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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 9 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, tout le monde. Je suis heureux de voir des visages souriants, si tôt ce matin. Tout d’abord, j’aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, ainsi qu’aux témoins qui sont avec nous dans la salle ou en ligne et aussi à tous ceux qui regardent la réunion sur le Web. Je suis Rob Black, sénateur de l’Ontario, et je préside le comité.

Aujourd’hui, le comité se réunit afin de poursuivre son examen, pour en faire rapport, de l’état de la santé des sols au Canada. Nous accueillons deux groupes de témoins aujourd’hui, mais, avant de leur donner la parole, j’aimerais d’abord demander aux sénateurs et aux sénatrices de se présenter, en commençant par notre vice-présidente.

La sénatrice Simons : Je suis la sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, du territoire du Traité no 6.

Le sénateur Cotter : Je suis Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan.

La sénatrice Burey : Bienvenue à tous et à toutes. Je suis Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Bienvenue tout le monde. Chantal Petitclerc, division sénatoriale de Grandville, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Bienvenue. Je suis Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Oh : Bonjour. Je suis Victor Oh, de l’Ontario.

Le président : Avant que nous commencions, j’aimerais vous demander, en cas de problèmes techniques, surtout des problèmes d’interprétation, de bien vouloir en informer la présidence ou la greffière, et nous tâcherons de régler le problème. Si le problème persiste, nous devrons peut-être suspendre la séance.

Notre premier groupe de témoins va nous parler de la perte de terres arables et de la sécurité alimentaire. Nous accueillons M. Dean Orr, agriculteur, qui témoigne en personne. Merci d’être parmi nous, monsieur Orr. Nous accueillons par vidéoconférence les représentants de la Greenbelt Foundation, Mme Megan Sipos, directrice, Recherche et politique et M. Paul Smith, consultant, Recherche et politique. Nous accueillons Mme Cheyenne Sundance, cultivatrice, de Sundance Commons. Merci d’être parmi nous ce matin, madame Sundance. Je sais que nous avons eu quelques difficultés, alors merci d’être avec nous aujourd’hui.

Je vais maintenant vous inviter à nous présenter vos exposés, en commençant par M. Orr. Ensuite, Mme Sipos et M. Smith vont nous présenter conjointement leur exposé, puis ce sera à Mme Sundance. Vous aurez chacun cinq minutes pour présenter vos déclarations, et je vous ferai signe de la main quand il vous restera une minute. Si vous voyez mes deux mains levées, alors ce sera le temps de conclure.

Sur ce, je vous cède la parole, monsieur Orr.

Dean Orr, agriculteur, à titre personnel : Merci. Allô. Bonjour à tous et à toutes. Merci de m’avoir invité. Je suis très heureux d’être ici.

Je suis un jeune agriculteur et je travaille sur l’exploitation agricole de ma famille, juste au nord de Toronto, en périphérie de la région du Grand Toronto, la RGT.

Comme mon exploitation agricole se trouve si près de la ville, je m’intéresse tout particulièrement à la planification et à la croissance urbaines et à ce que cela suppose pour l’avenir de l’agriculture au Canada. La communauté agricole canadienne a appris énormément de choses à propos des sols et de la santé des sols, surtout au cours des 50 dernières années, dans le but de protéger nos exploitations agricoles et nos sols, pour que les générations futures puissent les utiliser et en bénéficier. Cependant, une grande partie de nos terres agricoles ont été ravagées — et elles continuent de l’être — à un rythme alarmant par des pratiques insoutenables en matière de croissance urbaine. Selon le dernier Recensement de l’agriculture, la superficie agricole autodéclarée en Ontario diminue à un rythme moyen de 319 acres par jour, soit tout juste un peu moins de 1 % par année. La destruction complète de l’écosystème, attribuable à une politique d’aménagement des terres déficiente et répandue, est probablement ce qui cause le plus de tort à la santé des sols en Amérique du Nord. Il est aussi de plus en plus difficile pour les agriculteurs de planifier à long terme la gestion de la santé des sols, parce que la spéculation foncière a fait augmenter la valeur des terres et réduit la superficie des terres agricoles exploitées.

Ce qui est tout à fait ironique, par rapport à la durée de vie de nos exploitations agricoles, c’est que, même si nous avons appliqué pendant des décennies de bonnes pratiques de rotation des cultures, de cultures sans labour et de cultures de couverture et que nous avons ainsi grandement amélioré la santé du sol dans nos champs et limité l’empreinte environnementale de nos activités, tout ce travail sera tout de même anéanti d’ici les 50 prochaines années, à moins que notre société change sa façon d’évaluer la valeur de la terre et de planifier son utilisation.

Même s’il est facile de blâmer les promoteurs pour l’étalement urbain démesuré observé dans bon nombre de collectivités d’Amérique du Nord, et que ces promoteurs ont certainement fait pression pour obtenir l’expansion des limites du territoire urbain, des changements de zonage et ainsi de suite, la réalité est beaucoup plus complexe, et les promoteurs ne méritent qu’une partie du blâme. La majeure partie de leurs activités sont régies par la loi, et ils ne font donc que ce qui leur est actuellement permis en vertu de la loi.

Au cours des 70 dernières années, le développement urbain en Ontario a été caractérisé par l’étalement depuis des zones urbaines à faible densité, où les gens dépendent de leur véhicule et où les commerces sont situés à de grandes distances. Ce genre de développement a été largement responsable du recul considérable des terres agricoles en Ontario, en plus d’être contraire à la planification urbaine en vigueur avant le XXe siècle. Dans le passé, la planification urbaine de nos villages agricoles traditionnels et de nos grands centres urbains était à l’échelle humaine. Les gens se déplaçaient habituellement à pied ou à vélo, ou alors utilisaient le train et les chemins de fer. Les divers types de logements, de hauteur et de prix différents, étaient concentrés dans des quartiers polyvalents, où on trouvait des boutiques, des ateliers et du travail. Ainsi, ces zones urbaines étaient denses, dynamiques, belles et économiquement robustes.

Puis sont arrivés l’automobile et les règlements rigides en matière de zonage et de construction, au début et au milieu du XXe siècle, et c’est ainsi que l’étalement urbain a commencé et que ce genre de construction exigé par la loi est devenu typique. Il suffit de comparer les vieux quartiers et les nouveaux pour voir le contraste frappant entre eux. La densité moyenne de population à Vaughan, en Ontario, une ville qui s’est construite au cours des 70 dernières années, est d’environ 1 100 personnes par kilomètre carré. En comparaison, le quartier de Riverdale, établi au début des années 1900 à Toronto, a une densité de 7 100 personnes par kilomètre carré.

Riverdale est considéré comme un quartier extrêmement attrayant par les résidants de Toronto, en raison de son caractère communautaire et de son potentiel piétonnier. Il ne semble pas aussi achalandé, parce que le trafic routier y est réduit au minimum, puisqu’il est dense et qu’il y a des transports en commun. Ce genre de collectivité a besoin de sept fois moins d’espace naturel et de terres agricoles que les aménagements plus « modernes » de Vaughan.

Nous n’avons pas besoin de prendre autant de terres, loin de là, pour construire des collectivités où il fait bon vivre et qui pourront se développer davantage. Les solutions ne sont pas nouvelles, et on pourrait les réaliser dès demain.

Les experts et les militants réclament depuis longtemps l’adoption de pratiques plus durables pour une croissance à densification douce, mais, comme le montrent clairement la lenteur des changements et le maintien des politiques d’étalement forcé en Ontario, de nombreux ordres de gouvernements n’ont pas reçu le message.

Je vais vous présenter quelques recommandations pour de meilleures politiques en matière de construction durable. Premièrement, faites rigoureusement respecter les délimitations urbaines en imposant des restrictions strictes à l’expansion des limites. Cela encouragerait la construction à l’intérieur et découragerait l’étalement, en plus de réduire la spéculation foncière, d’aider à réduire la valeur des terres agricoles et, idéalement, d’améliorer les investissements à long terme dans le sol. Deuxièmement, créez des postes de fonctionnaires régionaux ou municipaux qui seront chargés de prévoir, à tout le moins, la superficie minimale de terres agricoles nécessaires pour soutenir une collectivité. Troisièmement, abolissez le zonage d’exclusion ou reconnaissez le droit de construire des immeubles à logements multiples, afin d’accroître la diversité et la densité des logements construits. Quatrièmement, éliminez les exigences minimales en matière de stationnement pour qu’il soit plus facile et moins coûteux de construire des collectivités à densification douce, ayant un potentiel piétonnier et axées sur le transport en commun. Cinquièmement, investissez davantage dans nos transports en commun, surtout le train.

Je vous remercie d’avoir pris le temps de m’écouter aujourd’hui et du travail que vous avez accompli pour renforcer la durabilité du système agricole. L’agriculture devrait être intégrée à la planification des collectivités, au lieu d’être considérée comme un élément externe, afin que nous puissions planifier à long terme notre sécurité alimentaire et la santé des sols.

Le président : Merci, monsieur Orr. La parole va maintenant à Mme Sipos et à M. Smith.

Megan Sipos, directrice, Recherche et politique, Greenbelt Foundation : Monsieur le président, sénateurs et sénatrices, je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner devant vous aujourd’hui sur l’état de la santé des sols au Canada. Aujourd’hui, je suis accompagnée de mon collègue, monsieur Paul Smith, consultant en agriculture durable.

J’aimerais remercier l’honorable Rob Black ainsi que tous les sénateurs et toutes les sénatrices d’avoir entrepris une étude si importante.

La Greenbelt Foundation a vu le jour en 2005. Nous sommes le seul organisme de bienfaisance qui se consacre entièrement à la santé et à la prospérité de la ceinture de verdure de l’Ontario. Nous travaillons dans le but d’assurer la pérennité de la ceinture de verdure et de la protéger en investissant dans ses systèmes naturels, agricoles et économiques, lesquels sont tous interreliés. Notre travail dans le domaine de l’agriculture se fait en collaboration avec des organisations agricoles, car nous voulons nous assurer qu’il est pertinent et utile.

La ceinture de verdure de l’Ontario, c’est environ deux millions d’acres de terres protégées qui s’étendent d’un bout à l’autre de la région élargie du Golden Horseshoe, dans le sud de la province. Près de la moitié de cette superficie est composée de terres agricoles, y compris une grande portion des terres agricoles de première qualité du Canada. En 2020, le secteur agroalimentaire de la ceinture de verdure a généré 4,1 milliards de dollars en PIB et a soutenu près de 59 000 emplois. Les exploitations agricoles de la ceinture de verdure, qui représentent tout au plus 7 % des terres agricoles de la province, cultivent 42 % et 7 % respectivement de ses acres de fruits et de légumes, générant 47 % de plus par acre que le reste de l’Ontario.

La santé des sols est un élément critique pour la durabilité et la productivité à long terme de nos terres agricoles. C’est aussi une priorité stratégique pour la Greenbelt Foundation. Dans le cadre de notre travail, nous avons examiné la santé des sols selon divers points de vue scientifiques et économiques et avons évalué la façon dont sont conçus les politiques et les programmes.

Pour mieux comprendre l’état de la santé des sols dans tout le Canada, les agriculteurs ont besoin d’approches d’évaluation et de surveillance de la santé des sols normalisées, qui peuvent être mises à l’échelle, qui sont efficientes et qui reflètent les changements au chapitre de la gestion. En collaboration avec le Soil Health Institute, nous avons lancé dans notre région un projet pilote visant à établir les valeurs de base de la santé des sols selon deux ensembles d’indicateurs recommandés par le Soil Health Institute et par le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario. Ainsi, les agriculteurs ont l’information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées quant aux pratiques qu’ils doivent mettre en œuvre pour profiter au maximum de la santé des sols.

Je vais maintenant céder la parole à M. Smith, qui vous présentera des recommandations pertinentes tirées de nos études antérieures, par exemple notre rapport intitulé The Power of Soil : Towards a Business Case for Soil Health, et une stratégie nationale pour la santé des sols au Canada. Merci.

Paul Smith, consultant, Recherche et politique, Greenbelt Foundation : Bonjour à tous et à toutes. Je vais vous présenter les faits saillants des études réalisées par la Greenbelt Foundation, lesquelles nous poussent à recommander d’aider davantage les agriculteurs à prendre des mesures favorables à la santé des sols. Mes commentaires sont aussi éclairés par les 20 années et plus que j’ai passées à élaborer les programmes pour les agriculteurs.

Dans le cadre de notre rapport intitulé The Power of Soil, An Agenda for Change to Benefit Farmers and Resilience — ou le pouvoir du sol : un programme de changement au bénéfice des agriculteurs et de la résilience —, nous avons cherché à savoir ce qui pourrait inciter beaucoup plus d’agriculteurs à adopter des pratiques pour la santé des sols. Les recommandations mettent l’accent sur l’intendance volontaire des agriculteurs, motivés par l’accès aux connaissances, des incitatifs financiers créatifs et l’élimination des barrières. Une conclusion importante a été que les gouvernements canadiens investissent peu dans les programmes agroenvironnementaux en comparaison des pays concurrents. Dans une analyse récente, la Banque Royale du Canada — RBC — a reconfirmé la disparité. Nous vous recommandons également d’innover en ce qui a trait aux types d’incitatifs financiers offerts pour encourager le changement et réduire les risques.

Il est crucial d’améliorer l’échange des connaissances pour soutenir les mesures prises par les agriculteurs. Des décennies de coupures dans ce domaine ont eu de lourdes conséquences. RBC recommande de « faire revivre les réseaux de partage des connaissances du Canada ». L’Énoncé de Guelph formulé par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, sur lequel nous nous orientons désormais, nous donne une lueur d’espoir, puisqu’on y promet d’« d’améliorer [...] les activités de vulgarisation [...] l’échange et le transfert de connaissances ». C’est exactement ce que font le Québec et les États-Unis.

L’agriculture est une industrie, et nous avons besoin de documenter les analyses de rentabilité et le rendement des investissements dans les pratiques de santé des sols. La santé des sols peut être une bonne chose pour les profits, pour la productivité et pour l’environnement, mais ce sont les détails qui posent problème. Notre rapport Towards a Business Case for Soil Health — pour une analyse de rentabilité de la santé des sols — résume ce que l’on sait dans le Sud de l’Ontario, mais nous avons besoin de plus d’analyses portant sur différentes régions et sur divers produits.

Un grand nombre de ces éléments peuvent facilement être intégrés dans une stratégie nationale pour la santé des sols au Canada, conformément à l’objectif poursuivi par le Conseil canadien de conservation des sols avec l’appui de la Greenbelt Foundation.

Je vous remercie de m’avoir invité à témoigner devant vous aujourd’hui et d’avoir pris l’initiative d’entreprendre cette étude.

Le président : Merci, madame Sipos et monsieur Smith. C’est maintenant au tour de Mme Sundance. Vous avez cinq minutes.

Cheyenne Sundance, cultivatrice, Sundance Commons : Merci à vous tous de m’avoir invitée ici aujourd’hui. Je suis très heureuse de pouvoir vous parler de la santé des sols.

Je suis cultivatrice depuis quatre ans. Je représente Sundance Commons, un organisme à but non lucratif de l’Ontario qui loue des terres et de l’équipement et qui offre de la formation et du mentorat de soutien aux nouveaux agriculteurs, dans le sud-ouest de la région appelée Golden Horseshoe, en Ontario.

En raison des changements démographiques, de plus en plus d’exploitations agricoles disparaissent, avalées par le développement ou fusionnées dans de grandes sociétés agricoles. Ce manque de continuité a un effet direct sur les enjeux écologiques touchant les fermes et l’agriculture au Canada, particulièrement la santé des sols. Lorsque les agriculteurs sont confrontés à des défis économiques croissants, en ce qui concerne la production, ils doivent prioriser leur bénéfice net plutôt que la santé écologique des sols et de la terre qu’ils gèrent. Cette absence de continuité intergénérationnelle les empêche aussi de transmettre les connaissances localisées concernant les pratiques exemplaires de gestion de la terre.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer les réalités sociales et démographiques des propriétaires de terres agricoles. Elles ne sont pas représentatives des travailleurs agricoles. Lorsque la gestion à long terme et la propriété d’une terre ne tiennent pas compte des personnes qui travaillent la terre, les solutions envisagées pourraient être plus néfastes que les bénéfices prévus.

Bref, les exploitations agricoles, les agriculteurs et l’agriculture changent. Nous avons besoin de solutions réfléchies, qui vont au-delà du modèle de la ferme familiale. Pour le meilleur et pour le pire, lorsqu’il est question de la relève, il ne s’agit plus d’agriculteurs qui vendent ou donnent leur terre à leurs enfants afin que ceux-ci continuent leur travail. Cela est d’autant plus important dans nos régions urbaines et périurbaines, si l’on veut protéger les terres agricoles.

On a besoin d’un nouveau modèle d’exploitation agricole — un modèle où la formation, l’équipement et l’accès sont jumelés à un accès équitable et à long terme aux terres. Cela est primordial pour rendre plus accessible l’agriculture à petite échelle et permettre aux jeunes de s’inscrire dans le grand paysage agricole de l’Ontario.

En quoi cela aide-t-il la santé des sols? Comme je l’ai dit plus tôt, il est important que les agriculteurs continuent de gérer les terres de manière durable; cela est primordial pour la santé des sols. Les nouveaux agriculteurs et les jeunes agriculteurs n’y parviennent pas, compte tenu de l’augmentation du coût des terres agricoles, et seules les personnes qui ont grandi dans une famille d’agriculteur et qui possèdent déjà des terres peuvent le faire. Les baux d’un an, les agriculteurs qui vendent leur terre ou qui ne veulent tout simplement pas qu’un agriculteur accède quotidiennement à leur propriété personnelle, voilà des raisons pour lesquelles les nouveaux agriculteurs ne peuvent pas favoriser la santé des sols de la terre qu’ils louent, et c’est pourquoi nous devons être plus responsables quant à l’agriculture en Ontario.

Sundance Commons voudrait entre autres que l’on appuie la désignation juridique de fiducie foncière communautaire agricole, ici, au Canada, vu que cela n’existe pas actuellement. Ce serait un outil très utile pour favoriser la gestion des terres et la santé des sols. Nous aspirons à devenir une fiducie foncière communautaire, et nous sommes inspirés par les modèles qui offrent aux agriculteurs des fonds s’ils améliorent la santé des sols; on parle par exemple d’actions ou d’obligations liées à l’augmentation de la teneur en matière organique du sol ou l’amélioration du microbiome des sols propice aux plantations de haies.

Les obligations communautaires sont désignées par des membres de la communauté qui ont à cœur l’agriculture en tant que consommateurs, mais aussi parfois, en tant que producteurs. Le fait d’avoir une fiducie foncière communautaire en Ontario et au Canada favoriserait la santé des sols en protégeant les terres agricoles et en garantissant que celles-ci demeurent dans le secteur agricole dans l’avenir. Merci beaucoup.

Le président : Je remercie grandement les témoins de leurs présentations.

Nous poursuivrons avec les questions des sénateurs et des sénatrices. J’aimerais rappeler que chaque sénateur a cinq minutes pour poser ses questions et obtenir ses réponses; nous enchaînerons avec une deuxième et une troisième séries de questions au besoin. Je demanderais à la vice-présidente, la sénatrice Simons, de poser la première question.

La sénatrice Simons : Merci à tous les témoins. Je viens de l’Alberta, donc tout cela était vraiment fascinant pour moi. Les questions de l’étalement urbain et de l’utilisation des terres sont aussi pertinentes à l’endroit où j’habite, Edmonton, mais j’ai l’impression qu’on a toujours plus de terres. Je n’avais pas pensé aux gens qui font de l’agriculture si près de la région métropolitaine de Toronto et aux enjeux économiques uniques auxquels ils sont confrontés.

Mes questions s’adressent à Mme Sundance et à M. Orr. Madame Sundance, j’aimerais pouvoir mieux comprendre ceci : vous avez soulevé cette question importante en disant que, si vous louez des terres agricoles, vous n’avez pas autant d’intérêt à améliorer la santé des sols parce que ce n’est pas votre terre. Pourriez-vous m’en dire un peu plus sur ce modèle de fiducie foncière dont vous faites la promotion et m’expliquer comment les agriculteurs seraient indemnisés s’ils appliquent de bonnes techniques agricoles régénératives?

Mme Sundance : Merci beaucoup. Le modèle de fiducie foncière communautaire que j’étudie et pour lequel je reçois une orientation vient des États-Unis, plus précisément d’Agrarian Trust, et il s’appelle Agrarian Commons. Cette fiducie possède des terres, conformément à des baux à long terme de 99 ans, et elle offre ces terres aux nouveaux agriculteurs, souvent avec le logement sur ces terres. On appelle cela « the commons », les communes, d’où le nom « Agrarian Commons ». Ce modèle d’intérêt communal est idéal parce que de nombreux nouveaux agriculteurs habitant les régions où cet organisme est actif, comme le nord de l’État de New York, ne peuvent pas acheter de terres parce qu’elles coûtent trop cher.

Il y a davantage de matières organiques dans le sol parce que la fiducie foncière communautaire, un organisme sans but lucratif, loue ces terres à ces nouveaux agriculteurs. Après un certain nombre d’années, lorsque les agriculteurs décident de partir, la fiducie mesurera la teneur en matière organique et la comparera avec les tests de matières organiques effectués précédemment, elle remettra aux agriculteurs un certain montant ou trouvera une autre façon de les indemniser. C’est la clé.

Je peux parler de mon expérience. Je suis cultivatrice depuis quatre ans, et je ne suis pas propriétaire de la terre. Il m’arrive de ne pas épandre autant de compost qu’il le faudrait parce que cela coûte beaucoup d’argent. Ces pratiques sont [Difficultés techniques] géniales et aident à soutenir les cultures, mais en fin de compte, les bénéfices nets sont un enjeu.

La sénatrice Simons : Que cultivez-vous? Des légumes?

Mme Sundance : Oui, de la courge, des citrouilles et des légumes verts. Je les vends en gros dans des restaurants et des épiceries de Toronto.

La sénatrice Simons : Monsieur Orr, votre exploitation agricole est d’une autre échelle.

M. Orr : Oui, c’est tout à fait exact. Nous exploitons 2 300 acres selon des pratiques biologiques conventionnelles sans labours. Nous cultivons essentiellement du maïs, du soya et du blé, comme c’est le cas pour la plupart des cultivateurs de l’Ontario. Nous faisons aussi pousser des haricots rouges et des haricots noirs biologiques.

La sénatrice Simons : Ce qui est excellent pour l’azote.

M. Orr : Oui, ils fixent un peu d’azote.

La sénatrice Simons : Vous avez entendu Mme Sundance parler d’un modèle de fiducie foncière. Vous avez une terre familiale, vous avez hérité de cette terre familiale, mais pensez-vous...

M. Orr : Non, en fait, ce n’est pas le cas. Ce qui est intéressant, en ce qui concerne notre ferme, c’est que mon père a grandi en ville, à King City. Ses parents ont tous deux grandi sur une ferme, mais pas lui. Il est parti faire des études en agriculture, puis est revenu. Même à ce moment-là, en 1988, lorsqu’il a commencé, les terres de la région coûtaient trop cher. Il ne pouvait tout simplement pas en acheter une. Mes parents ont fini par avoir la chance de gérer la ferme d’une famille du coin et ont commencé à en louer des parcelles. Aujourd’hui, notre ferme à King City est louée à 100 %. Je dirais que le promoteur possède 95 % des parcelles louées. Ce n’est qu’il y a deux ans que mes parents ont pu acheter leur propre ferme à deux heures de route à l’est de King City, à l’est de Peterborough.

La sénatrice Simons : Dépendez-vous de la bonne volonté de vos propriétaires? S’ils décidaient de remplacer votre ferme par des condos, vous auriez une convention de bail, mais évidemment...

M. Orr : Certaines personnes ont des conventions de bail, et certains promoteurs sont mieux que d’autres, à cet égard. La plupart des conventions de bail sont annuelles. On nous dit « Nous ne prévoyons rien au cours de la prochaine année, donc voilà, vous avez une année de plus. »

La sénatrice Simons : Cela vous met dans une situation très précaire. Que pensez-vous du modèle de fiducie foncière dont parle Mme Sundance? Pensez-vous que cela pourrait fonctionner à l’échelle de votre exploitation agricole ou est-ce que cela s’applique davantage aux exploitations maraîchères de la taille d’un jardin?

M. Orr : Non, je pense qu’un modèle de fiducie foncière pourrait certainement fonctionner. Oui, il pourrait mieux s’appliquer aux exploitations maraîchères comme celle de Mme Sundance, parce que vous faites un peu plus de profit par acre et que vous n’avez pas besoin d’autant de terres pour y parvenir. Mais, oui, je pense que cela pourrait fonctionner.

La sénatrice Simons : Merci. Cela a été très intéressant.

Le sénateur Oh : Bonjour aux témoins. Merci de vous être joints à nous ce matin.

Je suis heureux de voir que la jeune génération prend maintenant les rênes, et rapidement. Pour vous, 2 300 acres au nord de Toronto, c’est assez impressionnant.

Ma question, qui s’adresse à vous tous, est la suivante : quels sont les défis des agriculteurs et des éleveurs qui veulent obtenir ou conserver des terres agricoles arables au Canada? Selon vous, quelles politiques devraient être mises en œuvre pour aider les agriculteurs et les gens qui sont noirs, racisés et pour les Autochtones à obtenir ou conserver des terres agricoles arables, parce que maintenant, nous sommes aussi...

Le président : Nous allons commencer par les gens qui sont ici en personne, puis ce sera le tour des gens en vidéoconférence.

M. Orr : J’aimerais préciser la question : vous demandez ce qui pourrait être fait pour aider les agriculteurs marginalisés à accéder à une terre. C’est bien cela?

Le sénateur Oh : Oui.

M. Orr : Je pense que cela devrait être fait de façon assez intentionnelle. Si vous venez d’une famille qui possédait des terres agricoles en Ontario, vous ne venez sans doute pas d’un groupe marginalisé. Et, même si c’est le cas, il est difficile d’accéder à une terre. Si vous venez d’un milieu marginalisé, c’est encore plus difficile. Comme l’a souligné Mme Sundance, une fiducie foncière serait une bonne porte d’entrée pour commencer. Donner une forme d’accès à une terre agricole, particulièrement aux gens habitant des régions urbaines, c’est une excellente façon de commencer. C’est une merveilleuse façon de commencer à apprendre les techniques du métier.

Pour ce qui est de l’expansion, si c’est nécessaire après cela, des choses comme des subventions ou de l’aide financière à frais partagés pourraient être appropriées pour aider les agriculteurs marginalisés à acheter leur propre terre.

Mme Sipos : En ce qui concerne l’accès à la terre, nous devons d’abord nous assurer d’avoir des terres. Il est primordial de protéger les terres agricoles. Je vais maintenant parler de la ceinture de verdure.

La ceinture de verdure, en Ontario, a protégé avec succès les terres agricoles. Dans une recherche de l’Université de Guelph menée par M. Wayne Caldwell, on s’est penché sur la conversion des terres agricoles de première qualité entre 2005 et 2017. La recherche a montré que, au cours de cette période, dans la région de la ceinture de verdure, nous n’avons perdu annuellement que deux hectares de terres agricoles de première qualité tandis que nous en avons perdu 900 hectares dans le reste de la province.

Nous savons que la ceinture de verdure vise à protéger les terres agricoles et qu’elle y parvient. Une autre composante très importante, c’est que les bénéfices vont au-delà de la protection des terres agricoles. Comme l’ont mentionné beaucoup de témoins, cela amène la certitude nécessaire pour investir à long terme dans les activités agricoles ainsi que dans les pratiques sur le terrain. Merci.

Mme Sundance : Je vais souligner moi aussi l’importance de la protection des terres agricoles et rappeler ce que j’ai noté plus tôt au sujet des fiducies foncières communautaires. J’ai vu des choses miraculeuses dans les États du nord-est des États-Unis.

Sinon, en ce qui concerne l’accès aux terres des groupes marginalisés, j’offre du mentorat à 10 jeunes chaque année. Ils peuvent accéder à la terre dans deux exploitations agricoles appartenant à des organisations sans but lucratif — l’une est située à Guelph, l’autre, à Bolton. Ces jeunes font pousser des aliments et veulent faire carrière en agriculture. Certains voudraient produire d’autres choses; il n’est pas juste question de faire pousser des légumes. C’est très inspirant de voir ce qui se passe. Cependant, ce l’est moins, sachant qu’ils loueront sans doute des terres et qu’ils seront sans doute chassés après quelques années d’exploitation, puisque nous faisons de l’agriculture dans une région périurbaine, proche de la ville. Une fiducie foncière communautaire appuierait les jeunes, mais aussi les groupes marginalisés.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions.

Le sénateur Cotter : Merci aux témoins d’être présents aujourd’hui. Je suis un sénateur de l’Ouest du Canada. Même si je suis déjà allé à Toronto et dans ses environs, et que j’ai passé du temps dans la région de King City, ce que vous venez de dire m’a aidé à comprendre le rôle que vous jouez et votre leadership dans ce domaine.

Je vais demander à Mme Sipos de répondre en premier à ma question, puis à M. Orr et à Mme Sundance de répondre ensuite.

Nous sommes un Sénat fédéral, et notre étude est faite du point de vue fédéral. L’agriculture est de compétence fédérale et provinciale, mais un bon nombre des idées que vous avez mentionnées concernent le zonage et les capitaux, ce qui est essentiellement de compétence provinciale.

Donc, ma première question concerne la qualité de vos échanges, dans ce cas-ci, avec le gouvernement de l’Ontario. Selon vous, quelles réflexions et quelles recommandations pourrions-nous formuler, ici, pour échanger de manière constructive avec les gouvernements provinciaux plutôt que de rédiger rapidement un rapport en disant qu’il s’agit du problème de l’Ontario, par exemple?

Madame Sipos, vous avez réussi, jusqu’à une certaine mesure, à protéger la ceinture de verdure en ayant des échanges quelque peu plus importants que ceux-ci. C’est entre autres pour cette raison que je voulais avoir avec vous une conversation constructive concernant notre rôle quant aux recommandations qui pourraient aider le gouvernement provincial.

Mme Sipos : Merci, monsieur le sénateur.

Oui, on pose la question assez souvent maintenant. Je vais commencer par dire que nous sommes très heureux de la décision du gouvernement provincial de réinstaurer toutes les propriétés qui avaient été retirées de la ceinture de la verdure et de son engagement à renforcer la permanence des limites de la ceinture de verdure en l’inscrivant dans la loi. Nous avons observé une vague de soutien extraordinaire de soutien, ces 10 derniers mois environ, ce qui témoigne vraiment de l’appui solide à l’égard de cette politique en Ontario.

Bien entendu, il est vrai que l’aménagement du territoire est planifié à l’échelon provincial, mais des directives importantes peuvent être énoncées à l’échelon fédéral.

En ce qui concerne nos conversations avec la province et notre position à ce sujet, nous soutenons les mesures de croissance intelligente qui permettent à la province de bâtir des collectivités en fonction des besoins en matière d’aménagement du territoire et de logement tout en mettant à profit les infrastructures existantes et en protégeant les ressources agricoles et naturelles et les ressources en eau. Cela suppose d’éloigner la croissance de ces ressources essentielles et d’établir des objectifs d’intensification et de densité dont M. Orr a fait mention afin de construire à l’intérieur de nos frontières urbaines existantes et de nos zones vertes désignées.

M. Orr : Je vais certainement me faire l’écho de ces commentaires. Je sais qu’il a été plutôt frustrant d’interagir avec le gouvernement de l’Ontario au cours de la dernière année. Les gens du gouvernement semblent plutôt obstinés quand il est question des politiques de logement. Une expression me vient à l’esprit : « Ils ont des œillères. » Ils ne semblent pas tenir compte des conseils stratégiques des experts du domaine. Ils sont tout récemment revenus sur leurs décisions, celles d’étendre l’aménagement jusqu’à la ceinture de verdure ainsi que de forcer l’expansion des limites du territoire urbain, par exemple, mais ont conservé des politiques qui affaiblissent la protection des zones de cultures spécialisées et d’autres dont je ne me souviens pas pour le moment.

Oui, le logement est censé relever principalement de l’échelon provincial, mais j’ai l’impression qu’il serait utile de donner des directives d’ordre fédéral, peut-être, aux centres urbains plus importants, plus particulièrement à l’égard des exigences en matière de densité et des habitudes de croissance durable dans nos villes.

Le sénateur Cotter : Madame Sundance, j’aimerais aborder une dimension particulière de cette question. Pendant que vous parliez, j’ai eu l’impression que c’est le genre de chose dont quelqu’un voudrait parler à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario afin de proposer un nouveau modèle d’investissement. Y a-t-il une telle dimension dans votre travail sur les fiducies foncières communautaires?

Mme Sundance : Je dirais que oui. Je soulignerais aussi qu’il en a été question au fédéral. Je présume que la plupart d’entre vous savent que, plus tôt cette année, le député Frank Caputo a en fait présenté une pétition à la Chambre des communes. Cette pétition portait sur les fiducies foncières communautaires et sur le fait qu’elles sont un excellent moyen de détenir de manière abordable des terres en fiducie pour construire des logements.

Il s’agit de la pétition e-4155. Elle concerne la fiscalité, donc elle porte sur les codes des impôts, sur les terres données et sur la manière de s’assurer que les terres données ne deviendront pas un fardeau pour les groupes ou les organisations à but non lucratif à qui elles sont données.

Donc, il serait très pertinent de présenter des pétitions de ce genre en ce qui concerne l’agriculture.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie tous les quatre de votre participation. Cela a été très intéressant, et il y a beaucoup de questions à poser, mais vous pouvez voir que le président est très pointilleux — il lève la main —; je vais donc commencer par vous, madame Sundance.

Si j’ai bien compris, le gouvernement fédéral a élaboré un programme de 5 millions de dollars, le Programme Agri-diversité, dans le cadre du Partenariat canadien pour une agriculture durable. Est-il facile d’accéder à ce programme? Quels en sont les problèmes?

Mme Sundance : Je ne savais pas que ce programme existait, donc je crois que c’est déjà un problème. Si un agent pouvait communiquer avec moi et d’autres groupes, nous serions au courant, mais la plupart des groupes que je connais ne savent pas que ces programmes existent.

La sénatrice Jaffer : Je vais m’assurer de vous transmettre le nom du programme. Si je pose parfois la question, c’est que le gouvernement offre de temps à autre des programmes afin d’aider les agriculteurs à accéder à une exploitation agricole ou à se lancer dans l’agriculture. C’est pourquoi je tenais à le savoir.

Je suis moi aussi agricultrice, et je connais les difficultés auxquelles font face les membres d’une minorité. Je ne veux pas parler des difficultés habituelles, mais des difficultés qui se présentent lorsqu’on se lance en affaires. Comme vous l’avez dit, vous faites du mentorat. Avez-vous également eu un mentor? J’essaie de poser la question poliment. Avez-vous reçu de l’aide, vous aussi?

Mme Sundance : Malheureusement, non; c’est pourquoi l’organisation à but non lucratif a été créée, c’est-à-dire pour offrir des possibilités de mentorat et fournir un accès aux terres.

Si je devais avoir un mentor, je bénéficierais directement d’un incubateur d’entreprises à but non lucratif comme Sundance Commons.

La sénatrice Jaffer : Merci.

J’ai une question à vous poser, madame Sipos. À la Fondation Greenbelt, offrez-vous un programme particulier pour encourager les groupes marginalisés à se lancer en agriculture ou cela ne fait-il pas partie de votre mandat?

Mme Sipos : Je vais mentionner deux ou trois choses. À la Fondation Greenbelt, nous soutenons la vision du Plan de la ceinture de verdure, et nous le faisons au moyen de subventions stratégiques, de recherches et de politiques, ainsi que de l’engagement communautaire. Je représente en fait l’équipe de la recherche et de la politique, mais je peux parler de façon générale du service des subventions également.

Mis à part le travail sur la santé des sols, nous nous sommes beaucoup occupés du développement économique rural, notamment en soutenant différents vendeurs aux marchés agricoles, qu’il s’agisse d’agriculteurs autochtones ou noirs, en plus de soutenir la commercialisation des récoltes du Nouveau Monde, comme l’okra, qui peuvent être produites de façon à répondre à la demande du marché.

Dans notre service de recherche, nous prenons en considération l’équité et l’inclusion dans le cadre de nos programmes. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour rejoindre et soutenir le plus grand nombre d’agriculteurs de la région élargie du Golden Horseshoe grâce à nos programmes. Merci.

La sénatrice Petitclerc : Je remercie nos invités d’être présents aujourd’hui. J’aimerais parler un peu plus des exploitations agricoles situées à proximité des grandes villes.

Je n’y avais jamais vraiment beaucoup pensé. J’ai grandi dans une très petite ville, où les fermes étaient habituellement petites et familiales. Je trouve très intéressant d’explorer ces défis. Monsieur Orr, vous avez mentionné que vous êtes agriculteur, et j’aimerais que vous en disiez davantage à ce sujet.

Selon ce que je comprends et ce que j’ai sous les yeux, l’Ontario perd 319 acres de terres cultivables chaque jour. C’est très inquiétant. Vous avez mentionné dans vos remarques préliminaires que nous avons tendance à blâmer les promoteurs, mais, en fin de compte, ils font ce qu’ils sont autorisés à faire selon la loi.

Vous en avez déjà parlé, mais j’aimerais en savoir plus sur ce qui se passerait si les gouvernements provinciaux et fédéral — et je sais que cela relève davantage du provincial — faisaient tout en leur pouvoir afin que l’agriculture et les terres soient à leur meilleur. Qu’en serait-il au chapitre des lois, de la réglementation et du soutien? De toute évidence, le zonage est en cause, mais donnez-nous une idée de ce qui fonctionnerait sur le terrain.

M. Orr : Exiger une densité minimale plus élevée dans les villes; cela pourrait grandement aider et, plus particulièrement, aider à faire respecter les limites de la zone urbaine. Nos exigences en matière de densité sont assez faibles, et notre zonage est tellement lié à la faible densité des logements unifamiliaux que les régions urbaines ressentent beaucoup plus souvent le besoin d’élargir leurs frontières. C’est pratiquement devenu une routine pour elles. Les promoteurs et les spéculateurs sont au courant de la situation et vont acheter des terres un peu à l’extérieur des frontières urbaines, et peut-être même un peu plus loin que ça. Donc, les villes se retrouvent non seulement à subir des pressions pour respecter la croissance de faible densité à l’intérieur de leurs frontières urbaines, mais également les pressions des promoteurs qui souhaitent voir ces frontières urbaines se déplacer afin de tirer profit de leur investissement. Une grande pression est exercée pour repousser ces frontières, et j’ai l’impression que cela aiderait considérablement de maintenir fermement ces frontières à leur place, entre autres en augmentant la densité minimale exigée.

Les exigences concernant la densité minimale supposent aussi en partie le changement du zonage actuel. Lorsqu’un plan officiel est présenté, c’est plus ou moins coulé dans le béton durant 10 ans environ jusqu’à ce qu’un nouveau plan officiel soit mis en place. Il devient difficile et coûteux pour les promoteurs de changer le zonage établi dans le plan officiel. Les promoteurs vont peut-être vouloir construire des logements à plus forte densité, alors que le zonage résidentiel n’autorise que la construction de logements à faible densité, et s’y opposer leur reviendrait trop cher. Même si les gens ne veulent pas nécessairement ce type de logements ou n’en ont pas besoin, c’est ce qui finit par être construit.

La sénatrice Burey : Je suis vraiment ravie d’entendre tout cela. Je dois dire que, étant pédiatre, j’ai toujours été encouragée par les jeunes et remplie d’espoir pour eux. Je parle de toutes les personnes ici présentes qui se considèrent jeunes, mais, en particulier, des jeunes témoins présents aujourd’hui. Merci. Votre enthousiasme, vos connaissances et vos idées sont simplement formidables. Merci beaucoup.

Laissez-moi entrer dans le vif du sujet, et il y a beaucoup de sujets, donc je vais certainement passer au deuxième tour. Je commencerai par Mme Sundance. Vous avez deux jolis noms, « Cheyenne » et « Sundance ».

J’aimerais parler de la sécurité alimentaire et de la souveraineté alimentaire, surtout du point de vue culturel, et compte tenu particulièrement de la population très diversifiée du Canada, notamment la population noire, la population immigrante et les peuples autochtones. Pouvez-vous nous parler des types de pratique qui soutiendraient vraiment la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire?

Mme Sundance : Je vais parler des pratiques agricoles. Si je peux avoir accès aux terres, que je peux continuer à faire de l’agriculture sans me faire évincer d’une maison ou d’un complexe, alors je crois que le fait de soutenir les agriculteurs afin qu’ils rentabilisent leur exploitation contribue réellement à la sécurité alimentaire. Par exemple, lorsque j’ai commencé à pratiquer l’agriculture, je n’avais pas de tracteur. Je faisais presque tout à la main, et ça prenait beaucoup de temps. Donc, je ne pouvais vendre des aliments à un prix abordable; cela nuisait à ma communauté parce qu’elle voulait soutenir ma ferme, mais n’avait pas les moyens d’acheter les légumes, puisque je devais me payer un salaire. Lorsque je me suis procuré un motoculteur, mon travail a diminué de moitié, au bas mot, et les économies réalisées ont profité à mes clients et à ma communauté qui ont pu se procurer du gombo, du calalou et d’autres produits agricoles liés à des cultures particulières, qu’ils connaissent et qu’ils aiment.

Soutenir la sécurité alimentaire suppose de soutenir les jeunes agriculteurs en leur donnant accès au capital. Un motoculteur coûte très cher, et si les jeunes agriculteurs qui font un excellent travail pouvaient recevoir une contribution, une subvention, voire une bourse, je crois que cela contribuerait grandement à la sécurité alimentaire, car cela rendrait plus accessibles et abordables les produits agricoles pertinents sur le plan culturel.

M. Orr : Je suis un peu triste. Jacqueline Dwyer était censée être présente ce matin aussi, n’est-ce pas?

La sénatrice Burey : Oui.

M. Orr : Je l’ai entendue, au printemps, au Farmland Forum, et elle a fait un commentaire que j’ai trouvé incroyable et qui a changé la façon dont je vois les choses. Elle a mentionné que, dans une municipalité ou une ville, une personne s’occupe de la planification de l’approvisionnement en eau, une personne s’occupe de la planification relative au logement, des personnes s’occupent de la planification des loisirs, des parcs et des centres communautaires, mais personne n’est responsable de la planification de la provenance de nos aliments, ce qui est très important lorsqu’on y pense.

On a annoncé l’année dernière aux nouvelles que Mississauga a finalement dit adieu à la dernière terre agricole située à l’intérieur de ses frontières. Il n’y a plus de terres agricoles là-bas; c’est terminé. Je crois qu’il nous serait utile de créer un poste, soit municipal ou provincial, visant la planification, au minimum, de la quantité de terres agricoles nécessaires pour subvenir aux besoins de la population.

La sénatrice Burey : J’ai fait quelques devoirs, monsieur Orr, et vos commentaires étaient les suivants :

Plus nous disposons de terres de cultures, plus nous avons de chances de pouvoir encore produire suffisamment d’aliments, localement, pour nourrir la population.

Le point positif de la préservation de nos fermes en vue d’une agriculture plus locale est qu’elle permet une croissance économique importante au sein d’une région.

Si nous ne disposons pas suffisamment de temps, vous pourrez en parler lors de la deuxième série de questions, mais voilà la question.

M. Orr : L’Ontario en soi est un excellent environnement pour cultiver des produits. Notre température est équilibrée. Il ne fait ni trop chaud ni trop froid. Nos précipitations sont équilibrées. Il n’y en a pas trop ni pas assez. Nous sommes situés au sein de la région des Grands Lacs. Je crois qu’à mesure que le changement climatique évolue, nous sommes très bien placés pour assurer la sécurité alimentaire non seulement pour nos propres villes, mais également pour d’autres villes du Canada et de l’Amérique du Nord. Je pense que cela confère une valeur supplémentaire aux terres agricoles.

La sénatrice Burey : Merci. Nous y reviendrons lors de la deuxième série de questions.

Le président : J’ai une question rapide pour M. Orr. Je comprends tout ce que vous accomplissez sur vos terres cédées à bail, vos terres louées que vous ne possédez pas. Je dois savoir quelle est votre motivation. Qu’est-ce qui motive votre famille à améliorer les terres, sachant que l’année prochaine il y aura sans doute des maisons? Nous en avons besoin, dans mon esprit, et nous devons le partager avec les autres. Quelle est votre motivation?

M. Orr : C’est une excellente question.

En règle générale, la plupart des agriculteurs ne surfertilisent pas les terres qu’ils ne possèdent pas, mais mon père a toujours eu envisagé l’agriculture selon le principe qu’il existe une meilleure façon de faire les choses. Je ne sais pas s’il se disait que c’était une bonne formation en prévision du moment où nous posséderions des terres agricoles à long terme, mais lui et moi savons que la bonne chose à faire est de traiter les terres aussi bien que nous le pouvons, même malgré le fait que, oui, elles peuvent ne plus exister dans les 10 prochaines années. Nous avons vu qu’un certain nombre de nos champs agricoles qui ont servi de décharge à des promoteurs; nous semons littéralement à travers du béton et des morceaux de conduites, et cetera.

Cependant, les terres s’améliorent au bout de quelques années. Cela aide nos productions, de sorte qu’il finit par y avoir un rendement économique modéré — même s’il est loin d’être énorme. Toutefois, je crois que c’est la bonne chose à faire.

Le président : Je vous remercie.

Il ne s’agit pas d’une question, mais d’un commentaire. Vous avez mentionné devoir labourer ou cultiver au milieu de conduites ou de ciment et d’autres choses de ce genre. Il s’agit d’une autre question dont nous n’avons pas beaucoup entendu parler : le déplacement de sols contaminés par les promoteurs et les communautés qui se déplacent. Il s’agit peut-être d’une question que nous devrions examiner davantage, chers collègues.

Sur ce, nous passons à la deuxième série de questions. Nous disposons de neuf minutes, alors j’aimerais limiter nos questions et réponses à trois minutes et demie environ.

La sénatrice Simons : Comme l’a mentionné le sénateur Cotter, bon nombre de ces problèmes de zonage concernent les administrations provinciales; certains concernent plus directement les administrations municipales. Je vais poser la question aux gens de la Fondation Greenbelt : qu’aimeriez-vous voir le gouvernement fédéral faire pour aider les municipalités à faire des choix intelligents en matière de zonage en vue de protéger les terres agricoles?

Mme Sipos : Je vous remercie de la question.

Je n’ai pas de réponse pour vous aujourd’hui. Il pourrait s’agir, par exemple, d’intégrer certains objectifs en matière de protection des terres agricoles dans une stratégie nationale pour la santé des sols et de les lier aux objectifs en matière de sécurité alimentaire que nous avons au Canada. Je vais réfléchir à la question et vous répondre, si vous êtes d’accord.

La sénatrice Simons : Cela serait formidable.

Le président : Nous serions ravis d’avoir un suivi écrit à propos de cette question. Je vous remercie, chers témoins.

M. Orr : Le gouvernement fédéral pourrait aider en mettant en place une certaine initiative ou un financement pour des exposés portant sur des pratiques de culture plus durable. Si, au cours des 70 dernières années, ce qui représente une génération, on n’a construit que des maisons unifamiliales à faible densité, les gens pensent que c’est tout ce qui peut être construit. Si nous arrivons à avoir de bons planificateurs qui puissent présenter la préservation des terres agricoles et la croissance durable aux conseils, je crois que cela pourrait les aider à planifier de manière plus compacte à l’avenir.

La sénatrice Burey : J’ai une brève question. Je reviens à ce programme Agri-diversité de 5 millions de dollars, qui est un programme financé par le gouvernement fédéral. J’aimerais savoir qui le connaissait. Si vous ne le connaissiez pas, pouvons-nous trouver des moyens d’augmenter le transfert de connaissances à propos de ces programmes? Avez-vous des recommandations? Le connaissiez-vous, et pouvons-nous augmenter le transfert de connaissances concernant ces programmes?

M. Orr : Désolé, est-ce que le programme se nomme Agri-diversité?

La sénatrice Burey : Il a pour nom Agri-diversité. Le gouvernement fédéral a mis en évidence l’absence relative de personnes noires ou racisées dans le domaine de l’agriculture, alors Agriculture et Agroalimentaire Canada a élaboré le programme Agri-diversité de 5 millions de dollars. Il a été lancé en mars 2023, et je crois qu’il s’agit d’un programme de cinq ans.

Le connaissiez-vous, monsieur Orr?

M. Orr : Non.

La sénatrice Burey : Je sais que Mme Sundance ne le connaissait pas. Qu’en est-il de Mme Sipos?

Mme Sipos : Je n’en ai pas entendu parler.

La sénatrice Burey : D’accord.

M. Smith : J’ai connaissance de ce programme fédéral. Je suis un citoyen des Nations métisses du Manitoba et de l’Ontario, et il y a eu beaucoup d’activités au niveau fédéral, et maintenant au niveau provincial, en ce qui concerne divers incitatifs et programmes visant à diversifier la participation dans le domaine de l’agriculture. Il existe des situations uniques pour les peuples autochtones sur les terres des Premières Nations et, en particulier, dans les réserves. Il s’agit d’une situation unique, et nous pourrions probablement y consacrer une heure complète. La Loi sur les Indiens a des restrictions concernant l’achat d’équipement, entre autres, alors il se passe beaucoup de choses avec ces nouveaux programmes, mais il existe des restrictions pour les Premières Nations.

Comme je le dis, il s’agit d’un sujet connexe et d’un sujet en soi.

La sénatrice Burey : Alors, il y a une diffusion des connaissances à propos de ces programmes, mais les gens qui ont besoin d’information ne l’obtiennent pas. Est-ce exact?

M. Smith : Je crois que c’est probablement le cas, oui.

La sénatrice Burey : D’accord, merci.

Le sénateur Cotter : Voici une question pour Mme Sipos, en partie pour montrer que nous avons fait nos propres devoirs, et j’ai un autre devoir à vous soumettre, je crois. Au printemps, lors de la Journée de la recherche de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, vous avez présenté — je n’ai vu que le programme — une mise à jour concernant un projet d’analyse comparative de la santé des sols de la ceinture de verdure. Cela touche notre secteur d’expertise, si je peux dire, et je me demande s’il existe un document ou une présentation PowerPoint que vous pouvez communiquer au comité pour que nous puissions voir tous les genres de travaux que vos collègues et vous avez accomplis du côté de la santé des sols en ce qui concerne la ceinture de verdure.

Mme Sipos : Absolument. Je peux assurément résumer cela dans une note d’information et vous la transmettre, en plus de certaines images supplémentaires tirées des présentations précédentes.

Nous procédons à une analyse comparative de la santé des sols dans toute la région en vue de comprendre la santé actuelle des sols, ainsi que de comprendre quels sont les changements potentiels et la capacité d’amélioration que nous avons dans la région afin d’aider les agriculteurs à prendre des décisions concernant la santé de leurs sols et la possibilité de l’améliorer. Dans un tel cas, quelles sont les meilleures pratiques qui pourraient les aider à améliorer la santé de leur sol?

Je vous remercie de la question. J’apprécie que vous ayez participé à la Journée de la recherche de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario. Nous avons l’intention d’y présenter un autre exposé l’année prochaine, et je vous transmettrai ces informations dans une note par écrit.

Le sénateur Cotter : Permettez-moi de divulguer toute l’information : j’ai participé à la réunion sur Internet, qui a établi l’ordre du jour du programme, madame Sipos. Vous êtes celle qui a effectué tout le travail, et nous voulons en bénéficier, si nous le pouvons. Merci.

Mme Sipos : Je vous remercie.

Le président : Sénatrice Jaffer, vous avez le dernier mot.

La sénatrice Jaffer : J’aimerais vous poser une question, monsieur Smith. Vous avez dit que vous entendu parler des programmes, mais pensez-vous que le gouvernement fédéral pourrait en faire plus pour mieux faire connaître les programmes? En particulier puisque vous faites de la recherche, j’aimerais entendre ce que vous pensez que le gouvernement fédéral pourrait faire pour faire connaître les programmes d’aide du gouvernement fédéral.

M. Smith : Il s’agit d’un éternel problème de publicité; l’accès aux programmes en fonction des connaissances, au bouche à oreille et à la publicité à leur sujet. Je ne peux pas dire qu’il existe une solution miracle pour cela. Il s’agit d’un programme relativement nouveau, aussi, alors il faut du temps pour qu’il soit connu.

Évidemment, il serait utile de cibler la publicité sur les communautés les plus intéressées. Ce n’est pas vraiment le domaine dans lequel je travaille, alors je ne suis pas vraiment au courant de tout cela. Je suis davantage actif dans le secteur de la production, les aspects de l’agriculture de la santé des sols, donc je ne prête pas beaucoup d’attention à cela.

Je pense qu’une sensibilisation directe et ciblée en fait certainement partie. Le gouvernement fédéral travaille en étroite collaboration avec le gouvernement provincial, alors le gouvernement provincial travaille assurément dans ce domaine. Il revient aux ministères provinciaux de s’en occuper. Ces derniers travaillent ensemble et font souvent une promotion croisée des programmes provinciaux et fédéraux. C’est à peu près tout ce que je peux dire à ce sujet.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie, monsieur Smith.

Le président : Merci beaucoup. À mes yeux, le niveau d’intérêt et de participation de la part de nos collègues — et la sénatrice Burey a parlé des idées, des connaissances et de la compréhension du groupe — équivaut à de la passion. Je tiens à remercier M. Orr, Mme Sipos, M. Smith et Mme Sundance d’avoir partagé leur passion avec nous. Nous avons passé une heure passionnante et intéressante. Nous apprécions beaucoup l’aide que vous nous avez apportée dans le cadre de notre étude. Vous êtes invités à demeurer en ligne, mais je vous demanderais de bien vouloir éteindre vos microphones et vos caméras lorsque nous passerons au prochain groupe de témoins.

Le deuxième groupe de témoins nous entretiendra de financement agricole et d’assurance-récolte. Nous souhaitons la bienvenue aujourd’hui, à Justine Hendricks, présidente-directrice générale de Financement agricole Canada par vidéoconférence; et Todd Klink, vice-président exécutif et directeur général du marketing. Il est bon de vous revoir. Nous accueillons M. Stuart Chutter, analyste politique principal pour la Corporation des services financiers de l’agriculture.

Je vous invite à présenter vos exposés. Nous commencerons par Mme Hendricks suivie de M. Chutter. Vous disposez de cinq minutes chacun. À une minute de la fin, je lèverai ma main pour vous donner une idée du temps que vous disposez. Lorsque je lèverai les deux mains, cela veut dire qu’il est temps pour vous de conclure puisque vous n’avez plus de temps. Sur ce, la parole est à vous, madame Hendricks.

Justine Hendricks, présidente-directrice générale de Financement agricole Canada : Bonjour, monsieur le président et chers membres du comité. Je suis très heureuse d’être avec vous aujourd’hui de façon virtuelle et de rencontrer certains des membres du comité que nous n’avons pas eu la chance de voir à Saskatoon en septembre.

Je me réjouis beaucoup de me joindre à vous aujourd’hui, en compagnie de mon collègue Todd Klink, vice-président exécutif et directeur général du marketing, pour discuter du rôle que joue Financement agricole Canada, ou FAC, dans le soutien de la durabilité de l’agriculture et de l’industrie alimentaire ici au Canada.

[Français]

Ce matin, j’aimerais informer le comité de trois initiatives en cours à Financement agricole Canada (FAC). Je veux d’abord vous parler des travaux qui touchent AgExpert. AgExpert est un outil de gestion agricole qui aide les producteurs à numériser leurs registres agricoles. Pour la seule année 2023, le logiciel a permis de faire le suivi d’activités de production sur plus de 5 millions d’acres. Avec plus de 21 000 utilisateurs, il compte l’un des bassins d’utilisateurs qui affiche la croissance la plus rapide du marché.

L’équipe d’AgExpert est déterminée à protéger les renseignements personnels, à renforcer la confiance et à faire preuve de transparence. Les utilisateurs, qui sont propriétaires de leurs données, peuvent aussi choisir avec qui ils veulent les partager. Les données des producteurs sont protégées selon les normes les plus élevées.

Nous avons récemment amélioré l’analyse des données d’AgExpert pour permettre aux producteurs de mieux comprendre leur empreinte environnementale durable. L’intégration au modèle de durabilité Holos d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui aura lieu prochainement, en est un excellent exemple.

Nous prévoyons qu’à compter de mars 2024, les utilisateurs d’AgExpert pourront partager leurs données dans le modèle Holos pour calculer l’empreinte carbone nette de leur exploitation agricole. L’intégration vise à aider les producteurs canadiens à mieux comprendre leur empreinte écologique en ce qui a trait à la séquestration du carbone et à prendre des décisions optimales pour accroître leurs pratiques en matière de développement durable.

[Traduction]

AgExpert est aussi un outil mis à profit dans le réseau de la ferme intelligente. Je sais que des membres de votre comité ont visité la ferme intelligente du Collège Olds et le laboratoire de données AgExpert là-bas.

FAC soutient les fermes intelligentes depuis 2017, date de la création de la ferme intelligente du Collège Olds, et continue de le faire aujourd’hui avec la ferme intelligente d’Ottawa dans la Zone X.O., ainsi qu’avec les Fermes d’innovation au Manitoba. Dans chaque cas, FAC a été le premier partenaire et le catalyseur, ce qui a débouché sur des investissements importants de la part d’entités privées et de tous les ordres de gouvernement. Ces sites se consacrent à la mise à l’essai et à l’adoption de nouvelles technologies agricoles et pratiques en matière de durabilité. Ils constituent des sites neutres où ces idées peuvent être vérifiées sur le terrain et mises à l’essai à l’échelle et où les risques peuvent être atténués pour les producteurs et les bailleurs de fonds.

Deuxièmement, j’aimerais parler du Programme d’incitatifs aux pratiques durables de FAC. Lancée en 2022, cette initiative fournit des incitatifs financiers aux producteurs qui respectent des critères de durabilité établis par l’industrie, y compris les pratiques de gestion de la santé des sols. Au cours de la première année de l’initiative, trois programmes ont été lancés : la Table ronde canadienne sur le bœuf durable du cadre de certification du bœuf durable, le Programme pour l’agriculture régénératrice de McCain et l’initiative RegenConnect de Cargill.

[Français]

Nous avons constaté au Canada les effets des changements climatiques, comme l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles, tels les inondations, les sécheresses et les feux de forêt. FAC soutient les secteurs à risque touchés par des événements climatiques au moyen de programmes de soutien à la clientèle offrant des reports de paiement, des paiements d’intérêts seulement ou des fonds de roulement supplémentaires. Nous personnalisons nos programmes en fonction des besoins réels de nos clients afin de mieux les soutenir.

Parmi les exemples récents, on compte le soutien aux producteurs de l’Ouest canadien touchés par la sécheresse, aux producteurs de la Colombie-Britannique touchés par les inondations de 2021 et aux producteurs de l’Est canadien touchés par l’ouragan Fiona. FAC offre du financement aux producteurs qui cherchent à faire des dépenses en immobilisations afin d’accroître la résilience de leur exploitation aux effets des changements climatiques et d’améliorer la durabilité de cette dernière.

[Traduction]

Je tiens à remercier le comité du temps qu’il nous a accordé ce matin. Je suis impatiente de répondre à vos questions au cours de la discussion.

Le président : Merci beaucoup.

Stuart Chutter, analyste politique principal, Corporation des services financiers de l’agriculture : Merci. C’est tellement extraordinaire à mes yeux de venir à Ottawa et de voir que le sol est à l’ordre du jour d’une réunion comme celle-ci.

Je m’appelle Stuart Chutter. Je suis un agriculteur des Prairies et l’analyste politique principal de la Corporation des services financiers de l’agriculture, ou AFSC, en Alberta. À l’AFSC, nous offrons des programmes de gestion des risques, y compris l’assurance-récolte et Agri-stabilité, ainsi que des produits de prêt à l’agriculture albertaine.

Ma passion pour la conservation des sols a commencé sur ma propre ferme. Depuis 2017, le sol de ma ferme est passé de 2,8 à 5,2 % de matière organique selon les cinq principes de la santé des sols. Grâce à l’analyse des sols et à l’analyse du cycle de vie de la chaîne de valeur du bœuf, j’ai les données pour étayer mon affirmation selon laquelle le bœuf provenant de ma ferme a une intensité de carbone nette négative. Mes sols séquestrent plus de carbone que l’ensemble des émissions de la chaîne de valeur de mon bœuf, tout en compensant les émissions annuelles d’une centaine de Canadiens supplémentaires.

L’analyse des sols est aussi très importante dans mon travail de gestion des risques de l’entreprise agricole. J’ai été invité à prendre la parole ici aujourd’hui après avoir communiqué avec la sénatrice Simons lors de la Western Canadian Conference on Soil Health and Grazing. J’y ai présenté une analyse sur la façon dont les pratiques agricoles individuelles influent sur le risque dans l’assurance-récolte et sur la façon dont nous pourrions éventuellement établir le prix du risque individuellement en fonction des pratiques agricoles de l’année en cours ou des paramètres à l’avenir. Actuellement, les caractéristiques du risque sont mises en commun ou fondées sur l’historique du producteur. Dans l’avenir, plus nous pourrons mesurer et évaluer exactement les risques individuellement et en temps réel, plus les producteurs pourront prendre de bonnes décisions en matière de gestion des risques.

Dans notre analyse des pratiques et des paramètres agricoles, le carbone organique dans le sol s’est révélé être l’indicateur le plus significatif du risque à l’échelle de l’exploitation. En ce qui concerne l’assurance-récolte en Alberta, la sécheresse est notre plus grand problème. Au cours des 21 dernières années, 57 % des indemnités versées au titre de l’assurance-récolte étaient attribuables à un manque d’humidité. Le sol est très important, parce que pour chaque augmentation de 1 % de la matière organique du sol, la capacité de rétention d’eau du sol augmente d’environ 25 000 gallons par acre. Cela équivaut à peu près à un pouce de pluie et offre un compte d’eau qui peut être puisé et rechargé, ce qui signifie que la culture dans un sol à forte teneur en matière organique peut avoir accès à un pouce supplémentaire de précipitations stockées plusieurs fois au cours de la saison de croissance. Dans l’exploitation agricole et pour l’assurance-récolte, l’augmentation et la conservation de la matière organique du sol offrent une stratégie d’atténuation de la sécheresse.

Dans notre analyse initiale de 2021, les rendements de l’orge du centre de l’Alberta étaient supérieurs de 12 boisseaux à l’acre dans les champs dont la teneur en carbone organique du sol était supérieure à la moyenne, et il en coûtait 33 $ de moins l’acre en indemnités d’assurance-récolte au cours de cette année de sécheresse. Dans la même zone de risque, sauf pour le canola, les champs dont la teneur en carbone organique du sol était supérieure à la moyenne ont produit huit boisseaux à l’acre de plus et coûté 56 $ de moins l’acre en indemnités d’assurance-récolte. Les champs dont la teneur en carbone organique est moyenne ou supérieure à la moyenne ont permis d’économiser entre 33 et 56 $ l’acre dans cette région pendant la sécheresse de 2021. En Alberta, nous assurons environ 16 millions d’acres de cultures annuelles.

Les recherches menées aux États-Unis aboutissent à des conclusions similaires. Selon une analyse de 2021 sur le maïs, une augmentation de 1 % de la matière organique du sol était associée à une augmentation du rendement de 32 boisseaux à l’acre et à une réduction de 36 % des indemnités moyennes versées au titre de l’assurance-récolte.

L’un des points saillants de la matière organique du sol en tant que mesure stratégique fondée sur les données est qu’elle est axée sur les résultats, plutôt que sur une pratique. Au Canada, compte tenu de la diversité des conditions de culture, les mesures axées sur les résultats, comme le carbone organique, permettent aux agriculteurs de fournir des résultats avec des outils adaptés à leur région, à leur équipement, à leur culture, à leurs valeurs et à leurs systèmes, sans aucune obligation en matière de pratiques.

Ces données confirment que le sol est une source fondamentale de résilience et de durabilité, tant à l’échelon de l’exploitation agricole que pour les programmes de gestion des risques agricoles. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par la sénatrice Simons, la vice-présidente.

La sénatrice Simons : Monsieur Chutter, je vais commencer par vous. J’ai eu une révélation en écoutant votre exposé en décembre dernier et en comprenant qu’il existe une corrélation directe entre le carbone contenu dans le sol et le risque de perte de récolte, que ce soit à cause de la sécheresse ou d’inondations, parce qu’un sol plus riche en carbone est aussi plus apte à supporter les inondations.

Lorsque je suis revenue au comité et que j’ai dit : « Nous devons rencontrer ce gars-là et le recevoir », les gens m’ont dit : « Eh bien, est-ce le carbone? Comment sait-il que l’augmentation du carbone modifie les résultats par rapport à ce qui relève simplement des caractéristiques naturelles du sol? » Nous pourrions peut-être vous demander d’expliquer comment vous, en tant qu’agriculteur et éleveur, augmentez la quantité de carbone organique dans votre sol et si nous pourrions structurer un programme d’assurance pour offrir des incitatifs.

M. Chutter : Je vais répondre à la première partie de la question, à savoir comment le carbone organique du sol peut changer et comment j’y suis parvenu dans mon exploitation agricole. Sur ma ferme, je suis éleveur de bétail, donc je peux parler de cette question.

Si nous nous rappelons les cours de biologie de 11e ou 12e année, nous nous souvenons que la photosynthèse est le fait que les plantes absorbent le CO2 de l’atmosphère et respirent de l’oxygène. Ces plantes mettent du carbone dans le sol. C’est la photosynthèse qui met du carbone dans le sol. Au printemps, dans les prairies du Canada, les plantes verdissent et commencent le processus de photosynthèse, elles poussent, font de la photosynthèse et mettent du carbone dans le sol pendant ce temps. Puis, comme toutes les espèces, elles veulent assurer la génération suivante, alors elles deviennent reproductives, arrêtent la photosynthèse et mettent leur énergie à former une graine, et ce cycle de vie est terminé.

Mais si, juste à ce moment-là, avant que l’herbe ne monte en graine, nous faisons venir un gigantesque troupeau de vaches, celles-ci vont en prendre une grosse bouchée. Puis cette plante, pour monter en graine et atteindre son objectif, doit à nouveau faire de la photosynthèse et remettre du carbone dans le sol. Si nous retirons les vaches de la terre, la plante pourra le faire, et une fois qu’elle sera prête à monter en graine, nous pourrons faire revenir ce grand troupeau de vaches pour qu’elles prennent une autre bouchée. C’est ainsi que nous pouvons tripler ou quadrupler le cycle de vie de la photosynthèse et augmenter de manière importante notre capacité de séquestrer le carbone sur les pâturages.

La sénatrice Simons : Comment structurer un programme d’assurance qui récompense les gens pour toutes sortes de bonnes pratiques agricoles régénératrices plutôt qu’un programme qui incite les gens, par exemple, à planter du canola sur des terres marginales et à récolter ensuite l’assurance?

M. Chutter : C’est une excellente question. Sur ma ferme, je suis éleveur de bétail, et les données que je présentais plus tôt portent sur la production de cultures. Il y a des différences, mais il demeure que des pratiques influent sur le résultat du carbone organique du sol.

Fondamentalement, l’assurance-récolte est un programme de gestion des risques commerciaux, dont les objectifs sont la sécurité alimentaire et la gestion des risques économiques pour les producteurs. C’est ce que je voudrais souligner. Avec la gestion des risques à l’échelle de l’exploitation et le carbone organique du sol comme mesure, ces incitatifs sont tellement alignés qu’il existe des possibilités, comme vous l’avez dit, sans compromettre l’objectif de gestion des risques financiers primaires pour le producteur.

La sénatrice Simons : Je devrai attendre le prochain tour pour que l’on m’explique comment.

Le président : Je vais profiter de ma prérogative de président pour poser la prochaine question, parce que je ne veux pas que quelqu’un d’autre le fasse.

Je vais poser la question suivante aux représentants de l’établissement de crédit : comment un établissement de crédit considérerait-il un programme d’assurance qui fonde le risque d’assurance sur la santé des sols? Comment cela pourrait-il être envisagé ou soutenu?

Mme Hendricks : Je vais peut-être répondre à la question en disant que, après avoir écouté les autres témoins et avoir pris connaissance de ces pratiques exemplaires, FAC a abordé la question en se fondant sur les incitatifs à poursuivre ces pratiques exemplaires. Il en résulte une meilleure production ou un meilleur rendement de la terre. Si j’ai bien compris, cela entraîne une réduction globale des paiements d’assurance parce que cet écosystème devient équilibré.

Donc, jusqu’à présent, FAC a joué un rôle en veillant à personnaliser les programmes incitatifs pour les éleveurs de bétail ou les producteurs de cultures, en tenant compte précisément de leurs besoins pour contribuer au meilleur rendement possible et s’assurer de respecter le niveau de chaque sous-secteur. Par conséquent, nous rembourserons un pourcentage des intérêts payés sur leur fonds de roulement, ce qui récompense les bons comportements.

Le président : Monsieur Klink, avez-vous quelque chose à ajouter?

Todd Klink, vice-président exécutif et directeur général du marketing, Financement agricole Canada : Non, sénateur Black. Je pense que cela répond bien à la question. Comme l’a dit M. Chutter, il s’agit de pratiques exemplaires dans l’industrie. Les producteurs cherchent à bien cultiver leurs terres, à gérer leurs risques et leurs sols. Je crois qu’ils recherchent tous les jours des pratiques exemplaires. M. Orr nous l’a dit ce matin également.

Avec les programmes incitatifs, comme Mme Hendricks l’a mentionné, nous avons essayé d’examiner les pratiques exemplaires de l’industrie et les possibilités qu’elle voit dans son sous-secteur, qu’il s’agisse des cultures, du bœuf, et ainsi de suite. Il faut ensuite se demander comment nous pouvons travailler en partenariat avec ces groupes et avec les cultivateurs pour faire avancer cette discussion, qui, au bout du compte, aboutit à des pratiques de gestion exemplaires et à l’amélioration de la santé des sols.

Le président : Merci beaucoup d’avoir répondu à ma question.

Le sénateur Oh : Merci, chers témoins, de vous joindre à nous.

Votre méthode semble être très intéressante. Avez-vous des statistiques concernant le nombre d’agriculteurs qui suivent cette méthode concernant la matière organique du sol dont vous nous avez parlé? Comment avez-vous mesuré cette énorme augmentation de la production à l’aide de votre méthode?

M. Chutter : Ces mesures de mon sol ont été effectuées par une analyse des sols, c’est-à-dire l’envoi de sols à un laboratoire qui mesure ces changements dans le sol et peut mesurer sa teneur en carbone.

Dans notre analyse aux fins de l’assurance-récolte, nous avons utilisé un ensemble de données agrégées sur le carbone organique du sol dans toute la province de l’Alberta. Ces données ont été rendues disponibles grâce au financement du Partenariat canadien pour l’agriculture durable, qui a fourni des fonds à la Food Water Wellness Foundation de Calgary. Ils ont cartographié le carbone organique du sol dans les champs pour l’ensemble de la province de l’Alberta, ce qui était essentiel pour que nous puissions effectuer cette analyse.

Mon message aujourd’hui est que la politique fédérale doit jouer un rôle clé dans le financement de ce type de cartographie des sols et d’agrégation des données afin que nous puissions effectuer nos analyses et prendre de bonnes décisions fondées sur des données. Nous dépendons de ce type de données pour mener à bien nos analyses.

Le sénateur Oh : Est-ce que FAC, qui assure votre crédit, reconnaît votre méthode et tient compte de son incidence sur la politique d’assurance? Est-ce bien ce que vous êtes en train de dire?

M. Chutter : Pardon, je ne comprends pas la question.

Le sénateur Oh : En ce qui concerne Financement agricole Canada, l’organisme utilise-t-il votre méthode dans le cadre de sa politique applicable aux prêts consentis aux agriculteurs?

M. Chutter : Je n’en suis pas certain. Il faudrait demander à Mme Hendricks.

Le sénateur Oh : D’accord.

Y a-t-il des entreprises ou des agriculteurs en Ontario qui utilisent la méthode que vous mentionnez, la mesure du carbone organique du sol? Y a-t-il des agriculteurs ontariens qui l’appliquent?

M. Chutter : Existe-t-il des assureurs qui intègrent le niveau de carbone organique du sol dans un régime d’assurance?

Le sénateur Oh : Oui.

M. Chutter : Non, pas à ma connaissance.

Dans le cadre du Partenariat canadien pour l’agriculture durable, les administrateurs de l’assurance-récolte dans tout le pays doivent adopter à l’essai une pratique dans le cadre de notre programme d’assurance-récolte au cours des cinq prochaines années. Ce sera le début de la familiarisation avec la manière dont on peut intégrer ces pratiques, ces résultats ou ces mesures dans le cadre d’un programme d’assurance-récolte.

À l’heure actuelle, nous offrons une couverture et une tarification individuelle pour l’assurance-récolte, mais elle est fondée sur les antécédents du producteur. En Alberta, il s’agit des 10 dernières années et, dans certains cas, il s’agit également d’une mise en commun des risques. Nous avons une zone de risque qui est peut-être une région dans la province où les conditions de croissance sont similaires, et nous mettons les risques en commun dans cette zone.

Il n’existe pas actuellement de pratiques ou de mesures individuelles dans le domaine de l’assurance-récolte autre que les antécédents.

Le sénateur Oh : Financement agricole Canada... avons-nous le temps? Pouvez-vous commenter?

Mme Hendricks : Bien sûr. Pour être plus précise, en ce qui concerne l’assurance, Financement agricole Canada fournit des prêts pour permettre aux agriculteurs d’exploiter leurs fermes. Cela dit, lorsque je parlais de la plateforme AgExpert, l’agriculteur a la possibilité d’entrer ses données sur le sol par l’intermédiaire de la plateforme. Cela permet d’obtenir des données au fil du temps et de voir les progrès accomplis.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Jaffer : Bienvenue à tous et bienvenue à Ottawa. Je vois votre enthousiasme pour l’agriculture que vous pratiquez, monsieur Chutter, ainsi que votre passion dévorante, comme celle de notre président, pour les questions qui touchent au sol.

Offrez-vous des programmes de formation sur ce que vous faites dans votre exploitation agricole?

M. Chutter : Non.

La sénatrice Jaffer : Je me demandais simplement, parce que vous êtes manifestement très passionné par ce que vous faites, si vous faisiez quelque chose de spécifique pour enseigner votre méthode aux agriculteurs.

M. Chutter : Non. Je pense que beaucoup de pratiques sont assez courantes dans l’agriculture conventionnelle au Canada. Si l’on considère le semis direct dans les Prairies, il est pratiqué sur environ 70 % des terres. Je me qualifierais d’agriculteur régénérateur sur mon exploitation, mais je reconnais également le mérite de l’agriculture conventionnelle au Canada, qui est sur la voie de la régénération. L’adoption d’un grand nombre de ces pratiques est très répandue.

Je ne considère pas que ce que je fais dans ma ferme soit particulièrement spécial ou unique. Ce genre de pratiques existent dans tout le pays.

La sénatrice Jaffer : Merci.

J’ai une question à vous poser, madame Hendricks. C’est un plaisir de vous revoir. C’était très gentil de votre part d’être avec nous lorsque nous étions en Saskatchewan. Je ne sais pas si vous avez regardé les travaux plus tôt, mais Financement agricole Canada a-t-il des programmes particuliers pour les groupes marginalisés, comme les agriculteurs autochtones ou noirs? Est-ce que vous leur tendez la main et est-ce que vous leur avez accordé un financement ou un programme quelconque pour les encourager à se lancer dans l’agriculture?

Mme Hendricks : Merci de cette question.

Pour faire le lien avec la question précédente, FAC organise en fait un certain nombre d’événements d’apprentissage dans toutes les collectivités du Canada pour pouvoir offrir un soutien lié à certaines de ces pratiques.

En ce qui concerne les prêts spéciaux, nous avons des prêts pour les jeunes agriculteurs, c’est-à-dire les agriculteurs de moins de 40 ans dans notre cas. Nous avons des programmes pour les groupes sous-représentés. Généralement, ils combinent une réduction des taux d’intérêt — un taux d’intérêt plus bas — et la possibilité d’utiliser au maximum leur capital afin d’entrer dans l’industrie. Nous obtenons en permanence de la rétroaction sur l’efficacité de ces programmes. Nous sommes ainsi en mesure de voir comment nous pouvons leur donner de l’expansion ou les spécialiser davantage.

Rapidement, sénatrice, je voudrais simplement ajouter que, du côté des Autochtones, nous sommes actuellement en train de lancer un cercle pour les pratiques autochtones en partenariat avec l’Université des Premières Nations du Canada. Nous considérons qu’il s’agit là d’un excellent exemple de collaboration avec les communautés autochtones. De leur point de vue, tout commence par le réapprentissage du métier qu’ils maîtrisaient autrefois. Nous serons en mesure d’offrir cela, d’exploiter certaines de ces pratiques agricoles autochtones qui peuvent aider l’ensemble de l’agriculture au Canada du point de vue de la durabilité [Difficultés techniques] et de nous assurer que nous pouvons offrir un soutien financier et un soutien à l’apprentissage ainsi que leur donner accès aux possibilités offertes.

La sénatrice Petitclerc : Je remercie les témoins d’être présents aujourd’hui. C’est extrêmement utile. J’ai une question simple. Peut-être n’est-ce pas quelque chose que vous gérez directement, alors faites-moi savoir si c’est le cas.

Madame Hendricks, cela fait maintenant un certain temps que nous étudions cette question, et il reste encore beaucoup de choses à approfondir. Nous avons entendu parler des pratiques exemplaires en matière de santé des sols, des premiers utilisateurs et de ceux qui sont un peu plus réticents. Nous avons également entendu l’argument — et vous en avez parlé un peu, monsieur Chutter — selon lequel c’est un bon scénario commercial d’investir dans les pratiques exemplaires.

Existe-t-il un bon argument commercial en faveur de l’amélioration et du soutien des pratiques exemplaires en matière de santé des sols? Si tel est le cas, le documentez-vous? Si non, qui le fait? Avons-nous des données et des chiffres? Pouvons-nous aller voir les agriculteurs et leur dire « Si vous faites ceci, voici ce que vous obtiendrez »? Pouvons-nous quantifier les choses? Voilà mes questions. Elles sont très simples, comme je l’ai dit.

Mme Hendricks : Ce sont de bonnes questions pour la matinée.

Je voudrais m’assurer que j’ai bien compris votre question. Je crois que vous me demandez s’il y a une analyse de rentabilisation?

La sénatrice Petitclerc : Oui.

Mme Hendricks : Si vous me demandez un chiffre précis, j’aimerais en avoir un à vous donner, mais ce n’est pas le cas pour l’instant. Cependant, il y a des améliorations liées à la capacité de recueillir des données.

Je voudrais revenir sur la façon dont nous examinons la saisie des données. Je pense également qu’il faut les consigner sur une certaine période afin de pouvoir en tirer des réflexions. Je pense que c’est ce qui nous permettra de les relier au rendement du capital investi.

En principe, si nous regardons ce qui se passe dans le monde — et nous savons tous que la majeure partie de la production alimentaire du Canada est exportée —, la mise en place de ces pratiques est précieuse. Si l’on compare ces pratiques à certaines des réglementations qui évoluent à l’échelle internationale, je pense que les agriculteurs qui appliquent ces pratiques obtiendront une meilleure valeur pour ce qu’ils cultivent et auront un meilleur accès aux contrats.

[Français]

C’est aussi ce que j’appellerais « la question qui tue », comme on dit en français, ou la vraie réalité.

[Traduction]

Cela soutient le rendement du capital investi, mais le fait d’exploiter et de rassembler les données pour en faire un seul ensemble, ce qui est également un défi, nous permettra de mieux effectuer l’analyse de rentabilisation en toute confiance. J’espère avoir répondu à votre question.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Absolument, merci.

Mme Hendricks : Avec plaisir.

[Traduction]

M. Chutter : Oui, j’ajouterais que d’après les chiffres de notre analyse initiale, il y a une analyse de rentabilisation certainement très solide. J’ajouterais également que pour passer à l’étape suivante, à savoir réellement quantifier ces chiffres et les intégrer dans les méthodologies, nous avons besoin de ce regroupement continu de données de cartographie des sols et d’information sur les sols. Sinon, nous ne disposons pas des outils nécessaires pour y parvenir. Ce serait l’un de mes messages : le financement par le gouvernement fédéral de la cartographie et de l’analyse des sols est essentiel à cet égard.

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup.

La sénatrice Burey : Bonjour à nouveau. J’adore ce comité. Nous y apprenons tant de choses — la durabilité, la sécurité alimentaire, l’atténuation des effets des gaz à effet de serre, la gestion des risques et l’étude de la matière organique. J’ai apprécié votre leçon sur la photosynthèse et la botanique et, par ailleurs, les informations sur les prêts liés à des pratiques durables.

Comment pouvons-nous diffuser ces informations sur ce que vous faites en matière de gestion des risques et d’augmentation de la matière organique? En ce qui concerne les prêts, les pratiques exemplaires de gestion, comment pouvons-nous diffuser l’information? Encore une fois, les témoins précédents nous ont dit ce matin que nous n’arrivions pas à diffuser ces informations. Au palier fédéral, comment pouvons-nous transmettre ces informations? Comment pouvons-nous également fournir les informations aux agriculteurs?

Nous sommes allés en Saskatchewan et nous avons appris l’existence de ces capteurs qui sont maintenant placés dans le sol pour mesurer l’azote, le dioxyde de carbone et les niveaux d’eau. Les agriculteurs n’obtiennent pas le financement nécessaire pour installer ces capteurs de cartographie afin que nous puissions regrouper ces données. Comment pouvons-nous leur transmettre ces informations?

La question la plus intéressante pour moi est probablement de savoir si nous disposons ou non d’indicateurs, madame Hendricks, sur l’utilisation de vos programmes, en particulier par les groupes marginalisés et sous-représentés.

Je sais que j’ai dit beaucoup de choses.

Mme Hendricks : Permettez-moi de commencer par votre dernière question. À FAC, nous suivons, à titre d’exemple, le programme pour les jeunes agriculteurs de moins de 40 ans. Nous structurons un programme de ce type, puis nous suivons le montant des prêts accordés à ces communautés et le nombre de clients. Nous explorons également de nouveaux indicateurs de rendement clés pour pouvoir suivre les succès.

Par exemple, sénatrice, nous pouvons constater qu’un jeune agriculteur de moins de 40 ans est encore agriculteur à 47 ans. À mon humble avis, ce serait un exemple de la façon dont nous avons permis à quelque chose de se produire et un exemple montrant que la longévité existe. Nous faisons de même pour les femmes qui se lancent dans l’agriculture, mais j’aimerais également ajouter que, du point de vue d’un financier, c’est l’ensemble qui compte, n’est-ce pas? C’est la façon dont vous débutez. Comme il a été mentionné par le premier groupe de témoins, comment pouvons-nous les soutenir au chapitre de l’apprentissage? Chez Financement agricole Canada, nous avons environ 105 succursales et nous servons 105 000 clients. Comment continuons-nous à les mobiliser?

L’autre aspect que j’aimerais vous communiquer en ce qui concerne l’obtention de mesures, c’est que nous travaillons en partenariat avec différents organismes dans une perspective consultative, où FAC financera une partie d’un projet consultatif avec un agriculteur afin de lui permettre de résoudre un problème. Le concept que nous apportons est un soutien non seulement pour le financement à court, moyen et long termes, mais aussi à des moments précis de ce cheminement — par exemple, si M. Chutter nous parle d’une nouvelle technique — c’est-à-dire, pour être en mesure de les soutenir directement, mais aussi de leur donner les conseils qui leur permettront de le faire. Nous en financerons une partie pour encourager l’agriculteur à obtenir les conseils dont il a besoin au bon moment de son cheminement. Cela est-il utile?

La sénatrice Burey : Oui, je pense que cela répond aussi à la première partie concernant l’échange de connaissances.

Mme Hendricks : Nous pouvons vous fournir des données, sénatrice.

La sénatrice Burey : Vous pouvez donc fournir les données et les mesures. Vous les enverrez. Je vous remercie.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Chutter?

M. Chutter : En ce qui concerne la première partie, j’ai l’impression que nous sommes en train de rattraper les producteurs. Une grande partie de ces innovations et de ces pratiques ont lieu dans les exploitations agricoles. Il n’est pas nécessaire que je leur transmette des informations; il s’agit plutôt pour nous d’apprendre à les quantifier et à les mesurer, et de voir s’il existe des possibilités de les saisir afin que les outils de gestion des risques soient plus efficaces pour le producteur et ainsi d’harmoniser les incitatifs.

Le président : Je vous remercie. Nous passons au deuxième tour, avec la sénatrice Simons.

La sénatrice Simons : Parlons d’harmoniser ces incitatifs, car c’est vraiment ce à quoi nous voulons parvenir. Si vous disposez d’un programme d’assurance qui empêche les gens de prendre de mauvaises décisions, ils ne prendront jamais de meilleures décisions. Nous voulons avoir un programme d’assurance, comme les Albertains ou à l’instar d’autres provinces, qui encourage les gens à prendre les bonnes décisions pour améliorer la santé de leurs sols.

Comment pouvons-nous structurer un programme d’assurance qui récompense les gens pour les pratiques qui réduisent les risques en améliorant la santé de leur sol afin que nous puissions économiser de l’argent des programmes d’assurance à long terme et rendre le tout plus durable pour tous?

M. Chutter : C’est une excellente question et, fondamentalement, c’est pourquoi nous avons entrepris ce projet. Nous l’avons entrepris dans une perspective de réduction des risques. Notre analyse consistait uniquement à évaluer les risques. Le processus ne comportait pas d’objectifs sociaux ou environnementaux à l’époque. Il s’agissait de savoir comment créer de meilleurs outils de gestion des risques financiers, dont le prix soit plus personnalisé pour le producteur. C’est le message que je pense vouloir transmettre aujourd’hui. Cette analyse du carbone organique du sol était non seulement très importante et significative, mais elle fournit également un outil pour harmoniser ces incitatifs.

La sénatrice Simons : Si je reformule, vous dites que vous feriez payer moins cher l’assurance à quelqu’un s’il est un meilleur agriculteur.

M. Chutter : C’est ce que ce projet tenterait de quantifier, quelle est la réduction des risques, afin que nous puissions rajuster les primes en conséquence.

La sénatrice Simons : Nous avons toujours eu cette préoccupation. Vous avez ce problème de fils prodigue lorsque quelqu’un est le premier à faire quelque chose. Si vous créez un programme d’incitatifs qui récompense les retardataires, la personne qui l’a fait en premier n’en voit pas l’avantage, mais ce serait neutre en ce sens. Chaque fois que vous améliorez le carbone organique du sol de votre ferme, les prix de votre assurance-récolte diminuent.

M. Chutter : Exactement, et c’est pourquoi une politique axée sur les résultats dans cette situation fait partie de mes préoccupations, parce qu’elle ne modifie pas la discussion sur le changement de pratique du nouvel adoptant. C’est juste l’échelle d’une mesure.

La sénatrice Simons : Voici le défi : lorsque vous voulez que les gens changent leurs pratiques, l’économie nous enseigne que, si vous donnez un signal de prix économique selon lequel cela vaut la peine de consacrer du temps et d’investir pour apporter des changements à leurs pratiques, puisque leurs primes d’assurance-récolte vont baisser, alors c’est très clair et transparent, et il ne s’agit pas de rabais ou de programmes d’incitatifs; il s’agit d’utiliser le marché pour inciter les gens à faire ce que vous voulez qu’ils fassent.

M. Chutter : Exactement, surtout quand les incitatifs concordent parfaitement dans cette situation. Au Canada, les coûts de l’assurance-récolte sont partagés entre les gouvernements et les producteurs. En tant que fournisseur d’assurance-récolte, nous ne sommes pas une entreprise à but lucratif, donc la réduction des risques représente une économie sur les primes. Si nous pouvons définir de manière appropriée les risques liés aux pratiques, cela se reflète directement dans les primes.

La sénatrice Simons : Y a-t-il un moment où vous devez dire à quelqu’un : « Nous n’allons plus vous assurer » ou « Nous allons augmenter vos primes à un point tel que vous comprendrez le message selon lequel votre terre ne justifie tout simplement pas le risque à prendre? »

M. Chutter : Ce n’est pas mon rôle. Non, dans notre analyse, notre objectif n’est pas de dire aux gens comment cultiver ou d’imposer des limites aux pratiques; il s’agit d’atteindre l’objectif de moindre risque.

La sénatrice Simons : Mais fondamentalement, vous avez besoin d’une tarification signalant à quelqu’un, à un moment donné : « Arrêtez de planter du blé ici. Ce n’est pas un bon endroit pour planter du blé. Le champ devrait être réservé au fourrage. Ou encore aux pois chiches », ou quelque chose qui dit qu’ils cultivent la mauvaise chose au mauvais endroit compte tenu des changements climatiques et des conditions de sécheresse.

M. Chutter : Si tel est le risque réel et qu’il est cerné et tarifé en conséquence, alors la tarification envoie ce message.

La sénatrice Simons : Excellent. Merci beaucoup.

Le président : En septembre 2023, Financement agricole Canada a annoncé une prolongation de trois ans de son parrainage de la ferme intelligente d’Ottawa. Le partenariat avec Zone X.O vise à accélérer l’innovation et l’adoption de l’agrotechnologie, ainsi que son impact sur les agriculteurs, le secteur agricole et l’économie du Canada. Zone X.O est l’une des quatre fermes intelligentes que FAC soutient, y compris celles, comme vous l’avez déjà mentionné, en Alberta et au Manitoba.

Ma question est la suivante : comment ces fermes intelligentes collaborent-elles avec les chercheurs, les entreprises et les agriculteurs et éleveurs pour améliorer les pratiques et les innovations en matière de gestion des sols? Est-ce quelque chose que vous encouragez précisément?

Mme Hendricks : Merci. Je commencerai de manière plus générale, puis je céderai la parole à M. Klink, qui est plus proche du réseau des fermes intelligentes. Il aura peut-être des commentaires supplémentaires.

Pour répondre précisément à votre question, je dirais que lorsque FAC conclut de tels partenariats avec certaines fermes intelligentes, nous travaillons de concert avec elles afin de voir ce qu’elles considèrent comme des débouchés. Les responsables travaillent également avec le secteur privé, ainsi qu’avec des universités et des écoles pour combiner certains des domaines sur lesquels ils se concentrent. Je tiens à souligner en particulier — et je crois que c’est fondamental pour les fermes intelligentes — qu’elles peuvent faire des tests, et cela touche au sujet des sols. C’est ce qui nous donne ces données réelles.

Je vais peut-être laisser la parole à M. Klink pendant 30 secondes, car il est très proche de cette histoire — dont nous sommes vraiment fiers — et j’aimerais qu’il exprime sa passion pour celle-ci.

Le président : Vous êtes limité à 30 secondes, monsieur Klink, mais vous disposez de plus de temps, si vous le souhaitez.

M. Klink : Merci, sénateur.

Les fermes intelligentes ont joué un rôle déterminant dans l’essai de nouvelles technologies et dans la vérification sur le terrain des innovations qui se produisent à grande échelle. Les capteurs que les gens installent dans les champs — comment ils fonctionnent, à quoi cela ressemble réellement et quelles données en proviennent — pourraient en être un exemple. Un autre exemple a trait aux expériences qui utilisent les pratiques liées aux nutriments 4R pour améliorer la santé des sols. À quoi cela ressemble-t-il alors que les gens cherchent à faire en sorte que leur sol obtienne la bonne source et la bonne dose d’engrais, au bon moment et au bon endroit? Quels en sont les avantages? C’est l’analyse de rentabilisation dont parlait la sénatrice Simons.

Les fermes contribuent à concrétiser cela. On organise des journées champêtres, au cours desquelles on rassemble des producteurs pour aider à relier les connaissances et l’éducation, où ils ont peut-être entendu parler d’une technologie ou d’une pratique exemplaire, et maintenant ils peuvent la voir en direct et en action. Cela a été vraiment bénéfique. Nous avons certainement bénéficié des expériences que nous avons menées avec les écoles et les fermes intelligentes. Je sais que d’autres organisations, qu’elles soient gouvernementales ou privées, ont également investi dans des essais et des expériences avec les fermes intelligentes. Le travail qu’elles accomplissent sert très bien notre industrie.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Simons : Je veux parler encore une fois de l’assurance — et cela s’adresse à nos trois invités et témoins d’aujourd’hui.

Des gens de l’industrie de l’élevage m’ont dit qu’ils se sentaient exclus de nos régimes d’assurance au pays. Ils peuvent obtenir une assurance pour les récoltes par l’entremise d’une assurance-récolte ou de sociétés de gestion collective du type décrit par M. Chutter, mais ils m’ont expliqué qu’il est beaucoup plus difficile d’obtenir une assurance pour l’élevage. Le problème, à leur avis, c’est que, s’ils ont des terres marginales qu’ils utilisent pour les cultures et qu’ils aimeraient utiliser ces terres pour le fourrage ou le pâturage, ils hésitent, parce qu’ils avaient une assurance pour planter des cultures et qu’ils n’ont pas le même type de garantie pour cette transition.

Lorsque nous examinons à la fois le crédit agricole et l’assurance, devons-nous repenser la façon dont nous mettons en place nos incitatifs économiques afin que les gens puissent prendre des décisions judicieuses fondées sur les transitions qu’ils doivent effectuer à mesure que le climat change, pour pratiquer le bon type d’agriculture au bon endroit?

Mme Hendricks : Merci, sénatrice. Pour commencer, je répondrais à votre question en disant que, à FAC, notre rôle consiste à être en mesure de soutenir ces investissements dans l’exploitation globale de la ferme. Plus tôt, lorsque nous décrivions certains de ces programmes d’incitatifs, qu’il s’agisse de la Table ronde canadienne sur le bœuf durable ou des Producteurs laitiers du Canada, et cetera, il s’agit de pouvoir reconnaître ce qui est unique du point de vue d’un sous-secteur.

À votre question de savoir si nous avons aujourd’hui la capacité de pouvoir dire que, si vous êtes un éleveur et que vous cultivez 20 % de vos terres, si vous modifiez cet équilibre ou décidez de faire davantage d’élevage, cela vous procurerait plus d’incitatifs, très honnêtement, nous ne serions pas en mesure de dire cela.

Cependant, comme nous nous consacrons à 100 % à l’industrie, nous comprenons vraiment le caractère unique de chaque sous-secteur, et c’est la connaissance que nous apportons lorsque nous structurons nos prêts. De cette façon, nous pouvons refléter ces pratiques ou cette compréhension de l’industrie pour vraiment nous assurer que nous soutenons le désir de l’agriculteur de continuer à progresser vers les résultats qu’il vise.

La sénatrice Simons : Très bien. Monsieur Chutter, s’il vous plaît.

M. Chutter : Vous faites clairement vos devoirs. C’est tout à fait vrai. Nous entendons souvent cela de la part de l’industrie des assurances.

Il est très difficile d’assurer les cultures fourragères. Lorsque nous assurons les récoltes, vous pouvez obtenir un rendement de la moissonneuse-batteuse en fonction de la quantité de céréales récoltées, et vous pouvez le rajuster et disposer d’un programme d’assurance approprié. Lorsque vous assurez l’herbe consommée par une vache ou du bétail, il est très difficile de connaître les rendements et de créer un programme d’assurance. Quelle mesure assurons-nous?

De nombreux programmes d’assurance pour les cultures fourragères reposent sur des données dérivées; ils sont fondés non pas sur ce qui est réellement récolté, mais plutôt sur les mesures de précipitation ou de température d’une station météorologique. Les paiements reposent sur des indicateurs de croissance et non sur la croissance directe elle-même. C’est très difficile.

Toutefois, quant au soutien à la gestion des risques pour le secteur de l’élevage au Canada, outre l’assurance-récolte, Agri-stabilité est un autre volet des programmes de gestion des risques de l’entreprise. Il s’agit véritablement du pilier des programmes de gestion des risques des entreprises d’élevage, mais il présente également de sérieuses limites quant à la manière dont il répond aux éleveurs de bétail et aux difficultés financières en période de sécheresse. Il a vraiment la réputation de ne pas fonctionner correctement et d’être un programme bancal. Nous effectuons de nombreuses analyses sur la façon dont nous pouvons apporter des modifications au programme afin de le rendre plus efficace pour les éleveurs de bétail et de verser des indemnités dans les années de catastrophe plutôt que dans les années où les indemnités ne sont pas nécessaires.

Il y a beaucoup de travail qui se fait, mais il faut le faire également dans ce domaine.

Je suis très heureux que vous en parliez, et je voudrais répéter aujourd’hui au comité qu’en matière de conservation des sols et de préservation des prairies au Canada, l’un des meilleurs outils stratégiques dont nous pouvons disposer est une politique qui protège notre industrie bovine, ainsi que les agriculteurs et les éleveurs qui protègent les prairies.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

Le président : Madame Hendricks, monsieur Klink et monsieur Chutter, merci beaucoup de votre participation aujourd’hui à ce deuxième groupe de témoins. Votre aide dans cette étude très importante est très appréciée. Merci beaucoup. Je m’en voudrais de ne pas mentionner et commenter la plaque derrière votre épaule droite, monsieur Klink, et je tiens à remercier Financement agricole Canada de son soutien important aux 4-H du Canada.

Sur ce, j’aimerais remercier les membres du comité de leur participation active et de leurs questions réfléchies. Je veux prendre un moment, comme j’essaie de le faire chaque semaine, pour remercier les membres du personnel qui soutiennent le travail que nous faisons, tant ceux qui sont dans nos bureaux que ceux qui sont derrière moi ce matin : les interprètes, l’équipe des Débats, les transcripteurs, les préposés aux salles des comités, les techniciens du service multimédia, notre équipe de diffusion, le centre d’enregistrement, la Direction des services d’information, ou DSI, et notre page. Nous vous apprécions tous vraiment et nous ne pourrions pas faire ce que nous faisons à chaque réunion du comité sans vous. Merci beaucoup.

Chers collègues, le comité directeur a décidé que nous annulerions les réunions du mardi soir, parce que nous ne sommes pas toujours sûrs de pouvoir nous réunir, alors d’ici l’ajournement pour le congé de Noël, nous annulerons les réunions du mardi. Nous nous retrouverons les jeudis. Notre prochaine réunion est donc prévue le jeudi 23 novembre, à 9 heures, lorsque nous continuerons d’entendre des témoins sur l’étude de la santé des sols du comité.

(La séance est levée.)

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