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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 17 mai 2022

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), par vidéoconférence, partiellement à huis clos,afin d’étudier la teneur des éléments de la partie 1 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation; ainsi que la teneur des éléments des sections 5, 10, 11, 15, 16, 17 et 30 de la partie 5 du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je m’appelle Pamela Wallin et je suis présidente de ce comité.

J’aimerais présenter les autres membres du comité, en commençant par le vice-président, le sénateur C. Deacon. Sont présents également les sénateurs Bellemare, Gignac, Loffreda, Marshall, la sénatrice Moncion qui remplace le sénateur Massicotte, les sénateurs Ringuette, Smith et Woo, puis nous espérons que le sénateur Yussuff se joindra également à nous. On ne le voit pas encore à l’écran.

Nous continuons aujourd’hui notre examen de la teneur des éléments de la partie 1 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation, qui touchera beaucoup d’instruments législatifs et beaucoup de ministères. Ce projet de loi a été renvoyé au comité le 28 avril dernier.

Nous poursuivrons la discussion, ce soir, avec Laura Jones, vice-présidente exécutive de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante; Robin Guy, directeur principal, Transport, infrastructure et politique réglementaire, à la Chambre de commerce du Canada, et Hugues Bourgeois, directeur général de Coopératives et mutuelles Canada. Bienvenue à tous.

Avant que nous commencions, je rappelle à tous les sénateurs et à tous les témoins de garder leur microphone en sourdine tant que la présidence ne leur a pas accordé le droit de parole. Puis, bien entendu, je demande à tous les sénateurs et à tous les témoins d’être brefs et précis afin que nous puissions couvrir le plus de sujets possible.

Nous sommes maintenant prêts à entendre les déclarations préliminaires. Je vous donne la parole, madame Jones.

Laura Jones, vice-présidente exécutive, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante : La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante représente 95 000 petites entreprises au Canada dans tous les secteurs de l’économie. J’ai également présidé le Comité consultatif externe sur la compétitivité réglementaire du gouvernement fédéral. Ce groupe était chargé de conseiller le gouvernement sur la compétitivité et la modernisation de la réglementation.

L’une des choses dont nous avons longuement discuté au sein de ce comité est la possibilité de faire de l’excellence réglementaire un avantage stratégique clé pour le Canada en réduisant les formalités administratives et en instaurant des conditions favorables à l’innovation, pour améliorer du même coup les résultats en matière de santé, de sécurité et d’environnement auxquels les Canadiens tiennent.

Faire de l’excellence réglementaire un avantage stratégique pour le Canada ne se fera pas tout seul, bien sûr. Cela nécessitera un effort continu et concerté. Les projets de loi comme le projet de loi S-6 en font partie. Cette année, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a recommandé que tous les gouvernements supérieurs, soit les gouvernements provinciaux et fédéral, aient la possibilité de présenter chaque année un projet de loi omnibus pour éliminer les irritants réglementaires, et nous avons ajouté cette recommandation à notre bulletin annuel sur la réglementation.

Le projet de loi S-6 permet de faire avancer le travail du gouvernement fédéral en ce sens, un travail qui a commencé en 2019 avec la modernisation de 12 textes législatifs, notamment pour numériser de nombreux processus papier. Sans une occasion régulière d’apporter des changements de ce type, les exigences réglementaires désuètes qu’on trouve dans la législation s’accumulent et deviennent lourdes, à la fois pour ceux qui essaient de s’y conformer que pour ceux qui, au gouvernement, sont chargés de la conformité.

Par exemple, jusqu’à tout récemment, de nombreuses petites entreprises nous disaient qu’elles conservaient un télécopieur dans le seul but de traiter avec les gouvernements et de répondre à leurs exigences. Le projet de loi S-6 vient corriger bon nombre d’exigences désuètes, comme l’obligation de publier les avis de faillite dans les journaux, et modifie notamment la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments pour permettre aux entreprises d’interagir avec l’ACIA par voie électronique plutôt qu’en format papier.

La modernisation de la réglementation comporte de nombreux avantages, notamment la possibilité de favoriser l’innovation, la croissance économique et la reprise. Mentionnons surtout qu’une réglementation moderne crée des conditions propices à une solide relation de confiance et de coopération entre les gouvernements et les citoyens qu’ils servent. Lorsque les règles sont dépassées et confuses, c’est l’inverse. Elles font perdre du temps à tout le monde, créent des frustrations inutiles et sapent la confiance envers le gouvernement.

Bien que je ne puisse pas parler de chaque élément du projet de loi S-6, nous en appuyons l’intention et une grande partie du contenu. De plus, nous recommandons que la modernisation de la réglementation soit une priorité pour le gouvernement à l’avenir, dans tous les ministères et organismes, et que le gouvernement ait désormais l’occasion chaque année de procéder à un nettoyage réglementaire comparable à celui que fait le projet de loi S-6.

Nous aimerions également voir progresser davantage et plus vite l’élaboration de mesures réglementaires et autres pour résoudre les nombreux irritants systémiques qui ont trait à la communication, notamment par des sites Web en langage clair plus faciles à consulter et par des moyens plus simples pour les gouvernements de recueillir les commentaires des citoyens qu’ils servent, tout cela serait bienvenu.

En résumé, il s’agit d’un important pas en avant dans la modernisation de la réglementation, mais il y a encore beaucoup à faire. Merci beaucoup.

La présidente : Merci beaucoup, madame Jones. C’est ce que bien des propriétaires de petites entreprises nous ont déjà dit. Nous reviendrons à vous sur tout cela pendant la période de questions.

Robin Guy, directeur principal, Transport, infrastructure et politique réglementaire, Chambre de commerce du Canada : Honorables sénateurs, c’est un plaisir pour moi de comparaître ici pour la première fois. La Chambre de commerce du Canada est heureuse d’avoir l’occasion de prendre position sur le projet de loi S-6 et la façon dont le gouvernement fédéral peut améliorer le régime réglementaire du Canada, selon nous.

La réglementation préoccupe de plus en plus bien des entreprises et nos membres. À une époque où le rythme des changements auxquels sont confrontées les entreprises canadiennes s’accélère, celles-ci doivent rester agiles et s’adapter pour demeurer concurrentielles. Les entreprises ont besoin du bon cadre politique pour réussir à s’adapter à cette évolution rapide et générer de la croissance économique à long terme. Pour faire du Canada une destination attrayante pour les investissements qui favoriseront notre croissance économique, nous avons besoin de fondements solides. L’efficacité réglementaire est essentielle à la compétitivité.

Le projet de loi S-6 apporte des changements nécessaires à la réglementation fédérale, dont la modernisation doit demeurer une priorité continue. La Chambre de commerce du Canada accueille favorablement toute mesure progressive visant à moderniser la réglementation. Bien que je félicite le gouvernement de mettre de l’avant un programme de modernisation de la réglementation, je le mets au défi d’agir de façon plus audacieuse et plus urgente encore.

Je tiens à féliciter le gouvernement d’avoir créé le portail Parlons des règlements fédéraux. Il est fondamental, pour faire avancer le dossier, que les entreprises puissent fournir leurs commentaires sur les règlements.

Pendant le temps de parole qui m’est imparti, permettez-moi de me concentrer sur quelques éléments qui nous préoccupent particulièrement. Premièrement, le gouvernement doit viser à confier un mandat économique aux organismes de réglementation fédéraux. Trop souvent, les organismes de réglementation ne tiennent pas suffisamment compte des répercussions économiques de leurs décisions sur les entreprises. Cela doit changer si nous voulons rester concurrentiels. Nous sommons le gouvernement de veiller à ce que les organismes de réglementation tiennent compte du volet économique et de la compétitivité pour ne pas entraver la croissance des entreprises canadiennes.

Deuxièmement, nous avons besoin d’une plus grande harmonisation réglementaire avec les autres pays comme au sein du Canada. Quand les règlements sont plus cohérents d’un endroit à l’autre, les entreprises canadiennes sont mieux à même de faire du commerce au Canada et dans le monde, ce qui offre également un plus grand choix aux consommateurs canadiens. Le gouvernement doit travailler activement à améliorer la collaboration et l’harmonisation afin que les entreprises canadiennes ne soient pas désavantagées dans l’économie mondiale par des règlements propres au Canada qui mineraient notre capacité à rivaliser avec les entreprises d’ailleurs.

Troisièmement et dernièrement, le gouvernement doit s’engager publiquement à offrir de la certitude réglementaire aux entreprises canadiennes. Si une réglementation imprévisible et contraignante freine l’esprit d’entreprise, une réglementation saine et efficace peut à la fois protéger l’intérêt public et favoriser la réussite sur les marchés. L’incertitude et des attentes qui changent constamment dans le processus réglementaire sont un véritable poison pour ceux qui voudraient investir des milliards de dollars dans l’exploitation de nouveaux pipelines, de nouvelles mines et d’autres grands projets d’infrastructure pour l’édification du pays. Le gouvernement doit veiller à faciliter ces projets et à éliminer de façon sécuritaire les obstacles inutiles à leur réalisation afin d’améliorer la compétitivité du Canada par rapport aux autres pays.

Le projet de loi soumis au comité représente un bon pas en avant. Honorables sénateurs, le statu quo ne peut pas servir d’excuse pour ne pas agir. La modernisation de la réglementation canadienne donne au gouvernement l’occasion de travailler avec les entreprises afin qu’elles puissent devenir plus concurrentielles. C’est l’occasion de faire croître notre économie au sortir de la pandémie. Nul besoin de nouveaux programmes coûteux.

Je vous remercie encore une fois de m’offrir l’occasion de m’entretenir avec le comité, j’ai hâte de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Guy. Nous examinerons ces règlements de très près. Nous vous en sommes reconnaissants.

Hugues Bourgeois, directeur général, Coopératives et mutuelles Canada : Merci, madame la présidente. Je suis heureux de représenter Coopératives et mutuelles Canada et de vous faire part de nos réflexions sur le projet de loi S-6.

CMC est une association qui représente les coopératives et les mutuelles de tout le Canada dans des domaines tels que l’agriculture, le logement, les soins de santé et plus encore. Notre secteur génère une activité de plus de 85 milliards de dollars par an et fournit des emplois à environ 174 000 personnes, cela sans compter les avantages importants qu’on tire de ces activités socialement responsables.

Je vous ferai quelques observations à la lumière de notre examen de la partie 1 du projet de loi concernant les dispositions relatives aux coopératives et à la faillite.

La modification proposée à la Loi canadienne sur les coopératives est mineure et ne devrait pas avoir d’incidence importante sur les coopératives. Il convient de noter que moins de 100 coopératives sont constituées en vertu d’une loi fédérale et seront touchées par les changements proposés. La grande majorité des coopératives canadiennes sont enregistrées en vertu de lois provinciales ou territoriales.

Le remplacement du rapport annuel par une déclaration de mise à jour annuelle devrait avoir peu d’incidence sur nos membres. Cependant, lorsque cette modification sera mise en œuvre, il sera important que les décideurs s’efforcent de maintenir un fardeau réglementaire faible sur les coopératives, afin que celles-ci puissent concentrer leurs ressources sur leur raison d’être, générer des débouchés économiques et aider les régions où elles se trouvent.

En outre, les modifications apportées aux dispositions relatives à la faillite et à l’insolvabilité sont également de nature mineure. Nous sommes d’avis que les dispositions relatives à la faillite et à l’insolvabilité devraient toujours respecter les droits des membres et les lois en vertu desquelles les coopératives sont constituées. Nous encourageons les décideurs gouvernementaux à continuer de créer des politiques et des règlements en concordance avec ces valeurs, qui assurent la protection des membres des coopératives.

Nous encourageons ce comité et tous les sénateurs à contacter les coopératives de leur région pour les consulter sur les modifications à venir. Nous serons heureux de vous mettre en contact avec elles.

En conclusion, je tiens à vous remercier de m’avoir invité à comparaître devant vous ce soir, et j’espère que nous pourrons poursuivre la conversation sur ces questions et d’autres à l’avenir. Je vous remercie.

La présidente : Merci beaucoup. C’est très utile. Nous sommes bien partis. Nous entamerons maintenant la période de questions avec le vice-président du comité, le sénateur Deacon.

Le sénateur C. Deacon : Merci à nos témoins. Vous avez tous vraiment mis en relief le cœur de la question, que Mme Jones de la FCEI a particulièrement bien exposé, à savoir qu’on veut faire du Canada un centre d’excellence en matière de réglementation dans le monde. Nous sommes actuellement à l’autre bout du spectre, cependant. Je me demande si vous pourriez nous en parler de façon plus précise.

On dirait bien que la partie 1 du projet de loi S-6 ne suscite pas d’inquiétudes, donc pourquoi ne nous plongerions-nous pas dans les détails, sur les observations à formuler pour contribuer à accélérer le processus. Il s’agit d’un bon départ, c’est formidable, mais cela reste très graduel. Peut-être chacun d’entre vous aurait-il des idées précises pour aider le comité à accélérer la cadence, pour rendre notre réglementation encore plus robuste et efficace afin de gagner la médaille d’or de l’excellence réglementaire dans le monde.

Mme Jones : Si nous sommes sérieux dans notre quête d’excellence réglementaire, ce doit être une priorité pour tous les ministères et organismes gouvernementaux. La réflexion à ce sujet doit être très vaste. Il s’agit de régler les problèmes réglementaires, et c’est important parce qu’il peut être difficile de modifier certaines choses et que les problèmes peuvent durer longtemps, comme l’illustre l’obligation de traiter avec le gouvernement par fax. Certaines choses sont très problématiques, mais il y a aussi des problèmes qui découlent de politiques ou du service à la clientèle du gouvernement. Quand on ne peut pas obtenir facilement une réponse à une question au téléphone ni sur un site Web, c’est très problématique.

Il faut veiller à ce que les citoyens puissent communiquer facilement avec le gouvernement, que ces choses soient prises au sérieux, donc je crois qu’il serait important que ce soit un souci constant.

Il y a ensuite toute la question des indicateurs de mesure. Il y a un budget annuel, mais il est incroyable qu’on ne comprenne toujours pas très bien les coûts totaux découlant de la réglementation ou le nombre de règlements qui existent, si l’on tient compte non seulement des règlements, mais de toutes les exigences réglementaires. C’est une chose que nous réclamons depuis longtemps, pour avoir une idée des domaines où le fardeau s’alourdit et de ceux où il s’allège. Je peux peut-être m’arrêter là. Ce sont deux choses concrètes.

M. Guy : J’ai déjà fait quelques suggestions dans mon introduction. Il nous faut avant tout des fondements solides pour devenir plus efficaces, plus efficients et plus concurrentiels. J’ai donné trois exemples qui me semblent constituer un bon départ. D’une perspective économique, il est impératif que les organismes de réglementation et les entreprises travaillent de concert pour concevoir un cadre réglementaire optimal. On ne peut pas simplement faire fi de l’impact économique d’un projet ni ne tenir compte que de son impact économique. Cette perspective enrichit la trousse à outils d’un organisme de réglementation, pour lui permettre de brosser un tableau complet de la situation.

Pour ce qui est de l’harmonisation...

La présidente : Nous avons déjà entendu vos recommandations dans votre exposé, et c’est très bien. Lorsque vos membres viennent vous voir, y a-t-il quelque chose — comme l’exemple du télécopieur — qui ressort ou un problème plus important que les autres?

M. Guy : Oui, ce problème est particulièrement important, mais ce sont évidemment les irritants qui ont déjà été mentionnés qui ressortent; je pense que c’est toujours la même chose. La façon dont les demandes et les subventions sont présentées posent aussi problème. Les petites entreprises ont du mal à comprendre quels sont les outils mis à leur disposition par le gouvernement.

Il existe des outils, mais ils ne sont pas nécessairement communiqués de la manière la plus efficace. Comme je l’ai mentionné, c’est quelque chose qui ressort tout le temps, pour les demandes de subventions ou même d’autres choses, comme pour les questions frontalières. Il y a souvent des problèmes à Pearson ou à l’aéroport international de Vancouver.

La présidente : Croyez-moi, tous ceux d’entre nous qui prennent l’avion pour venir à Ottawa pourraient dresser cette liste pour vous.

Monsieur Bourgeois, vous pouvez vous aussi répondre à cette question.

M. Bourgeois : Oui, merci. Du point de vue de la CMC, le plus important pour atteindre l’excellence réglementaire, c’est la consultation, l’équité et la reconnaissance de tous les différents types d’organisations qui existent. Souvent, dans le passé, les coopératives ont été ignorées ou mises de côté. Nous nous sommes beaucoup appliqués à éduquer le gouvernement sur ce qu’est une coopérative, ce qu’elle apporte et quel type d’organisation elle est vraiment, et nous continuons de le faire. Pour moi, il faut prendre en considération le modèle de l’organisation, et ce, partout.

En ce qui concerne les autres problèmes auxquels sont confrontées les coopératives, elles peuvent être régies par différentes lois, comme celles sur les banques ou les assurances, d’où différentes interactions pouvant causer des complications. Il serait très utile d’harmoniser ces lois clés. Merci.

La sénatrice Ringuette : C’est très intéressant. Je trouve vraiment captivant de tenter de relever le défi lancé par le sénateur Deacon de conquérir le podium de la réglementation, pour ainsi dire. Ma question s’adresse davantage à M. Guy et à Mme Jones. Vos organisations sont d’envergure nationale, tout comme vos membres.

Si vous trouvez ce processus prometteur — et dans une étude précédente, ce comité a constaté que les barrières commerciales et réglementaires entre les provinces constituaient un problème très important au sein du Canada —, diriez-vous que ce processus devrait également s’étendre aux niveaux provincial et territorial?

M. Guy : Oui. Merci beaucoup pour la question. La mise en œuvre a absolument besoin du concours fédéral et de celui des provinces. On commence à voir des provinces préconiser cette idée dans tout le pays. Dans l’Ouest comme dans l’Est, des gouvernements remettent vraiment la chose en question au nom de la croissance économique. Comme je l’ai dit, vu notre situation financière et la possibilité que le gouvernement cherche à se serrer la ceinture, c’est un moyen de prédilection pour maintenir la croissance économique. C’est certainement réalisable sans programmes coûteux, ce qui, je suppose, sera très bientôt notre objectif.

Mme Jones : Si vous suggérez un projet de loi omnibus qui s’attaque aux sources d’irritation, beaucoup de provinces, ces dernières années, en ont rédigé leur propre version. Notre rapport périodique sur la réglementation cherche notamment à déterminer si les circonstances sont réunies pour une actualisation régulière qui permet d’éviter l’accumulation des obstacles formés par des règles désuètes. Rien que cette petite opération suffit pour moderniser les règlements.

Les provinces sont également passées à une mesure assez sérieuse des effets de leurs règlements. Nous encourageons tout le monde à le faire, parce que, dans ce domaine, c’est l’essentiel pour la reddition de comptes; ça nous donne l’espoir, également, que le Canada pourra être un chef de file de l’excellence réglementaire grâce au travail sérieux qui s’est fait.

Sur le commerce interprovincial, nous publierons un rapport sous peu. Les provinces, je le répète, ont du pain sur la planche, tout comme le gouvernement fédéral.

L’inspection des viandes qui font l’objet d’un commerce interprovincial et l’obligation de se plier aux exigences fédérales sont des causes précises d’irritation depuis longtemps pour beaucoup de petites entreprises. J’encouragerais le gouvernement fédéral à les examiner.

La Colombie-Britannique interdit l’exportation dans d’autres provinces si on ne satisfait pas aussi aux exigences fédérales, qui sont très lourdes. Or, pendant la COVID, on a autorisé un certain relâchement de ces règles, pour éviter de dégarnir les épiceries et de causer une panique générale.

L’une de nos autres recommandations a été que les gouvernements examinent les mesures d’assouplissement instaurées en raison de la COVID. Que peut-on en retenir? L’autorisation de la vente de viande d’une province à l’autre relève carrément du domaine fédéral; c’est depuis longtemps une cause d’irritation, particulièrement dans le commerce interprovincial où un déblocage serait possible. Je pense que certains fruits et légumes entrent dans cette catégorie.

La sénatrice Ringuette : Merci.

La présidente : Excellent! Merci.

Selon certains témoignages que notre comité a entendus par le passé, le respect trop scrupuleux des règles obligerait les camionneurs à changer les pneus de leur véhicule à leur arrivée dans une province. C’est dément à ce point.

Le sénateur Loffreda : Je remercie les témoins de leur participation.

J’ai une question pour Mme Jones et M. Guy.

Je suis tombé sur une lettre datée d’avril 2020, adressée au ministre Duclos par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et la Chambre de commerce du Canada ainsi que d’autres organisations, qui demandaient au gouvernement de remettre à plus tard tous les nouveaux règlements et toutes les consultations inutiles et non essentielles qui détourneraient les membres de ces organisations de la gestion de la crise en cours, sous prétexte que les entreprises et l’industrie n’étaient pas en mesure de donner suite convenablement aux consultations en cours sur les règlements. Est-ce que cela s’est corrigé en cours de route?

Avez-vous l’impression que vos associations et membres ont eu une chance équitable et satisfaisante de réagir aux examens des règlements?

M. Bourgeois a dit que ce qui importait pour devenir un champion, c’était la consultation, l’impartialité et la reconnaissance de toutes les associations.

Ce problème a-t-il été corrigé entretemps? Je comprends que, au plus fort de la crise, vous ayez voulu que les entreprises se concentrent sur leur propre gestion. Mais pouvez-vous nous l’expliquer? Quels correctifs sont survenus entretemps? Avez-vous l’impression d’avoir été bien consultés?

Mme Jones : Dernièrement, les choses ont changé radicalement — et heureusement aussi. Nous reprenons franchement le dessus sur la pandémie.

En 2020, les entreprises craignaient pour leur survie. Des associations comme la nôtre, qui étaient en première ligne pour aider les entreprises, ont un rôle consultatif. Ordinairement, les entreprises canadiennes font appel à nous 40 000 fois par année, pour s’y retrouver dans les normes d’emploi comme dans leurs autres obligations réglementaires.

Du jour au lendemain, ce volume a doublé. Il est passé à plus de 80 000 appels. Nous étions donc submergés. Nous devions consacrer toutes nos ressources à l’aide à donner à nos membres. Il aurait fallu, en plus, nous occuper de consultations sur les règlements. C’était impossible, en pleine crise. Aujourd’hui, elle est derrière nous. Nous ne voudrions certainement pas retarder la simplification et la facilitation.

Notre organisation s’en sort à peine, et nous nous sentons davantage revenus à la normale. Ces deux dernières années, nous avons aidé nos membres à s’y retrouver dans les méandres des restrictions et des programmes de soutien. Ça n’a absolument pas été facile pour les entreprises.

M. Guy : Oui. Dans ce climat, après des défaillances des chaînes d’approvisionnement, la Chambre de commerce et quelques-uns de ses partenaires ont demandé au gouvernement de leur épargner des fardeaux inutiles et nouveaux de réglementation qui, pour certains, ont tendance à agir comme des pilules empoisonnées, dont on risque, dans la précipitation, de mésestimer les effets.

Il est toujours indispensable de s’assurer que le gouvernement pourra organiser des consultations sur certaines décisions et d’accorder suffisamment de latitude aux entreprises pour qu’elles s’adaptent.

Je tiens à souligner que les entreprises ont besoin de prévisibilité. Je pense qu’elles ne feront pas d’investissements; si la prévisibilité n’est pas au rendez-vous, vous verrez, il y aura beaucoup de résistances

La présidente : Monsieur Bourgeois, avez-vous quelque chose à dire?

M. Bourgeois : Pour le moment, je voudrais revenir aux aspects de la consultation.

Un facteur important est que les coopératives sont constituées en sociétés sous le régime de lois d’une province ou d’un territoire, de sorte que pour un grand nombre d’entre elles, il s’agirait de concilier les règlements et les lois fédérales et provinciales. Merci.

La présidente : C’est une excellente remarque. Merci.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma question s’adresse à tous les panélistes, puisque l’on discute de l’ensemble du projet de loi S-6.

J’aimerais vous entendre sur le principe de l’incorporation par renvoi à la réglementation. Êtes-vous familiers avec cette pratique? Cette pratique a connu une résurgence en 2014, lorsqu’il y a eu un projet de loi à ce sujet. Souhaitez-vous cette pratique ou critiquez-vous plutôt cette pratique? Quel est votre point de vue sur cette technique d’incorporation par renvoi?

[Traduction]

Mme Jones : Ça peut être très utile. Ça doit également se faire dans la transparence et ça exige des actualisations. Ça peut être utile.

Parfois, il peut être difficile de maintenir la cadence. Faute d’actualisation ou en raison de difficultés pour trouver les autres textes auxquels il faut se conformer, en raison d’incorporations par renvoi, des problèmes peuvent survenir.

Je ne suis pas spécialiste en la matière. Absolument pas. Le sujet est revenu sur le tapis pendant les travaux du comité consultatif externe; nous en avons discuté un peu. Je crois que nous avons formulé une recommandation là-dessus dans une de nos lettres. À ce que je me souvienne, ça peut être très utile, mais des diables gisent dans ces détails.

M. Guy : Acceptez mes excuses, parce que cette question sort de mes compétences et je devrai consulter un de mes collègues. Si la Chambre de commerce formule d’autres observations, je les communiquerai avec plaisir à votre greffière.

La présidente : Oui. Un paragraphe suffirait. Si vous avez un rapport sur la question, ce serait excellent. Simplement nous le communiquer.

M. Bourgeois : Je suis dans la même situation que M. Guy. Je devrai consulter mes adjoints pour communiquer les bonnes observations, faute d’être spécialiste du domaine. Je reviendrais volontiers témoigner devant votre comité.

La présidente : Malheureusement, nous n’avons plus de temps pour d’autres réunions, parce que nous étudions deux projets de loi, mais il nous serait utile de recevoir de vous une note ou une position officielle déjà formulée, quelque part.

M. Bourgeois : Merci.

La présidente : Il n’y a pas de quoi.

La sénatrice Marshall : Vos observations sont très intéressantes, mais vous avez tous donné l’impression que la plupart de ces modifications sont mineures et incomplètes

Veuillez me corriger si je me trompe, mais, si j’ai raison, y en a-t-il parmi vous qui savent ce qu’est la révision complète d’un règlement par le gouvernement?

Si le gouvernement annonçait, dans le cadre de la Loi d’exécution du budget, qu’il ferait un examen très complet des règlements et que vous ayez l’occasion de proposer des idées sur la façon de le faire, dites-moi ce que vous en penseriez et ce que vous recommanderiez.

La présidente : C’est génial. Alors, par quel moyen?

La sénatrice Marshall : Procéderiez-vous par secteur d’activité, par exemple, où les coopératives de crédit constitueraient un groupe et les produits alimentaires un autre groupe? Comment vous y prendriez-vous? Que recommanderiez-vous?

M. Guy : Incontestablement, la Chambre de commerce serait très désireuse d’y participer. Comme je l’ai dit, le nombre d’entreprises qui dénoncent le fardeau de la réglementation augmente franchement. C’est incontestable que nous voudrions le faire.

Je félicite le gouvernement. Depuis l’énoncé économique de 2018, il travaille sans relâche sur le dossier des règlements. De notre côté, je le répète, nous voudrions que ça se fasse un peu plus vite que maintenant.

En ce qui concerne les priorités, j’ai insisté, dans ma déclaration préliminaire, sur l’obligation, pour les organismes fédéraux de réglementation, d’analyser leurs règlements sous le prisme de l’économie. Ce serait indispensable. La conciliation des exigences internationales et canadiennes, comme on l’a évoqué aujourd’hui, et la recherche d’une certitude dans la réglementation, voilà sûrement des éléments qui entreront en ligne de compte.

La présidente : Est-ce que ce serait sectoriel?

M. Guy : Oui. Le gouvernement a agi sectoriellement, par exemple, dans les transports, l’un des premiers secteurs ayant fait l’objet d’une révision. Ça donne de bons résultats. Il y a peut-être seulement deux ou trois ministères, en même temps, qui sont un peu plus lents que nous le souhaiterions.

La sénatrice Marshall : Le problème est-il seulement la vitesse ou s’y ajoute-t-il un manque d’exhaustivité?

M. Guy : Actuellement, ce serait la vitesse. Quant à l’exhaustivité, nous insisterions également pour obtenir un aperçu global des modalités de promulgation des règlements fédéraux.

La présidente : Madame Jones, avez-vous des préférences pour les modalités du processus?

Mme Jones : D’abord, une petite observation sur la déception que nous ressentons peut-être. Bien sûr, l’une des difficultés que posent les règlements, c’est qu’il y a ceux dont — nous sommes tous d’accord — nous avons besoin pour la santé, la sécurité, la protection de l’environnement et les autres, qui, peut-être, se retrouvent dans la catégorie « paperasse ». L’élagage constant de cette masse est assommant et ça donne l’impression de ne pas tellement avancer, peut-être même d’avancer d’un pas et de reculer de deux.

Ce que j’ai vu donner de bons résultats dans les provinces, notamment, qui demande un peu plus d’audace, consiste à fixer un objectif pour la réduction et à mobiliser tous les ministères et tous les organismes pour l’atteindre. À cette fin, il faut mesurer, il faut fixer un objectif, il faut du pouvoir politique.

Revenons en arrière, en 2001, alors que le gouvernement de la Colombie-Britannique est simplement passé aux actes après avoir annoncé son intention de diminuer le fardeau des règlements d’un tiers en trois ans. Il a dépassé cet objectif, puis annoncé que pour chaque nouvelle exigence réglementaire qu’on promulguerait, on en supprimerait deux. Dès qu’il a atteint son objectif d’un tiers, nous lui avons enjoint de ne pas cesser de mesurer. Vous n’avez pas besoin de continuer à réduire, mais pour chaque nouvelle exigence, une autre disparaît. Il a continué à réduire le nombre d’exigences et, la dernière fois que j’ai vérifié, il est près d’une réduction de 50 %. Je ne crois pas qu’on puisse contester que les normes de santé, de sécurité et d’environnement, en Colombie-Britannique, sont moins exigeantes que dans d’autres provinces. Ça montre ce qui est possible, mais ça prend une volonté politique considérable.

Ç’a été un modèle pour de nombreux États, aux États-Unis. J’ai rencontré beaucoup de gouverneurs que le modèle intéresse, parce que c’est l’un des plus réussis pour la réforme réglementaire, bien que, en vrais Canadiens, nous ne nous en soyons pas trop vantés. Il n’a donc pas beaucoup attiré l’attention, mais il y est parvenu néanmoins sur la scène internationale.

La règle fédérale du un pour un, la Loi sur la réduction de la paperasse — genre de loi que le Canada a été le premier à adopter dans le monde entier — s’inspire du modèle britannico-colombien.

Mais le modèle fédéral a une portée beaucoup plus étroite puisqu’il ne s’applique qu’aux exigences réglementaires proprement dites. Il n’englobe ni les lois ni les politiques. Le projet de loi, qui n’englobe que les exigences à l’égard des entreprises, pourrait s’élargir à ces textes, tandis que, en Colombie-Britannique, toutes les règles sont assujetties à celle du un pour un. Cette règle a donné naissance à beaucoup de bonnes réformes, par exemple faciliter le versement des prestations d’aide sociale entravé par la paperasse et ce genre d’obstacles.

La réduction de la paperasse peut profiter non seulement aux entreprises, mais, également, aux soins de santé ou à l’aide sociale, pour le bien de tous les Canadiens.

Voilà le modèle, si un peu plus d’audace ne vous rebute pas, que j’examinerais, celui qu’on a appliqué en Colombie-Britannique, un modèle pour de nombreux pays et États.

La présidente : C’est une description très utile.

La sénatrice Marshall : Oui. Merci.

La présidente : Nous promettons de ne pas essayer de réclamer une conférence fédéro-provinciale sur la question. Nous essaierons de garder ça entre nous.

Le sénateur Smith : Au début de l’étude de ce projet de loi, nous avons entendu deux représentants d’associations qui nous ont dit qu’il y avait de toute évidence un fossé entre le gouvernement et les entreprises. Je pense que nous avons tous trouvé que c’était un constat très direct.

Madame Jones, nous vous avons écoutée, ainsi que tous nos témoins, et vous avez mentionné le service à la clientèle, la facilité de communication, la mesure globale, le coût des règlements, les règlements provinciaux, les règlements fédéraux... Comment pouvons-nous provoquer, au gouvernement, un changement radical qui accélérerait la cadence et favoriserait le service à la clientèle? Parce que j’ai un gros problème avec un concept : j’entends parler sans cesse de consultation. Qu’en est-il de la négociation? Qu’en est-il d’une communication claire? Parce que consulter n’équivaut pas à communiquer clairement ou à négocier. Consulter, c’est comme dire : « Je vais vous dire ce que nous allons faire. »

Mme Jones : Je pense que cela se résume à la transparence et à la responsabilité. Encore une fois, je vais vous donner un exemple de la Colombie-Britannique, bien que d’autres provinces aient fait la même chose. Je ne pense pas que quiconque a fait un travail fabuleux à cet égard, et malheureusement, la Colombie-Britannique n’a pas poursuivi sa démarche.

Il y a un certain nombre d’années, la province a déclaré aux citoyens vouloir entendre leurs opinions : « Qu’est-ce qui vous irrite? Quelles sont vos doléances, petites et grandes? » Ils ont reçu des réponses intéressantes. Je me souviens d’avoir parlé au sous-ministre de l’époque, et il était assez nerveux parce qu’il disait : « Qu’est-ce que nous venons de déclencher? Quel genre de boîte de Pandore avons-nous ouverte? »

Il n’est plus au gouvernement, mais il m’a dit que c’est l’une des choses les meilleures et les plus gratifiantes qu’il ait faites au gouvernement, car certains éléments étaient faciles à corriger. Sur des sites Web, il y avait des liens défectueux, ce qui peut être incroyablement frustrant.

Certains problèmes n’étaient pas faciles à résoudre, mais ils étaient importants, et ils ont entrepris les démarches nécessaires pour les résoudre. D’autres enjeux ne pouvaient être résolus ou existaient pour de bonnes raisons, mais ils ont présenté un rapport sur chaque élément qui avait été soulevé. C’était génial pour le ministre, qui pouvait affirmer que le gouvernement agissait : « Faites-nous part de vos tracas, et nous vous reviendrons avec un rapport. » Il y a eu beaucoup de transparence. Ils ont corrigé beaucoup de choses, et les problèmes particuliers étaient transmis à chaque ministère, de sorte que les ministères devaient en prendre acte et rendre compte de ce qu’ils faisaient.

Je pense que les gouvernements ont parfois peur de faire cela, car ils ont l’impression que le secteur privé va vouloir qu’ils règlent tout. Je ne pense pas qu’on s’attende à ce que vous régliez tout. Ils ont ouvert ces lignes de communication dans le cadre d’une consultation en ligne, et le ministre en a fait la promotion en disant simplement aux gens : « Envoyez-nous vos problèmes. »

Il y a des moyens d’améliorer le service à la clientèle, mais il faut que le résultat soit permanent. Nous avons recommandé cela, et en fait, le comité consultatif externe l’a également recommandé. Je recommande à tous ceux qui sont vraiment intéressés de lire les quatre lettres. La dernière a été publiée l’année dernière, mais il y a deux lettres antérieures à la pandémie et deux lettres postérieures à la pandémie. Les conseils donnés dans ces lettres sont plutôt judicieux.

La présidente : Des lettres de votre organisation?

Mme Jones : Ce sont des lettres du Comité consultatif externe sur la compétitivité réglementaire.

La présidente : C’est excellent.

Mme Jones : Il s’agissait de personnes issues du monde universitaire et de consommateurs. Il y avait un large éventail de voix au sein de ce comité.

La présidente : D’accord. C’est bon.

Le sénateur Smith : Merci.

La présidente : C’est très bien. Monsieur Guy, voulez-vous intervenir au sujet de la consultation par rapport à la négociation?

M. Guy : Oui, et je souligne que le gouvernement propose actuellement un portail ouvert qui s’appelle Parlons des règlements fédéraux. Je comprends que nous ne pouvons pas consulter jusqu’à ce que mort s’ensuive, mais en même temps, avoir une avenue qui permet aux entreprises de parler de leurs préoccupations au gouvernement est une avancée.

Comme l’a dit Mme Jones, il s’agit d’un nouveau portail, mais nous devrons voir comment les choses fonctionnent sur le plan opérationnel. Les entreprises ne peuvent pas simplement transmettre leurs commentaires sans obtenir de réponses. Il doit y avoir un dialogue — une négociation, je suppose. De notre côté, nous espérons que c’est une voie à double sens et qu’il ne s’agit pas simplement de renseignements qui entrent dans un système sans que rien n’en ressorte jamais.

En ce qui concerne nos partenaires commerciaux internationaux, il est important de pouvoir comprendre si nous faisons les choses différemment de l’Union européenne, des États-Unis, de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande, par exemple, et de savoir pourquoi. Est-ce que tel ou tel règlement nous place en situation de désavantage concurrentiel ou non?

Cela revient à la nécessité d’adopter une perspective économique.

La présidente : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Moncion : La question que je veux poser concerne le pouvoir qui est entre les mains des syndics, et je vais parler de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Cette loi donne beaucoup de pouvoir aux syndics en faillite et protège les plus gros créanciers.

Pouvez-vous m’indiquer — surtout en ce qui concerne les industries, c’est-à-dire la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante —, de quelle façon les propositions qui sont dans cette loi peuvent vous aider ou vous nuire?

Je pose la même question aux coopératives. On sait que lorsqu’une faillite est réglée, ce sont souvent les plus petites entreprises qui écopent les pertes associées à l’insolvabilité d’une entreprise. Comment les changements proposés à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité peuvent-ils vous aider? Est-ce que les changements sont vraiment mineurs et n’ont aucune conséquence sur les coopératives?

[Traduction]

La présidente : Monsieur Bourgeois, voulez-vous commencer, cette fois?

[Français]

M. Bourgeois : Absolument. Quand on regarde les changements qui sont proposés, comme je l’ai dit plus tôt, ils sont vraiment mineurs. Ce dont on a besoin, plus que jamais, c’est de regarder nos membres, porter attention aux pouvoirs des membres et pas juste traiter une coopérative comme une autre entreprise.

La sénatrice Moncion : Vous pensez justement au cas de Mountain Equipment Company?

[Traduction]

M. Bourgeois : Oui. La Mountain Equipment Company est un bon exemple de la vulnérabilité et du manque de compréhension — ou même de l’ignorance — de la structure de l’organisation, car elle appartenait aux membres, n’est-ce pas? C’est un type d’organisation différent qui n’est pas bien expliqué et qui a été traité comme n’importe quelle autre entreprise.

M. Guy : De mon côté, ce n’est pas un problème qui a été porté à mon attention, mais je demanderais bien à d’autres de mes collègues s’ils ont quelque chose à ajouter cet égard.

La sénatrice Moncion : Merci.

Mme Jones : Il n’y a certainement aucun problème à remplacer l’obligation de publier un avis de faillite dans un journal, ce qui est probablement très gênant.

Pour ce qui est de l’autre question, nous n’avons pas entendu de préoccupations. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de conséquences indésirables, mais je n’ai pas entendu de préoccupations à ce sujet. Malheureusement, je soupçonne que les entreprises seront plus nombreuses à se trouver dans cette situation avec la fin des programmes de soutien fédéraux. Il se peut que certains de ces problèmes commencent à faire surface.

La sénatrice Moncion : D’accord. Puis-je ajouter un petit quelque chose, madame la présidente?

La présidente : Rapidement, oui.

La sénatrice Moncion : Cela n’aide pas vos entreprises, mais il pourrait y avoir une incidence sur certaines d’entre elles, car les renseignements ne sont pas toujours connus des personnes qui font appel à vos entreprises ou qui sont propriétaires de ces entreprises. Quoi qu’il en soit, ce n’est que de l’information supplémentaire qui n’est peut-être pas à la portée des autres.

Le sénateur Gignac : Ma question s’adresse également à Mme Jones, car je connais mieux cette organisation, ayant été auparavant ministre du Développement économique et, à ce titre, responsable de la réduction du fardeau de la réglementation. J’ai eu affaire à votre organisation.

J’aime votre exemple de la Colombie-Britannique, mais d’après ma propre expérience, ce que j’ai trouvé très difficile, c’est que chaque ministère ou sous-ministre n’est pas conscient du fardeau de la réglementation et des coûts, et j’aime votre approche axée sur la mesure.

Avez-vous un autre exemple d’une province du Canada — outre la Colombie-Britannique — qui a amélioré son processus? Comment pourriez-vous porter cela à l’attention du sous-ministre, car il ne se rend peut-être pas compte du fardeau que son ministère impose aux petites entreprises?

Mme Jones : Vous posez une excellente question. Pour commencer par la partie facile de votre question, est-ce qu’il y a d’autres exemples au Canada? Oui, il y en a. La Colombie-Britannique est l’exemple le plus ancien d’une approche cohérente à la réforme qui a survécu à un changement de gouvernement, ce qui me semble important.

Le Manitoba a également fixé et atteint de tels objectifs de réduction. Le Québec a une mesure différente, mais le Québec a fait des choses intéressantes. Maintenant, selon nos mesures, le Québec a plus de réglementation que beaucoup d’autres provinces et a un plus gros travail à faire, mais il a commencé à mesurer, bien que différemment.

La Nouvelle-Écosse a également fait des choses intéressantes, non seulement dans ses mesures, mais aussi dans son service à la clientèle. Elle a, par exemple, un service de navigateur pour les entreprises qui est très populaire. Elle a également réalisé récemment des travaux intéressants pour évaluer les formalités administratives auxquelles les médecins sont confrontés ainsi que le nombre de visites de patients qui pourraient ainsi s’ajouter, et elle a travaillé avec des médecins à cette fin. Ils ont mené une réflexion très novatrice et apporté des changements dans ce sens.

Pour la deuxième partie de votre question sur les sous-ministres, c’est là notre défi. Comment faire pour que les gens prennent cela au sérieux? Il faut un leadership politique. Je pense vraiment que mesurer et fixer un objectif permet de mobiliser les gens. En attendant, j’ai entendu de nombreuses personnes, tant au sein du gouvernement qu’à l’extérieur, dire que l’un des points positifs de la crise de la COVID a été la nécessité pour les intervenants du gouvernement de se rapprocher et de communiquer davantage en temps réel.

Souvent, au sein du gouvernement, les organismes de réglementation pensent qu’ils ne peuvent pas parler aux gens de l’extérieur tant que les règlements et les décisions n’ont pas été entièrement finalisés. Le problème, c’est qu’ils ne comprennent pas les conséquences indésirables. Cela a changé avec la COVID. Tout allait plus vite, et je pense que les gens avaient un peu plus envie de prendre des risques pour s’assurer qu’il y avait de la nourriture sur les étagères. Certaines de ces choses étaient importantes, de sorte que l’exigence d’étiquetage et le respect de tous les points de contrôle étaient peut-être moins importants, par exemple.

Je pense que les deux parties souhaitent le maintien de cette proximité, mais le défi consiste à veiller à ce que nous ne revenions pas à nos anciennes façons de faire et que nous conservions des choses qui ont été vraiment bonnes pendant la pandémie, notamment la meilleure communication aux premiers stades du processus de réglementation.

La présidente : C’est un des problèmes que nous avons entendus précédemment à ce sujet. Maintenant, le gouvernement revient à une sorte d’échelonnement. Nous allons apporter ces changements maintenant, puis dans quatre ans nous en apporterons d’autres, ce qui ne fait que créer plus d’incertitude.

Je vais poser une question au nom du sénateur Woo. Il est question de l’appareil gouvernemental. Nous avons parlé de l’approbation. Il demande s’il faudrait créer une agence centrale, outre le Conseil du Trésor. Peut-être une agence chargée de la compétitivité?

J’aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. Est-ce qu’il y aurait une façon plus facile de traiter avec le gouvernement à cet égard?

Mme Jones : Je pense qu’il y a un réel besoin. Le Comité consultatif externe était une bonne approche parce qu’il s’agissait d’un groupe extérieur au gouvernement qui donnait des conseils, sous la forme de lettres publiques adressées régulièrement au ministre, ce qui accentuait l’obligation de rendre compte. Je n’aime pas suggérer d’ajout à la bureaucratie, mais il reste à savoir s’il faut pousser cela encore plus loin.

La présidente : J’ai aussi cette crainte.

Mme Jones : J’hésite à ce sujet. Cependant, l’une des recommandations finales que le Comité consultatif externe a adressées au gouvernement est le maintien de cette démarche, sous une forme ou une autre. Je pense effectivement qu’il faut lui donner plus de visibilité, mais je ne sais pas exactement comment le faire. J’invite cependant votre comité à se reporter à certaines lettres. Il y a eu beaucoup de travail, et cela me dit que nous n’avons pas fait un assez bon travail pour nous assurer que les conseils que nous donnions seraient connus d’autres personnes que le ministre et le personnel du Conseil du Trésor.

M. Guy : Dans les diverses lettres de mandat de ce gouvernement, l’une des choses que j’ai recherchées était le nombre de fois où figuraient les mots « règlement » ou « réglementaire », et ce n’était pas très souvent.

Ce que vous voyez au sein de certains gouvernements provinciaux — les gouvernements précédents et actuels aussi —, c’est du leadership politique en matière de réduction de la paperasserie ou de réglementation, ce qui pourrait toujours être une option à envisager.

J’ai souri dès que la question a été posée à une autre agence gouvernementale. Ce n’est probablement pas quelque chose que j’appuierais, mais avoir ce leadership politique est un aspect intéressant.

La présidente : Il y a une grande différence entre la volonté politique et un autre ministère. Monsieur Bourgeois, avez-vous des observations à faire?

M. Bourgeois : Oui. En ce qui concerne le secteur coopératif, le rétablissement du Secrétariat aux coopératives serait d’une grande aide. Il a aidé à faire connaître les coopératives. Le secrétariat était inclusif, et il pouvait nous aider à faire des percées et à éduquer les gens, ainsi qu’à donner une perspective coopérative aux politiques, aux programmes et à la réglementation sur le point de prendre forme.

La présidente : C’est excellent. Merci de cette suggestion.

Le sénateur C. Deacon : Madame Jones, pourriez-vous faire parvenir à la greffière les noms et coordonnées d’anciens fonctionnaires de la province de la Colombie-Britannique, si vous en connaissez, à qui nous pourrions parler des processus en vigueur là-bas? C’est formidable d’apprendre de ceux qui l’ont fait et qui ont de l’expérience, et nous vous en serions très reconnaissants.

J’aimerais également revenir sur le commentaire concernant l’incorporation par renvoi que vous avez fait tout à l’heure. Le projet de loi S-6 ne vise que 2 des plus de 100 lois, avec leurs règlements connexes, de 2 des 18 organismes fédéraux qui ont des normes désuètes incorporées par renvoi. Nous avons beaucoup de travail à faire.

Pour ce qui est des points, vous avez dit que le projet de loi S-6 est excellent, que c’est un excellent début. Vous nous avez fait d’excellentes suggestions, mais y a-t-il d’autres éléments qui permettraient de mieux faire connaître ce processus et son importance?

L’une des choses que vous avez mentionnées, c’est que la possibilité pour les sous-ministres d’entendre le public sur ce qui se passe dans leur ministère est probablement un bon outil d’apprentissage et d’éducation. Avez-vous d’autres suggestions précises sur la façon de faire progresser ce dossier dans la liste des priorités politiques?

La présidente : Nous essaierons de faire référence aux lettres du Comité consultatif externe, car je pense que c’est important pour éduquer les gens sur ce système.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J’aimerais entendre Mme Jones au sujet des comités consultatifs.

Je suis intéressée par les questions de consultation par opposition à une négociation ou au lobbying. Les processus ont souvent été hermétiques par le passé et pas très transparents. Pensez-vous qu’aujourd’hui, grâce à la technologie dont nous disposons, nous pourrions organiser des comités consultatifs où tous les gens participeraient aux consultations organisées par les ministères au sujet de la réglementation? Comme cela, tout le monde saurait de quoi on parle.

[Traduction]

La présidente : Est-ce que la technologie faciliterait le processus pour ces comités consultatifs, madame Jones?

Mme Jones : En fait, l’une des choses sur lesquelles le comité consultatif externe s’est penché est la consultation, et la façon de l’améliorer. Ce n’est pas une question facile.

Cependant, avec les nouveaux outils — un autre aspect positif de la pandémie —, ce type de consultation devient beaucoup plus possible sans qu’il soit nécessaire de se rendre à Ottawa. Pour les propriétaires d’entreprises et les particuliers touchés par les règlements ainsi que par les politiques et les mesures qui découlent de ces règlements et auxquelles vous devez vous conformer, l’un des défis — parce que je pense que la modernisation de la réglementation devrait concerner tous les Canadiens — est qu’il est très difficile de participer à certaines de ces tables rondes et à d’autres activités, surtout si vous devez trouver du temps dans votre horaire chargé ou dans votre entreprise occupée.

Ces outils sont très prometteurs en ce sens qu’ils permettent aux gens d’entendre un groupe plus vaste de parties prenantes, géographiquement parlant, et de savoir comment les propriétaires d’entreprises et les citoyens eux-mêmes sont touchés, en plus des dirigeants d’associations.

Je dirais que c’est prometteur.

La sénatrice Ringuette : Madame Jones, si nous pouvions obtenir des copies ou le lien vers les quatre lettres mentionnées, je pense que c’est très important pour nous en ce qui concerne les recommandations. Merci.

La présidente : C’est très bien. C’est ce que nous ferons certainement.

Le sénateur Loffreda : Le projet de loi S-6 propose des changements à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, notamment des modifications qui permettraient d’offrir des options de publication plus souples aux syndics autorisés en insolvabilité. On nous dit que cette mesure pourrait permettre une économie de 2 à 3 millions de dollars par année.

Est-ce que les entreprises que vous représentez bénéficieront de cette mesure? Est-ce que cette mesure permettra d’alléger les formalités administratives?

M. Guy : Dans les conversations que j’ai eues avec nos membres sur la réglementation, cela n’a pas été l’une des mesures que l’on a vraiment demandées. Encore une fois, comme pour l’autre requête, je peux demander à la personne appropriée à la chambre de formuler des observations à ce sujet.

Mme Jones : Je pense que cela ne fera pas une énorme différence, mais le défi est que les gouvernements nous disent souvent ceci : « Apportez-nous vos 10 premiers et assurez-vous qu’ils fassent tous une grande différence. »

Le hic, c’est que ce n’est pas la nature du problème auquel vous êtes confrontés. C’est beaucoup plus comme être attaqué par des moustiques plutôt que de dire que vous allez choisir un moustique et que lorsque vous vous en débarrassez, tout sera correct. C’est en partie la nature du problème que nous devons comprendre, et c’est pourquoi nous pensons qu’il faut des mesures, des objectifs de réduction, afin qu’il y ait une incitation à contrôler l’ensemble du fardeau. Lorsque nous nous livrons à ces exercices des 10 premiers, nous en relevons 10, et peut-être que des progrès seront réalisés sur 5 d’entre eux. Entretemps, il y aura 500 nouveaux enjeux de plus dont les entreprises devront se préoccuper.

Le défi pour les gouvernements est d’établir un budget raisonnable, où l’on ne dit pas qu’il ne faut pas augmenter les règlements, mais quelle est cette augmentation? Que diriez-vous d’en faire entrer un et d’en faire sortir un, mais dans tous les domaines, et pas seulement dans un domaine restreint? À l’heure actuelle, cette mesure est en place au niveau fédéral, mais elle s’applique de manière très étroite. Elle ne concerne que les règlements et seulement certains types de règlements. Si elle s’appliquait à plus vaste échelle, il y aurait un plafond.

La présidente : Merci de ces remarques. Vous nous avez donné un aperçu ici. Nous devons étudier une mesure législative, mais vous nous avez incités à aller plus loin, à être plus audacieux dans notre réponse. Je tiens sincèrement à tous vous remercier : Laura Jones, vice-présidente exécutive de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Robin Guy, directeur principal, Transport, infrastructure et politique réglementaire à la Chambre de commerce du Canada, et Hugues Bourgeois, directeur général de Coopératives et mutuelles Canada. Vous nous avez été d’une très grande aide. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez accordé. Nous ferons appel à vous à nouveau un jour. Merci beaucoup.

Mme Jones : Merci.

M. Bourgeois : Merci.

M. Guy : Merci.

La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous n’avons plus de temps. Nous allons lever la séance pour passer à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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