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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 29 février 2024

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner pour en faire rapport l’état de la santé des sols au Canada.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Je tiens d’abord à souhaiter la bienvenue aux membres du comité, à nos témoins et aux personnes qui regardent la réunion en ligne.

Je m’appelle Rob Black. Je suis sénateur de l’Ontario et président du comité. Le comité se réunit aujourd’hui afin d’examiner pour en faire rapport l’état de la santé des sols au Canada.

Chers collègues, pour votre gouverne, notre première réunion sur l’étude de la santé des sols au Canada s’est déroulée le 22 septembre 2022, et aujourd’hui, c’est notre dernière réunion. Au cours de cette période et en incluant nos témoins d’aujourd’hui, nous aurons entendu 153 témoins lors de 36 réunions dans cette salle, ce qui représente 58,5 heures de témoignages.

Bien que la conclusion de cette étude soit douce-amère pour certains d’entre nous — ou pour nous tous —, j’attends avec impatience le rapport que nous espérons avoir d’ici quelques mois et qui, je l’espère, constituera une ressource précieuse sur la santé des sols au Canada pour les années à venir, tout comme Nos sols dégradés : Le Canada compromet son avenir, qui a été la première étude sénatoriale sur les sols, présidée par l’honorable Herbert Sparrow. Cette étude a été menée il y a 40 ans.

J’aimerais commencer par demander à mes collègues de se présenter.

Le sénateur Cotter : Bonjour. Je m’appelle Brent Cotter. Je suis un sénateur de la Saskatchewan.

La sénatrice Burey : Bonjour. Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.

Le sénateur McNair : Bonjour. John McNair, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cardozo : Bonjour. Andrew Cardozo, de l’Ontario.

Le sénateur Oh : Bonjour. Sénateur Oh, de l’Ontario.

Le président : Pour notre premier groupe de témoins sur l’incidence qu’a la propriété étrangère de terres agricoles sur les pratiques d’entretien des sols, j’aimerais accueillir, de l’Union nationale des fermiers, Stuart Oke, copropriétaire de Rooted Oak Farm. Il se joint à nous par vidéoconférence. Bonjour, monsieur Oke. De la société Andjelic Land Inc., nous accueillons Robert Andjelic, directeur général. M. Andjelic est présent dans la salle aujourd’hui. À titre personnel, nous accueillons Katherine Aske, agricultrice et chercheuse à l’Université de la Colombie-Britannique. Elle se joint à nous par vidéoconférence.

J’invite les témoins à présenter leur exposé. Nous commencerons par M. Andjelic, suivi de M. Oke, puis de Mme Aske. Vous disposez chacun de cinq minutes pour votre exposé. Je vous ferai signe au bout de quatre minutes, ce qui signifie qu’il vous reste une minute. Lorsque je lèverai les deux mains, il sera temps de conclure.

Sur ce, monsieur Andjelic, vous avez la parole.

Robert Andjelic, directeur général, Andjelic Land Inc. : Bonjour. J’aimerais remercier le sénateur Black et le reste du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts de m’avoir invité à participer dans le cadre de votre étude. Je m’appelle Robert Andjelic et je suis le directeur général d’Andjelic Land Inc. Nous sommes des investisseurs en terres agricoles et nous avons des investissements dans toutes les provinces de l’Ouest, partant du Manitoba jusqu’à la Colombie-Britannique. La plus grande partie de nos avoirs se situe en Saskatchewan, avec un peu moins de 233 000 acres.

Selon un dicton qui circule dans les Prairies, seuls six à neuf pouces de terre nourrissent le monde entier. Pensons-y. Une mince couche de terre fertile en Saskatchewan produit environ 35 % des légumineuses du monde et représente plus de 40 % de la superficie totale cultivée au Canada.

Lorsque nous avons commencé à acheter des terres agricoles, il y avait pas mal de terres à vendre qui avaient été mal exploitées. Les agriculteurs avaient du mal à payer leurs factures avant 2010, ils ont donc réduit les intrants, ce qui a entraîné une détérioration de la santé des sols. Nous avons acheté les meilleures parcelles et il nous a fallu jusqu’à six ans — en partenariat avec certains des meilleurs producteurs — pour ramener ces terres à un stade de production plus élevé. Grâce à nos efforts, même les sols alcalins peuvent désormais soutenir la croissance des cultures.

Cette leçon m’a appris que les pratiques agricoles des métayers agricoles sont de la plus haute importance et que nous devons sélectionner nos métayers éventuels avec le plus grand soin. Nous louons nos terres à des personnes qui pensent comme nous et s’engagent à restituer au sol tous les éléments nutritifs ainsi qu’à suivre les meilleures pratiques agricoles. Les terres agricoles sont notre gagne-pain à tous et nous devons faire tout ce qu’il faut pour préserver leur santé pour les générations à venir. Nous recevons souvent plusieurs offres, mais les taux de location sont secondaires par rapport au choix d’un producteur pratiquant la meilleure gestion des terres agricoles.

Nos coordinateurs sur le terrain rendent visite au métayer éventuel, vérifient ses champs existants et parlent avec lui de ses pratiques agricoles. Ils rendent ensuite visite à tous nos locataires tout au long de la saison de croissance pour s’assurer qu’ils suivent les meilleures pratiques agricoles et font une rotation adéquate des cultures.

Les meilleurs producteurs sont désireux de louer chez nous en raison de nos travaux d’amélioration des terres, qui augmentent leur efficacité dans tous les aspects de l’agriculture. L’amélioration des terres comprend le défrichage et l’enlèvement des rangées périphériques, l’enlèvement des amas de pierres ainsi que l’enlèvement des petites falaises.

Les écologistes nous reprochent souvent d’essayer de défricher et de mettre en production tous les deux acres de broussailles sur nos terres. Ils perdent de vue l’essentiel, car il nous en coûte en réalité plus cher par acre pour récupérer la terre et la mettre en production que d’acheter la même superficie de terre. Mais l’exploitation des terres défrichées est plus efficace d’un point de vue environnemental que tenter d’exploiter des parcelles supplémentaires éloignées et nouvellement acquises. Les réserves routières qui entourent chaque section assurent le couvert arboré et l’habitat. Personne n’est autorisé à les défricher, de sorte qu’il y a toujours un habitat pour la faune et la flore à proximité.

La principale raison de ce défrichage est que l’équipement le plus moderne, dont l’empreinte carbone est la plus faible, est très volumineux et ne peut pas manœuvrer dans ces endroits étroits. Les anciens semoirs avaient 10 ou 12 pieds de large et pouvaient facilement passer entre ces obstacles. Les gros tracteurs d’aujourd’hui, qui tirent un semoir de 30 mètres de large et une remorque d’engrais, ont beaucoup de mal à se faufiler entre ces obstacles et, lorsqu’ils y parviennent, il y a beaucoup de chevauchement. Ces améliorations augmentent l’efficacité et réduisent les émissions de dioxyde de carbone de 40 à 50 %.

Cette efficacité est obtenue six ou sept fois par an, lorsque les champs sont hersés, puis ensemencés, vaporisés trois ou quatre fois, fauchés et enfin moissonnés. Un de nos métayers, Jeff Pizzey, a vérifié ce point en appliquant des contrôles de section sur des terres défrichées par rapport à des terres non défrichées, ce qui a permis de réduire de moitié l’utilisation d’équipements et les émissions de carbone.

À mon avis, il est tout aussi important d’économiser et d’optimiser l’utilisation des terres arables que de sauver les arbres. Le Canada, qui est le deuxième plus grand pays sur le plan de la superficie totale, est très mal classé en ce qui concerne la proportion de terres arables par rapport à la superficie totale. Cette proportion de terres arables n’est que de 4,5 % et, en raison de l’expansion urbaine et d’autres facteurs, elle diminue.

La plupart de nos métayers étant des producteurs progressistes, ils utilisent les technologies d’analyse et de surveillance des sols les plus récentes afin d’optimiser la santé de ces derniers. Leurs bureaux ressemblent à des laboratoires de recherche agricole, et ils leur fournissent des données pour minimiser l’utilisation d’engrais, optimiser l’ensemencement et surveiller le degré d’humidité et le rendement potentiel. Cela est en contraste avec la pratique historique qui consistait à ne pas effectuer d’analyse du sol et à appliquer de l’engrais en chevauchement, ce qui avait pour effet d’endommager la santé du sol.

Des pratiques telles que le semis direct n’entraînent qu’une perturbation minimale du sol. C’est là qu’interviennent les équipements les plus récents et les plus avancés sur le plan technologique, tels que le contrôle de section et la technologie des taux variables.

Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci, monsieur Andjelic. Monsieur Oke.

Stuart Oke, copropriétaire de Rooted Oak Farm, Union nationale des fermiers : Merci. Bonjour, sénateurs.

Je m’appelle Stuart Oke. Je suis agriculteur. Je suis propriétaire et exploitant d’une ferme à North Augusta, en Ontario, avec ma partenaire, Nikki, et une petite équipe d’employés. Nous cultivons des légumes qui nourrissent des familles d’Ottawa à Toronto, avec l’objectif à long terme de faire en sorte que, à la fin de notre carrière, nous laissons notre ferme et ses terres dans un meilleur état qu’à notre arrivée — accomplissant cette lourde tâche tout en nourrissant la collectivité qui soutient notre entreprise.

J’ai récemment eu l’occasion de m’entretenir avec un autre agriculteur qui m’a mentionné la notion que seules deux choses ne peuvent jamais être récupérées dans le domaine de l’agriculture : le temps et le sol. C’est une philosophie à laquelle j’adhère depuis l’âge de 18 ans.

Pour renforcer cet engagement, je suis également membre de l’Union nationale des fermiers, une organisation communautaire, démocratique et gérée par les agriculteurs, qui défend les intérêts des exploitations agricoles comme la mienne et traite des questions qui nous concernent, comme la dégradation des sols et les terres agricoles de moins en moins abordables. Je suis membre de l’union depuis de nombreuses années et j’ai occupé de nombreux postes, dont celui de président des jeunes. Je suis membre non seulement parce que l’organisation est composée de membres passionnés, intelligents et soucieux de résoudre les problèmes, mais aussi parce que c’est une organisation qui n’a pas peur de regarder en face les problèmes auxquels sont confrontées nos collectivités agricoles et rurales, et qui étaye ses solutions de solides vérités et de positions bien étudiées, non influencées par des intérêts extérieurs.

C’est cet engagement inébranlable à l’égard des problèmes qui a attiré mon attention à la lecture du rapport de l’Union nationale des fermiers Losing Our Grip, ou « Perdre notre emprise ». Ce rapport explore les multiples façons dont les terres ont été et sont encore regroupées et accaparées par un nombre de plus en plus restreint d’acteurs tant nationaux qu’étrangers, et comment cela a entraîné une surfinanciarisation des terres à un point tel que je suis réellement inquiet pour l’avenir de l’intendance agricole de nos terres et de nos sols. C’est cette surfinanciarisation des terres et ses conséquences — la création d’une génération entière de métayers, ainsi que les effets correspondants sur nos sols, qui nous poussent à dépendre des intrants agricoles — qui m’ont amené à présenter ce témoignage aujourd’hui.

Le temps que j’ai passé à la tête de l’Union nationale des fermiers m’a permis de sillonner le pays et de parler à des centaines d’agriculteurs, d’entendre d’innombrables histoires d’agriculteurs qui luttent pour joindre les deux bouts, contraints de louer au lieu d’acheter des terres, parce qu’ils n’en trouvent pas à des prix abordables, et obligés de prendre des décisions difficiles sur la façon dont ces terres louées devraient être gérées en sachant qu’elles pourraient être vendues et leur échapper à n’importe quel moment. En d’autres termes, alors que les agriculteurs ont de plus en plus de dettes de moins en moins de possessions, et qu’ils sont de plus en plus contraints de se soumettre aux sociétés et aux investisseurs, ils perdent le contrôle des fermes et des terres agricoles du Canada et, par conséquent, le contrôle de l’intendance des sols de manière à garantir leur santé à long terme au lieu d’investir à court terme dans des intrants agricoles. Les intrants ne servent qu’à nourrir les cultures et ne remplacent pas les pratiques de bon sens visant à nourrir le sol ni la résilience accrue qui découle de l’amélioration à long terme du sol.

Qu’il s’agisse d’exploitations relativement petites comme la mienne ou d’exploitations de plusieurs milliers d’acres dans les Prairies, partout dans le pays nous ressentons les effets d’un système surfinanciarisé de terres agricoles. Nous savons que les agriculteurs canadiens sont confrontés à une crise du revenu net. En 2018, par exemple, pour chaque dollar reçu, les agriculteurs n’en ont gardé que six cents. De même, nous sommes confrontés à un problème d’endettement agricole massif. Cet endettement s’élevait à 138 milliards de dollars en 2022, comparativement à 106 milliards de dollars en 2018.

Ces crises cumulées — conjuguées à des prix fonciers de plus en plus élevés — obligent les agriculteurs qui cherchent à augmenter leur revenu net à cultiver de plus en plus de terres en les louant, encore et encore, jusqu’à la réalité d’aujourd’hui, le fait que 40 % des terres agricoles canadiennes sont louées à l’heure actuelle. Nous avons déjà vu de tels systèmes. Certes, c’était il y a des centaines d’années, et les terres étaient toutes entre les mains de la noblesse. Aujourd’hui, ce sont les fonds de pension et les programmes d’investissement qui s’en chargent. Ce système ne permettait pas une gestion responsable des terres à l’époque, et il ne le permet pas aujourd’hui.

En tant qu’agriculteur, et compte tenu du thème de la réunion d’aujourd’hui, je pense que nous devons nous montrer tout aussi prudents à l’égard des regroupements à grande échelle et des investissements spéculatifs, qu’ils soient le fait de sociétés étrangères ou d’entités basées au Canada. Ces deux types d’investissements contribuent à la surfinanciarisation des terres agricoles et éloignent encore davantage le contrôle de notre système alimentaire de l’intendance des agriculteurs responsables de leur production.

J’ai récemment bavardé avec un agriculteur lors d’un événement destiné aux agriculteurs qui tentent d’accéder à la terre, et il m’a dit quelque chose qui a été très explicite. Il a dit : « Je n’ai pas de tenure foncière, j’ai une ténuité foncière. »

Pour promouvoir la santé des sols, nous avons besoin de solutions raisonnables qui garantiront une sécurité d’occupation aux agriculteurs. Nous avons besoin d’un système qui protège davantage les terres agricoles au profit des agriculteurs et des producteurs d’aliments. Le système doit aussi empêcher les regroupements à grande échelle par des intervenants étrangers qui financiarisent les terres et les traitent comme des marchandises plutôt que comme des ressources essentielles à notre survie.

Je pourrais continuer, mais comme mon temps est écoulé, je vais m’en tenir là. Merci de m’avoir donné la possibilité de prendre la parole. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Oke. Madame Aske, c’est à vous. Nous vous écoutons.

Katherine Aske, agricultrice, chercheuse, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Bonjour, honorables sénateurs. Merci de me donner la parole et de prendre au sérieux l’enjeu de la santé des sols.

Je dirige un programme de formation sur l’agriculture biologique à l’Université de la Colombie-Britannique. Je suis également chercheuse et j’ai participé à un projet de l’Université du Manitoba dans le cadre duquel nous avons analysé les répercussions de l’acquisition de terres agricoles par des investisseurs et de la concentration de la propriété dans les Prairies.

Je suis ici pour faire valoir que pour ce qui concerne la santé des sols, ce n’est pas la propriété étrangère des terres agricoles qui devrait nous préoccuper au premier chef, mais plutôt la spéculation foncière dans son ensemble, comme M. Oke vient de le dire, peu importe qu’elle soit étrangère, nationale ou même locale. Malgré leurs différences sur les plans personnels ou structurels, tous les investisseurs en terres agricoles sont motivés par les gains financiers qu’ils peuvent tirer de la terre et du travail des gens qui y vivent.

Il est difficile d’évaluer les répercussions de l’acquisition de terres par des investisseurs, sans égard au type de propriété, sur la santé des sols au Canada, parce que les gouvernements provinciaux n’utilisent pas leurs données sur les titres fonciers pour faire un suivi et publier des rapports sur l’évolution des schémas d’occupation des terres agricoles. Par conséquent, le public ne sait pas quelle proportion des terres est détenue par des investisseurs. Dans certaines provinces, des chercheurs universitaires se sont même vus refuser l’accès à ces données. En Alberta, notre équipe de recherche s’est fait dire que l’accès aux données coûterait 50 000 $, ce qui était au-dessus de nos moyens. Puisque je n’avais pas accès à ces données, j’ai opté pour une recherche qualitative à l’échelle de la province et, en 2019 et 2020, j’ai interrogé 50 céréaliers dont les terres avaient une superficie allant de 230 à 33 500 acres.

La seule province pour laquelle nous avons une idée de la proportion des terres agricoles qui est détenue par des investisseurs et de leur concentration est la Saskatchewan, et c’est grâce à notre équipe de recherche dirigée par Mme Annette Desmarais. Les membres de son équipe ont eu accès aux données sur les titres fonciers, ils les ont analysées et ils ont publié un rapport sur leurs constats. Ils ont notamment établi que la superficie des terres détenues par des investisseurs avait atteint près d’un million d’acres en 2018, ce qui était 19 fois plus qu’en 2002. Selon d’autres recherches portant sur les Prairies, un petit nombre d’acquisitions par des investisseurs suffit pour faire grimper les prix des terres agricoles au-delà des moyens de la plupart des agriculteurs. Il s’ensuit des taux d’endettement élevés, une déconcentration des exploitations et le recours à des contrats de location à court terme qui imposent des contraintes aux agriculteurs relativement aux méthodes adoptées et même à leur relation à la terre, désormais perçue comme un actif spéculatif, et tout cela a des répercussions sur l’environnement.

Nous savons maintenant que Robert Andjelic, qui est présent aujourd’hui, est le plus important propriétaire foncier de la province, et peut-être même du pays. Comme il l’a lui-même affirmé, sa société possède plus de 233 000 acres en Saskatchewan, ce qui équivaut pratiquement à la superficie des terres détenues par le milliardaire Bill Gates un peu partout aux États-Unis. Sauf votre respect, monsieur Andjelic, cette concentration de la richesse et du pouvoir nous ramène à un néo‑féodalisme qui met en péril notre démocratie, nos communautés et la santé des sols.

Je ne vous demande pas de me croire sur parole. Selon un sondage mené récemment auprès de 400 agriculteurs des Prairies, près de 80 % d’entre eux considèrent que l’acquisition de terres agricoles par des investisseurs est préjudiciable ou très préjudiciable pour leurs communautés.

Tout à l’heure, M. Andjelic a parlé des améliorations que sa société apporte aux terres. Sur le site Web de la société, on peut voir une vidéo qui traite de ce sujet, et notamment des améliorations apportées à 22 000 acres de terres dans la région de Yorkton. Dans la vidéo, on parle de l’abattage d’arbres et d’arbustes afin de créer des champs ouverts et dégagés, mais aussi de l’assèchement des marécages pour que chaque petite parcelle puisse être exploitée. En principe, ces améliorations visent à augmenter les revenus des agriculteurs grâce à des rendements supérieurs des cultures à court terme, ce qui signifie que les taux de location peuvent être augmentés.

La société de M. Andjelic est loin d’être la seule à apporter ce genre d’améliorations foncières. Toutefois, lorsque le sol commence à s’éroder parce qu’il n’y a plus d’arbres pour bloquer le vent ou parce que les tempêtes de pluie sont de plus en plus violentes et que la capacité d’y résister s’effrite, rien ne garantit que les rendements seront à la hauteur des attentes. Il faudra des décennies pour inverser les effets de ces changements.

Les agriculteurs que j’ai interrogés en Alberta m’ont indiqué que différents types d’investisseurs-propriétaires et de gros exploitants canadiens agissent de la même manière. Ces agriculteurs sont très préoccupés par l’approche qui consiste à cultiver chaque petite parcelle de terre. Ils se désolent de voir que des bandes d’arbustes sont abattues un peu partout à cause des pressions et des intérêts de la spéculation sur les terres agricoles. Voici ce que m’a dit à ce sujet un des agriculteurs que j’ai interrogés:

Ici, le vent peut souffler plusieurs jours d’affilée. Je me demande si c’est parce qu’il n’y a plus rien pour l’arrêter ou le ralentir. Nous avons toujours eu du vent, mais les bandes d’arbustes et les boisés l’arrêtaient. Il n’y a jamais eu d’érosion des sols dans notre région. Maintenant, il y en a.

Après les périodes de sécheresse prolongées et la catastrophe écologique qui ont frappé les Prairies dans les années 1930, le gouvernement a créé l’Administration du rétablissement agricole des Prairies, ou ARAP. Les agriculteurs de l’Ouest canadien ont reçu gratuitement de jeunes arbres qu’ils ont plantés pour créer des bordures. On estime que 600 millions d’arbres ont été plantés au cours du XXe siècle. Le programme a pris fin en 2013. Nous sommes en train d’oublier notre passé et, une fois de plus, de revenir en arrière sous prétexte d’améliorer les terres en enlevant les buissons en bordure alors que la crise climatique est de plus en plus urgente.

Pour conclure, je tiens à remercier le comité permanent de mener cette étude et de se préoccuper de cet enjeu. Toutefois, je ne crois pas que l’accent doit être mis sur la propriété étrangère des terres agricoles. À mon avis, la principale menace à la santé des sols et à bien d’autres aspects vient de la spéculation sur les terres agricoles dans son ensemble.

Le président : Merci, monsieur Andjelic, monsieur Oke et madame Aske.

Nous allons passer à la période des questions. Sénateur Oh, vous avez la parole.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins de s’être joints à nous ce matin. Ma première question s’adresse à M. Andjelic. Vous êtes le plus important propriétaire de terres agricoles de la Saskatchewan, et probablement du Canada. Vous avez acheté jusqu’ici 250 000 acres de terres agricoles. Quel type d’améliorations foncières votre société a-t-elle réalisées en ce qui concerne les pratiques de gestion bénéfique des sols? Quelle proportion de la superficie totale de vos terres agricoles est louée à de petits agriculteurs?

M. Andjelic : La totalité de nos terres est louée à des producteurs, et nous travaillons avec eux pour les améliorer. Nous avons notamment collaboré avec un de nos locataires, qui est aussi un bon ami, pour apporter des améliorations. Nous avons réussi à produire une récolte sur des parcelles salines ou alcalines. Je crois que cela n’a pas été fait très souvent. En fait, à ma connaissance, c’était une première. Le processus a duré quatre ou cinq ans.

Nous avons tout d’abord essayé de régénérer le sol. Nous avons réussi à réduire la superficie des zones alcalines, mais pas à y faire pousser quoi que ce soit. C’est la première fois que cette zone alcaline produit une récolte. C’était une des plus sèches durant la sécheresse. Il y a eu quelque chose comme 3 pouces de pluie durant cette période, mais l’agriculteur a récolté 36 boisseaux de blé dur à l’acre. Les voisins ont récolté de 0 à 10 boisseaux. C’est clair que nous améliorons la terre.

Pour répondre à votre question sur la superficie de nos terres, je crois que c’est un peu moins de 233 000 acres. Je dois ajouter que les locataires dépendent de moi autant que je dépends d’eux. Un équipement complet permet de cultiver de 7 000 à 10 000 acres. Si un agriculteur possède 5 000 acres et qu’il cultive seulement cette superficie, il n’utilise pas son équipement à sa pleine capacité. S’il loue 2 000 acres de nos terres, il pourra optimiser son équipement.

Le sénateur Oh : Combien d’acres cultivez-vous? Est-ce que vous pratiquez l’agriculture?

M. Andjelic : Après quelques tentatives, nous avons réalisé que ce n’était pas compatible avec notre modèle d’affaires. Nous avons donc décidé de louer la totalité de nos terres. Cela dit, nous travaillons en étroite collaboration avec les producteurs pour améliorer les terres. Je ne connais personne qui en fait autant. La réhabilitation de ces terres coûte très cher. Nous avons dû interrompre la production pendant trois ans à peu près parce que nous avons dû faire pousser environ huit cultures différentes de toutes les familles végétales pour réincorporer le dioxyde de carbone dans le sol, abaisser la salinité et augmenter la teneur en champignons et en bactéries. Ces périodes de location gratuite ou subventionnée nous ont coûté 200 000 $ par année environ. Ce n’est pas à la portée des petits agriculteurs parce que la production doit être interrompue pendant un certain temps.

Le sénateur Oh : Est-ce qu’il y a une participation étrangère dans vos terres, ou est-ce que votre société canadienne est l’unique propriétaire?

M. Andjelic : Oui, absolument. Le gouvernement de la Saskatchewan interdit la participation étrangère ou les investissements étrangers. C’est surveillé de très près. Nous ne pouvons pas être financés par une puissance ou une entité étrangère. Le financement doit provenir d’un établissement financier canadien agréé.

Le sénateur Cotter : Je remercie les témoins de leur présence. Nous vivons un moment à la fois passionnant et un peu triste puisque c’est la dernière fois que nous recevons des témoins dans le cadre de cette étude.

L’étude porte sur l’état de santé des sols, et j’ai quelques questions pour vous à ce sujet, monsieur Andjelic. Je ne crois pas me tromper en affirmant que les économies d’échelle peuvent créer des possibilités. Elles peuvent donner une marge de manœuvre et encourager les investissements dans de nouvelles technologies et de nouvelles méthodes qui seront bénéfiques dans un large éventail de domaines, y compris la santé des sols.

Je ne crois pas non plus me tromper en affirmant — si je me fie à votre témoignage, aux articles concernant votre société et à votre propre site Web — que vous n’êtes pas un agriculteur, mais un investisseur. De façon générale, on considère que les personnes qui possèdent des biens comme un appartement ou une maison ont une plus grande responsabilité d’intendance que ceux qui en sont locataires.

Vous soutenez que ce n’est pas le cas dans votre domaine de travail. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

M. Andjelic : Pouvez-vous répéter la dernière partie de la question?

Le sénateur Cotter : Si j’ai bien compris, monsieur Andjelic, vous faites valoir qu’être propriétaire de terres que vous louez à des agriculteurs permet d’en rehausser la qualité.

M. Andjelic : Oui, absolument.

Le sénateur Cotter : Je vous demande pourquoi c’est possible pour vous alors que ce n’est pas généralement le cas pour quelqu’un qui loue des appartements à d’autres personnes. C’est un exemple. La propriété, normalement, tend à faire des gens concernés des intendants plus attentifs à l’égard de leurs biens. Or, selon ce que vous nous dites, ce serait différent pour les terres que vous donnez en location.

M. Andjelic : Tout dépend de chaque investisseur, de ses objectifs à long terme et d’autres facteurs. Si mon intention est de conserver un bien pendant des générations, si je veux le transmettre à mes enfants et à mes petits-enfants, je vais m’assurer que le bien que je vais leur léguer sera dans le meilleur état possible.

Tout d’abord, je rappelle que 3 % seulement de la superficie totale des terres sont contrôlées par des investisseurs. Ce que j’entends tout le temps de la part de mes locataires, c’est qu’ils possèdent environ 60 % des terres cultivées et qu’ils louent l’autre 40 %.

Comme je l’ai dit, nous préférons louer des terres à des personnes qui ont la même vision que nous et avec qui nous pouvons collaborer pour les améliorer. C’est essentiel. Beaucoup d’excellents producteurs sont largement en avance sur tous les autres dans le monde. Nous produisons des denrées pour le marché mondial et nous pouvons rivaliser avec la concurrence si les règles du jeu sont équitables. Autrement dit, si d’autres pays comme l’Allemagne subventionnent… Ils subventionnent le matériel de pointe qui permet des économies liées aux crédits de carbone. Les subventions équivalent à 50 % du coût. Le gouvernement paie la moitié des coûts.

Le sénateur Cotter : Puis-je vous poser une question liée à ce que vous avez dit? Vous avez évoqué les restrictions imposées par le gouvernement de la Saskatchewan concernant la propriété étrangère de terres agricoles.

M. Andjelic : C’est exact.

Le sénateur Cotter : Seriez-vous favorable à l’imposition de restrictions concernant la propriété des terres agricoles à l’échelle nationale?

M. Andjelic : L’agriculture est un domaine d’activité qui exige énormément de capitaux. La terre est un élément seulement, mais il faut aussi payer les intrants, les produits chimiques, les semences, l’équipement et bien d’autres choses. Les équipements lourds coûtent plus de 1 million de dollars chacun. Les capitaux étrangers pourraient aider à financer ces importants besoins. Cela dit, j’appuie les politiques du gouvernement de la Saskatchewan.

La sénatrice Petitclerc : Je remercie les témoins. Les discussions sont très intéressantes. Je vais avoir une question pour vous, monsieur Andjelic, mais je vais commencer par Mme Aske. Nous avons reçu beaucoup de témoignages positifs de la part d’agriculteurs qui se disent prêts à opérer une transition vers l’agriculture régénératrice, la diminution des pesticides, la culture sans labour et la rotation des cultures. Par contre, nous n’avons pas beaucoup entendu parler de l’importance de préserver les arbres et les bandes boisées, ou de leur impact. Comme il y a eu très peu de témoignages inscrits au compte rendu à ce sujet, j’aimerais que vous nous expliquiez davantage à quel point c’est important et ce qu’il faudrait faire. Est-ce qu’il faut encourager ces pratiques? Comment pouvons‑nous nous assurer que c’est ce qui sera fait?

Mme Aske : Merci infiniment de poser cette question.

Comme je l’ai indiqué dans ma déclaration liminaire, dans les années 1930, les Prairies sont devenues ce qu’on a appelé un bol de poussière. Pendant une dizaine d’années, les sols ont été balayés. C’était une catastrophe. Ce phénomène a été provoqué en partie par l’abattage des arbres et l’arrachage des herbes de prairie profondément enracinées sur des milles et des milles. Par la suite, la communauté agricole des Prairies, le gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux ont compris que quelque chose devait changer. Ils ont pris une direction complètement opposée et décidé de replanter des millions d’arbres. Le gouvernement a aidé les agriculteurs à réaliser ce plan en leur donnant de jeunes arbres et en offrant du soutien pour la plantation. Même si nous avons déjà appris cette leçon, nous reprenons le chemin inverse, comme si de rien n’était.

Lors de mes entrevues avec les agriculteurs albertains, chaque fois qu’il était question de la manière dont les gros exploitants et les investisseurs traitent la terre, le sujet de l’abattage des bandes boisées refaisait surface. Une comparaison était faite ensuite avec les agriculteurs locaux. Eux ne toucheraient jamais à la bande d’arbustes plantés par leurs grands-pères, mais ils voient bien que si la terre en face de la leur est vendue à un propriétaire absent, qui vient de l’extérieur de la communauté, ce n’est pas long que 60 acres de forêt disparaissent. C’est important de comprendre que ce qu’on appelle un buisson ou une bande d’arbustes est souvent une forêt de 60 acres. C’est énorme.

Un agriculteur m’a raconté que depuis que la terre en face de la sienne a été vendue et que la bande d’arbustes a été abattue, le vent souffle si fort chez lui que tous les objets doivent être fixés. Sinon, des bouts de métal, des pièces d’équipement et toutes sortes d’autres objets volent un peu partout. Les gens m’ont parlé de l’érosion des sols comme d’un énorme problème depuis que des bandes d’arbustes ont été abattues et que la trajectoire des vents et de l’eau a changé sur les terres. C’est un problème majeur. Là encore, je parle de ce qui se passe dans les Prairies. Je ne sais pas si les mêmes problèmes existent ailleurs au pays, mais il me semble urgent d’inverser la tendance dans les Prairies. Merci.

La sénatrice Petitclerc : Merci. Le modèle que vous décrivez m’apparaît très intéressant. Ce n’est pas non plus quelque chose dont nous avons beaucoup entendu parler. J’ai une question simple. Je comprends que vous voulez qu’il soit appliqué et que vous faites le nécessaire. Je saisis bien tout cela, mais je me demande comment cela fonctionne avec les différents producteurs. Est-ce que vous êtes responsable? Est-ce que vous établissez des normes ou est-ce qu’ils établissent leurs propres normes? Recueillez-vous des données ensuite? J’essaie de comprendre le fonctionnement et la manière dont vous pouvez documenter l’amélioration de l’état des sols. Il semble y avoir beaucoup de défis.

M. Andjelic : Nous avons les données. Tout ce que nous faisons est bien documenté. Nous faisons beaucoup d’analyses de sols, de tests et tout ce qui est nécessaire, puis nous plantons les bons végétaux et les éléments requis pour régénérer le sol.

Pour ce qui concerne l’érosion des sols, on parle de ce qui s’est passé dans les années 1930. Les pratiques agricoles étaient complètement différentes à cette époque. Le sol était labouré jusqu’à ce qu’il ait la consistance de la farine et, bien entendu, il s’envolait facilement. De nos jours, il n’y a aucun labour et on laisse un chaume de 10 ou 12 pouces. Le sol n’est plus du tout labouré. Cette technique empêche l’érosion. En Saskatchewan, on trouve très peu de particules de sol dans les fossés ou ailleurs. La province est un chef de file dans le domaine de la culture sans labour. Je dirais que 75 % des terres sont cultivées sans labour.

Le sénateur Cardozo : Ma question s’adresse à tous les témoins. Elle est très simple. À votre avis, quelles sont les meilleures méthodes de régénération et de réhabilitation des sols?

M. Oke : Merci de poser cette question. C’est un sujet dont je suis ravi de parler. C’est essentiel pour la réussite de notre exploitation et de toutes les autres.

J’inviterais les sénateurs à comprendre que l’étude de l’« état de santé du sol » va bien au-delà de la teneur en carbone et des rendements possibles des terres. Comme nous le savons tous, on peut voir le sol comme un simple support auquel il suffit d’ajouter des intrants agricoles pour augmenter les rendements, mais ce n’est pas forcément ce qui convient le mieux à l’activité biologique et à l’état de santé réels du sol. Un sol véritablement sain ne contient pas seulement des matières organiques, mais également un système biologique complexe qui agit sous la surface pour retenir l’eau en période d’inondation ou de sécheresse. Ce système permet d’améliorer les rendements sans avoir à abuser des intrants agricoles coûteux pour les agriculteurs et pour l’environnement parce qu’ils produisent des émissions.

Nous devons faire très attention à la manière dont nous explorons le thème de l’état de santé des sols. Nous ne pouvons pas nous borner à recommander l’adoption généralisée de la culture sans labour. Oui, ces pratiques sont bonnes et peuvent donner des résultats positifs, mais si elles sont jumelées à de grandes quantités d’herbicides et d’engrais, rien ne garantit que la santé des sols va continuer de s’améliorer et qu’ils vont fournir les services écosystémiques qui, comme nous le savons, contribuent à la résilience des exploitations agricoles.

Nous devons être prudents avant de faire ce genre de corrélations directes, et adopter des pratiques qui favoriseront une véritable activité microbienne et microbiologique dans le sol.

Mme Aske : Je suis d’accord avec tout ce que M. Oke a dit. J’ajouterais que, de manière générale, les agriculteurs doivent pouvoir tirer un meilleur profit de leur production. Ils doivent pouvoir assurer leur subsistance en cultivant une superficie moins grande et en adoptant des méthodes agroécologiques.

Depuis le début de la réunion, nous parlons à qui mieux mieux de qualité des sols ou de qualité et d’améliorations des terres, mais sans donner de définition. Je trouve important de faire la distinction entre la capacité d’accroître le rendement des cultures et la qualité du sol, par exemple. Ces deux aspects ne sont pas intrinsèquement liés, et surtout pas si nous adoptons une vision à long terme. Merci.

Le sénateur Cardozo : Monsieur Andjelic, voulez-vous dire un mot au sujet des meilleures pratiques de régénération?

M. Andjelic : J’ai des données concernant les bactéries, les champignons et tout cela. Il y a eu des augmentations de tous ces éléments. Tous les principaux nutriments ont augmenté. Cela signifie que même les quantités d’azote peuvent être diminuées considérablement. Le cycle du sol est soutenu en améliorant tous les facteurs bénéfiques.

Le sénateur Cardozo : Et comment y parvenez-vous?

M. Andjelic : En plantant et en faisant pousser des végétaux, en utilisant des engrais biologiques et des solutions biologiques pour la pulvérisation du feuillage, et ainsi de suite.

Le sénateur Cardozo : Recourez-vous à la diversification des cultures?

M. Andjelic : Oui, absolument. Les cultures sont diversifiées. Je vois ici qu’il y a 13 variétés de cultures dans différentes zones racinaires. J’ai des photos de racines qui atteignent trois ou quatre pieds de profondeur et qui réintroduisent des matières organiques dans le sol. Cette opération coûte de 400 à 500 $ l’acre. C’est difficilement réalisable pour les petits producteurs parce que les coûts sont très élevés et parce qu’il faut interrompre les cultures pour régénérer les sols. Nous le faisons à un rythme d’un millier d’acres ou plus par année.

Le sénateur Cardozo : Faites-vous une rotation des cultures d’une année à l’autre?

M. Andjelic : Il faut toujours faire une rotation pour éviter les problèmes comme l’introduction de maladies. La rotation appropriée des cultures est primordiale.

Le sénateur Cardozo : D’accord. Merci.

La sénatrice Burey : Bonjour. Encore une fois, je vous remercie d’être avec nous. Mes questions seront pour Mme Aske et M. Oke et, si nous avons le temps, pour M. Andjelic aussi.

Je vais revenir à notre étude sur l’état de santé des sols et le rôle du gouvernement fédéral — que notre sénat représente — dans l’adoption de politiques et de pratiques qui vont nous permettre de bâtir la société dans laquelle nous voulons vivre, soit une société écologiquement saine, durable et inclusive. J’aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Nous avons reçu des témoignages très convaincants de jeunes agriculteurs concernant la précarité de l’exploitation agricole à bail et les pratiques spéculatives, et particulièrement celles des grands propriétaires fonciers.

J’aimerais vous entendre au sujet de leurs incidences possibles sur la sécurité alimentaire. Nous menons une étude sur l’état de santé des sols, et nous devons faire les liens qui s’imposent. Quelles sont les incidences des pratiques spéculatives — y compris l’exploitation agricole à bail et la propriété de grandes superficies de terre — sur la sécurité alimentaire au Canada et ailleurs dans le monde?

J’aimerais aussi que vous nous disiez comment ces pratiques, et je pense ici à la propriété des terres et, partant, à l’état de santé des sols… Quelle est l’incidence de la propriété de grandes superficies de terres sur les pratiques bénéfiques de gestion des sols? Il y a deux enjeux : la sécurité alimentaire et les pratiques bénéfiques. Quelle est l’incidence sur ces deux enjeux?

Mme Aske : Ce sont de grandes questions. Merci de les poser.

Sur le plan de la sécurité alimentaire, quand des paramètres financiers dictent la manière dont nous traitons la terre, et quand des investisseurs étrangers font la pluie et le beau temps, elle résiste de moins en moins bien aux effets catastrophiques et grandissants du changement climatique. Nous avons tous vu les incendies, les inondations et les sécheresses qui ont ravagé le pays et qui ont atteint une intensité encore jamais vue l’été dernier. La terre perd peu à peu sa résilience et sa capacité de s’adapter à ces effets et de produire la nourriture dont nos communautés et celles du monde entier ont besoin.

Pouvez-vous répéter votre deuxième question?

La sénatrice Burey : Une de mes questions portait sur les incidences de la propriété des terres sur les décisions concernant les pratiques bénéfiques de gestion des sols.

Mme Aske : C’est juste. À titre de petite productrice biologique, je suis profondément convaincue que gérer la terre et le sol sur une grande échelle ne peut pas se faire de la même façon que sur une petite échelle. Je pense aussi que les agriculteurs doivent impérativement prendre les décisions concernant ce qui se passe sur la terre. Ils sont les mieux placés. Cela dit, pour être en mesure d’accorder tout le soin voulu au sol, ils doivent avoir une réelle sécurité d’occupation à long terme. Cela ne veut pas dire qu’il faut à tout prix favoriser la propriété individuelle, mais c’est clair que ce n’est pas possible avec des contrats de location de trois à cinq ans et les pressions des paiements annuels qui les empêchent de faire la transition vers l’agriculture biologique ou de planter une culture de couverture, ou de faire quoi que ce soit qui va les priver d’un revenu annuel. Je cède maintenant la parole à M. Oke.

M. Oke : Merci de me donner l’occasion de m’exprimer et de poser cette question, madame la sénatrice.

Je ne vais pas répéter ce que vient de dire Mme Aske parce que je suis en grande partie d’accord. Je vais ajouter qu’à cause de la concentration de la propriété foncière entre les mains d’un nombre réduit de personnes et de l’éloignement grandissant entre les exploitants — qu’il s’agisse d’une terre louée ou d’une mégaferme — et la terre cultivée, il devient plus difficile pour eux de comprendre les besoins de cette terre et probablement d’être présents dans les communautés environnantes.

Vous venez de l’Ontario et, comme vous le savez, de nombreuses communautés agricoles sont en déclin dans les régions rurales. Les grandes exploitations sont en partie responsables. On n’a pas tendance à fréquenter le dépanneur du coin si on vit à une heure de là, dans une autre communauté. L’expansion des exploitations agricoles a des répercussions sur nos communautés. Les communautés rurales subissent aussi un phénomène d’érosion. Je suis conscient que c’est un peu en dehors du sujet de votre étude, mais c’est important de garder à l’esprit que ces répercussions s’ajoutent à celles dont Mme Aske a parlé.

La sénatrice Burey : Je vous remercie.

La sénatrice Robinson : C’est un plaisir d’entendre ces trois témoins. Je vous remercie tous d’avoir pris le temps et d’avoir fait l’effort d’être des nôtres. Je tenais à souligner la diversité de nos témoins, puisque nous recevons manifestement deux femmes et un homme d’âges différents. Nous avons aussi de fantastiques approches régionales de la diversité agricole. J’ai la ferme conviction que nous avons besoin de tous les types d’exploitation agricole et que chacun correspond à un marché ou à un créneau particulier.

Ma première question, si vous le permettez, est pour les témoins qui sont par vidéoconférence. Je la poserai d’abord à M. Oke, puis à Mme Aske. Au sujet de la rentabilité, les jeunes agriculteurs — les nouveaux arrivants — se lancent dans un type d’activité à très forte intensité de capital. Prenons les choses sous un autre angle. Au lieu de limiter qui peut être propriétaire, rendons l’agriculture plus rentable. Les nouveaux arrivants — les jeunes agriculteurs — auraient les moyens d’accéder à des terres de manière concurrentielle. Selon vous, que peut-on faire pour rendre l’agriculture plus rentable et comment faire en sorte que vous soyez plus en mesure d’acheter ces terres?

M. Oke : Je vous remercie de la question. Je pense qu’elle va vraiment au cœur de beaucoup de problèmes, y compris ceux auxquels font face les plus ou moins jeunes agriculteurs comme moi. Nous avons actuellement un problème crucial qui est celui de la valeur des terres agricoles, en raison d’une forte financiarisation, due en partie à certaines des dynamiques dont nous avons discuté aujourd’hui...

La sénatrice Robinson : Je surveille le temps, monsieur Oke, et ma question est précisément la suivante : que pouvons-nous faire pour améliorer la rentabilité des nouveaux arrivants, des jeunes agriculteurs, des agriculteurs dans des créneaux particuliers et même des nouveaux arrivants plus importants? Selon vous, que pouvons-nous faire pour ce qui est de la rentabilité?

M. Oke : La valeur de la terre doit prendre en compte ce qui peut être produit sur cette terre. Il est évident que nous ne pouvons pas continuer d’augmenter les prix, mais comme je l’ai dit dans mes observations préliminaires, les agriculteurs ne gardent pas un grand pourcentage des prix. Autrement dit, à la fin, il ne reste pas beaucoup d’argent aux agriculteurs sur la valeur générée par les exploitations. L’argent va aux fournisseurs d’intrants agricoles ou aux intermédiaires de la chaîne alimentaire. Il reste bien peu aux agriculteurs en valeur.

Nous devons nous assurer que le type de terres et de protections agricoles existant ne fasse pas en sorte que les agriculteurs ne puissent pas acheter de terres et qu’ils se retrouvent avec des miettes une fois que tous les fournisseurs d’intrants ont pris leur part de la valeur. J’espère avoir répondu à votre question.

La sénatrice Robinson : Oui. Madame Aske, je vous en prie.

Mme Aske : Je vous remercie de la question.

Comment traiter la question de la rentabilité? Tout d’abord, je dirai que la majorité des nouveaux agriculteurs n’entrent pas dans les secteurs à forte intensité de capital parce qu’ils ne le peuvent pas. Ils pratiquent la vente directe et deviennent, par exemple, de petits producteurs de légumes.

En ce qui concerne la rentabilité de certains de nos secteurs de produits de base, je mentionnerai des structures telles que la Commission canadienne du blé qui, comme nous le savons, a été supprimée par le gouvernement de Stephen Harper en 2012. Elle permettait aux céréaliers de tout le pays de fixer les prix face aux sociétés agro-industrielles. Maintenant que cette structure a disparu, les céréaliers sont forcés d’accepter individuellement les prix sur le marché, ce qui fait qu’ils conservent une part de plus en plus petite de la valeur de ce qu’ils produisent. Je vous remercie.

La sénatrice Robinson : J’ai une petite question pour le témoin présent en personne. Vous avez parlé de vos sols alcalins que vous avez assainis. Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que vous avez fait? Vous avez parlé de sécheresse. Comment avez-vous récupéré des sols alcalins dans des conditions de sécheresse? Quelle source d’eau et quels amendements de sol avez-vous utilisés, si vous avez ces données avec vous?

M. Andjelic : Nous les avons. Nous avons introduit toutes les variétés végétales dont les racines s’enfoncent à différentes profondeurs. Ces racines, en se détériorant, permettent à l’eau de descendre à différentes profondeurs. C’était dans des conditions de sécheresse, et le producteur a obtenu 36 boisseaux par acre. J’ai tous les documents qui le confirment.

La sénatrice Robinson : Pour être plus précis, avez-vous utilisé du sulfate de calcium ou un autre produit pour éliminer l’alcalinité du sol?

M. Andjelic : Il n’y a pas de solution magique. C’est un effort global qui vise à rétablir la numération bactérienne, à favoriser la croissance de champignons et à réintroduire dans le sol de la matière organique, du dioxyde de carbone, tout ce qu’il faut. Il s’agit donc d’un projet complexe, qui nécessite...

La sénatrice Robinson : Combien de temps s’est-il écoulé entre le moment où vous avez commencé l’opération de récupération...

M. Andjelic : Trois ou quatre ans.

La sénatrice Robinson : Je vous remercie.

M. Andjelic : Mais c’est possible.

Le président : Nous passons à la deuxième série de questions pour le temps qu’il nous reste.

Le sénateur Cotter : Je souhaite la bienvenue à la sénatrice Robinson. En fait, j’ai l’impression que je devrais me taire et écouter plus que poser des questions.

J’ai une question pour vous, monsieur Andjelic. J’ai consulté votre site Web et j’ai lu les articles qui parlent de vous et de votre succès. Il y a bien cet accent mis sur les investisseurs. Les agents immobiliers vous félicitent pour des raisons évidentes, je suppose, et vous vous en réjouissez. Toutefois, à mon avis, vous avez sous-estimé votre engagement à acquérir des acres verts. Une grande partie de ces 200 000 acres sont des terres agricoles, et c’est tout à votre honneur de penser à la qualité des sols et de l’environnement en Saskatchewan. Je voulais le souligner.

Voici ma question : si vous deviez nous conseiller dans la rédaction du rapport de cette étude sur la santé des sols, à quoi le gouvernement du Canada — sur lequel nous nous concentrons principalement — devrait-il, selon vous, être attentif, afin que nous puissions prendre des mesures pour améliorer la santé des sols, plutôt que de ne rien faire ou de causer sa détérioration à l’avenir? Que nous conseillez-vous de dire au gouvernement du Canada?

M. Andjelic : Je fais mes tournées des cultures. Je commence en Alberta, je vais vers l’est et je finis au Manitoba. Je dirai qu’il n’y a pas grand-chose à faire. Nous avons les meilleurs producteurs du monde qui cultivent la terre, et ils veulent faire ce qu’il y a de mieux pour ces terres parce qu’ils prévoient que leurs enfants et leurs petits-enfants la cultiveront. Il y a une chose qui n’est pas vraiment dite. On pense qu’il s’agit de fermes industrielles. Ce n’est pas le cas. Il s’agit d’exploitations familiales. Ce n’est pas parce qu’elles sont grandes qu’elles lésinent sur les moyens ou sur quoi que ce soit d’autre. Si vous prenez une exploitation de 30 000 acres, il faut un participant. En fait, il faut une personne à plein temps par 2 000 acres.

Il s’agit donc dans tous les cas d’exploitations familiales ou familiales élargies, même les employés — mais ils ne sont pas considérés comme des employés. Ce sont des membres de la famille ou des participants. Ils reçoivent une participation aux revenus totaux, etc. Plus les rendements sont élevés, plus leur participation est importante.

Le sénateur Cotter : Je vous remercie.

Le président : Il semble qu’il n’y ait pas d’autres questions. Chers collègues, remercions M. Andjelic, M. Oke et Mme Aske.

M. Andjelic : Puis-je ajouter quelque chose?

Le président : Oui, je vous en prie.

M. Andjelic : On parle de jeunes exploitations qui se lancent. Prenons les loyers. Le loyer est, disons, de 80 $ l’acre. À 80 $ l’acre, si l’agriculteur achète la terre, ce sera, par exemple, sur la base de 3 000 $. Aux taux d’intérêt actuels, 3 fois 7 font 21, soit un loyer de 210 $. Cet équivalent serait payé à la banque.

Les jeunes agriculteurs peuvent donc commencer par louer à la moitié du prix ou moins. Au fur et à mesure qu’ils constituent leurs fonds propres et que leur situation financière s’améliore, ils peuvent acheter des terres. Mais louer coûte moitié moins.

Le président : Je vous remercie, monsieur Andjelic, monsieur Oke et madame Aske de votre participation aujourd’hui. Vous avez certainement témoigné avec passion, et nous vous sommes reconnaissants de tout ce que vous faites. Cela dit, merci.

J’ai le plaisir d’accueillir, dans le deuxième panel sur la durabilité, l’agriculture régénératrice et l’amélioration de la santé des sols, Mme Jacqueline Hannam, présidente de la Société britannique des sciences du sol. Elle est des nôtres par vidéoconférence. Je vous remercie de votre présence.

Nous recevons, par vidéoconférence, Mme Penny Wensley, ancienne défenseure nationale des sols au gouvernement australien. Sachez tous que Mme Wensley recevra en mai, au congrès du centenaire de l’International Union of Soil Science, la médaille du service distingué 2024. Madame Wensley, je vous remercie de votre présence.

Nous recevons, à titre personnel, M. Don Lobb, qui est agriculteur. M. Lobb a comparu une première fois devant le comité dans le cadre de cette étude le 22 septembre 2022. Il a également participé à la première étude du Sénat, intitulée Nos sols dégradés : Le Canada compromet son avenir. Nous sommes ravis de le recevoir de nouveau.

Je vous invite à présenter vos observations préliminaires. Nous commencerons par Mme Hannam, puis ce sera le tour de Mme Wensley et, enfin, de M. Lobb. Quand je lèverai la main, cela voudra dire qu’il ne vous reste qu’une minute environ. Quand je lèverai les deux mains, le moment sera venu pour vous de conclure.

Cela étant dit, madame Hannam, vous avez la parole.

Jacqueline Hannam, présidente, Société britannique des sciences du sol : Je vous remercie de me donner l’occasion de contribuer à cette importante étude que le comité entreprend afin de mieux comprendre la santé des sols au Canada.

Je m’appelle Jacqueline Hannam. Je suis agronome pédologue et je travaille à l’Université de Cranfield, au Royaume-Uni. Aujourd’hui, cependant, je représente la Société britannique des sciences du sol en qualité d’actuelle présidente.

Je suis ravie de vous revoir, sénateur Black et madame Wensley. Nous nous sommes rencontrés au Congrès mondial des sciences du sol que la Société britannique des sciences du sol a organisé à Glasgow en 2022.

La Société britannique des sciences du sol est une organisation internationale bien établie. Elle se consacre à l’étude des sols dans ses aspects les plus divers. Elle réunit des universitaires et des enseignants, ainsi que des professionnels qui utilisent les sciences du sol dans des activités économiques, des activités de conseil et des décisions stratégiques. Nous soutenons également d’autres personnes qui travaillent avec les sols ou qui s’y intéressent. Notre objectif est d’assurer des sols durables pour les populations et pour la planète. Notre mission est de soutenir et de promouvoir la découverte de nouvelles connaissances sur les sols et leur rôle dans la durabilité mondiale.

Nous avons pour but de contribuer à l’amélioration de la gestion durable des sols et de leur sécurité à long terme, et ce, en menant différentes activités, notamment de sensibilisation. Nous publions deux revues internationales, le European Journal of Soil Science et Soil Use and Management. Nous avons un programme complet d’activités et de cours de formation nationaux dans le domaine des sciences du sol. Nous organisons des conférences internationales pour les membres et les non-membres. Nous encourageons la recherche et l’éducation, tant scolaire que pratique, et nous formons des partenariats afin de préserver les sols pour l’avenir.

La Société britannique des sciences du sol mène des activités de sensibilisation fondées sur des données probantes. Nous mettons nos connaissances collectives, évaluées par des pairs et fiables à la disposition de toute une série d’intervenants, y compris le grand public et les décideurs. Nous avons organisé au Congrès mondial des sciences du sol la première séance sur les politiques qui a permis un débat ouvert sur les complexités, les défis et les possibilités en matière de politique et de gouvernance des sols.

À notre conférence annuelle de décembre, à une réunion consacrée aux politiques, nous avons entendu les quatre équipes chargées de la politique nationale du Royaume-Uni qui ont présenté leurs dernières approches en matière de surveillance et de gestion des sols.

Nous avons attiré l’attention sur la santé des sols à la COP 28, en coorganisant plusieurs activités connexes ciblées et en y prenant la parole. L’an dernier, nous avons témoigné devant la Chambre des communes britannique où un comité spécial menait une enquête sur la santé des sols très semblable à celle-ci. Ce comité a analysé le rôle du gouvernement dans la prévention de la poursuite de la dégradation des sols et la restauration des sols dans toute l’Angleterre. Je suis ravie de pouvoir de nouveau témoigner dans un contexte international à cette séance du comité.

Les trois points suivants, qui reposent sur notre expérience des activités de sensibilisation fondées sur des données probantes, résument nos principaux commentaires et recommandations à l’intention du comité.

Premièrement, il faut veiller au soutien de la recherche transdisciplinaire fondamentale qui peut fournir des données solides pour l’élaboration des politiques. Cette recherche est nécessaire pour démontrer, mettre en œuvre et étendre les avantages de la santé des sols au Canada et au-delà.

Deuxièmement, il faut élaborer pour les sols une politique globale qui fixe une ambition claire et des objectifs en matière de santé des sols. Cette politique devrait être élaborée en collaboration avec les agriculteurs et les sylviculteurs du Canada qui devront la mettre en œuvre.

Troisièmement, il faut fournir aux agriculteurs et aux gestionnaires des terres des renseignements et des conseils solides sur la manière de maintenir et d’améliorer la santé des sols, veiller à ce que ces conseils soient fournis par des parties indépendantes et dignes de confiance, qu’ils soient largement disponibles et, surtout, qu’ils soient adaptés aux contextes environnementaux, sociaux et culturels.

J’en resterai là. Je vous remercie encore de me donner l’occasion d’éclairer votre étude sur la santé des sols en vous proposant des éléments de réflexion qui résultent du travail que nous accomplissons.

Le président : Je vous remercie, madame Hannam. Je sais qu’il est plus tard chez vous. Nous vous remercions de votre présence.

Nous allons entendre le témoignage de Mme Wensley, qui est des nôtres depuis l’Australie, où il est encore plus tard dans la journée — en fait, vous êtes déjà à demain matin. Il est minuit passé chez vous, madame Wensley. Vous avez la parole.

Penny Wensley, ancienne défenseure nationale des sols, gouvernement de l’Australie, à titre personnel : Je vous remercie. Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. En fait, il est 2 h 8 du matin et nous sommes le 1er mars.

Je vous remercie de m’avoir invitée à contribuer à votre étude sur la santé des sols, sujet qui fait l’objet d’une attention politique croissante dans le monde et qui revêt une importance évidente pour nos deux pays qui sont de grands producteurs et exportateurs agricoles et, surtout, des chefs de file mondiaux dans la production alimentaire durable qui souhaitent conserver cette position de premier plan, et ce, dans l’intérêt de leurs propres populations et de la communauté internationale.

Nos conditions climatiques et nos sols sont très différents, tout comme le sont certains de nos défis en matière de gestion des terres — en tout cas, à en écouter le dernier groupe de témoins —, mais nous faisons également face à de nombreux problèmes communs pour préserver, entretenir et gérer nos sols. Il s’agit, entre autres, de la dégradation des sols, de la pollution, de l’urbanisation et des effets des changements climatiques, notamment de phénomènes plus fréquents et plus intenses, comme les sécheresses, les inondations, les feux de brousse et les tempêtes.

Je n’ai pas besoin de parler à ce groupe bien informé de la valeur des sols, des services essentiels qu’ils fournissent. Vous connaissez tout cela. Vous savez tous le rôle que des sols sains devraient jouer pour relever les grands défis mondiaux que sont la sécurité alimentaire, les changements climatiques et la perte de biodiversité. Cependant, comme vous en êtes maintenant à la dernière étape de votre étude et que vous réfléchissez à vos recommandations finales, j’ai quelques observations et suggestions à faire qui découlent de ma longue participation à l’élaboration et à la défense de politiques nationales et internationales, de mon expérience récente de défenseure nationale des sols en Australie et de l’élaboration de la nouvelle stratégie nationale pour les sols de ce pays. Mme Hannam avait trois points, mais j’en ai plus et j’espère pouvoir tous les présenter.

Premièrement, placez la question de la santé des sols dans un contexte plus large. Les sols devraient être une priorité stratégique nationale. Utilisez le langage de la défense et de la sécurité et parlez du renforcement de la résilience nationale face aux menaces complexes et des répercussions cumulées. Faites valoir que les sols ne sont pas seulement une ressource naturelle précieuse, mais aussi un atout national stratégique qui est menacé et qui doit être préservé et protégé.

Deuxièmement, lorsque vous parlez des menaces dans votre rapport, il faut le faire de manière à faire comprendre l’urgence de la situation et la nécessité d’accélérer l’action pour garantir la santé et la sécurité des sols. Il y a toujours des priorités et des demandes de ressources concurrentes, mais combien coûte l’inaction? Combien coûte l’absence de mesures pour lutter contre la dégradation des sols?

Troisièmement, ne considérez pas la santé des sols uniquement sous l’angle de l’agriculture et de la gestion des terres, de la productivité et de la rentabilité agricoles. Je sais que vous êtes un comité de l’agriculture, mais vous devriez souligner que la santé des sols est une question transversale et qu’il est pertinent d’accorder plus d’attention aux sols et à leur santé pour plusieurs portefeuilles et secteurs au-delà de l’agriculture et de la foresterie. Dans notre cas, il s’agit de la santé, de l’éducation, des sciences, de l’environnement, de l’énergie, des affaires autochtones, des infrastructures, du tourisme, des parcs nationaux, du sport et des loisirs. Il se peut que vous donniez d’autres noms aux portefeuilles, mais je parierais qu’ils sont à peu près les mêmes au Canada et probablement au Royaume‑Uni.

Quatrièmement, expliquez qu’il est nécessaire de défendre vigoureusement les sols et d’avoir une stratégie de sensibilisation du public. Bien que les sols occupent une meilleure place dans les programmes politiques, leur importance et leur valeur ne sont toujours pas suffisamment comprises ou appréciées par les pouvoirs publics, les collectivités, l’industrie et le secteur privé — et les médias leur accordent, en tout cas, peu d’attention. Les ressources nécessaires pour mettre en œuvre des recommandations que vous pourriez formuler ne seront pas fournies si l’on ne fait pas mieux connaître les sols, au-delà des intervenants évidents. Songez à créer un poste de défenseur national des sols, que nous avions, et un groupe parlementaire d’amis des sols. Réfléchissez à des moyens d’intégrer les sols dans les programmes d’enseignement primaire et secondaire.

Cinquièmement, soulignez l’importance cruciale du maintien et de l’augmentation du soutien aux sciences, à la recherche et aux disciplines connexes se rapportant aux sols. Les raisons en sont nombreuses, et Mme Hannam en a mentionné quelques‑unes.

Sixièmement, incluez la nécessité de services de vulgarisation de qualité pour accélérer l’adoption de méthodes de gestion des terres nouvelles et transformatrices.

Septièmement, quantifiez la valeur des services liés aux sols, les avantages d’une gestion durable des sols et les coûts de la dégradation des sols.

Huitièmement, les données sont essentielles. Faites-en un élément central. Une meilleure collecte et une meilleure communication des données sont essentielles. Il faut que les données soient collectées et gérées de manière cohérente, comparable et accessible à l’échelle nationale. Une meilleure connaissance de l’état et de l’évolution des sols grâce à de meilleures mesures et à un meilleur suivi, notamment pour évaluer les effets des interventions et des changements de pratiques — le genre de choses dont ont parlé les sénateurs avec les témoins précédents —, devrait faire partie des piliers de tout nouveau plan d’action. Il vous faut une approche nationale unifiée et stratégique de la surveillance des sols pour aider à comprendre l’état des sols et son évolution.

Neuvièmement, soulignez l’importance d’approches intégrées, de la collaboration reposant sur de nouvelles approches de partenariat et de la mise en place de mécanismes, de structures et de réseaux pour les soutenir.

Dixièmement, reconnaissez la nécessité de faire participer tous les paliers de gouvernement et d’intégrer des approches régionales et locales particulières dans la planification et l’application des stratégies et des mesures.

Enfin, examinez la question des lois afin de savoir si des changements sont nécessaires pour mieux protéger les ressources pédologiques. À mon avis, il s’agit d’un outil sous-utilisé. Personne ne préfère le bâton à la carotte, mais beaucoup de pays s’y intéressent, notamment l’Union européenne avec sa nouvelle loi sur la santé des sols et le Royaume-Uni — Mme Hannam pourra peut-être en dire plus à ce sujet.

En outre, prenez en considération, sénateur Black, les obligations et engagements internationaux du Canada, y compris les obligations en matière de rapports. Je pense à la Convention-cadre sur les changements climatiques, à la Convention sur la lutte contre la désertification, à la Convention sur la biodiversité et à la Convention de Ramsar. Vous possédez, je crois, un quart des zones humides de la planète. C’est important. Enfin, il y a les objectifs du développement durable. Sur les 17 énoncés — et je sais que le Canada s’est engagé à les atteindre —, aucun ne concerne les sols, hélas, mais au moins sept ne peuvent être atteints sans améliorer la santé des sols.

Je m’arrêterai là, monsieur le président. Je ne voulais pas donner de conseils gratuits, mais j’ai pensé que ces points pourraient constituer une liste de contrôle fiable au moment où vous passez à l’étape de la rédaction de votre étude. Encore une fois, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer. Je fournirai avec plaisir plus de détails sur les points soulevés dans les questions et les réponses.

Le président : Madame Wensley, je vous remercie. Monsieur Lobb.

Don Lobb, agriculteur, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous remercie de m’accorder le privilège de participer à cette audience.

Votre rapport sur l’état de santé des sols au Canada se révélera être la plus grande responsabilité de votre carrière. La façon dont vous présenterez vos conclusions déterminera à la fois leur utilité et la marque que vous laisserez.

Ce rapport est important parce que le sol est au commencement de tout. La santé des sols est essentielle à la disponibilité de produits alimentaires. Elle détermine le niveau de vie dont dépend ensuite la stabilité économique, sociale et politique. Le sol est une ressource stratégique limitée qui a des conséquences bien au-delà de l’agriculture.

Les témoignages présentés au cours des 18 derniers mois ont bien mis en lumière tous les éléments de la santé des sols qui contribuent à la santé humaine, à la santé environnementale, à la gestion des sols urbains, à la productivité des forêts, à la qualité de l’eau et de l’air et à notre capacité de produire des denrées alimentaires. Il est démontré que l’interaction entre ces éléments est réelle et importante. Nous vivons dans un environnement holistique.

Il ressort clairement de ces témoignages que nous devons protéger nos meilleurs sols cultivables contre toute utilisation pour des productions non alimentaires. Nous devons soutenir la restauration des sols érodés ou dégradés. Nous devons prendre soin de ces sols de manière à garantir un stockage maximal de carbone et une utilisation optimale des précipitations, et nous devons protéger les pâturages et les terres fragiles afin de garantir leur utilisation durable.

Pour cela, nous devons mobiliser ceux qui influent sur les décisions des gestionnaires de sols. Nous devons offrir, au moyen de mesures incitatives, un avantage financier à ceux qui utilisent des pratiques d’entretien des sols éprouvées. Il faudra quatre générations de soutien pour garantir un changement durable.

Nous devons nous appuyer sur l’expérience d’innovateurs qui ont démontré que, pour la première fois dans l’histoire, nous disposons aujourd’hui des connaissances et des outils nécessaires pour protéger et améliorer la santé des sols de manière rentable et durable.

Nous devons encourager les administrations municipales, provinciales et fédérales à travailler en collaboration afin de protéger et d’entretenir véritablement et de façon mesurable les terres nourricières.

Nous devons créer un nouveau modèle efficace pour le développement, le prototypage et la diffusion de technologies.

Nous devons faire appel à des organisations axées sur les sols qui peuvent donner de la crédibilité à une nouvelle initiative ambitieuse sur la santé des sols.

Nous devons aussi obtenir l’appui et la participation du secteur de l’agrofourniture, du milieu des communications, de l’industrie alimentaire et des consommateurs.

Honorables sénateurs, les témoignages sur l’état de santé des sols au Canada mettaient avec raison l’accent sur la fragilité de notre capacité de production alimentaire à long terme et sur l’urgence de la protection et de l’entretien des sols.

À l’avenir, la situation mondiale ne fera qu’accentuer cette urgence. Les articles de ce rapport plaideront-ils de manière convaincante en faveur d’un paradigme d’influence nouveau et différent? Ouvriront-ils la voie à de nouvelles possibilités qui mèneront à la protection et à l’amélioration de la santé des sols? C’est nécessaire pour garantir une productivité durable des sols.

Pouvons-nous définir une « éthique » de l’entretien des sols qui ralliera tous les Canadiens? Ferons-nous la démonstration de la perception, de la persévérance et du leadership dont le sénateur Sparrow a fait preuve dans le rapport de 1984 intitulé Nos sols dégradés : le Canada compromet son avenir? Par sa solidité, votre rapport contribuera au destin de mes petits-enfants et de vos petits-enfants. Que leur laisserons-nous en héritage? Je vous remercie.

Le président : Je remercie les témoins. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui. Monsieur Lobb, bienvenue au comité. Voici ma question : en tant qu’agriculteur, que pensez-vous de l’idée d’appuyer des mesures législatives et la politique relatives aux sols à l’échelle nationale et provinciale? Par ailleurs, quelle incidence cette politique a-t-elle sur vos pratiques agricoles? Quelles améliorations et modifications proposeriez-vous ? Je vous remercie.

M. Lobb : De combien d’heures est-ce que je dispose pour répondre?

Le sénateur Oh : Vous avez l’expérience de toute une vie.

M. Lobb : La majeure partie de l’initiative visant à améliorer la santé des sols vient des agriculteurs, et les chercheurs et les politiques ont suivi. Je pense que ceux qui sont proches de l’agriculture le comprendront, mais nous avons besoin de recherche-développement pour éclairer les décideurs et les politiques et pour apporter un soutien à ceux qui innovent et réalisent de réels progrès.

Nous avons besoin d’une activité à long terme sous forme de soutien gouvernemental. Après la publication de Nos sols dégradés en 1984, nous avons eu toutes sortes d’activités et de nombreux programmes qui ont duré trois ou quatre ans. Une génération plus tard, l’effet de ces efforts s’est en grande partie estompé et nous devons recommencer. Nous avons donc besoin d’un soutien à long terme et d’une incitation financière qui fassent réellement avancer les gens.

Le sénateur Oh : Vous êtes depuis longtemps agriculteur. Puis-je vous demander si la deuxième génération de votre famille est prête à prendre la relève? Est-ce que c’est elle qui exploite votre ferme maintenant?

M. Lobb : Mon fils cadet est agriculteur. J’ai un autre fils qui est très impliqué dans la question des sols à l’Université du Manitoba, et ils sont tous intéressés et concernés d’une manière ou d’une autre, mais pas directement dans l’agriculture.

Le sénateur Oh : Bien. Il est important de voir la deuxième génération se lancer dans l’agriculture. Je vous remercie.

M. Lobb : Je pense que c’est le plus beau compliment que l’on puisse faire à un agriculteur.

Le sénateur Oh : Je vous remercie.

Le sénateur Cotter : Merci beaucoup et merci en particulier à vous, monsieur Lobb, pour la continuité que vous assurez sur ce sujet important. Ma principale question s’adressera à Mme Wensley. Le sénateur Black et moi-même vous avons rencontrée à Glasgow et nous avions été tous deux inspirés par le travail que vous accomplissez et la vision que vous avez présentée.

Cela fait un moment que j’attends avec impatience l’occasion que vous vous joignez à nous. Certains jours, j’ai pensé que si vous pouviez être membre honoraire de notre comité, cela nous serait d’une grande utilité. En effet, j’espérais être le premier à poser des questions de sorte que le sénateur Black vous laisse suffisamment de temps pour décrire les thèmes que vous avez cernés pour nous. Je n’ai pas beaucoup de questions, si ce n’est pour vous demander votre avis sur ce que nous devrions envisager d’inclure dans notre rapport.

Je vous poserai une question précise. Vous avez travaillé comme défenseure nationale des sols dans le contexte d’une fédération comportant un gouvernement fédéral et des gouvernements d’État responsables des terres, de l’agriculture et ainsi de suite. À certains égards, la situation est la même ici. D’un point de vue constitutionnel, l’agriculture relève à la fois de la compétence du gouvernement fédéral et des provinces au Canada. Dans ce contexte, que pouvons-nous dire sur la base de votre expérience? Vous avez fait une observation sur la collaboration entre les gouvernements, mais pourriez-vous être un peu plus précise à ce sujet pour nous aider?

Mme Wensley : Merci beaucoup, monsieur Cotter. C’est un plaisir de vous revoir.

Il est compliqué de composer avec plusieurs échelons de gouvernement. C’est également délicat parce que dans notre système, — et je pense qu’il en va de même dans le vôtre — le gouvernement fédéral ou le gouvernement central a la responsabilité principale de certaines choses, mais dans notre cas, ce sont les États et les territoires et, dans le vôtre, les provinces qui ont la responsabilité de la gestion des terres, des ressources naturelles et du cadre législatif. Il est très difficile d’avoir une loi fédérale prépondérante dans certains domaines, surtout en ce qui concerne l’environnement, à moins qu’elle ne soit manifestement d’importance nationale. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité de parler de l’importance nationale des sols et de leur santé. Je pense que Don Lobb a également très bien expliqué ce point.

Pour la première fois dans l’histoire de l’Australie, nous avons réussi — et c’est une percée — à faire en sorte que tous les États, territoires et administrations adhèrent à notre nouvelle stratégie nationale des sols. Cela a nécessité un vaste processus de consultation et de collaboration ainsi qu’une vaste consultation publique. Nous avons dû obtenir l’adhésion de toutes les parties prenantes, mais je pense que c’est possible si l’on a cette vision globale à laquelle les gens sont prêts à adhérer en ce qui concerne les objectifs à atteindre. Vous pouvez convaincre les provinces, dans votre cas, et les États et territoires, dans le nôtre, que c’est dans leur intérêt à tous.

Notre vision, sur laquelle tout le monde s’est mis d’accord après deux ans ou deux ans et demi de négociations et de discussions, était que toutes les parties prenantes reconnaissent et valorisent nos sols comme un actif national clé et qu’ils soient mieux compris et gérés de manière durable pour le bien et la pérennité de notre environnement, de notre économie, de notre alimentation, de nos infrastructures, de notre santé, de notre biodiversité et de nos collectivités, aujourd’hui et à l’avenir. Cela semble un peu romantique, mais je pense qu’il s’agit en fait d’une vision très forte et qu’il est très important de rassembler tout le monde autour d’un objectif commun. D’autres bienfaits en découlent.

Le sénateur Cotter : Je vous remercie beaucoup.

Mon dernier point n’est en fait qu’une observation. C’est notre dernière séance sur ce sujet, qui nous a occupés pendant 18 mois, et je pense que vous méritez le prix du moment le plus inopportun pour témoigner devant nous. Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur McNair : Ma question s’adresse d’abord à Mme Wensley. Vous avez parlé de la vision, et je suis d’accord avec le sénateur Cotter pour dire que nous pourrions prendre les points que vous avez exposés et en faire le gabarit de notre rapport. Vous avez parlé de la vision des sols et de son importance cruciale.

Votre deuxième point portait sur le sentiment d’urgence. Je voulais vous demander de nous en dire un peu plus à ce sujet. Dans quelle mesure est-il essentiel d’insister sur l’urgence à l’heure actuelle?

Mme Wensley : Merci, monsieur McNair.

Je ne suis pas suffisamment au courant des menaces qui pèsent sur la santé des sols au Canada et de l’ampleur de leur vulnérabilité et de leur dégradation. J’ai essayé de lire un peu sur le sujet. On peut supposer que vous subissez les mêmes pressions que nous en raison des changements climatiques. Dans notre pays, nous avons les sols les plus anciens, les plus secs, les plus salés et les plus pauvres et nous avons donc toujours composé avec des défis liés aux sols.

Cependant, à mon avis, l’urgence réside dans les preuves que nous avons de la dégradation des sols dans le monde entier qui est exacerbée par des événements météorologiques intenses et des facteurs climatiques. C’est très important.

La deuxième raison pour laquelle il est urgent que nous nous attaquions à ce problème et que nous accélérions les mesures visant à améliorer la santé des sols est liée aux changements climatiques et aux crises que constituent les changements climatiques et la perte de la biodiversité. Il me semble que c’est l’enjeu de la santé des sols par rapport à la teneur en carbone des sols et aux problèmes liés à la séquestration du carbone qui a propulsé la santé des sols au premier plan des programmes politiques à l’échelle nationale et internationale, probablement plus que tout autre facteur récemment. Ce sont tous ces éléments qui donnent un sentiment d’urgence. Rien qu’en regardant la télévision tous les soirs, nous sommes tous témoins des crises liées aux changements climatiques qui se produisent partout, qu’il s’agisse d’inondations, de cyclones, de sécheresses et de feux de brousse.

Pour nous, c’est très concret, et je sais que c’est aussi très concret pour votre pays. Ce sont là quelques facteurs qui créent vraiment un sentiment d’urgence.

J’ajouterais que comme l’Australie et le Royaume-Uni, le Canada est également concerné — nous sommes tous de bons citoyens internationaux soucieux de contribuer à relever ces grands défis mondiaux. Je dirais que c’est un autre élément pour définir l’urgence d’agir.

Le sénateur McNair : Je vous remercie.

Monsieur Lobb, merci d’être ici. Nous parlions de gagner des prix. Vous gagnez le prix de la ténacité. D’après mes calculs, le rapport Nos sols dégradés date d’il y a 39 ou 40 ans, à peu près. Comme vous l’avez dit, il y a eu un débordement d’activité à l’époque, mais nous n’avons pas su maintenir cet élan.

Selon vous, quelle est l’importance de cette activité soutenue — évidemment, elle est essentielle — et du sentiment d’urgence dont nous venons d’entendre parler?

M. Lobb : L’importance est vraiment liée à la question de l’urgence. J’ai fait le calcul il y a quelques années, et si nous devions faire la somme de toutes les terres agricoles que nous avons perdues au profit du développement urbain et industriel et des infrastructures au cours des 60 dernières années, cela représenterait une bande de terre d’environ 11 kilomètres de largeur à travers tout le Canada.

Le développement s’est toujours fait sur nos meilleures terres parce que les gens construisent là où il est le plus facile d’assurer leur approvisionnement en nourriture. Ainsi, et compte tenu de la demande croissante de produits agricoles, nous déplaçons la production sur des terres de plus en plus fragiles, notamment dans les prairies qui ont une grande capacité à retenir le carbone. Lorsque nous cultivons ces terres, nous commençons à perdre ce carbone assez rapidement. C’est un problème important.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, nous avons dépassé le pic des sols au cours des deux ou trois dernières années. C’est le stade où nous ne pouvons plus remplacer nos terres vouées à la production alimentaire aussi rapidement que nous les perdons. Nous perdons des terres au rythme d’environ un demi pour cent par an depuis 1960. Selon les prévisions de la FAO, la population augmentera d’environ 2,4 milliards de personnes au cours des 60 prochaines années avant d’atteindre le pic démographique. Donc, si nous prenons ces chiffres, nous gagnerons 2,4 milliards de personnes, mais nous perdrons encore 30 % de notre capacité de production alimentaire. Est-ce urgent?

Le sénateur McNair : Je vous remercie.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup. C’est un véritable honneur pour moi d’être en présence de nos trois distingués témoins qui cumulent une telle somme de connaissances, d’expérience et de passion.

Cette question s’adresse à tous nos témoins, mais plus particulièrement à Mme Hannam. Elle concerne le plan environnemental de 25 ans du gouvernement britannique qui stipule que les sols de l’Angleterre doivent être gérés de manière durable d’ici 2030 et que des mesures doivent être prises pour restaurer les sols dégradés du Royaume-Uni. J’aime cette formulation, soit un nouveau système d’investissement de fonds publics pour des biens publics qui récompensera les agriculteurs pour des résultats environnementaux tels que la protection et la régénération des sols.

Pourriez-vous nous parler un peu de la manière dont les agriculteurs britanniques sont actuellement encouragés à obtenir des résultats environnementaux liés aux pratiques de gestion de la santé des sols? Que recommandez-vous au Canada sur la base de cette expérience?

Mme Hannam : Merci pour la question.

Nous sommes en pleine mutation au Royaume-Uni, en raison de la sortie de l’Union européenne. Les programmes de gestion environnementale des terres dont vous avez parlé sont encore en élaboration et font l’objet de projets pilotes. Ces programmes sont aussi élaborés pour différentes nations au sein du Royaume‑Uni. Un programme est en voie d’élaboration en Angleterre, et il est lié aux cibles du plan d’amélioration de l’environnement visant à améliorer la gestion durable des sols d’ici à 2028. L’idée est d’encourager les agriculteurs à atteindre cet objectif au moyen de programmes de subventions qui ne concernent pas uniquement les sols, mais toute une série d’éléments différents. Essentiellement, il s’agit de remplacer le principe de la politique agricole commune, qui consistait à récompenser les agriculteurs en fonction de la superficie de leurs terres. Le nouveau programme encourage en fait les agriculteurs à fournir des biens publics pour des services publics.

Comme je l’ai dit, les programmes eux-mêmes sont en élaboration. Certains sont explicitement liés aux sols et à des pratiques précises, essentiellement bénéfiques pour les sols, comme l’incorporation de cultures de couverture et de manteaux herbacés dans différents systèmes.

Les autres nations adoptent une approche similaire. Au pays de Galles, on trouve un programme similaire, mais la priorité est légèrement différente. Il a été conçu en collaboration avec certains agriculteurs. Là encore, le fin détail des mesures visant les sols n’est pas encore arrêté pour ces programmes. L’idée est que pour atteindre ces cibles précises, les agriculteurs qui participent à ces programmes devraient bénéficier de retombées liées à la santé des sols, car on les encourage à adopter ce type de pratiques.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup.

Mme Wensley ou M. Lobb voudraient-ils nous parler des types de systèmes, ou compléter ce qui a été dit à leur sujet, qui prévoient d’accorder des fonds publics pour des biens publics, pour reprendre l’expression britannique, en récompensant les agriculteurs pour leurs résultats environnementaux? Pourriez-vous nous parler de l’expérience australienne en la matière?

Mme Wensley : Merci, madame Burey, pour cette question. Elle retient beaucoup l’attention en Australie, et certaines régions sont plus avancées que d’autres en ce qui concerne les encouragements à une saine gestion des terres. Nous sommes assez avancés dans le domaine des crédits carbone, bien qu’il existe des régimes assez détaillés en rapport avec ce qu’on appelle les unités de crédit carbone australiennes, les ACCU, mais dans l’ensemble, en Australie, on accorde beaucoup d’attention aux encouragements financiers.

Il ne s’agit pas toujours de fonds publics. Différents organismes, dont certains à but non lucratif, se sont forgé une solide réputation dans le domaine des crédits. Le gouvernement fédéral met désormais l’accent sur la réparation de la nature et sur l’octroi de crédits aux agriculteurs qui modifient leurs pratiques et font preuve d’une meilleure gestion des sols, mais ce n’est pas encore tout à fait au point. Je serais très heureuse de faire parvenir à la greffière des renseignements sur ce programme, qui est davantage géré par ce qui est désormais le ministère des Changements climatiques, de l’Énergie, de l’Environnement et de l’Eau qui rassemble tous ces éléments et fait beaucoup de travail dans le domaine des mesures d’encouragement.

Comme Don Lobb, je pense que ce sont les agriculteurs qui connaissent vraiment leurs terres et qui ne veulent probablement pas se voir imposer un cadre législatif, de sorte que la question des encouragements financiers est vraiment importante. Au bureau de la défenseure nationale des sols, nous avons organisé un forum politique sur ce sujet. Je le répète, je serais très heureuse de vous faire parvenir certains documents issus de ce forum.

La sénatrice Burey : Je vous remercie.

M. Lobb : Le meilleur encouragement que j’ai eu a été... nous avons mené une étude économique assez approfondie sur les modifications que j’ai mises en œuvre au fil des ans et nous avons constaté que les pratiques qui étaient les plus efficaces en matière de conservation étaient aussi les plus rentables. D’une manière ou d’une autre, nous devons faire progresser un plus grand nombre d’agriculteurs au-delà du stade où l’on vit une bioréinitialisation lorsqu’on commence à réduire le travail du sol que l’on fait. Compte tenu des prélèvements effectués sur les différentes denrées dans ce pays, je ne comprends pas pourquoi on ne réserve pas un pourcentage pour récompenser l’amélioration des sols. Chaque denrée pour laquelle un prélèvement est effectué commence par le sol, et pourtant, il n’y a aucun moyen de mettre en œuvre un prélèvement sur le sol. Ce n’est pas un produit que nous commercialisons.

Il est possible de travailler avec les municipalités et les provinces pour instaurer un système lié à la propriété foncière, aux taxes foncières et aux encouragements. C’est un système plus compliqué, mais qui confère une certaine responsabilité au propriétaire foncier. Je pense que c’est une bonne chose, car le propriétaire foncier participerait alors dans son propre intérêt au processus visant à garantir la mise en place de bonnes pratiques. Il en a déjà été question aujourd’hui.

Plusieurs concepts différents sont possibles. C’est un point sur lequel nous devons vraiment travailler. Nous devons récompenser d’une quelconque façon les mesures positives afin de donner aux gens le temps de mettre en place de nouvelles pratiques, car il faut quatre générations avant qu’une nouvelle pratique ne soit adoptée avec certitude.

Le président : Merci.

La sénatrice Robinson : Ma question s’adresse à M. Lobb. J’ai bien aimé votre réponse sur l’urgence. Nous venons d’entendre des témoins qui ont exprimé des préoccupations au sujet de l’accès aux terres, et si nous pensons à la disparition des terres, il est intéressant de ne pas limiter la discussion à la concurrence dans le secteur agricole et de nous demander qui exploite les terres et comment elles sont exploitées.

Vous avez évoqué toutes les autres pressions exercées par le développement sur la disparition des terres. Je pense que nous pourrions en parler très longuement, mais il est vraiment important de souligner qu’il y a certains enjeux liés à l’aménagement du territoire et à la rentabilité dont nous pourrions parler très longuement. Je ne connais aucun agriculteur qui vendrait ses terres si son exploitation pouvait être rentable. Nous voyons la pression financière exercée sur les terres — et comme vous l’avez dit, lorsque les gens se sont installés ici, les gens qui sont venus après, nous nous sommes installés là où nous trouvions les sols les plus productifs parce que c’est là que nous pouvions manger, que nous pouvions produire de la nourriture et vraiment prospérer.

Ma question est différente. Vous avez mentionné l’étude Nos sols dégradés de 1984, qui est, si je ne me trompe pas, l’année où le sénateur McNair a commencé à exercer le droit. Dans ce contexte, vous avez évoqué quelques programmes qui ont duré trois ou quatre ans et qui ont ensuite disparu. Dans ces trois ou quatre années, dans ces programmes, je me demande si vous y trouvez certains éléments qui étaient très utiles et que nous devrions connaître et essayer de rétablir?

M. Lobb : Il y a les deux composantes du Programme national de conservation des sols, instauré en 1989, et c’est de là que les fonds proviennent en réalité. J’ai participé à la distribution de ces fonds, à savoir le Programme d’établissement d’une couverture végétale permanente et le Plan vert. Ces programmes étaient utiles, mais il aurait fallu les maintenir, car ils permettaient d’acheter de l’équipement et ce genre de choses. Dix ans après, les gens ne le faisaient plus parce que le prix des cultures avait augmenté, et chaque fois que les prix augmentent, les agriculteurs ne dépensent pas l’argent pour améliorer les sols, ils achètent du métal, parce que c’est dans le métal que résident nos symboles de statut. Plus gros, plus rapide, plus récent, et l’une des façons d’en faire la preuve est d’acheter du métal plus gros et plus récent. C’est ce qui s’est passé dans les années 1920, dans les années 1970 et de nouveau il y a quelques dizaines d’années.

Nous avons besoin de programmes qui continuent à récompenser la saine gestion des sols avec quelque chose qui ressemble au Programme d’établissement d’une couverture végétale permanente ou à la culture sans travail du sol, sauf dans la zone de semis et ce genre de choses. M. Andjelic en a parlé. Il faut que ces programmes durent. Ce n’est pas un coût pour le contribuable, c’est un investissement dans l’avenir de notre sécurité alimentaire, et c’est un investissement stratégique parce que, face aux pressions dont nous parlions il y a quelques instants, le Canada est l’un des rares pays qui disposent à la fois de bons sols et d’un approvisionnement en eau suffisant, et nous serons soumis à des pressions extrêmes au cours des deux prochaines générations.

La sénatrice Robinson : Nous venons de différentes régions du pays et nous avons tous deux des antécédents agricoles, et je voudrais dire que lorsque j’ai grandi dans les années 1970 et 1980, les secrets étaient bien gardés. Si nous réussissions à avoir une très bonne production dans notre ferme, nous n’en parlions pas à notre voisin parce qu’il était notre concurrent. Ce que je constate de nos jours dans ma région, c’est que l’on reconnaît que la concurrence s’exerce bien au-delà de notre région, de sorte qu’au lieu d’être en concurrence avec votre voisin, vous êtes en fait des collaborateurs. Je vois des groupes d’agriculteurs dans la trentaine, la quarantaine et la cinquantaine se réunir, échanger de l’information et reconnaître que nous alimentons tous le même bassin. Nous avons aussi des zones tampons obligatoires et des choses du genre, qui font l’envie d’autres provinces. L’Île-du-Prince-Édouard a accompli un travail remarquable en raison de la fragilité de ses sols et du fait que le semis direct n’est pas vraiment une option pour les cultures que nous pratiquons à grande échelle sur l’Île-du-Prince-Édouard.

On reconnaît aujourd’hui la valeur d’une culture de couverture, d’un engrais vert, d’une année de jachère, des biofumigants et de toutes ces choses, et cette reconnaissance se répercute sur le bilan. En fin de compte, les agriculteurs sont des gens d’affaires. Beaucoup d’entre eux prennent de mauvaises décisions parce qu’ils deviennent émotifs en pensant à leur patrimoine et à ce qu’ils font, mais nous tournons une page, si cela peut vous encourager.

M. Lobb : Des travaux sont en cours sur la culture de la pomme de terre sans travail du sol.

La sénatrice Robinson : Oui, en Allemagne ou en Belgique.

M. Lobb : C’est ainsi qu’elles poussent naturellement.

La sénatrice Robinson : Avec un travail limité du sol, pas sans travail du sol.

M. Lobb : Oui, sans travail du sol.

La sénatrice Robinson : Très bien.

Le président : J’ai quelques autres questions. Je pense que c’est important au moment où nous terminons cette étude. J’aimerais en entendre parler une fois de plus. S’il vous plaît, faites de votre mieux, mesdames Hannam et Wensley et monsieur Lobb. Dites-nous ce que vous pensez de la direction à prendre. Faites-nous une synthèse de deux minutes. Vos messages sont plus importants que mes questions.

Mme Hannam : Merci. Je voudrais réitérer les trois points que j’ai soulevés au début. Nous voulons y revenir. Mme Wensley l’a mentionné elle aussi : essayez de réfléchir à la manière dont nous pouvons déterminer l’orientation pour les sols au Canada, une orientation qui peut ensuite filtrer dans les systèmes provinciaux également.

Fondamentalement, il s’agit de réfléchir aux principales mesures d’encouragement qui permettront aux agriculteurs de faire la transition vers d’autres types de pratiques. S’agit-il d’une combinaison d’encouragements publics, de financement public, mais aussi du secteur privé? Je pense que vous avez reçu des témoins qui envisagent aussi des options de financement vert. C’est la voie qu’emprunte le gouvernement britannique pour combiner ces encouragements financiers afin que les agriculteurs adoptent ce type de pratiques. Le Canada doit faire filtrer l’information pour favoriser l’approche ascendante dont il vient d’être question par les agriculteurs, tout en valorisant les réseaux de pairs et en veillant à ce que l’information soit contextuelle pour eux. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci.

Mme Wensley : Merci. Je pense qu’il ressort clairement de ce que j’ai dit que je vois la nécessité d’une stratégie nationale globale qui définit les sols comme un actif stratégique national. Je pense également qu’il faut avoir une perspective à long terme. Notre nouvelle stratégie des sols s’étend sur 20 ans.

Il y a un vrai problème, et Don Lobb l’a illustré, à savoir qu’on lance des programmes qui ne durent pas. Il faut un plan à long terme avec des jalons établis et des examens. C’est très important, surtout en raison de la nature discontinue de la politique, des élections et des changements.

Il faut vraiment établir un cadre global avec des cibles, des échéanciers et des dispositions d’examen. Je le répète, il est indispensable de mettre en place un programme de sensibilisation du public pour convaincre tout le monde que c’est important pour tous les Canadiens.

Le président : Merci beaucoup.

M. Lobb : Je souhaite que le rapport désigne les agrégats stables à l’eau comme la mesure ultime de la santé des sols. Cristine Morgan a exprimé le même souhait lorsqu’elle a témoigné devant vous il y a environ un mois. Lorsque les sols sont dans cet état, tous les éléments qui contribuent à la santé des sols doivent être en place. Nous obtenons ainsi des agrégats stables à l’eau qui doivent être établis, augmentés ou maintenus.

Les agrégats stables à l’eau sont ceux que l’on trouve dans l’environnement naturel. Lorsque ces agrégats sont présents, il n’y a pas d’érosion éolienne ou hydrique. La capacité d’infiltration et de stockage de l’eau dans le sol est maximale. Je l’ai constaté dans ma propre ferme en 1993. Il a fallu 30 ans pour que les chercheurs le comprennent. Depuis, je n’ai pas cessé de promouvoir cette idée.

La chose la plus importante qui serait utile dans ce rapport est d’y intégrer une éthique basée sur l’utilisation des sols des terres arables comme un privilège qui s’accompagne de responsabilités.

Le président : Merci, monsieur Lobb.

Mesdames Hannam et Wensley et monsieur Lobb, je tiens à vous remercier pour votre participation. Nous vous sommes très reconnaissants de l’aide que vous nous avez apportée dans notre étude.

Je tiens à remercier les membres du comité pour leur participation active et leurs questions éclairées et, comme j’aime toujours le faire, je tiens à remercier le personnel qui nous soutient, en l’occurrence les interprètes, l’équipe des débats qui transcrit la réunion, le préposé à la salle de réunion, le technicien des services multimédias, le centre d’enregistrement, la Direction des services de l’information et notre page, notre greffière et nos analystes bibliothécaires. Merci beaucoup à tous. Notre analyste bibliothécaire habituelle suit la séance en ligne et a conversé avec notre greffière, lui disant qu’elle aurait aimé être présente.

Enfin, et ce n’est certainement pas le moins important, je tiens à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont joué un rôle dans notre étude sur l’état de la santé des sols au Canada. À tous ceux qui ont témoigné ici à Ottawa, en mode virtuel de tout le pays et, dans certains cas, du monde entier, je dis merci beaucoup. Merci à tous ceux qui ont généreusement fait profiter notre comité de leurs idées, que ce soit en témoignant ou en soumettant des mémoires et d’autres documents. Chacun d’entre vous a marqué cette étude d’une empreinte indélébile et percutante. J’invite tous ceux qui ont participé à cette étude à être fiers du rôle essentiel qu’ils ont joué. Votre dévouement à faire progresser notre compréhension de la santé des sols au Canada et votre engagement à améliorer l’agriculture canadienne sont admirables.

Je tiens également à remercier mes collègues ici présents ainsi que les anciens membres qui ont fait partie intégrante de cette étude. Votre participation active et votre dévouement à la promotion de la santé des sols sont vraiment louables. Je vous remercie d’avoir participé à des discussions pertinentes au cours de ces 18 ou 19 mois et d’avoir posé des questions qui incitent à la réflexion. Puissions-nous continuer à défendre la cause de la santé des sols et de la durabilité de l’agriculture avec la même passion et la même détermination que celles qui ont caractérisé nos collaborations jusqu’à présent. Merci d’avoir été des participants indispensables au cheminement de notre étude.

Notre prochaine réunion est prévue le mardi 19 mars à 18 h 30. Comme il n’y a pas d’autres questions à examiner, je lève la séance.

(La séance est levée.)

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