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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 5 octobre 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous, je suis heureux de vous voir ici. Je voudrais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité et à nos témoins en ligne, ainsi qu’à ceux qui regardent la réunion sur le Web. Je m’appelle Robert Black, sénateur de l’Ontario, et je suis le président du comité.

J’aimerais d’abord demander aux sénateurs qui sont autour de la table de se présenter, à commencer par notre vice-présidente.

La sénatrice Simons : Je suis Paula Simons, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.

La sénatrice Burey : Je suis Sharon Burey, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, division sénatoriale De Lorimier, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Je m’appelle Yuen Pau Woo, et je viens de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Oh : Je suis Victor Oh, de l’Ontario.

Le président : Aujourd’hui, le comité se réunit afin de discuter du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Nos témoins aujourd’hui sont William David Lubitz, professeur associé à l’École de génie de l’Université de Guelph, qui se joint à nous par vidéoconférence; et Chandra B. Singh, chaire de recherche principale, Génie agricole et technologie au Lethbridge College, qui se joint aussi à nous par vidéoconférence. Merci, et bienvenue.

Nous commencerons par la déclaration d’ouverture de M. Lubitz, qui sera suivi de M. Singh. Vous aurez chacun cinq minutes pour prononcer votre déclaration d’ouverture. Lorsqu’il restera une minute, je lèverai ma main afin de vous l’indiquer; si vous voyez deux mains, vous devez conclure.

William David Lubitz, professeur associé, École de génie, Université de Guelph, à titre personnel : Merci, et bonjour à tous. Je suis heureux d’avoir l’occasion de vous parler aujourd’hui. Comme nous l’avons mentionné, je m’appelle William David Lubitz, et je suis professeur associé à l’École de génie de l’Université de Guelph, où je travaille depuis les 16 dernières années. Mes domaines de recherche se concentrent sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Je fais un éventail de recherches dans ces domaines, y compris dans la technologie hydroélectrique. Nous avons aussi plusieurs projets en cours dans le domaine de l’efficacité énergétique en serre, et nous avons aussi fait des travaux dans le domaine du séchage des grains, dont certains remontent à plusieurs années, afin d’améliorer l’efficacité des séchoirs à grains. Je vous parlerai aujourd’hui en tant que chercheur individuel, et non au nom de l’Université de Guelph dans son ensemble.

Cela fait au moins huit ans que nous menons des recherches sur le séchage du grain en particulier. Nous avons établi un partenariat avec un agriculteur et ingénieur, Greg Dineen, de Kenilworth en Ontario, qui cherchait à trouver d’autres moyens d’alimenter les séchoirs à grains. Nous examinions aussi une solution de rechange précise, à savoir l’utilisation de thermopompes à l’air électriques pour fournir l’air climatisé nécessaire au fonctionnement d’un séchoir à grains. Au fil des ans, nous avons effectué une série d’expériences à grande échelle à son exploitation sur le séchage de différents grains, et ces dernières années, nous avons entrepris un projet financé par Grain Farmers of Ontario. Ce projet vise à construire un prototype de séchoir à grains spécialement conçu pour utiliser cette approche de thermopompe afin de maximiser l’efficacité et les possibilités de commercialisation de cette nouvelle technologie.

Nous avons également effectué des recherches connexes financées par le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario sur les émissions sonores des séchoirs à grains — le bruit environnemental. Cette recherche est pertinente pour le comité parce que son premier volet était un sondage auprès des exploitants de séchoirs à grains, les agriculteurs et les propriétaires de silos, en Ontario. Ce sondage a été réalisé à l’été 2021, principalement par téléphone et par Internet, car nous étions limités en raison des restrictions liées à la pandémie à l’époque. Il est vrai que nos échantillons étaient relativement petits, mais nous croyons avoir eu une bonne idée de la situation du séchage des grains en Ontario. Je tire la majeure partie de mon savoir sur le séchage du grain et de mon expérience avec les propriétaires et les exploitants de séchoirs à grains de l’Ontario, particulièrement dans le Sud de l’Ontario, ma région natale.

L’enquête que nous avons faite était particulièrement enrichissante. Nous avons découvert un certain nombre de choses intéressantes. Nous avons confirmé que tous les répondants à qui nous avons parlé séchaient leur grain avec une alimentation au gaz naturel et au propane. Nous avons aussi confirmé que le propane était plus cher que le gaz naturel pour ces exploitants et que leurs préoccupations les plus importantes étaient l’énergie, son coût et sa sécurité.

Il y a toujours eu des interruptions dans l’approvisionnement en énergie. Songeons en particulier à une grève ferroviaire survenue il y a plusieurs années, qui a entraîné des pénuries de propane dans certaines parties du Sud de l’Ontario, et dont les agriculteurs ont subi les répercussions directes. Nous avons appris un certain nombre de choses intéressantes dans le cadre de ce sondage.

Revenons à nos recherches sur l’efficacité énergétique des séchoirs à grains. Nous sommes particulièrement intéressés par les carburants de remplacement exempts de combustible fossile non seulement pour réduire le carbone, mais aussi pour assurer la sécurité énergétique et la fiabilité des projections financières — si l’on est agriculteur — du coût de cette énergie. Le prix des combustibles fossiles varie, et l’agriculteur exploitant de silo est tenu de l’accepter.

Nous n’avons cerné que deux solutions de rechange possibles pour les approvisionnements énergétiques exempts de combustible fossile : il s’agissait de la biomasse — ou biocarburants — ou de l’électricité, ce sur quoi nous avons travaillé avec les thermopompes. Je tiens à souligner que les infrastructures de ces deux combustibles ont des limites dans les exploitations agricoles. Il faut s’assurer d’un approvisionnement ou avoir une infrastructure électrique suffisante pour fournir l’électricité nécessaire à son utilisation.

Nous avons également constaté que le développement prendra du temps. Nous y travaillons depuis un certain nombre d’années. Nous croyons que cette technologie est très prometteuse et que nous serons en mesure de la commercialiser, mais il nous reste encore plusieurs années avant d’atteindre une échelle où les agriculteurs pourraient en faire l’acquisition en grande quantité ou à grande échelle. Merci.

Le président : Merci beaucoup.

Monsieur Singh, je sais qu’il est très tôt pour vous. Merci d’être présent aujourd’hui. La parole est à vous.

Chandra B. Singh, chaire de recherche principale, Génie agricole et technologie, Lethbridge College, à titre personnel :

Bonjour. Je remercie l’honorable président et le comité de m’avoir invité.

Mes recherches portent sur l’entreposage et la manutention des grains après la récolte, y compris le séchage à cellules verticales, le séchage à haute température, l’aération, la modélisation mathématique, la détection et l’automatisation. Ma passion pour la recherche sur le stockage du grain vient du fait qu’à l’heure actuelle, plus de 710 millions de personnes dans le monde n’ont pas suffisamment à manger, tandis que nous gaspillons encore jusqu’à 30 % de la nourriture produite dans le monde. Sans ces pertes, nous pourrions nourrir 1,3 milliard de personnes supplémentaires.

Le Canada est l’un des principaux pays producteurs de grains au monde et joue un rôle de premier plan dans la sécurité alimentaire mondiale. Cependant, la production agricole est l’une des entreprises les plus risquées au monde, comme je l’ai constaté pendant mon enfance sur une ferme de moins de 10 acres dans le Nord de l’Inde, et les producteurs ici ne sont pas à l’abri de ces risques. En plus d’être touchés par les conditions climatiques défavorables pendant la courte saison de production, les agriculteurs canadiens sont aussi confrontés à la volatilité du marché et aux obstacles commerciaux, comme des interdictions d’exportation et une augmentation des droits de douane en raison de l’évolution de l’environnement géopolitique. Les récentes interdictions d’exportation de canola et les droits de douane élevés sur les légumineuses en sont les deux principaux exemples.

Dans les Prairies, la campagne agricole de 2019 a été qualifiée de « récolte infernale ». La coalition Team Alberta a estimé que les pertes de cultures non récoltées à cause des mauvaises conditions s’élevaient à 778 millions de dollars. Les conditions froides et humides sont toujours difficiles pour la récolte du grain dans une période limitée. Tout grain coriace qui demeure non séché pendant les mois d’hiver mène au développement de points chauds et à la croissance de moisissures et de mycotoxines cancérigènes, ce qui entraîne une détérioration du grain et de lourdes pertes économiques. Par conséquent, il faut sécher le grain pour éliminer le risque de détérioration et garantir la sécurité alimentaire grâce à un entreposage sécuritaire à long terme.

Le séchage permet aux agriculteurs de récolter tôt, ce qui atténue dans une certaine mesure les risques liés au climat. La production agricole, qui comprend l’exploitation de l’équipement agricole, les engrais, les herbicides, les fongicides et le transport, entraîne une consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre relativement importante. Par conséquent, l’altération du grain a une empreinte carbone importante et une incidence économique énorme.

Le séchage du grain dans l’Ouest canadien est toujours une course contre la montre avant l’hiver. L’air froid est peu propice au séchage en raison de sa faible capacité de rétention d’eau; il doit donc être chauffé à la fois pour le séchage à basse température, le séchage à cellules verticales et le séchage à haute température. Le propane et le gaz naturel sont les deux seules sources de carburant pratiques pour le séchage du grain dans l’Ouest canadien. La tarification du carbone par le gouvernement fédéral, qui propose une augmentation annuelle à 170 $ la tonne d’ici 2030, se fera sentir sur les agriculteurs et, en fin de compte, sur les consommateurs qui doivent déjà composer avec des prix alimentaires élevés.

J’appuie fermement le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Ici, dans l’Ouest canadien, nous participons à une étude provinciale sur le séchage du grain qui porte sur l’efficacité énergétique et la qualité des cellules verticales. Je serai ravi de répondre à vos questions et de fournir des renseignements plus précis.

Merci, monsieur le président.

Le président : Je remercie nos témoins d’aujourd’hui de leurs déclarations d’ouverture.

Notre vice-présidente ouvrira la période de questions. J’encourage tout le monde à ne pas se pencher vers le microphone pour éviter les retours de son qui pourraient avoir un effet négatif sur les personnes dans la salle.

Conformément à notre pratique antérieure, nous disposerons de cinq minutes pour les questions et les réponses. Nous aurons un deuxième, un troisième et un quatrième tour, au besoin.

La sénatrice Simons : Monsieur Singh, merci de me rappeler le terrible été de 2019, que j’ai appelé « l’année sans été » à Edmonton. Il n’a tout simplement jamais fait chaud et il a plu sans arrêt.

J’aimerais bien que chacun de vous me dise quelles technologies de remplacement sont, selon vous, les plus susceptibles d’être viables et pratiques. Hier soir, j’ai rencontré un représentant de l’industrie du propane à une réception sur l’hydrogène qui a dit qu’une technologie permet en ce moment de créer du propane à partir de l’hydrogène, ce qui aurait une empreinte carbone très faible. C’était la première fois où j’entendais parler de cette technologie. Quelle technologie se rapproche le plus de la viabilité? Pourrait-elle être viable dans le délai de huit ans prévu par la clause de temporisation? Pensez‑vous que les technologies sont plus ou moins susceptibles d’être commercialisées si le prix du carbone grimpe? S’agirait-il plutôt d’un incitatif à mettre les technologies à la disposition des gens sous une forme pratique?

M. Lubitz : Merci. C’est intéressant. Il est difficile de me prononcer sur les technologies en cours d’élaboration.

Nous avons parlé de la technologie de thermopompe; c’est ce que nous étudions. D’autres travaillent aussi sur la biomasse et sur d’autres technologies. On pourrait soutenir que certaines de ces technologies sont sur le point d’être prêtes à une utilisation expérimentale à petite échelle de prototype, mais, à mon avis, la question la plus importante est de savoir quand elles seront prêtes pour un déploiement à grande échelle. Je crois que certaines de ces technologies seront prêtes dans un délai de huit ans, mais pas dans un an ou deux. Notre projet n’atteindra pas cet objectif au cours de la prochaine année ou des deux prochaines années, mais il pourrait le faire d’ici six ou huit ans. De même, je ne suis pas au courant d’autres technologies qui seraient prêtes pour un tel déploiement à grande échelle dans les deux prochaines années. Il faut beaucoup de temps pour franchir ces étapes vers le déploiement et l’expansion. Il s’agit d’une grande infrastructure, dont la construction, la mise à l’essai et la reconstruction prennent beaucoup de temps.

La sénatrice Simons : Monsieur Singh, la parole est à vous. Quelles sont les technologies les plus proches d’être prêtes? Peuvent-elles être prêtes au cours des huit prochaines années? Pensez-vous qu’elles pourraient être mises au point plus rapidement si les prix augmentaient?

M. Singh : En toute honnêteté, d’après les données que j’ai — et j’ai passé beaucoup de temps à travailler sur des projets de séchage du grain, à écrire des chapitres de livres et des articles, et à examiner non seulement l’Ouest du Canada, mais aussi l’Australie, où j’ai été professeur agrégé avant de me joindre au collège, et les États-Unis, où j’ai passé un certain temps —, il ne semble pas y avoir quoi que ce soit de prêt dans les années à venir, compte tenu du volume dont nous parlons ici. Chaque cellule à grain contient 40 000 ou 50 000 milliers de boisseaux de grains. Les fermes deviennent de plus en plus grandes.

Comme l’a dit M. Lubitz, les autres pourraient fonctionner. Les thermopompes et la biomasse sont utilisées dans de nombreux pays asiatiques, mais leurs fermes sont très petites, toutes proportions gardées, ce qui permet de les utiliser là-bas. Le grand défi pour nous réside dans la grande taille de nos exploitations agricoles. Comme nous l’avons également mentionné, c’est une question de temps. Nous sommes en saison de récolte à l’heure actuelle. Parfois, il neige tôt, parfois il pleut ou il fait trop froid. Nous n’avons pas d’autre solution pour nous occuper de notre grain.

La sénatrice Burey : Merci d’être avec nous. J’aime beaucoup que des ingénieurs soient invités à comparaître pour pouvoir approfondir certaines des questions. L’enjeu central réside dans la prémisse du projet de loi, à savoir qu’il n’y a pas de solutions de rechange adaptables et viables, et c’est ce que nous essayons de comprendre.

Nous cherchons aussi à savoir, dans les cas où il existe des technologies propres, comment les agriculteurs peuvent y avoir accès. En septembre, j’ai posé cette question à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Quel pourcentage des fermes peuvent avoir accès aux technologies propres?

Fait intéressant, mais aucunement surprenant, on m’a répondu que seulement 22 % des fermes ont reçu un financement pour des technologies propres. Toutefois, il y avait de toute évidence un nombre trop élevé de demandes pour ce programme. Autant que vous sachiez, comment pourrait-on accélérer ce processus? Serait-ce par la recherche et le développement ou par l’offre de programmes supplémentaires? De toute évidence, on assiste à un changement de comportement chez les agriculteurs, qui veulent passer aux technologies propres. Les deux témoins pourraient-ils nous dire ce qu’ils en pensent compte tenu de leur riche savoir dans ce domaine?

M. Lubitz : Merci de poser la question. Il est difficile d’accéder à ces technologies. Le problème réside entre autres dans le fait qu’il s’agit d’une infrastructure à longue durée de vie, dont l’installation est très dispendieuse et prend beaucoup de temps. Donc, si l’on est aussi aux prises avec des problèmes de capital ou que l’on a récemment investi dans un séchoir ou dans d’autres équipements, il est très difficile de se moderniser une fois de plus.

En général, les agriculteurs veulent s’améliorer. Ils veulent réduire leur consommation d’énergie. L’énergie est chère, avec ou sans incitatif lié au carbone. Donc, s’il existait des moyens de fournir des capitaux supplémentaires ou d’autres soutiens, cela pourrait être une façon de permettre aux agriculteurs et aux exploitants d’élévateurs d’adopter plus rapidement de nouvelles technologies ou d’apporter des mises à niveau.

La sénatrice Burey : J’aimerais faire un commentaire sur la question de la recherche et du développement — afin d’accroître le financement dans ce domaine.

M. Singh : Merci. Il existe certains programmes. À titre d’exemple, les agriculteurs peuvent automatiser leur système de séchage du grain en silo. Ils peuvent acheter des câbles de détection et des commandes automatisées. Le programme couvre 50 % des coûts, soit jusqu’à concurrence de 100 000 $. Tout nouveau système de séchage coûtera bien plus cher que cela. Les incitatifs qui sont en place ne suffisent pas ou ne sont pas assez motivants pour que les agriculteurs fassent le changement et réalisent des investissements en capital supplémentaires.

L’autre chose, c’est la communication. J’ai parlé à certains agriculteurs, et ils ignoraient l’existence d’un programme qui donne accès à des fonds supplémentaires.

Il y a donc deux éléments essentiels : il faut plus de campagnes de la part du gouvernement, des associations de producteurs, des commissions de producteurs et des gouvernements provinciaux, ainsi qu’un plus grand soutien. Ce sont les deux volets.

Comme M. Lubitz l’a mentionné, la recherche et le développement prennent du temps; il faut donc plus de financement et un accent accru sur l’efficacité énergétique. Cette question est maintenant au centre de l’attention, mais je pense qu’elle n’a pas été au cœur des discussions, sauf en 2019, lorsque nous avons eu le problème et que tout le monde était en difficulté à ce moment-là. Voilà ce que j’en pense.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins de leur présentation.

Ma question s’adresse à M. Lubitz. Je comprends que votre recherche avec les fermes Dineen portait entre autres sur des prototypes de séchoirs qui utilisent la chaleur recueillie avec une thermopompe à l’air. Cependant, vous avez constaté que le taux de séchage était lent et que la conception ne pouvait pas être mise à l’échelle pour suivre le rythme de la moissonneuse-batteuse moderne. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Lubitz : Oui. Le séchage à base de thermopompe que nous avons examiné présente plusieurs avantages. Les thermopompes donnent beaucoup plus de chaleur par unité d’électricité que les autres modes d’utilisation de l’électricité. Elles sont toutefois plus efficaces lorsque nous augmentons légèrement les températures, ce qui signifie que nous faisons du séchage à basse température. La plupart des séchoirs commerciaux fonctionnent à haute température. Les températures élevées donnent un débit plus rapide. Nous en tenons compte dans la conception, et nous concevons le prototype pour qu’il ait un fonctionnement optimal dans cette limite. Il aura toutefois des limites de capacité par rapport à la capacité des séchoirs de grande envergure existants. Il y a d’autres avantages, mais c’est une restriction. Pour obtenir des températures élevées, il faut faire de la combustion, ce qui nous ramène au propane et au gaz naturel. C’est l’une des raisons pour lesquelles il s’agit de carburants de choix dans les exploitations agricoles.

Le sénateur Oh : Il y a plus de 20 ans, j’ai fait l’essai d’une thermopompe pour ma maison, et j’ai constaté qu’elle ne fonctionne que lorsque la température se maintient à un peu moins de zéro degré. La technologie est-elle meilleure aujourd’hui? J’habite à Toronto et, bien sûr, à la campagne, les températures sont beaucoup plus basses. Pouvez-vous expliquer le phénomène?

M. Lubitz : Oui, la technologie des thermopompes en général s’est améliorée au cours des 20 dernières années. Elles sont devenues plus efficaces et aussi plus fiables, par exemple, en fonctionnant à des températures plus basses.

Nous ne séchons habituellement pas le grain lorsque les températures sont extrêmement froides en hiver. Nous le faisons habituellement à l’automne, lorsque la température est plus près du point de congélation, en Ontario du moins.

L’autre chose est que notre recherche vise notamment à optimiser davantage la conception de la thermopompe pour cet usage précis. Nous apportons des ajustements à la thermopompe afin qu’elle soit optimisée spécifiquement pour acheminer de l’air à un séchoir à grains, ce qui est légèrement différent de la climatisation d’une maison, par exemple.

Nos premiers essais ont donné des résultats prometteurs — probablement mieux que ceux que vous avez peut-être obtenus il y a 20 ans.

Le sénateur Oh : Pourquoi n’utilisons-nous pas plus de propane? Le Canada en produit tellement. Pourquoi le gouvernement n’appuie-t-il pas entièrement l’utilisation du propane, qui est la source de combustion la plus respectueuse de l’environnement, je crois?

M. Lubitz : Cette question va au-delà de mon expertise. Je ne suis pas sûr de pouvoir donner beaucoup d’information aussi détaillée sur les carburants.

Le sénateur Oh : Merci.

Le sénateur Woo : Merci, messieurs Lubitz et Singh.

Jusqu’à présent, nous avons parlé de la façon de repousser les frontières technologiques par l’utilisation de technologies de rechange et avons cherché à savoir si les exploitations agricoles peuvent donc atteindre cette nouvelle frontière. Mais nous avons déjà une frontière technologique fondée sur celles qui existent. En ce qui concerne l’efficacité énergétique et les émissions de gaz à effet de serre, cette frontière technologique ne se limite pas au gaz naturel et au propane, n’est-ce pas? Il s’agit aussi de l’efficacité, de l’isolation, de l’automatisation, du GPS, de meilleures techniques agricoles et d’une série de technologies et de pratiques qui peuvent être mises en application.

Par exemple, un témoin nous a dit, il y a quelques jours, qu’il venait tout juste d’améliorer son séchoir des années 1970 pour le transformer en séchoir moderne, ce qui, je crois, lui a permis d’améliorer l’efficacité de 30 % ou plus.

Je vous demande donc à tous les deux si vous pouvez nous donner une idée de la distance à laquelle se trouvent la plupart des agriculteurs par rapport à la frontière technologique. Je ne parle pas des carburants de remplacement, mais de l’ensemble de mesures d’efficacité et de réduction des gaz à effet de serre qui sont déjà disponibles. Par exemple, y a-t-il encore de nombreuses fermes qui utilisent des séchoirs à récoltes des années 1960, 1970 ou 1980?

M. Singh : Dans le cadre du projet que nous avons mené à l’échelle de l’Alberta, nous avons constaté que cela varie beaucoup selon l’endroit. Par exemple, à Lethbridge où je me trouve — mon centre est ici —, c’est assez sec. Aucun agriculteur n’aurait ces systèmes de séchage modernes pour l’instant parce qu’ils s’en tirent bien la majeure partie de l’année — même s’ils éprouvent parfois des problèmes. Ils peuvent sécher la récolte dans le champ ou dans la cellule verticale, et le risque est minime. Cependant, il y a nos partenaires, les agriculteurs du Nord dans la région de la rivière de la Paix. Quand j’y suis allé la première fois et que nous commencions le projet, nous leur avons demandé s’ils séchaient toujours le grain. Ils ont répondu qu’ils sèchent chaque grain année après année.

La situation dépend parce qu’il y a une grande variation dans la province. Cela dépend aussi des fermes. Certaines fermes ont un système très avancé, alors que d’autres utilisent encore des systèmes qui ont 20, voire 30 ans. En ce qui concerne l’efficacité, dans l’étude, nous avons montré que l’automatisation peut effectivement générer des économies moyennes de 30 %. En effet, nous avons constaté d’importantes différences dans les anciens et les nouveaux systèmes, ainsi que dans les méthodes de surveillance, sur le plan du fonctionnement et des conditions.

L’automatisation et les systèmes plus récents offrent effectivement une bonne occasion d’économiser. Nous sommes également en faveur d’une approche combinée où il n’est pas nécessaire de tout sécher dans un séchoir à haute température qui brûle beaucoup de carburant. Vous réduisez le risque en séchant un peu le grain, puis en le déplaçant vers la cellule verticale et en éliminant lentement l’humidité restante. Les agriculteurs ont la possibilité de mettre à niveau leur système, de le gérer d’une manière différente et non traditionnelle, de surveiller à distance la technologie de détection et de recourir à l’automatisation. Tout est là, mais ce n’est pas sur cela que l’on se concentre en ce moment. Les agriculteurs ont la possibilité d’effectuer des mises à niveau. Ils sont incités à le faire. Je suis tout à fait d’accord là-dessus, oui.

M. Lubitz : Merci. Je veux simplement mentionner que nous avons également trouvé un large éventail de séchoirs dans le relevé que nous avons effectué en Ontario. Je pense que c’est parce que ce sont des pièces d’équipement à très longue durée de vie. Il s’agit d’infrastructures à long terme, et il faut de nombreuses années pour les rembourser. Ainsi, quand les agriculteurs les ont, ils continuent à les utiliser. Certains agriculteurs ont indiqué qu’ils mettraient à niveau les composants d’un séchoir ou ajouteraient des pièces au lieu de le remplacer complètement. Les plus récents sont plus efficaces.

Je pense aussi que certaines des autres méthodes mentionnées par M. Singh comme l’aération sèche ou le conditionnement du grain dans les cellules verticales nécessitent parfois aussi un investissement dans des infrastructures supplémentaires, par exemple, des cellules verticales supplémentaires ou la manutention du grain, et ainsi de suite.

Le sénateur Dalphond : Bienvenue à nos témoins. Vous avez fait des commentaires très intéressants et utiles.

Pour aller dans la même veine que les questions précédentes, je vois des entreprises qui font la publicité de la nouvelle génération de séchoirs comme le séchoir à grains NECO, qui permet d’économiser entre 20 et 30 % en coûts d’énergie parce qu’il est plus efficace. Je sais qu’un programme du ministère de l’Agriculture de l’Ontario suggère de modifier un séchoir existant en y ajoutant la recirculation d’air, d’air extérieur et d’air froid — je ne suis pas ingénieur, mais vous l’êtes —, ce qui permet aussi d’économiser environ 30 % du coût de l’énergie, soit bien plus que la tarification du carbone.

Savez-vous si les agriculteurs font de plus en plus cette transition? D’après votre dernier commentaire, monsieur Singh, j’en comprends que les agriculteurs ignorent l’existence de ces mesures. Votre recherche pourrait-elle nous indiquer combien d’entre eux font la transition et quel est le potentiel de conversion immédiate en attendant les nouvelles technologies?

M. Singh : Merci. Le coût est le principal élément que les agriculteurs prennent en considération au moment d’adopter n’importe quelle technologie. Lorsque nous leur demandons pourquoi ils ne le font pas, il faut parfois les convaincre qu’ils fassent partie du projet. Ils veulent apprendre. Ils veulent savoir ce qui se passe à leur ferme. Cependant, la première question qu’ils ont concerne le coût. Pour tout ce qui a trait aux mises à niveau, le coût représente un obstacle important pour eux.

N’oublions pas qu’ils ont quelque chose qui fonctionne, et ils pensent que tout va bien. Parfois, ils jouent avec leur équipement, le modifient ou le mettent à niveau. Certains agriculteurs sont au courant des technologies. J’ai dit qu’ils ignoraient l’existence d’un programme ou d’un soutien financier pour mettre à niveau le système.

Vous avez aussi dit que les nouveaux séchoirs sont efficaces, ce que nous avons effectivement constaté dans certaines fermes. Dans le cadre de notre programme de prolongation de la vie utile, nous essayons de joindre les groupes de producteurs par l’intermédiaire de leur réseau afin de leur montrer les caractéristiques. Nous espérons que cela changera en cours de route et que le gouvernement fournira un soutien accru.

Le sénateur Dalphond : Vous dites être en faveur du projet de loi. Mais si nous l’appuyons, n’envoyons-nous pas un message à ceux qui tiennent compte du coût seulement et qui ont un équipement fonctionnel pouvant encore servir? Penseront-ils qu’ils n’ont pas besoin de le convertir ou d’adopter de nouvelles technologies plus efficaces, ou d’ajouter un élément à leurs systèmes de séchage pour en accroître l’efficacité?

M. Singh : En tant que chercheur, j’explore toujours de nouvelles idées. Je ne suis pas contre indéfiniment, mais entretemps, il doit y avoir des solutions. Le grain a une durée de conservation très limitée. C’est cumulatif. Si le grain a une vie de 100 jours et que vous perdez 50 jours sans en prendre soin ou le séchez lentement, par exemple, même si vous le séchez, que vous investissez dans le carburant et le reste, il ne vous restera que 50 jours. C’est mon exemple.

Le sénateur Dalphond : Ce n’est pas ma question. Il ne vous reste que 50 jours, mais si vous avez un séchoir plus efficace parce que vous ajoutez simplement un élément au séchoir existant et vous économisez 30 % de votre coût, comment devrions-nous nous assurer que les agriculteurs adoptent cette idée et ajoutent cette fonction à leur séchoir?

M. Singh : Oui, c’est justement ce que nous essayons de faire en communiquant avec eux pour leur dire qu’un nouveau système existe. Vous avez parlé d’une entreprise de séchoirs. Nous ne leur parlons pas d’une société ou d’un produit particulier. Nous essayons plutôt d’élaborer une démarche dans le cadre de laquelle nous présentons différentes options à ceux qui veulent automatiser leur système et utiliser une technologie de détection pour surveiller l’humidité réelle dans le grain et déterminer le temps de séchage nécessaire. Nous déterminons s’ils ont besoin d’un séchoir à haute température, nous cernons leurs sources de carburant et nous déterminons les coûts. Cela aidera les producteurs, nous l’espérons, et nous serons en mesure de les convaincre qu’ils doivent automatiser leur processus.

Le sénateur Dalphond : Sur le même sujet, monsieur Lubitz, avez-vous constaté en Ontario, par exemple, une tendance à convertir les séchoirs existants ou à en acquérir de nouveaux, selon vos relevés?

M. Lubitz : Je dirais que les agriculteurs font la conversion quand ils le peuvent, de sorte que nous en sommes témoins. Encore une fois, il peut être difficile pour eux de prendre cette décision seulement à cause des coûts et de la quantité de travail nécessaire.

Certaines des améliorations d’efficacité, comme la récupération de chaleur par la recirculation de l’air, améliorent parfois l’efficacité, mais il arrive qu’elles entraînent finalement un coût de main-d’œuvre supplémentaire. Il faut peut-être maintenant nettoyer le séchoir et les échangeurs de chaleur régulièrement, ce qui n’était pas fait auparavant. Donc, on économise de l’énergie, mais on se trouve avec des coûts de main-d’œuvre supplémentaires, par exemple. Ce n’est pas nécessairement universel, mais il faut le surveiller avec toute nouvelle technologie. On peut réaliser des économies d’énergie, mais il peut y avoir d’autres coûts ou inconvénients.

Le sénateur Dalphond : Merci.

La sénatrice Simons : Je voudrais revenir sur ce thème. Hier soir, j’ai eu la chance d’assister à une réception sur l’hydrogène comme combustible où, bien entendu, les invités faisaient la promotion de ce type de combustible. C’est le but de l’exercice. Cependant, ils m’ont dit qu’il était possible de créer du propane à partir de l’hydrogène, ce qui aurait alors des émissions beaucoup moins grandes de gaz à effet de serre. J’étais très emballée par cette possibilité. Ils m’ont expliqué que si on convertit l’hydrogène en propane, on peut le transporter beaucoup plus facilement que lorsqu’il est sous sa forme d’hydrogène.

Mais pour que les entreprises développent des produits comme celui-là et les mettent sur le marché, il faut une motivation économique qui convaincra les agriculteurs de ne pas utiliser du propane ordinaire, mais plutôt ce propane spécial plus écologique. Je sais que vous êtes des ingénieurs et non des économistes, mais vous pensez aux systèmes et à la façon dont ils fonctionnent ensemble.

Voici ce qui me préoccupe : si nous voulons supprimer la taxe sur le carbone de ces produits, cela ralentira-t-il l’adoption et le développement de technologies nouvelles et de rechange? Au contraire, le signal de prix incite-t-il en fait à mener plus de recherche, à accorder plus de financement à vos universités et à accroître la recherche et le développement au sein des entreprises?

M. Lubitz : C’est une bonne question. Je ne suis pas économiste, comme vous l’avez dit, mais il y a toujours eu un signal de prix pour les agriculteurs en ce qui concerne le coût du carburant. C’est le coût le plus élevé de leur exploitation. Certaines années en Ontario, l’énergie utilisée pour sécher le maïs, par exemple, peut être supérieure à celle employée dans toutes les opérations sur le terrain, comme les tracteurs et le reste. En ce qui concerne la comptabilité, les agriculteurs le voient déjà, et ils s’efforcent de réduire les coûts.

Je me demande en fait s’il n’y a pas déjà un signal de prix, et à quel moment un signal de prix devient excessif, voire inutile. Je pose cette question parce que je ne connais pas la réponse, mais j’y ai pensé.

La sénatrice Simons : Monsieur Singh, je vous pose les mêmes questions.

M. Singh : Merci. Je n’ai pas examiné cette solution de rechange du point de vue du coût. Il y a deux choses en jeu. L’une est le besoin direct d’avoir quelque chose. L’autre est du côté de la recherche et du développement. Les institutions académiques — les universités, les chercheurs et les entreprises — essaient toujours d’être en avance sur ce qui est sur le marché.

Les deux choses peuvent être transformées avant d’obtenir quelque chose qui est réalistement applicable, mais les coûts seront un facteur. Si l’on encourage la nouvelle solution de rechange du propane fait à partir de l’hydrogène, je pense que l’industrie l’adoptera. Ou encore, il faut suffisamment de temps pour effectuer une transition en douceur qui ne perturbera pas les méthodes actuelles de séchage.

La sénatrice Simons : Votre disposition de temporisation incite suffisamment les gens à se donner un délai de huit ans pour commercialiser ces produits.

Le président : Est-ce une question?

La sénatrice Simons : Oui. C’était la question posée à M. Singh.

Pensez-vous qu’une disposition de temporisation de huit ans soit un outil efficace? Le délai devrait-il être de cinq ans? Ne devrait-il pas y avoir de disposition semblable? Qu’en pensez‑vous?

M. Singh : Je n’en suis pas certain, car j’ignore où en sont la recherche et le développement en ce qui concerne la production de propane à partir de l’hydrogène. Je ne sais pas si cela prend trois ou cinq ans et si ces carburants seront offerts sous une forme que les agriculteurs peuvent utiliser. Peut-être que oui, peut-être que non. Je suis désolé, mais je ne peux pas vous donner une réponse claire.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

Le sénateur Woo : Messieurs les témoins, je voudrais revenir à la question de la frontière technologique. Idéalement, je vous demanderai de me dire où se trouvent les fermes, globalement, par rapport à la frontière. Se trouvent-elles à 60 ou à 80 % de cette frontière? Vous ne pouvez probablement pas me donner ce chiffre.

Je vais présenter la question différemment. Si je vous disais que vous avez décidé de consacrer tout votre temps dans les prochaines années à aider les agriculteurs qui ont des séchoirs à grains et des granges qui doivent être chauffées — les fermes visées par ce projet de loi —, à améliorer l’efficacité de la consommation d’énergie et à réduire les émissions de gaz à effet de serre grâce à une série de technologies existantes, à quel point seriez-vous occupé, si c’était votre seul emploi?

M. Lubitz : C’est une très bonne question. Je ne suis pas sûr de pouvoir donner la meilleure réponse. Je pense que je serais très occupé et pour différentes raisons : la communication, l’éventail des possibilités et ensuite le travail à faire sur ces différentes choses.

Le sénateur Woo : Il y a beaucoup de choses à faire, essentiellement, même avec la frontière technologique actuelle?

M. Lubitz : Oui.

Le sénateur Woo : Merci. Monsieur Singh?

M. Singh : Merci. En fait, je suis très occupé. C’est ce que je fais actuellement. Nous visitons les agriculteurs. Nous couvrons près de 1 400 kilomètres d’un seul trait pour visiter différentes fermes et voir différents systèmes.

Je dirais que certains agriculteurs sont très à jour, très avancés, très innovateurs et qu’ils ont apporté des modifications eux‑mêmes, mais il y a des gens qui continuent de travailler comme ils le faisaient auparavant.

C’est mon travail de collecter des données et de créer un point de repère. On peut parler d’une efficacité énergétique de 30 %. Quel point de référence permet de déterminer cette économie de 30 %? C’est ce que nous essayons de faire. Nous effectuons des comparaisons à la même ferme, côte à côte, cellule verticale par cellule verticale, séchoir par séchoir, et selon le même type de cellule verticale et le même temps de séchage, mais nous comparons ensuite différentes fermes et différents emplacements. Il y a tant de variables et tant d’éléments différents.

C’est là-dessus que je travaille. Ce n’est pas seulement le séchage. Nous examinons la qualité et le type de grain que nous obtenons, ainsi que le niveau d’humidité. Il y a tellement de variables. C’est ce que je fais; c’est mon travail.

Cependant, je travaille effectivement un peu sur le stockage, la surveillance, l’automatisation, l’efficacité énergétique et les modèles mathématiques. Si l’on combine tout cela en tant qu’outil de gestion, nous pourrions très bien maintenir la qualité, maintenir la rentabilité et garder les agriculteurs concurrentiels sur le marché. Nous pouvons entreposer le grain en toute sécurité. Je suis toujours préoccupé par le gaspillage parce que c’est là que nous en perdons la majeure partie.

Le sénateur Woo : Merci, monsieur Singh. Il y a beaucoup de travail à faire.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, monsieur Singh, que la situation actuelle, en l’absence de ce projet de loi, prévoit déjà une remise pour les coûts de l’utilisation du gaz naturel et du propane aux exploitations agricoles dans leur ensemble. Il n’y a donc pas de paiement net au Trésor pour la tarification de la pollution payée sur le propane et le gaz naturel. Autrement dit, les agriculteurs, dans leur ensemble, récupèrent tout l’argent qu’ils ont payé pour le prix imposé sur le gaz naturel et le propane.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, s’il en est question dans vos discussions avec les agriculteurs et dans quelle mesure cela pourrait influer sur votre façon de voir le projet de loi.

M. Singh : Non, je ne suis pas au courant. J’ai l’impression que l’incitatif peut être le remboursement de la taxe sur le carbone pour d’autres choses, par exemple, pour la façon dont les agriculteurs gèrent la ferme ou les incitatifs qu’ils reçoivent. J’ignore s’ils reçoivent directement une subvention ou un remboursement de la taxe sur le carbone.

Le sénateur Woo : Merci beaucoup.

Le sénateur Dalphond : Pour revenir sur la dernière question du sénateur Woo, monsieur Singh, ceux qui utilisent des séchoirs plus efficaces paieront moins cher, mais ils recevront le même remboursement parce qu’il est fondé sur les coûts globaux de l’exploitation agricole. Ils obtiennent quand même un pourcentage du carburant. C’est fondé sur le coût global de l’exploitation.

Ma question s’adresse à M. Lubitz. Vous avez fait de nombreuses études, et je suppose que vous avez dû comprendre, comme je l’ai fait lorsque j’ai écouté des témoins, que plus de 60 % des grains en Ontario sont séchés par des exploitants commerciaux et non par des agriculteurs. Nous avons aussi entendu dire que ces exploitants commerciaux sèchent plus efficacement les grains parce qu’ils ont de l’équipement plus gros et des installations plus grandes. Est-ce que vous êtes au courant?

M. Lubitz : Le chiffre de 60 % que vous mentionnez correspond à peu près à ce que nous avons aussi constaté dans notre sondage. Je pense que cela correspond bien au seuil de séchage par les exploitants commerciaux.

Nous n’avons pas demandé expressément dans notre sondage si le propriétaire était un exploitant commercial ou agricole. Nous leur avons demandé s’ils étaient considérés comme un silo‑élévateur ou une ferme, de sorte que je ne suis pas en mesure de donner de précisions à ce sujet.

En ce qui concerne l’efficacité, nous avons constaté que les coûts du carburant entre les fermes et les élévateurs étaient en fait très similaires, ce qui était intéressant et nous a un peu surpris. Nous nous attendions à ce que les élévateurs aient une longueur d’avance et de faibles coûts liés au carburant et au reste.

Il y a une plus grande variation d’efficacité au sein des silos‑élévateurs et des fermes qu’entre eux. Certaines fermes peuvent être très efficaces; cela dépend davantage du séchoir précis et des méthodes qu’elles utilisent pour le séchage. Certains séchoirs à petite échelle peuvent être très efficaces.

Il est intéressant de noter qu’en agriculture, un séchoir à petite échelle est toujours approvisionné avec des chargements de grain de semi-remorques. Lorsque nous avons commencé à étudier ce domaine, j’ai été très impressionné par l’ampleur absolue de la culture céréalière, y compris le séchage.

Le sénateur Dalphond : Dans vos sondages, avez-vous découvert quelle énergie était utilisée pour le séchage et déterminé quels étaient les coûts par rapport au coût global? Des témoins nous ont dit qu’il s’agissait de moins de 1 %.

M. Lubitz : Moins de 1 % pour le séchage me semble trop bas.

Nous n’avons rien demandé en ce qui concerne l’ensemble de l’exploitation des fermes. Nous avons seulement posé des questions sur les coûts de l’énergie pour le séchage. Je ne sais pas si je peux extrapoler à l’échelle de la ferme. Je sais que le poste budgétaire des fermes ontariennes qui doivent sécher le grain représente probablement plus de 1 %.

En Ontario, par exemple, la quasi-totalité du maïs récolté doit être séchée, ainsi que de grandes parties des autres cultures, même au cours d’une année normale.

Le sénateur Dalphond : Si nous devions exclure la taxe sur le carbone du prix de l’énergie, ces coûts seraient-ils inférieurs à 1 %?

M. Lubitz : Je doute que ce ne soit le cas non plus. Je pense que c’est encore plus. Cependant, je dois admettre que je ne fais que spéculer. Je n’ai pas les chiffres à ce niveau de granularité, surtout en ce qui concerne la taxe sur le carbone.

Le sénateur Dalphond : Dans votre sondage, les gens ont-ils vu que le projet de loi C-234 créerait un déséquilibre entre ceux qui recourent aux services d’exploitants commerciaux pour sécher leur grain et ceux qui le feront dans leur propre exploitation?

M. Lubitz : Je pense que vous faites allusion au projet de loi C-234, qui n’exempte pas les catégories de grands exploitants commerciaux. Je m’attends à ce que cela augmente les coûts des grands exploitants commerciaux. Encore une fois, nous n’avons pas posé de questions précises à ce sujet.

Le sénateur Dalphond : Vous n’avez pas fait de recherches à ce sujet?

M. Lubitz : Non. Nous nous sommes principalement concentrés sur les questions d’ingénierie et d’énergie, par opposition aux coûts et aux politiques.

Le sénateur Dalphond : Je vois. Merci.

Le sénateur Woo : Monsieur Lubitz, pouvez-vous en dire davantage sur la variation de l’efficacité du séchage du grain entre les séchoirs commerciaux et les séchoirs à la ferme dans ces deux milieux? J’essaie d’avoir une idée de l’écart et de ce qui pourrait l’expliquer.

Pouvons-nous commencer par le séchage commercial par rapport au séchage non commercial?

M. Lubitz : Oui. C’est en fait une question à laquelle il est difficile de répondre.

Nous avons relevé des différences dans les quantités d’énergie utilisée et de grain séché. Malheureusement, je n’ai pas cette ventilation des chiffres avec moi. Nous avons surtout examiné les moyens. L’information se trouve dans les données brutes. Je ne l’ai pas séparé de cette façon. Je n’ai pas la réponse en ce moment.

Le sénateur Woo : Permettez-moi de vous demander, du point de vue de l’ingénierie, parce que c’est votre expertise, s’il y a une raison de penser que les séchoirs commerciaux — qui supposent un rendement plus élevé, des économies d’échelle, une meilleure isolation, et j’en passe — aient une plus grande efficacité et une moins grande émission de gaz à effet de serre que le séchage à la ferme.

M. Lubitz : Je ne pense pas que je m’attendrais à une grande différence d’efficacité dans l’ensemble. Une partie du problème — et une chose que nous avons relevée, encore une fois, en tant que nouveau venu dans ce domaine quand nous avons commencé —, c’est que nous pouvons optimiser l’efficacité autant que nous le voulons. Concrètement, il y a cependant des fenêtres de temps pour les récoltes, du moins ici en Ontario. L’hiver approche. De grandes quantités de céréales doivent être séchées. Souvent, les séchoirs doivent fonctionner de manière à maximiser la capacité plutôt qu’à maximiser l’efficacité. Cela inclut les séchoirs commerciaux. Il pourrait y avoir des différences à ce chapitre aussi.

Cela s’explique, entre autres, par le fait qu’il y a toujours une limite de capacité de séchage global dans les fermes et les silos‑élévateurs à ces périodes de pointe des récoltes. Il est difficile d’être aussi efficace que possible si vous avez des camions qui font la file et que les grains doivent être secs pour pouvoir être entreposés.

Le sénateur Woo : Merci.

Le sénateur Dalphond : Les sondages ne sont que des sondages. Mais votre domaine d’expertise est celui des nouvelles technologies. Diriez-vous que nous devrions faire la distinction entre les opérations de séchage et le chauffage des granges et des bâtiments en ce qui concerne l’amélioration de la technologie? Pouvons-nous dire que nous sommes dans un monde où il n’y a pas de solution de rechange disponible pour chauffer les fermes, les granges et les bâtiments agricoles?

M. Lubitz : Merci. Dans une certaine mesure, ils sont similaires. Ils ont tous deux besoin de grandes quantités de carburant pour fournir de la chaleur. Ils sont aussi différents à certains égards.

Il a été mentionné plus tôt que l’on peut isoler une grange. On pourrait faire certaines choses avec des échangeurs de chaleur. Ce n’est toutefois pas possible pour un séchoir à grains. Dans les deux cas, vous devez fournir une certaine quantité de chaleur, quelle que soit sa source, pour vous assurer que le système fonctionne. Concrètement, il faut une certaine quantité d’énergie pour sécher le grain, pour extraire l’humidité de ces grains et l’éliminer. De même, dans un climat froid comme celui du Canada, il faut aussi chauffer les granges.

Dans le travail que nous avons fait sur les serres — à grande échelle, cela s’applique aussi aux granges —, que vous ayez des plantes ou du bétail, vous devez aussi faire certaines choses comme enlever l’humidité. Il ne s’agit pas seulement de chauffage et de ventilation. Pour enlever l’humidité, il faut retirer cet air et le remplacer par de l’air extérieur. On finit par avoir des besoins énergétiques minimaux.

Le sénateur Dalphond : Est-il plus facile d’utiliser une thermopompe à la ferme, dans le bâtiment, que pour les séchoirs?

M. Lubitz : À certains égards, oui. Je dirais en fait que c’est difficile dans les deux cas. Sur le plan commercial, pour les bâtiments, je ne suis pas sûr que des thermopompes optimisées pour les granges soient encore largement disponibles sur le marché; c’est une autre technologie qui évolue. Encore une fois, je m’y connais moins dans ce domaine.

Le sénateur Dalphond : Merci.

Le sénateur Oh : Ma question s’adresse à M. Lubitz.

J’étais dans le Sud-Ouest de l’Ontario à la fin du mois d’août pour le festival du haricot, ou Bean Festival, où j’ai rencontré de nombreux agriculteurs. Au cours de ma visite de trois jours, je suis allé voir de nombreuses fermes et élévateurs à grains. Les agriculteurs m’ont dit qu’ils voulaient que le projet de loi C-234 soit adopté le plus tôt possible parce qu’il s’agit d’un projet de loi très important pour eux et qu’ils ont besoin d’une telle mesure pour les aider avec les coûts de l’énergie. Avez-vous parlé à des agriculteurs de cette région, ou ceux-ci ont-ils communiqué avec vous?

M. Lubitz : Dans le cadre de notre travail, nous avons parfois parlé à différents agriculteurs, à la fois des producteurs de céréales et des agriculteurs d’autres secteurs comme l’exploitation des serres. Tous ceux qui travaillaient dans l’agriculture et qui utilisaient du combustible étaient d’accord avec ce projet de loi.

Le sénateur Oh : D’accord, merci.

Le président : Il ne semble pas y avoir d’autres questions, alors, ma première et dernière question à l’intention de nos deux témoins est la suivante. Étant donné que vous avez travaillé avec des constructeurs et des fournisseurs de séchoirs à grains, et que nous avons entendu parler de la frontière technologique, d’autres témoins qui comparaîtront devant nous au cours des prochains jours et des prochaines semaines nous donneront-ils un son de cloche différent de ce que nous avons entendu aujourd’hui au sujet de cette frontière et de l’endroit où nous nous trouverons par rapport à celle-ci?

M. Singh : Merci. D’après ce que je sais, et nous avons examiné la plupart des systèmes de séchage, du moins en Amérique du Nord ou en Europe, je ne pense pas que nous allons voir quelque chose de nouveau, de perturbant ou de totalement différent qui donnerait des chiffres magiques en ce qui concerne l’efficacité énergétique du séchage ou les coûts. Il y a les séchoirs NECO, des séchoirs à grains mixtes, qui sont beaucoup plus écoénergétiques en ce moment. C’est la situation actuelle. Je ne m’attends pas à ce qu’il y ait quelque chose de nouveau à court terme.

Le président : Merci.

M. Lubitz : Je n’aime jamais dire jamais. On apprend toujours quelque chose quand on parle à d’autres personnes, mais je ne m’attendrais pas à recevoir une grande quantité de nouveaux renseignements ou de nouvelles choses.

Nous avons constaté que si nous voulons passer au séchage du grain avec un combustible exempt de combustible fossile, ce sera l’électricité ou une forme quelconque de biomasse ou de biocarburants. Même en les utilisant, il faudra toujours avoir une quantité importante d’énergie pour exécuter ce processus. Beaucoup de choses intéressantes se passent et sont en cours d’élaboration, mais je ne crois pas qu’il y ait encore de technologie dans ces secteurs qui soit largement accessible aux agriculteurs, et qui pourrait être adoptée dès maintenant. Il leur faudra du temps pour accroître leur efficacité et adopter ces technologies au fur et à mesure qu’elles arrivent dans les années à venir.

Le président : Merci beaucoup. C’est ma question.

Sur ce, je remercie les témoins aujourd’hui de leur participation à la réunion, et aussi de leur aide dans l’examen du projet de loi par le comité. Merci de vous être joints à nous à un si court préavis. Nous vous en sommes reconnaissants.

Merci aux membres du comité de leur participation active et de leurs questions réfléchies. Je tiens également à remercier, comme je le fais souvent, les gens qui travaillent en coulisses : les interprètes, les membres du personnel des débats, les préposés à la salle du comité, les techniciens du service multimédia, l’équipe de radiodiffusion, le centre d’enregistrement, la Direction des services de l’information et notre page dans la salle aujourd’hui. Nous vous remercions de votre aide.

Chers collègues, notre prochaine réunion aura lieu le mardi 17 octobre, à 18 h 30, et nous passerons à l’étude article par article de ce projet de loi. Les membres du comité qui ont l’intention de proposer des amendements sont invités à consulter le Bureau du légiste du Sénat pour s’assurer que ceux-ci sont rédigés dans les deux langues officielles dans le format approprié. Il est également utile d’envoyer vos amendements à l’avance à la greffière du comité, qui pourra ainsi organiser et distribuer des copies au moment opportun de la réunion. Veuillez noter que votre amendement sera traité de manière confidentielle et ne sera pas distribué avant la réunion, sauf si vous le désirez.

Après l’examen article par article, le comité voudra peut-être annexer des observations au rapport. Il est recommandé que les membres fournissent le texte et toute proposition d’observation, et que le texte soit court et rédigé dans les deux langues officielles. La greffière peut vous aider avec la traduction, au besoin.

Sur ce, je remercie encore tous les participants d’être venus.

(La séance est levée.)

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