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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 31 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 10 h 1 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner pour en faire rapport le problème grandissant des feux de forêt au Canada et les effets que les feux de forêt ont sur les industries de la foresterie et de l’agriculture, ainsi que sur les communautés rurales et autochtones, à l’échelle du pays.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous et joyeuse Halloween. Avant de commencer, je vais vous rappeler comment manipuler au mieux les écouteurs et les microphones afin de protéger ceux qui travaillent derrière nous, y compris nos traducteurs, nos interprètes, etc. Continuez de faire comme vous l’avez fait jusqu’ici, et si vous n’utilisez pas les écouteurs, posez-les sur la table et débranchez-les. Je vous remercie de votre coopération.

Je commencerai par souhaiter la bienvenue aux membres du comité, à notre témoin et à ceux qui suivent cette réunion sur le Web. Je m’appelle Rob Black. Je suis un sénateur de l’Ontario et je préside ce comité.

Avant d’entendre notre témoin, je vais demander aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Simons : Bonjour. Je suis la sénatrice Paula Simons. Je viens de l’Alberta, du territoire visé par le Traité no 6. Tansi.

[Français]

La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur McNair : Bonjour. Je m’appelle John McNair et je viens du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Burey : Bienvenue. Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Muggli : Bonjour. Tracy Muggli, sénatrice de la Saskatchewan, du territoire visé par le Traité no 6.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, Parc national de Banff. Il s’agit du territoire visé par le Traité no 7.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Aujourd’hui, le comité poursuit son étude sur le problème grandissant des feux de forêt au Canada et sur les effets que ces feux ont sur les industries de la foresterie et de l’agriculture.

Nous accueillons aujourd’hui le maire de la municipalité de Jasper, M. Richard Ireland, qui se joint à nous par vidéoconférence.

Monsieur le maire, soyez le bienvenu et merci d’être avec nous. Nous sommes reconnaissants du temps que vous nous accordez aujourd’hui. Vous disposez de cinq minutes pour nous livrer votre déclaration liminaire. Lorsqu’il vous restera environ une minute, je lèverai la main. Lorsque vous verrez deux mains levées, il sera temps de conclure.

Sur ce, monsieur le maire, vous avez la parole.

Richard Ireland, maire, municipalité de Jasper : Bonjour, sénateurs. J’ai l’honneur de vous faire part ce matin de mes observations concernant les stratégies à laquelle la municipalité de Jasper, de concert et en collaboration avec Parcs Canada, a eu recours pour se préparer à l’éventualité, voire à l’inévitabilité, d’un feu de forêt — un risque croissant pour toutes les collectivités du Canada qui se dressent à proximité de forêts.

À Jasper, nous sommes conscients de cette menace depuis longtemps. Il y a plus de vingt ans, en collaboration avec Parcs Canada, nous avons commencé à mettre en place le programme FireSmart à l’intérieur et autour de la collectivité. Plus concrètement, il s’agit de créer des coupe-feu, de réduire les charges de combustible à la main, mécaniquement ou par brûlage dirigé, d’installer des conduites d’eau et des systèmes d’arrosage, et de planifier des périmètres, des stratégies et des tactiques de défense.

Au sein des collectivités, il peut s’agir du traitement de l’espace qui chevauche les zones sauvages et les zones urbaines, et d’un traitement qui s’enfonce plus profondément dans la collectivité, le but étant, là encore, de réduire les charges de combustible, d’éliminer les matières combustibles et d’installer des protections telles que des conduites d’eau et des systèmes d’arrosage. Il peut aussi s’agir de l’aménagement et de l’entretien des abords des habitations, qu’il s’agisse de remplacer les bardeaux de cèdre et autres revêtements de toiture et de bardage par des matériaux qui résistent mieux au feu, d’enlever les arbustes et les buissons qui sont collés aux maisons, de nettoyer les feuilles et les débris sous les terrasses, d’éloigner les tas de bois et les clôtures des immeubles ou d’installer des gicleurs sur les toits.

Pour les municipalités, cela peut également signifier d’investir dans des équipements idoines et la formation des pompiers.

À Jasper, en collaborant avec Parcs Canada et en obtenant des subventions provinciales lorsque c’était possible, nous avons réalisé tout cela, dont de multiples brûlages dirigés qui se sont étalés sur de nombreuses années.

Récemment, Jasper a été décrite comme étant probablement la collectivité la plus « FireSmart » — c’est-à-dire la mieux avisée et préparée en matière d’incendie — au Canada. Bien qu’il s’agisse d’une source de fierté, nous reconnaissons que ce statut est en partie attribuable au fait que peu de collectivités se sont concentrées sur cet objectif comme nous l’avons fait. Nous avons en effet travaillé délibérément et de manière systématique pour relever toujours davantage le degré de protection de notre collectivité. Outre les mesures particulières proposées par FireSmart, nous avons mené des exercices d’entraînement annuels mixtes. Nous avons élaboré des plans de protection, des plans d’intervention, des plans d’évacuation et des plans de réintégration. Nous avons procédé à une simulation d’évacuation partielle d’une partie de notre collectivité environ six semaines avant l’incendie. Ces exercices d’entraînement ont sans conteste renforcé la capacité de nos équipes interservices à réagir de manière collaborative et efficace le moment venu.

Nous avons aussi organisé des séances de sensibilisation et d’information à l’intention de nos résidants. Chaque printemps, nous organisons une semaine FireSmart au cours de laquelle des professionnels qualifiés conseillent les propriétaires sur les meilleures pratiques à adopter pour protéger leur maison contre les incendies. Nous avons prêché la préparation, et cela a fonctionné. Nous avons évacué en toute sécurité environ 25 000 résidants et visiteurs en l’espace de 5 heures. Environ 44 heures après l’ordre d’évacuation, le feu de forêt le plus important et probablement le plus intense que notre parc national ait connu depuis plus d’un siècle s’est abattu sur la ville.

Nous avons perdu 30 % de nos structures, laissant environ 40 % de notre population sans abri. Pourtant, malgré la dévastation, les pertes et le chagrin, notre expérience a été un succès. Grâce à la prise de conscience de la menace, à notre engagement à l’égard de la préparation sur le terrain et dans la ville, aux investissements — dont la formation mixte interservices et au sein des services eux-mêmes — et au professionnalisme, à la bravoure et au sacrifice des équipes de protection contre les incendies de forêt et de structure, 25 000 personnes ont pu être évacuées en toute sécurité, tandis que 70 % de nos structures et toutes nos infrastructures essentielles ont été préservées.

Tragiquement, ce succès s’est fait au prix de la vie d’un pompier forestier — un coût qui, nous l’espérons, n’aura plus jamais à être assumé par une famille ou une communauté.

Le coût de l’intervention, du rétablissement et de la reconstruction de notre économie touristique vitale est renversant, dépassant largement le milliard de dollars. Je suis convaincu que nous pouvons faire mieux pour nous préparer et réagir aux assauts inévitables de la nature, et pour nous remettre de leurs effets. Je soutiens le comité et les efforts qu’il déploie à cet égard. Dans cette optique, je vous invite à utiliser l’expérience de Jasper comme étude de cas. Cela dit, je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Ireland. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

La sénatrice Simons : Merci, monsieur le maire Ireland, de vous être adressé à nous. Je suis originaire d’Edmonton. J’ai passé de nombreux jours heureux à Jasper lorsque j’étais enfant, puis comme parent avec ma propre famille. À cause du lien géographique que nous avons, c’est une ville et un parc qui ont une signification particulière pour les habitants d’Edmonton. Nous la considérons comme notre cité-dortoir. Comme beaucoup d’habitants d’Edmonton, j’ai regardé avec horreur et en pleurs le feu s’approcher peu à peu de lieux qui me rappelaient tant de souvenirs particuliers.

J’aimerais comprendre quel rôle les populations de dendroctones du pin ponderosa ont joué dans l’incendie. C’est l’un des problèmes occasionnés par les changements climatiques. Ce n’est pas seulement la chaleur qui rend les incendies plus probables, mais aussi le fait que les hivers plus doux font en sorte que les dendroctones du pin ponderosa ne meurent plus autant qu’avant durant cette période. Le dendroctone du pin ponderosa a-t-il joué un rôle important dans cet incendie?

M. Ireland : Je ne suis peut-être pas qualifié pour répondre à cela de façon très précise, mais je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Il est certain que le dendroctone du pin ponderosa a été plus qu’un simple fait divers. L’infestation qui a frappé le parc national de Jasper il y a plus de dix ans a été très dommageable. Elle a touché les arbres de l’ensemble du parc national et de la province.

D’un point de vue scientifique, ce que j’ai compris — et, encore une fois, je suis prudent, car je ne suis pas un scientifique —, c’est que la vulnérabilité au dendroctone du pin ponderosa était en train de diminuer. Les premières années, lorsqu’ils venaient de mourir et qu’ils étaient encore couverts d’aiguilles rouges mortes, les arbres étaient comme des bougies dans le paysage. Lorsque ces aiguilles ont commencé à tomber et à s’accumuler dans l’humus à la base des arbres, j’ai cru comprendre que le risque allait en diminuant.

M. Michael Flannigan a beaucoup écrit là-dessus, et c’est sur des personnes comme lui que je m’appuie. Son opinion semble être qu’en ce moment, bien que le dendroctone du pin ponderosa ait été un facteur contributif, il n’a pas été une cause des feux de l’été dernier ou un facteur déterminant en ce qui a trait leur intensité.

La sénatrice Simons : Vous méritez des félicitations pour avoir mis en place le programme FireSmart dans votre ville et pour avoir organisé des exercices d’évacuation. Sauf qu’à cette occasion, c’était l’exercice des exercices que vous avez dû faire, et ce n’en était pas un. Quelles mesures prenez-vous en tant que collectivité pour évaluer votre propre réponse à l’incendie? Que faites-vous pour déterminer ce qui a bien marché et ce qui n’a peut-être pas été à la hauteur des attentes, et pour tirer des leçons qui vous permettront de mieux vous préparer à une éventuelle prochaine fois?

M. Ireland : Notre intention est assurément de nous joindre à Parcs Canada pour une analyse rétrospective. J’ai entendu dire que cette démarche est en cours à l’échelon fédéral. Je dois avouer que nos équipes sont encore en train d’essayer de rétablir une certaine normalité dans la ville, et que nous n’avons donc pas été en mesure de procéder à cette analyse rétrospective que nous avons l’intention de faire.

Comme vous pouvez le comprendre, il y a encore des débris sur le sol. Nous essayons encore de nous ressaisir et de reprendre pied. Il reste que nous avons bien l’intention de collaborer avec Parcs Canada et tout autre organisme qui souhaite examiner la réponse ainsi que les mesures qui ont été prises en amont pour faire face à ce feu de forêt.

Nous savons qu’il y a des leçons à tirer, des leçons qui seront utiles non seulement pour Jasper, mais aussi pour tout le pays. Nous sommes tout à fait prêts à faire cette analyse. C’est un exercice que nous n’avons tout simplement pas encore eu l’occasion d’amorcer.

La sénatrice Simons : J’ai une autre question qui n’est pas tant liée à l’incendie qu’à ses conséquences. À l’approche de la saison de ski, de nombreuses personnes se demandent quel serait le bon moment pour revenir à Jasper. Les gens sont peut-être craintifs de submerger la communauté en venant avant que vous ne soyez prêts à les accueillir, mais ils ne veulent pas non plus contribuer à vos malheurs économiques en s’abstenant complètement de venir. Quand devrions-nous donc commencer à faire des réservations?

M. Ireland : Vous devriez déjà avoir commencé, madame la sénatrice, et je vous remercie de poser la question. Notre offre est évidemment limitée, alors appelez à l’avance et n’hésitez pas à planifier votre visite. Sachez que nous sommes déjà prêts à accueillir des visiteurs. Nous comprenons parfaitement la nécessité de relancer notre économie, et cela repose sur l’achalandage.

La sénatrice Simons : Je vous remercie.

La sénatrice Sorensen : Bonjour, monsieur le maire Ireland. Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd’hui. J’étais à Jasper il y a quelques semaines et j’ai repensé à ma visite. Je tiens à dire à mes collègues qu’au milieu de la dévastation, trois choses étaient vraiment remarquables. Tout d’abord, une grande partie de la ville a été sauvée. Deuxièmement, la forêt a commencé à repousser. Il est fascinant de voir avec quelle rapidité ces pousses vertes commencent à se développer après un incendie. Troisièmement, je tiens à souligner l’optimisme des habitants de Jasper. Cette visite a été riche en émotions, et je vais m’en tenir à cela.

Cela dit, monsieur le maire, aujourd’hui — trois mois plus tard — j’aimerais savoir quel est, selon vous, le plus grand problème auquel la collectivité doit faire face.

M. Ireland : Sans aucun doute, le plus grand problème que nous avons actuellement est celui du logement provisoire ou temporaire dont nous avons besoin pour permettre à nos résidants de reconstruire et de restaurer notre économie touristique. Tous les aspects de notre redressement dépendent du logement. Une grande partie de nos gens sont encore dispersés à travers le pays parce qu’il n’y a tout simplement pas de place pour eux ici. Pour reconstruire leur vie, ils ont besoin d’un logement.

Pour assurer le rétablissement social de notre collectivité, il faut que ces personnes reviennent en ville et, là encore, c’est une question de logement. De la même façon, ce sont nos résidants qui fournissent la main-d’œuvre nécessaire au relancement de notre économie touristique. Nous ne pouvons pas vraiment relancer notre économie touristique sans être en mesure de fournir un logement aux résidants et d’ainsi permettre leur retour. Pour moi, il ne fait aucun doute que le manque de logement provisoire et temporaire est l’obstacle le plus important que nous avons quant à notre reconstruction.

La sénatrice Sorensen : Merci, et je tiens également à vous remercier d’avoir rappelé, comme cela a été dit à maintes reprises, comment la municipalité — avec Parcs Canada — s’est préparée au cours de la dernière décennie et même plus. Je vous remercie de l’avoir répété, mais, comme vous l’avez dit, nous pourrions utiliser cette expérience comme une étude de cas, ou peut-être utiliser l’expression « leçons apprises ».

En considérant ce que vous avez accompli à cet égard, quels conseils donneriez-vous à d’autres municipalités? Tout le monde ne vit pas dans une collectivité forestière. Tout le monde n’a pas Parcs Canada à ses côtés. Quelles sont les principales mesures que vous avez prises? Comment avez-vous simulé des catastrophes? Nous l’avons fait à Banff à de nombreuses reprises. Nous avons littéralement évacué la ville pour voir combien de temps cela prendrait. Vous avez parlé de vos politiques d’aménagement du territoire, des matériaux de construction, etc. Quel serait votre meilleur conseil aux autres municipalités?

M. Ireland : Pour se préparer à ce que j’ai décrit comme l’inévitabilité des incendies de forêt, il faut assurément reconnaître que la menace est la chose qui vient en premier — avec Parcs Canada, nous étions très en avance sur ce point —, puis il faut prendre des mesures sur le terrain et dans la communauté, en particulier dans l’espace où la zone urbaine et la zone sauvage se rencontrent, c’est-à-dire là où l’incendie entre en contact avec la ville. Il s’agit de préparer les équipes qui protégeront la ville des incendies structurels et de les doter de l’équipement dont elles auront besoin lorsqu’un feu de forêt menacera la ville.

Ensuite, il y a la coopération interservices. Nous sommes passés instantanément au commandement unifié. Cela signifie que la municipalité et Parcs Canada travaillent ensemble sous l’organe de commandement de l’incident, mais dans un cadre unifié apte à gérer l’intervention. Ces relations, nous les avons développées sur plusieurs années lors des exercices de formation que nous avons effectués conjointement ainsi qu’avec l’Alberta. L’agence de gestion des urgences de l’Alberta était présente à l’époque. Nous avons développé une approche d’équipe où les gens étaient à l’aise à l’avance avec la réponse qu’ils allaient recevoir de leurs partenaires. Ce degré de collaboration est vital pour toute collectivité qui est confrontée à un feu de forêt. Il est impossible de s’en tirer seul. La collaboration est donc essentielle.

La sénatrice Sorensen : Je suis heureuse de vous voir.

M. Ireland : Merci, sénatrice.

La sénatrice Burey : Monsieur le maire, merci beaucoup pour le travail acharné que vous accomplissez. Je ne peux qu’imaginer ce que vous et votre collectivité ressentez, mais nos pensées et les ressources de tout le Canada sont avec vous.

Ma question porte sur la santé mentale des pompiers. Ces derniers sont confrontés presque quotidiennement à des situations dangereuses et très stressantes alors qu’ils travaillent à la protection des Canadiens. Ces situations peuvent évidemment engendrer de l’anxiété, des troubles de stress post-traumatique et des difficultés à se réinsérer dans la société, en particulier à la fin de la saison des feux de forêt. Selon le Centre for Suicide Prevention, les premiers intervenants sont deux fois plus susceptibles de souffrir du syndrome de stress post-traumatique que les autres Canadiens.

Votre collectivité a-t-elle agi et accordé une attention particulière à la santé mentale des pompiers?

M. Ireland : Merci beaucoup pour cette question, sénatrice. Il s’agit d’une préoccupation essentielle, à laquelle nous avons tenté de répondre à l’avance et encore aujourd’hui, après l’incendie. En plus de l’équipement de protection individuel que nous fournissons habituellement à nos pompiers, nous disposons également d’une composante liée à la santé mentale et physique, qui leur permet de subir des évaluations régulières, avant que ce type d’événement ne survienne.

Nous travaillons ensuite avec un médecin local pour garantir que les pompiers peuvent accéder à tous les soutiens pertinents. Ces soutiens comprennent notamment des séances individuelles de thérapie en santé mentale. Ils ont accès à des séances en groupe. Les familles et les amis des pompiers peuvent également participer à des séances de thérapie, car ils sont eux aussi touchés par ces traumatismes. Bien entendu, nous avons un plan de santé et de sécurité organisationnel qui tient compte des besoins psychologiques.

Le fait que nos équipes de protection contre les feux de bâtiment soient essentiellement composées de volontaires pose problème. Nous offrons des programmes différents aux employés et aux volontaires, mais nous nous efforçons continuellement d’améliorer les aides offertes à l’équipe de volontaires.

Nous continuons évidemment d’accroître la sensibilisation. Bon nombre de nos volontaires sont en fait des jeunes qui souhaitent aider leur collectivité. Nous devons parfois les pousser un peu à demander de l’aide.

Nous faisons tout notre possible pour les informer qu’ils peuvent accéder à des aides. Ce sont des personnes fortes et courageuses. Il faut parfois faire preuve de force et de courage pour demander de l’aide, et nous les encourageons à le faire en leur disant qu’ils peuvent accéder à des aides, mais qu’ils doivent en faire la demande. Il semble que ce soit l’une de nos tâches principales. Nous devons les convaincre de tirer parti de ces aides.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup pour cette réponse. Lors de l’une des réunions précédentes de notre comité, nous avons entendu le témoignage d’une collectivité autochtone dans laquelle il y avait, bien sûr, des pompiers volontaires. L’une des recommandations était de soutenir ces pompiers volontaires — en particulier ceux des collectivités comme Jasper, puisque nous savons qu’ils seront sollicités — en leur offrant un financement sous forme de salaire ou d’allocation de soutien. Qu’en pensez-vous?

M. Ireland : Nous l’avons toujours fait. Nous avons mis des fonds à la disposition de notre brigade de volontaires. Fait étonnant, les membres de la brigade ont fait le choix, pendant de nombreuses années, de ne pas toucher cet argent, mais de le conserver dans un fonds fiduciaire et de l’utiliser pour la collectivité. Il est réellement étonnant de constater à quel point ils sont liés à la collectivité.

Huit de nos volontaires et employés rémunérés ont perdu leur maison dans cet incendie, de sorte que notre équipe de volontaires a été décimée. Nous avons donc décidé de faire appel à d’autres brigades qui nous aident à assurer la protection contre les feux de bâtiment et qui sont disponibles dans la collectivité. Mais, encore une fois, cette mesure nécessite des fonds et une rémunération de disponibilité, et nous sommes tout à fait disposés à verser ces sommes. Nous comprenons que les pompiers, même volontaires, doivent être rémunérés.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup.

La sénatrice Marshall : Merci, monsieur le maire, d’être présent aujourd’hui. Je m’intéresse à l’analyse rétrospective que vous avez brièvement mentionnée dans vos observations liminaires. J’ai fait des recherches en ligne et j’ai été surprise de ne rien trouver. Avez-vous d’autres renseignements à ce sujet? Je suis auditrice. Habituellement, après un événement, j’examine ce qui s’est passé et je propose des améliorations ou autre. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cette analyse rétrospective?

M. Ireland : Encore une fois, je ne dispose que de renseignements limités. D’après mes discussions avec Parcs Canada, je pense qu’il est bon de procéder à ce type d’analyse, qui n’est pas prévue par la loi, mais dont on reconnaît qu’il s’agit d’une pratique exemplaire.

Il y a une semaine ou deux, j’étais à Ottawa et j’ai assisté à votre séance avec le vice-président de Parcs Canada, Andrew Campbell. J’ai cru comprendre, d’après son témoignage, qu’une analyse rétrospective était en cours ou était sur le point d’être effectuée. Je vais devoir m’entretenir à nouveau avec les hauts fonctionnaires de Parcs Canada pour savoir qui va effectuer cette analyse et comment elle va se dérouler. Je suis tout à fait favorable à cette idée. Je pense qu’il est nécessaire d’effectuer ce type d’analyse. J’estime que la gestion de cet événement a été une réussite et c’était une réussite, mais nous pourrions toujours apporter des améliorations. C’est l’avantage d’une analyse rétrospective. Encore une fois, je ne suis pas sûr que la loi l’exige, mais il semble qu’il s’agit d’une pratique exemplaire, et nous nous engageons à appliquer les mesures exemplaires.

La sénatrice Marshall : Ce qui me préoccupe, du point de vue de la collectivité, est que si Parcs Canada supervise cette analyse, je pense que votre collectivité devrait participer à l’élaboration de ses modalités. Vous ne devriez pas vous soumettre à l’analyse, mais plutôt y participer activement. Je ne pense pas qu’une loi l’exige, mais ce serait une bonne idée. De même, votre collectivité devrait y participer dès le départ, avant que Parcs Canada n’en établisse les modalités. Vous pourriez ne pas être d’accord avec certains éléments. Je pense que vous devriez y participer activement.

Je vis dans une collectivité rurale de Terre-Neuve-et-Labrador et nous avons évidemment beaucoup de zones boisées. L’une des questions qui se posent parfois au sein de ma collectivité est celle du caractère adéquat du réseau routier en cas d’urgence ou d’évacuation de dernière minute, et le fait que l’infrastructure routière permette ou non d’effectuer l’évacuation. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en était dans votre collectivité? Que s’est-il passé pendant l’incendie et le réseau routier était-il adéquat? Ou pensez-vous que l’on examinera cette question dans le cadre de l’analyse rétrospective?

M. Ireland : Encore une fois, merci, sénatrice. En toute honnêteté, j’estime que le réseau routier était adéquat, car nous avons pu évacuer tout le monde en toute sécurité. Nous avons tout de même fait face à d’importantes difficultés. Une grande route traverse Jasper d’est en ouest et une autre descend vers Banff. La ville compte trois points de sortie : Il y a une sortie au nord — qui se situe en fait à l’est — une à l’ouest et une au sud. Deux de ces sorties étaient bloquées par le feu. Il n’y avait aucune possibilité d’aller vers le sud. Les possibilités d’aller vers le nord étaient très limitées. On pouvait sortir par l’ouest, et la plupart des évacuations ont été effectuées vers l’ouest, dans la petite ville de Valemount, en Colombie-Britannique, qui a accueilli 16 000 personnes évacuées. Il s’agit d’une ville de 1 000 habitants.

Nous sommes limités par la topographie. Je ne vois pas comment nous pourrions construire une autre route à l’entrée ou à la sortie de Jasper. C’est là notre problème, et je pense que d’autres collectivités sont également confrontées à ce type de limites topographiques.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie. Voilà un bon sujet pour une analyse rétrospective.

Le sénateur McNair : Monsieur le maire, je vous souhaite à nouveau la bienvenue au sein de ce comité. Je dis « à nouveau » parce que je pense que vous étiez dans la salle le 22 octobre en tant que membre du public et que vous avez assisté aux témoignages de Parcs Canada, de Santé Canada et d’Environnement et Changement climatique Canada.

Vous avez dit que nous devrions utiliser l’expérience de Jasper comme étude de cas; je suis d’accord. Je pense que c’est ce que nous faisons, et nous devrions probablement utiliser l’expérience de Jasper comme étude de cas pour déterminer ce qu’il faut faire.

Vous avez parlé de ce qui suit : Il y a 20 ans, vous avez lancé le programme FireSmart et l’avez développé de manière significative, en travaillant avec tous les organismes concernés. Vous avez fait tout ce qui pouvait être fait à l’avance pour vous préparer à un incendie de cette ampleur. Doutez-vous du fait que si vous n’aviez pas entamé ce travail au moment où vous l’avez fait et de façon aussi efficace, les pertes subies par Jasper auraient été bien plus importantes?

M. Ireland : Merci, sénateur. Je n’en doute absolument pas. Si nous n’avions pas travaillé à l’avance sur le paysage, si nous n’avions pas formé nos équipes et si nous n’avions pas sensibilisé la collectivité à la lutte contre les incendies, les pertes auraient été plus importantes. Nous aurions certainement pu trouver des moyens de nous améliorer au cours de ces deux dernières décennies, mais sans ce travail préalable, sans la formation et, honnêtement, sans les compétences de nos pompiers, nous aurions facilement pu perdre une partie beaucoup plus importante voire la totalité de la ville. Il s’en est fallu de peu.

Le sénateur McNair : En ce qui concerne le degré de préparation de Jasper, vous avez parlé d’Andrew Campbell de Parcs Canada. Il a déclaré ici que Jasper était l’une des villes — sinon la ville — du Canada dans lesquelles le programme FireSmart était le mieux appliqué, et c’est important. Mais dans vos observations liminaires, vous avez dit que l’on pourrait mieux se préparer, et j’aimerais que vous développiez un peu cette idée. Vous en avez peut-être parlé dans votre réponse à la sénatrice Sorensen, mais j’aimerais savoir ce que Jasper aurait pu faire de plus, selon vous.

M. Ireland : Encore une fois, lorsque j’ai dit « Nous pourrions faire mieux », je parlais de l’ensemble du pays. Des collectivités de tout le pays sont confrontées à la même menace que celle à laquelle Jasper a dû faire face. Nous sommes conscients de cette menace. Nous sommes une collectivité isolée, enfermée dans un environnement montagneux et forestier. Nous savions que le nombre de voies d’évacuation était limité, comme on l’a suggéré précédemment. Il s’agissait donc d’une préoccupation très sérieuse pour nous, mais nous étions conscients de cette menace et nous avons pris des mesures.

Une analyse rétrospective indiquerait peut-être que nous aurions pu mieux faire certaines choses. Je suis tout à fait prêt à entendre ces conclusions, et il s’agit là d’enseignements utiles. D’un autre côté, si nous n’avions rien fait, la dévastation aurait été bien plus importante.

Je pense que dans tout le pays, chaque collectivité vulnérable comme la nôtre située dans une zone forestière devrait évaluer les risques auxquels elle est confrontée et commencer à prendre les mesures nécessaires. Compte tenu de toutes ces autres circonstances — les voies d’accès, les voies de sortie et autres, et la nature de la forêt —, je pense que nous pouvons faire mieux en tant que pays. C’est l’occasion rêvée de tirer ces leçons de Jasper. J’ai dit que cette étude de cas montre comment bien faire les choses, mais tout n’était pas parfait. Si nous trouvons des moyens de nous améliorer et les communiquons à d’autres Canadiens, je pense que ce sera une autre lueur d’espoir dans les pertes que nous avons subies à Jasper.

Le sénateur McNair : Merci.

Le sénateur Richards : Je suis heureux de vous revoir, monsieur le maire. Je vais poursuivre sur le même sujet parce que j’allais presque vous poser la même question. Je pense à la perte de vies humaines survenue en Californie il y a quelques années, qui a été tout simplement horrible. Ces faits se sont produits lors d’un incendie dévastateur survenu dans une zone boisée. Les gens n’ont pas pu s’échapper. Des familles entières ont été perdues et la situation a été dévastatrice. Je vous félicite d’avoir su évacuer la ville au moment voulu.

Je m’interroge sur l’analyse rétrospective: Aurait-il été utile d’accroître le nombre de brûlages ou de coupe-feu? Ou bien l’incendie était-il tout simplement trop important et n’y avait-il aucun moyen particulier de le maîtriser?

M. Ireland : Merci, sénateur. C’est dur à dire. Encore une fois, les experts devront répondre à cette question. On a parlé de la distance de séparation des coupe-feu placés autour de la ville. Il y a des coupe-feu, mais nous sommes toujours menacés à l’ouest. Ce feu est venu du sud, mais nous sommes menacés à l’ouest. Je suis sûr que nous tenterons cet hiver de déterminer quelle doit être l’étendue de ce coupe-feu à l’ouest. Les experts sont mieux placés que moi pour donner leur avis à ce sujet. Je me fie aux évaluations des experts en matière de foresterie et d’incendie.

Encore une fois, je pense que c’est l’un des enseignements que nous tirerons de cette analyse rétrospective. C’est une question très difficile, car, évidemment, dans le cas d’un parc national, le public canadien a des attentes différentes quant à ce qu’il vient voir, et les choses ne sont pas si claires. Pourtant, certaines personnes semblent penser que c’est là que l’on trouvera la réponse.

Le sénateur Richards : J’ai encore une brève question. Avait-on mis en place des coupe-feu et des mesures de prévention tout autour de la ville et dans l’ensemble de celle-ci, ou les zones qui n’étaient pas couvertes par les coupe-feu et les mesures de prévention ont-elles brûlé?

M. Ireland : Certaines propriétés éloignées de la ville ne se trouvaient peut-être pas dans le même périmètre de protection. Une auberge située à Athabasca Falls, à 30 kilomètres de là, a été endommagée. Une station de rétablissement du caribou de Parcs Canada en cours de construction à une trentaine de kilomètres de là a également été endommagée; elle se situe bien au-delà de toutes les protections qui avaient été mises en place autour de la ville. À mesure que les incendies se rapprochaient de la ville, quelques unités d’hébergement se situaient en dehors de ces zones de protection.

Le sénateur Richards : Merci. Je vous félicite pour le travail que vous avez accompli. Merci beaucoup.

M. Ireland : Merci.

La sénatrice Muggli : Merci d’être avec nous aujourd’hui. Je vous en suis très reconnaissante. Je voulais vous faire part d’une expérience que j’ai vécue en tant que responsable de la santé mentale à la suite de la tragédie des Broncos de Humboldt, pour faire suite aux commentaires sur la santé mentale. La perte que vous avez vécue soulève la question de soutien aux personnes endeuillées, car le deuil aura un impact pendant des mois et des années sur certaines personnes.

Lors de cette tragédie, nous avons trouvé très utile d’avoir un groupe d’intervention en santé mentale en particulier. Je travaillais pour les services de santé à l’époque, et la municipalité s’est associée aux services de santé pour veiller à ce que des intervenants soient toujours disponibles.

Je pense que les principales questions à poser sont les suivantes : Quelles personnes pourrions-nous oublier? Quelles personnes pourraient être touchées, mais auxquelles nous ne pensons pas? Dans le cas de la tragédie des Broncos de Humboldt, nous avons dû penser à tous les chauffeurs d’autobus et à tous les enfants qui prennent un autobus, et à ce qu’ils pouvaient ressentir. Nous avons dû penser aux gens qui pourraient avoir des problèmes préexistants et qui pourraient être touchés par cette situation.

Je tiens surtout à dire que les problèmes en matière de santé mentale ne disparaîtront pas lorsque les maisons auront été reconstruites ou lorsque les gens seront de retour dans la communauté. Ils vont perdurer. Je vous encourage à établir à l’avenir des partenariats avec les services de santé ou les fournisseurs de soins de santé en général. Merci.

M. Ireland : Merci.

Le président : Voulez-vous répondre, monsieur Ireland?

M. Ireland : Je tiens simplement à vous remercier pour la sensibilité dont vous faites preuve. Oui, beaucoup de gens vivent un traumatisme, et nous nous concentrons, à juste titre, sur les pompiers. Ils ont dû faire face à un immense feu de forêt, et un grand nombre d’entre eux étaient des pompiers volontaires, et je les félicite. Des pompiers volontaires sont venus de partout dans la province pour aider notre équipe locale, de sorte que des personnes qui n’habitent pas dans notre communauté vivent aussi un traumatisme. Il y a des gens de tous les coins de la province qui sont venus prêter main-forte, et ils subiront eux aussi des conséquences sur leur santé mentale. Ces effets vont perdurer. Je conviens avec la sénatrice que le retour des gens dans leurs maisons n’effacera pas le traumatisme. J’apprécie ses commentaires, et je tiens à dire que nous continuerons à nous occuper de la santé mentale au fil des ans.

La sénatrice Muggli : Par ailleurs, il convient de se méfier des personnes qui voudraient entrer dans votre communauté en tant que bienfaiteurs et qui pourraient prétendre avoir les compétences nécessaires pour aider votre communauté dans le domaine de la santé mentale. C’est un problème auquel nous avons été confrontés à Humboldt. Des gens venaient de partout avec des compétences douteuses. Certains arrivaient dans des caravanes. C’était assez intéressant à observer. Soyez vigilants à cet égard et veillez à procéder à une vérification des personnes qui prétendent avoir les compétences nécessaires pour aider votre communauté dans ce domaine.

M. Ireland : Merci.

[Français]

La sénatrice Oudar : Tout d’abord, je veux vous remercier et vous féliciter pour la résilience dont vous avez fait preuve comme maire de la municipalité. Vous avez eu d’ailleurs les félicitations des témoins qui sont venus ici, notamment Parcs Canada, en ce qui a trait à l’utilisation du programme dont vous avez parlé tout à l’heure, qui est Intelli-feu, ou FireSmart en anglais.

J’aimerais aborder la question des programmes gouvernementaux. Il y a d’autres programmes que le gouvernement a annoncés en matière d’urbanisme et d’aménagement, notamment pour permettre aux municipalités de bâtir des villes plus résilientes au changement climatique, de concevoir des bassins artificiels et de réaménager en quelque sorte les villes pour les prochaines décennies.

J’aimerais vous entendre sur les programmes gouvernementaux et ce qui a été annoncé par Environnement et Changement climatique Canada par rapport au Fonds municipal vert, pour bâtir des collectivités résilientes aux changements climatiques; le gouvernement a annoncé plus de 500 millions de dollars. Pensez-vous que, en tant que sénateurs qui travaillent sur un rapport et sur notre mandat aujourd’hui, nous devons nous pencher sur la possibilité d’avoir encore plus de programmes? Avez-vous des commentaires à faire par rapport à ce qui est nécessaire pour les municipalités pour bâtir les villes de demain?

[Traduction]

M. Ireland : Merci, sénatrice, pour vos commentaires judicieux. Je vous en suis reconnaissant.

Parce que nous envisageons maintenant la reconstruction d’un grand nombre de nos maisons et de nos infrastructures dans la communauté, l’enjeu, c’est la conciliation entre la réglementation, sur laquelle nous pouvons exercer un contrôle, et les dispositions des polices d’assurance. Pas plus tard qu’hier, Parcs Canada a dévoilé une nouvelle politique d’aménagement du territoire pour la ville de Jasper afin de permettre une reconstruction qui rendra la communauté plus résiliente et qui permettra de construire les maisons différemment. Il y aura aussi une certaine densification, afin de résoudre un problème qui existe à Jasper depuis des décennies.

Le problème est le suivant : ce nouveau cadre réglementaire fait en sorte que les gens — même si leurs polices d’assurance prévoient le remboursement des coûts de reconstruction d’une habitation équivalente à celle qu’ils avaient — devront payer de leur poche les améliorations nécessaires pour rendre la communauté plus résiliente. C’est ainsi que les choses fonctionnent dans le secteur des assurances. Vous pouvez remplacer ce que vous aviez, mais sans apporter des améliorations. Or, nous voulons encourager les améliorations, et c’est là que le bât blesse.

S’il existait des programmes ou des occasions pour faire participer le secteur des assurances à l’élaboration des politiques du gouvernement visant à favoriser une reconstruction permettant de rendre les communautés plus résilientes, je pense que cela aiderait beaucoup Jasper, bien entendu, mais aussi toute autre communauté qui pourrait être confrontée au même problème que nous, car pour rendre une maison plus résiliente, il faut des fonds supplémentaires. À l’heure actuelle, les propriétaires n’ont tout simplement pas accès aux ressources financières nécessaires.

[Français]

La sénatrice Oudar : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Mes questions font suite à ce qu’ont dit les sénatrices Oudar et Muggli.

Tout d’abord, nous venons d’adopter une mesure législative parrainée par notre collègue, la sénatrice Karen Sorensen, qui confère à Jasper des pouvoirs qu’elle n’avait pas auparavant en matière de planification. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure ces pouvoirs auront un effet sur votre capacité à reconstruire une communauté plus résistante aux incendies?

M. Ireland : Oui, bien sûr. Compte tenu des commentaires que je viens de faire, nous serons en mesure de mettre en œuvre un cadre réglementaire qui permettra de reconstruire plus rapidement les habitations et de les rendre plus résistantes, mais cela ne signifie pas nécessairement que les propriétaires ont les moyens d’atteindre les objectifs.

Je remercie le Sénat et la sénatrice Sorensen d’avoir parrainé le projet de loi C-76 et de l’avoir fait adopter. Comme je l’ai indiqué en réponse à la question précédente de la sénatrice, Parcs Canada a annoncé hier un nouveau cadre stratégique, qui a été élaboré en étroite collaboration avec la municipalité. Ce sera le nouveau cadre réglementaire. Il s’agira de la politique qui constituera le nouveau règlement municipal qui sera en vigueur, et que nous pourrons commencer à mettre en œuvre.

Dans l’intervalle, Parcs Canada reste chargé de délivrer les permis de construction, mais sous un nouveau régime, qui a été élaboré en collaboration avec la communauté. La transition se fera sans heurts. Il nous faudra probablement encore quelques mois pour prendre le contrôle total de la planification de l’aménagement du territoire, mais en attendant, les choses évoluent exactement comme nous l’espérions. Nous en sommes reconnaissants.

Mais je le répète, le cadre réglementaire est une chose. Donner aux propriétaires les moyens de respecter la nouvelle norme en matière de résilience en est une autre.

La sénatrice Simons : La sénatrice Muggli a fait une remarque très judicieuse concernant les sauveurs autoproclamés qui ont tendance à se présenter lors de catastrophes, parfois avec les meilleures intentions, mais pas toujours avec les compétences les plus utiles ou même la capacité de coordonner leurs efforts avec ceux des autres. Je sais que cela a été un défi pour vous d’une manière différente lors des incendies, car des gens arrivaient pour aider, mais il n’y avait pas nécessairement — même s’ils étaient bien intentionnés — de place pour eux dans les plans qui évoluaient au fur et à mesure. Je sais qu’il y a également eu à Jasper beaucoup de gérants d’estrade, si je peux m’exprimer ainsi.

En tant que maire, comment gérez-vous les personnes qui veulent sincèrement aider, mais qui ne sont pas toujours prêtes à entendre que ce n’est pas le moment pour elles de le faire?

M. Ireland : C’est une bonne question. Je vous remercie, sénatrice. J’ai apprécié que vous ayez posé une question similaire à Parcs Canada il y a quelques semaines. J’étais dans l’auditoire à ce moment-là.

C’est un défi, mais ce n’en est pas nécessairement un que je dois relever directement. Durant l’intervention, nous avions un commandement unifié, qui était composé, bien sûr, de représentants de la municipalité et de Parcs Canada. Il s’agissait de personnes qui avaient un objectif opérationnel et qui contrôlaient la situation. Vous avez tout à fait raison; des gens bien intentionnés ont offert leur aide, mais le commandement unifié devait déterminer comment le travail allait se dérouler en vue d’atteindre les objectifs fixés.

C’était dangereux, car il y avait des incendies partout. Les gens ne pouvaient pas simplement se présenter et intervenir. Ils devaient être déployés, afin que nous sachions où chacun se trouverait. Tous les aspects logistiques devaient être pris en compte.

Vous parlez d’autres personnes qui proposent leur aide. En ce moment, je me concentre sur le rétablissement de notre communauté. Ces gérants d’estrade nuisent à notre communauté. L’aide d’autres personnes peut attendre. Pour l’instant, je dois penser à la santé mentale et au bien-être des membres de ma communauté.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

La sénatrice Marshall : Monsieur Ireland, je voulais revenir sur cet examen post-événement parce qu’il me préoccupe. J’ai participé à de nombreux examens post-événement, y compris dans certaines municipalités. Il est très important que la municipalité de Jasper soit impliquée dès le départ et qu’elle participe à l’élaboration des modalités. Si vous n’êtes pas présents à la table, il y aura des éléments qui se retrouveront dans les modalités avec lesquels vous ne serez pas d’accord, et il y aura peut-être des choses que vous voudrez voir incluses dans ces modalités.

Si j’habitais à Jasper, je voudrais qu’un représentant de la municipalité participe d’emblée. Il ne faut pas attendre que Parcs Canada établisse les modalités. Il faut prendre part au processus. C’est plutôt un commentaire qu’une question. Comme je l’ai dit, j’ai participé à de nombreux examens post-événement, et je trouve que c’est risqué de ne pas être là dès le départ.

M. Ireland : J’apprécie cette suggestion et j’en tiens compte. Je préférerais de loin qu’il y ait un cadre réglementaire pour cela. L’une des choses que nous avons constatées, comme on vient de le dire, ce sont les jugements précipités de la part de personnes qui ne sont pas des experts. J’aimerais qu’il existe un cadre objectif basé sur la science et des preuves solides, et non sur des opinions et des conjectures.

La sénatrice Marshall : Oui.

M. Ireland : Je suis tout à fait d’accord pour dire que c’est ce que nous devrions viser.

La sénatrice Marshall : Je pense que la municipalité devrait jouer un rôle plus actif dès maintenant. Je vous remercie pour vos commentaires.

La sénatrice Simons : L’un des problèmes auxquels sont confrontées les communautés qui font face à des catastrophes est le manque de confiance, attribuable à la théorie du complot, chez des groupes au sein de certaines communautés. Nous l’avons constaté aux États-Unis lors d’ouragans. Des gens ont refusé d’évacuer, et même après le passage de l’ouragan, des gens ont refusé d’accueillir les secouristes parce qu’on leur avait mis dans la tête que quelque chose de grave était en train de se produire.

Il fallait faire sortir 25 000 personnes du parc par la seule route possible. Avez-vous eu du mal à transmettre l’information aux personnes qui en avaient besoin? Y a-t-il des outils médiatiques qui ont fonctionné pour vous? Ou bien y avait-il des personnes dont la méfiance à l’égard du gouvernement est si grande qu’elles ont refusé de respecter l’ordre d’évacuation?

M. Ireland : Sénatrice, après examen, car je n’étais pas sur le terrain lors de l’évacuation, j’ai cru comprendre qu’on a eu recours au système d’alerte d’urgence dont nous disposons. Nous avons toujours encouragé tous nos résidents à s’abonner aux alertes et nous utilisons également le système d’alerte provincial. Parcs Canada encourage ses visiteurs à s’abonner aux alertes, mais je dois dire que les employés ont fait un travail phénoménal en parcourant les terrains de camping pour alerter les gens individuellement, car je suis sûr que beaucoup de ces personnes étaient peut-être sans réseau et n’auraient pas reçu les alertes. Ils ont fait un travail spectaculaire pour communiquer le message. Je crois savoir qu’il y a eu un peu de confusion, surtout à propos de la possibilité d’un incendie, de sa gravité et du moment où il s’approcherait du parc, ce qui a probablement incité les gens à évacuer le parc.

Comme toujours, quelques personnes n’ont pas respecté l’ordre d’évacuation, mais il s’agissait de quelques dizaines de personnes, et non de centaines ou plus. La GRC a fait du porte-à-porte après l’évacuation pour s’assurer qu’aucune personne n’avait été oubliée par mégarde. Nous disposions d’un registre des personnes vulnérables, alors les personnes ayant besoin d’aide ont pu appeler et obtenir cette aide. Comme vous le savez, l’évacuation s’est très bien déroulée, en ce sens que personne n’a été blessé et qu’il n’est arrivé rien de pire.

C’est une préoccupation. La confiance est toujours un enjeu majeur dans toute entreprise de nature politique, en particulier dans le cas d’une évacuation, mais dans ce cas-là, je pense que la confiance des gens était suffisante pour que les choses se déroulent remarquablement bien.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup encore une fois.

M. Ireland : De rien.

Le président : Monsieur Ireland, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui et il y a quelques semaines également. Votre témoignage et votre point de vue sont très appréciés. Sachez que nos pensées vous accompagnent aujourd’hui et pour l’avenir. Au bout du compte, j’espère que le rapport qui résultera de cette étude sera utile pour Jasper et d’autres communautés et municipalités qui pourraient, en fait, être confrontées à un incendie dans l’avenir. Merci beaucoup.

Je tiens à remercier les membres du comité. Vos questions et commentaires pertinents sont toujours formidables. Je voudrais également prendre un moment pour remercier le personnel de soutien et notre page. Applaudissons-les chaleureusement. Sans leur aide, nous ne pourrions pas faire le travail que nous accomplissons lors des réunions.

(La séance est levée.)

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