LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 19 septembre 2024
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles).
Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bon retour à tous. J’espère que vous avez eu un bel été. Je ne sais pas si vous êtes de cet avis, mais j’ai l’impression qu’il est passé à toute vitesse. J’espère que vous avez eu du bon temps avec votre famille et vos amis.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à de nouveaux sénateurs : la sénatrice McBean, qui n’est pas ici aujourd’hui, mais qui se joindra au comité, ainsi que la sénatrice Oudar, la sénatrice Marshall, le sénateur Richards et le sénateur Plett, qui est membre d’office. Je crois que le sénateur Kutcher se joindra à nous en remplacement du sénateur McNair aujourd’hui seulement.
Il y a aussi les autres sénateurs qui siègent déjà au comité, dont la sénatrice Sorensen, à qui je souhaite la bienvenue. C’est formidable de nous retrouver tous ici et d’accueillir les nouveaux sénateurs. Je sais que vous êtes là parce que ce comité est le meilleur et le plus stimulant. C’est ce que j’ai entendu, à tout le moins.
Avant de commencer, j’aimerais demander à tous les sénateurs et aux autres participants en personne de consulter les cartes qui se trouvent sur la table devant eux, où figurent des directives visant à prévenir les incidents de rétroaction audio. Veuillez toujours tenir vos écouteurs à distance des micros. Lorsque vous n’utilisez pas vos écouteurs, placez-les face vers le bas sur la table. Cela va nous aider à protéger les traducteurs et les gens qui nous écoutent à distance.
Je souhaite la bienvenue aux membres du comité, ainsi qu’à nos témoins et à ceux qui suivent cette séance en ligne. Je m’appelle Rob Black, sénateur de l’Ontario, et je suis le président de ce comité. Avant d’entendre les témoins, j’aimerais demander à tous les sénateurs présents autour de la table de se présenter. Nous allons commencer par notre vice-présidente.
La sénatrice Simons : Bonjour. Je suis la sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, et je viens du territoire du Traité no 6.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Bonjour. Pierre Dalphond, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, du territoire du Traité no 7 en Alberta.
La sénatrice Burey : Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, du Québec. Bienvenue.
[Traduction]
Le sénateur Klyne : Bonjour. Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan, du territoire du Traité no 4.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.
Le sénateur Richards : Dave Richards, Nouveau-Brunswick.
Le président : Merci.
Le comité poursuit aujourd’hui son étude du projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles). Dans notre premier groupe de témoins, nous entendrons des représentants d’organisations de producteurs au sujet du projet de loi. Nous accueillons Tim Klompmaker, président et Michael Laliberté, chef de la direction des Producteurs de poulet du Canada. Nous accueillons par vidéoconférence, de l’Alberta, Darren Ference, président, et Maegan MacKimmie, gestionnaire, Communication d’entreprise, des Éleveurs de dindon du Canada. Nous accueillons également René Roy, président, et Gabriela Guigou, directrice, Santé animale, du Conseil canadien du porc.
Nous allons commencer par entendre le représentant des Producteurs de poulet du Canada, ou PPC, puis celui des Éleveurs de dindon du Canada, ou ÉDC, et enfin, celui du Conseil canadien du porc. Vous disposez chacun de cinq minutes pour vos présentations. Lorsqu’il vous restera une minute, je lèverai la main. Lorsque j’aurai les deux mains levées, vous saurez qu’il est temps de conclure.
Monsieur Klompmaker, vous avez la parole.
Tim Klompmaker, président, Producteurs de poulet du Canada : Bonjour. Je fais partie de la troisième génération d’une famille d’éleveurs de poulets de Norwood, en Ontario, et je suis le président des Producteurs de poulet du Canada. Je suis accompagné de Michael Laliberté, chef de la direction de notre organisation. Nous tenons à remercier le comité de se pencher sur les modifications proposées à la Loi sur la santé des animaux. Nous sommes également reconnaissants au député Barlow de défendre les agriculteurs.
Depuis plusieurs années, les agriculteurs craignent les intrusions possibles sur leurs propriétés et dans leurs installations. Dans la plupart des cas, les intrus activistes entrent illégalement dans l’intention de faire du mal. Ce qu’ils considèrent comme un geste pour sauver les animaux est en réalité une protestation contre l’engagement des agriculteurs à produire des aliments salubres.
Nous comprenons donc que le projet de loi C-275 vise deux objectifs pour notre secteur, à savoir protéger les agriculteurs et les animaux dont ils ont la charge contre les menaces des activistes, tout en maintenant la biosécurité dans les exploitations agricoles.
Assurer le soin et le bien-être appropriés des volailles élevées par les producteurs de poulet canadiens est une priorité absolue pour notre secteur. Nous sommes fiers de notre approche novatrice de longue date en matière de soins des animaux, comme en témoigne notre Programme de soins aux animaux, auquel il est obligatoire d’adhérer et qui est vérifié par une tierce partie. Le Programme de soins aux animaux pour le poulet canadien a une base solide et crédible fondée sur des données scientifiques. Il repose sur les codes de pratiques élaborés par le Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage, et nous sommes fiers que tous nos agriculteurs s’y conforment.
Les Producteurs de poulet du Canada ont également un Programme de salubrité des aliments à la ferme reconnu par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, qui comporte des normes élevées en matière de biosécurité et de prévention des maladies. Les PPC ont été la première organisation nationale à obtenir la pleine reconnaissance du gouvernement en 2013, et la totalité de nos agriculteurs sont certifiés.
Le programme prévoit des mesures strictes à la ferme pour prévenir les infections provenant de sources externes, y compris des exigences en matière de biosécurité, de prévention des maladies, de gestion et d’analyse des aliments des animaux et de l’eau, ainsi que de tenue obligatoire de registres. Des processus diligents, comme l’inscription des visiteurs à la ferme, le port de combinaisons et de bottes spéciales à l’intérieur des poulaillers et des rapports de troupeau minutieux, font partie des nombreuses étapes à suivre pour garantir la salubrité du poulet pour les Canadiens.
Ces programmes, de même que la confiance que les Canadiens accordent aux agriculteurs, comptent parmi les nombreuses raisons pour lesquelles le poulet est la protéine animale la plus importante au Canada. Nos programmes permettent d’informer les Canadiens sur la façon dont leurs aliments sont élevés et renforcent la confiance des consommateurs à l’égard des messages des agriculteurs, par opposition aux discours des activistes. Je suis fier d’assurer un suivi étroit de ces programmes.
Il ne faut pas oublier que je possède une entreprise agricole, que j’exploite de la même façon que toute autre entreprise. J’ai des procédures et des protocoles en place, qui comprennent des politiques de sécurité, j’atténue et gère les risques et je travaille fort pour offrir un produit de grande qualité aux Canadiens. L’agriculture est mon entreprise, mais ma ferme est aussi ma maison. C’est là que ma femme et moi avons élevé nos trois fils et où nous travaillons ensemble aujourd’hui. Notre maison — et notre ferme — est à la fois un lieu de travail et de rencontre pour notre famille, y compris nos huit petits-enfants en bas âge.
Je vous encourage à tenir compte de la santé mentale des agriculteurs, du fait que ces menaces d’intrusion y contribuent négativement et compte tenu que l’adoption de ce projet de loi pourrait atténuer une partie de ce stress.
Il est bien documenté que lorsque les gens ont une meilleure santé mentale, ils sont mieux en mesure d’assurer le bien-être des animaux dont ils s’occupent. Cela repose sur le concept du « One Welfare » ou « Un seul bien-être », qui est le prolongement de l’initiative « One Health » ou « Une seule santé », qui a été adoptée par les gouvernements et l’industrie à l’échelle mondiale.
Ces intrusions ébranlent le sentiment de sécurité des agriculteurs et représentent un manque de respect de leur vie privée, suscitent de profondes préoccupations au sujet de la biosécurité et s’apparentent à une attaque constante contre nos moyens de subsistance.
Je vais changer de sujet pour être certain de pouvoir me rendre à la fin de mon exposé.
Je sais que des détracteurs pourraient soulever des questions au sujet du droit de manifester ou des lois qui sont déjà en place pour poursuivre les intrus, mais dans le cadre de l’étude de ce projet de loi, je veux que vous pensiez à moi et aux milliers d’autres éleveurs qui travaillent fort chaque jour pour veiller à élever avec soin des aliments salubres pour les Canadiens.
Je vous remercie de votre temps et de l’étude que vous faites du projet de loi C-275. Nous espérons que vous appuierez cet important moyen de défense des agriculteurs et des pratiques à la ferme qui protègent notre système alimentaire. Si ce sujet vous interpelle et si vous voulez savoir comment les poulets sont élevés au Canada, je serai heureux de vous accueillir sur ma ferme. Sénateur Black, si vous voulez revenir nous visiter, vous êtes le bienvenu. Merci.
Le président : Merci. Monsieur Ference, vous avez la parole.
Darren Ference, président, Les éleveurs de dindon du Canada : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux d’avoir l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui, au nom des Éleveurs de dindon du Canada, ou ÉDC, au sujet de l’importance du projet de loi C-275 pour la biosécurité dans les fermes.
Je m’appelle Darren Ference et je suis accompagné aujourd’hui de Maegan MacKimmie, qui fait partie du personnel des ÉDC. Je suis éleveur de dindons en Alberta et président des Éleveurs de dindon du Canada. J’élève des animaux et je possède environ 3 500 acres de terres cultivées.
Comme j’ai investi dans le bien-être de nos dindons et dans la longévité de notre industrie, j’appuie ce projet de loi sans réserve. Il est essentiel pour protéger la santé de nos animaux, en empêchant l’accès non autorisé aux fermes, et pour mettre les agriculteurs canadiens à l’abri de situations néfastes, comme la compromission des protocoles de biosécurité.
Cela revêt une importance primordiale aujourd’hui. L’industrie du dindon subit des pressions importantes en raison de la propagation de maladies animales de l’étranger, comme l’influenza aviaire hautement pathogène, ou IAHP, le réovirus et le métapneumovirus, qui ont récemment été détectés au Canada.
La biosécurité est une priorité absolue, les maladies en question présentant un risque pour le bien-être de nos dindons, mais pouvant également décimer des troupeaux entiers. Notre industrie subit les répercussions de l’IAHP depuis plusieurs années. Les éclosions d’influenza aviaire peuvent entraîner une mortalité généralisée chez les oiseaux et des pertes économiques importantes pour les agriculteurs. À cela s’ajoute la menace d’autres maladies animales qui inquiètent les éleveurs de dindons.
L’un de mes objectifs en tant qu’éleveur de dindons est d’assurer la santé et le bien-être de nos animaux, tout en fournissant des aliments salubres aux Canadiens. Pour les éleveurs de dindon du Canada, le bien-être des animaux et la salubrité des aliments passent par deux programmes nationaux de salubrité des aliments à la ferme des ÉDC, auxquels ils ont l’obligation d’adhérer. Les deux programmes font l’objet d’un examen annuel par des vérificateurs qualifiés à la ferme. Le Programme de salubrité des aliments à la ferme des ÉDC est axé sur le contrôle des agents pathogènes dans les fermes, la réduction au minimum de la transmission des maladies dans les troupeaux de dindons, et l’assurance que les dindons commercialisés sont exempts de résidus de médicaments et d’autres résidus chimiques. Ce programme a obtenu l’aval du gouvernement dans le cadre du Programme de reconnaissance de la salubrité des aliments de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, ou ACIA.
Le Programme de soin des troupeaux des ÉDC confirme l’engagement des éleveurs de dindons canadiens à assurer le soin et le traitement respectueux de leurs oiseaux. Les vérificateurs tiers ont constaté que ce programme a été mis en œuvre efficacement et maintenu de façon continue, et que les mesures de soin des animaux sont appliquées de façon uniforme.
Les intrus et les visiteurs inconnus dans les fermes mettent ces protocoles à risque, exposant potentiellement les dindons à des pathogènes inconnus et à un stress accru. Les agriculteurs prennent grand soin de maintenir une atmosphère constante dans leurs installations et d’assurer la sécurité des oiseaux, la propreté des installations et l’atténuation des facteurs de stress. Lorsque des personnes entrent dans une propriété agricole sans autorisation, elles mettent directement en péril la santé et le bien‑être des oiseaux qui s’y trouvent. Pour les agriculteurs, la capacité de vendre l’ensemble du troupeau pourrait être touchée, et des restrictions de mouvement pourraient être imposées aux fermes avoisinantes, ce qui pourrait également avoir des répercussions sur leurs activités. Bien que je respecte le droit des gens d’exprimer leur opinion, l’entrée non autorisée dans les fermes présente de nombreux risques.
Permettez-moi de vous faire part d’une expérience d’un autre éleveur de dindons, qui fait ressortir l’urgence de la question. En 2019, cet agriculteur est entré dans son poulailler et y a découvert plus de 30 personnes d’une organisation militante qui s’y étaient introduites par effraction. Bien qu’il ait été confronté à des intrus qui se trouvaient sur une propriété privée et qui violaient les protocoles de biosécurité, le producteur de dindons a géré la situation avec calme en faisant preuve de transparence et en expliquant les programmes de salubrité des aliments à la ferme des ÉDC destinés à assurer le bien-être des oiseaux. Il n’en reste pas moins que les introductions par effraction violent non seulement la biosécurité à la ferme en mettant nos dindons en danger, mais ont aussi des répercussions négatives sur les agriculteurs et leurs familles et nuisent de façon importante à leur sentiment de sécurité et de bien-être.
En conclusion, le projet de loi C-275 est une mesure législative essentielle qui renforcera la biosécurité et protégera la santé et le bien-être des animaux, ainsi que la sécurité du personnel agricole. En tant qu’éleveur de dindons profondément attaché au bien-être de mes animaux et au succès de notre industrie, je vous exhorte à appuyer ce projet de loi et à travailler à son adoption rapide. Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Ference. La parole va maintenant à M. Roy.
René Roy, président, Conseil canadien du porc : Merci de l’invitation, monsieur le président, et merci aux membres du comité pour leur travail concernant cet enjeu.
[Français]
Je m’appelle René Roy, je suis président du Conseil canadien du porc et je suis aussi producteur de porc dans la province de Québec. Je suis accompagné de Gabriela Guigou, directrice, Santé animale.
[Traduction]
Nous appuyons ce projet de loi pour trois raisons principales...
Le président : Nous allons arrêter le chronomètre. Avons-nous...
La sénatrice Burey : Le problème est peut-être de mon côté. Continuez, et je vais trouver une solution.
M. Roy : Je peux traduire ce que j’ai dit. En résumé, je suis un producteur du Québec. Je vais poursuivre mon intervention.
Nous appuyons cette loi pour trois raisons principales. Premièrement, cela nous aidera à endiguer le flux de désinformation qui prévaut dans certains recoins d’Internet. Des vidéos prises dans des fermes non canadiennes ont été utilisées pour justifier ce genre d’activités, et cela doit cesser.
Deuxièmement, il existe des mécanismes pour les personnes qui ont des préoccupations légitimes. Nos organisations porcines provinciales travaillent en étroite collaboration avec les organismes de réglementation provinciaux pour s’assurer que les animaux sont bien traités. Il y a un processus à respecter.
Imaginez s’il était soudainement légal pour des protestataires d’entrer dans une banque et de commencer à prendre des photos des personnes qui y travaillent, ces protestataires ayant décidé qu’ils s’y connaissent mieux que ces personnes ou que les services bancaires ne devraient plus exister.
[Français]
En effet, honorables sénateurs, cela pourrait même s’appliquer à vous et à votre lieu de travail si nous acceptons l’argument selon lequel chacun peut décider de ce qui est acceptable en ce qui a trait à la violation d’un site sécurisé. C’est le combat que nous menons.
[Traduction]
Troisièmement, les menaces à la biosécurité sont réelles. Nos producteurs doivent prendre une douche avant d’entrer dans leurs fermes et lorsqu’ils en sortent, et nous avons établi des protocoles de biosécurité parce que les maladies introduites par les humains sont nocives pour nos animaux. Des panneaux d’arrêt et d’autres avis sont installés dans nos fermes pour informer les gens de nos périmètres de biosécurité.
Il n’y a actuellement pas de règles empêchant les gens de faire fi de nos mesures de biosécurité au niveau fédéral, et de telles règles sont rares au niveau provincial. Nous nous attendons à ce que nos partenaires des organisations légitimes de protection des animaux se joignent à nous pour appuyer les efforts visant à assurer la sécurité des animaux.
Il ne s’agit pas du droit de certains groupes de parler d’agriculture. Il s’agit de protéger les pratiques de biosécurité que nous avons établies en tant qu’industrie, des groupes agissant comme s’ils étaient autorisés à décider comme bon leur semble quelles pratiques ils respecteront ou non.
Nous serons heureux de répondre à vos questions et nous vous remercions de votre attention.
Le président : Merci beaucoup à nos témoins de leurs témoignages.
Nous allons passer aux questions. J’ai ici une liste, en commençant par notre vice-présidente, la sénatrice Simons.
La sénatrice Simons : Mes premières questions s’adressent à M. Ference et M. Klompmaker.
Pouvez-vous nous parler de la situation actuelle au Canada en ce qui concerne les éclosions d’influenza aviaire et cette nouvelle maladie qui, si j’ai bien compris, est plus susceptible de toucher les dindons que les poulets, le métapneumovirus aviaire? C’est bien d’avoir un médecin dans la salle. Quelle est l’étendue de ces éclosions? Proviennent-elles principalement des oiseaux sauvages?
M. Klompmaker : L’influenza aviaire comporte un lien avec les oiseaux migrateurs, évidemment. Bien que nous ayons eu très peu de cas au cours de l’été, l’approche de la saison migratoire de l’automne nous préoccupe énormément. Nous allons renforcer de nouveau les mesures de biosécurité dans les exploitations agricoles et nous allons commencer à voir des camions de livraison d’aliments ou tout autre type de camion de livraison s’arrêter lorsqu’ils arrivent pour que leurs pneus puissent être aspergés de désinfectant avant de pouvoir entrer.
Cela représente de toute évidence une menace pour nous, mais le nombre de cas est certainement inférieur à ce que nous avons connu au cours des années précédentes, ce qui est positif pour nos producteurs. Je vais laisser M. Ference répondre également, si vous le voulez bien.
M. Ference : Bien sûr, je peux aussi faire un commentaire. Comme l’a dit M. Klompmaker, l’influenza aviaire semble s’être atténuée un peu, et nous avons eu moins de cas, ce qui est très encourageant. Le virus suit la trajectoire migratoire des oiseaux, et c’est pourquoi je crois que l’Alberta a été l’une des provinces les plus durement touchées, car on y retrouve deux ou trois routes migratoires, où se mélangent les différents troupeaux d’oiseaux qui les empruntent.
En ce qui concerne le métapneumovirus, on le retrouve en Ontario et au Québec. Je pense que sa transmission passe par les oiseaux sauvages, mais il se transmet également autrement, et c’est pourquoi il est très important d’accroître la biosécurité tout au long de l’année. Nous ne prenons peut-être pas de douche, mais nous changeons de vêtements et de bottes entre les installations. Chaque poulailler a son propre ensemble de chaussures, et des protocoles doivent être suivis entre les installations où se trouvent les jeunes oiseaux et les oiseaux plus âgés, de sorte qu’il n’y ait pas de transmission. Les fermes qui, comme la mienne, ont plusieurs espèces — j’ai du poulet et du dindon — doivent s’assurer qu’il n’y a pas de contamination croisée en raison des différentes maladies ou des différents éléments qui peuvent se déplacer entre les élevages.
La sénatrice Simons : À votre connaissance, y a-t-il eu des cas au Canada où des manifestants ont apporté avec eux l’un ou l’autre de ces virus dans des fermes, ou le danger réel est-il plus organique?
M. Klompmaker : Je ne pense pas qu’il y ait de cas documentés de manifestants qui ont effectivement introduit des maladies dans les fermes, mais ce qui nous préoccupe, c’est qu’il y a un risque. Des personnes entrent par effraction dans les fermes, en faisant fi des panneaux d’arrêt, dont M. Roy a parlé, et en accédant à nos zones contrôlées, ce qui est déjà préoccupant. Comme je l’ai déjà dit, les pneus des camions qui entrent sont désinfectés, avant même qu’ils arrivent dans la zone d’accès contrôlé.
Les manifestants pénètrent dans cette zone d’accès contrôlé et, dans certains cas, ils entrent même dans les installations, avec la menace que cela comporte d’introduire des maladies. Il se peut qu’il n’y ait pas de cas documentés de lien direct, mais pour nous, il ne s’agit que d’une autre façon d’avoir un certain type de protection pour nous aider à nous assurer que cela ne se produise pas.
La sénatrice Simons : Monsieur Ference?
M. Ference : Eh bien, nous avons mis en place des protocoles de biosécurité pour tous nos employés et visiteurs, qu’il s’agisse de représentants de compagnies d’aliments pour animaux ou de gens de l’industrie qui entrent dans les installations. Comme M. Klompmaker l’a dit, les pneus des véhicules de ces visiteurs sont désinfectés avant qu’ils entrent dans les zones contrôlées. Les visiteurs doivent chausser des bottes et faire un suivi des fermes qu’ils ont visitées avant de venir.
Si un intrus se présente, nous ne savons pas où il se trouvait avant. Il a peut-être évité les panneaux d’arrêt et les panneaux d’interdiction d’entrée, traversé des buissons et marché dans un marécage, amenant avec lui des excréments d’oiseaux migrateurs, par exemple. Il n’y a aucun contrôle dans ce cas. Nous essayons de mettre un frein à cela pour nous assurer que certaines de ces maladies ne peuvent pas se propager.
La sénatrice Simons : Merci.
Le sénateur Plett : Merci aux témoins. Ma question s’adresse davantage aux représentants du Conseil canadien du porc qu’aux autres, mais il est certain que ceux-ci pourront intervenir, car je pense qu’une grande partie de ce que je vais demander vous concerne tous.
Dans une vie antérieure, l’entreprise que je détenais a fait énormément de travail dans des exploitations porcines, au Manitoba, qui est une grande région productrice de porcs. Mes employés me disaient : « Je n’ai plus besoin de prendre une douche avant de venir au travail, parce que je vais devoir en prendre cinq ou six pendant la journée. » En effet, ils devaient prendre une douche avant d’entrer dans une installation, en prendre une autre lorsqu’ils sortaient pour aller chercher une paire de pinces dans leur camion, et une autre encore avant de revenir dans l’installation. Nous avions également une station de lavage où les camions de ferme venaient régulièrement pour être lavés et désinfectés, avant de pouvoir se rendre dans une autre ferme. Je pense que les protocoles en place sont importants.
Les manifestants semblent dire qu’ils protestent contre la cruauté envers les animaux, alors que leurs protestations sont susceptibles d’entraîner la mort de tous les animaux qu’ils souhaitent protéger. Je trouve cela incroyablement hypocrite qu’ils protestent contre la cruauté envers les animaux, alors que ce sont eux qui présentent le plus grand danger à ce chapitre.
Monsieur Roy, si vous pouviez nous en dire un peu plus — au sujet des porcheries, bien sûr, et peut-être aussi en ce qui a trait à la volaille — concernant les pyramides qui existent et tout ce qui en fait partie et qui doit être rigoureusement contrôlé.
Si, dans une porcherie où il y a, disons, des truies enceintes, un virus quelconque devait se propager, quel serait le coût économique global pour l’ensemble des agriculteurs concernés et pour l’économie en général? Et si cela se produisait plusieurs fois, quels seraient les coûts économiques? J’invite également les éleveurs de poulets et de dindons à intervenir, car je suis certain que bon nombre de ces questions vous concernent également.
M. Roy : Merci, sénateur Plett. Je vais vous donner deux chiffres. Il y a d’abord les maladies qui sont endémiques sur notre territoire. Il y en a une qui touche notre production porcine. Cela dépend des secteurs, certains étant plus denses que d’autres en termes de production. Lorsque la maladie frappe plus d’une fois, certains de nos producteurs sont tout simplement obligés de fermer leurs installations à cause du coût associé à la maladie. Cela crée divers problèmes, des symptômes importants, et entraîne la mort de porcelets et parfois de truies. En tant que producteurs de porc, nous ne pouvons pas nous permettre que nos animaux soient malades. Le risque est bien réel.
Je vais parler du cas des zoonoses. Nous sommes conscients que certaines maladies peuvent se transmettre des animaux aux humains et vice versa. Donc, même quelqu’un qui ne vient pas du monde agricole — j’ai entendu cet argument de la part de certaines personnes —, et qui ne s’est jamais rendu dans une ferme auparavant, pourrait être porteur d’une maladie susceptible de tuer nos porcs et pourrait présenter un danger important.
À l’heure actuelle, à Ottawa, se tient un forum international sur la peste porcine africaine. Si cette maladie frappait le Canada, cela mettrait fin à nos échanges commerciaux. Notre industrie exporte environ 70 % de sa production vers le reste du monde, nourrissant des gens partout dans le monde, et cela aurait des répercussions tellement importantes que nous devrions nous inquiéter de la survie de toute notre industrie. Ce n’est qu’une maladie, mais elle mettrait fin à toute notre industrie si rien n’était fait.
Le sénateur Plett : Merci.
M. Klompmaker : Rapidement, lorsque je pense à l’influenza aviaire et aux répercussions qu’elle a eues sur nos agriculteurs, pour ce qui est des répercussions économiques, elles dépendent de la taille des exploitations touchées. Cela touche aussi les fermes voisines, parce que leurs mouvements sont limités une fois une éclosion déclarée.
C’est en grande partie une question financière, mais il y a aussi le stress mental que subissent nos agriculteurs. Des agriculteurs m’ont appelé en pleurs après avoir été frappés par l’influenza aviaire en me disant : « Je n’ai rien fait de mal, mais comment vais-je être perçu maintenant? Est-ce que je suis un pauvre agriculteur? » Je leur réponds que non, ce n’est pas cela, et qu’ils ont été malchanceux. Ce sont des choses qui arrivent. Il n’y a pas que l’aspect financier, mais aussi le stress mental.
M. Ference : J’allais ajouter quelque chose au sujet de l’aspect mental mentionné par M. Klompmaker. Nous aimons nos animaux, nous les traitons avec grand respect, et ces animaux nous font vivre. Lorsque nous sommes frappés par ces maladies, nous sommes dévastés. C’est comme si vous perdiez un membre de la famille lorsque vous perdez des parties de troupeau ou la totalité d’un troupeau, et cela est très traumatisant pour l’agriculteur.
Le président : Merci.
Le sénateur Klyne : Le projet de loi C-275 modifie la Loi sur la santé des animaux en ce qui concerne la biosécurité dans les exploitations agricoles, et j’y reviendrai dans un instant.
Pour ce qui est des intrusions, presque toutes les provinces ont adopté des lois pour lutter contre, et cinq provinces ont adopté des lois améliorées sur la propriété privée pour interdire les intrusions aux endroits où l’on garde des animaux. Est-ce que cela vient compléter la loi actuelle sur l’intrusion? Avant que vous ne répondiez à cette question — et n’importe qui peut y répondre parmi le groupe puisque ça les intéresse tous —, est-ce que cet amendement à la Loi sur la santé des animaux vient compléter la loi actuelle ou ajoute-t-elle d’autres préoccupations en matière de biosécurité?
La mention de la biosécurité dans les exploitations agricoles est un sujet important qui nécessite une attention et un soin particuliers. Les protocoles et les pratiques en place pour atténuer ou éliminer toute menace à cet égard sont tout aussi importants. D’après ce que j’ai entendu ici, j’ai l’impression que les protocoles requis ou l’objectif de ce projet de loi sont de prévenir les intrusions qui sont peu susceptibles d’observer les protocoles, particulièrement dans les zones d’accès contrôlé, et je suppose que ces consignes sont clairement épelées pour les novices.
Je suppose également que cela n’importe pas tellement dans le cas des exploitations céréalières. Ça s’appliquerait plutôt à l’agriculture mixte, combinant l’élevage de bétail et la production laitière. C’est une question.
J’ai posé deux questions : est-ce que cela va compléter la loi et pouvez-vous confirmer que cela ne s’applique probablement pas aux fermes céréalières?
Enfin, tout en sachant que les fermes d’élevage de dindons, de poulets et de produits laitiers que j’ai vues, ne se retrouvent pas au milieu de terrains de chasse étendus, je me demande si dans vos entreprises il y a des Autochtones qui demandent à chasser sur vos terres agricoles? Cet amendement sur l’intrusion va-t-il avoir une incidence là-dessus?
M. Roy : Premièrement, pour ce qui est du complément entre le provincial et le fédéral, oui, ça aide. Comme nos programmes sont d’envergure nationale, il est utile d’avoir un cadre de réglementation national.
Quant au deuxième point concernant la production céréalière, je ne peux rien dire là-dessus.
M. Klompmaker : Je ne suis pas avocat et je ne peux donc pas me prononcer sur les lois de chacune des provinces. Mais je peux dire que chaque fois qu’une mesure donne un outil supplémentaire aux agriculteurs pour protéger leur bétail contre un risque de biosécurité, c’est très positif pour nous. Cela dit, je ne parle toujours pas pour les céréaliculteurs.
Pour ce qui est de la chasse, sur notre ferme, nous ne permettons à personne de chasser. À notre avis, ce n’est tout simplement pas une bonne pratique.
M. Ference : J’ai des céréales, du bétail, des superficies étendues, et j’ai une exploitation de dindons et de poulets. Je vais répondre à la première partie. Je pense qu’il importe que cela englobe toute la région canadienne. Il y a cinq provinces qui ont adopté des lois qui relient le tout et protègent les agriculteurs du pays tout entier en matière de biosécurité.
Pour ce qui est du grain, les terres céréalières sont tout aussi sécuritaires sur le plan biologique. J’accorde tout autant d’importance à cela. Nous avons des maladies et des champignons qui poussent dans le canola. Si on a de l’équipement utilisé dans les champs de pétrole ou pour l’exploitation, on est tenu de nettoyer tout ce qui vient de la région et qui pourrait transporter ces agents pathogènes sur mes terres céréalières.
Quant à la chasse, nous la permettons. J’ai placé des affiches à chaque porte d’entrée. Chaque barrière est affichée avec mon numéro et celui de mon frère qui gère le terrain. Nous autorisons habituellement la plupart des chasseurs à se rendre sur les lieux, sous réserve qu’ils nous disent d’où ils viennent et ce qu’ils font. Nous avons aussi beaucoup de terres de la Couronne, et c’est ainsi que nous les gérons.
Le président : Merci.
[Français]
La sénatrice Oudar : Ma question s’adresse à M. Klompmaker. Le projet de loi traite de la santé des animaux. La santé et la sécurité des personnes sont aussi un sujet qui me tient à cœur, car j’ai travaillé dans ce domaine pendant les 10 dernières années de ma vie. Vous m’avez ouvert la porte lors de votre exposé en nous disant de nous soucier des enjeux de santé mentale. Merci.
Au cours des dernières années, j’ai remarqué que vous parliez davantage de la santé et du bien-être des animaux que de votre propre bien-être et de votre santé. Je suis heureuse que vous parliez de santé mentale. C’est déjà difficile pour vous de parler de santé et de sécurité, ce l’est encore davantage de parler de santé mentale. Merci de nous avoir ouvert la porte.
Je n’ai pas de question. J’aimerais céder mon temps de parole à M. Klompmaker et aux autres intervenants pour leur donner l’occasion de nous dire sur quoi ils veulent que nous nous penchions exactement lorsqu’ils nous ont encouragés à penser à la santé mentale. Merci.
[Traduction]
M. Klompmaker : Lorsque je pense à la santé mentale, ça a toujours été un problème grave à la ferme. On en parle depuis des années, mais plus encore de ces derniers temps. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la Fédération canadienne de l’agriculture, la FCA, pour renseigner les agriculteurs sur la manière d’obtenir de l’aide lorsqu’ils sont soumis à des pressions. Notre travail se poursuit, mais chaque fois que nous avons des menaces à la ferme, que ce soit de la part de groupes de défense des animaux ou d’autres, le stress ne fait que s’ajouter. Souvent, les agriculteurs sont assez fiers et hésitent à demander de l’aide. Nous les incitons donc à ne pas avoir honte de demander de l’aide s’ils souffrent de cette façon. Qu’ils sachent qu’il n’y a rien là.
[Français]
M. Roy : Pour ce qui est de la santé mentale, on a vu avec les années qu’elle est intimement liée à la santé de nos animaux, et ce, dans les deux sens. M. Klompmaker le soulignait un peu plus tôt. Lorsqu’on vit de l’incertitude sur nos fermes, il est difficile de bien s’occuper de nos animaux. Lorsque les animaux ne vont pas bien, cela nous affecte aussi, car c’est non seulement notre gagne-pain, mais pour plusieurs d’entre nous, les agriculteurs, ce sont des économies que nous prévoyons d’utiliser pour notre retraite. Ce n’est pas seulement un travail qu’on peut quitter et reprendre le lendemain. L’impact des maladies est énorme. On a appris avec le temps que si on ne s’occupait pas de nos producteurs — plus particulièrement sur le plan de l’organisation —, il y avait un impact direct sur la capacité des agriculteurs à s’occuper de leurs animaux.
Imaginez une intrusion de quelqu’un de l’extérieur. Imaginez à quel point cette incertitude crée de l’insécurité et à quel point il devient difficile de continuer à travailler efficacement sur nos fermes. Cela a un énorme impact.
[Traduction]
Le président : Monsieur Ference, avez-vous quelque chose à ajouter? Il vous reste une minute.
M. Ference : La santé mentale est un élément très important, et tout comme M. Klompmaker l’a dit, nous avons collaboré avec de nombreux programmes de santé mentale et nous les avons appuyés pour travailler avec les agriculteurs à ce chapitre. Mais comme vous le savez, il y a eu cette fameuse intrusion en 2019. Je ne peux que m’imaginer l’effet que ça me ferait d’entrer dans mon étable pour y retrouver tout ce monde assis dedans. C’est comme si je me levais le matin pour retrouver 14 personnes autour de la table. Qui dit table ou étable, peu importe. C’est du pareil au même. Les deux font partie de nos maisons, de nos structures, de tout ce qui nous tient à cœur, ainsi que de notre espace personnel et de sa biosécurité.
C’est vraiment lié à la santé mentale, mais quand des gens font irruption dans notre espace personnel, c’est comme si nous nous faisions violer et cela fait partie de cette structure également.
Toutes les fermes sont marquées par des poteaux — la plupart sont aussi clôturées, alors c’est une violation, parce qu’ils trouvent des trous, ils rampent sous les clôtures, ils franchissent les portes verrouillées ou trouvent d’autres façons d’entrer. C’est une violation de notre espace personnel.
Le président : Merci.
Le sénateur Kutcher : Merci à tous d’être ici. Votre témoignage est très apprécié.
J’ai deux questions. L’une s’adresse à M. Roy, mais je vais dire les deux en même temps, et le reste s’adresse à qui voudra bien y répondre.
Vous avez soulevé la question de la désinformation. J’aimerais que vous nous aidiez à mieux comprendre. De quelle désinformation parlez-vous? Quel est le contenu? Quel est le contexte? La provenance? Comment est-elle distribuée? Quelle est son incidence? Voilà pour la première partie.
La deuxième question s’adresse à vous tous — et elle découle du travail que certains d’entre nous avons fait autour de cette table sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous avons constaté que la façon dont les travailleurs étaient traités variait beaucoup d’une région à l’autre du pays. Certains employeurs étaient exemplaires, d’autres beaucoup moins. La question est la suivante : avez-vous une idée des différences que l’on constate au sein de l’industrie en ce qui a trait au respect des règlements à suivre pour veiller au bien-être des animaux? Avons-nous une idée de la variabilité au sein de l’industrie à cet égard? Voilà mes deux questions. Merci.
M. Roy : Merci, sénateur Kutcher. Tout d’abord, au sujet de la désinformation, nous avons eu des cas où des personnes ont affirmé être entrées dans la ferme, pour ensuite utiliser diverses images de partout dans le monde qui n’avaient rien à voir avec ce qu’elles ont vu dans la ferme, mais qui sont utilisées à des fins de lobbying et aussi pour une campagne financière. C’est de la désinformation sur ce que nous faisons, vraiment, à la ferme, et ce n’est pas représentatif de la réalité de la ferme canadienne, d’abord et avant tout.
L’impact peut être grand pour certains de nos producteurs. Par exemple, au Québec, il y a une ferme familiale qui a décidé de mettre fin à sa production porcine après une telle intrusion parce qu’elle estimait qu’elle n’était pas soutenue par la société et qu’elle n’était pas en sécurité sur sa propriété.
De plus, la famille a mentionné qu’il y a eu une maladie importante après l’incident, ce qui pourrait selon elle être attribuable au stress que l’animal a subi. Toujours est-il qu’elle a dû fermer après l’intrusion, car il y a eu des répercussions financières. Ce n’est donc pas seulement hypothétique. Les répercussions sont bien réelles.
Deuxièmement, les travailleurs étrangers temporaires font partie de notre famille. Si nous ne pouvons pas nous débrouiller seuls — nous devons bien travailler avec eux; autrement, nous ne pouvons pas bien fonctionner à la ferme. Dès que nous sommes au courant du moindre incident, nous nous en occupons parce qu’il est essentiel pour notre industrie que nous ayons un bon accès et de bonnes relations avec nos travailleurs étrangers temporaires.
Le sénateur Kutcher : Si vous me permettez d’apporter une précision, votre problème avec la désinformation, c’est qu’elle a eu un effet assez pernicieux sur les exploitations agricoles, sur les agriculteurs et, j’imagine, sur la perception du public à l’égard de l’industrie dans son ensemble.
M. Roy : Oui.
Le sénateur Kutcher : C’est donc assez pernicieux. Merci.
Je ne parlais pas des travailleurs étrangers temporaires. Je disais que lorsque nous avons étudié les travailleurs étrangers temporaires, nous avons constaté que la façon dont ils étaient traités variait. Je suis sûr que vous vous en tirez tous très bien, mais je m’interroge sur la variabilité dans les fermes en ce qui concerne le respect des règlements pour le bien-être des animaux.
M. Klompmaker : Je peux faire un commentaire à ce sujet. Certains agriculteurs ont recours à des travailleurs étrangers temporaires. C’est un peu difficile en raison de la barrière linguistique, mais on réussit à les éduquer sur les exigences de notre programme de salubrité des aliments et de notre programme de soins aux animaux, et cela fait partie des critères que les agriculteurs doivent respecter eux aussi. Tout nouvel employé à la ferme, avant même de pouvoir mettre les pieds dans l’étable, doit signer une attestation disant qu’il comprend les programmes et qu’il doit respecter toutes les procédures opérationnelles normalisées que nous avons en matière de salubrité des aliments et de soins aux animaux.
M. Ference : Je vais changer un peu de sujet. Je pense que vous cherchiez à connaître la variabilité en ce qui concerne le bien-être des animaux et la façon dont les agriculteurs suivent les règles en la matière.
Je crois avoir entendu M. Klompmaker dire que les producteurs de poulet s’y prennent à 100 % , tout comme les éleveurs de dindon. Nous faisons tous l’objet d’une vérification par des tiers. Notre transformateur vient au moins une ou deux fois par année. Nous devons être présents lors du chargement et du déchargement. Je pense que la variabilité est minime, et c’est ce que nous faisons. Tous nos agriculteurs sont certifiés à 100 % dans le cadre des programmes qui existent et qui sont reconnus par l’Agence canadienne d’inspection des aliments, l’ACIA, et d’autres organismes gouvernementaux et ils font tous l’objet d’une vérification par une tierce partie.
Le président : Merci.
La sénatrice Burey : Merci à tous d’être ici aujourd’hui et de nous avoir fait part de vos commentaires. Je sens bien votre passion pour le travail que vous faites pour fournir de la nourriture, ainsi que vos préoccupations au sujet de vos moyens de subsistance et de vos familles, surtout en ce qui concerne la santé mentale.
Pour gagner du temps, étant moi-même médecin, je m’intéresse aussi aux virus, à leur propagation. Nous avons subi la pandémie de COVID-19 et nous avons vu à quel point il était essentiel d’avoir ces protocoles en place. Dans le projet de loi précédent, le projet de loi C-205, les sanctions s’appliquaient à toute personne entrant dans un enclos d’animaux, qu’elle ait oui ou non l’autorisation ou une excuse légitime de s’y trouver.
Pensez-vous que ce libellé serait meilleur pour le projet de loi, ou devrait-il s’appliquer uniquement aux personnes qui n’ont pas le pouvoir légal d’être là? La raison pour laquelle je pose cette question, c’est qu’une personne pourrait obtenir la permission d’entrer dans l’enclos sous de faux prétextes, en mentant ou omettant des renseignements, et elle pourrait... Le projet de loi, dans sa forme actuelle, s’appliquera-t-il toujours aux personnes qui ont agi de la sorte?
Le président : Je demanderais à M. Ference de commencer, pour lui donner sa juste chance de s’exprimer.
M. Ference : Puisque vous m’en donnez la chance, sachez que j’estime que le projet de loi est valable dans sa forme actuelle, et il devrait s’agir des personnes qui entrent sans y être dûment autorisées. Si on détient la permission qu’il faut ou si on est un employé, on a également reçu une formation sur tous les protocoles. Au moment d’intégrer son poste à la ferme, on reçoit une formation sur les protocoles et les mesures de protection qui s’imposent pour la volaille, mais aussi sur les consignes à respecter pour sa propre santé.
Il y a des contaminants dans les poulaillers, notamment de la salmonelle, ce qui fait que l’hygiène personnelle, s’abstenir de consommer quoi que ce soit, et le nettoyage après la sortie, protègent les personnes également.
Ainsi, si les manifestants n’ont pas la permission d’entrer et qu’ils sont assis là avec une bouteille d’eau, ils peuvent tomber malades. Ils peuvent aussi rendre les oiseaux malades et causer des problèmes.
Ceux qui ont la permission et la formation voulues ne posent pas de problème. Ceux qui posent problème, ce sont ceux qui réussissent à entrer sans permission en invoquant de faux prétextes.
M. Klompmaker : Je ne peux pas vraiment ajouter grand-chose à ce que M. Ference a dit. Il a très bien couvert le sujet. C’est là toute la préoccupation. Ce sont les gens qui rentrent dans la ferme illégalement.
La sénatrice Marshall : Ma question porte également sur le libellé de l’amendement. Je trouve qu’une partie de la loi qui sera adoptée n’a pas l’effet souhaité ou pourrait avoir des conséquences imprévues. En l’occurrence, pourquoi utilise-t-on l’expression « risquerait vraisemblablement »? Est-ce que cela renforce ou affaiblit la loi? Pensez-vous que c’est un élément nécessaire de l’amendement?
Pour gagner du temps, monsieur le président, je me contenterais volontiers d’une seule réponse de la part d’un témoin. Je veux simplement comprendre le libellé de l’amendement.
Michael Laliberté, chef de la direction, Producteurs de poulet du Canada : Je n’ai pas de formation juridique, mais je crois que c’est bien rédigé et qu’il aura un effet dissuasif sur les activistes qui ne respectent pas les protocoles de biosécurité en place. Comme je l’ai dit, c’est un bon moyen de dissuader ces activistes.
La sénatrice Marshall : Est-ce que l’expression « vraisemblablement » s’applique à l’intrus? Quand je lis cela et que je suis un intrus qui se rend sur votre ferme pour y faire quelque chose, je peux causer de gros dégâts en pensant que ma nouvelle paire de baskets et mes nouveaux vêtements n’y seraient pour rien. Est-ce que le terme « vraisemblablement » s’applique à l’intrus?
M. Laliberté : Je ne suis pas avocat et je ne voudrais pas être celui qui interprète ce projet de loi, mais il me semble que cela s’appliquerait à quiconque se rend illégalement à la ferme.
La sénatrice Marshall : Quelqu’un peut-il me dire si cela renforce ou affaiblit le projet de loi? Devrions-nous proposer un amendement au projet de loi pour le supprimer?
M. Klompmaker : Je ne vois pas la nécessité d’un amendement.
La sénatrice Marshall : D’accord, merci.
Le sénateur Richards : Merci de votre présence. J’ai une brève question à laquelle n’importe qui peut répondre.
Savez-vous à quel point ces incursions dans les exploitations agricoles sont de plus en plus répandues depuis 10 ou 15 ans? Y a-t-il des groupes organisés qui en font sur une base mensuelle ou bimensuelle? Pouvez-vous m’en donner une idée?
M. Roy : Je peux commencer en disant qu’il y en a eu plusieurs. Les provinces qui ont adopté des règlements ont considérablement réduit le nombre d’intrusions dans ces fermes, et donc les risques de biosécurité correspondants. Nous constatons donc une migration de ces mesures d’un règlement provincial à un autre lorsque certaines provinces y donnent suite.
Pour ce qui est du taux, je ne peux pas vous donner de chiffre, mais je peux vous dire qu’au cours des trois dernières années, il y en a au moins une dizaine que je peux compter au pied levé.
Le sénateur Richards : C’est pas mal.
M. Roy : Oui, et c’est important.
Le sénateur Richards : Monsieur Klompmaker, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Klompmaker : Oui, je pourrais ajouter quelque chose.
C’est un problème auquel nous sommes régulièrement confrontés dans tout le pays. Si je m’en tiens aux deux derniers mois, un agriculteur de ma région m’a appelé au sujet d’un incident. Nous en avons un autre qui est toujours en cours. Les intrus ne rentrent pas dans la ferme, mais ils restent assis le long de la route, surveillant régulièrement nos allées et venues.
C’est le genre de choses qui se font constamment.
Le sénateur Richards : Et il y a une chance que, tôt ou tard, ils deviennent violents d’une façon ou d’une autre?
M. Klompmaker : Oui, tout à fait.
M. Ference : Comme je l’ai mentionné, en 2019, il y avait des manifestants dans une de nos fermes. Je sais qu’ils ont recommencé à manifester ces derniers temps, mais cette fois-ci sur la route. L’Alberta a adopté des lois, ce qui a peut-être contribué à les empêcher de quitter la voie publique.
Nous ne pouvons pas protester contre les manifestants dans la voie publique; c’est parfait tant qu’ils y restent et que nous avons une loi pour protéger les agriculteurs partout au Canada. Au cours des 10 dernières années, j’ai ajouté des barrières — la plupart des agriculteurs l’ont fait — et nous avons tous des affiches. Les étables sont fermées et tout est clôturé. Ces précautions ayant de plus en plus d’effet, je sais que nos amis transformateurs ont eux aussi complètement clôturé des zones autrefois totalement ouvertes. C’est parce que des gens s’infiltrent dans les usines et y causent des problèmes.
Le président : Merci.
Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse à chaque organisme. Merci d’être ici aujourd’hui.
De toute évidence, vous pensez qu’il y a un problème majeur auquel il faut s’attaquer en imposant des peines et des sanctions plus sévères. Est-ce que l’une de vos organisations a un programme pour communiquer avec ceux que vous appelez les activistes afin d’entamer le dialogue et peut-être d’organiser des visites conformes au protocole? Par exemple, les Producteurs de poulet du Canada mentionnent une ferme où il y a des gens ordinaires qui espionnent et se trouvent partout. Seriez-vous en faveur d’un dialogue ouvert et d’inviter ces organisations activistes à visiter les lieux? Il s’agirait de nous rencontrer au lieu de nous battre les uns contre les autres.
M. Klompmaker : Je vais commencer par un commentaire. Il est assez difficile de s’asseoir et d’avoir une discussion avec quelqu’un qui veut vous acculer à la faillite, car c’est là l’objectif ultime, mettre fin à l’agriculture animale. Donc, chaque fois qu’ils peuvent s’attaquer à quoi que ce soit, ils ne ratent pas l’occasion. Et ces attaques ne font que nous affaiblir chaque fois plus.
Ce sera donc peine perdue de s’asseoir avec eux parce que, comme je l’ai dit, au bout du compte, ils veulent que je fasse faillite.
M. Ference : Je suis d’accord avec M. Klompmaker. C’est leur objectif ultime, et je ne sais pas à qui il faudrait s’adresser pour en discuter avec les responsables de ces organisations.
[Français]
M. Roy : Je dirais qu’il y a aussi un spectre de perspectives. Ceux avec qui l’on peut parler et expliquer —
Le sénateur Dalphond : S’ils sont responsables de faire respecter les lois en matière de cruauté envers les animaux, par exemple, êtes-vous ouvert à ce qu’ils aillent visiter les fermes?
M. Roy : Absolument. On a des discussions avec les gens qui sont intéressés à mieux comprendre, parce qu’il y a une question d’information. On le reconnaît : il faut qu’on garde nos fermes fermées pour une question de biosécurité, mais on fait beaucoup d’efforts pour communiquer nos méthodes de production auprès du public. C’est ouvert à tous et c’est ouvert au public. Si des individus veulent voir comment cela fonctionne, on a des vidéos. On organise aussi des visites avec les députés et différentes personnes.
Le sénateur Dalphond : À Saint-Hyacinthe, dans le cas de la ferme dont vous parliez plus tôt, le ministère de l’Agriculture s’y est rendu par la suite et il y a eu plusieurs constats négatifs.
M. Roy : Oui. Dans ce cas, il y a eu des constats négatifs sur certains aspects, mais je vous dirais que les protocoles qui étaient en place — ceux qui ont été reconnus comme incorrects par le ministère —, on les a reconnus comme étant incorrects aussi. Cette partie ne garantit pas et ne permet pas de poser n’importe quel acte.
Le sénateur Dalphond : Je comprends, mais si vous aviez des contacts avec eux, vous pourriez les inviter à visiter cette ferme.
M. Roy : Absolument. On est ouvert. C’est une ouverture. Cependant, on ne peut pas le faire avec des gens qui disent : « On veut que vous arrêtiez et on vous impose d’arrêter de manger de la viande, parce que... »
Le sénateur Dalphond : C’est un autre sujet.
M. Roy : C’est le spectre dont je parlais et je voulais aussi faire des nuances.
Le sénateur Dalphond : Merci.
[Traduction]
Le président : Je tiens à remercier les témoins de leur participation et de leurs observations. Leurs témoignages ont été très utiles.
Notre deuxième groupe de témoins d’aujourd’hui, au sujet de ce projet de loi, portera sur les soins aux animaux et la justice pour les animaux. À ce sujet, nous accueillons Colleen McElwain, directrice générale, Santé animale Canada; Pierre Sadik, conseiller en affaires gouvernementales et législatives, Animal Justice; et Toolika Rastogi, directrice principale, Politiques et recherche, Humane Canada.
Nous allons commencer par entendre la représentante de Santé animale Canada, puis ceux d’Animal Justice et Humane Canada.
Colleen McElwain, directrice générale, Santé animale Canada : Bonjour et merci, honorables sénateurs, de m’accueillir aujourd’hui pour vous parler de cette importante question concernant le projet de loi C-275.
J’aimerais commencer par vous parler un peu de mon organisation, car elle est relativement nouvelle. Santé animale Canada est le seul organisme national à réunir des partenaires de l’industrie, du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux pour offrir des directives concertées et élaborer des responsabilités et des mécanismes de reddition de comptes partagés en matière de santé et de bien-être des animaux au Canada. Nos divisions opérationnelles comprennent la nouvelle Division de la gestion des urgences, le Système canadien de surveillance de la santé animale et le Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage.
Nous sommes guidés par le principe « Une seule santé et Un seul bien-être » dans notre façon de travailler au quotidien. Nous agissons en l’intégrant aux plans de préparation aux situations d’urgence, de sorte que la santé mentale des agriculteurs et des intervenants ainsi que les évaluations du bien-être des animaux font partie de ces plans. Nous appuyons également l’élaboration de pratiques exemplaires en matière de soins des animaux en ce qui concerne la santé, l’alimentation et la qualité, le logement, etc. Chacun de ces éléments est inclus dans les codes de pratique pour la manipulation et le soin des animaux d’élevage. Nous avons formulé des recommandations sur les paramètres à suivre pour appuyer la surveillance de la santé et du bien-être des animaux partout au Canada.
Passons au sujet à l’étude. Les troupeaux canadiens sont en excellente santé. C’est un fait amplement reconnu à l’échelle internationale et chez nous. Un excellent état de santé est un facteur sine qua non pour garantir la salubrité des aliments, la sécurité alimentaire, le bien-être des animaux et le commerce intérieur et international, ainsi que favoriser l’économie canadienne.
La biosécurité est un élément essentiel de la façon dont les agriculteurs canadiens veillent au maintien de cet état de choses. Les pratiques suivies pour garantir la biosécurité dans les élevages de bétail et de volaille sont efficaces pour prévenir les maladies animales exotiques, mais comme nous l’avons entendu ce matin, elles le sont également pour prévenir les maladies endémiques et onéreuses sur le plan économique. Ces deux facteurs ont poussé nos éleveurs de bétail et nos aviculteurs à adopter des programmes pour empêcher l’infiltration de ces agents pathogènes.
En ce qui concerne la préparation aux situations d’urgence, Santé animale Canada a accordé la priorité à trois maladies animales exotiques à déclaration obligatoire au niveau fédéral. Il s’agit de la peste porcine africaine, de la fièvre aphteuse et de la grippe aviaire, qui est extrêmement pathogène.
La peste porcine africaine et la fièvre aphteuse ne posent aucun risque pour la santé humaine. Cependant, elles sont très contagieuses, causant des taux élevés de maladies et de décès chez les espèces touchées. Elles auraient des conséquences commerciales dévastatrices si elles étaient détectées au Canada, ce qui aurait des répercussions aussi néfastes qu’importantes sur notre économie. On sait que les deux sont répandues dans le monde par les activités humaines. Cela signifie que la biosécurité est essentielle si l’on veut empêcher que ces pathogènes se retrouvent à l’intérieur des frontières canadiennes.
Santé animale Canada coordonne le Conseil exécutif de gestion de la peste porcine africaine, qui gère un pilier entier — un des quatre — consacré à la biosécurité. C’est important parce que les animaux, les gens et les choses se déplacent en plus grand nombre que jamais auparavant. Cela signifie que les maladies infectieuses peuvent se propager beaucoup plus facilement dans des régions toujours plus étendues.
J’ai passé les derniers jours au Forum nord-américain sur la peste porcine africaine organisé par l’Agence canadienne d’inspection des aliments, ici à Ottawa, où l’on a répété à maintes reprises que la détection de ce virus en Amérique du Nord aurait un effet dévastateur non seulement sur le Canada, mais aussi sur les États-Unis et le Mexique.
L’Union européenne a fait part des leçons tirées de son expérience des éclosions de peste porcine africaine, et le message était très clair : l’importance d’une bonne biosécurité est primordiale pour empêcher ce virus d’entrer au Canada, dans nos troupeaux de porcs ou d’y pénétrer de nouveau après l’éradication de la maladie.
Passons maintenant à d’autres maladies prioritaires qui ont orienté nos travaux au cours des dernières années. La grippe aviaire hautement pathogène H5N1 a été principalement propagée par les oiseaux sauvages. Nous en avons parlé un peu ce matin avec les autres témoins. Nous savons que l’introduction de ce virus dans les troupeaux de volaille dépend fortement de la biosécurité, ce qui signifie que les gens peuvent accidentellement apporter ce virus dans une grange sur leurs bottes et leurs vêtements. Sachant cela, l’industrie avicole travaille d’arrache-pied pour aider à atténuer ce risque autant que possible.
La détection récente du virus H5N1 chez les vaches laitières aux États-Unis serait attribuable à un débordement ponctuel d’oiseaux sauvages. Il faut plus d’information sur la façon dont ce virus se propage entre les bovins. Cependant, les données américaines indiquent que l’activité humaine est un facteur.
Santé animale Canada a déployé des efforts considérables pour faciliter les discussions avec les intervenants du secteur laitier canadien afin que tous soient tenus au courant. Nous avons fourni des outils de biosécurité aux fermes et organisé des foires et des expositions pour aider à empêcher ce virus d’entrer au Canada. Les exigences à l’échelle de l’industrie en matière de biosécurité dans les fermes sont fournies aux personnes qui sont invitées à les visiter.
Les plans de biosécurité varient d’une ferme à l’autre parce que chaque exploitation est unique. Les visiteurs qui connaissent, demandent, examinent et suivent les mesures prescrites et les pratiques d’assainissement contribuent à réduire les risques pour la biosécurité. Les personnes non invitées peuvent introduire par mégarde différents agents pathogènes dans une grange. Il est vraiment important de veiller à ce qu’elles comprennent le risque propre à telle ou telle ferme, ce qui n’est pas possible lorsqu’elles ne sont pas invitées.
Merci encore de m’avoir invitée ce matin. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Pierre Sadik, conseiller en affaires gouvernementales et législatives, Animal Justice : Bonjour. Merci de m’avoir invité ici ce matin. Je m’appelle Pierre Sadik et je suis l’un des avocats de l’organisme Animal Justice. Je m’occupe des questions législatives.
Animal Justice est le principal organisme national de défense des droits des animaux au Canada. De concert avec nos dizaines de milliers de partisans, nous cherchons à améliorer les lois qui protègent les animaux. Cette tâche est énorme parce que, franchement, le Canada a pris beaucoup de retard par rapport aux autres pays. Nos lois sur la protection des animaux sont parmi les plus faibles du monde occidental.
Le Canada n’a pas de lois fédérales ou provinciales régissant le bien-être des animaux dans les exploitations agricoles. Certaines des pratiques les plus douloureuses sont encore légales et courantes au Canada, même si elles sont interdites dans l’Union européenne et dans certains États américains. Au Canada, on enferme encore les truies enceintes dans des caisses de gestation en métal si petites que les mères ne peuvent même pas se retourner. Nous entassons encore les poules pondeuses dans de petites cages en fil métallique où elles ne peuvent pas étendre leurs ailes.
Notre manque de lois s’accompagne d’un manque de transparence et de surveillance. Les animaux d’élevage sont généralement gardés derrière des portes closes dans des aires auxquelles le public n’a pas accès. Il n’y a pas d’inspection gouvernementale des exploitations agricoles pour surveiller de façon proactive le bien-être des animaux. Même l’Agence canadienne d’inspection des aliments, l’ACIA, ne s’en occupe pas. En général, les organismes provinciaux n’agissent que lorsqu’une plainte est déposée, et les agriculteurs et les travailleurs ne sont pas légalement tenus de déclarer les préjudices qu’ils observent sur une ferme.
Le seul moyen de déposer de rares plaintes de cruauté est de visiter une ferme en dissimulant une caméra pour filmer les actes délictuels.
Les partisans du projet de loi C-275 ont affirmé à maintes reprises que l’ACIA inspecte régulièrement les exploitations agricoles pour veiller au bien-être des animaux d’élevage. C’est faux. L’Enquête sur la gestion des fermes ne vise pas le bien-être des animaux. La compétence de l’ACIA ne s’étend qu’au transport du bétail et à l’abattage des animaux en vertu de la Loi sur la santé des animaux.
De plus, les normes de soins existantes ne sont pas assez juridiquement contraignantes pour protéger le bien-être des animaux d’élevage. Au cours des audiences sur ce projet de loi, il a été question de l’application des codes élaborés par le Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage. Ce sont des lignes directrices non contraignantes élaborées en grande partie par l’industrie. Le gouvernement, et même le Conseil, ne mène pas d’inspections pour vérifier le respect de ces lignes directrices.
En mai, le comité a appris qu’aux États-Unis, des groupes de protection des animaux collectent chaque année 800 millions de dollars en menant des campagnes d’intrusion dans les exploitations agricoles. C’est inexact et cela ne reflète pas ce qui se passe ici et aux États-Unis.
Aux États-Unis, le seul organisme qui entre systématiquement dans les exploitations agricoles s’appelle Direct Action Everywhere. Selon son site Web, que j’ai consulté, il n’avait qu’un budget annuel de 500 000 $ en 2022. Il est possible que la somme des budgets annuels de tous les organismes de bien-être des animaux aux États-Unis s’élève à plusieurs centaines de millions de dollars, mais cela inclurait ceux des organismes principaux bien connus, comme la société américaine de protection des animaux, l’ASPCA, et l’Humane Society. Ces groupes travaillent en étroite collaboration avec le gouvernement et l’industrie et ils font de l’excellent travail, mais ils ne pénètrent pas par effraction sur des terres agricoles et ne s’adonnent surtout pas aux activités d’infiltration illégales des dénonciateurs.
Aucun organisme de protection des animaux au Canada ne recueille des fonds en menant des campagnes d’intrusion. En fait, la somme des budgets annuels de tous les organismes canadiens de protection des animaux ne s’élève même pas à 15 millions de dollars, ce qui n’est qu’une fraction du budget de commercialisation de l’industrie de l’élevage.
Le comité a entendu des allégations selon lesquelles des militants seraient entrés dans la ferme porcine Porgreg au Québec et auraient causé une éclosion de rotavirus. Les résultats de tests ont prouvé la fausseté de ces allégations. L’affaire de la ferme porcine Porgreg a été portée devant les tribunaux, et le juge a déclaré explicitement que les allégations selon lesquelles les militants avaient causé une éclosion de rotavirus n’étaient pas exactes.
Le comité a également entendu des allégations selon lesquelles des militants auraient propagé la grippe aviaire en Californie. Toutefois, une épidémie généralisée de grippe aviaire sévissait déjà dans cet État. Aucun rapport scientifique n’a établi de lien entre ces militants et une éclosion de grippe aviaire en Californie.
Comme il ne me reste plus beaucoup de temps, je vais conclure en présentant quelques données de l’ACIA.
Les données de l’ACIA indiquent que depuis l’an 2000, il n’y a pas eu un seul cas documenté de maladie causée par une personne entrant dans une exploitation agricole sans permission.
L’ancien vétérinaire en chef du Canada, le Dr Jaspinder Komal, a déclaré ce qui suit lorsqu’il a comparu devant le Comité de l’agriculture de la Chambre en 2021 au sujet du projet de loi C-205, qui précédait l’actuel projet de loi. Je vais conclure avec cette citation. Voici ce qu’a dit le Dr Komal :
Nous pensons que le niveau de risque qui sera induit par les intrus serait minime, car pour qu’il y ait un risque du point de vue de la maladie, il faut un contact continu et prolongé avec les animaux, car c’est ainsi que les maladies se propagent.
Merci.
Le président : Merci. Madame Rastogi, vous avez la parole.
Toolika Rastogi, directrice principale, Politiques et recherche, Humane Canada : Je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui.
Humane Canada est la fédération des organismes de protection des animaux et des sociétés canadiennes pour la prévention de la cruauté envers les animaux, ou SPCA. Elle représente plus de 50 de ces organismes, qui sont situés dans toutes les provinces et dans deux territoires. Environ 25 % des organismes de protection des animaux et des SPCA sont responsables de l’application des lois provinciales et fédérales sur la protection des animaux et sur la cruauté envers les animaux.
Si vous me le permettez, je vais commencer par faire une observation sur le processus d’examen de ce projet de loi. Comme notre organisme a pour mandat de veiller au bien-être des animaux, nous sommes très heureux du nombre d’études que les honorables sénateurs entreprennent au cours de cette session parlementaire sur le bien-être des animaux.
Bien que les animaux soient sentients et que leur protection et leur liberté soient de la plus haute importance, ces enjeux sont malheureusement souvent négligés et manquent de ressources. La législation relative à la protection des animaux doit être examinée de façon adéquate et suivre un processus rigoureux.
Nous craignons que le projet de loi C-275 n’ait pas reçu toute l’attention qu’il mérite, puisqu’il a été renvoyé en comité pour y être étudié sans le temps habituellement accordé au débat à l’étape de la deuxième lecture au Sénat.
Comme notre organisme se concentre sur le bien-être des animaux, mes observations sur le projet de loi C-275 aujourd’hui visent à attirer votre attention sur les répercussions qu’il aurait sur le bien-être des animaux. Permettez-moi d’abord de souligner que Humane Canada n’appuie pas les mesures qui menacent les agriculteurs, leurs familles, les animaux ou la sécurité publique. Nous sommes cependant très préoccupés par les mesures qui réduisent la transparence et la reddition de comptes dans le système de protection des animaux du Canada, parce qu’elles risquent de rendre les animaux encore plus vulnérables au danger, et ils ne peuvent pas se défendre eux-mêmes.
Nous n’appuyons pas le projet de loi C-275, parce qu’il réduit la transparence. Nous comprenons ce qui motive ceux qui désirent adopter une approche d’action directe. Ils désirent profondément assurer le bien-être des animaux d’élevage et souligner la nécessité de renforcer les mesures de protection. Ces préoccupations sont légitimes.
Si l’agriculture était pratiquée de façon plus éthique, humaine, durable et équitable, il y aurait beaucoup moins de préoccupations et de protestations. Au Canada, plus de 800 millions d’animaux sont élevés et abattus chaque année à des fins alimentaires. La grande majorité de ces animaux sont élevés à grande échelle dans des bâtiments fermés sans possibilité de jouir d’une vie saine et naturelle.
Humane Canada ne fait pas campagne pour mettre fin à l’exploitation agricole des animaux. En fait, nous travaillons en collaboration avec l’industrie et avec les associations que représente le groupe que vous venez d’entendre. Nous collaborons avec les gouvernements et avec d’autres intervenants au Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage afin d’élaborer des normes de soins pour les animaux de ferme. Nous faisons de notre mieux pour que ces normes exigent des pratiques qui réduisent la souffrance à un minimum. Mais les normes des codes du Conseil national ne sont pas juridiquement contraignantes dans la plupart des régions du pays. Le gouvernement et les organismes d’application de la loi n’inspectent pas les fermes pour vérifier si ces normes de bien‑être sont respectées. À cause de ce manque de transparence et de surveillance, les violations des normes et des lois sur la cruauté arrivent à l’attention des responsables de l’application de la loi par le dépôt de plaintes qui s’accompagnent souvent de preuves recueillies en catimini par des dénonciateurs.
Le projet de loi C-275 réduirait encore davantage la transparence. Il empêcherait les dénonciateurs de signaler le mauvais traitement d’animaux — même sans s’infiltrer illégalement dans une exploitation agricole —, car ils craindraient de subir des répercussions. Ce projet de loi propose des mesures qui minent le système actuel de protection des animaux en imposant des peines sévères pour décourager les intrusions et la dénonciation. Il devrait au contraire accroître la transparence, la reddition de comptes et la surveillance pour interdire la cruauté dans les pratiques agricoles. Cela inciterait les personnes qui travaillent dans le secteur à respecter les pratiques exemplaires et les exigences, ce qui atténuerait les préoccupations et renforcerait la confiance du public.
Le projet de loi C-275 est censé viser la biosécurité. Humane Canada est tout à fait en faveur de mesures rigoureuses de surveillance, de prévention et de contrôle en matière de biosécurité, mais rien ne prouve que ces mesures encourageraient l’intrusion. Il a été prouvé que les manifestations n’ont pas causé l’éclosion de maladies à déclaration obligatoire. En fait, ces éclosions sont le plus souvent causées par certaines pratiques agricoles et par les travailleurs. La réduction de la transparence des pratiques de biosécurité dans les exploitations agricoles risque en fait d’exacerber ce problème.
Je vais m’arrêter là. Comme nous l’avons dit, le Canada a déjà des lois sur l’intrusion. De toute façon, la Loi sur la santé des animaux n’est pas l’outil qui convient. Elle vise à contrôler les infections ainsi qu’à contenir et à prévenir la propagation des maladies dont des animaux sont déjà affectés.
En conclusion, pour vraiment lutter contre la grave menace des maladies infectieuses et contre les menaces environnementales comme la crise climatique, nous devons de toute urgence réinventer notre système alimentaire — notre production alimentaire. Il doit fournir de bonnes conditions de vie aux animaux et aux humains et il doit être durable sur le plan environnemental. Nous devons mettre en œuvre l’approche « une seule santé, un seul bien-être ». Il nous faudra l’appui du public pour effectuer cette transformation du système. Merci.
Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions. Les sénateurs disposeront de cinq minutes pour les questions et les réponses. Nous demanderons à la vice‑présidente de commencer, suivie du sénateur Plett.
La sénatrice Simons : Madame McElwain, vous avez décrit certains risques graves causés par des virus zoonotiques, ou par la transmission d’animaux à animaux, comme la grippe aviaire qui se transmet d’oiseaux sauvages migrateurs à des vaches ou à des dindons.
Que répondez-vous à M. Sadik et à la Dre Rastogi qui affirment qu’à notre connaissance, il n’est presque jamais arrivé que des individus qui se sont infiltrés dans une exploitation agricole aient transmis une infection virale aux animaux?
Mme McElwain : C’est une très bonne question. Pour ce qui est de la biosécurité, du mouvement des virus, qu’il s’agisse de zoonoses ou de maladies endémiques qui ne ciblent qu’une espèce animale, une espèce d’élevage, les risques découlent du mouvement des gens. Les programmes de biosécurité sont conçus pour permettre aux agriculteurs d’appliquer les pratiques exemplaires qu’ils connaissent contre des risques gérables. Ils ont d’autres pratiques fondées sur la science qu’ils demandent aux visiteurs de suivre — les visiteurs invités, les fournisseurs de services, les personnes qu’ils connaissent et qui viennent sur leur ferme pour chasser ou à d’autres fins.
Il est impossible de gérer les risques que posent les gens qui ne sont pas invités. On ne sait pas où ils ont passé. On demande à certains visiteurs d’exploitations agricoles combien de temps s’est écoulé depuis qu’ils ont visité une autre ferme. Cela varie un peu selon les espèces qu’ils ont vues lors de leur visite à la ferme précédente et celles qu’ils viennent voir à cette ferme. Cela dépend aussi des risques qui menacent les animaux de la région. Cela s’applique tout particulièrement aux maladies endémiques. Il est évident qu’il y a d’autres maladies fondamentales plus graves que l’on s’efforce de ne pas laisser entrer au Canada.
Il est donc possible de se préparer à gérer les risques que présentent des visiteurs connus ou invités. On ne peut pas se préparer aux risques que présentent les personnes non invitées et l’on ne peut pas leur demander de suivre les pratiques établies tout particulièrement pour l’exploitation agricole dans laquelle elles entrent sans permission.
La sénatrice Simons : Monsieur Sadik, merci beaucoup pour votre témoignage et pour votre réfutation très prudente de certains des témoignages que nous avons entendus.
Un autre chose me préoccupe. Je partage vraiment les préoccupations de Mme McElwain face à la transmission des maladies et à la biosécurité. Toutefois, certains des témoins, dont le parrain de ce projet de loi, ont affirmé qu’ils cherchaient aussi à mettre fin aux manifestations. On a même entendu des gens se plaindre de groupes manifestant au bord de routes publiques en face de certaines fermes. Dans quelle mesure pensez-vous donc que ce projet de loi porte sur la biosécurité et dans quelle mesure pensez-vous qu’il vise à limiter les manifestations, même légales, tenues en face des fermes?
M. Sadik : De nombreuses personnes ont fait remarquer que ce texte législatif est en fait un projet de loi anti-intrusion déguisé en projet de loi sur la biosécurité. S’il s’agissait véritablement d’un projet de loi sur la biosécurité, il aurait un champ d’application beaucoup plus large et ne s’appliquerait pas au groupe qui, selon le dossier, depuis l’an 2000, n’a jamais présenté un risque réel pour la biosécurité dans une ferme où il a manifesté.
Il s’agit donc d’un projet de loi anti-intrusion, et à cet égard, nous avons vu que les tribunaux étaient prêts à invalider ces parties. En Ontario, plus tôt cette année, un juge a invalidé des parties de la version ontarienne de ce projet de loi parce qu’il allait à l’encontre de la Charte des droits et libertés en ce qui concerne le droit à la liberté d’expression, et parce qu’il fait double emploi avec ce qui est déjà prévu dans la province. L’intrusion est, en vertu de la Constitution, une question qui relève carrément de la compétence des provinces.
La sénatrice Simons : Madame Rastogi, pensez-vous que si cela — n’avez-vous pas dit que le projet de loi ne devrait pas être inscrit dans la Loi sur la santé des animaux, mais plutôt, peut-être, dans le Code criminel? Si nous devions augmenter les sanctions contre les intrusions, pensez-vous que cela devrait être fait dans le Code criminel plutôt qu’ici?
Mme Rastogi : Si j’ai bien compris la question, vous me demandez si j’estime que ce projet de loi a sa place dans la Loi sur la santé des animaux s’il porte sur l’intrusion. Vous demandez s’il ne devrait pas plutôt être inscrit, par exemple, dans le Code criminel? Je serais d’accord.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
Le sénateur Plett : Merci aux témoins. Ce projet de loi ne vise pas à mettre fin aux manifestations. Sauf votre respect, ce projet de loi vise à empêcher des intrus de pénétrer dans une ferme. Il ne s’agit pas d’interdire les manifestations légales. Si quelqu’un décide de manifester sur une route à la campagne, loin de la ferme, pour protester, il n’en est pas question dans ce projet de loi.
Vous avez dit — je crois que M. Sadik et Mme Rastogi ont tous deux indiqué qu’il n’existe aucune preuve que des maladies ont été causées par des intrus, mais un fait demeure. Les maladies proviennent de l’extérieur de la ferme. Cela ne fait aucun doute. Comme je l’ai dit à nos témoins précédents, dans une vie antérieure, je me suis beaucoup intéressé aux fermes porcines. Il y avait de nombreux protocoles à suivre dans le cadre des visites dans les fermes. Même en suivant ces protocoles, à l’occasion, une maladie apparaissait parce que quelqu’un n’avait pas suivi les protocoles ou parce que la maladie en question s’était propagée d’une ferme à une autre.
On ne peut donc pas dire qu’il est impossible que des manifestants aient propagé une maladie à la ferme. Il m’est impossible de dire qu’ils l’ont fait et il est tout aussi impossible pour vous de dire qu’ils ne l’ont pas fait.
C’est la raison pour laquelle nous parlons de biosécurité. C’est l’objectif visé par nos bons agriculteurs. Si vous ne pensez pas que nos agriculteurs traitent les animaux comme vous estimez qu’ils devraient l’être, il y a des façons de remédier à ce problème. Il s’agit de présenter un projet de loi. Il y a quelques défenseurs des droits des animaux, si je puis dire, ici même au comité qui parrainent au Sénat des projets de loi sur les animaux — il y a deux projets de loi à ce sujet dont le Sénat est actuellement saisi. C’est la bonne façon de procéder, plutôt que de faire des gestes d’éclat illégaux, comme c’est le cas en ce moment, et c’est ce que nous essayons de prévenir.
Je n’ai rien contre le fait que vous vous opposiez au projet de loi et au fait que je l’appuie. Pas du tout. C’est l’essence même d’une démocratie. Mais il faut que tout soit fait légalement.
Monsieur Sadik, j’aimerais savoir, si j’avais des preuves que vous traitiez mal votre chien de compagnie chez vous, pensez‑vous qu’il serait acceptable que je vienne ouvrir de force votre fenêtre et que j’entre dans votre salon pour vous prendre en photo en train de maltraiter votre chien? Or, c’est bien de cela qu’il s’agit.
J’aimerais avoir vos commentaires. J’aurai peut-être une autre question s’il me reste du temps, et il s’agit davantage d’observations que de questions, mais il y aurait certainement une question à la fin. Êtes-vous en faveur d’une intrusion sur votre propriété si je crois vraiment que vous maltraitez un animal?
M. Sadik : Non, je ne suis pas d’accord pour que quelqu’un force une fenêtre et entre chez moi s’il croit que je maltraite un animal.
Le sénateur Plett : Qu’en est-il de votre cour?
M. Sadik : Nous ne parlons pas de maisons privées ici. Il ne s’agit pas d’empêcher les entrées par effraction dans les maisons. Il s’agit de granges, de dépendances, de lieux d’affaires.
Le sénateur Plett : Non, il ne s’agit pas de cela, mais bien de propriété privée. Cette ferme est une propriété privée.
M. Sadik : Ce n’est pas une maison.
Le sénateur Plett : C’est une propriété privée.
M. Sadik : Oui.
Le sénateur Plett : Donc, vous estimez, parce que ce n’est pas une maison, que quelqu’un peut y entrer sans autorisation?
M. Sadik : Je reprends votre analogie, et j’y réponds précisément. Vous avez parlé de quelqu’un qui force une fenêtre pour essayer d’entrer chez moi, et j’ai répondu à cette question, monsieur.
Le sénateur Plett : Permettez-moi d’aller un peu plus loin. Pensez-vous que si je crois qu’un porc est maltraité dans une porcherie, je peux entrer sans autorisation dans cette porcherie et ainsi menacer la santé d’un millier d’animaux et le gagne-pain de l’agriculteur? Est-ce acceptable? Parce que je pense qu’il opère légalement, mais qu’il met un animal en danger. Êtes-vous en train de me dire qu’il est acceptable pour moi d’entrer sans autorisation?
M. Sadik : Absolument pas, monsieur Plett. Animal Justice ne tolère d’aucune façon la violation de la loi. Nous sommes un groupe d’avocats. Nous sommes une organisation légale de protection des animaux.
L’intrusion relève des lois provinciales, et les lois sur l’intrusion doivent être respectées. Cependant, il y a aussi des situations où des journalistes font de l’infiltration et se rendent dans des lieux d’affaires, où ils enregistrent des cas d’inconduite, ce qui fait partie intégrante de la tradition démocratique de notre pays, et c’est illégal en vertu du projet de loi C-275.
Le sénateur Plett : Me reste-t-il du temps?
Le président : Vous aurez la parole au deuxième tour.
Le sénateur Kutcher : Merci à tous. Ma question s’adresse à Mme McElwain. Je vais essayer d’énoncer le raisonnement que je vous ai entendu formuler pour m’assurer que j’ai bien compris.
Je pense que vous avez parlé de l’importance de la biosécurité comme principe de précaution. Nous venons tout juste de traverser la pandémie de COVID-19, et nous comprenons maintenant beaucoup mieux que les mesures préventives sont préférables aux mesures post-infection.
Mme McElwain : C’est exact.
Le sénateur Kutcher : La peste porcine africaine, qui est très contagieuse, se propage par les aérosols dans les contacts de porc à porc — de même que par les matières fécales et tout le reste —, mais elle se propage également par contact indirect, ce que l’on appelle la transmission par fomite. Elle peut se déposer sur des bottes ou d’autres objets de la sorte. Je ne sais pas pendant combien de temps la maladie reste sur les fomites. Je sais qu’elle peut demeurer présente dans la viande pendant des semaines.
En appliquant une approche de santé publique à la biosécurité — parce que c’est ce que vous soutenez, une approche de santé publique —, quelle est la valeur d’une approche de santé publique, même en l’absence d’une infection déjà documentée? Est-ce une approche utile pour atténuer les risques éventuels à l’avenir ou est-ce seulement utile si nous avons des preuves que des agents pathogènes ont déjà été introduits de cette façon?
Mme McElwain : C’est une bonne question. Je pense que pour un virus zoonotique, il est préférable d’adopter une approche de santé publique. Je dirais que la biosécurité pour des raisons de santé animale, surtout dans le cas de la peste porcine africaine, qui ne se transmet pas aux humains, est probablement une façon plus utile de voir les choses.
Vous avez raison de dire que la maladie se propage par les activités humaines, dans la viande et d’autres produits, et c’est pourquoi nous menons des campagnes. On peut même voir dans les aéroports, des messages demandant aux voyageurs de « ne pas apporter de porc dans leurs bagages », une tentative de sensibilisation visant à empêcher la peste porcine africaine d’entrer au Canada.
Nos pratiques de biosécurité pour la peste porcine africaine, en particulier, sont préventives. Elles visent à empêcher le virus d’entrer au Canada. Cependant, elles sont largement éclairées par ce que nous avons observé avec d’autres virus arrivés ici au Canada. Il s’agit de virus comme le circovirus, le syndrome respiratoire et de reproduction porcine et la diarrhée épidémique porcine. Tous ces virus ont été détectés au Canada, et nous savons que l’application de ces mêmes principes de biosécurité aide à empêcher ces virus d’entrer au pays. Souvent, comme nous l’avons vu pendant la pandémie, l’utilisation de protocoles pour cette protection préventive et proactive aide à prévenir d’autres virus, en plus de ceux qui sont ciblés.
Le sénateur Kutcher : Merci.
Le sénateur Klyne : Bienvenue et merci de vos exposés. Je vais essayer de poser deux ou trois questions auxquelles j’aimerais obtenir des réponses directes. Il y a un thème commun d’intérêts et de défense des intérêts au sein de vos organisations. Le système de santé et de bien-être des animaux d’élevage vous intéresse, tout comme les domaines du droit des animaux et de la défense et de la protection du bien-être des animaux d’élevage.
Si le projet de loi est adopté tel quel, quelle incidence aura-t-il sur vos intérêts dans les trois domaines dont je viens de parler?
Mme Rastogi : Je vous remercie de la question. Si ce projet de loi était adopté, je pense qu’il éliminerait une importante source d’information qui est transmise aux organismes qui font enquête et qui essaient d’assurer une solide protection des animaux au Canada.
En ce qui concerne la biosécurité, il pourrait aussi empêcher de signaler des infractions au protocole de biosécurité simplement parce qu’il réduit le niveau de transparence.
Mme McElwain : Pour Santé animale Canada, le projet de loi appuierait notre travail en matière de biosécurité. Il aiderait à gérer le risque et permettrait de s’assurer que tous les visiteurs qui arrivent à la ferme suivent les protocoles que nous avons passé beaucoup de temps à élaborer avec nos membres et que nos membres ont mis au point pour eux-mêmes, et nous en avons entendu parler dans le dernier groupe de témoins.
M. Sadik : Si le projet de loi était adopté, un bon nombre de violations du droit des animaux commises par de mauvais acteurs pourraient être passées sous silence.
C’est parce qu’il aurait un effet dissuasif sur les opérations d’infiltration des journalistes d’enquête, qui commettraient un acte illégal en vertu de ce projet de loi, ou sur des personnes qui se rendent légitimement sur place en tant qu’employés. Ils adoptent toutes les mesures de biosécurité à leur arrivée, ils sont formés sur la façon de travailler dans cet environnement animal particulier et ils agissent aussi à titre d’agents d’infiltration pour une organisation. Ce ne sont donc pas des intrus; ils se rendent dans les fermes et les granges légalement. Ces opérations deviendraient également illégales en vertu de ce projet de loi.
Le sénateur Klyne : Très rapidement, le mandat de l’ACIA en matière de bien-être des animaux couvre le transport sans cruauté des animaux et le traitement des animaux destinés à l’alimentation dans les abattoirs fédéraux. La loi canadienne exige que tous les titulaires de permis qui exploitent des abattoirs en vertu de la réglementation fédérale veillent à ce que toutes les espèces d’animaux destinés à l’alimentation soient manipulées et abattues sans cruauté, à partir de leur arrivée à l’établissement — je suppose que c’est là que l’ACIA s’arrête — jusqu’à l’abattage dans l’établissement.
Pour revenir à ce qu’a dit M. Plett, il manque une mesure législative qui permet aux organismes de s’occuper de toutes les espèces d’animaux destinés à l’alimentation qui sont manipulées et abattues sans cruauté, à partir de leur arrivée jusqu’à leur abattage. Pourquoi cela ne se fait-il pas par l’entremise d’un organisme fédéral? Pourquoi des gens doivent-ils faire de l’infiltration, observer ce qui se passe et proposer d’autres mesures?
Mme Rastogi : Je vous remercie de la question. Je ne comprends pas très bien la partie du continuum qui, selon vous, ne relève pas de l’ACIA.
Le sénateur Klyne : Je n’ai rien trouvé — ou peut-être n’ai‑je pas bien cherché — qui montre qu’un ou plusieurs organismes gouvernementaux ne — je ne sais pas comment ils s’acquittent de leur mandat, qui consiste à s’assurer que tous les animaux sont manipulés et abattus sans cruauté, à partir de leur arrivée jusqu’à leur abattage.
Mme Rastogi : Il est très important de noter qu’il n’y a pas de surveillance fédérale du bien-être à la ferme et du soin des animaux.
Le sénateur Klyne : Alors pourquoi n’y en a-t-il pas?
Mme Rastogi : C’est une excellente question.
Le sénateur Klyne : Pour en revenir au point soulevé par M. Plett, n’est-ce pas le projet de loi que vous aimeriez voir présenté de façon responsable?
Mme Rastogi : Oui, à 100 %. C’est exactement ce dont nous avons besoin. Le groupe précédent a discuté du manque d’uniformité à l’échelle nationale dans certains domaines, comme la biosécurité. Il y a un manque flagrant d’intégration nationale des lois sur la protection des animaux dans tout le pays.
Le sénateur Klyne : Y a-t-il des amendements qui amélioreraient ce projet de loi?
Mme Rastogi : Nous n’appuyons pas le projet de loi. Nous n’appuierions pas le projet de loi.
Le sénateur Klyne : Vous ne pouvez pas améliorer le projet de loi?
Mme Rastogi : C’est exact.
La sénatrice Sorensen : Merci d’être ici. Ma question s’adresse à M. Sadik et à Mme Rastogi. Je vais commencer par M. Sadik.
Je comprends que vous n’êtes pas d’accord avec les risques énoncés et un certain nombre de choses qui ont apparemment été dites dans les témoignages, et vous avez déjà répondu à cette question, mais pour aborder la question sous un autre angle, seriez-vous contre l’adoption de ce projet de loi pour définir ce qu’est un intrus sur une propriété privée? Je crois vous avoir entendu dire que ce n’est probablement pas nécessaire parce que cela est couvert par d’autres lois, mais j’aimerais simplement obtenir des précisions à ce sujet.
Madame Rastogi, pouvez-vous répondre à la même question? Par ailleurs, votre commentaire selon lequel ce projet de loi réduirait la transparence m’intéresse. À mon avis, vous laissez entendre que l’intrusion favorise la transparence. Je ne vois pas comment on pourrait associer intrusion et transparence dans la même phrase; cela ne me semble pas logique. En relisant mes notes, je vois ce qui suit : « Je suis peut-être totalement naïve quant à la façon dont ce monde fonctionne, mais sur le plan éthique, je ne vois pas pourquoi quelqu’un, ouvertement ou sous couvert d’infiltration, devrait pénétrer dans une propriété privée sans permission ou sous de faux prétextes. »
Je suis donc peut-être naïve, mais j’aimerais que vous m’expliquiez votre point de vue.
M. Sadik : Pour répondre à votre question sur l’intrusion, sénatrice Sorensen, ce projet de loi est qualifié de projet de loi sur la biosécurité — c’est dans le titre du projet de loi —, mais porte en fait sur l’intrusion. Ironiquement, il vise un groupe qui, depuis l’an 2000, n’a pas présenté de risque pour la biosécurité dans une exploitation agricole.
Deuxièmement, l’intrusion est déjà couverte de A à Z dans les lois provinciales de chaque province, et il s’agit donc d’une mesure législative redondante. Le gouvernement fédéral essaie de légiférer dans un domaine qui, en vertu de notre Constitution, relève des provinces.
La sénatrice Sorensen : Merci.
Mme Rastogi : Je vous remercie de la question.
En ce qui concerne la transparence, il est important de souligner ici comment les infractions ou les plaintes font l’objet d’une enquête. Nous avons parlé de propriétés privées, mais qui sont des installations fermées où l’on garde des animaux. Au fil des décennies, l’élevage se fait de plus en plus à l’intérieur, derrière des clôtures et des portes. Les animaux n’ont même plus nécessairement accès à des milieux naturels extérieurs comme c’était le cas auparavant.
Par conséquent, la prévention des plaintes par manque d’observation de l’état d’un animal et des pratiques en vigueur, et aussi la réduction des plaintes de dénonciateurs ou l’augmentation des mesures dissuasives, ou même des menaces de répercussions si des dénonciateurs se manifestent sont autant de pertes majeures de renseignements importants qui permettraient aux organismes d’application de la loi d’enquêter sur les infractions ou les plaintes potentielles en matière de bien‑être ou même de cruauté.
La sénatrice Sorensen : Merci. J’avais simplement besoin de cette perspective.
Le sénateur Dalphond : Merci aux témoins.
Le risque lié à la biosécurité me préoccupe. Madame McElwain, vous travaillez avec le gouvernement provincial de l’Ontario et vous étiez le principal expert des Éleveurs de dindon du Canada en matière de biosécurité. Vous connaissez donc ces choses, mais pensez-vous vraiment que ce projet de loi améliore la biosécurité? Pourquoi ne pas élaborer des lignes directrices meilleures et plus strictes qui s’appliqueraient à toutes les exploitations agricoles du Canada — les élevages de poulets, les élevages de porcs et d’autres types d’exploitations — et qui seraient appliquées pour assurer une protection? Ainsi, même si un journaliste enquêteur se rendait dans une ferme pour prendre des photos et faire un reportage, il saurait comment s’habiller comme il faut pour s’y rendre.
Mme McElwain : Cet amendement contribue-t-il à la biosécurité dans les exploitations agricoles? Je dirais que oui. Il aide à gérer les risques plus efficacement.
Pour ce qui est des autres façons d’empêcher les intrusions, c’est là un moyen de le faire. Il y a eu des discussions avec le député Barlow, en mai, quant aux raisons pour lesquelles on a choisi la santé animale plutôt que le Code criminel.
Comme vous le savez probablement, l’agriculture est une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces. Nous disposons donc de certains outils fédéraux, et la possibilité de régler ce problème à l’échelle nationale est certainement un scénario idéal. Au niveau des provinces, c’est à elles de décider comment elles veulent gérer le bien-être animal, et il y a des lois et des règles en matière de bien-être animal dans chaque province et territoire. Elles varient beaucoup selon l’endroit où vous vous trouvez.
Pour ce qui est de la biosécurité, elle a tendance à être très spécifique à l’exploitation. C’est pourquoi je veux aborder la question sous l’angle de la biosécurité.
Le sénateur Dalphond : N’avons-nous pas besoin de formulaires et de protocoles plus normalisés au lieu de laisser chaque exploitation faire ce qu’elle veut?
Mme McElwain : Les programmes nationaux comportent des formulaires et des protocoles normalisés. Par exemple, vous avez mentionné que j’ai travaillé pour les Éleveurs de dindon du Canada. Il s’agit en fait d’un programme qui comprend des exigences en matière de biosécurité qui s’appliquent à tous les éleveurs du Canada. Ce serait très similaire à ...
Le sénateur Dalphond : Je suis désolé de vous interrompre, mais mon temps est presque écoulé.
Les associations ont-elles des mécanismes pour s’assurer que ces lignes directrices sont respectées? Faites-vous des inspections et voyez-vous des gens visiter des fermes régulièrement?
Mme McElwain : Oui. Mon rôle consistait en partie à former des vérificateurs. Ils évaluent les pratiques et les protocoles de biosécurité. Ils notent et observent littéralement comment on leur fait visiter l’exploitation pour voir quels protocoles sont suivis en fonction de ce qui figure sur papier...
Le sénateur Dalphond : Désolé de vous interrompre de nouveau. Ces protocoles sont-ils publiés? On ne m’a jamais traité de militant auparavant, mais ce matin, je crois que c’était le cas. Les activistes peuvent-ils trouver ces lignes directrices et protocoles sur le site Web?
Mme McElwain : Non, pas que je sache, mais ils ont du mordant.
Le sénateur Dalphond : Ne pensez-vous pas que ce serait une bonne idée de dire clairement au public que ce sont les protocoles à respecter?
Mme McElwain : Je dois laisser les organisations répondre à cela. Je ne peux pas parler en leur nom.
Le sénateur Dalphond : Monsieur Sadik, selon votre expérience, surtout compte tenu du jugement que la Cour supérieure de l’Ontario a rendu en avril dernier, il y a à peine quelques mois — il est encore tout chaud —, pensez-vous qu’une personne qui travaille comme agent d’infiltration, qui est embauchée par l’une de ces fermes, et qui ment au sujet du but de son embauche, s’exposera à des poursuites en vertu de cette disposition?
M. Sadik : Quelqu’un ...
Le sénateur Dalphond : Ne serait-elle pas là légalement?
M. Sadik : Disons qu’un journaliste obtient un emploi dans une ferme et qu’il ne révèle pas qu’il est journaliste. En Ontario et, si je ne m’abuse, en Alberta également, ce serait s’introduire dans une exploitation sous un faux prétexte, ce qui entraînerait une amende considérable en vertu de ce projet de loi, oui.
Le sénateur Dalphond : Vous seriez illégalement dans l’exploitation?
M. Sadik : Pas en ce qui concerne la biosécurité, le nettoyage, les bottines et la formation, mais pour ne pas avoir révélé qu’il était journaliste lorsqu’il s’est fait embaucher.
Le sénateur Richards : Je reviens sur les propos de la sénatrice Sorensen et du sénateur Plett. Merci d’être ici.
Monsieur Sadik, êtes-vous d’accord pour dire que nous avons une loi sur l’intrusion au Canada? Vous êtes d’accord, nous en avons une. C’est de compétence provinciale.
M. Sadik : Oui.
Le sénateur Richards : Vous êtes donc d’accord pour que la GRC ou la police provinciale relevant de la compétence provinciale soit autorisée à arrêter les manifestants qui vont dans les exploitations agricoles?
M. Sadik : À arrêter les intrus? Absolument.
Le sénateur Richards : Vous êtes donc en train de vous contredire. Parce que vous avez dit que si c’était dans la loi au sujet des intrus qui se rendent dans les fermes, cela ne devrait pas faire l’objet d’un débat ou que ces intrus ne devraient pas être arrêtés.
M. Sadik : Puis-je répondre à cela?
Le sénateur Richards : Oui, s’il vous plaît.
M. Sadik : Je parlais d’un journaliste d’enquête qui obtient un emploi à la ferme sans révéler qu’il est journaliste, qui suit le protocole de biosécurité, porte des vêtements de biosécurité et connaît toute la formation. Il pourrait quand même être reconnu coupable d’une infraction à la loi si le projet de loi est adopté, même s’il n’est pas un intrus. Il est sur son lieu de travail avec la permission de l’employeur.
Le sénateur Richards : Je ne pense pas que le projet de loi dise cela.
M. Sadik : C’est ce que dit le passage « sans autorisation ou excuse légitime ».
Le sénateur Richards : S’ils sont embauchés par la personne qui possède l’exploitation, ils ont autorisation légale d’y être.
M. Sadik : C’est nuancé. Je comprends le manque de clarté...
Le sénateur Richards : Ce sera rejeté par les tribunaux, monsieur.
M. Sadik : En Ontario, il est illégal en vertu de la loi bâillon en matière d’agriculture de ne pas divulguer que vous êtes journaliste ou, curieusement, que vous avez fait des études postsecondaires.
Le sénateur Richards : Je ne blâme personne qui ne veut pas avouer avoir fait des études postsecondaires, monsieur.
Le sénateur Plett : Je tiens à souligner de nouveau, monsieur Sadik, que ce projet de loi ne fait qu’empêcher les entrées illégales. Cela n’a aucune incidence sur ceux qui sont là légalement, même les journalistes infiltrés. Le projet de loi ne porte pas sur leur motivation, mais simplement sur le fait qu’ils sont présents avec ou sans permission. Vous m’avez dit qu’il était acceptable de s’introduire dans ma propriété, pas dans la vôtre, mais — désolé, c’est ce que vous avez dit, monsieur.
Ma question s’adresse à Humane Canada, et je ne vais pas essayer d’écorcher votre nom de nouveau. Je suis désolé. Veuillez m’excuser. Votre organisation dit essentiellement que Humane Canada n’appuie pas les mesures qui menacent les agriculteurs, leurs familles, les animaux ou la sécurité publique. Merci. Je suis d’accord avec vous. Mais vous dites ensuite que vous n’appuyez pas le projet de loi C-275 parce qu’il réduit la transparence.
D’une part, vous semblez essayer de vous distancier des individus et des organisations qui entrent illégalement dans des propriétés privées — peu importe ce que dit M. Sadik; une ferme est une propriété privée — sans suivre les protocoles de biosécurité, parfois, et volent les biens de ces propriétaires en libérant leurs animaux. Par ailleurs, vous laissez entendre que ces mêmes personnes fournissent un service public légitime parce qu’elles accroissent la transparence, même si leurs activités sont illégales.
Comment vous assureriez-vous que les intrus n’apportent pas d’agents pathogènes nocifs si vous croyez que ce projet de loi est inutile? Il faut qu’il y ait quelque chose. N’est-il pas irresponsable de s’opposer à un projet de loi qui permettrait de prévenir des éclosions touchant à la fois la santé animale et la santé humaine?
Je n’ai rien contre le fait que vous pensiez que les animaux sont maltraités, et si c’est le cas, vous devriez demander à quelqu’un de présenter un projet de loi pour empêcher que cela se produise. Je vous appuie à cet égard. Mais vous dites, d’une part, qu’il est acceptable d’aller dans une exploitation et de risquer la vie de 1 000 cochons ou de 20 000 petits poussins parce que vous rendez un service au public. Qui paie pour cela? Qui paie le coût des conséquences?
Mme Rastogi : Je vous remercie infiniment de votre question et de votre appui, sur lequel nous compterons lorsque nous tenterons de présenter une loi nationale sur le bien-être animal, et de votre bon travail dans d’autres domaines.
Ce que je veux clarifier, c’est la question suivante : pourquoi les gens s’opposent-ils à la façon dont les animaux sont élevés au Canada? C’est parce que nous avons des problèmes importants. Nous avons un système qui ne protège pas leur bien-être et, par conséquent...
Le sénateur Plett : Légalement, cependant? La personne est-elle là illégalement? Telle est ma question.
Mme Rastogi : Nous n’appuyons certainement pas les activités illégales comme l’intrusion. Absolument pas. Cependant, toute cette question met en lumière un domaine important où il faut agir, et ce n’est pas dans le contexte de l’intrusion et de la Loi sur la santé des animaux telle que proposée dans ce projet de loi. C’est un problème beaucoup plus important. C’est ...
Le sénateur Plett : Mais nous ne traitons que de ce projet de loi.
Mme Rastogi : Nous devrions nous attaquer à la cause profonde du problème.
Le sénateur Plett : D’accord. Séparément.
Mme Rastogi : Le système agricole actuel met en péril non seulement le bien-être des animaux, mais aussi celui des personnes qui travaillent dans ce secteur. Cela met notre environnement en péril...
Le sénateur Plett : Excellente loi. Excellente loi. Je suis désolé de vous interrompre, mais je sais que le président va m’interrompre.
J’ai une question à poser à Santé animale Canada. Vous pouvez y répondre par oui ou par non. Est-ce que Santé animale Canada appuie ce projet de loi?
Mme McElwain : Santé animale Canada appuie une biosécurité accrue.
La sénatrice Simons : Monsieur Sadik, nous avons entendu dire qu’il n’y a eu aucun cas de transmission de maladies aux animaux par des manifestants. Par ailleurs, pouvez-vous nous dire si des militants des droits des animaux qui ont tourné des vidéos ont découvert ou documenté des cas prouvés de mauvais traitements ou de négligence envers les animaux?
M. Sadik : Oui, diverses organisations et Internet regorgent d’exemples de mauvais traitements infligés à des animaux par de mauvais acteurs dans les exploitations agricoles canadiennes. Oui.
La sénatrice Simons : Est-ce que certaines de ces révélations ont mené à une enquête ou à une condamnation?
M. Sadik : Il y a eu pas mal de révélations. Certaines d’entre elles ont donné lieu à une enquête par des organismes provinciaux de protection des animaux, et une plus petite proportion d’entre elles ont mené à la condamnation de certains exploitants. C’est le cas, oui.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
Le président : Chers témoins, je tiens à vous remercier de votre participation aujourd’hui. Votre témoignage et vos observations nous seront très utiles. Je tiens à remercier les membres du comité de leur participation active et de leurs questions réfléchies.
Comme toujours, je tiens à remercier les gens qui nous appuient, nos pages et les gens qui travaillent en coulisse pour nous.
Avant de lever la séance, je tiens à vous signaler que notre greffière nous quittera sous peu. Nous aurons un nouveau greffier, Raymond St-Martin, et notre greffière actuelle et le nouveau greffier travailleront ensemble pour assurer la transition, mais nous allons perdre notre merveilleuse greffière.
Sur ce, honorables sénateurs, je voudrais que le comité de direction se réunisse pendant cinq minutes ou moins. À part cela, je propose que la séance soit levée.
(La séance est levée.)