqu’une partie de cette chaleur sera perdue. Personne ne veut non plus dépenser de l’argent pour le refroidissement lorsqu’une partie de cette énergie sera également perdue.
Il faut donc que les séchoirs soient efficaces et rapides.
Le sénateur Loffreda : Les crédits d’impôt remboursables ne sont donc pas suffisants?
Le sénateur Wells : Hier, j’ai parlé à un agriculteur qui utilise un séchoir à grains de maïs, et il m’a dit qu’il s’apprêtait à le faire fonctionner. Il m’a confié qu’en ce moment, en raison de toute la pluie que nous avons eue — et c’est peut-être attribuable au changement climatique et aux différences que nous avons tous observées —, le pourcentage d’humidité dans les récoltes est de l’ordre de 30 à 40 %. Je pense qu’il a dit qu’il fallait descendre à 11 ou 13 %. Les agriculteurs n’ont donc pas d’autre choix.
Ils n’ont pas besoin de le faire chaque année, mais ils doivent le faire de nombreuses années. Pour éviter que le produit pourrisse et pour réduire son poids pour le transport, ils doivent le rendre conforme aux normes de l’industrie. C’est donc le défi auquel font face les agriculteurs.
M. Lobb : Je n’ai qu’une chose à ajouter au sujet du crédit d’impôt remboursable. En effet, si l’on y réfléchit bien, pourquoi offrir un tel crédit? Il suffirait tout simplement d’éliminer la taxe. Il n’y a pas de taxe sur le carbone sur le diésel ou l’essence, alors pourquoi créer ce niveau de bureaucratie insensé qui ne prouve rien, au bout du compte? Il suffirait tout simplement de l’éliminer. À mon avis, et à l’avis de nombreuses autres personnes, il s’agit d’un oubli. Éliminez cette mesure, soumettez-la à un examen dans huit ans, voyez si elle est toujours judicieuse et laissez ensuite le Parlement — à ce moment-là — décider si c’est une bonne ou une mauvaise idée.
Si le diésel et l’essence étaient visés par une telle taxe, on pourrait peut-être envisager cette solution dans ce cas-ci, mais il y a une exemption pour les exploitations agricoles. Cette exemption se limite aux bâtiments agricoles qui abritent le bétail et aux séchoirs. Elle est donc très restreinte.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie beaucoup de vos explications. Nous sommes tous sensibles au sort des agriculteurs et des personnes qui travaillent dans ce domaine. C’est ce que faisaient mes grands-parents dans les Andes. C’était merveilleux et magnifique de voir comment ils pratiquaient l’agriculture circulaire à l’époque. Je reviendrai sur ce sujet.
Vous savez que ce type de projet de loi envoie un signal. La taxe sur le carbone est un signal de marché, et les conservateurs comptent beaucoup sur les signaux de marché. Il s’agit donc d’un signal de marché.
Je suis heureuse d’apprendre que vous aborderez la question sous l’angle du changement climatique. Oui, le secteur agricole est effectivement très touché par le changement climatique. Cela commence par l’humidité, les inondations et les sécheresses. Le secteur doit s’adapter. En fait, c’est le secteur qui doit s’adapter le plus rapidement possible.
La Colombie-Britannique a mis en œuvre sa taxe sur le carbone en 2008 et, après cinq ans, la province a procédé à un examen quinquennal. Elle a conclu que la taxe sur le carbone n’avait nui ni aux profits ni à la compétitivité de son secteur agricole.
J’aimerais savoir d’où viennent les chiffres selon lesquels il y aura un impact.
Plusieurs remises et exemptions ont été accordées. Si vous estimez qu’il s’agit d’un obstacle, et qu’il n’y a que quelques remises, pourquoi ne cherchons-nous pas à en obtenir davantage? Il y a une remise pour les panneaux solaires connectés. Pourquoi ne pas demander davantage de remises?
L’autre chose, c’est que le secteur agricole produit une énorme quantité de déchets organiques qui peuvent être utilisés pour les biodigesteurs. C’est ce qu’on fait au Québec et dans les montagnes des Andes, où l’on produit du biocarburant avec ces déchets.
Pourquoi voulons-nous envoyer un signal qui créera des perturbations et des attentes pour plus d’exemptions, alors que nous pourrions plutôt encourager l’adoption de mesures d’adaptation et de pratiques agricoles régénératives?
M. Lobb : Avec tout le respect que je vous dois, selon le document déposé par le directeur parlementaire du budget la semaine dernière, vous ajoutez un milliard de dollars sur huit ans aux coûts des agriculteurs de l’Alberta à l’Ontario. Lorsqu’on impose ce genre de dépenses supplémentaires aux agriculteurs tout en leur demandant de faire concurrence aux agriculteurs du Michigan, de l’Illinois de l’Ohio, on les met dans une situation concurrentielle défavorable. C’est un fait, et tout le monde le sait.
En ce qui concerne la technologie dont vous parlez, à savoir les biodigesteurs et autres, c’est très bien, mais il s’agit de technologies à petite échelle dont le coût par kilowatt est élevé, comme je suis désolé de vous l’apprendre. Sur le plan financier, ce n’est pas aussi efficace qu’installer un séchoir alimenté au propane ou au gaz naturel dans une grange. C’est un fait. Nous ne pouvons pas installer des biodigesteurs et d’autres appareils de ce genre dans chaque exploitation agricole ou sur chaque route de campagne où se trouve un séchoir à grains. Ce n’est pas viable sur le plan économique. Le gouvernement ne devrait pas non plus financer ce genre d’initiative.
Dans ce cas-ci, nous parlons d’une taxe sur le carbone pour le propane et le gaz naturel, alors qu’une exemption est déjà prévue pour le diésel et l’essence. Au bout du compte, c’est de cela que nous parlons aujourd’hui.
Le sénateur Wells : J’aimerais ajouter quelque chose, sénatrice, sur la question de l’utilisation de l’énergie solaire ou d’autres sources d’énergie, comme le vent. Cet été, j’ai visité un élevage de poulets dans le Sud de l’Alberta. Il faut compter huit semaines pour que les œufs deviennent des poulets. Pendant ce temps, il faut maintenir une température de 87 degrés Fahrenheit — l’exploitant m’a donné ce chiffre en Fahrenheit, et c’est donc l’unité que j’utiliserai — et il faut que ce soit constant. En hiver, on ne peut pas compter sur la météo, surtout en cette période de changement climatique.
Il n’y a pas de solution de rechange aux méthodes mécaniques dont nous parlons. Et cela concerne expressément le propane, puisque cet exploitant n’avait même pas accès au gaz naturel, car aucune canalisation ne se rendait à son exploitation.
La vice-présidente : Je vous remercie beaucoup. Je suis désolée, mais vous pourrez poser une question pendant la deuxième série de questions.
Le sénateur Woo : Je remercie les témoins d’être ici.
Selon vous, quelle sera l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre à la suite de ce projet de loi et du retrait du gaz naturel et du propane du système de tarification en place?
M. Lobb : Aucune.
Le sénateur Woo : Il n’y aura aucune augmentation…
M. Lobb : Parlez-vous des émissions? Il n’y aura aucune augmentation des émissions.
Le sénateur Woo : Comparativement à…
M. Lobb : Il n’y aura aucune augmentation. En fait, au fil du temps, les émissions diminueraient en raison de l’innovation dans la technologie du séchage des grains. Ce n’est qu’un simple fait. Un certain nombre de milliards de boisseaux sont produits chaque année, et un certain nombre de millions de boisseaux doivent être séchés chaque année. Ces faits sont bien connus depuis au moins 50 ans.
Le sénateur Woo : Attendez. Nous parlons de…
M. Lobb : Nous parlons d’utiliser le propane et le gaz naturel pour sécher le maïs ou le soya.
Le sénateur Woo : Et cela n’augmenterait pas les émissions de gaz à effet de serre?
M. Lobb : Non.
Le sénateur Wells : Je pense que M. Lobb est en train de dire que les exemptions ne changeront pas les émissions de gaz à effet de serre. Les agriculteurs continueront à utiliser les combustibles qu’ils utilisent déjà, c’est-à-dire le gaz naturel et le propane, parce qu’il n’existe pas de solution de remplacement raisonnable. L’utilisation sera toujours la même, mais l’argent ne sera pas prélevé à l’agriculteur. En fait, l’agriculteur que j’ai mentionné indique que cela lui coûterait 250 000 $ par année. Il continuera d’utiliser le propane. Cela ne changera pas dans un avenir prévisible, car il a un nouvel équipement dont il doit amortir le coût sur 30 ans, comme il me l’a dit. Lorsque la taxe sur le carbone sera de 170 $ par tonne, il devra payer 250 000 $ par année en utilisant le même combustible qu’il utilise aujourd’hui. Cela lui coûtera moins cher pour la même quantité d’émissions libérée dans l’atmosphère.
M. Lobb : Ce qui a le plus grand impact, c’est la question de savoir si l’automne sera sec ou humide. C’est ce qui aura la plus grande incidence sur la quantité de gaz naturel et de propane utilisée, ainsi que sur les émissions d’un séchoir.
Le sénateur Woo : Vous présumez qu’aucune innovation ne permettra de réduire la quantité d’émissions de gaz à effet de serre si ces modifications ne sont pas apportées à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Vous présumez que toutes les variables resteraient les mêmes. Si ce projet de loi n’est pas adopté, rien ne changera au cours des huit prochaines années, et les agriculteurs feront exactement ce qu’ils font actuellement en ce qui concerne…
M. Lobb : La question que vous m’avez posée concernait le fait de savoir dans quelle mesure les émissions augmenteraient si nous éliminions ces mesures.
Le sénateur Woo : Oui.
M. Lobb : J’ai répondu que les émissions n’augmenteraient pas. Au contraire, elles diminueraient en raison de l’amélioration de l’innovation en matière de séchage, tout comme il y a 10, 20 et 30 ans. J’encourage le comité à s’intéresser à la façon dont les bâtiments d’élevage sont aménagés, surtout en ce qui concerne l’innovation liée aux panneaux solaires. De nombreux agriculteurs de ma circonscription et de tout le pays ont adopté cette méthode. Si vous voyez un poulailler ou un bâtiment de pondeuses recouvert d’acier noir sur deux côtés, il s’agit de murs de panneaux solaires. C’est une innovation des 10 ou 20 dernières années qui n’existait pas auparavant.
Les agriculteurs sont les plus innovateurs et le marché les soutient. D’énormes innovations commerciales et industrielles ont lieu chaque année un peu partout dans le monde. Les agriculteurs d’ici sont toujours en train d’innover. Ma région est la région du Canada la plus innovatrice en matière d’agriculture.
Le sénateur Woo : Croyez-vous que les agriculteurs réagissent aux signaux de prix et que, si les prix augmentent, ils innoveront encore plus rapidement?
M. Lobb : Dans le contexte économique actuel, où l’on observe que les taux d’intérêt ont augmenté et qu’ils devront maintenant payer — au cours des huit prochaines années — un milliard de dollars en taxes sur le carbone, le financement de leur viabilité est réduit. C’est de l’argent qu’il leur sera enlevé, alors qu’ils pourraient s’en servir pour apporter des améliorations. À mon avis, c’est comme si on leur enlevait des ressources.
Le sénateur Woo : À combien estimez-vous la part du gaz naturel et du propane dans le coût total d’une culture ou d’une exploitation avicole?
M. Lobb : À combien…?
Le sénateur Woo : Quelle est la part du gaz naturel dans le coût total d’une exploitation agricole touchée par ce projet de loi?
M. Lobb : Essayez-vous de dire que la taxe sur le carbone est négligeable par rapport au coût total?
Le sénateur Woo : Je vous pose la question.
M. Lobb : Si vous comparez cela au coût de financement d’une nouvelle moissonneuse-batteuse, d’un tracteur, d’une planteuse ou d’un pulvérisateur, le coût de la taxe sur le carbone ne serait pas aussi élevé, c’est évident. Lorsqu’on y réfléchit, cela représente un milliard de dollars sur huit ans. C’est beaucoup d’argent, et il est soustrait des profits des agriculteurs. On ne parle pas de fabricants de logiciels ou de Shopify, des entreprises qui ont une marge de profit de 50 %. Les agriculteurs fonctionnent plutôt avec des marges de profit de 3 à 5 %. Si vous saviez combien de dollars il faut investir pour réaliser un dollar de profit dans le secteur agricole, vous ne deviendriez jamais agriculteurs, car c’est une activité trop exigeante en capital avant de faire des profits, un point c’est tout.
Le sénateur Woo : Je présume que vous n’avez pas de réponse à me donner.
La vice-présidente : Je suis désolée, sénateur Woo, mais votre temps est écoulé. Je peux inscrire votre nom sur la liste des intervenants pour la deuxième série de questions, si vous le souhaitez.
Le sénateur Woo : Pas maintenant, je vous remercie.
Le sénateur Dalphond : J’ai deux questions. La première s’adresse au sénateur Wells. Vous avez parlé des coûts et des prix pour consommer ou sécher les grains cet automne. Lorsque vous avez parlé de l’augmentation des coûts en raison de la taxe, avez-vous tenu compte du coût du produit de base? Le gaz naturel est livré en Ontario — à cette époque de l’année — pour environ 23 $ le mètre cube. Il y a un an, il coûtait 36 $ le mètre cube.
Êtes-vous en train de dire que les agriculteurs de l’Ontario sont moins avantagés cette année qu’ils ne l’étaient l’année dernière lorsqu’ils utilisent le gaz naturel?
Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre question, sénateur Dalphond. Je ne pense pas avoir donné le prix exact du carburant. Ce que j’ai dit — au sujet du séchage du grain —, c’est que le processus coûtera plus cher cette année en particulier puisqu’il y a eu plus de précipitations et qu’il faut sécher plus longtemps. C’est ce qui hausse le coût.
Prolonger le séchage nécessite bien entendu plus de carburant sous la forme de propane et de gaz naturel. Ces exploitants devront donc puiser dans leurs bénéfices nets pour payer une taxe sur le carbone supérieure. Il est plus coûteux d’obtenir un produit fini dont le taux d’humidité se situe entre 11 et 13 % — et le gouvernement se met plus d’argent dans les poches. C’est tout ce que j’ai dit à propos de la tarification.
C’est assurément plus cher cette année. L’agriculteur m’a dit que nous obtenons un maïs dont le taux d’humidité est de 40 %, mais que nous devons le réduire pour qu’il se situe entre 11 et 13 %. Le processus leur coûtera donc plus cher.
Le sénateur Dalphond : Si la ferme est chauffée au gaz naturel, pensez-vous que le chauffage coûtera plus cher cette année que l’année dernière, étant donné que le prix a baissé de 13 $ le mètre cube?
M. Lobb : Si vous me permettez de répondre à la question, tout dépend de la température et de la météo. Si l’automne est pluvieux et que le taux d’humidité du maïs est élevé, il y a de fortes chances que le prix soit beaucoup plus élevé que l’année dernière. Si l’automne est sec...
Le sénateur Dalphond : Et si c’est la situation inverse, le coût serait inférieur?
M. Lobb : C’est exact. Cela n’a toutefois rien à voir avec la taxe sur le carbone payée pour le séchage des récoltes et le chauffage des étables. Voilà de quoi nous parlons. Il n’est pas question de la météo. Nous ne parlons ni des prix mondiaux du gaz naturel ni de la viabilité de l’extraction du gaz naturel par fracturation en Pennsylvanie, en Ohio ou sur les marchés mondiaux. Nous nous demandons s’il est judicieux d’imposer une taxe sur le carbone à un agriculteur qui produit de la nourriture.
Le sénateur Dalphond : C’est bien ce que vous affirmez. Vous dites maintenant la vérité, sans vouloir laisser croire que ce n’était pas le cas avant. C’est le véritable message que vous voulez nous transmettre. Il y a quelques minutes — pendant votre exposé —, nous entendions que les agriculteurs ont besoin d’un répit compte tenu de l’inflation et de tout le reste.
M. Lobb : C’est exact.
Le sénateur Dalphond : Le coût n’a rien à voir avec le prix du gaz naturel.
M. Lobb : Vous dites que le coût n’aurait rien à voir avec le prix du gaz naturel? Eh bien, le prix du gaz naturel et du propane monte et descend.
Le sénateur Dalphond : C’est vrai, mais si le prix est réduit du tiers cette année, estimez-vous que les agriculteurs ont encore besoin d’un répit pour le gaz naturel?
M. Lobb : C’est le cas dans le secteur de la production alimentaire. Une exemption est déjà prévue pour le diésel et l’essence. Ce que nous demandons ici, c’est une exemption pour le propane et le gaz naturel qui sont employés pour le séchage du grain, indépendamment de la température et du prix, étant donné qu’il y en a déjà une.
La question est la suivante : sommes-nous à l’écoute des agriculteurs? Essayons-nous de les aider ou de faire valoir un argument quelconque dans notre esprit? Non, nous tentons bel et bien de prêter main-forte aux agriculteurs. C’est ce que nous voulons pour que leurs exploitations soient viables, surtout en cette période du cycle économique. L’inflation et les taux d’intérêt sont élevés. Il y a des défis dans le monde entier. Les agriculteurs sont forcés d’accepter les prix, comme je l’ai dit.
Si nous pouvons prendre des mesures pour aider un agriculteur, nous devons aller de l’avant. Comme nous l’avons dit, nous pensons que c’est une erreur d’avoir omis d’emblée le propane et le gaz naturel. Le diésel et l’essence y figurent déjà.
Le sénateur Wells : Dans cet exemple précis, sénateur Dalphond, il est vrai que les agriculteurs paieraient moins pour le carburant. Mais comme vous le savez, d’autres paramètres d’une exploitation agricole ont une incidence sur les coûts — j’en prenais note pendant l’intervention de M. Lobb. La météo en fait évidemment partie. Un vent fort donne un grain sec, tandis qu’une pluie abondante donne un grain humide. Des températures élevées améliorent la période de croissance. Aussi, la période de croissance est parfois courte, parfois longue. Il arrive que des inondations changent la donne. Il y a ensuite le prix du marché. De nombreux facteurs entrent donc en jeu. Il pourrait y avoir une baisse de 30 % cette année, comme vous l’avez dit, voire une hausse de 30 % l’année prochaine.
Je ne sais pas s’il est justifié de s’attarder à cette seule variable et d’affirmer que tout doit bien aller s’il y a une marge de 30 %. De nombreuses variables interviennent dans le séchage du grain, ainsi que dans le chauffage et le refroidissement des bâtiments agricoles.
La vice-présidente : Vous devez conclure.
Le sénateur Wells : Je vous remercie, madame la présidente. J’ai demandé au producteur de poulets... Pardonnez-moi, je pensais que vous m’aviez demandé de conclure.
La vice-présidente : Je vous ai demandé d’arrêter.
Le sénateur Wells : Je vais mettre mon écouteur.
La vice-présidente : C’est un immense sentiment de pouvoir.
Le sénateur Cotter : Je ne m’intéresse ni aux revenus et aux dépenses des agriculteurs cette année par rapport à l’année prochaine ni au temps humide ou sec. L’objectif du projet de loi est d’essayer d’atténuer les dépenses des agriculteurs, quels que soient les autres chiffres. Monsieur Lobb, vous avez raison de dire que les agriculteurs sont des vendeurs ou acheteurs au prix du marché : ils doivent accepter les dépenses et les prix imposés. Avec tout le respect que je vous dois, il n’est pas particulièrement pertinent de discuter du prix du gaz naturel cette année par rapport à l’année prochaine pour atteindre l’objectif du projet de loi, mais j’ai quelques questions à poser.
Ma première question est la suivante : je crois que le projet de loi a été modifié de façon à ce qu’il devienne caduc au bout de huit ans. Cela contredit votre argument selon lequel nous devons aider les agriculteurs parce qu’ils produisent de la nourriture pour nous et pour le monde. Je me demande si vous vous engagez à ce que le projet de loi arrive à échéance après huit ans, dans quel cas la mesure incitative prendrait fin.
Ma deuxième question est la suivante : dans l’ensemble de l’économie — ces stratégies de tarification du carbone n’ont pas été mises en œuvre à la perfection —, la stratégie globale visait à encourager une réduction des combustibles à forte intensité carbonique. Je pense que c’était l’objectif du sénateur Woo. Une sorte d’allégement pour les huit prochaines années ne favorise pas un effort global de la société. J’aimerais que vous parliez de ces deux volets.
Ma troisième question est moins importante. En Saskatchewan, le carburant faisant l’objet d’une exemption fiscale pour les agriculteurs est l’essence mauve. Je ne sais pas trop comment nous pourrons avoir un gaz naturel mauve ou du propane mauve pour assurer l’applicabilité des dispositions. Pouvez-vous en parler aussi? Je vous remercie.
M. Lobb : En premier lieu, vous trouvez incohérent qu’une disposition de temporisation de huit ans ait été adoptée. Ce sont le NPD et le Bloc québécois qui en ont fait la demande. Dans une certaine mesure, nous parlons toujours de l’esprit de collégialité au Parlement, et c’est ce qu’ils ont demandé d’ajouter au projet de loi. Les membres du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes et moi-même avons convenu que c’était parfaitement conforme à l’esprit de collégialité parlementaire en démontrant la bonne volonté entourant le projet de loi. C’est la première chose que je voulais dire.
En deuxième lieu, vous parlez en quelque sorte d’une mesure incitative pour l’innovation et l’agriculture. Monsieur, vous venez de la Saskatchewan et moi de l’Ontario. Allez sur n’importe quelle route de campagne, et parlez à un agriculteur ou à sa femme — qui sont peut-être dans la soixantaine ou soixante‑dizaine. Demandez-leur de mettre en marche leur vieux tracteur des années 1960, puis tenez-vous à côté. Invitez-les ensuite à démarrer leur tout nouveau tracteur, et vous verrez la différence sur le plan des émissions et de l’efficacité énergétique. Ce qui était produit il y a 15 ans n’a rien à voir avec ce qui est fabriqué aujourd’hui.
L’autre élément se rapporte à l’innovation technologique ayant émergé au cours des 30 dernières années, à savoir la pulvérisation de précision par GPS, la plantation de précision, l’épandage d’engrais de précision et les semis sans labour. Je sais que les membres du Comité ont réalisé une étude sur les sols. En Ontario, l’innovation provient de tout près de chez moi. Toutes ces avancées ont été possibles parce que les agriculteurs visent un certain nombre d’objectifs. Ils veulent évidemment produire des aliments. Ils souhaitent ensuite respecter l’environnement et la ferme sur laquelle ils vivent. Ils désirent enfin réduire leurs coûts et gagner en efficacité. Tous ces objectifs sont pris en compte. Ai-je répondu aux trois questions?
Le sénateur Cotter : L’autre question portait sur l’applicabilité.
M. Lobb : À mon avis, le caractère exécutoire est probablement le volet le plus simple puisque l’utilisation de référence est déjà connue. L’agriculteur connaît la quantité de propane ou de gaz naturel qu’il utilise pour chauffer sa grange, ce qui est plutôt typique. Il y aura des variations et des fluctuations météorologiques, mais tous ces éléments sont mis en application. Lorsque vous parlez de l’essence mauve, celle-ci est destinée aux voitures — nous nous en souvenons tous à l’époque où nous étions adolescents et remplissions peut-être le réservoir de notre père. Nous n’avons pas besoin de gaz naturel ou de propane mauve pour la ferme.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Burey : Je vous remercie tous de vos commentaires. J’ai trouvé très intéressant de participer à cette séance d’un comité novateur. J’entends parler d’incitatifs monétaires, de signaux du marché et de forces du marché. Notre prochain groupe de témoins sera peut-être mieux placé pour répondre à ma question, mais je voulais parler du Programme des technologies propres en agriculture. Quels sont les obstacles à l’adoption des technologies propres, et quelles autres mesures incitatives pourraient convaincre les agriculteurs d’en utiliser davantage?
Le sénateur Wells : Comme l’a dit M. Lobb, et moi aussi, les agriculteurs tentent toujours d’innover. Ils essaient de mieux faire les choses, de gagner en efficacité, de réduire leurs coûts et d’augmenter leur productivité. S’il existe des programmes dont ils peuvent bénéficier, et qui sont logiques, je ne vois pas pourquoi ils s’en priveraient. Pour investir, il faut bien sûr en avoir la capacité financière. Ces investissements pourront être réalisés grâce aux exemptions pour le propane et le gaz naturel dont nous parlons, et qui représentent des centaines de milliers de dollars, voire des millions de dollars par année pour chaque agriculteur. Mais il faut aussi tenir compte du financement de l’équipement qu’ils possèdent. Je ferai une analogie avec un véhicule. Si vous louez un véhicule et que vous prévoyez l’utiliser pendant deux ou trois ans, et que quelque chose d’autre survient — ou qu’une occasion ne se présente pas, de sorte qu’il n’y a pas d’autre option viable —, vous n’allez pas acheter un autre véhicule tant que le financement du premier ne sera pas terminé.
Il s’agit de trouver un équilibre entre la productivité, l’efficacité, la réduction des coûts, l’assurance que l’argent reste dans l’exploitation agricole et peut être réinvesti, et la présence de solutions de rechange. C’est pourquoi la disposition de caducité est fixée à huit ans. Nous parlons ici d’une situation où il n’y a pas d’autre option raisonnable. J’ai parlé tout à l’heure de la capacité de transport de certains carburants. Le propane est le plus important. Il est entreposé dans un réservoir, qui peut être disposé sur la ferme dans les zones rurales du Canada. Les questions sont nombreuses, mais elles se résument en fait à celle-ci : existe-t-il d’autres solutions, et est-ce logique sur le plan financier? En fin de compte, même si les agriculteurs sont bons et produisent de la nourriture, ils doivent aussi idéalement réaliser des bénéfices plutôt que des pertes.
M. Lobb : Tout le monde peut assister aux réunions des fédérations de l’agriculture des comtés de Bruce ou de Huron. Mon expérience au fil des ans m’a appris qu’une minute après l’annonce d’un programme, comme le Plan agroenvironnemental, celui-ci est déjà complet. Vous avez créé une sorte de loterie. N’importe quel agriculteur vous le confirmera, et c’est une frustration. Les programmes sont bien et améliorent les choses. Il existe des plans agroenvironnementaux, et j’en ai vu. J’ai dressé une liste de différents projets, et c’est bien. C’est convenable. Je ne pense toutefois pas que le programme soit équitable puisque tous les agriculteurs n’y ont pas accès. Si vous réussissez à cliquer sur le bouton avant la personne suivante, vous gagnez la loterie, mais les autres perdent. C’est ainsi depuis toujours.
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de ce que vous avez fait ici, sénateur Wells et monsieur Lobb. Il serait exagéré de dire que je ne suis pas un agriculteur. J’habite à Toronto. Je mange des aliments, comme bon nombre de Canadiens, et je suis conscient du défi que nous devons relever au pays ayant trait à la production d’aliments, à leur consommation et au maintien d’un prix raisonnable que les gens peuvent se permettre.
Je comprends qu’il y a un écart entre les dispositions législatives actuelles, au sujet des rabais, et ce que vous essayez de faire dans votre projet de loi afin de remédier à la situation pour ceux qui ont été oubliés dans le texte législatif. Mais il me semble que la grande question, au fil du temps, sera de trouver une façon de stimuler l’innovation pour le chauffage des granges et le séchage du maïs et d’autres grains, au besoin. Je n’ai pas la réponse, mais nous devrons ultimement nous y attarder. Comment pouvons-nous stimuler l’innovation et créer des équipements qui ne nécessiteront ni propane ni gaz naturel pour chauffer les étables? Ces débats se polarisent parce que nous sommes tous préoccupés par le changement climatique et par la manière de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Est-il possible de faire preuve de sensibilité dans ce débat? Comment pouvons-nous mieux aider les agriculteurs, étant donné qu’ils doivent innover et qu’ils veulent le faire, mais qu’ils ont parallèlement un défi à relever? Les émissions de gaz à effet de serre sont en hausse, non seulement dans le secteur agricole, mais aussi dans l’ensemble du pays. Elles ne baissent pas. Les chiffres sont alarmants dans le cadre du défi qui se pose à nous.
Deuxièmement, nous devons maintenir les aliments à un prix raisonnable. Les aliments produits par un agriculteur sont acheminés chez les détaillants, puis la balle est dans notre camp. Pourrais-je vous demander d’en parler? Je sais qu’il y a des défis à relever, mais la technologie évolue très rapidement sur le marché. Ce qui n’était pas disponible il y a trois ans est aujourd’hui sur les tablettes. Ce qui n’existait pas il y a 20 ans est déjà sur le marché, et les gens l’utilisent, y compris les agriculteurs. Je vous prie de nous en parler, si vous êtes au courant. Dans le cas contraire, je comprendrai.
M. Lobb : L’essentiel, c’est d’admettre que l’agriculture est l’une des industries les plus novatrices qui soient. C’est absolument vrai. Si des entreprises et des innovateurs dans le séchage du grain comparaissaient devant vous, vous n’en croiriez pas vos yeux et seriez stupéfaits de voir ce qu’ils accomplissent. Vous ne devriez pas retenir de la réunion d’aujourd’hui qu’il n’y a pas d’innovation dans l’agriculture, voire dans la technologie de séchage du grain. Si vous prenez le chauffage des granges, il évolue au même rythme que les innovations qui permettent de chauffer une maison, un bâtiment commercial ou industriel, étant donné que c’est logique sur le plan financier.
Ce que nous disons — vous pouvez même en discuter avec Elizabeth May, car elle est du même avis —, c’est qu’en date d’aujourd’hui, ou même demain, il s’agit de la méthode par excellence et la plus efficace pour chauffer une grange et sécher les récoltes. D’ici huit ans, ou même cinq, ce sera peut-être différent. Le secteur agricole va investir, et l’agriculteur aussi. Et lorsqu’il faudra remplacer le séchoir à grains ou la grange, et que ce sera logique du point de vue économique, l’agriculteur passera à l’action, comme vous le faites chez vous pour votre propre appareil de chauffage. Ou encore, si vous faites des travaux de rénovation, vous rénovez les lieux, puis vous isolez les murs, les fenêtres et tout le reste par la même occasion. C’est le même principe.
Le sénateur Yussuff : La disposition de caducité du projet de loi est prévue pour huit ans. Pensez-vous qu’il s’agit d’un délai approprié? Je crois comprendre qu’il a été proposé par l’opposition. Le projet de loi ne fait aucune référence — au cas où la technologie serait disponible avant — au fait que le Parlement devrait revoir cette disposition de caducité. Le fait est que l’innovation ou la technologie pourraient changer du jour au lendemain. Si le gouvernement offrait un incitatif aux agriculteurs pour qu’ils aient accès à cette technologie, est-ce qu’on voudrait attendre huit ans plutôt que les aider à obtenir cette technologie plus tôt afin qu’ils puissent réduire leurs coûts, et cela veut aussi dire que les consommateurs bénéficieraient de ces économies, si au final les agriculteurs sont en mesure de les répercuter?
M. Lobb : C’est un peu théorique parce que, s’il s’agissait d’une application sur votre téléphone, je dirais alors que oui, cela pourrait prendre un an ou deux, voire six mois. Mais il s’agit là de délais nécessaires pour la production. Comme vous le savez, les délais nécessaires sont importants dans ce secteur. Peut-être que deux ans ne seraient pas raisonnables. Huit ans pourraient être raisonnables pour qu’une idée ait le temps de prendre forme, par exemple à l’Université de Guelph avec une entreprise de séchage, et pour que la production soit prête et que le projet soit viable et testé, avant d’être vendu à des exploitations agricoles.
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie.
La vice-présidente : Il nous reste du temps pour un rapide deuxième tour de questions. Je vais vous demander de prendre trois minutes chacun pour les questions et les réponses.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup pour cette intéressante discussion. J’entends donc parler de coûts en vue d’aider les agriculteurs à poursuivre leurs activités normalement, et j’entends que, d’une manière générale, il n’y a pas beaucoup de motivation à aider les agriculteurs. L’argument central est d’aider les agriculteurs à s’adapter. Mais en même temps, vous avez tous les deux mentionné à quel point l’humidité peut changer, la sécheresse peut changer, les inondations et les pluies peuvent changer très rapidement et très prochainement. Ne serait-il pas plus intelligent d’aider les agriculteurs à s’adapter et à laisser tomber leurs anciennes manières de faire, et de les aider à s’adapter le plus vite possible afin qu’ils restent concurrentiels et ne soient pas pénalisés par le profit?
M. Lobb : Sénatrice, tout ce que je peux vous dire c’est que je vous invite à venir dans la circonscription de Huron—Bruce n’importe quand, je me chargerai personnellement de vous faire rencontrer de nombreux agriculteurs et vous pourrez leur poser ces mêmes questions. Les aider à s’adapter à l’humidité, je ne crois pas que ce soit réaliste.
Ce qu’il faudrait retenir de la réunion d’aujourd’hui c’est qu’il y a des automnes secs et des automnes pluvieux, et qu’il y a des printemps secs et des printemps pluvieux et que cela affecte les agriculteurs. Mais ce que nous essayons de dire tous les deux c’est que si l’automne est pluvieux, vous allez utiliser plus de propane et de gaz naturel pour sécher les grains. C’est une question de bon sens.
Je ne crois pas cependant que les agriculteurs vivent dans une ancienne version de la ferme à Mathurin. Ce n’est pas la réalité d’aujourd’hui. Si vous allez voir n’importe quel agriculteur pour faire un tour dans sa moissonneuse-batteuse, ce qu’ils seraient tous heureux de vous montrer et je serais personnellement heureux de vous arranger cela, ou si vous jetez un coup d’œil à la technologie qui permet l’ensemencement de précision ou la pulvérisation de précision, c’est la technologie la plus avancée qui soit. Les agriculteurs se servent de toutes sortes de technologies et ils ont même des tracteurs autonomes. C’est une technologie très avancée et très novatrice. Les gens pourraient être surpris de voir à quel point les agriculteurs sont plus avancés que d’autres secteurs ou d’autres industries.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
Le sénateur Dalphond : À propos de la situation en Ontario et du séchage du grain, je crois savoir que la moitié des grains sont séchés par une entreprise tierce et non par les agriculteurs eux-mêmes. Quelle serait alors la conséquence de ce projet de loi? La moitié des agriculteurs n’auraient plus à dépenser de gaz naturel pour sécher leurs céréales, alors que ceux qui se servent d’une entreprise tierce devraient encore payer ces dernières. Comment faire en sorte que ce soit équitable pour tous les producteurs de céréales?
M. Lobb : Je dirais tout d’abord que nous modifions une partie précise de la loi qui ne mentionne pas le séchage commercial. Elle fait référence au séchage sur la ferme.
Le sénateur Dalphond : Oui.
M. Lobb : C’est la première chose : il existe une mesure législative particulière qui fait référence au diésel agricole et au carburant agricole. C’est pour cela que nous modifions cet article précis dans le projet de loi.
Plus tard, si les députés et les sénateurs souhaitent se pencher sur le séchage commercial, alors, oui, tout à fait, ce serait une occasion, mais ce projet de loi-ci fait référence à ce point précis‑là.
Le sénateur Dalphond : Mais cela n’incite pas les agriculteurs qui utilisent des entreprises tierces à laisser tomber ces entreprises et à acheter leurs propres installations de séchage ou des séchoirs?
M. Lobb : Non, pas du tout. Vous n’allez pas changer les comportements d’achat des gens ou les comportements agricoles parce que, comme je l’ai dit, cela exige beaucoup de capitaux pour se lancer dans le séchage et l’entreposage sur la ferme. Certaines personnes veulent le faire et d’autres ne le font pas. Comme je le disais, il faut agir de façon urgente. Vous ne pouvez pas laisser votre maïs dans votre silo-couloir pendant trois mois, puis aller le chercher en février. En réalité, il doit être séché dès qu’il est récolté.
Le sénateur Wells : Il faut également faire la distinction entre les entreprises qui ne font que du séchage et le séchage à la ferme. Les volumes et les gains d’efficacité sont différents. Si l’on prend un producteur de maïs, il doit semer, cultiver, récolter et sécher son maïs. Les entreprises qui ne font que du séchage industriel passent de plus gros volumes et il y a des gains d’efficacité à la clé. C’est aussi une bonne façon de présenter les choses.
La vice-présidente : Je remercie vivement les témoins. Merci beaucoup aux sénateurs pour ce tour de questions très dynamique.
Nous allons maintenant passer à notre deuxième groupe d’experts sur le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Pour le deuxième groupe d’experts, nous accueillons du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada, Warren Goodlet, directeur général, Direction de la recherche et analyse et Marco Valicenti, directeur général, Direction des programmes d’innovation.
Du ministère des Finances du Canada, nous accueillons, Phil King, directeur général, Division de la taxe de vente; Jenna Robbins, directrice principale, Planification stratégique et politique; et Adam Martin, conseiller principal, Division de la taxe de vente.
Enfin, du ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, nous accueillons Jeff Lindberg, gestionnaire, Mobilisation et évaluation, Bureau des marchés du carbone.
Nous allons entendre l’allocution de M. Goodlet d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, suivie par celle de M. King de Finances Canada. Tous les autres témoins sont là pour répondre aux questions.
Monsieur Goodlet et monsieur King, vous disposez de cinq minutes chacun pour votre allocution. Je vous signalerai qu’il ne vous reste qu’une minute en levant une main, et je lèverai les deux mains quand votre temps sera écoulé.
La parole est à vous, monsieur Goodlet.
Warren Goodlet, directeur général, Direction de la recherche et analyse, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités dans le cadre de l’étude du projet de loi C-234 par le comité. J’aimerais tout d’abord souligner que je m’adresse à vous à partir du territoire traditionnel non cédé des Algonquins anishinabes, ici, à Ottawa. Comme vous l’avez mentionné, je suis accompagné de mon collègue, Marco Valicenti, directeur général de la Direction des programmes du ministère.
Comme les sénateurs le savent, les changements climatiques sont l’un des plus grands défis de notre temps et nous n’avons qu’à voir la dévastation des feux de forêt, des sécheresses ou des inondations au Canada pour savoir que les agriculteurs et les éleveurs canadiens sont en première ligne dans la lutte contre le changement climatique. Mais si les agriculteurs canadiens continuent d’être les témoins des conséquences dévastatrices de ces changements climatiques, ils jouent néanmoins un rôle important dans la recherche d’une solution au problème du climat. Les agriculteurs canadiens agissent déjà dans le sens de l’environnement grâce à des pratiques telles que la culture sans labour, l’agriculture de précision et la rotation des cultures. De plus, les prairies naturelles emmagasinent de vastes quantités de carbone, tout en fournissant de la nourriture aux animaux qui paissent.
Au cours des deux dernières décennies, les agriculteurs canadiens ont considérablement amélioré leur rendement et leur efficacité environnementaux. Les agriculteurs canadiens ont réussi à pratiquement doubler la valeur de leur production en n’augmentant que légèrement leurs émissions totales de gaz à effet de serre. Si ce progrès est important, le gouvernement du Canada et les producteurs agricoles reconnaissent cependant qu’il y a plus de travail à faire.
La tarification du carbone, qui fait l’objet de la discussion ici, est largement reconnue par les économistes comme la manière la plus efficace de réduire les émissions tout en stimulant l’innovation au sein de l’économie. Cependant, le gouvernement du Canada reconnaît que les producteurs agricoles sont des moteurs importants de l’économie, c’est pourquoi le système fédéral de tarification de la pollution par le carbone a été conçu pour apporter un allégement ciblé afin de limiter ses effets et refléter les défis uniques auxquels est confronté le secteur agricole. Comme vous le savez, dans le cadre du système fédéral de tarification du carbone, les émissions non reliées à l’énergie produites par l’élevage et la production agricole ne sont pas tarifées. De plus, l’utilisation à la ferme de carburant ou de diésel est exemptée des redevances fédérales sur les combustibles et les exploitants de serres commerciales peuvent bénéficier d’un allégement de 80 % des redevances sur les combustibles pour le gaz naturel et le propane.
Une partie des recettes provenant des sources de carburants qui ne sont pas exemptées des redevances sur les combustibles est remboursée directement aux entreprises agricoles dans les provinces bénéficiant du filet de sécurité fédéral par le biais d’un crédit d’impôt remboursable, dont mes collègues du ministère des Finances se feront un plaisir de vous parler.
[Français]
Le gouvernement s’assure que les agriculteurs ont les outils dont ils ont besoin pour accroître la production de façon durable afin de nourrir une population canadienne et mondiale en croissance.
Agriculture et Agroalimentaire Canada travaille activement sur de nombreux fronts pour aider le secteur agricole à faire croître ses entreprises tout en réduisant les émissions, tant par la recherche scientifique que par un soutien direct aux agriculteurs de l’ensemble du pays par l’entremise de divers programmes et initiatives stratégiques.
Le gouvernement s’est engagé à verser 1,5 milliard de dollars de nouveaux fonds pour aider les agriculteurs à réduire leurs émissions de carbone grâce à des pratiques et à des technologies durables.
[Traduction]
Je voudrais en particulier souligner le triplement des investissements fédéraux dans le Programme des technologies propres en agriculture, tout en développant les Solutions agricoles pour le climat — Fonds d’action à la ferme pour le climat. Agriculture et Agroalimentaire Canada a mis de côté 50 millions de dollars dans le Volet Adoption du Programme des technologies propres en agriculture en mettant l’accent sur les technologies de séchage du grain. De plus, 10 millions de dollars ont été alloués à des projets visant à alimenter les productions agricoles en énergies propres et à abandonner le diésel.
Le Programme des technologies propres en agriculture a déjà soutenu 252 projets annoncés dans l’ensemble du Canada avec un investissement total de plus de 98 millions de dollars, notamment pour les technologies d’agriculture de précision, des technologies de mesure du carbone au sol et des séchoirs à grains écoénergétiques. À ce jour, Agriculture et Agroalimentaire Canada a annoncé le financement de 99 séchoirs à grains d’un total de 37 millions de dollars.
Le gouvernement met également sur pied la Stratégie pour une agriculture durable afin de soutenir les actions du secteur agricole contre le changement climatique et d’autres priorités environnementales à l’horizon 2023 et 2050. La Stratégie pour une agriculture durable, qui a fait l’objet d’une vaste consultation avec les parties prenantes de notre secteur, est une approche fédérale coordonnée afin d’établir une vision à long terme et une approche stratégique des questions agroenvironnementales, notamment l’adaptation au climat et la résilience, l’atténuation des changements climatiques, ainsi que la santé de l’eau, de la biodiversité et des sols. Elle s’appuiera sur les réussites passées et actuelles, en reconnaissant les mesures déjà prises par les producteurs pour atteindre les objectifs environnementaux tout en augmentant la production et en soutenant le rôle du Canada en tant que fournisseur international de denrées alimentaires.
Les agriculteurs canadiens sont prêts à soutenir les objectifs nationaux en matière de changements climatiques et ces investissements complètent les initiatives de tous les secteurs de l’économie, comme le prix de la pollution en vue d’obtenir la carboneutralité en 2050.
Avec la crise qui sévit actuellement en Ukraine, l’augmentation des prix à l’épicerie au Canada et à l’étranger, les effets croissants du changement climatique, le monde se tourne vers le Canada, maintenant plus que jamais, pour qu’il soutienne la sécurité alimentaire durable mondiale.
Avec d’autres grands producteurs agricoles, le Canada reste engagé à aider nos agriculteurs à répondre aux besoins alimentaires de la planète tout en préservant les ressources pour les futures générations.
Je vous remercie de votre temps, et je suis prêt à répondre à vos questions.
Phil King, directeur général, Division de la taxe de vente, ministère des Finances du Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de parler du projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-234, qui vise à éliminer les redevances sur les combustibles, en particulier sur le gaz naturel et le propane utilisés par les agriculteurs à des fins de chauffage et de séchage.
La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre ou la LTPCGES permet actuellement aux agriculteurs d’obtenir une exonération en amont de la redevance sur les combustibles pour l’essence et le diésel utilisés dans les machineries agricoles admissibles, comme les camions ou les tracteurs agricoles.
La LTPCGES donne également une exonération en amont de 80 % des redevances sur les combustibles pour le gaz naturel et le diésel utilisés pour chauffer les serres admissibles.
Le projet de loi C-234 élargirait l’allégement des redevances sur les combustibles pour les agriculteurs en modifiant la définition de « machinerie agricole admissible » afin d’y inclure les séchoirs à grain et les biens utilisés pour chauffer ou refroidir un édifice ou une structure semblable servant à élever ou héberger du bétail ou à produire des récoltes. Il vise également à élargir l’allégement en ajoutant le gaz naturel et le propane à la liste actuelle des combustibles agricoles admissibles.
Il convient de noter que, pendant que le projet de loi C-234 est à l’étude, le projet de loi C-8 a reçu la sanction royale le 9 juin 2022. Reconnaissant que de nombreux agriculteurs utilisent le gaz naturel et le propane dans leurs exploitations, le projet de loi C-8 a introduit un crédit d’impôt remboursable afin de restituer une partie du produit des redevances sur les combustibles aux exploitations agricoles dans des provinces bénéficiant du filet de sécurité fédéral, en commençant par les redevances de l’exercice 2021-2022.
Par le biais du crédit d’impôt remboursable, le montant total qu’il est prévu de restituer est généralement égal au produit estimé des redevances sur les combustibles provenant de l’utilisation à la ferme de propane et de gaz naturel à des fins de chauffage et de séchage dans les provinces bénéficiant du filet de sécurité fédéral. Cette mesure vise à garantir que la somme des recettes perçues dans le cadre de cette activité agricole est restituée aux agriculteurs.
Le crédit d’impôt remboursable est conçu pour allouer le produit total des redevances sur les combustibles en fonction de la taille de l’exploitation, mesurée par la somme totale des dépenses de l’exploitation. Par conséquent, il n’existe aucun lien entre l’utilisation réelle du propane ou du gaz naturel sur une exploitation et le montant du crédit reçu. De cette manière, le crédit vise à aider les agriculteurs dans leur transition vers des modes d’exploitation agricole à faibles émissions de carbone en leur offrant un soutien, tout en maintenant le signal de prix sur le propane et le gaz naturel en vue de réduire les émissions.
Il s’agit d’une approche différente de celle proposée par le projet de loi C-234. Ce projet de loi allégerait directement les redevances sur les combustibles en relation au gaz naturel et au propane utilisés dans des activités agricoles admissibles et donc éliminerait complètement le signal de prix prévu par le régime de tarification du carbone. Je vous remercie.
La vice-présidente : Merci beaucoup, monsieur Goodlet et monsieur King. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
Le sénateur Oh : Je remercie les témoins d’être ici parmi nous. Voyez-vous un remboursement de la taxe sur le carbone instauré pour les producteurs dans les provinces bénéficiant du filet de sécurité fédéral? À quel autre endroit le projet de loi C-234 met-il en place une exemption de la taxe sur le carbone?
De plus, le concept de neutralité fiscale dans le cadre du remboursement prévu par le projet de loi C-8 se calcule sur des données globales, ce qui veut dire qu’il n’est pas lié aux dépenses réelles liées à la taxe sur le carbone et qu’il ne rembourse pas aux agriculteurs ce qu’ils paient au titre de la taxe sur le carbone.
Seriez-vous d’accord pour dire qu’une exemption est une manière plus fiable de garantir que les agriculteurs, qui ne disposent pas d’autres options énergétiques, ne portent pas le fardeau de la taxe sur le carbone?
M. King : Je peux en parler brièvement. C’est une considération, oui. C’est directement remis, mais l’autre côté de la médaille, c’est que cela élimine le signal de prix. C’est une considération dont le gouvernement a également dû tenir compte. À cet égard, vous avez raison.
Le sénateur Oh : Je sais que le diésel et l’essence sont actuellement exemptés de la taxe sur le carbone dans les exploitations agricoles. Pourquoi n’a-t-on pas inclus le gaz naturel et le propane dans les exemptions originales?
M. King : Je peux également répondre. Merci. Lorsque le système fédéral de tarification du carbone a été conçu, on s’est inspiré de la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique qui était déjà en place à l’époque... et la province n’offrait aucune aide pour le séchage du grain et les autres activités de chauffage. Cela a été repris dans le système fédéral de tarification du carbone. Je ne sais pas s’il y a autre chose à ajouter à ce sujet. Mon collègue, M. Martin, faisait partie du service responsable aux débuts du régime. Il a peut-être quelque chose à ajouter là‑dessus.
Adam Martin, conseiller principal, Division de la taxe de vente, ministère des Finances Canada : Je pense que vous l’avez mentionné, monsieur King. Au bout du compte, l’objectif du gouvernement est d’appliquer la tarification aussi largement que possible comme point de départ et ensuite en tant qu’allégement ciblé choisi. Comme l’a dit M. King, l’allégement ciblé pour les agriculteurs portait sur l’essence et le diésel utilisés pour la machinerie agricole admissible.
Le sénateur Loffreda : Merci à nos témoins d’être ici. J’aimerais que vous en disiez plus long sur le double paiement qui pourrait avoir lieu compte tenu des projets de loi C-234 et C-8. Dans les témoignages précédents, un fonctionnaire de Finances Canada a mentionné un double paiement possible après l’adoption du projet de loi C-234, ce qui s’ajouterait aux remboursements déjà prévus en vertu du projet de loi C-8. Pouvez-vous préciser son propos et en dire plus à ce sujet? Quelle est la différence entre le projet de loi C-234 et le projet de loi C-8 en ce qui a trait à la tarification du carbone pour les agriculteurs? Pourquoi ont-ils dit que les remboursements ne couvrent pas les coûts?
Jenna Robbins, directrice principale, Planification stratégique et politique, ministère des Finances Canada : Une double indemnisation pourrait avoir lieu lorsqu’on a un taux de paiement établi pour le crédit, qui s’appuie sur les recettes qui doivent être remboursées aux agriculteurs. Un crédit serait donc payé aux agriculteurs, ou ils pourraient le réclamer, dans leur remboursement d’impôts. Lorsqu’il y a une exemption en place, aucune recette n’est prélevée, et ils ne sont donc pas tenus de payer la redevance sur les combustibles. En même temps, ils reçoivent un montant pour des recettes qui ne sont pas perçues.
À l’heure actuelle, pour l’exercice actuel de 2023-2024 de la redevance sur les combustibles, il n’y a pas de taux de paiement établi, ce qui pourrait changer à tout moment. Le calcul ne serait pas fait deux fois actuellement si le projet de loi C-234 est adopté.
Le sénateur Loffreda : Il n’y a donc pas de problème de double paiement, n’est-ce pas?
Mme Robbins : Pour l’instant, non.
Le sénateur Loffreda : Pouvez-vous expliquer pourquoi les agriculteurs ont dit que les remboursements ne couvrent pas les coûts?
Mme Robbins : Cela renvoie à ce que M. King a dit dans sa déclaration liminaire. C’est tout simplement une approche différente de celle de l’exemption. Chose certaine, s’il y a une exemption, ou si vous tentez de reprendre une exemption — lorsqu’on essaie de répliquer exactement ce qui est payé dans la redevance sur le gaz naturel et le propane consommés —, l’agriculteur va alors récupérer ce qu’il a payé en redevances.
Le crédit d’impôt fonctionne différemment. Il vise à préserver le signal de prix, et on remet donc des recettes de façon globale. On prend les recettes globales et on les rembourse de manière indépendante aux exploitations agricoles en fonction de leur taille. Cela ne dépend pas de ce que l’agriculteur pourrait payer en redevances sur le gaz naturel et le propane.
Le sénateur Loffreda : Merci.
Le sénateur Woo : Merci, chers témoins. Monsieur Goodlet, l’argument central des défenseurs de ce projet de loi est que les agriculteurs sont pratiquement des pionniers en matière de technologie lorsqu’il s’agit de sécher les récoltes, de chauffer les étables et ainsi de suite. De quelle façon Agriculture et Agroalimentaire Canada évalue-t-il la situation des agriculteurs, dans l’ensemble, en ce qui a trait à l’utilisation de technologies de chauffage plus efficaces?
M. Goodlet : Je pense qu’on reconnaît certainement que les agriculteurs ont tout intérêt à innover et à tenter d’adopter de nouvelles technologies. Les exploitations agricoles ne sont pas toutes au même point dans cette démarche. Les nouvelles technologies sont plus efficaces. Le ministère a un programme pour essayer d’encourager l’adoption de certaines de ces technologies et pour en créer de nouvelles.
Je ne sais pas, monsieur Valicenti, si vous voulez en parler.
Marco Valicenti, directeur général, Direction des programmes d’innovation, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Merci beaucoup de poser la question.
Le Programme des technologies propres en agriculture est quinquennal. En 2021, le gouvernement a rendu une décision dans le contexte d’une exclusion : 50 millions de dollars pour des technologies de séchage du grain plus efficaces et 10 millions de dollars pour aider les producteurs à changer de combustibles dans les exploitations agricoles. La demande pour le programme est importante.
En 2022, le gouvernement a décidé d’accorder trois fois plus d’argent au programme, et nous avons donc eu deux phases. Dans la première, comme l’a mentionné mon collègue, nous avons approuvé environ 100 demandes pour des séchoirs à grain. Je dirais que la plupart d’entre elles étaient pour de nouvelles technologies — en utilisant la biomasse, par exemple. Dans certains cas, c’était des mises à niveau qui ont augmenté de 20 à 40 % l’efficacité de l’exploitation agricole. Nous voyons un mélange des deux.
Le programme a un deuxième volet dans lequel nous nous penchons sur la recherche et la technologie. Nous aidons des entreprises à trouver de meilleures technologies pour l’avenir, y compris pour chauffer les étables et d’autres locaux dans les exploitations agricoles.
Le sénateur Woo : Dans la mesure où la participation à ces programmes a été très forte, je suis porté à croire que les agriculteurs continuent de suivre l’évolution technologique pour accroître l’efficacité.
Quel rôle la tarification du gaz naturel et du propane joue-t-elle pour inciter les agriculteurs à participer aux programmes comme ceux que vous avez décrits?
M. Valicenti : Je dirais que c’est utile. Encore une fois, l’intention se rapporte à leurs besoins pour accroître l’efficacité dans l’exploitation agricole. La participation aux programmes est importante. C’est remarquable.
Comme je l’ai dit, nous nous penchons là-dessus du point de vue de l’adoption des technologies — nous regardons les achats d’équipement nouveau, et ils sont considérables — et aussi de la recherche et développement. Nous voyons des entreprises qui s’intéressent aux nouvelles technologies de séchage du grain et à d’autres moyens d’accroître l’efficacité énergétique à la ferme. Nous voyons les deux. Le travail qui est fait est très important.
Le sénateur Woo : J’aimerais poser à Finances Canada une question sur le crédit d’impôt non remboursable. Vous avez dit que les remboursements — pour revenir au secteur agricole —, dans l’ensemble, plus ou moins, compensent les coûts liés au gaz naturel et au propane. En général, c’est équitable. Le problème s’applique aux exploitations agricoles qui en utilisent peut-être plus, car, pour une raison ou une autre, elles ont l’impression d’être traitées injustement.
Est-il possible de modifier le programme pour que les remboursements ne soient pas remis aux exploitations qui n’ont jamais utilisé de gaz naturel ou de propane, ce qui éliminerait une partie du sentiment d’injustice ressenti par les agriculteurs parce qu’on les force à utiliser du gaz naturel et du propane?
Mme Robbins : Merci de poser la question; c’en est une bonne.
Soyons clairs : c’est un crédit d’impôt non remboursable. On reçoit le montant total, peu importe les impôts que l’on doit.
À propos de votre question, lorsqu’on passe par le système fiscal, on se demande dans quelle mesure on peut cibler une population donnée. Le système fiscal est censé être appliqué de manière plus globale. Ce n’est pas un programme de dépenses proprement dit.
L’autre point à soulever est le suivant : lorsqu’on essaie de s’approcher de la véritable consommation de gaz naturel et de propane, ou de la redevance connexe, on commence à imiter une exemption à un moment donné. Je dirais que, à ce moment-là, une exemption pourrait être plus avantageuse que le recours au régime fiscal. L’objectif est peut-être différent. Il y a des limites à pouvoir cibler de près la bonne population.
Le sénateur Dalphond : J’ai lu le projet de loi qui a mis en œuvre le supplément pour le carburant, soit la taxe sur le carbone — même si ce n’est pas une taxe, selon la Cour suprême —, et le fait est que le gouvernement a le pouvoir d’élargir par règlement la liste de sources d’énergie exemptées.
On nous a donc dit que si nous voulions que le gaz naturel et le propane figurent parmi les combustibles exemptés, nous pouvions le faire. Cela n’a toutefois pas été fait. Le groupe de témoins précédent nous a dit que c’était un oubli; il aurait fallu que ce soit inscrit au projet de loi à ce moment-là.
Ai-je bien compris que ce n’est pas un oubli, mais une décision stratégique pour que le gouvernement ne veuille pas ajouter le gaz naturel et le propane aux exemptions?
M. King : Merci. Il est juste de dire que ce n’était pas un oubli. On s’est délibérément penché sur les milieux où la redevance serait appliquée, et sur les combustibles visés. Lorsqu’il a mis en place la politique, le gouvernement a décidé d’exclure le diésel et l’essence utilisés pour les machines agricoles, mais pas pour le chauffage et les activités de séchage — je répète que c’est à cause de l’exemple et du précédent en Colombie-Britannique, et aussi pour essayer de garantir une certaine portée, ou une portée maximale.
Voici la situation dans son ensemble : une très faible partie des émissions du secteur agricole est tarifée. Le domaine où elles le sont est celui du chauffage et du séchage, et ce financement est pourtant remboursé aux agriculteurs — pas au dollar près, de toute évidence. À propos du point précis que vous avez soulevé, je pense que c’était un choix stratégique très délibéré. Je ne pense pas que c’était un oubli.
Le sénateur Dalphond : Ma deuxième question porte sur l’innovation; je suppose que beaucoup de mes collègues l’ont posé aux témoins précédents. Nous souhaitons et croyons tous que les agriculteurs veulent être créatifs, et qu’ils croient en l’agriculture durable et fassent tout le nécessaire pour aller de l’avant. Ils ont besoin d’incitatifs, comme on nous le dit.
Malheureusement, les programmes ne semblent pas suffire. Chaque fois qu’un programme est offert, énormément de demandes sont présentées. Vous avez dit qu’il y en a eu 100 pour le séchage du grain, ce qui signifie que 100 agriculteurs ont reçu une subvention. Combien y a-t-il de séchoirs à grains au Canada? Je ne parle pas de tiers, mais des agriculteurs qui utilisent leurs propres appareils dans leurs fermes.
M. Valicenti : Je n’ai pas de chiffre exact, sénateur.
Je dirais qu’à la deuxième phase, et nous sommes en train d’évaluer les projets, cela faisait partie de la multiplication par trois du financement que le gouvernement a annoncée dans le budget de 2022. Nous nous attendons, dans cette cohorte, à ce qu’il y ait beaucoup plus de demandes acceptées pour des séchoirs à grains dans le cadre du programme.
Pour la deuxième phase, nous avons décidé d’utiliser une admission fermée pour pouvoir maximiser les résultats et nous pencher sur les exploitations qui réduisent le plus leurs émissions de gaz à effet de serre.
L’admission était continue pendant la première phase. Lorsque tout l’argent a été dépensé, nous avons mis fin au programme. Dans la deuxième phase, nous avons accordé à tout le monde un délai de trois semaines pour présenter leurs demandes. Nous évaluons maintenant les plus hauts niveaux d’émissions de gaz à effet de serre. Il y aura des séchoirs à grains sur cette liste, ainsi que des systèmes de chauffage à la biomasse pour les étables, des moyens d’accroître l’efficacité énergétique et des méthodes d’agriculture de précision.
Le sénateur Dalphond : Certains demandeurs essuieront-ils un refus?
M. Valicenti : Nous nous attendons à ce que des demandeurs ne puissent pas recevoir de fonds après la deuxième phase également.
Le sénateur Dalphond : Merci.
La vice-présidente : Si je peux me permettre, je vais me prévaloir de la prérogative de la présidence pour poser deux ou trois questions.
Monsieur King, vous avez dit que ce programme repose sur le modèle de la Colombie-Britannique et que la province n’avait pas d’exemptions pour le séchage du grain, le chauffage des serres et ainsi de suite.
Je trouve cela étrange, car la Colombie-Britannique a un climat très différent du reste du Canada. On y produit peu de céréales, toutes proportions gardées. La province a le climat le plus tempéré au pays, ce qui signifie que les bâtiments nécessitent moins de chauffage et de climatisation.
Est-il logique d’utiliser l’exemple de la Colombie-Britannique comme modèle pour le reste du pays, alors que l’agriculture est très différente dans les Prairies ou en Ontario?
M. King : Merci, madame la présidente. C’est une bonne question.
Il est important de se rappeler que, lors de la mise en place du système de tarification du carbone — à vrai dire, aujourd’hui —, ce n’est pas le système fédéral qui est nécessairement imposé.
Chaque province et territoire peut imposer son propre système de tarification du carbone tant qu’il respecte la norme nationale. Le système peut varier d’une province à l’autre en fonction de circonstances individuelles. La norme fédérale semble tout simplement être devenue le système par défaut qui est en place d’un bout à l’autre du pays, sauf en Colombie-Britannique et au Québec. Je ne pense pas que c’était nécessairement intentionnel, mais les provinces et les territoires peuvent encore imposer leur propre système, qui pourrait tenir compte de ce facteur.
La vice-présidente : C’est l’autre question que j’allais poser. En Alberta, par exemple, le gouvernement Notley avait sa propre taxe sur le carbone, et cela n’aurait donc pas été appliqué aux agriculteurs albertains, mais c’est maintenant le cas.
M. King : En effet.
La vice-présidente : C’est intéressant à noter. Je veux donner suite à la question du sénateur Woo à propos du crédit d’impôt remboursable, car il semble y avoir une anomalie. Pour reprendre l’exemple de l’Alberta — car je viens de là —, un grand éleveur utilise peu de gaz naturel ou de propane puisque ses vaches sont dans les pâturages, mais comme il a une grande exploitation, il recevrait un important remboursement d’impôt. Cependant, la personne qui a une petite exploitation — par exemple une serre à Lacombe — et qui consomme beaucoup de gaz naturel pour le chauffage ne recevrait pas un remboursement correspondant si son exploitation est plus petite que celle d’un grand éleveur. Cela me paraît illogique.
Mme Robbins : C’est une bonne question et un bon point à soulever. La dépense est un bon paramètre pour mesurer la taille de l’exploitation. Le remboursement est établi en fonction de la taille, et une personne qui n’utilise peut-être pas de gaz naturel ou de propane recevra un crédit d’impôt selon les recettes.
La vice-présidente : Une chose me préoccupe. Si je vois un signal de prix en tant que consommateur, je peux me procurer un véhicule qui consomme moins — c’est d’ailleurs ce que je compte faire lorsque je devrai changer le mien. En tant que consommateur, un signal de prix pourrait m’inciter à consommer moins de gaz naturel — je prévois d’ailleurs m’acheter une cuisinière à induction. Un agriculteur est toutefois moins en mesure de changer ses pratiques. Croyez-moi quand je dis que j’appuie la tarification du carbone. Cependant, un système qui fonctionne très bien pour envoyer un signal au consommateur n’est peut-être pas aussi efficace pour envoyer un signal à un agriculteur ou à une agricultrice puisqu’il ou elle n’est pas autant en mesure de prendre des décisions personnalisées en matière de dépenses compte tenu de la forte intensité capitalistique de son travail.
Comment pouvons-nous créer un système qui envoie aux agriculteurs un signal pour changer leurs pratiques — et je pense que la plupart des agriculteurs en sont conscients puisqu’ils sont parmi les premiers à subir les changements climatiques — et qui reconnaît qu’il est beaucoup plus difficile de changer ce genre de grande exploitation comparativement à un petit consommateur comme moi qui prend des décisions personnalisées?
M. King : Je peux essayer de répondre à cette question, madame la présidente. Je ne pense pas qu’il y ait le moindre doute sur le fait que tout agriculteur qui exploite une entreprise essaie de minimiser ses coûts. Il est probablement évident — compte tenu de la participation à certains des programmes dont mon collègue d’Agriculture et Agroalimentaire Canada a parlé — qu’il est possible de s’approcher de la frontière. Toutefois, nous n’en sommes pas encore là au Canada.
Je ne pense pas que nous puissions sous-estimer ou minimiser la valeur des mesures incitatives. Il est bien d’avoir un incitatif pour encourager le développement et l’adoption de la technologie. En l’absence de signal de prix, je pense qu’il était clair que ce serait plus lent. Vous vous souviendrez que le signal de prix pour le prix du carbone a commencé à 10 $ la tonne en 2018, et qu’il augmentera lentement jusqu’à 170 $ la tonne. Il ne s’agit pas d’une introduction ponctuelle d’un prix. La progression est lente et régulière, mais elle se fait. Je pense qu’il est important d’avoir un incitatif pour stimuler l’innovation. Si vous retirez cet incitatif, l’innovation et l’adoption seront moindres.
La méthode du crédit présente certaines limitations dont on a discuté mais, parallèlement, ce financement — dans son ensemble — revient aux agriculteurs. Il n’est pas nécessairement calculé pour chaque exploitation, mais il revient quand même. Je ne sais pas si je peux répondre à votre question à propos d’un meilleur système, mais c’est celui que le gouvernement a choisi de mettre en place.
La sénatrice Burey : Je vous remercie de votre présence aujourd’hui. Je veux aborder le Programme pour les technologies propres en agriculture. Nous avons entendu dire que les agriculteurs veulent améliorer leur rendement et, ce faisant, obtenir plus d’innovations, de technologies propres et ce genre de choses. Mais nous avons également entendu dire qu’il est difficile d’accéder à ces programmes.
Nous avons parlé d’incitatifs, alors quel est le pourcentage des demandes qui sont approuvées?
M. Valicenti : Merci beaucoup de la question. Je n’ai pas le nombre de demandes ici. Nous pouvons revenir sur cette question, mais il y avait une raison — en 2022 — pour laquelle le gouvernement a ajouté des fonds supplémentaires au programme car nous avons constaté un nombre trop élevé de demandes au cours de la première année. Nous prévoyons financer plus de demandes pour la deuxième année. Nous estimons qu’en utilisant un système fermé pour l’admission, nous regardons dans tout le pays ceux qui ont le plus grand potentiel de réduire des GES dans les domaines que j’ai mentionnés: l’efficacité énergétique et les technologies plus vertes.
Nous allons constater une hausse du nombre de demandes approuvées la deuxième année, mais je n’ai simplement pas le nombre — et nous l’avons — concernant la participation pour la deuxième année. Je peux certainement vous revenir avec une réponse et la fournir à la greffière.
La sénatrice Burey : Oui. Merci beaucoup.
Le sénateur Woo : Je veux revenir sur le crédit d’impôt et sur la question de savoir si nous pourrions réfléchir à une meilleure façon de procéder. Je sais que plus il y a d’exceptions dans le système fiscal, moins il est efficace. Avez-vous les données à l’ARC pour déterminer les exploitations qui sèchent le grain et chauffent les granges afin qu’elles soient les seules à être admissibles? Est-ce techniquement possible?
Mme Robbins : Nous sommes à Finances Canada, si bien que je ne peux pas parler des tenants et aboutissants des données de l’ARC. Je ne pense pas qu’il soit possible d’obtenir ce niveau de détail, mais je prends certainement note de votre observation.
Le sénateur Woo : Je suis désolé. Ma question s’adresse aux représentants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada: avez-vous une estimation de l’augmentation nette des émissions qui pourrait s’ensuivre si cet amendement est adopté?
Jeff Lindberg, gestionnaire, Mobilisation et évaluation, Bureau des marchés du carbone, Environnement et Changement climatique Canada : Merci de la question. Nous savons que nous parlons de 2 à 3 mégatonnes d’émissions couvertes qui ne le seraient plus. Cela dépend si les instances qui ont leurs propres systèmes choisissent d’exempter également — par exemple, si la Colombie-Britannique décide d’exempter davantage. C’est le nombre d’émissions couvertes.
Nous n’avons pas de chiffre pour le secteur en ce qui concerne ce que nous pensons être les réductions uniquement pour la tarification du carbone parce que les différentes mesures du plan de lutte contre les changements climatiques et les mesures des provinces et des territoires interagissent toutes. Lorsque nous modélisons les estimations des réductions résultant de la lutte contre les changements climatiques dans le Plan de réduction des émissions pour 2030, nous avons tendance à le faire globalement, et non pas avec une mesure unique ou un secteur unique. Il s’agit de modèles économiques qui sont difficiles à détailler, alors nous n’avons pas cette estimation.
Le sénateur Woo : D’un point de vue comportemental, vous attendez-vous à ce que l’exemption de ces carbones dans ces secteurs donne lieu à une hausse des émissions par rapport au niveau de référence de ces exemptions? Cela fait-il partie de la variable comportementale de votre modèle?
M. Lindberg : Oui, car l’économie et la vaste expérience avec ces marchés nous révèlent que sans cet incitatif, toutes choses étant égales, moins de mesures seront prises pour réduire l’utilisation de ces carburants. Ce qui est difficile à dire — et cela rejoint les points soulevés par d’autres aujourd’hui —, c’est l’ampleur du changement, simplement parce que certains agriculteurs ne prennent pas de mesures immédiates s’ils viennent d’investir dans un séchoir à grains ou autre. Toutes proportions gardées, sans tarification du carbone, nous voyons assurément des émissions plus élevées à l’échelle mondiale dans l’économie.
Le sénateur Woo : Nous savons que de nombreux agriculteurs ne sont pas encore avancés sur le plan technologique car la participation aux programmes qui les aident à adopter les technologies est énorme. S’il s’avère exact que les incitatifs suppriment la volonté de se moderniser, les émissions seront-elles plus importantes qu’elles l’auraient été autrement?
M. Lindberg : Je dirais que c’est probable, et je ne peux pas parler des détails, mais c’est l’observation générale.
Le sénateur Dalphond : J’ai de courtes questions à poser. Ma première porte sur les serres. On a mentionné plus tôt les serres. Existe-t-il un régime spécial pour les serres dans le cadre duquel elles bénéficient d’un allégement d’environ 80 %? Pouvez-vous fournir des explications? Je ne suis pas un expert en fiscalité, mais je pense qu’il y a un statut spécial pour les serres.
M. King : Il y a une exemption partielle — mais elle est très vaste — pour les serres dans le cadre de la LTPCGES. Elles obtiennent un allégement de 80 % sur la redevance sur les combustibles pour leur utilisation du propane et du gaz naturel, simplement parce qu’il s’agit d’un intrant très important pour la production dans les serres. Encore une fois, ce modèle a été établi à partir de la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique qui était en vigueur avant la tarification fédérale du carbone.
Le sénateur Dalphond : Merci. Ma deuxième question fait suite aux questions qui ont été posées, surtout par le sénateur Woo. J’ai rencontré de nombreux groupes, et ils sont très frustrés. La sénatrice Simons a parlé des producteurs de bovins qui n’utilisent pas d’essence ou très peu.
N’est-ce pas ainsi — puisque vous n’avez pas l’information sur le nombre d’exploitations — qu’ils devront demander le crédit d’impôt, en montrant que leur consommation d’énergie représente 5 ou 10 % de leurs coûts d’exploitation? Ils doivent vous montrer leurs coûts d’exploitation, et ils reçoivent une réduction d’impôt en fonction des coûts d’exploitation globaux. C’est ce que j’ai compris. Serait-il possible de modifier ce système de manière à ce qu’il cible les personnes qui, disons, consomment beaucoup d’énergie? Même s’ils utilisent de l’électricité, ils recevront le remboursement parce qu’ils utilisent de l’électricité plutôt que du propane, par exemple, ou du gaz naturel.
Mme Robbins : Merci de la question. Ce sont de bonnes observations que vous formulez tous. Il y a des compromis...
Le sénateur Dalphond : [Difficultés techniques] ... le ministère sera là la semaine prochaine. C’est un économiste; je n’en suis pas un.
Mme Robbins : Il y a des compromis à envisager. Il y a certainement des avantages et des inconvénients à la méthode de crédit existante. Comme M. King l’a dit, l’avantage est que cela préserve le signal de prix. Son application et son administration sont également simples pour l’ARC. Le rôle de l’ARC consiste à administrer le système fiscal. Le revenu est la mesure qui compte à cette fin. Plus vous essayez de peaufiner ces programmes, plus il est difficile de les faire passer par le système fiscal. C’est un point à souligner.
Le ministre doit également prescrire un taux de paiement à l’avance pour que le crédit fonctionne. Il faut connaître à l’avance les détails de ces circonstances. Nous ne pouvons pas forcément estimer le taux de paiement qui devrait s’appliquer. L’avantage est que nous préservons le signal de prix et que nous avons un certain niveau de simplicité, mais vous avez raison, cela se fait peut-être au prix d’un moins bon ciblage.
La sénatrice Burey : Cette question s’adresse à Environnement et Changement climatique Canada. Je suis pédiatre. J’ai travaillé pendant la pandémie, et nous avons dû utiliser notre table scientifique pour la modélisation. Je ne vais pas vous dégager de toute responsabilité en disant que vous avez des hypothèses; vous pouvez mettre en place différents modèles. Pour un projet de cette envergure — avec un programme aussi important pour les changements climatiques —, nous devrions avoir des modèles. J’encourage votre ministère à se pencher sur la modélisation. Les émissions augmenteront-elles si nous adoptons ce projet de loi? On peut introduire différentes variables dans un modèle, tout comme lorsqu’on voit un ouragan et qu’on prédit où il va se diriger.
Par exemple, on peut voir une participation prévisible en fonction des nouvelles technologies. Nous venons d’entendre que les programmes reçoivent trop de demandes. Les gens veulent vraiment les suivre, mais ils n’ont souvent pas assez de fonds ou de financement pour le faire. Nous savons qu’il y a déjà un énorme signe de changement de comportement — et je vais juste ajouter que je suis pédiatre comportementaliste.
Par ailleurs, nous savons que les technologies s’améliorent. Nous avons entendu dire que les gens veulent déjà en acheter. Je pense vraiment que nous pourrions obtenir une modélisation de l’incidence de ce projet de loi sur les émissions. C’est peut-être une simple déclaration et non pas une question.
M. Lindberg : C’est un point pertinent. Je peux en faire part au groupe qui dirige notre modélisation. Cela s’éloigne un peu de notre approche de modélisation de l’ensemble de l’économie, mais je vais y réfléchir et, si possible, je fournirai une réponse au comité.
Le sénateur Dalphond : L’une des raisons pour lesquelles certains agriculteurs utilisent le gaz naturel et le propane pour leurs opérations, c’est qu’ils ne peuvent pas se raccorder au réseau. Ils disent qu’ils sont dans des régions éloignées, loin du réseau, ou que le réseau ne fournit pas une puissance électrique suffisante pour faire fonctionner une sécheuse, par exemple, qui nécessite plus d’énergie que mon téléviseur.
Y a-t-il un programme pour aider ces agriculteurs à se connecter sans payer trop cher? On m’a donné l’exemple d’un coût de 100 000 $ pour se connecter au réseau. Une autre personne a dit que c’était encore plus parce que la province n’offre pas le raccordement gratuitement. Je ne nommerai pas la province, mais c’est celle qui ne montre pas un grand intérêt pour certaines nouvelles technologies. Existe-t-il des moyens d’aider ces agriculteurs?
M. Valicenti : Dans le cadre du Programme pour les technologies propres en agriculture, nous avons trois piliers ou trois secteurs prioritaires. L’une est l’énergie verte et l’efficacité énergétique. Dans ce pilier, nous parlons beaucoup des séchoirs à grains, mais nous avons certainement vu un nombre important de demandes pour l’énergie solaire ou géothermique. Le coût du raccordement d’une partie de ces installations serait inclus si la demande était acceptée. Nous disposons d’un certain montant dans le cadre du Programme des technologies propres en agriculture.
Le sénateur Dalphond : Merci.
Le sénateur Woo : L’un des principaux arguments des partisans de ce projet de loi est que les prix sont très instables dans le secteur agricole et que le prix du carbone vient s’ajouter à leurs coûts. Ce sont des preneurs de prix — tant du côté de l’offre que de la demande — et, par conséquent, cela leur rend la vie plus difficile. L’instabilité des prix dans le secteur agricole existe depuis des temps immémoriaux. Cela fait partie du métier d’agriculteur, n’est-ce pas? D’une certaine manière, même si l’on supprime la tarification des GES sur le gaz naturel et le propane, vous pourriez avoir une situation où les prix s’effondrent, et les agriculteurs seraient aux prises avec de graves difficultés.
Ma question s’adresse aux représentants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Parlez-nous un peu de la manière dont nous pouvons venir en aide aux agriculteurs, de façon générale, pour gérer l’instabilité des prix, en mettant de côté la tarification du carbone. D’une certaine façon, la tarification du carbone est prévisible; nous savons quelles seront les augmentations. L’an prochain, il pourrait y avoir une augmentation des prix des carburants — sans parler du prix du carbone — qui atteindrait des sommets. Comment pouvons-nous les aider dans ces situations?
M. Valicenti : Je vous remercie de la question, sénateur. Je mets principalement l’accent sur le programme en matière d’innovation et d’environnement, mais il y a une autre direction dans le cadre de notre Direction des programmes qui se concentre sur ce que nous décrivons comme étant les programmes de gestion des risques de l’entreprise. Dans le cadre de ces programmes, nous pourrions penser à l’assurance-récolte, comme Agri-protection et Agri-stabilité, qui sont des programmes qui aident les producteurs — une assurance fondée sur la moyenne sur cinq ans et le niveau de revenu — pour peut‑être stabiliser au fil des ans en cas d’une baisse de revenus en raison de fluctuations des prix. Nous avons une occasion dans le cadre d’Agri-investissement pour les producteurs de placer de l’argent dans un fonds qui peut les aider les années où leurs revenus peuvent diminuer en raison des prix des produits de base, des conditions météorologiques, etc. Nous disposons d’un certain nombre d’initiatives différentes dans le cadre des programmes de gestion des risques de l’entreprise qui soutiennent les producteurs pendant les périodes plus difficiles.
Le sénateur Woo : Juste pour avoir une idée concrète, pouvez-vous nous donner une estimation des prix du gaz naturel ou du propane en tant que part des dépenses totales des exploitations concernées?
M. Goodlet : Il serait peut-être plus difficile de le faire pour le gaz naturel et le propane, mais je peux dire qu’en 2022, les dépenses d’exploitation pour l’ensemble des exploitations agricoles s’élevaient à environ 73 milliards de dollars, dont 2,5 milliards de dollars pour tous les carburants. Par « tous les carburants », j’entends le diésel et l’essence.
Le sénateur Woo : Le gaz naturel est-il un sous-ensemble?
M. Goodlet : C’est un sous-ensemble. Là encore, pour ce qui est de l’utilisation — des GES, à tout le moins —, le gaz naturel et le propane représentent environ 20 %, je pense, des GES liés aux combustibles.
Je ne sais pas comment cela se traduit en dépenses, mais les dépenses pour les carburants représentent environ 3,5 % des dépenses totales.
Le sénateur Woo : Et vous avez dit que le gaz naturel est un sous-ensemble de cela. C’est donc bien en deçà de 3 % des dépenses d’exploitation.
M. Goodlet : Je pense que c’est exact.
Le sénateur Woo : Merci.
Le sénateur Dalphond : Ai-je raison de croire que lorsque le système a été initialement conçu à partir de ce qui se faisait en Colombie-Britannique, vous avez exempté le carburant et l’essence parce qu’ils seraient utilisés dans les moissonneuses-batteuses, les tracteurs et les appareils mobiles —, mais pas pour chauffer la ferme ou pour faire rôtir les poulets? Ils devaient être utilisés pour les petites pièces d’équipement et non à des fins de chauffage, n’est-ce pas?
M. King : Je pense que c’est tout à fait exact. C’était l’intention précise de la politique dans les débuts du système.
Le sénateur Dalphond : Et nous élargissons maintenant la définition de machinerie agricole au-delà de ce qu’elle était.
M. King : C’est exact. Ce projet de loi — le projet de loi C-234 — élargirait la définition de machinerie, de même que celle des carburants utilisés afin d’inclure le propane et le gaz naturel.
Le sénateur Dalphond : Merci.
La vice-présidente : Je voudrais remercier tous nos témoins — Warren Goodlet, Marco Valicenti, Phil King, Jenna Robbins, Adam Martin et Jeff Lindberg — d’être venus aujourd’hui et d’avoir fourni des réponses aussi réfléchies. Je tiens à remercier tous les membres du comité de leurs questions réfléchies et pertinentes. Nous sommes très reconnaissants de l’aide de chacun pour nous aider à comprendre ce projet de loi.
[Français]
Notre prochaine réunion est prévue pour le mardi 26 septembre à 18 h 30. Nous continuerons à entendre des témoins sur le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.
[Traduction]
Merci aux interprètes, à l’équipe des Débats qui fait la transcription de la réunion, aux préposés aux salles de comité, au technicien des services multimédias, à l’équipe de diffusion, au centre d’enregistrement, à la DSI et à nos pages.
(La séance est levée.)