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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 26 septembre 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, avec vidéoconférence, à 18 h 30 (HE), pour examiner le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, mesdames et messieurs, je suis heureux de vous voir tous ici. Pour commencer, je tiens à souhaiter la bienvenue aux membres du comité et aussi à nos témoins, en personne et en ligne, ainsi qu’aux personnes qui observent la réunion ce soir. Je m’appelle Rob Black et je suis président du comité et sénateur de l’Ontario. J’aimerais commencer par demander aux sénateurs autour de la table de se présenter.

La sénatrice Simons : Sénatrice Paula Simons, Alberta, territoire visé par le Traité no 6.

Le sénateur Klyne : Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan, territoire visé par le Traité no 4.

Le sénateur Woo : Bonsoir. Yuen Pau Woo, de la Colombie‑Britannique.

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l’Ontario.

Le président : Il est bon d’avoir ici certains sénateurs qui en représentent d’autres; merci d’être ici. Merci à notre équipe de soutien derrière, qui s’est donné beaucoup de mal pour veiller à ce que nous puissions communiquer avec nos témoins en ligne.

Aujourd’hui, le comité se réunit au sujet du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Nos témoins du premier groupe sont les coprésidents Dave Carey et Scott Ross, de l’Alliance sur le carbone d’origine agricole; et M. Russell Hurst, directeur général de l’Association des entreprises agricoles de l’Ontario.

Malheureusement, nous ne serons pas en mesure d’entendre M. Orb, de l’Association des municipalités rurales de la Saskatchewan, mais il se joindra à nous un autre jour.

Nous recevons Kyle Larkin, directeur général, et Andre Harpe, président, par vidéoconférence, des Producteurs de grains du Canada.

Nous entendrons les déclarations liminaires de M. Carey, M. Ross, M. Hurst et M. Larkin. Vous aurez chacun cinq minutes. Je lèverai la main lorsqu’il vous restera une minute. Lorsque nous arriverons à environ 30 secondes, je lèverai les deux mains, et ce sera le temps de penser à conclure.

Je crois savoir que M. Carey et M. Ross se diviseront leurs cinq minutes.

Dave Carey, coprésident, Alliance sur le carbone d’origine agricole : Merci de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui concernant le projet de loi C-234. Je suis accompagné de Scott Ross, mon coprésident. L’Alliance sur le carbone d’origine agricole, ou ACA, est la première coalition du genre de 15 organisations agricoles nationales; elle a été établie pour garantir que les agriculteurs du Canada ont une voix constructive dans l’élaboration des politiques agroenvironnementales du Canada afin de maintenir la compétitivité, de soutenir les moyens de subsistance des agriculteurs et de tirer parti du rôle essentiel des agriculteurs en tant qu’intendants de la terre. Nos membres produisent les principaux produits de base, des semences aux céréales, en passant par le porc et le mouton, les bovins, les fruits et les légumes, les fourrages, les produits laitiers et la volaille. Collectivement, l’ACA représente plus de 190 000 entreprises agricoles qui contribuent directement au PIB du Canada à hauteur de 32 milliards de dollars.

Le projet de loi C-234 est une priorité stratégique clé pour nos membres. Pour demeurer compétitifs et durables sur le plan environnemental, les agriculteurs doivent de plus en plus investir du capital dans leurs innovations afin de gagner en efficacité, de réduire l’utilisation de carburant et de mettre en œuvre les meilleures pratiques de gestion, ce qui contribue à la réduction des émissions et à une meilleure empreinte environnementale et leur permet de continuer de faire ce qu’ils font le mieux : fournir des aliments aux Canadiens et au monde entier.

À l’heure actuelle, les agriculteurs paient un prix du carbone pour l’utilisation du gaz naturel et du propane dans le cadre de pratiques agricoles qui sont essentielles à la production alimentaire. Ces pratiques comprennent le séchage des céréales, le chauffage et le refroidissement des étables et des serres, la préparation des aliments pour animaux, le floconnage et l’irrigation.

La tarification du carbone a été mise en œuvre en tant que mécanisme visant à changer les comportements. Toutefois, sans solution de rechange viable, la tarification de ces activités n’incite pas à changer de comportement et à renoncer à l’utilisation du gaz naturel et du propane. Au contraire, elle ajoute une charge financière importante aux producteurs qui n’ont pas d’autres options viables.

Le projet de loi C-234 garantirait que les agriculteurs conservent leur capital en période d’inflation importante, ce qui leur permettrait de réaliser des investissements à la ferme pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire leur empreinte environnementale. Les investissements dans ces technologies peuvent coûter des centaines de milliers de dollars, et en l’absence de toute solution de rechange, les suppléments de carbone détournent les capitaux des investissements qui augmenteraient le potentiel du secteur de réduire davantage ses émissions.

Les membres de l’ACA ne s’opposent pas en principe à la tarification de la pollution. Nous nous opposons toutefois à l’idée d’accabler les agriculteurs canadiens de coûts punitifs alors qu’ils entreprennent des pratiques qui sont essentielles à la production de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et de fibres. Lorsque la Loi sur la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre a été mise en œuvre, elle exemptait l’essence et le diésel utilisés à la ferme. Nous pensons que le gaz naturel et le propane utilisés à la ferme devraient être traités de la même manière.

Scott Ross, coprésident, Alliance sur le carbone d’origine agricole : Pour dire les choses simplement, les exemptions constituent la meilleure option. Selon un rapport du directeur parlementaire du budget publié en juin 2021 concernant le plan environnemental du gouvernement, on estimait que l’augmentation de la taxe sur le carbone de 120 $ la tonne — pour la faire passer de 50 $ à 170 $ la tonne — d’ici 2030 abaisserait les émissions du secteur de moins d’une mégatonne de dioxyde de carbone, soit une réduction des émissions d’environ 1 %. Cette mesure coûterait un milliard de dollars aux agriculteurs, entraînant une diminution des investissements et de l’innovation et exacerbant potentiellement la sécurité alimentaire en même temps.

Malheureusement, les remises accordées aux agriculteurs dans le cadre du projet de loi C-8 ne tenaient pas compte des facteurs — largement indépendants de la volonté des agriculteurs — qui entraînent une variabilité importante dans l’utilisation du propane et du gaz naturel. En réalité, la méthode globale signifie que de nombreux agriculteurs ne reçoivent qu’une portion de ce qu’ils ont versé en taxe sur le carbone sous forme de remises. Cela signifie qu’ils ont moins d’argent à réinvestir dans la ferme. Les remboursements sont aussi rétrospectifs et différés dans le temps, ce qui décourage les investissements rapides.

Le projet de loi C-234 prévoirait une exemption globale, mais ciblée dans le cas des activités essentielles pour lesquelles il n’existe aucune solution de rechange viable. Les agriculteurs conserveraient l’argent dans leurs poches afin de pouvoir réaliser des investissements opportuns dans le cadre de leurs activités. Il ne faut pas oublier que les agriculteurs sont des fournisseurs de solutions climatiques novatrices, qui séquestrent des millions de tonnes de carbone, protègent la biodiversité et les pâturages et utilisent les dernières technologies — lorsqu’elles sont viables sur le plan commercial — pour réduire l’utilisation du carburant et de l’eau.

Au cours des 20 dernières années, sans tarification du carbone, la production agricole a doublé alors que les émissions totales provenant du secteur ont été relativement stables, ce qui a entraîné une diminution de 50 % de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre de 1997 à 2017.

Les agriculteurs, les producteurs et les éleveurs sont des intendants de leurs terres, qui adoptent les meilleures pratiques environnementales dès que c’est possible pour continuer d’investir dans l’innovation. Ils doivent rester compétitifs et avoir accès à un capital suffisant. Si l’on adopte des politiques qui soutiennent ces résultats, ils seront en mesure de poursuivre leurs investissements dans la durabilité de leurs activités, et de favoriser la réduction des émissions et la séquestration du carbone tout en nourrissant les Canadiens et le monde entier.

Les agriculteurs, les producteurs et les éleveurs du Canada sont très favorables au projet de loi C-234, et nous sommes impatients de répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup.

Russell Hurst, directeur général, Association des entreprises agricoles de l’Ontario : Bonsoir, monsieur le président et mesdames et messieurs. Merci de nous fournir l’occasion de nous prononcer sur l’étude du projet de loi C-234 entreprise par le comité.

L’Association des entreprises agricoles de l’Ontario, ou OABA, est un groupe industriel qui représente des entreprises allant de l’exploitant unique à la grande multinationale, qui exploitent des élévateurs à grains primaires et des silos terminaux, des élevages, des provenderies et des installations de traitement des récoltes dans environ 500 sites de l’ensemble de la province de l’Ontario.

En ce qui concerne les répercussions économiques de notre secteur, chaque année, nos membres génèrent un chiffre d’affaires de plus de 19 milliards de dollars et emploient plus de 30 000 employés à temps plein et à temps partiel.

L’OABA et ses membres sont très favorables au concept d’aide financière pour les principaux producteurs canadiens qui ne disposent autrement d’aucune solution de rechange énergétique viable à grande échelle et doivent payer des taxes fédérales sur le carbone pour leurs coûts de production, tant pour le séchage des grains que pour le chauffage des bâtiments d’élevage.

Le coût du séchage des grains, que ce soit à la ferme ou dans n’importe lequel de nos plus de 300 silos-élévateurs commerciaux de l’Ontario, fait partie essentielle du processus de récolte pour garantir que les grains peuvent être utilisés comme aliments, aliments pour animaux et biocarburants. L’OABA recommande que, dans le cadre de l’étude du comité sénatorial, vous examiniez la possibilité d’inclure les dépenses engagées par les agriculteurs pour le séchage aux silos-élévateurs commerciaux.

La plupart des exploitations agricoles de l’Ontario ne sont pas en mesure de procéder au séchage des grains à la ferme. Cela diffère grandement des systèmes de production de l’Ouest canadien, où la plupart des exploitations agricoles possèdent cette capacité. Les pourcentages précis en Ontario varient d’une région à l’autre, mais, dans l’ensemble, environ deux tiers du volume du maïs cultivé dans la province est séché dans les silos‑élévateurs commerciaux exploités par les membres de l’OABA.

La structure actuelle du projet de loi C-234 a pour conséquence involontaire de créer un déséquilibre important entre les coûts de production des agriculteurs de l’Ontario, car l’exemption proposée ne concerne que les exploitations agricoles qui possèdent la capacité de séchage à la ferme, et ne prévoit aucun allègement de la taxe sur le carbone pour les agriculteurs qui décident de sécher leurs céréales dans l’un des 357 silos commerciaux de la province. Si aucune modification n’est apportée, environ un tiers des dépenses engagées pour sécher les céréales en Ontario seront exonérées de la taxe sur le carbone, les deux tiers restants n’étant pas exonérés.

Le séchage des grains à la ferme peut être un processus à forte intensité de capital, les nouveaux séchoirs à grains coûtant de plusieurs centaines de milliers à plusieurs millions de dollars pour des exploitations à haut rendement et à grande capacité. La plupart des exploitations agricoles de l’Ontario choisissent d’affecter leur capital à d’autres aspects de leurs activités agricoles et utilisent les silos-élévateurs commerciaux pour fournir des services de séchage des grains en temps opportun et, dans la plupart des cas, de manière plus efficace sur le plan énergétique et économique pour les cultures produites.

Selon les estimations fondées sur l’analyse publiée par Producteurs de grains de l’Ontario, l’exonération de la taxe sur le carbone aux taux actuels entraînerait une disparité des coûts de production d’environ 18,20 $ par acre pour le maïs cultivé cette année. Ce chiffre augmenterait également à 47,60 $ par acre d’ici 2030 lorsque la taxe sur le carbone sera fixée à 170 $.

Autrement dit, les agriculteurs de l’Ontario ont cultivé 2,2 millions d’acres de maïs en 2022. On estime que les deux tiers de cette production totale seront séchés dans les silos commerciaux. Aux taux actuels de la taxe sur le carbone, les agriculteurs de l’Ontario qui choisissent d’utiliser les services de séchage des céréales commerciaux ne seraient pas admissibles à un allègement de la taxe sur le carbone de plus de 27 milliards de dollars au taux actuel et à plus de 70 millions de dollars d’ici 2030 si les superficies récoltées demeurent inchangées.

Nous recommandons que le comité examine la possibilité de modifier davantage le projet de loi afin que l’on s’assure que les agriculteurs de l’Ontario profitent à parts égales du projet de loi proposé. De plus, nous avons les considérations suivantes : lorsque les céréales sont séchées dans un silo commercial en Ontario, elles demeurent la propriété de l’agriculteur qui les a produites. L’exploitant du silo commercial fournit à l’agriculteur une facture pour le propane ou le gaz naturel utilisé pour sécher ses céréales en fonction d’un niveau d’humidité convenu avant qu’elles ne soient stockées ou utilisées par un utilisateur final. Le processus administratif est très semblable à ce que le secteur du pétrole a déjà réussi à mettre en œuvre, où les entreprises agricoles enregistrées fournissent à leur fournisseur de carburant une documentation sur l’exonération de la taxe fédérale sur le carbone pour le carburant consommé.

En fin de compte, en tant que secteur, nous devons nous efforcer d’obtenir une politique gouvernementale qui ne se traduit pas par des gagnants et des perdants financiers sur le marché pour avoir entrepris un processus nécessaire de gestion des céréales lorsqu’il n’y a pas actuellement de solutions de rechange réalistes à grande échelle. Je vous implore de bien comprendre le déséquilibre que ce projet de loi pourrait créer sur le marché et d’étudier la possibilité d’y apporter d’autres amendements.

Merci, monsieur le président. Je suis impatient de répondre à tout commentaire ou à toute question que le comité pourrait avoir.

Le président : Merci, monsieur Hurst.

Kyle Larkin, directeur général, Producteurs de grains du Canada : Merci, monsieur le président. Je remercie les membres du comité d’avoir invité les Producteurs de grains du Canada, ou PGC.

En tant que voix nationale des producteurs de grains du Canada, les PGC représentent plus de 65 000 producteurs par l’entremise de ses 14 groupes de producteurs nationaux, provinciaux et régionaux. Nos membres sont orientés vers le commerce, le développement durable et l’innovation. En tant qu’association agricole représentant l’industrie des grains, PGC défend les politiques fédérales qui appuient la compétitivité et la rentabilité des producteurs de grains d’un bout à l’autre du Canada.

Avec nos collègues de l’Alliance sur le carbone d’origine agricole, nous vous demandons d’appuyer sans réserve le projet de loi C-234. Autrement dit, ce projet de loi est essentiel pour soutenir la rentabilité et la viabilité des exploitations céréalières de l’ensemble du Canada, ainsi que leur capacité de nourrir les Canadiens et le monde entier.

Les agriculteurs canadiens comptent déjà des pratiques parmi les plus durables du monde. Le plan climatique du gouvernement, intitulé Un environnement sain et une économie saine, publié en décembre 2020, indique ceci :

Les agriculteurs, les éleveurs et les entreprises agroalimentaires du Canada innovent constamment pour améliorer leurs pratiques afin de les rendre plus durables, de mieux utiliser les intrants, de développer des produits biologiques et d’accroître leur efficacité énergétique... En 2018, le secteur de l’agriculture au Canada a généré 50 % de moins d’émissions de gaz à effet de serre pour chaque dollar de PIB qu’il a généré comparativement à 1997.

Les producteurs de grains sont des intendants naturels de leurs terres. Grâce à l’adoption généralisée de méthodes qui préservent le sol, les producteurs ont été en mesure de réduire de manière significative la consommation de carburant et de séquestrer des centaines de mégatonnes de carbone au cours des dernières décennies. Malheureusement, la Loi sur la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre, également connue sous le nom de taxe sur le carbone, ne reconnaît pas ces contributions environnementales et punit financièrement les agriculteurs qui travaillent dur depuis des années. En fait, le directeur parlementaire du budget estime qu’elle coûtera aux agriculteurs près d’un milliard de dollars au cours des huit prochaines années.

Pour créer le grain recherché du Canada, comme le canola, le blé et le maïs, le séchage est un processus essentiel que des milliers d’agriculteurs doivent effectuer chaque année. Le séchage des grains est nécessaire pour atteindre le niveau d’humidité requis qui permet de créer les céréales canadiennes de qualité supérieure dont dépendent les Canadiens et le monde et d’éviter la détérioration et le gaspillage alimentaire. Malheureusement, la seule méthode du séchage consiste en l’utilisation d’un séchoir à grains qui fonctionne au propane ou au gaz naturel. Pour les producteurs céréaliers, on parle d’une superficie pouvant atteindre des dizaines de milliers d’acres, et il s’agit de la seule technologie actuellement offerte sur le marché.

Je serai clair : il n’existe actuellement aucune solution de rechange viable ni même aucune rumeur à cet égard dans l’avenir proche.

Certains ont suggéré que le séchage par air chaud ou le refroidissement en silo et par aspiration pourrait constituer une solution de rechange viable. Cette suggestion soulève deux problèmes principaux. Premièrement, ces technologies ne peuvent pas être utilisées à grande échelle. Par exemple, elles ne peuvent sécher que quelques centaines de boisseaux par jour, alors que les grands séchoirs à grains peuvent en sécher de 500 à plusieurs milliers par heure. Deuxièmement, cette technologie n’est pas fiable et laisse les céréales sujettes à la détérioration. Par exemple, le maïs doit régulièrement être débarrassé de dix points d’humidité, alors que la technologie proposée peut sécher le maïs d’un ou de deux points avant qu’il ne s’abîme.

En conclusion, les agriculteurs sont déjà à l’avant-garde des objectifs ambitieux du Canada en matière de changements climatiques. Toutefois, ils ne devraient pas être pénalisés financièrement pour avoir créé le grain sur lequel comptent les Canadiens et le monde, et nous ne devrions pas non plus mettre en péril la sécurité alimentaire en remettant en question la viabilité de la culture céréalière. Étant donné qu’il n’existe actuellement aucune solution de rechange viable pour le séchage des grains, nous vous demandons d’appuyer sans réserve l’adoption du projet de loi C-234.

Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Larkin. Merci à tous nos témoins de ce soir.

Nous allons passer aux questions des sénateurs. Avant qu’ils ne posent des questions et répondent à des questions, j’aimerais demander aux membres et aux témoins dans la salle de bien vouloir s’abstenir de se pencher trop proche du microphone ou d’enlever leur oreillette ce faisant. Cela évitera toute rétroaction sonore susceptible d’affecter les personnes qui se trouvent derrière nous.

Comme lors de notre pratique précédente, j’aimerais rappeler aux sénateurs que vous avez cinq minutes pour votre question ou vos questions, et cela comprend également les réponses. Nous pouvons passer au deuxième et au troisième tours, et ainsi de suite.

Nous allons commencer par notre vice-présidente, la sénatrice Simons.

La sénatrice Simons : Monsieur Hurst, je viens de l’Alberta, donc je ne connais pas aussi bien que vous le modèle de séchage des grains que vous décrivez pour l’Ontario. Je note que le projet de loi a été rédigé par un député provincial de l’Ontario, or il a choisi de ne pas inclure les gros séchoirs à grains commerciaux, en raison du fait, je présume que le modèle vise à fournir l’exemption à l’agriculteur et non pas à une grande entreprise qui procède au séchage des grains. Les agriculteurs ne paient pas la taxe pour faire sécher leurs céréales dans un séchoir à grains central : c’est l’entreprise qui le fait.

Expliquez-moi la logique de ce modèle. Je présume que d’autres entreprises pourraient également demander une exemption, et je crois savoir que le projet de loi visait à accorder l’exemption étroitement aux agriculteurs eux-mêmes.

M. Hurst : Je vous remercie de poser la question. Pour clarifier les choses, les silos-élévateurs commerciaux de l’Ontario refilent le coût du gaz naturel et du propane, y compris la taxe sur le carbone, directement au producteur. Donc, dans la pratique, lorsque le producteur reçoit une facture pour les frais liés au séchage des grains, celle-ci comprend toutefois les nombreux mètres de gaz naturel ou de propane qui sont utilisés ainsi qu’une taxe sur le carbone.

En fin de compte, pour le secteur des élévateurs à grains, la taxe sur le carbone est entièrement un transfert. Ce que nous préconisons vraiment dans ce processus, c’est que tout producteur qui utilise les services d’un silo-élévateur commercial, dans la forme actuelle du projet de loi, ne puisse pas bénéficier de l’exemption.

En fin de compte, ce que nous cherchons à obtenir, c’est que tout producteur de l’Ontario qui utilise les séchoirs à grains commerciaux dans la forme actuelle du projet de loi ne soit pas exempté et qu’il doive au final engager ce coût parce que les élévateurs à grains le lui refilent dans le cadre des frais de service.

La sénatrice Simons : J’imagine que l’on pourrait dire que toute entreprise refile le coût de la taxe sur le carbone à ses consommateurs, mais comment ne pas le faire?

M. Hurst : Je pense que c’est une évaluation juste.

La sénatrice Simons : Très bien. J’ai une question pour M. Larkin.

L’une des préoccupations qui ont été soulevées concernant la façon dont les Canadiens sèchent parfois leur produit est l’utilisation du glyphosate, qui est un dessiccant, mais dont on s’est également inquiété qu’il soit cancérigène.

Pensez-vous que les agriculteurs canadiens risquent de s’orienter davantage dans cette direction s’ils ne peuvent pas sécher eux-mêmes leurs céréales de manière compétitive?

M. Larkin : À ma connaissance, je n’ai entendu aucune de ces préoccupations de la part des producteurs de grains à qui j’ai parlé d’un bout à l’autre du Canada.

La principale préoccupation dont on m’a fait part, c’est vraiment simplement le coût ajouté du séchage des céréales. Les gens sont habitués à un système qu’ils utilisent depuis des années, et beaucoup d’entre eux ont investi un capital important dans un séchoir à grains au gaz naturel et au propane, et sont maintenant pénalisés depuis les dernières années pour avoir fait cet investissement.

La sénatrice Simons : Très bien. Je suppose que l’on pourrait dire que, si les agriculteurs recevaient un signal du marché disant qu’ils devaient trouver une autre technologie dans laquelle investir, ils pourraient investir dans des séchoirs à grains plus efficients et efficaces ou des moyens plus efficients et efficaces de sécher le grain. Je crois savoir que vous dites qu’il n’y a aucune technologie de rechange en ce moment, mais parfois les gens ont besoin d’un signal économique qui leur dit que nous devons changer nos pratiques. Je sais que les agriculteurs sont aussi préoccupés que n’importe qui au sujet du changement climatique, parce qu’ils sont à la pointe du changement climatique. Pensez-vous qu’un signal de prix pourrait encourager les gens à investir dans des technologies plus efficaces sur le plan énergétique?

M. Larkin : Je suis tout à fait d’accord avec vous, sénatrice Simons. L’objet de la loi est évidemment d’ajouter un prix aux combustibles fossiles afin que les Canadiens changent leurs pratiques. Vous regardez le marché des consommateurs, vous voyez aujourd’hui plus de Canadiens acheter des véhicules électriques qu’il n’y a 10 ans. Cela s’explique en partie par la taxe sur le carbone applicable à l’essence.

Mais malheureusement pour les agriculteurs, il n’y a aucune solution de rechange viable. Tout ce qui existe en ce moment à grande échelle pour les exploitations agricoles de la Saskatchewan ou de l’Alberta — qu’il s’agisse de 5 000, de 10 000 ou de 15 000 acres — au moment des récoltes lorsqu’il faut sécher tout type de grain, il faut le faire dès que possible, sinon vous risquez la détérioration. S’il existait une solution de rechange viable sur le marché, je ne sais pas si je serais ici aujourd’hui. Il n’y en a simplement pas.

L’autre chose, c’est que le projet de loi comporte une disposition de temporarisation de huit ans, qui, je pense, concerne les technologies que nous pourrions voir à l’avenir. Nous ne savons pas ce que nous verrons apparaître dans deux, trois ou quatre ans d’ici, mais aujourd’hui, il n’existe aucune solution de rechange viable sur le marché.

Lorsque je m’adresse à des entreprises qui produisent des séchoirs à grains, je constate que rien de nouveau ne se profile à l’horizon. En ce qui concerne aussi l’électrification, nous risquons d’être confrontés à un problème plus important, avec les provinces qui continuent de produire de l’énergie à partir du charbon ou du gaz naturel, et cetera. Nous voilà également dans un cercle vicieux, même s’il existe des solutions de rechange sur le marché.

Le président : Merci.

Le sénateur Oh : Je vous remercie de votre exposé. Lorsque les représentants du gouvernement ont témoigné la semaine dernière, nous avons appris que la Loi sur la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre s’inspirait de la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique. À ma connaissance, c’était la première fois que cette information était rendue publique.

Ma question est la suivante : puisque le secteur du grain de la Colombie-Britannique est minuscule par rapport à la production dans les Prairies, et que son climat est habituellement plus modéré que dans les Prairies, cela explique-t-il pourquoi la Colombie-Britannique n’exempte pas le propane et le gaz naturel dans la loi sur la tarification du carbone?

M. Carey : Merci de la question, sénateur Oh. Je ne peux spéculer quant à la raison pour laquelle le gouvernement de la Colombie-Britannique ou le gouvernement fédéral a choisi de procéder ainsi, mais vous avez raison. Pour ce qui est de ce que vous considérez comme une production de céréales et d’oléagineux, la Colombie-Britannique est un acteur relativement petit. En revanche, il s’agit d’un acteur important dans la production agricole pour ce qui est du bétail et de la volaille. Je ne peux pas nécessairement vous dire pourquoi la Colombie-Britannique a choisi de procéder ainsi, mais je peux dire que la manière dont la tarification sur le carbone a été mise en place... ou la Loi sur la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre ne fonctionne actuellement pas pour les Prairies, où la plus grande partie de l’agriculture canadienne a lieu. Monsieur Ross, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Ross : Non, pas en ce moment.

Le sénateur Oh : Quelqu’un d’autre?

M. Larkin : J’aimerais juste ajouter, sénateur Oh, que le B.C. Grains Council est un de nos membres, et, tout comme M. Carey l’a dit, la région de la Rivière de la Paix, dans le Nord de la Colombie-Britannique, produit beaucoup de grains.

Je ne peux pas dire pourquoi le gouvernement de la Colombie-Britannique n’aurait pas exempté le gaz naturel ou le propane, mais maintenant que l’on a étendu la tarification du carbone à l’ensemble du Canada, c’est devenu un gros problème pour les producteurs de grains. La plupart des producteurs de grains se trouvent en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Ce sont eux qui produisent l’essentiel du canola, du blé, de l’orge, des légumineuses et de toutes les céréales sur lesquelles nous comptons et le monde entier compte. C’est pourquoi c’est un problème plus important, parce qu’il touche un plus grand nombre d’agriculteurs au Canada.

Le sénateur Oh : Merci.

Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités. J’ai une question pour M. Hurst, puis quelques questions pour l’ACA.

Monsieur Hurst, en mai dernier, la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de l’époque a annoncé un soutien fédéral octroyé à 45 nouveaux projets liés à l’adoption de technologies de séchage des grains plus efficaces au Canada grâce à un investissement de plus de 22,2 millions de dollars dans le cadre du volet Adoption du Programme des technologies propres en agriculture.

Le programme a permis de soutenir 99 projets de séchage des grains dans l’ensemble du Canada. À votre avis, ce programme est-il efficace pour encourager l’établissement d’une capacité de séchage à la ferme? Que proposeriez-vous pour améliorer le programme, peut-être sous la forme de recherches, d’une orientation ou de soutien à la structuration des investissements susceptibles de le rendre plus accessible et de mieux répondre aux besoins des agriculteurs?

M. Hurst : Merci de poser la question, sénateur Klyne. J’y répondrai en deux parties. La première, c’est que c’est un bon début. En réalité, une centaine de petits séchoirs à grains, vu l’échelle de l’agriculture canadienne, représente une goutte d’eau dans l’océan. Je pense que c’est un signal intéressant pour le secteur afin qu’il investisse davantage.

Mais le deuxième aspect que j’examinerais, c’est que, de notre point de vue, il s’agit vraiment d’une approche systémique. Nous pouvons l’envisager sous tous ses aspects, de la génétique des plantes à la sélection de cultures ayant une meilleure capacité de séchage, ce qui permet d’utiliser moins de gaz naturel, de propane ou d’énergie, en passant par les nouveaux investissements dans l’efficacité énergétique. De notre point de vue, la durée de vie typique d’un séchoir de silo-élévateur commercial est de 20 à 25 ans. Vous faites cet investissement et l’utilisez jusqu’à ce qu’il ne soit plus viable, puis vous réinvestissez dans de nouvelles technologies.

Ce que nous commençons à voir, c’est qu’une grande partie de ces investissements, à l’échelle des entreprises ou de l’industrie, vise actuellement à améliorer l’efficacité avec la même source de combustible. Nous parlons du gaz naturel et du propane. Je pense que des sources de carburant de rechange constituent un objectif ambitieux, mais à vrai dire, il s’agit de technologies générationnelles. Ce ne sont pas des choses que l’on peut réaliser en un an ou deux. Il s’agit d’investissements qui s’étalent sur une décennie et qui, en fin de compte, doivent être réalisés par les entreprises, qu’il s’agisse d’entités commerciales ou d’exploitations agricoles... Lorsque le cycle de vie utile de l’équipement actuel s’achève, il faut faire ces investissements.

C’est un bon début, mais en fin de compte, l’accent doit être plus large et plus vaste, et c’est une goutte d’eau dans l’océan, en toute honnêteté, à l’échelle de l’agriculture canadienne.

Le sénateur Klyne : Avez-vous eu l’occasion de transmettre ces recommandations à l’échelon fédéral?

M. Hurst : Nous l’avons fait dans le cadre des consultations tenues l’an dernier. La réalité est que, de notre point de vue, nous sommes une association commerciale régionale pour les entreprises, et beaucoup de ces programmes sont très axés sur l’agriculteur. Et j’ai deux collègues ici qui sont probablement mieux placés que moi pour parler de l’accent qui y est mis.

En fin de compte, à l’échelon commercial, nos membres vont réaliser des immobilisations indépendamment des signaux de la politique gouvernementale. C’est une question de bon sens. À l’échelle des producteurs, beaucoup de ces programmes ciblaient davantage les producteurs.

Le sénateur Klyne : J’ai une question pour le monsieur de l’ACA. Lorsqu’ils ont témoigné au Comité de l’agriculture à l’autre endroit, les représentants de l’ACA ont dit au comité qu’ils soutenaient le projet de loi C-234 parce qu’il permettrait aux producteurs d’investir dans de meilleures technologies et des technologies plus respectueuses de l’environnement, tels que les séchoirs à grains, les technologies d’agriculture de précision, les digesteurs anaérobies et les panneaux solaires, qui peuvent tous être très coûteux.

Pouvez-vous en dire plus sur la raison pour laquelle vous pensez qu’une exonération fiscale est une mesure plus efficace pour encourager l’adoption de technologies nouvelles et propres qu’un signal de tarification de la pollution associé à des remises, qui est l’approche actuelle du gouvernement fédéral?

M. Ross : Je peux commencer sur ce point. Plusieurs angles sont pertinents pour cette question, sénateur Klyne. Tout d’abord, les arguments que M. Hurst a soulevés concernant l’échelle des investissements requis pour utiliser les programmes de partage des coûts sont importants et démontrent le besoin d’adopter une approche systémique.

Pour ce qui est du signal des prix, je pense que ce qu’il est le plus important de reconnaître, c’est que l’efficacité énergétique est un facteur de changement permanent dans les exploitations agricoles. C’est une réalité. C’est l’un des postes de dépenses les plus importants dans les exploitations agricoles. Nous avons constaté des augmentations importantes au cours des dernières années. Je dirais que le signal de prix est déjà assez fort pour inciter les agriculteurs à réduire leur consommation de carburant en utilisant toutes les technologies à leur disposition.

Les défis que nous constatons avec l’approche des remises sont fondamentalement que la méthode globale qu’elle emploie ne reflète pas la réalité à la ferme que connaissent de nombreuses personnes. La raison pour laquelle une personne paie un supplément de carbone plus important qu’une autre est souvent liée à l’infrastructure dont elle dispose, à la région dans laquelle elle se trouve, au climat avec lequel elle compose et à ce qu’elle produit. Ce n’est pas vraiment le reflet d’une décision de consommer plus de carburant. Il s’agit d’activités essentielles qui sont inhérentes à la nature de la production là où ces personnes exercent leurs activités.

Le sénateur Woo : Je vais revenir à la question du sénateur Klyne concernant la réduction fiscale et le fait de savoir si c’est un meilleur moyen de régler le problème que vous soulevez.

Tout d’abord, j’aimerais obtenir des précisions. Les séchoirs commerciaux sont-ils admissibles à la réduction fiscale, ou est‑ce seulement les agriculteurs?

M. Hurst : Elle viserait uniquement les agriculteurs, parce que, en fin de compte, ce sont eux qui engagent la dépense. Les silos commerciaux ne font que refiler cette dépense à l’agriculteur.

Le sénateur Woo : La critique au sujet de la réduction fiscale est qu’elle n’est pas ciblée. Cela s’explique par le signal de prix, et on l’adapte à la taille de l’exploitation agricole, et ainsi de suite.

Seriez-vous favorables à une modification de ce programme, qui prévoit un meilleur ciblage, mais maintient le signal de prix — autrement dit, on conserve le prix du carbone, mais on recense les exploitations agricoles qui, en fait, produisent des cultures qui ont besoin d’être séchées, par exemple, ou ont des poulets qui doivent être gardés au chaud et ainsi de suite? Comment réagiriez-vous à une modification du programme de tarification des gaz à effet de serre qui comprend ce type de programme de crédit d’impôt plus ciblé et remboursable?

M. Carey : À ce stade, nous n’avons vu encore aucune description d’un programme qui prévoirait une redistribution adéquate sur le plan actuariel. Nous avons entendu le ministère des Finances du Canada à la Chambre des communes dire qu’il s’agit d’une méthode globale et qu’il y avait très peu de sensibilité.

L’autre préoccupation concerne l’intensité en capital de l’agriculture et de l’agriculture primaire. Il faut que l’argent soit dans les poches des agriculteurs maintenant, et non dans 18 mois, et pas dans le cadre d’un processus où ils ne seront pas certains de ce qu’ils vont récupérer. Les signaux de prix sont là pour les inciter à se diversifier et à être le plus efficaces possible. Cependant, nous croyons — et le directeur parlementaire du budget et d’autres l’ont confirmé — que l’exemption des utilisations ciblées à la ferme est la meilleure solution.

M. Ross : Je rappellerais l’argument que M. Carey vient de soulever. Il est difficile de se prononcer sur une proposition que nous n’avons pas vue. Par définition, je pense que l’idée d’accorder un remboursement à ceux qui utilisent plus de carbone va à l’encontre du signal de prix que cela supposerait. Notre compréhension fondamentale du travail avec les agriculteurs est que le signal de prix, comme M. Carey l’a dit, est déjà très fort. Il ne fait aucun doute qu’un agriculteur prendra toutes les mesures à sa disposition pour réduire ces coûts, car ils sont très importants à la ferme.

Le sénateur Woo : Ma deuxième question, si je peux me permettre, revient à votre argument initial — très bon d’ailleurs — selon lequel vous voulez que les agriculteurs disposent du plus possible de bénéfices non répartis pour investir dans ce dont ils ont besoin, ce qui est essentiellement un moyen de dire que vous voulez réduire la volatilité et l’incertitude dans la structure de coûts et que le prix du gaz naturel augmente cette incertitude... enfin, ce n’est pas de l’incertitude. C’est un prix prédit, mais il entraîne une augmentation des coûts.

J’aimerais vous entendre au sujet de l’importance relative du gaz naturel et du propane dans la volatilité des revenus à la ferme. D’après ce que j’ai compris des fonctionnaires, la part du gaz naturel et du propane dans les dépenses d’exploitation des exploitations agricoles dont nous parlons est très faible. Le chiffre que nous avons entendu est bien inférieur à 3 %.

J’ai l’impression que vous ferez face à une plus grande volatilité simplement en ce qui concerne le prix des grains, par exemple, ou tout un tas d’autres choses que vous connaissez très bien et que vous excellez à gérer par l’intermédiaire des programmes de gestion des risques.

Quelle sera l’importance pour nous, pour le gouvernement et pour le Canada de supprimer la tarification de la pollution sur le gaz naturel alors qu’elle constitue une part aussi faible de votre coût? Incidemment, je pourrais ajouter qu’il me semble que le prix du gaz naturel a chuté abruptement au cours de la dernière décennie également, de sorte qu’aujourd’hui, la part de gaz naturel dans les dépenses agricoles totales est même encore plus petite qu’elle ne l’était, j’imagine, il y a 10 ans.

M. Carey : Je n’ai pas vu le chiffre de 3 %. Je serais certainement intéressé à le voir par l’entremise de la greffière.

Il y a des domaines où le gaz naturel est utilisé, mais le propane est aussi utilisé. Dans certains domaines, le gaz naturel n’est pas disponible. Je serais surpris que le chiffre soit aussi bas dans l’agriculture des Prairies vu l’importance que nos membres y ont accordée, y compris dans une trousse que nous avons envoyée par l’entremise de la greffière. Nous avons des témoignages d’agriculteurs au sujet de la somme d’argent qu’ils paient.

Je pense que le gaz naturel et le propane représentent des coûts importants à la ferme. Ces coûts augmentent certainement, que l’on ait accès au gaz naturel ou au propane, que l’on dispose d’une ligne directe ou que l’on transporte le gaz par camion.

Une chose que nous oublions parfois, c’est qu’il ne s’agit pas d’une exemption totale pour les agriculteurs. Dès que le prix du carbone augmente, les coûts du camionnage, du transport ferroviaire, des engrais, des semences et des intrants augmentent tous de façon importante. Nous sommes ici pour parler de gaz naturel et de propane, mais je pense qu’il s’agit d’un poste budgétaire important pour la plupart des agriculteurs.

M. Hurst : L’un des points importants, c’est qu’il est très difficile d’utiliser des moyennes dans le contexte de l’agriculture canadienne. C’est un secteur très diversifié. Même dans de précédents rapports, le directeur parlementaire du budget a signalé que les suppléments de carbone dans les exploitations agricoles sont assez irréguliers. C’est très variable et fortement individualisé.

Cela démontre également les difficultés associées à l’utilisation de la méthode globale pour le remboursement. Une évaluation universelle de ce qui se passe dans les exploitations agricoles au Canada tend à passer à côté d’une grande partie de la variabilité et de la diversité qui existent dans notre pays dans le domaine de l’agriculture, où nous parlons de plus de 190 000 entreprises différentes.

La sénatrice Osler : Je suis la sénatrice Gigi Osler, du Manitoba.

Je vais adresser ma question à M. Larkin, mais par la suite, elle sera ouverte à quiconque aimerait y répondre.

Monsieur Larkin, votre témoignage se fait l’écho de ce que le Comité de l’agriculture à l’autre endroit a entendu en 2022, à savoir que les solutions de rechange actuelles aux méthodes de séchage des grains à partir de combustibles fossiles sont disponibles sur le marché, mais nécessitent un investissement initial important. À un autre moment, ils ont entendu dire qu’il n’existait aucune autre solution de rechange adaptable ou viable au gaz naturel et au propane pour le chauffage ou le refroidissement des étables.

Ma question porte sur les méthodes de rechange. Le projet de loi C-234 comprend une disposition de temporarisation de huit ans. À votre avis, huit ans suffisent-ils comme mesure incitative? Est-ce assez long pour que des solutions de rechange facilement accessibles, adaptables et viables au gaz naturel et au propane soient offertes pour les méthodes de séchage des grains?

M. Larkin : C’est une excellente question, sénatrice Osler. Vous me questionnez sur l’avenir, ce qui est évidemment difficile à prévoir. Je pense que si nous devions revenir en arrière même il y a quatre ans, et examiner le marché des véhicules électriques, par exemple, ou même les pompes à chaleur géothermiques, les deux technologies sont adoptées à grande échelle en ce moment parce qu’elles sont des solutions de rechange viables aux versions actuelles fonctionnant aux combustibles fossiles. Malheureusement, en ce qui concerne le séchage des grains, il n’existe actuellement aucune solution de rechange viable. Toutefois, nous ne sommes pas certains de ce que nous verrons dans deux, trois ou quatre ans. Nous ne sommes pas certains de ce que nous verrons dans six, sept ou huit ans.

Je dirais que huit ans est probablement le chiffre magique pour ce qui est de la recherche et du développement nécessaires pour que les entreprises puissent créer des solutions de rechange viables. Il s’agit certainement de quelque chose qui intéressera les entreprises de séchage du grain, surtout à mesure que nous nous rapprochons de 2030, de 2050 et de nos objectifs en matière d’émissions net zéro et de changement climatique.

La dernière chose que je dirais, c’est que les technologies comme le séchage par air sec ou d’autres technologies que certains ont suggérées ne sont tout simplement pas des solutions de rechange viables. Si vous regardez ces technologies, elles peuvent peut-être sécher 500 boisseaux par jour. Les agriculteurs ont besoin d’une capacité beaucoup plus grande que cela, surtout ceux dans les Prairies, où, si vous avez un séchoir au gaz naturel ou au propane, vous pouvez sécher 500 boisseaux par heure. Il s’agit de technologies 24 fois plus efficaces. Lorsque je dis qu’il n’y a pas de solutions de rechange viables, c’est exactement ce dont je parle.

La sénatrice Osler : Merci.

M. Carey : La durabilité est un continuum, et les agriculteurs veulent continuer d’innover. Je pense que la disposition de temporisation de huit ans envoie un signal aux agriculteurs, disant que nous comprenons les pressions financières qu’ils subissent et savons qu’ils veulent réaliser des immobilisations à la ferme, tout en envoyant un signal aux entreprises qui servent les agriculteurs, disant que nous devons innover. Nous avons besoin de séchoirs à grains plus écoénergétiques, et nous avons besoin de meilleurs moyens de faire les choses.

De plus, la réalité, c’est que tout cela ne repose pas seulement sur la technologie, il y a aussi l’infrastructure. Selon l’endroit où vous êtes dans le pays, vous n’avez pas accès à l’alimentation en courant triphasé. Même en Ontario, nous n’avons pas encore l’alimentation en courant triphasé pour atteindre les unités thermiques britanniques suffisantes pour les séchoirs à grains. Cependant, la technologie dans ce domaine est en plein essor, et nous sommes très optimistes quant à l’avenir, car nous pensons qu’il y aura des solutions de rechange viables.

D’après le témoignage de l’Agri-Food Innovation Council mentionné à l’autre endroit, il faudra environ 10 ans avant que cette innovation ne soit mise en place, et il s’agissait d’un témoignage de 2021 ou de 2022. Huit ans à compter de la sanction royale tombe probablement au bon moment entre le fait de ne pas éroder un signal de prix et de reconnaître que la durabilité est un continuum, mais il faut aussi inciter les entreprises de technologies propres à investir, parce que je ne pense pas qu’il soit viable pour le gouvernement de continuer de financer certains de ces projets. Nous voulons le secteur privé. Nous voulons des emplois bien rémunérés et des technologies plus vertes, mais elles ne sont pas disponibles à l’heure actuelle, et l’autre préoccupation, c’est que même si elles l’étaient, l’arriéré sera probablement de trois à cinq ans. Ce ne sont pas tous les agriculteurs de mon conseil d’administration qui possèdent un séchoir à grains, mais ceux qui veulent une nouvelle moissonneuse-batteuse attendent leur équipement pendant deux à trois ans en raison des difficultés liées à l’offre et à la demande.

Tout cela est pris en considération. Il n’y a pas de solution miracle, mais nous voulons, dans la mesure du possible, assurer un avenir plus vert pour l’agriculture canadienne. Les agriculteurs ressentent réellement les effets du changement climatique, plus que la plupart des Canadiens, je dirais.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup, et je m’excuse d’arriver en retard pendant que vous présentiez votre exposé.

J’allais poser la question que la sénatrice Osler a posée, et je suis curieuse de savoir quelles autres solutions de rechange viables sont examinées. C’est une question.

Cependant, ma question s’adresse particulièrement à M. Ross et à M. Carey — parce que vous représentez tous les agriculteurs — quelles conséquences le projet de loi aura-t-il sur l’exploitation agricole, qu’il s’agisse des agriculteurs, des producteurs laitiers ou des producteurs de porcs? Quelles sont les conséquences sur des choses comme les serres et les étables? Vous pouvez deviner que je ne suis pas agricultrice, mais quelles seront les conséquences? Sommes-nous simplement en train de retarder l’inévitable en disant : « Attendons huit ans » ou « Attendons dix ans » alors que nous savons que le changement doit se produire?

M. Ross : Je peux répondre à la dernière partie de votre question. La façon dont le supplément de carbone touche les exploitations agricoles au Canada comporte un très grand nombre d’applications différentes, mais il importe de souligner que de nombreux exemples ont été fournis dans les témoignages ou les mémoires présentés au comité permanent de la Chambre des communes sur ce point qui mettaient en évidence les importants suppléments de carbone auxquelles ces exploitations agricoles — disons un élevage de dindes en Ontario — sont confrontées alors qu’elles ont déjà réalisé des investissements importants en matière d’efficacité. L’un des points importants qui sont ressortis dans la plupart de ces témoignages, c’est que les agriculteurs ne restent pas les bras croisés en attendant d’investir dans des gains d’efficacité. Ils le font déjà aujourd’hui. Mais la réalité, c’est qu’ils sont toujours exposés à des suppléments de carbone qui dépassent les dizaines de milliers de dollars, et ce chiffre continuera d’augmenter jusqu’en 2030.

Dans le contexte de l’élevage du bétail, le projet de loi viserait un certain nombre d’applications, principalement le chauffage et le refroidissement des bâtiments d’élevage. L’un des points importants, comme M. Carey l’a dit, c’est que les agriculteurs vivent tous les jours avec le changement climatique, en partie à cause de la volatilité de la météo. Leurs coûts augmentent donc en raison des problèmes mêmes dont nous parlons aujourd’hui, et ils doivent gérer cela en temps réel tout en investissant dans l’avenir.

Lorsque nous examinons d’autres applications, comme le floconnage pour l’alimentation animale, il s’agit d’une technique de préparation des aliments qui est absolument essentielle pour les bovins du point de vue de l’efficacité afin qu’on s’assure qu’ils sont en mesure de nourrir les bovins qui nourrissent les Canadiens et le monde entier. Ce qui est important dans tous ces domaines, c’est que les agriculteurs ne se contentent pas d’attendre. Ils investissent dans toutes les technologies disponibles aujourd’hui, mais en même temps, ils voient leur supplément de carbone augmenter à un point tel qu’ils n’ont pas de solution de rechange viable à envisager. La perception et la réalité pour beaucoup de ces exploitations est qu’il n’y a pas de signal de prix pour changer le comportement. Ils font ce qu’ils peuvent avec ce qui est disponible, travaillent avec la technologie existante et investissent dans celle-ci.

L’importance du projet de loi est qu’il laisse plus de capital entre les mains des agriculteurs pour leur permettre de réaliser ces investissements en temps réel afin de faire face aux gains d’efficacité qui leur sont offerts, alors qu’en l’absence d’une telle mesure, les fonds de roulement sont retirés aux agriculteurs sans qu’un signal ne leur fournisse de nouvelles possibilités de gains d’efficacité significatifs.

M. Carey : Je suis tout à fait d’accord avec mon collègue. Je ne sais pas si vous avez des membres de la famille qui sont propriétaires de petites entreprises. Mon beau-père en est un. Ils réinvestissent continuellement dans leur entreprise. Ils ne se versent souvent pas de salaire, parce qu’ils le réinvestissent dans leur entreprise. Ils réfléchissent à des plans de relève, à qui reprendra la ferme. Les agriculteurs ne se tiennent pas là à ne rien faire. Ils réalisent continuellement des investissements.

Nous croyons que le projet de loi C-234 libérera le capital afin qu’ils puissent continuer d’investir dans la ferme.

La beauté de l’agriculture, des agriculteurs primaires et de la production primaire, c’est que lorsqu’ils réalisent des gains d’efficacité qui les aident à améliorer leurs résultats, ils aident aussi l’environnement, parce qu’ils ne veulent pas utiliser de gaz naturel, de propane, d’essence, de diésel ou d’engrais à moins qu’ils n’y soient obligés, parce que ce sont des éléments de passif dans le budget. Les agriculteurs continuent donc d’investir, mais si vous voulez réaliser ces investissements importants — qu’il s’agisse d’énergie éolienne, solaire ou de digesteurs anaérobies — il faut investir des centaines de milliers de dollars qu’ils n’ont tout simplement pas en poche. Un remboursement qui pourrait leur redonner 875 $ alors qu’ils dépensent 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $ en tarification du carbone pour le gaz naturel et le propane... C’est la quadrature du cercle.

La clé, c’est que les agriculteurs ne sont pas inactifs et qu’ils continueront d’investir, mais ils ont besoin du capital pour le faire, sinon nous ne verrons pas de gains d’efficience. Les gains d’efficience conduisent également à des améliorations environnementales, sénatrice Pate.

Le sénateur Dalphond : Ma première question s’adresse à M. Hurst. Vous avez dit que le projet de loi allait créer un déséquilibre entre les producteurs de l’Ontario. Deux tiers des producteurs n’en profiteront pas. Comment cela se traduira-t-il dans la pratique? Moins d’argent. Vous avez expliqué à la sénatrice Simons que le séchoir tiers facturera les services fournis au producteur de grains, qui, selon ce que j’ai compris de votre témoignage, demeure le propriétaire des grains en tout temps. J’imagine qu’il paie pour un service de stockage et de séchage, mais les grains demeurent sa propriété. Vous avez dit que cela va créer une disparité majeure. Pouvez-vous en dire plus à ce sujet? Êtes-vous en train de dire que certains producteurs seront mis dans une position où ils ne seront pas en mesure de rivaliser avec l’autre groupe?

M. Hurst : Merci de votre question, sénateur Dalphond. Il y a deux aspects à la question, et je vais m’attaquer d’abord à la première partie.

Le coût du déséquilibre de la production que nous projetons correspond à la taxe sur le carbone payée par le producteur pour le séchage, que ce soit le propane ou le gaz naturel qui est utilisé. Le service est fourni par une tierce partie, par exemple, un silo‑élévateur commercial : selon la forme actuelle du projet de loi, il ne serait pas exempté. Donc, au bout du compte, pour ces producteurs particuliers, leur coût de production actuel serait leur coût de production futur. Les producteurs qui recourent au séchage des grains à la ferme, lesquels, en Ontario, représentent une minorité des producteurs réels de grains et d’oléagineux, auraient un coût de production inférieur de façon annuelle parce qu’une partie de leurs dépenses de séchage des grains serait exemptée.

La difficulté que nous voyons, c’est que cela entraîne un déséquilibre concurrentiel dans le secteur et, en fin de compte, nous demandons à votre groupe sénatorial d’examiner pleinement cette question.

Le sénateur Dalphond : Êtes-vous en mesure de me donner quelques chiffres? Quel sera le déséquilibre? S’agit-il de 10, 5, 30 %?

M. Hurst : Le séchage type des grains dans toute ferme donnée avoisine le plus souvent les 8 à 12 % du coût total de production d’une culture de maïs, si vous le voulez. En dollars réels — et cela repose sur l’analyse de Grain Farmers of Ontario —, cela représente environ 18 $ l’acre pour le maïs en fonction de la tarification actuelle du carbone, qui s’élève à 65 $ la tonne. En 2030, cela s’élèvera à 47 $ l’acre. Si vous avez l’agriculteur A d’un côté et l’agriculteur B de l’autre qui font exactement la même chose et que l’un a un coût de production supérieur de 47 $, c’est très problématique du point de vue du secteur, lorsque vous avez une politique qui crée des gagnants et des perdants sur le marché.

Le sénateur Dalphond : Le chiffre d’environ 8 à 10 % correspondrait au coût du séchage?

M. Hurst : Oui.

Le sénateur Dalphond : Si vous procédez vous-même au séchage, cela serait 7 %? Quelle serait la différence entre les 8 et les 10 % payés par ceux qui utilisent les séchoirs tiers et ceux qui feraient eux-mêmes le séchage... la partie des coûts d’exploitation globaux, de la production et du fait d’avoir la moissonneuse-batteuse dans le champ et tout le reste?

M. Hurst : Je comprends tout à fait votre question. Il est difficile de répondre à cette question pour chaque exploitation, car les coûts de production sont quelque peu différents.

Il ne s’agit pas de chiffres absolus, mais habituellement, le séchage à la ferme ne sera généralement pas aussi efficace que le séchage commercial à grande échelle. Il s’agit d’unités plus récentes, à haut débit. Mais ce n’est pas tout. Il existe des exploitations agricoles très perfectionnées qui disposent exactement du même équipement de séchage que celui d’un silo commercial.

Sur l’échelle de la courbe des adopteurs précoces par rapport aux retardataires, il y a aussi des technologies très anciennes qui sont encore utilisées et qui ne sont pas aussi efficaces. En fin de compte, ce serait très proche. Nous parlons d’une différence de 1 % pour ce qui est du coût de production total entre un cultivateur qui fait de l’agriculture à la ferme et un cultivateur commercial. C’est très peu.

Le sénateur Dalphond : Un pour cent. Si l’on suit la logique de vos propos, ne devrions-nous pas accorder les exemptions fiscales aux séchoirs de tierces parties — parce qu’ils sont plus efficaces — plutôt qu’aux agriculteurs sur leur propriété parce qu’ils sont moins efficaces et, comme vous le dites, utilisent le vieil équipement et tout le reste?

M. Hurst : Je vais préciser ma pensée. Je m’assurerais que ces producteurs qui utilisent le séchage de grains commercial pour sécher leurs récoltes aient l’occasion de bénéficier d’une exemption concernant la tarification du carbone pour le propane et les gaz naturels de la même manière qu’un producteur sur sa ferme. Ainsi, tout le monde est égal. Dans ce cas, d’un point de vue commercial, les exploitants de silos n’ont ni gain ni perte financière. Il s’agit d’un transfert de coûts pour eux.

Le sénateur Dalphond : Un transfert. Je vous remercie.

Le président : J’ai une question, et ensuite nous passerons au deuxième tour.

Nous avons entendu de la part des exploitants de séchoirs à grains commerciaux, des exploitants de serres et des producteurs de champignons que le projet de loi devrait être peaufiné et les soutenir davantage. Il faut que je demande d’abord à M. Larkin et ensuite à vous trois très rapidement... vaut-il la peine de modifier ce projet de loi et de risquer qu’il ne soit pas adopté?

M. Larkin : Vous avez visé juste, monsieur le sénateur. Rapidement, je répondrais non. Nous avons attendu pendant des années cette législation et l’adoption d’une législation similaire au sein du Sénat ou de la Chambre. Nous avons l’occasion de l’adopter maintenant. Je proposerais de faire adopter cette partie de la législation telle qu’elle est et s’attacher à l’avenir aux occasions de séchage commercial.

M. Hurst : Je crois qu’il s’agit d’une question très difficile pour vous tous. Je suppose que je vous mettrais au défi. Vous aspirez à avoir une législation appropriée qui respecte les besoins de tous les Canadiens et, dans ce cas, tous les agriculteurs. Au bout du compte, là où nous voulons en venir est que nous avons relevé un déséquilibre du marché dans la province de l’Ontario pour la majorité des producteurs de grains et d’oléagineux, et je vous invite tous à bien y réfléchir. Au bout du compte, nous nous efforçons d’avoir la meilleure loi possible — et non pas la plus rapide.

M. Carey : Aucun amendement n’est nécessaire. Ce projet de loi C-234 se fonde sur l’excellent travail de la sénatrice à la retraite Diane Griffin dans le projet de loi S-215. Les projets de loi sont presque identiques, et ce projet de loi devrait être adopté sans amendement.

M. Ross : Je dirais la même chose. Selon moi, ce qui est essentiel dans ce projet de loi, c’est le fait qu’il s’appuie sur une exemption très ciblée qui existe déjà dans la loi — axée sur l’agriculture. Voilà la portée de ce dont nous parlons aujourd’hui, qui, je proposerais, consiste à corriger une omission dans l’exemption initiale qui se révèle nécessaire. Cela, à mon avis, constitue une amélioration très essentielle de la loi que nous devrions envisager de proposer immédiatement.

Le président : Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions. Nous allons prendre cinq minutes supplémentaires pour ce groupe de témoins, alors nous disposons d’environ dix minutes ou moins. Nous avons trois sénateurs présentement qui souhaitent poser des questions. Nous imposerons une limite de trois minutes et demie.

La sénatrice Simons : Jeudi, nous avons entendu des fonctionnaires qui expliquaient — ce que je n’avais pas compris auparavant — la manière globale dont fonctionne le remboursement de la taxe sur le carbone, soit qu’il est fondé sur vos dépenses et non sur la quantité de gaz naturel, de propane ou d’électricité que vous utilisez. Il me semble que cela revient à régresser dans une certaine mesure parce que vous pouvez avoir un grand élevage de bétail en Alberta et ne pas utiliser beaucoup de courant — parce que votre bétail est en liberté — par rapport à avoir une entreprise plus petite qui produit beaucoup de carbone. La manière dont nous appliquons le remboursement sur la taxe de carbone me semble contre-intuitive.

Monsieur Ross et monsieur Carey, qu’en pensez-vous?

M. Ross : C’est en grande partie ce que nous avons évalué également. Il s’agit d’un instrument grossier qui ne reflète pas vraiment l’intention de ce que nous estimons être un outil essentiel visant à assurer que les agriculteurs disposent de capitaux à investir dans leurs exploitations.

L’autre facette qui est également essentielle est que cela ne dépend pas seulement de la taille et la nature de votre entreprise; cela dépend de l’endroit où vous êtes situé. La région et le climat ont un impact considérable sur beaucoup de ces pratiques, tout comme — c’est ce qui a été soulevé plus tôt — l’accès à l’infrastructure. Ce facteur peut être fondamental pour déterminer la mesure dans laquelle vous êtes exposé aux surtaxes de carbone, et il est hors de votre contrôle.

Le sénateur Klyne : Supposons que le projet de loi C-234 soit adopté; en vue de rendre les exploitations agricoles beaucoup moins dépendantes des combustibles fossiles, que proposez-vous au gouvernement pour qu’il puisse s’appuyer sur le projet de loi C-234 et, parallèlement, accélérer l’accès aux nouvelles technologies et aux nouveaux équipements, à la recherche et au soutien en matière de structure, aux investissements et à la réinvention des processus de région en région? Qu’avez-vous à me dire?

M. Ross : Je vous remercie de la question, sénateur. Nous travaillons actuellement sur ce que l’on appelle la Stratégie d’agriculture durable au Canada. Je proposerais ce qui est évident dans nos discussions jusqu’à présent — et qui je crois est évident pour de nombreux agriculteurs depuis quelque temps — soit que le fait d’investir dans la recherche et le développement élémentaire et « commercialisable » est fondamental dans notre secteur. Il est fondamental d’augmenter le niveau d’investissement dans la recherche et le développement et aussi, parallèlement, dans les services d’extension afin de s’assurer que la recherche se traduise en applications dans les exploitations agricoles.

Dans le même ordre d’idées, il est important d’adopter une approche très souple et régionale des incitatifs afin de s’assurer que les agriculteurs prennent des décisions, et qu’ils les prennent en tant qu’entrepreneurs. Ils ne s’attardent pas à la seule durabilité. Nous examinons là où nous pouvons adopter des approches ciblées qui permettent de garantir que le signal d’un point de vue commercial, est aligné avec la bonne décision en matière de durabilité. Il n’existe pas un outil unique. Il n’y a pas de solution miracle. Il s’agit d’observer les choses de très près, en adoptant une approche souple, qui tient compte de la diversité de notre industrie dans l’ensemble du pays et veille à ce que les agriculteurs disposent d’une boîte à outils leur permettant de vraiment s’aligner avec ces incitatifs.

Le sénateur Klyne : Où en êtes-vous avec cette stratégie?

M. Ross : Elle est en cours d’élaboration à ce jour, mais elle trace la voie pour le secteur jusqu’en 2050.

Le sénateur Klyne : Avez-vous un aperçu théorique de cela?

M. Ross : Il s’agit d’une initiative que nous conseillons au gouvernement du Canada, alors elle n’est pas...

Le sénateur Klyne : Nous allons peut-être obtenir quelque chose plus rapidement de votre part. Pouvez-vous envoyer au comité une petite note d’information à ce sujet? Je ne peux pas écrire aussi vite que vous parlez.

M. Ross : Nous pouvons certainement vous donner un aperçu de certains éléments essentiels que je viens d’aborder. Ce n’est certainement pas un problème.

Le sénateur Klyne : Nous pouvons peut-être les faire valoir.

M. Carey : De certaines manières, monsieur le sénateur, nous avons simplement besoin de cesser de nous mettre des bâtons dans les roues. Il faut veiller à encourager la concurrence et l’innovation ici au Canada, ce qui nécessite des choses comme la modernisation de la réglementation et la diminution de la bureaucratie. Le Canada représente un marché relativement petit à l’échelle mondiale lorsqu’on compare notre agriculture à celle du Brésil, de l’Union européenne ou de la Chine. Nous avons besoin que des entreprises veuillent investir ici. Elles ont besoin d’une voie claire pour la commercialisation, qu’il s’agisse du prochain séchoir à grains efficace sur le plan commercial ou de la nouvelle vague des technologies de modification génétique qui ont fait leur apparition sur le marché.

Le Canada a besoin d’être un marché attirant pour favoriser cette innovation, et ce travail s’effectue en collaboration avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui mène beaucoup de bonnes recherches en amont, lesquelles construisent une base solide sur laquelle les entreprises peuvent ensuite s’appuyer pour la commercialisation, mais l’innovation et la concurrence seront primordiales, et elles sont l’affaire de tous.

Le sénateur Woo : De la même manière que vous pourriez partager avec nous certaines informations sur le plan de la durabilité, peut-être pourriez-vous aussi examiner de plus près la question qui a été posée plus tôt concernant la proportion de gaz naturel ou de propane utilisée dans les exploitations agricoles concernées par ce projet de loi. À mon avis, cette question est très pertinente parce qu’elle porte sur la question de savoir si les risques auxquels sont exposées les exploitations agricoles, et qui les empêchent de réinvestir dans ce qu’elles veulent faire, découlent principalement du gaz naturel et du propane. Les autres combustibles sont déjà exemptés, alors nous pouvons les laisser de côté.

Vous avez posé une question à propos d’un chiffre, que j’ai cité, et qui est en fait beaucoup plus bas que je ne l’avais supposé. Il provient d’un rapport d’Agriculture et Agroalimentaire Canada de 2019, je crois, qui laisse entendre que le séchage de grains comme part des coûts d’exploitation nets pour une exploitation agricole moyenne — et je tiens compte de la différence de taille des exploitations — se situe entre 0,05 % et 0,38 %. À mes yeux, il s’agit d’un chiffre très petit. Je suis prêt à me faire corriger. Si vous avez d’autres chiffres, j’aimerais les voir.

Le président : Nous voulons les obtenir le plus tôt possible.

C’est la fin de notre période de questions. J’aimerais remercier nos témoins, M. Hurst, M. Carey, M. Ross et M. Larkin de leur présence parmi nous ce soir. Nous apprécions vraiment vos témoignages aujourd’hui.

Nous allons maintenant enchaîner avec notre deuxième groupe de témoins sur le projet de loi C-234, une Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Nous souhaitons la bienvenue en personne à Alex Cool‑Fergus, directrice des politiques nationales au sein du Réseau action climat Canada; par vidéoconférence, nous accueillons Tom Green, conseiller principal en matière de politiques climatiques au sein de la Fondation David Suzuki; et par vidéoconférence, Kathryn Harrison, professeure, sciences politiques à l’Université de la Colombie-Britannique.

Nous allons entendre les remarques liminaires de Mme Cool‑Fergus, de M. Green et de Mme Harrison. Vous disposez chacun de cinq minutes. Comme précédemment, je lèverai la main lorsqu’il vous restera une minute. Lorsque le moment sera venu de conclure, je lèverai les deux mains, et il faudra alors conclure. Sur ce, la parole est à vous, madame Cool-Fergus.

[Français]

Alex Cool-Fergus, directrice des politiques nationales, Réseau action climat Canada : Au nom du Réseau action climat Canada et de nos 150 membres et plus partout au pays, je vous remercie de nous donner la chance de prendre la parole aujourd’hui. Nos membres rassemblent des groupes environnementaux, des syndicats, des Premières Nations, des organismes de santé et de jeunesse, ainsi que des regroupements de fermiers.

[Traduction]

En plus d’être la directrice des politiques nationales du Réseau action climat Canada, je suis également l’épouse d’un serriculteur. Il souhaitait être présent à la réunion aujourd’hui, mais comme tout agriculteur, il devait se lever très tôt le lendemain matin pour s’occuper de ses cultures. L’année a été particulièrement difficile pour les agriculteurs, pour sa serre et pour de nombreuses autres exploitations agricoles dans notre région, et je le sais, dans l’ensemble du Canada. Le travail des agriculteurs semble devenir plus difficile, pourtant année après année ils continuent et ils nous montrent le véritable sens de la résilience.

J’espère que vous pouvez soutenir mon époux et les centaines de milliers d’autres agriculteurs dans tout le pays tandis qu’ils luttent contre la triple menace des impacts climatiques, de l’inflation et des prix volatils des combustibles. Malheureusement, ce n’est pas ce que permettrait de réaliser le projet de loi C-234.

Le Réseau action climat Canada soutient vigoureusement la tarification du carbone. Il s’agit d’un outil essentiel en matière de politique climatique qui offre transparence et certitude et encourage l’innovation en matière de réduction des émissions dans l’ensemble de notre économie. La tarification est efficace précisément parce qu’elle s’applique à tout le monde et à tous les secteurs et qu’elle incite les familles et les entreprises à réduire leurs émissions. En augmentant le coût des technologies à fortes émissions, la tarification du carbone éloigne le marché des combustibles fossiles à fortes émissions. Cependant, la tarification du carbone ne fonctionne que si elle est appliquée efficacement et à grande échelle dans l’ensemble de l’économie.

Le projet de loi C-234 brouille le signal que la tarification du carbone est censée envoyer au marché. Il envoie même tout à fait le message inverse : les agriculteurs seront récompensés s’ils maintiennent le statu quo. L’exemption pour le gaz naturel et le propane dans les exploitations agricoles n’est pas le mécanisme d’intervention adéquat pour atteindre les objectifs de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Cela n’a rien de surprenant, puisque le parrain du projet de loi, M. Lobb, a déclaré qu’il aimerait bien « faire adopter un projet de loi qui annule la taxe sur le carbone pour toute la population ». Le véritable but du projet de loi C-234 est d’affaiblir la tarification du carbone et non d’alléger le fardeau des agriculteurs.

Cela dit, même si une exemption de la tarification du carbone n’est pas le bon mécanisme d’intervention, dans ce contexte, Climate Action Network — Réseau action climat, ou CAN-Rac, réclame le soutien du gouvernement fédéral afin d’aider les agriculteurs à faire la transition et à s’aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris. Selon des études menées par Fermiers pour la transition climatique, il faudra investir plus de 2 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années et adopter 19 pratiques de gestion bénéfiques, déjà éprouvées en contexte canadien, pour réduire les gaz à effet de serre, séquestrer le carbone et accroître la résilience des exploitations agricoles du Canada.

Je vous encourage à bien évaluer, en tant que législateurs, les conséquences de ce projet de loi, pas seulement sur les exploitations agricoles, mais aussi sur le paysage politique du Canada en général. Si les exemptions prévues dans le projet de loi C-234 sont approuvées, où cela s’arrêtera-t-il?

Il existe d’autres secteurs tout aussi valables où la décarbonisation est difficile, qui pourraient vouloir être exemptés de la tarification du carbone. Je vous donne quelques exemples : les soins de santé, le camionnage longue distance, les opérations municipales, et ainsi de suite. Il est impensable d’accorder des exemptions à la tarification du carbone en se basant sur les intérêts.

Je crois que votre comité veut réellement aider les agriculteurs à réduire leurs coûts d’exploitation, mais la seule façon concrète d’y arriver est de réduire la dépendance des agriculteurs aux combustibles fossiles. Les exemptions ne protègent pas les agriculteurs contre la volatilité sur le long terme des prix du gaz naturel et du propane. Plus important encore, en éliminant le signal du marché, on ne récompense pas les agriculteurs qui ont investi dans des solutions plus efficientes, pas plus qu’on n’encourage les mises à niveau et les innovations efficientes dans ce secteur.

Une autre préoccupation de CAN-Rac à l’égard du projet de loi C-234 est qu’il s’agit essentiellement d’une nouvelle subvention pour les combustibles fossiles. Le 15 septembre, le directeur parlementaire du budget a publié une estimation des coûts selon laquelle ce projet de loi allait coûter 162 millions de dollars au gouvernement pour la seule année 2030. Le Canada s’est engagé à éliminer les subventions inefficaces pour les combustibles fossiles, et nous sommes d’avis que cette subvention est tout à fait inefficace.

Les producteurs pétroliers et gaziers n’ont jamais fait autant de profits. Ces énormes entreprises se partagent les profits de la guerre en Ukraine pour accroître leurs propres bénéfices d’entreprise. Un rapport de l’Institut Pembina intitulé Waiting to Launch indique que le flux de trésorerie disponible des entreprises pétrolières et gazières du Canada a atteint 152 milliards de dollars en 2022, un sommet inégalé. Les entreprises de combustibles fossiles qui réalisent de tels profits n’ont pas besoin d’une aide gouvernementale supplémentaire; ce qu’elles doivent faire, c’est réduire leurs propres émissions afin que les infatigables agriculteurs n’aient pas à assumer le fardeau de ces entreprises dans la lutte contre les changements climatiques.

Pour dire les choses simplement, le projet de loi C-234 est une solution à court terme qui crée des problèmes à long terme. Nous vous encourageons à rejeter ce projet de loi, mais nous vous recommandons aussi de miser sur des politiques qui stimulent l’innovation et qui protègent les agriculteurs contre la crise de la volatilité des combustibles fossiles. Pensons par exemple à des solutions qui avantagent directement tous les agriculteurs et qui favorisent davantage l’adoption de technologies plus efficientes. J’ai présenté des recommandations plus détaillées à propos de ces solutions dans mon mémoire. À mesure que le reste de l’économie passe aux technologies à faibles émissions ou sans émissions, les agriculteurs ont besoin, dès aujourd’hui, de solutions politiques avisées qui accroissent leur résilience future. Merci.

Le président : Merci beaucoup. C’est au tour de Mme Harrison.

Kathryn Harrison, professeure, Sciences politiques, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Bonsoir. Merci beaucoup de m’avoir invitée à discuter avec vous aujourd’hui.

Je suis professeure de sciences politiques à l’Université de la Colombie-Britannique, où j’enseigne et étudie la politique climatique. Je suis en train d’écrire un livre sur la taxe sur les émissions carboniques de plusieurs pays, y compris bien sûr le Canada.

Depuis 2018, j’ai été invitée à un grand nombre de rencontres internationales pour présenter des exposés sur l’approche canadienne en matière de tarification du carbone. La raison pour laquelle on s’intéresse tant à l’approche canadienne, c’est que nos politiques de tarification du carbone ont bien été conçues : elles couvrent largement les sources d’émission, petites et grandes; prévoient le recyclage des recettes au bénéfice des ménages et de l’industrie; et comportent très peu d’exemptions. Les exemptions, comme celles proposées dans le projet de loi pour les activités agricoles, minent l’efficacité, le rapport coût-efficacité et le caractère équitable de la tarification du carbone.

Je ne veux pas trop simplifier, mais la tarification du carbone fonctionne grâce à trois mécanismes complémentaires. Le premier — et le plus évident —, la tarification du carbone encourage les consommateurs de combustibles fossiles — ici, il s’agit des agriculteurs — à réduire leurs émissions en conservant l’énergie, en remplaçant les hydrocarbures et en adoptant de nouvelles technologies. Mais il y a deux autres mécanismes : le deuxième, c’est le signal de prix qui incite les autres entreprises — ici, les fabricants d’équipement agricole — à innover, à mettre au point des technologies qui produisent moins d’émissions carboniques. Le troisième consiste à veiller à ce que les prix du marché reflètent les véritables coûts environnementaux et humains de la pollution carbonique, afin de convaincre les consommateurs au bout de la chaîne et les investisseurs qu’ils doivent changer leurs dépenses, y compris les produits qu’ils achètent.

L’exemption proposée pour les combustibles fossiles utilisés dans le séchage des grains et le chauffage des bâtiments vise seulement le premier mécanisme, mais ma préoccupation est que, en exemptant les agriculteurs de la taxe sur les combustibles, on mine du même coup les deux autres mécanismes.

S’il n’y a pas d’incitatif financier pour les agriculteurs à réduire leur consommation de propane et de gaz naturel, les autres entreprises ne seront pas incitées à concevoir et à fabriquer de l’équipement agricole à faibles émissions carboniques.

Cela mine aussi les mécanismes d’adaptation du marché en général, y compris pour le consommateur final. C’est dans la nature humaine de comparer le changement au statu quo : « Est‑ce que demain sera mieux qu’aujourd’hui? » Peut-être que le problème fondamental, avec les changements climatiques, c’est que le statu quo n’est pas une option. Nous constatons déjà les dangers et les coûts des changements climatiques, au Canada et partout dans le monde, à 1,1 ou 1,2 degré Celsius, et les choses ne feront qu’empirer tant que nous n’atteindrons pas la carboneutralité. Le véritable choix est entre des coûts modestes aujourd’hui, et des coûts beaucoup plus élevés dans l’avenir. Notre économie doit et va changer, que cela se fasse en douceur — dès maintenant — ou péniblement.

La solution la moins coûteuse est la tarification de la pollution carbonique et l’intégration de cette modification aux activités normales des entreprises. L’exemption proposée dans le projet de loi est une mauvaise idée, parce qu’elle mine la portée, et donc l’efficacité, de la tarification du carbone.

J’ai aussi peur que ce ne soit pas la dernière exemption qui sera proposée au Parlement du Canada. Au début des années 1990, les pays scandinaves ont tous adopté des taxes sur le carbone; ils étaient les premiers pays à le faire. Les secteurs vulnérables ou à forte intensité carbonique les ont eux aussi suppliés d’alléger leur fardeau, et, un projet de loi à la fois, l’effet des taxes sur le carbone a été amorti à coups d’exemptions qui ont réduit l’application dans certains secteurs, réduit le prix pour certains secteurs ou éliminé complètement son application à certains combustibles. Je vous recommande donc fortement à éviter cette pente glissante, parce que d’autres secteurs vont certainement venir vous voir, avec leurs demandes et leurs arguments, pour dire que c’est injuste que les agriculteurs bénéficient d’une exemption et pas eux.

D’une certaine manière, cela fait déjà partie du projet de loi. L’exemption visant les combustibles pour les transports dans le secteur agricole était intégrée dans la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique, puis elle a été intégrée dans la taxe fédérale sur le carbone. À présent, puisque cela se trouve dans le projet de loi fédéral sur la tarification du carbone, il y a des arguments pour élargir sa portée.

À la défense des Scandinaves, la tarification du carbone était quelque chose de nouveau, mais nous savons maintenant qu’il y a de meilleures façons de soutenir les entreprises ainsi que les ménages en modifiant la tarification du carbone, sans pour autant amoindrir l’incitatif. Nous avons déjà commencé à le faire, et je pense que c’est la bonne solution, au lieu d’éliminer la tarification du carbone pour ces utilisations des combustibles. Merci.

Le président : Merci. Monsieur Green, allez-y, je vous prie.

Tom Green, conseiller principal en matière de politique climatique, Fondation David Suzuki : Merci de m’avoir invité à discuter avec vous aujourd’hui. J’ai une formation en économie écologique et j’ai fait mon doctorat à l’Université de la Colombie-Britannique, alors je suis très content d’être ici avec Mme Harrison et Mme Cool-Fergus, même si, ensemble, elles ont déjà dit beaucoup de choses que j’allais dire.

Je m’adresse à vous depuis Vancouver, sur le territoire des Salish de la Côte. La pluie est enfin arrivée au cours des derniers jours. À cause des changements climatiques, la saison des feux de forêt a été extrêmement intense : au total, plus de 16,5 millions d’hectares de forêt ont brûlé d’un bout à l’autre du Canada, sept fois plus que la moyenne sur 25 ans, ce qui a transformé nos forêts, censées être des puits de carbone, en énormes sources d’émissions.

[Français]

Le changement climatique pose déjà des problèmes aux producteurs agricoles, qu’il s’agisse de sécheresse, d’inondations ou de conditions météorologiques extrêmes. À l’échelle mondiale, le changement climatique compromet la sécurité alimentaire.

[Traduction]

Les économistes et les experts de la politique climatique s’entendent pour dire que la tarification du carbone est un mécanisme clé pour réduire les émissions. La semaine dernière, durant le Sommet sur l’ambition climatique qui a été convoqué par le Secrétaire général des Nations unies, de nouveaux pays ont relevé le défi sur la tarification du carbone lancé par le Canada, une initiative visant à tripler la couverture des mécanismes de tarification du carbone dans le monde. Comme l’a expliqué la présidente de la commission de l’Union européenne, l’Union européenne fera équipe avec d’autres pays pour « libérer le potentiel de la tarification du carbone dans le monde entier, dans l’intérêt des populations et de la planète ».

Plus tôt aujourd’hui, l’Agence internationale de l’énergie a publié la mise à jour de sa feuille de route vers la carboneutralité, montrant que, avec des mesures ambitieuses et la mise à l’échelle rapide de l’énergie renouvelable, la cible de 1,5 degré Celsius est toujours réalisable, mais il nous faut agir. L’une des politiques essentielles de cette feuille de route est la tarification du carbone.

Le projet de loi C-234 réduit l’efficacité de la tarification du carbone en réduisant la couverture des émissions, un exemple criant d’une politique incohérente.

Il est très important de souligner que, depuis que ce projet de loi a été proposé, le projet de loi C-8 a été adopté; cette loi garantit que les recettes de la tarification de la pollution pour des activités agricoles, dans les provinces bénéficiant du filet de sécurité fédéral, sont maintenant recyclées de façon à réduire les coûts pour les agriculteurs, tout en conservant l’incitatif de réduire les émissions.

Le projet de loi C-234 pousse le Canada vers une pente glissante, où on examinera un à un chaque secteur et chaque intérêt spécial pour décider des exemptions. Chaque secteur peut trouver des raisons de dire qu’il mérite une exemption.

Certains parlementaires ont aussi fait des déclarations troublantes en s’engageant à éliminer la tarification du carbone et en laissant entendre que ce projet de loi est un cheval de Troie. J’ai écouté les interventions précédentes à propos de ce projet de loi; certains prétendent que le projet de loi C-8 n’aide pas les agriculteurs, parce que les remboursements fédéraux ne sont pas suffisants pour compenser les coûts associés à la taxe sur le carbone. Cet argument ne peut pas être vrai pour tous les secteurs.

Le gouvernement a aussi investi dans certaines choses comme le Programme des technologies propres en agriculture. Peut-être qu’il devrait être mieux financé, mais c’est tout de même la direction que nous devons prendre.

Il y a toujours plus d’exploitations agricoles qui réduisent leur consommation de combustibles fossiles et qui améliorent leur efficacité énergétique. Par exemple, il y a une ferme avicole à Linden, en Alberta, qui a installé sur son toit un système de 175 kilowatts. Un autre exemple : on a construit un poulailler avec une enveloppe thermique à haute efficacité qui a permis de réduire la consommation énergétique de 83 % par tonne d’œufs.

[Français]

Le fait que les prix des combustibles fossiles soient fixés sur les marchés internationaux et qu’ils soient si volatils crée de l’incertitude dans le secteur agricole. Il sera donc avantageux d’abandonner les combustibles fossiles, et cette législation diminue cet incitatif.

[Traduction]

Comme je l’ai l’expliqué plus en détail devant le comité de la Chambre des communes, le projet de loi C-34 suppose de créer une nouvelle subvention pour les combustibles fossiles, ce qui est incohérent avec l’engagement du Canada d’éliminer les subventions pour les combustibles fossiles.

Pour conclure, la disposition de temporisation n’a rien de réjouissant, étant donné que l’exemption expire dans huit ans. Cela aurait pour conséquence de faire grimper soudainement les coûts des combustibles pour les agriculteurs, qui seront mal préparés pour cela, et les gens feraient pression sur le Parlement pour qu’il prolonge l’exemption. D’ailleurs, le projet de loi tel qu’il est rédigé permet de proroger la disposition de temporisation simplement par résolution des deux Chambres. Nous vous implorons de recommander le rejet du projet de loi. Merci.

Le président : Merci, monsieur Green. Merci aux témoins de nous avoir présenté vos exposés. Nous allons passer aux questions, en commençant par notre vice-présidente.

La sénatrice Simons : Je suis une grande partisane des taxes sur le carbone. C’est un moyen clair et transparent d’encourager les gens à utiliser des techniques qui ont une plus faible intensité carbonique.

Avec tout le respect que je vous dois, madame Harrison, j’ai l’impression que le problème, avec la façon dont notre taxe sur le carbone est structurée, c’est que les agriculteurs ne bénéficient pas des transferts en fonction de leurs émissions carboniques, mais plutôt en fonction de leurs coûts d’exploitation. J’aimais bien la vieille taxe sur le carbone en Alberta que le gouvernement Notley avait mise en place, parce que, au lieu de redonner l’argent aux gens, on l’utilisait plutôt pour financer les technologies propres et le virage vert. J’ai tout simplement l’impression, après avoir écouté Mme Cool-Fergus parler du besoin d’investir dans les technologies et de la nécessité d’avoir des incitatifs — et je sais que cela dépasse un peu la portée du projet de loi —, que ce que nous avons ici, c’est un mécanisme sans aucune subtilité qui ne donne pas aux agriculteurs l’aide dont ils ont besoin pour effectuer la transition énergétique qu’ils doivent effectuer.

Si vous deviez recommencer du début et élaborer une taxe sur le carbone qui fonctionne réellement, auriez-vous plus tendance à utiliser le modèle Notley, où l’argent sert précisément à financer des choses comme les transports en commun verts et le virage technologique vert? Selon moi, si l’argent n’est pas redistribué en fonction de l’intensité carbonique, alors le régime d’incitatifs ne fonctionne pas du tout. Je pose la question à Mme Cool-Fergus et à Mme Harrison.

Mme Cool-Fergus : J’ai l’impression que je vais recevoir beaucoup de questions, puisque je suis la seule personne présente dans la salle.

C’est une excellente question, sénatrice Simons. Pour être honnête, je ne suis pas une experte en matière de tarification du carbone.

D’après ce que je comprends du projet de loi, il ne récompense tout simplement pas ceux qui ont déjà fait des efforts, soit pour que leur machinerie soit plus efficiente, soit pour trouver des solutions novatrices. Ce projet de loi ne répond pas non plus à la question que vous avez posée.

Je ne pense pas que c’est un pas dans la bonne direction. Comme vous le dites, le besoin d’innover et d’investir dans le domaine des technologies vertes dépasse légèrement la portée du projet de loi. Ce qui n’est vraiment pas utile, c’est maintenir le statu quo, où le gouvernement n’encourage pas les producteurs à réduire leurs émissions et ne leur fournit pas réellement non plus de soutien financier à très grande échelle.

Mme Harrison : C’est assez compliqué de trouver un moyen de fournir du soutien en utilisant les recettes de la taxe sur le carbone. Si je devais payer 100 $ par mois en taxes sur le carbone, tout en sachant que je vais recevoir 100 $ en retour, ce serait comme s’il n’y avait pas du tout de taxe sur le carbone, et ce n’est pas quelque chose qui m’intéresserait. Le truc, c’est d’élaborer des mécanismes de soutien qui ne nuisent pas au signal de prix.

Actuellement, il y en a deux. Il y a les investissements dans le programme des technologies agricoles. Je me trompe peut-être de nom, mais une possibilité serait d’investir davantage dans ce programme.

Aussi, je crois savoir, par rapport au crédit d’impôt sur le revenu, que la somme qui est prise en taxes sur le carbone correspond aux estimations du gouvernement fédéral relativement à l’utilisation du gaz naturel et du propane, et ensuite, il y a une remise à l’échelle du secteur en fonction de la taille des différentes exploitations agricoles. Je m’interroge là‑dessus. Il y a un équilibre à trouver, car il faut cibler les remises pour les secteurs qui produisent plus d’émissions carboniques, sans nuire au signal de prix et sans que le mécanisme soit si spécifique que tout le monde finit essentiellement par récupérer ses 100 ou ses 1 000 $. Voilà ce que j’étudierais : donc, y a-t-il une façon d’avoir un mécanisme qui soit un peu plus dirigé, sans pour autant nuire à l’efficacité de la politique? Je pense que ce sont deux bonnes idées. La question est : pourrions-nous faire les choses différemment ou à plus grande échelle?

Le sénateur Klyne : Je devrais poser une question à Mme Cool-Fergus — c’est son nom —, mais ma question s’adresse à Mme Harrison.

Madame Harrison, en Colombie-Britannique, la tarification de la pollution est en vigueur depuis plus longtemps que dans le reste du Canada. La Colombie-Britannique devrait donc avoir beaucoup plus de données sur les retombées de cette politique. Avez-vous des données concrètes que vous pourriez nous présenter en ce qui a trait à la réduction des émissions du secteur agricole de la Colombie-Britannique?

Mme Harrison : Une chose, à propos de la taxe sur le carbone en Colombie-Britannique, c’est que c’était comme une manne tombée du ciel pour les économistes, parce qu’il y avait une province au pays qui avait adopté une taxe sur le carbone, mais les données étaient similaires d’une province à l’autre. Beaucoup d’analyses économétriques de grande qualité ont conclu que la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique fonctionnait, mais que les conséquences économiques étaient soit très minimes, soit inexistantes.

Je ne suis pas au courant des détails pour l’agriculture en particulier, mais je me ferai un plaisir d’envoyer à la greffière une liste de références, ou alors des copies des résumés de ces études, si cela vous serait utile.

Le sénateur Klyne : Cela nous serait utile. Merci.

Le sénateur Oh : Le gouvernement prétend que le but d’une taxe sur le carbone est de changer les comportements, de façon à décourager la consommation de combustibles fossiles et d’encourager les énergies renouvelables, et pourtant, il n’y a aucune option viable, commercialement, pour utiliser le gaz naturel ou le propane pour certaines choses, comme le séchage du grain. Il n’y a pas non plus d’options viables pour les tracteurs qui fonctionnent actuellement au diésel.

Comment les agriculteurs sont-ils censés changer leurs habitudes de consommation de combustibles fossiles, quand leur industrie n’a pas accès à d’autres sources d’énergie renouvelable dans la mesure nécessaire?

Mme Cool-Fergus : Il y a deux manières de réduire les émissions provenant des différents équipements des divers secteurs, et pas seulement l’agriculture. Une façon est d’améliorer l’efficience. Il existe déjà des machines plus efficientes. Il y a de grandes différentes quant au pourcentage de combustible utilisé, selon que vous utilisez de la vieille technologie ou de la technologie plus récente et plus propre. C’est donc une option pour réduire le combustible utilisé. L’autre solution, évidemment, c’est l’innovation. Pour innover, nous devons développer un marché, pour que ces innovations émergent au Canada.

Dans une autre carrière, j’ai travaillé dans le secteur municipal. J’ai travaillé sur les technologies vertes pour les municipalités. Par exemple, les camions de pompier ou les camions à ordures. Il y a 20 ans, il n’y avait absolument aucune autre option pour les camions que le diésel. Aujourd’hui, grâce à l’innovation et parce qu’on a créé un marché pour cela — et c’est en grande partie le fruit des interventions gouvernementales et de son soutien aux adopteurs précoces —, il y a d’autres options, et il y a les véhicules électriques pour les incendies et pour le ramassage des ordures.

Je ne dis pas qu’il n’y a aucune solution commercialisable présentement, mais, s’il n’y a pas de signal du marché pour stimuler ce genre d’innovation, alors il n’y aura plus d’innovation, que ce soit dans huit ans — si le projet de loi est adopté, jusqu’à la fin de sa durée prévue — ou encore plus loin dans l’avenir.

Le sénateur Oh : Avez-vous des commentaires, madame Harrison?

Mme Harrison : Oui. Pour compléter ce qu’a dit Mme Cool‑Fergus, il ne s’agit pas seulement d’offrir des incitatifs aux agriculteurs. D’autres acteurs du marché sont encouragés. Principalement, ceux qui élaborent, innovent et créent le nouveau matériel. S’ils ne croient pas qu’il y a un incitatif pour les agriculteurs à partir d’un certain prix, ils ne vont pas innover ou investir de la même manière. Ce que je crains, c’est que nous en soyons au même point dans huit ans. L’idéal serait de voir cette innovation. Il y aurait de l’innovation au Canada, et nous l’adopterions dès qu’elle sera offerte.

Une autre chose qui m’inquiète, c’est que, en créant une exemption à la tarification du carbone pour l’utilisation de ces combustibles fossiles, le projet de loi mine la crédibilité des signaux de prix futurs. Le signal qu’on envoie, c’est adressez‑vous au Parlement si vous voulez faire éliminer la tarification sur le carbone dans votre secteur.

Le sénateur Dalphond : Merci aux témoins.

Aujourd’hui, et avant cela, d’autres témoins ont déclaré que les agriculteurs sont les gardiens de la terre. C’est pour cette raison qu’ils adoptent volontiers les innovations de l’économie verte. C’est ce que je crois. C’est aussi ma vision de l’agriculture.

Ce que cela veut dire, c’est que nous devons avoir des programmes qui encouragent l’innovation. En Ontario, le ministère de l’Agriculture offre des programmes, et aussi un nouveau type de sécheur à grain, par exemple. Le gouvernement fédéral a aussi mis en place certains programmes. Toutefois, on nous a dit, essentiellement, que ces programmes n’ont pas une capacité suffisante et qu’il y a trop de demandes. Quand ils sont mis en œuvre — lorsqu’il y a des candidats qui veulent tirer parti de ces innovations et prendre le virage vert —, ce que nous offrons n’est pas assez. Puis, on revient nous dire : « Bien, il n’y a pas d’autres solutions. » Un témoin nous a dit qu’il n’y a pas d’autres solutions viables. Voilà comment ils décrivent cela. Il y a d’autres solutions, mais aucune n’est viable.

Devrions-nous dire au gouvernement qu’il s’y prend mal en offrant une remise aux agriculteurs? Serait-il mieux de prendre tout l’argent tiré de la tarification de la pollution pour subventionner les innovations et la transformation, plutôt que de redonner l’argent aux agriculteurs?

Mme Cool-Fergus : Dois-je répondre en premier?

Le sénateur Dalphond : Oui, n’importe qui d’entre vous. Nous avons devant nous une agricultrice, un économiste ou quelqu’un qui a un doctorat sur le sujet et une professeure, alors vous pouvez vous partager le temps.

Mme Cool-Fergus : Je vais laisser l’économiste qui a un doctorat répondre.

M. Green : D’accord. Merci de la question.

Ce sont des questions intéressantes qu’il faut se poser quand on élabore des politiques sur le recyclage des recettes. Cela a du sens de réduire les coûts pour les agriculteurs, parce que ce sont eux les preneurs de prix dans les marchés internationaux, donc le recyclage des recettes est tout à fait logique. C’est possible d’intervenir, comme le gouvernement l’a fait, de façon à ne pas miner le signal de prix. C’est logique.

Une autre option est de prendre en considération le fait que, par exemple, le secteur pétrolier et gazier a fait des profits monstres cette année, alors peut-être qu’il devrait payer un impôt plus élevé, afin que nous puissions récupérer une plus grande partie de cet argent et avoir plus de fonds dans le reste de l’économie pour investir dans les programmes comme le Programme de la technologie propre en agriculture.

On pourrait aussi couper la poire en deux et redonner 50 % de l’argent — offrir aux agriculteurs une remise — et investir davantage dans un fonds de technologie.

Autre chose, au sujet du fonds. La demande est trop forte, mais ce fonds ne sert pas uniquement aux activités d’exploitation individuelles, par exemple un sécheur plus efficient. Il sert aussi à accroître les connaissances à l’échelle du secteur. Il aide les fournisseurs de solutions, ce qui aide à réduire les coûts au fil du temps.

Donc, vous ne voulez pas nécessairement un fonds qui servira à financer toutes les exploitations agricoles pour qu’elles aient un sécheur plus efficient; ce que vous essayez de faire, c’est encourager le dépassement des limites technologiques et augmenter la capacité des fournisseurs de solutions, qui vont pouvoir offrir de bonnes solutions aux exploitations agricoles.

Mme Harrison : Je n’ai rien à ajouter à ce que M. Green vient de dire.

Mme Cool-Fergus : J’ai une anecdote personnelle. J’ai dit que mon époux est producteur de cultures en serre. Nous sommes du Québec, alors cette loi ne s’appliquera pas à nous.

Malgré tout, au cours de la dernière année, il a entrepris d’abandonner progressivement le gaz naturel pour sa serre, afin de le remplacer par une thermopompe à air. Malgré toute sa volonté — il est clairement un adopteur précoce —, cela lui aurait été impossible s’il devait simplement s’appuyer sur les économies qu’il réalisera à terme, parce que personne n’accepterait cela dans le cadre d’une analyse de rentabilité.

Il a eu besoin d’une multitude d’interventions gouvernementales. Au Québec, nous avons certains programmes qui n’existent pas dans le reste du Canada, mais ces programmes nous ont été extrêmement utiles, et il a pu recevoir des fonds pour alimenter sa serre à l’électricité.

Un autre exemple. Les interventions, les programmes et les remises du gouvernement... les programmes sont nécessaires, et les remises se poursuivent avec le signal du marché.

Le sénateur Klyne : Il est un adopteur précoce, mais on ne l’a pas récompensé pour autant.

Le sénateur Woo : Merci aux témoins. J’ai une question pour M. Green et pour Mme Harrison, puis une autre pour Mme Cool-Fergus.

Ma question pour les témoins de la Colombie-Britannique concerne la conception du crédit d’impôt remboursable; j’aimerais aussi savoir s’il serait possible d’envisager une approche légèrement plus ciblée. J’hésite même à le proposer. Mais, dans la mesure où nous voulons préserver le signal de prix tout en améliorant la couverture du crédit d’impôt pour les exploitations agricoles qui sèchent le grain et les fermes qui produisent des poulets de chair, des œufs et ainsi de suite, que diriez-vous de limiter la remise à cette sous-catégorie d’exploitations agricoles? Je tiens pour acquis, avant toute chose, que l’Agence du revenu du Canada serait en mesure de les identifier.

D’une certaine façon, cela réduirait l’incitatif, parce que vous récupérez plus d’argent que vous n’en dépensez pour le gaz naturel, mais, du même coup, le signal de prix reste. Les exploitations agricoles qui ont investi dans des systèmes de chauffage plus efficients pour leurs granges, par exemple, seront récompensées.

Pourrais-je savoir ce que vous pensez de cette idée?

M. Green : Bien sûr. Merci de la question.

Il ne fait aucun doute que c’est une meilleure approche que celle proposée dans le projet de loi. S’il faut ajuster les remises, c’est la façon de faire; c’est beaucoup plus logique que d’éliminer le signal de tarification.

J’ai vu des exemples; il y a plus de demandes, mais je n’ai pas vu d’analyse documentée sur les coûts des différentes exploitations. Agriculture et Agroalimentaire Canada et le directeur parlementaire du budget ont fourni des chiffres sur les coûts des divers exploitants et sur la proportion de leurs coûts totaux attribuables aux combustibles.

À dire vrai, je ne pense pas que la variabilité est... il y en a, mais je ne suis pas certain si cet ajustement est vraiment nécessaire. Il faudrait vraiment examiner les chiffres concrets pour le savoir.

Mme Harrison : Moi non plus, je ne connais pas suffisamment bien les coûts et les variations dans les différents secteurs pour savoir combien on perdrait.

Je peux quand même voir certains avantages potentiels, mais ce qui m’inquiète, aussi, c’est que cela pourrait facilement devenir une autre de ces pentes glissantes, parce qu’il y a énormément de variations dans les coûts d’exploitation des nombreux agriculteurs. D’après ce que nous avons entendu des témoins du dernier groupe, les coûts sont plus élevés dans certaines régions et moins élevés dans d’autres. C’est tout simplement la rançon des affaires. Nous n’offrons pas de subventions à certaines exploitations agricoles en fonction de cela.

Ce serait difficile de trouver un équilibre, et il faudrait que cela soit fait par des gens qui ont vraiment une connaissance granulaire des coûts structuraux.

Le sénateur Woo : Merci.

Pour revenir au sujet de la variation des revenus des exploitations agricoles, nous en avons aussi discuté avec le dernier groupe de témoins. Je soupçonne que la variation n’est pas tant causée par les combustibles utilisés dans les exploitations agricoles, en particulier le gaz naturel et le propane, je parle de peut-être moins de 0,5 %. Cependant, la volatilité est toujours un problème très important pour les agriculteurs, parce que ce sont les preneurs de prix, et, si quelque chose arrive ailleurs dans le monde, le prix des récoltes s’effondre tout d’un coup.

Vous avez proposé, madame Cool-Fergus, qu’il y ait une sorte de soutien relatif à la volatilité des prix dans les exploitations agricoles en général. Pouvez-vous nous en dire davantage? Il s’agit vraiment d’un macro-problème pour les exploitations agricoles en général. Nous nous sommes penchés de très près sur une très petite partie du problème de la volatilité, alors que cela n’aurait peut-être même pas tant d’importance, en fin de compte.

Mme Cool-Fergus : Dans ce cas précis, s’il est question des combustibles agricoles, la meilleure façon d’éliminer la volatilité est de réduire la quantité de combustible utilisé. Voilà ce que je propose, simplement, et je crois que c’est vraiment nécessaire. Le gouvernement peut jouer un rôle important dans ce dossier, parce que, comme nous l’avons vu avec la guerre en Ukraine, le gouvernement canadien n’a pas de prise sur le prix des combustibles.

Oui, les prix du gaz naturel et du propane ont beaucoup chuté au cours des deux ou trois dernières années, et on s’attend à ce que la tendance se maintienne pour un bon moment, mais rien ne garantit que les prix ne vont pas remonter à un moment donné.

La sénatrice Osler : Merci aux témoins d’être avec nous aujourd’hui.

Le projet de loi contient une exemption pour le gaz naturel et le propane. Nous avons entendu parler du crédit d’impôt aux agriculteurs dans le Programme des technologies propres en agriculture. Je serais curieuse de savoir si les trois témoins pensent qu’il y a suffisamment de pression sur les fabricants d’équipement ou suffisamment d’incitatifs qui leur sont offerts pour qu’ils innovent et produisent des solutions viables et échelonnables pour remplacer les méthodes de séchage du grain qui utilisent les combustibles fossiles.

J’ai entendu dire que les agriculteurs se sentent pressés comme un citron, mais, avec le marché, y a-t-il suffisamment de pression sur les fabricants d’équipement ou d’incitatifs pour eux? Peut-être que Mme Cool-Fergus peut commencer.

Mme Cool-Fergus : Je ne peux pas prétendre être une experte dans ce secteur en particulier. Ce n’est pas mon domaine d’expertise.

Je sais que beaucoup ont déjà fait cette comparaison, mais c’est comme dans le secteur de l’automobile et des véhicules électriques. Si le gouvernement n’avait pas fixé des cibles pour le nombre de véhicules électriques sur les routes d’ici 2035, je doute que le marché serait ce qu’il est aujourd’hui, mais on voit bien qu’il y a énormément de nouveaux acheteurs de véhicules électriques. Je ne pense pas que c’est une coïncidence.

Je ne sais pas, je n’ai pas de réponse complète à votre question, parce que je ne connais pas le marché intimement. Je dirais malgré tout que c’est probablement là où irait le marché, s’il y avait non seulement de la réglementation, mais aussi un écosystème qui soutient ce genre d’innovation et qui envoie ce genre de signaux de marché.

La sénatrice Osler : Madame Harrison, monsieur Green?

Mme Harrison : Merci de la question. C’est une question importante.

Le dernier groupe de témoins — j’écoutais avec beaucoup d’intérêt — a souligné à quel point il est important pour les agriculteurs d’innover et d’investir pour améliorer l’efficience de leurs pratiques. Je n’ai aucun doute que c’est ce qu’ils font, je viens moi-même d’une famille d’agriculteurs. Ce sont des gens d’affaires, et ils vont investir tant que cela sera payant pour eux.

Le problème, c’est qu’ils ne vont pas nécessairement investir dans des choses qui offrent des avantages pour la société; plutôt, ils vont investir dans ce qui avantage leur propre exploitation. C’est ce que fait la tarification du carbone. On prend ces avantages pour la société et on les transpose dans le marché.

Ce qui me préoccupe, c’est que, sans la tarification du carbone, les agriculteurs ne vont pas investir autant qu’il le faudrait pour atteindre nos objectifs climatiques. S’il n’y a pas d’incitatifs pour encourager les agriculteurs à investir de cette façon, alors les fabricants d’équipement qui vendent leurs produits aux agriculteurs ne sont pas non plus suffisamment encouragés. C’est une combinaison de ces deux facteurs, qui sont influencés par la tarification du carbone.

M. Green : Quand j’ai commencé à étudier ce dossier et que j’ai témoigné devant le comité de la Chambre des communes, j’ai fait quelques recherches, et j’ai été ravi de découvrir qu’il y a un fournisseur d’équipement qui commercialise son sécheur à grain au biocombustible en mettant de l’avant que cela va aider les agriculteurs à sauver de l’argent sur la taxe sur le carbone. C’est exactement le genre de choses que nous voulons voir, que les gens qui produisent de l’équipement soient à l’affût des possibilités. Je suis convaincu que, au fil du temps, nous allons voir de plus en plus de sécheurs à grain alimentés par thermopompe — nous le voyons déjà pour d’autres récoltes dans d’autres pays —, et qu’ils seront de plus en plus utilisés au Canada.

Une autre chose que le comité pourrait faire et qui serait utile, ce serait d’étudier des moyens pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables et des connexions au réseau robustes pour les producteurs agricoles de tous les horizons au Canada. Merci.

La sénatrice Pate : Merci à vous tous d’être avec nous.

Je ne suis pas agricultrice. Je ne viens pas non plus d’une communauté agricole, mais j’ai visité une exploitation de permaculture, cet été, et j’ai été vraiment impressionnée de voir qu’elle n’utilisait pas de combustibles fossiles. Vous faites oui de la tête, alors vous savez de quoi je parle. Je ne savais pas que cela existait, avant.

Cette innovation vient en fait d’un jeune homme, le plus jeune d’une famille d’agriculteurs, qui veut que les activités agricoles se poursuivent, mais à plus petite échelle, au lieu de la macroperspective dont certains des témoins précédents ont parlé. Je serais curieuse de savoir dans quelle mesure ce genre d’innovation s’impose. J’aimerais aussi poser une question que quelqu’un qui en connaît plus que moi à ce sujet m’a demandé de poser : est-ce que le gouvernement fédéral s’est engagé à revoir ses politiques sur la tarification du carbone d’ici 2026?

Vous avez mentionné — je vous regarde, Mme Cool-Fergus, parce que vous êtes présente dans la salle — que, si l’examen est prévu dans huit ans, alors il n’y aura peut-être pas d’innovation durant cette période de huit ans. Si un examen est prévu en 2026, alors je me demande pourquoi il y a une disposition de temporisation de huit ans, si, dans les faits, il est censé y avoir un examen avant cela.

Je serais curieuse d’avoir votre avis là-dessus, et aussi celle des témoins de la Colombie-Britannique, s’ils veulent faire un commentaire.

Excusez-moi, monsieur le président, cela va au-delà de la portée de votre comité, mais l’idée de développer de façon plus ciblée une agriculture durable m’intéresse, et j’aimerais savoir s’il s’agissait d’une anomalie ou si c’est en fait quelque chose qui fait partie d’une plus grande tendance.

Mme Cool-Fergus : Je vais commencer par la question qui concerne la durée de huit ans.

Franchement, je ne souscrirais pas à cette durée de huit ans. Je ne crois pas que ce projet de loi devrait être adopté. Je crois qu’il freine non seulement l’innovation, mais aussi les efforts dont nous avons entendu parler.

J’ai lu les témoignages de la dernière réunion du comité, où les fonctionnaires disaient qu’il était fort possible que la demande excède le financement offert aux agriculteurs pour les aider à être moins dépendants de l’énergie fossile dans l’avenir. C’est une très bonne nouvelle. Cela peut peut-être aussi vouloir dire qu’on pourrait bonifier ces différents programmes pour que tous les agriculteurs soient soutenus.

Pour ce qui est de la permaculture, je ne dirai pas aux agriculteurs quoi faire, mais je sais que certains programmes de soutien pour la santé des sols et la biodiversité ont connu beaucoup de succès au Canada et à l’étranger et que les pratiques de ce genre en agriculture — qui, soit dit en passant, séquestrent beaucoup plus de carbone — ont aussi entraîné davantage de retombées, peu importe le type d’exploitation agricole. C’est quelque chose d’intéressant, et il vaut la peine de se pencher sur le sujet.

Voici un exemple — et je suis certaine qu’il y a des gens beaucoup plus intelligents que moi qui peuvent donner des exemples plus pertinents. Je sais que le Royaume-Uni, après le Brexit, lorsque le pays a dû établir ses propres politiques agricoles pour remplacer celles mises de l’avant par l’Union européenne, a commencé à examiner beaucoup plus sérieusement l’incidence de la biodiversité sur les exploitations agricoles et a commencé à inclure cela dans ses programmes parce qu’il a reconnu que cela augmentait les retombées.

Cela me ferait plaisir d’en parler davantage plus tard, mais je vais céder la parole aux autres.

Mme Harrison : Je n’ai rien à ajouter sur la permaculture. Cela semble très intéressant et je vais devoir me renseigner là‑dessus.

Je suis très heureuse d’entendre qu’il y aura un examen sur la tarification du carbone. Le dernier qui remonte à 2021 nous a grandement aidés à relever les inégalités entre les provinces, et le filet de sécurité du gouvernement fédéral a colmaté les brèches. Donc, je suis heureuse de savoir que cet examen aura lieu.

Ce qui m’inquiète, c’est que des secteurs importants auront droit à une exemption quant à la tarification du carbone avant cela, parce qu’il s’agit d’investissements à forte intensité en capital. Cela veut dire qu’ils durent longtemps. Entre aujourd’hui et 2026, des agriculteurs pourraient faire des investissements à forte intensité en capital de dizaines de milliers de dollars dans le secteur de l’énergie fossile.

M. Green : En ce qui concerne l’innovation dans le secteur de l’agriculture, j’ai eu des conversations intéressantes avec des gens de Fermiers pour la transition climatique. Je pense qu’il y a beaucoup de permaculture et que les gens expérimentent beaucoup de choses. Les Canadiens et les Canadiennes sont très préoccupés par la vitesse à laquelle la biodiversité diminue, la vitesse de l’érosion des sols, les changements climatiques et ainsi de suite. Beaucoup de gens se penchent sur ces questions.

Le signal de prix modifie le comportement des gens, mais je pense que beaucoup de gens agissent parce qu’ils veulent vraiment que le monde change, et j’espère que c’est ce qui motive le comité aujourd’hui.

Le président : J’ai une question, puis je vais conclure là, parce que personne n’a demandé de commencer une deuxième série de questions.

Nous avons entendu dire, pendant les témoignages, la semaine dernière, que le prix des séchoirs à grain est amorti sur de nombreuses années, et que leur installation coûte des centaines de milliers de dollars. Comment pouvons-nous dire aux agriculteurs qu’ils doivent en faire davantage avant même que ces frais soient amortis et qu’ils n’aient remboursé ce prêt? Comment pouvons-nous leur dire de se départir de ce séchoir pour essayer quelque chose de mieux alors que nous avons aussi entendu dire qu’il n’y a pas de solutions de rechange ni de technologie viable à l’horizon? Que pouvons-nous répondre?

J’aimerais connaître vos trois réponses. Nous allons commencer par M. Green.

M. Green : Merci de la question. Si je comprends bien, un séchoir à grain est un très gros équipement qui comprend différents éléments. Le fait que le prix du carbone ne cesse d’augmenter ne veut pas dire qu’il faut jeter tout l’équipement et le remplacer; ils pourraient l’adapter.

Ce qui est important, comme l’a souligné Mme Harrison, c’est que nous sommes préoccupés par les gens qui commenceront à investir l’année prochaine, l’année d’après, et celle d’après. Nous voulons qu’ils voient le signal de prix.

C’est quelque chose qui se passe dans toute l’économie, et c’est un enjeu auquel sont confrontés tous les secteurs. Si nous appliquons cet argument aux autres secteurs, nous neutraliserions complètement la tarification du carbone, nos émissions continueraient à augmenter et la situation dans le monde ne ferait que s’aggraver.

Mme Harrison : Je pense aussi que c’est pour cela qu’il est si important de maintenir un signal de prix prévisible. Ces gens font des investissements pour des dizaines d’années, il est donc essentiel pour eux de savoir à quoi s’attendre et que ce soit prévisible. Ils pourraient vouloir attendre, pour voir ce qui va se passer, mais je pense aussi que, plus nous attendons, si nous accordons des exemptions, plus il est plus probable que nous perdions des actifs et que nous nous retrouvions avec davantage de demandes de soutien — avec l’argent des contribuables — pour mettre au rebut de l’équipement qui pouvait encore servir longtemps. C’est un des avantages de la tarification du carbone, d’un prix qui augmente régulièrement et de façon prévisible.

Mme Cool-Fergus : Je serais d’accord avec les deux autres témoins d’aujourd’hui. J’ajouterais qu’il est important de fournir du soutien, comme des remises ou du soutien financier, mais aussi d’accompagner concrètement les agriculteurs. Il faut les soutenir tout au long de leur processus, qu’ils soient au tout début et ne connaissent rien au sujet des différentes options ou de l’efficience ou qu’ils soient tout simplement prêts à faire le saut, mais ont besoin d’aide pour choisir la technologie adéquate pour leur ferme. Je pense que c’est une solution très peu coûteuse que l’on peut offrir aux agriculteurs.

Je sais que, lorsqu’il est question de réduire les émissions, on fait la moitié du travail en choisissant bien la façon de faire les choses. Il faut savoir quand faire fonctionner l’équipement, comment le faire et s’assurer de le fermer au bon moment. Il y a tous ces différents petits éléments et ces petits éléments liés à l’efficience qui s’additionnent pour donner un plus grand nombre. Je pense que cela pourrait être la première étape pour ceux qui viennent tout juste d’investir dans des technologies à fortes émissions.

Les autres secteurs peuvent fournir d’autres solutions, et je pense que le secteur de la construction est très intéressant parce qu’il est confronté à des enjeux très similaires. Si vous venez d’acheter une nouvelle chaudière qui fonctionne au gaz naturel et qu’on vous dit de la remplacer par une thermopompe, que faites‑vous? Nous pourrions étudier ces secteurs pour comprendre la courbure des innovations qui doivent se faire avec le temps.

Le président : Merci.

Chers collègues, en votre nom, j’aimerais remercier nos témoins d’avoir participé à notre réunion. Monsieur et mesdames, nous apprécions grandement l’aide que vous avez apportée à notre comité dans l’examen du projet de loi. Merci, madame Harrison, merci, monsieur Green, et merci, madame Cool-Fergus.

Merci, membres du comité, de votre participation active et de vos questions réfléchies. J’aimerais aussi remercier, comme je le fais habituellement, les gens et le personnel qui nous appuient. Vous nous aidez de tant de façons, et c’est très apprécié.

Notre prochaine réunion est prévue pour le jeudi 28 septembre à 9 heures — c’est jeudi prochain —, et nous entendrons d’autres témoins au sujet du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. J’aimerais discuter brièvement à huis clos. Cela ne prendra pas plus de quatre minutes. Nous allons suspendre la séance. Êtes-vous tous d’accord?

Des voix : Très bien.

Le président : Merci.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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