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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 10 mai 2023

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général, ainsi que la teneur des éléments des articles 118 à 122 concernant le minage de cryptoactifs dans la partie 2, et des sections 1, 2, 6, 7, 26, 33 et 37 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Le sénateur Colin Deacon (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Colin Deacon, et je suis vice-président du comité.

J’aimerais présenter les membres du comité qui sont présents aujourd’hui, soit le sénateur Gignac, le sénateur Dean, le sénateur Loffreda, la sénatrice Galvez, le sénateur Yussuff, le sénateur Massicotte, le sénateur Smith et la sénatrice Marshall. Un ou deux autres sénateurs sont aussi censés arriver plus tard.

Aujourd’hui, pendant la première partie de la réunion, c’est avec plaisir que nous accueillons Peter Routledge, surintendant des institutions financières. Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd’hui afin de discuter de l’état du secteur bancaire. Bienvenue devant le comité et merci d’être parmi nous aujourd’hui. Nous allons maintenant entendre votre déclaration préliminaire. Monsieur Routledge, vous avez la parole.

Peter Routledge, surintendant, Bureau du surintendant des institutions financières : Merci. C’est merveilleux d’être ici. Bonjour, monsieur le président et membres du comité. J’ai une courte déclaration à faire, après quoi nous pourrons passer directement aux questions.

Je vous remercie de me recevoir aujourd’hui pour que nous puissions discuter de votre étude sur les investissements commerciaux au Canada. Plus particulièrement, vous m’avez invité pour que je dresse un bilan du secteur bancaire canadien.

En premier lieu, je tiens à reconnaître que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe qui habite ce territoire et en prend soin depuis des millénaires.

Mes remarques préliminaires seront brèves, car je souhaite avoir plus de temps pour répondre à vos questions.

[Français]

Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) veille à ce que les institutions financières fédérales, ou IFF, soient en bonne santé financière. Il contribue également à renforcer la confiance du public dans le système financier canadien. Pour ce faire, le BSIF établit le cadre réglementaire et de surveillance applicable aux IFF du Canada pour s’assurer qu’elles contrôlent et gèrent bien les risques.

Nous avons pu observer une forte volatilité des systèmes bancaires à l’extérieur du Canada. Cependant, le système bancaire canadien n’a pas connu le même sort. Vous vous demandez peut-être pourquoi.

Depuis la mise sur pied du BSIF en 1987, le Canada s’est forgé un système financier résilient qui repose sur d’importantes marges de sécurité.

[Traduction]

C’est ce qui explique, selon moi, la résilience de notre système bancaire, qui fera ses preuves cette année et dans les années à venir. Le Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF, ne dort jamais sur ses lauriers. Nous continuons de surveiller ce qui se profile à l’horizon pour donner suite aux risques émergents qui se concrétisent. Nous prenons très au sérieux la stabilité du système financier du Canada. En tant qu’organisme de réglementation prudentielle, nous nous devons d’être prêts à agir rapidement en période d’incertitude et de volatilité. Pour cela, nos activités s’articulent autour de trois volets.

Premièrement, si une institution financière éprouve des difficultés, nous agissons rapidement et de façon décisive pour protéger les intérêts des déposants et des créanciers.

Deuxièmement, nous faisons preuve de lucidité et de transparence au sujet des risques qui pèsent sur le secteur financier, ce qui est notamment illustré par la publication de notre Regard annuel sur le risque le 18 avril dernier.

Et troisièmement, nous faisons continuellement évoluer les politiques de réglementation nécessaires pour renforcer la confiance du public envers le système financier canadien.

Merci. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le vice-président : Merci, monsieur Routledge. Le sénateur Loffreda a une première question à poser.

Le sénateur Loffreda : Merci d’être ici, monsieur Routledge. Procédons-nous à la première partie de la réunion, monsieur le président? Est-ce que nous nous concentrons sur la loi d’exécution du budget pendant la première partie?

Le vice-président : Excusez-moi. Il y a cette idée que nous allons régulièrement convoquer le surintendant des institutions financières ici, comme nous le faisons avec le gouverneur de la Banque du Canada. C’est le premier point et, à mon avis, cela en vaut largement la peine. C’est formidable de pouvoir faire un recoupement avec les questions bancaires liées à l’investissement des entreprises, puisque nous en avons la possibilité. Cela s’inscrit dans une nouvelle tradition que nous souhaitons instaurer, soit celle d’accueillir le surintendant des institutions financières ici tous les six mois.

Ensuite, nous passerons à la partie de la réunion concernant le projet de loi d’exécution du budget.

Le sénateur Loffreda : Merci et bienvenue devant le comité, monsieur Routledge.

De nombreux économistes croient que le système bancaire des États-Unis est soumis à de fortes pressions — comme nous le savons tous —, en partie à cause des récentes augmentations des taux d’intérêt par la Réserve fédérale. Celles-ci ont eu une incidence négative sur la valeur des trésoreries et des autres titres, qui représentent une source cruciale de capitaux pour la plupart des banques américaines et canadiennes.

Selon vous, les banques canadiennes éprouveront-elles aussi de telles difficultés, et sont-elles également soumises à de telles pressions du fait des augmentations du taux directeur par la Banque du Canada? Dans la négative, en quoi la situation est-elle différente pour le système bancaire canadien?

M. Routledge : Merci beaucoup de votre question.

Monsieur le Sénateur, je ne pense pas que les banques canadiennes subiront une pression semblable à celle qui s’exerce sur les banques américaines. Il y a plusieurs raisons à cela, mais d’abord et avant tout, sur le plan structurel, le degré de risque lié aux taux d’intérêt n’est pas le même dans les bilans des banques au Canada. Vous vous demandez peut-être pourquoi. Pour l’essentiel, nos prêts hypothécaires sont d’une durée de cinq ans; le prêt hypothécaire à taux fixe courant est d’une durée de cinq ans. Aux États-Unis, il est d’une durée de 30 ans. Le degré de risque lié aux taux d’intérêt dans les bilans des banques aux États-Unis est beaucoup plus élevé, et cela tient simplement à la différence entre un prêt hypothécaire à taux fixe de 5 ans et un prêt hypothécaire à taux fixe de 30 ans.

Mais il y a d’autres raisons. Premièrement, nos règles de fonds propres sont tout simplement plus strictes que celles qui s’appliquent aux banques régionales aux États-Unis. Par exemple, dans un portefeuille disponible à la vente et évalué à la valeur du marché, les changements qui se produisent chaque trimestre ou chaque mois se répercutent directement sur le capital. Pour les banques régionales aux États-Unis, ce n’est pas le cas actuellement. Si une banque aux États-Unis a plus de 250 milliards de dollars américains d’actifs, cette règle s’applique. Mais ce n’était pas le cas pour les banques dont vous avez entendu parler au cours des derniers mois.

Deuxièmement, nous appliquons à toutes nos banques les règles de Bâle III, c’est-à-dire les règles mondiales en matière de liquidité réglementaire. Que leurs actifs valent un milliard de dollars ou un billion de dollars, toutes les banques soumises à des règles de liquidité. Aux États-Unis, on a assoupli cela.

Pour des raisons qui tiennent à la fois de la structure de l’industrie et de règles un peu plus strictes dans l’ensemble du système, je pense que les banques canadiennes ne seront pas exposées au même degré de risque lié aux taux d’intérêt. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de risque ou qu’elles ne devraient pas être prêtes à le gérer, mais nous le ressentirons moins durement.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de cette réponse.

L’autre point qui préoccupe de nombreux Canadiens, et que nous aimerions analyser en profondeur, concerne le marché immobilier, à la fois le marché immobilier commercial et le marché immobilier résidentiel. Plus précisément, quels types de risques sont associés aux plus longues périodes d’amortissement offertes aux propriétaires avec des prêts hypothécaires à taux variable à ce moment-ci? Selon vous, le test de simulation de crise pour les prêts hypothécaires est-il suffisant pour protéger les consommateurs contre les hausses de taux d’intérêt? Les tests de ce genre sont-ils suffisants pour nos banques?

Quel est votre avis en ce qui concerne l’hypothèse du télétravail, plus particulièrement la valeur décroissante des biens immobiliers commerciaux? J’ai lu récemment dans l’Economist que, à New York, 50 % des travailleurs sont retournés au bureau, et qu’on prévoit une baisse draconienne de la valeur des biens immobiliers commerciaux au cours de la prochaine décennie.

Quel est votre point de vue sur le marché canadien en ce qui a trait à nos banques et à leur sécurité?

M. Routledge : Je vais commencer par l’immobilier résidentiel, puis je passerai à l’immobilier commercial.

En ce qui concerne l’immobilier résidentiel, vous avez raison de souligner que les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes sont un élément fragile au sein de notre système de logement. Au moment de souscrire un tel produit, vous convenez avec votre institution financière d’un calendrier d’amortissement à versements fixes pour une période de 25 ou 30 ans, selon l’option choisie. À mesure que les taux augmentaient, ces paiements restaient fixes, mais les frais d’intérêt hypothécaires augmentaient. Certaines des périodes d’amortissement de ces prêts hypothécaires ont été prolongées, c’est simplement mathématique.

La fragilité n’est pas immédiate. Si vous avez une telle hypothèque et que vos versements hypothécaires sont de 2 200 $ par mois, vous continuez de payer ce montant mensuel. Vous ne réduisez probablement pas le capital à ce stade, mais vous ne subissez pas de choc de paiement. Le marché de l’emploi est encore assez solide. Le risque se présentera dans trois ou quatre ans, lorsque tous ces paiements devront être rééchelonnés selon le tableau d’amortissement initial, à moins que la banque et le ménage conviennent d’une souscription différente.

Le risque lié à un tel produit est quelque peu différé, mais c’est une fragilité que nous surveillons de très près.

Vous avez posé une question sur le test de simulation de crise hypothécaire. Comme les prêts hypothécaires de cinq ans constituent la norme pour un taux fixe au Canada, le taux d’un prêt hypothécaire sur cinq est modifié chaque année. Pendant toute l’année, ces taux hypothécaires ont été modifiés, et les gens paient des taux d’intérêt plus élevés qu’il y a cinq ans.

Ce que le test de simulation de crise — s’il fonctionne — nous a permis de constater jusqu’à présent, c’est qu’il y aurait peut‑être eu davantage de défauts de paiement si nous n’en avions pas disposé, car du fait de ce test, les taux auxquels les ménages étaient admissibles étaient beaucoup plus élevés que leur taux contractuel. Les défauts de paiement hypothécaires se situent aujourd’hui près des creux historiques, malgré la hausse des taux.

Je pense que cela a fonctionné à cet égard.

Ce qui m’inquiète, c’est l’accumulation de prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes. En 2021 et en 2022, il y a eu une augmentation importante du nombre de prêts hypothécaires consentis au moyen de ce produit. C’est une concentration des risques qui est apparue même en présence du test de simulation de crise. Nous avons lancé une consultation auprès de l’industrie afin de comprendre cela, et nous avons proposé des idées en vue de parer à ce risque. Nous venons de terminer les consultations en avril, et nous commençons à faire preuve de diligence.

Pour ce qui est de l’immobilier commercial, c’est l’un des quatre principaux risques dont nous venons de faire état dans le cadre de notre Regard annuel sur le risque. Les secteurs qui nous préoccupent le plus sont les locaux à bureaux dans les bâtiments de catégorie B, C et D. Nous observons des pressions semblables aux États-Unis, même si nous n’avons pas constaté de détérioration de la qualité du crédit. Je ne veux pas encore le dire, mais nous demandons à nos institutions de s’attendre à cela, et aussi de commencer à envisager de planifier leur gestion de bilan en conséquence.

Au cours des prochains trimestres, je pense que vous verrez une augmentation des provisions pour pertes de crédit, qui seront facilement absorbées par les bénéfices des banques.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Routledge.

Le sénateur Gignac : Heureux de vous revoir, monsieur Routledge.

[Français]

Je voudrais commencer par poursuivre cette discussion sur la ligne directrice B-20 qui est un taux admissible minimal applicable pour les nouveaux prêts hypothécaires.

Votre règle est toujours 2 % au-dessus du taux contractuel ou du taux maximal de cinq ans de la Banque du Canada. Je salue cela, parce que cela a été mis en place il y a plusieurs années et cela a permis d’éviter des problèmes comme vous l’avez mentionné. Surtout quand les taux d’intérêt sont rendus très élevés, comme c’est le cas actuellement dans une zone restrictive, pensez-vous changer cette règle? Que ce soit plutôt 2 % au-dessus du taux neutre de la Banque du Canada ou quelque chose du genre? Parce que cela exclut quand même des gens qui ne peuvent peut-être pas accéder à la propriété en raison de cette règle.

Cette règle a beaucoup de sens quand les taux sont très faibles, comme ceux qu’on a connus il y a deux ans, mais est-ce qu’elle a autant de sens lorsqu’on est rendu à une période aussi restrictive?

[Traduction]

M. Routledge : Si j’ai bien compris, vous voulez savoir si nous envisagerions de revoir — à la hausse ou à la baisse — le niveau de 200 points de base? Vous avez mentionné qu’il faudrait peut-être l’abaisser afin d’aider les gens à accéder à la propriété.

Il y a deux réponses à cela. Tout d’abord, du moins d’après tout ce que nous avons pu déterminer, le test de simulation de crise fondé sur les 200 points de base a permis de maintenir les défauts de paiement à un bas niveau. Selon ce que les données probantes nous montrent jusqu’ici, les Canadiens sont parvenus à composer avec des taux d’intérêt plus élevés, et il n’y a pas eu d’augmentation du nombre de défauts de paiement.

Si nous devions l’abaisser pour aider d’autres Canadiens à accéder à la propriété — et nous sommes effectivement inquiets, car plus les taux sont élevés, plus le test de simulation de crise est punitif —, que se passerait-il sur le marché de l’habitation? Le pouvoir d’achat des acheteurs augmenterait, et dans un marché libre — et il est essentiellement libre —, le prix des maisons augmenterait probablement, ce qui annulerait l’effet bénéfique. Nous sommes très prudents à cet égard.

Si nous avons mené la consultation sur la ligne directrice B-20, c’était notamment pour avoir une idée du moment où l’assouplissement du test de simulation de crise pourrait être une mesure anticyclique. Nous sommes en train d’évaluer cela. L’analyste bancaire en moi est sceptique, car je pense que, si nous baissons les taux, le prix des maisons augmentera par effet de compensation, et que les gens se retrouveront avec les mêmes frais hypothécaires mensuels.

Le sénateur Gignac : Si je comprends bien, vous êtes ouvert à la flexibilité, mais votre...

M. Routledge : Si vous me permettez d’ajouter quelque chose d’intéressant, nous avons proposé une restriction du ratio prêt‑revenu, qui viserait non pas les ménages, mais les prêteurs. Une limite serait imposée quant au nombre de fois par trimestre où un prêt peut être consenti à une personne fortement endettée qui veut emprunter l’équivalent de 450 % de son revenu. Au Royaume-Uni, par exemple, les banques ne peuvent accorder que 15 % de leurs prêts hypothécaires à des emprunteurs dont le ratio prêt-revenu est de 450 % ou plus. À l’heure actuelle, ce contrôle n’est pas très contraignant. L’adoption d’une telle mesure ajouterait une marge de sûreté dans l’éventualité où un assouplissement du test de simulation de crise serait envisagé.

Le sénateur Gignac : Merci. Je pense que vous faites un excellent travail pour ce qui est des mesures macroprudentielles à prendre si le système bancaire canadien est considéré comme si solide.

Nous pourrions peut-être revenir aux États-Unis et au Canada. Vous avez mentionné que les règles de fonds propres sont plus sévères au Canada qu’aux États-Unis. Cela expliquerait en partie la frustration, sans parler de la divulgation du ratio de liquidité.

Dans le discours que vous avez prononcé à Toronto en janvier dernier, vous avez mentionné que c’était un penchant pour l’action.

[Français]

Vous avez mentionné que maintenant, en ce qui concerne la réserve pour stabilité intérieure, au lieu d’être entre 0 et 3 %, ce sera plutôt entre 0 et 4 %.

[Traduction]

Vous pourriez peut-être nous expliquer de quoi il s’agit. D’une part, vous semblez dire que nous sommes bien capitalisés et que nous ne devrions pas nous inquiéter. Mais d’autre part, vous signalez que cela va s’accroître et entraîner l’augmentation des ratios de capital. J’entends certaines contradictions de votre part. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet en une ou deux minutes, de façon à respecter le temps de parole de mes collègues?

M. Routledge : Vous faites allusion à la réserve pour stabilité intérieure des six plus grandes banques, que nous désignons sous l’appellation de « banques d’importance systémique ». Nous demandons aux banques de détenir un minimum de 8 %, puis nous ajoutons un coussin qui est actuellement établi à 3 %. Nous utiliserons ce coussin en cas de récession. Lorsque nous le supprimerons, nous dirons : « Votre ratio de capital peut baisser, mais à ce moment-ci, alors que les choses vont bien, vous devez amasser des capitaux au-delà de ce chiffre, et largement au-delà. »

Nous l’avons augmenté parce que nous voulions une meilleure assurance en cas de récession. C’est une mesure de précaution, et nous pouvons nous permettre cela parce que les banques se portent très bien; leurs bénéfices se sont élevés à 90 milliards de dollars l’an dernier, avant impôt. Nous leur avons demandé de mettre un peu plus d’argent de côté pour constituer une assurance. À l’heure actuelle, nous observons une récession, et nous constatons que les banques doivent commencer à réduire la valeur de leurs prêts et à libérer des capitaux, ce qui réduira cela et aura un effet anticyclique. Il s’agit de se constituer une meilleure assurance. Nous n’en aurons peut-être pas besoin, mais il vaut mieux en avoir plus que moins à ce moment-ci.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence et des services que vous rendez à notre pays. Je crois que vous faites du très bon travail.

Permettez-moi de revenir un peu dans le passé. En 2008, je pense que nous étions très préoccupés. Nous avions beaucoup d’intervenants, tant du secteur de la sécurité que de celui des affaires. Je pense que nous avons apporté quelques changements à cet égard, de sorte qu’il y a maintenant une séance de comité avec la Banque du Canada et d’autres intervenants pour veiller à ce que vous couvriez l’ensemble du territoire et à ce que cela ne tombe pas entre les mailles du filet, comme cela a été le cas dans certains pays. Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce que tous les intervenants sont présents à la table?

M. Routledge : Sénateur, nous participons à un certain nombre de forums internationaux. Je vais mentionner les deux qui sont les plus utiles au moment d’empêcher que les choses ne tombent entre les mailles du filet. Il y a tout d’abord le Conseil de stabilité financière. Il comporte divers comités, et je siège à certains d’entre eux, tout comme le gouverneur et la première sous-gouverneure. Il permet aux gouverneurs des banques centrales et aux chefs de la supervision d’examiner les risques qui pourraient venir du champ gauche, comme les cryptoactifs et le risque climatique, et de coordonner leurs politiques pour éviter que les choses passent entre les mailles du filet. Les règles de fonds propres que nous avons mises en place après la crise financière sont essentiellement le fruit d’une initiative du Conseil de stabilité financière.

L’autre important forum auquel nous participons s’appelle le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Il occupe le même immeuble que le Conseil de stabilité financière, mais il s’agit d’un groupe distinct. Il est composé principalement de superviseurs bancaires qui élaborent d’ennuyeuses réglementations bancaires à partir des directives stratégiques du Conseil de stabilité financière. Nous recevons des lignes directrices ou un texte type, que nous appliquons ensuite au sein de notre propre administration. Il y a toujours quelques variations, mais au Canada en particulier, nous avons tendance à en faire un peu plus que ce qui est attendu en ce qui concerne l’adoption des règles et leur mise en œuvre.

Par exemple, les dernières réformes de Bâle III seront entièrement mises en œuvre en novembre de cette année. Nous ferons partie du décile supérieur ou du quintile supérieur pour ce qui est du rendement en matière de mise en œuvre.

Le sénateur Massicotte : Dans une optique de prudence, en ce qui concerne les changements climatiques, êtes-vous satisfait de l’information? Évidemment, nous mettons l’accent sur la divulgation de l’information. Êtes-vous satisfait des progrès que nous faisons? Est-ce suffisant?

M. Routledge : Sénateur, je suis heureux que nous ayons publié la ligne directrice B-15 cette année. Je considère que c’est un élément clé de mon héritage en tant que surintendant des institutions financières. Il nous faudra de deux à trois ans, selon la taille de la banque, pour la mettre en œuvre. Je serai beaucoup plus heureux une fois que ce sera fait.

Le sénateur Massicotte : Notre collègue précédent est très actif sur la scène internationale. Vos normes respectent-elles les siennes en ce qui a trait à l’information qu’on doit divulguer au sujet des changements climatiques? C’est essentiellement ce que fait Mark Carney à l’échelle internationale. Est-ce que les deux sont en conformité avec ce que vous voulez faire?

M. Routledge : Il n’y a pas conformité. Je dirais que les deux sont en phase. M. Carney a pris la parole devant le Conseil de stabilité financière, et il nous a présenté un exposé sur les objectifs de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, ou GFANZ. Nous intégrons la façon dont nous surveillons les institutions financières en fonction des engagements qu’elles ont pris envers leurs intervenants, y compris leurs actionnaires. Cela fera partie de la gouvernance de nos lignes directrices en matière de climat. Autrement dit, une partie de la gouvernance consiste à faire des promesses aux actionnaires à divers égards, par exemple les bénéfices, le risque de crédit et, maintenant, le climat. Une partie de notre travail sur le plan de la gestion du risque climatique consiste à veiller à ce que les conseils d’administration des banques soient bien au fait de leurs engagements et à ce qu’ils comprennent dans quelle mesure leurs institutions les respectent ou non.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le vice-président : J’aimerais poursuivre sur la question de la coopération. À l’échelle nationale, vous avez rédigé un rapport en collaboration avec la Banque du Canada afin de déterminer si nous progressons rapidement ou lentement au chapitre de la lutte contre les changements climatiques, et de cerner l’approche qui présente le plus de risques économiques. Nous avons constaté qu’il est plus sécuritaire pour nous tous d’aller plus vite. C’est le fruit d’une collaboration avec des organisations aux intérêts semblables.

On a beaucoup entendu parler des changements qui s’observent sur le marché du numérique dans l’ensemble de notre économie. L’approche adoptée par les Britanniques a consisté à créer le Digital Regulation Cooperation Forum, qui regroupe des organismes qui sont l’équivalent au Royaume-Uni d’organismes que nous avons au Canada, à savoir le BSIF, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le Bureau de la concurrence et le Commissariat à la protection de la vie privée.

Avez-vous envisagé cela comme un moyen de collaborer avec vos collègues afin d’examiner les risques systémiques qu’entraîne visiblement l’énorme transformation numérique?

M. Routledge : Sénateur, je vais commencer par ce que nous avons, et qui est bien établi. Je parle du filet de sécurité financière fédéral, qui englobe l’organisme que je représente, soit le BSIF, ainsi que la Banque du Canada, le ministère des Finances du Canada, la Société d’assurance-dépôts du Canada — ou SADC — et l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. C’est une véritable source de force et de résilience au sein de notre système. Nous formons un véritable réseau.

Les risques qui sont apparus récemment — et je sais qu’au cours de la deuxième partie de la réunion, nous parlerons des risques liés au mandat du BSIF, qui, je dirais, sont apparus assez récemment, et auxquels nous nous adaptons — nous obligeront, au fil du temps, à nouer le dialogue avec des organismes gouvernementaux avec lesquels nous n’avons pas l’habitude de communiquer.

Les risques qui pèsent sur notre système financier comprennent maintenant le climat, le cyberrisque et la technologie des télécommunications. Nous avons tous vu ce qui s’est passé lorsqu’il y a eu une panne de télécommunications il y a un an et demi environ.

Nous disposons de moyens informels de parer à ces risques, mais nous devrons envisager des moyens plus officiels au cours des cinq prochaines années de mon mandat. Je ne veux pas vous induire en erreur et vous faire croire que nous avons mis cela en place. Je constate que le risque arrive chez nous, et nous aurons besoin de cela. Nous devrons renforcer la connectivité.

Le vice-président : Si les cloisonnements ne nous aident pas à régler des problèmes qui ne sont pas cloisonnés... la transversalité.

M. Routledge : La banque a été formidable. Nous n’aurions pas pu faire cette étude sans la modélisation de la banque. Notre contribution a pris la forme de liens au sein des institutions financières qui, à un niveau de détail, nous ont permis de mener cette étude de façon plus ciblée. C’est un bon modèle de collaboration.

Le vice-président : Je suis tout à fait d’accord. Merci.

La sénatrice Marshall : Je pose ma question au nom de notre présidente, la sénatrice Wallin. Nous savons que vous êtes en train de compiler 15 années de rapports de crédit cumulatifs. Pouvez-vous nous dire comment les choses se passent et si vous disposez à ce moment-ci de renseignements que vous pourriez nous communiquer? Est-ce terminé? Y a-t-il des choses que vous savez et dont vous pouvez nous faire part?

M. Routledge : J’ai un petit trou de mémoire, alors je vais peut-être vous revenir avec une réponse écrite.

Ce que je peux vous dire sur cette question précise des rapports de crédit des 15 dernières années de nos grandes institutions financières, c’est que, chaque mois, chaque trimestre et chaque année, nous recueillons une énorme quantité de données, et dans le secteur bancaire, nous mettons habituellement beaucoup l’accent sur le risque de crédit. C’est le cas depuis beaucoup plus que 15 ans, toutefois. C’est le cas depuis notre création en 1987. Néanmoins, au bout de 15 ans, les données sont meilleures, et d’une qualité supérieure. Nous les recevons par voie électronique, et nous en recevons davantage qu’auparavant.

Il faudrait que je vous revienne sur le chiffre des 15 ans.

La sénatrice Marshall : L’an dernier — c’est quelque chose qui me préoccupe depuis un certain temps —, dans le cadre du budget, le gouvernement a imposé deux taxes différentes aux banques et aux institutions financières. Cette année, il y en a une autre, qui s’applique aux dividendes des sociétés canadiennes.

Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que les banques s’en tirent assez bien sur le plan financier. Ce qui me préoccupe, c’est la possibilité que le gouvernement mine la stabilité des banques en alourdissant leur fardeau fiscal. Vous penchez-vous là-dessus? J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Routledge : Sénatrice, lorsqu’on parle des bénéfices des banques, au bout du compte, il s’agit des bénéfices après les pertes sur créances et les impôts. Elles les encaissent annuellement, les versent sous forme de dividendes — environ 40 à 50 % — et conservent le reste comme réserve de capital.

En tant que surintendant, je ne veux pas m’étendre trop longtemps sur la question de la politique fiscale. Ce que je peux vous dire, c’est que le taux d’imposition réel des banques à charte l’an dernier était d’environ 20 %, ce qui représente une baisse d’au moins 10 % depuis le début ou le milieu des années 1990. Autrement dit, dans les budgets déposés depuis la crise financière, je n’ai rien relevé qui puisse avoir, à mon avis, une incidence importante sur la capacité des grandes institutions financières de générer des bénéfices.

La sénatrice Marshall : Ou la stabilité du système financier?

M. Routledge : Oui. Par définition, des bénéfices récurrents et réguliers constituent le premier rempart de défense contre l’imprévu. Ce que je vois dans le secteur des institutions financières canadiennes, ce sont des bénéfices récurrents et réguliers qui s’ajoutent au capital, qui donnent aux institutions financières les moyens de se constituer des coussins supplémentaires lorsque le surintendant rehausse le plafond de la réserve pour stabilité intérieure, et qui procurent une marge amplement suffisante pour faire des acquisitions très importantes aux États-Unis, comme nous l’avons vu au cours des dernières années.

La sénatrice Marshall : Dans le cadre de votre travail, vous communiquez avec les banques et les institutions financières, n’est-ce pas? Cela fait partie de votre travail?

M. Routledge : Oui. Nous entretenons des relations bilatérales avec toutes les banques assujetties à notre réglementation. Plus leur ampleur est importante, plus la banque est grande. Nous parlons de génération de bénéfices et de rétention de bénéfices. Les machines à bénéfices que sont les banques canadiennes n’ont jamais été, à mes yeux, en aussi bonne santé.

La sénatrice Marshall : C’est bon à entendre. Merci.

Le sénateur Smith : Je suis heureux de vous voir, monsieur Routledge. En avril de cette année, votre bureau a publié son Regard annuel sur le risque de 2023-2024. L’un des principaux risques qui ont été cernés est le risque climatique. Ce qui m’a frappé, c’est l’idée qu’une transition trop rapide au Canada et la prise tardive de mesures à l’échelle mondiale augmentent la probabilité de tensions financières propres aux institutions, vu la mesure dans laquelle notre économie nationale repose sur des industries à forte intensité carbonique comme celles du pétrole et du gaz.

Pourriez-vous nous en dire davantage sur le risque lié aux investissements des entreprises? Que pensez-vous des politiques climatiques mondiales? Comment le Canada se compare-t-il actuellement à d’autres pays pour ce qui est de l’abandon progressif des industries à forte intensité carbonique?

M. Routledge : Sénateur, l’étude de la Banque du Canada dont a parlé le président m’a ouvert les yeux en tant que surintendant, car elle démontre que les changements climatiques et l’adaptation du monde à ces changements échappent au contrôle du pays. Nous réagissons et nous nous adaptons.

Oui, le secteur de l’énergie représente une partie importante, et très florissante, de notre économie. Si la production d’énergie à forte intensité carbonique doit diminuer au fil du temps, le pays doit relever le défi de remplacer cette activité économique.

Notre étude nous a appris qu’une adaptation rapide et constante est préférable à une adaptation tardive et lente. À titre de surintendant, c’est une conclusion qui m’intéresse personnellement. Si l’on tarde à s’adapter pour ensuite précipiter les choses — alors que le reste du monde accélère le rythme —, on fait courir un risque supplémentaire à notre système financier.

Au moyen de la ligne directrice B-20, nous avons tenté d’inciter les institutions que nous réglementons à agir de façon précoce et graduelle. Notre objectif est le suivant : peu importe la voie que le monde décide d’emprunter, nous disposons d’un système financier qui nous aidera à nous en sortir.

Où nous situons-nous par rapport à nos pairs internationaux? Grâce à la publication de notre ligne directrice sur le climat, nous nous situons certainement au-dessus de la médiane. Je ne pense pas que nous soyons aussi avancés que, disons, les Européens ou les Britanniques. Nous sommes peut-être un peu plus avancés que les Américains à ce chapitre. Nous avons adopté une approche mûrement réfléchie à l’égard de la mise en œuvre. La gouvernance et la mesure sont les éléments centraux, et nous avons accordé un délai un peu plus court aux grandes institutions, qui ont davantage de ressources, et un délai plus long aux plus petites.

Le sénateur Smith : Vous envisagez, en collaboration avec des partenaires internationaux, le passage à une économie plus verte, mais courons-nous le risque de perdre des investissements dont notre pays a grandement besoin par rapport à d’autres pays dont les politiques transitoires accusent un retard?

M. Routledge : Par « investissement », vous entendez l’investissement dans le secteur de l’énergie. Encore une fois, sénateur, c’est difficile à prédire. J’ai déjà été analyste financier, et je faisais de la modélisation prospective. Je pourrais modéliser un scénario où cela se produit, et un autre où cela ne se produit pas.

Si nous commençons tôt, les activités de gestion des risques des institutions pourraient révéler des occasions de croissance insoupçonnées dans le secteur vert, ainsi que des idées pour adoucir la transition que doivent effectuer les économies productrices d’énergie. De notre point de vue, ce que nous pouvons faire d’utile, c’est d’encourager l’industrie, par l’entremise de notre réglementation fondée sur des principes, à en faire peut-être un peu plus, et un peu plus tôt. Je ne dis pas que ce sera facile ou sans douleur, mais il serait préférable de commencer tôt et de procéder de façon plus graduelle.

Le sénateur Yussuff : Merci d’être ici.

Nous ne pouvons pas échapper à la réalité de notre voisinage avec États-Unis. Les Canadiens regardent constamment ce qui se passe aux États-Unis en ce qui concerne les faillites bancaires. Bien sûr, il y a un air de déjà-vu lorsqu’on songe à ce que nous avons fait en 2008 pour nous sortir de ce pétrin, et quand je dis « nous », j’entends non pas le Canada, mais le monde. Le scénario semble se répéter parce que la réglementation qui devait aider à prévenir cela a été modifiée. Nous sommes de nouveau témoins de la crise.

Le public souhaite être rassuré sur le fait qu’il n’y a pas de crise. Pouvez-vous nous parler directement du fait que le Canada dispose d’une réglementation très stricte en matière de surveillance du secteur bancaire, mais que, par ailleurs, tout cela aura des répercussions sur l’économie canadienne? Nous ne pouvons pas échapper aux difficultés qu’éprouvent les États‑Unis, car nous avons des investissements qui, en fait, aggravent le problème.

Pourriez-vous nous en dire davantage là-dessus pour rassurer les gens qui nous écoutent et leur faire comprendre qu’ils devraient être relativement à l’aise avec la situation actuelle?

M. Routledge : Une réglementation efficace du secteur bancaire comporte deux volets. Le premier correspond à ce que vous avez dit : les institutions que nous réglementons sont assujetties à des normes qui se situent dans le quintile supérieur des institutions financières à l’échelle mondiale. Nous sommes parmi les premiers à adopter de saines politiques réglementaires. Nous l’étions bien avant que je commence à occuper mon poste. Nous avons en place une infrastructure de principes tendant à favoriser une plus grande résilience.

L’autre facteur qui doit être présent, c’est la volonté d’agir. Si on remonte à notre fondation, qui découle de la Commission Estey, tenue dans la foulée de la faillite de la Norbanque et de la Banque Commerciale du Canada au milieu des années 1980, le rapport de cette commission disait qu’il manquait la volonté d’agir. Et 36 ans plus tard, si vous lisez le rapport du vice‑président à la supervision de la Réserve fédérale, Michael Barr — il l’a publié il y a quelques semaines —, il y avait des problèmes de supervision et de réglementation, mais il est assez clair que la volonté d’agir était une lacune importante.

Au Canada, si vous me demandez ce sur quoi je me concentre en tant que surintendant, c’est sur le fait d’encourager mon institution à avoir la volonté d’agir alors que, bien franchement, nous n’avons pas connu de vraie faillite d’institution de dépôt depuis 1996. C’est la clé. Il y a deux exemples depuis le mois de mars, et ce sont de petits exemples, mais ils sont représentatifs de ce que j’espère que nous ferons si jamais nous avons de plus gros problèmes.

Lorsque la Silicon Valley Bank a fait faillite, elle avait une succursale canadienne. Elle n’avait pas de déposants, heureusement, mais elle avait quelques créanciers. La banque a fait faillite un vendredi après-midi, et nous avons décidé, ce même vendredi après-midi, que, avant le dimanche soir, nous voulions prendre temporairement la direction de l’institution parce qu’elle avait fait faillite, et nous voulions que les nouvelles soient des problèmes du passé. Nous avons travaillé avec nos collègues des États-Unis ce week-end-là pour y arriver.

Une semaine ou deux plus tard, lorsque le Crédit Suisse a fait l’objet d’une résolution des autorités suisses, celle-ci a perturbé une certaine catégorie de titres de capitaux dans nos banques.

Cette résolution, qui a entraîné des pertes pour les détenteurs de capitaux concernés, ne se produirait pas ici. Le lundi après‑midi, nous avons rapidement publié une déclaration expliquant comment notre système fonctionne et pourquoi cela ne se produira pas ici. Voilà le tempo et la teneur. Nous devons prendre des mesures rapidement, ce qui exige l’intention et la volonté d’agir. C’est l’ingrédient qui manque lorsqu’on lit des articles sur l’échec de la réglementation. La plupart du temps, c’est la volonté d’agir qui manque, plutôt qu’un élément technique.

Le vice-président : En ce qui concerne l’échange de renseignements, avez-vous une question complémentaire, sénateur Yussuff?

Le sénateur Yussuff : Dans l’économie actuelle, il y a différentes façons de mesurer notre rendement et les défis que nous devons relever. Les taux hypothécaires augmentent, et les jeunes familles sont aux prises avec cette réalité. D’après ce que vous avez dit jusqu’à maintenant, notre rendement est bon.

Cependant, il existe également des données selon lesquelles le niveau d’endettement des Canadiens n’a jamais été aussi élevé. Quelle incidence cela a-t-il sur les autres données que vous analysez? Quand cela pourrait-il avoir une incidence globale sur les prêts de tous auprès des banques, des prêts sur les cartes de crédit et la liste continue? C’est l’autre problème qui existe. Nous ne l’avons pas encore vu dans les données sur les faillites, mais cela s’en vient peut-être. Vous pourriez peut-être nous en dire davantage à ce sujet.

M. Routledge : Nous examinons cela très attentivement. Ce que nous voyons, sur le plan de la faiblesse dans certains portefeuilles de prêts... et ceci est fondé sur des données publiques, rien qui ne soit pas public... certains portefeuilles de prêts publics et des mécanismes de titrisation de cartes de crédit. Les créanciers dont la cote de crédit est moins bonne commencent à s’affaiblir. Nous constatons une augmentation du nombre de défaillances. C’est peut-être un indicateur précoce.

C’est moins grave que ce à quoi je m’attendais. La raison en est probablement que l’économie et le marché de l’emploi se portent très bien, et nous avions l’avantage d’avoir le test de résistance hypothécaire en place. La plus grosse dette qu’ont les gens, c’est leur maison. Il y a deux grands risques : le premier est mon problème, et le deuxième est un défi pour nous, mais c’est aussi un défi pour la Banque du Canada.

Le premier ne concerne que vous. Si le prix des maisons baissait soudainement, cela aurait probablement une incidence sur l’emploi, et cela exercerait également des pressions sur les ménages, qui auraient un revenu plus faible, mais la même hypothèque. Vu la façon dont nous avons réglementé le secteur de l’immobilier résidentiel, au moyen non seulement du test de résistance hypothécaire, mais aussi d’autres règlements — nous appelons cela la ligne directrice B-20, qui est la ligne directrice sur la souscription de prêts hypothécaires résidentiels —, je pense que nous avons une marge de sécurité suffisante pour contenir la baisse. Mais nous nous demandons constamment si cette marge est suffisante.

Le deuxième risque, c’est le niveau d’endettement élevé. Au fur et à mesure que les taux d’intérêt augmenteront, les gens devront payer leurs dettes, ce qu’ils peuvent faire notamment avec de l’argent qu’ils auraient autrement consacré à l’épargne ou à la consommation. De nombreuses études ont montré qu’il peut y avoir un ralentissement de l’économie venant de la consommation lorsque le niveau d’endettement est élevé. Encore une fois, ce n’est pas évident dans les données. Notre économie est en très bonne santé, à tel point, en fait, que les taux d’intérêt sont encore assez restrictifs. Je suis d’un optimisme prudent et je crains toujours que nous détections rapidement tout affaiblissement de la situation.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Je remercie nos témoins d’être avec nous aujourd’hui.

[Traduction]

En ce qui concerne les institutions financières que vous supervisez, combien d’entre elles se sont aventurées dans le nouveau domaine de la location-acquisition de maisons? Avez‑vous un ensemble de règles concernant ce modèle que vous pouvez appliquer à ces institutions?

M. Routledge : Par « location-acquisition », vous entendez un produit permettant au consommateur de commencer par louer un logement, puis de mettre un peu de capital de côté au fil du temps et de passer à une hypothèque à un moment donné?

Il faudrait que je vérifie notre ligne directrice B-20 pour voir si une grande ou une petite institution financière pourrait offrir ce produit conformément aux directives qui y sont énoncées. Instinctivement, je pense que ce n’est probablement pas possible, mais je devrais vous revenir là-dessus pour le confirmer. Il s’agit d’un produit à risque élevé et qui tend à être offert par des institutions que nous ne réglementons pas. Il faudrait que je vérifie pour m’assurer que notre ligne directrice dissuade les institutions de le faire.

Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un produit offert par l’une ou l’autre des institutions que nous réglementons, mais, encore une fois, il faudrait que je le confirme.

La sénatrice Ringuette : Êtes-vous en train de dire que vous n’avez pas encore d’ensemble de règles parce que les institutions financières que vous supervisez n’offrent pas ce produit financier?

M. Routledge : Nous avons ce qui s’appelle la ligne directrice B-20. Nous parlons de lignes directrices, et non de règles, puisque, au Canada, nous suivons un régime réglementaire fondé sur des principes plutôt que sur des règles. Mais je comprends l’esprit de votre question.

Les principes énoncés dans cette ligne directrice dissuadent les institutions financières d’offrir des produits agressifs et abusifs en matière d’immobilier résidentiel. Je ne dis pas que la location‑acquisition est abusive. Je dis que le risque est certainement plus élevé. Je doute que la ligne directrice permette cette activité, mais je n’en suis toujours pas sûr.

Le vice-président : Merci beaucoup.

La sénatrice Galvez : Surintendant Routledge, merci beaucoup d’être venu répondre à nos questions. J’espère également que votre contribution à la ligne directrice B-15 sera reconnue. C’est un pas dans la bonne direction.

Dans la dernière Revue du système financier, la Banque du Canada a souligné six vulnérabilités, dont l’évaluation inadéquate des actifs exposés à un risque climatique.

Tout récemment, le commissaire à l’environnement et au développement durable a fait une vérification de vos activités. Il a mentionné que la mise en œuvre est encore non seulement à des années de se concrétiser, mais aussi insuffisante pour favoriser la transition vers une économie carboneutre.

Si nous ne nous attaquons pas aux risques liés au climat et que nous n’atténuons pas les finances et les émissions facilitées, alors nous ne priorisons pas non plus l’harmonisation du développement technologique avec les engagements climatiques. Pouvons-nous dire que le Canada est prêt à être compétitif, dans le cadre de ces nouvelles règles qui changent la donne provenant de l’infrastructure américaine, des emplois, de l’Inflation Reduction Act des États-Unis, du Pacte vert pour l’Europe et de la taxonomie? Serons-nous assez résilients pour supporter l’accroissement des changements climatiques de plus en plus destructeurs — les phénomènes météorologiques extrêmes — qui toucheront nos infrastructures, avant la fin de leur vie utile?

M. Routledge : Sénatrice, nous avons eu un excellent échange avec la vérificatrice générale au sujet de nos progrès dans le dossier du climat. Nous avons accepté ses cinq recommandations, alors l’expérience a été très constructive. Vous expliquez bien ce qu’elle nous a dit au sujet des mesures d’incitation relatives aux changements climatiques.

Nous avons été francs avec la vérificatrice générale, et nous l’avons été dans nos commentaires publics. Notre travail consiste à nous assurer que le système financier est résilient face à ce qui sera une adaptation difficile aux changements climatiques dans notre pays. Ce système demeurera résilient, peu importe les mesures d’incitation que le gouvernement du moment choisira d’adopter à l’égard des changements climatiques.

Nous ne nous considérons pas comme faisant partie de cet appareil politique. Nous nous considérons comme un système financier qui sera là pour financer l’adaptation de façon cohérente et sécuritaire, peu importe la voie que le pays choisira d’emprunter.

Je pense qu’en faisant cela indirectement, et en commençant par la gouvernance, qui fait officiellement remonter la question du climat au niveau du conseil d’administration — ainsi qu’en faisant en sorte que nos institutions commencent à mesurer, ce qu’elles faisaient bien, en fait, sans notre aide, et maintenant, nous les incitons un peu plus à le faire —, l’effet indirect est que les institutions financières canadiennes tarifieront le risque climatique de façon plus efficace. Cela contribuera, encore une fois, à une adaptation aux changements climatiques plus cohérente et plus facile à gérer.

La sénatrice Galvez : Disons que quatre ou cinq provinces connaissaient des phénomènes météorologiques extrêmes en même temps et qu’elles réclamaient un remboursement à leur assureur. Cela s’est déjà produit. Est-ce que le secteur de l’assurance est prêt à amortir cela?

M. Routledge : Sénatrice, à mon avis, le secteur de l’assurance multirisque est le plus avancé dans les démarches pour faire face aux changements et aux risques climatiques. C’est parce qu’il en constate les effets dans les réclamations qu’il reçoit. Il constate l’incidence accrue des catastrophes naturelles liées aux changements climatiques, et il commence à évaluer le risque auquel il est exposé en conséquence. Il commence à penser à ses capitaux en conséquence. Cela découle d’une nécessité économique.

Les leçons que nous avons apprises auprès des institutions que nous réglementons dans tel ou tel secteur ont alimenté notre travail de façon plus générale. Par exemple, le chef de file de nos pratiques climatiques vient du secteur de la supervision de l’assurance multirisque. Il a été inspiré par ce qu’il a vu dans son travail auprès des assureurs multirisques il y a cinq ou six ans, et il s’occupe pour nous de la question du climat à l’échelle du système.

La sénatrice Galvez : Merci.

Le vice-président : Je ne pense pas que nous allons faire un deuxième tour. Nous passons à la section 33 de la partie 4 de la loi d’exécution du budget. Pour ceux qui aimeraient poser une question pendant le deuxième tour, nous pourrions peut-être les poser pour le compte rendu, et peut-être que le surintendant Routledge pourra nous revenir avec les réponses.

Le sénateur Cardozo : J’ai deux questions sur deux sujets distincts. Je m’excuse de mon retard et je suis désolé si vous avez déjà abordé ces questions.

Ma première question porte sur la prévoyance et la collaboration. Vous avez parlé de collaborer avec le reste de l’appareil — si je peux utiliser ce mot — comme la Banque du Canada, les services immobiliers et financiers et la SADC. Est-ce que vous et les gens de ces organisations pensez à ce qui pourrait s’en venir? Par exemple, un an avant que la Russie envahisse l’Ukraine, est-ce que quelqu’un envisageait que cela se produise? J’en parle simplement parce qu’il semble que nous ayons été tellement surpris de l’effet énorme que cela a eu sur tant d’industries à l’échelle mondiale.

Est-ce que les gens de votre organisation ou d’autres institutions pensent à cela, ou est-ce que vous recevez de la banque des observations sur ce qui pourrait s’en venir?

M. Routledge : Sénateur, c’est un sujet important. La métaphore que j’ai utilisée, c’est que nous surveillons ce qui se profile à l’horizon et que nous voyons des risques. Le climat en serait un. La numérisation des services financiers en serait un autre.

Ensuite, il y a des risques au-delà de l’horizon, comme le risque lié aux taux d’intérêt et les services bancaires régionaux aux États-Unis, ou la première guerre entre des pays européens souverains depuis les années 1940. Ces risques sont au-delà de l’horizon. Habituellement, nous ne les voyons pas. Il faut instaurer une discipline pour être capable d’agir rapidement lorsqu’on les voit.

Pour essayer de voir plus loin, nous parlons à nos dirigeants d’institutions financières. Ils peuvent avoir un point de vue particulier sur ce qui se passe dans une région particulière du Canada, ou peut-être dans une petite institution, et nous parlons aux responsables de grandes institutions qui ont des entreprises partout dans le monde, comme en Asie ou en Europe. Nous pouvons obtenir le point de vue des dirigeants de ces institutions ou de leurs conseils d’administration.

Pour moi, la source la plus régulière et la plus récurrente d’élargissement de cet horizon serait le Conseil de stabilité financière et le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire.

Nous essayons de tout intégrer. Pour ce qui est de savoir si nous avions envisagé l’invasion de l’Ukraine par la Russie trois mois auparavant, honnêtement, non.

Le sénateur Dean : Merci. En réponse à la question concernant les risques, vous avez parlé des cyberrisques. Dans quelle mesure êtes-vous convaincu que les banques — et le système bancaire dans son ensemble — ont une longueur d’avance confortable relativement aux risques connus? J’imagine qu’il y a aussi des risques inconnus. Dans ce contexte, les banques suivent-elles les conseils du Centre de la sécurité des télécommunications? À quelle fréquence les banques sont‑elles mises à l’épreuve par des cyberpirates? Y a-t-il des acteurs étatiques?

M. Routledge : Pour ce qui est de la première partie de votre question, qui porte sur la relation entre la Banque et le Centre de la sécurité des télécommunications, je ne m’aventurerai pas sur ce terrain. Je vais laisser mes collègues du Centre de la sécurité des télécommunications vous répondre.

Pour ce qui est des cybermenaces et des cyberattaques auxquelles font face les banques et les institutions financières, elles font l’objet d’attaques ordinaires tous les jours. En fait, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, fait intéressant, nous avons vu une recrudescence des attaques que les banques repoussaient couramment. À l’occasion, il y en a une nouvelle qui passe, et il y a des mécanismes pour partager les leçons qui en sont tirées. Nous avons mis en place un cadre — sur lequel le Conseil de stabilité financière a travaillé — utile à cet égard. Ce sont des concurrents et, parfois, ils sont un peu prudents lorsqu’il s’agit d’échanger des renseignements. Nous prenons le cadre du Conseil de stabilité financière et nous le mettons en œuvre ici au Canada.

La source des cyberattaques est difficile à détecter, pour répondre à l’une de vos questions. Il serait naïf de penser que les acteurs étatiques ne sont pas à l’origine d’au moins certaines d’entre elles. Cependant, d’après ce que nous avons vu jusqu’à maintenant, les banques les repoussent. Comme pour tant de risques, nous ne pouvons jamais nous reposer.

Le vice-président : Si nous pouvons passer rapidement à la deuxième série de questions.

Le sénateur Loffreda : Monsieur Routledge, je vous remercie d’avoir répondu à toutes nos questions.

Encore une fois, en ce qui concerne la situation du secteur bancaire canadien, essentiellement, si on regarde les faillites bancaires aux États-Unis, l’effondrement de la Silicon Valley Bank est attribuable à sa pratique d’utiliser des dépôts non assurés susceptibles de servir à financer des portefeuilles d’obligations et de prêts à long terme, et le manque de diversification du portefeuille a également joué un rôle majeur dans son effondrement.

Comment pouvons-nous nous assurer que les banques canadiennes ne font pas de tels investissements risqués, compte tenu du fait que seuls les premiers 100 000 $ de dépôts sont assurés par la SADC? Et êtes-vous satisfait des stratégies d’atténuation des répercussions des hausses de taux de la Banque du Canada pour lutter contre l’inflation dans le cadre de la stabilité financière du système bancaire canadien? Enfin, en ce qui concerne la diversification et la concentration du portefeuille des banques, envisagez-vous des normes ou des critères pour l’avenir, et êtes-vous à l’aise avec la diversification actuelle du portefeuille de nos banques?

Le vice-président : Surintendant Routledge, nous allons vous demander de revenir avec des réponses écrites à cette série de questions, si vous êtes d’accord.

Le sénateur Gignac : Depuis que la Banque du Canada a amorcé la normalisation, les avocats ont appris une nouvelle expression : seuil de déclenchement. Selon le Mouvement Desjardins, 80 % des personnes qui ont une hypothèque à taux variable ont un seuil de déclenchement. Cela signifie qu’elles doivent soudainement augmenter leurs paiements.

Compte tenu des leçons apprises au cours des deux dernières années, êtes-vous à l’aise avec ce produit? Il pourrait être abusé à un moment donné. Êtes-vous à l’aise avec la communication faite par les institutions financières pour offrir un taux variable aux gens? Certaines personnes ont été extrêmement surprises. Vous pourriez peut-être nous dire quelque chose à ce sujet. Merci.

La sénatrice Marshall : La taille du marché hypothécaire au Canada est d’environ 1,7 billion de dollars, et le gouvernement fédéral, par l’entremise de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, garantit environ 620 milliards de dollars de ces hypothèques. C’est environ 36 %. Combien de prêts hypothécaires au Canada sont à risque de défaut de paiement? Avez-vous un chiffre ou un pourcentage précis?

Le sénateur Massicotte : Je vais sauter mon tour.

La sénatrice Ringuette : Merci. Je ne suis pas d’accord avec votre évaluation de risque plus élevé en ce qui concerne la location avec option d’achat. Il n’y a pas d’expérience de ce nouveau concept sur laquelle vous pouvez vous appuyer pour faire cette évaluation. C’est la question de l’œuf ou la poule.

Prenez-vous les règlements en ce qui a trait à l’établissement d’un nouveau modèle dont les jeunes et les nouveaux Canadiens ont désespérément besoin pour constituer des actifs? Ou bien attendez-vous que les institutions financières, qui sont extrêmement réticentes à prendre des risques, examinent de nouveaux produits financiers pour créer la réglementation?

Le vice-président : Merci. Après le sénateur Cardozo, je vais poser la dernière question et m’assurer que vous aurez la transcription demain pour pouvoir faire un suivi.

Le sénateur Cardozo : Je vous en remercie. J’ai deux brèves questions à poser. La première fait suite à la courte discussion que nous avons eue. Quel serait un meilleur système de prévision des grands défis auxquels le Canada et le monde font face, comme la COVID et l’invasion russe, où la seule constante est le changement?

Quel est le rôle du BSIF pour ce qui est d’encourager les banques à accorder des prêts aux membres de communautés mal servies, comme les Noirs et les Autochtones? Le programme que je vais mentionner est le Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires du gouvernement fédéral. Comment pouvons-nous en arriver à un point où nous n’aurons plus besoin de ces programmes et où les banques consentiront des prêts aux membres des communautés mal servies?

Le vice-président : Dans le cadre de notre étude sur les investissements des entreprises, nous avons entendu parler de l’importance de la concurrence comme moteur de l’innovation et de la croissance de la productivité.

Je m’interroge sur la concurrence dans le secteur bancaire et sur le temps qu’il faut pour devenir une institution financière sous réglementation fédérale. Y a-t-il des innovations que vous pourriez envisager à une époque où il y a tant de changements et où nous aimons la stabilité de nos institutions financières? Si vous cherchez à trouver le juste milieu — ni trop rapide ni trop court, mais juste parfait —, j’aimerais bien que vous me parliez de ce juste milieu entre les trois petits ours, si vous l’envisagez.

Merci beaucoup, surintendant Routledge. La transparence et la clarté dans votre manière de répondre aux questions suscitent beaucoup d’intérêt, comme on peut le constater chez les personnes ici présentes. Je tiens à vous remercier d’avoir apporté ces éléments à votre rôle d’une façon qui est très utile pour les Canadiens.

Chers collègues, pour la deuxième partie de notre séance, nous allons poursuivre notre examen de certains éléments du projet de loi C-47, la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023.

Aujourd’hui, nous examinons la section 33 de la partie 4, qui porte sur la modernisation de la surveillance du secteur financier afin de faire face aux risques émergents et sur les lois relatives aux institutions financières.

Nous accueillons de nouveau Peter Routledge, surintendant des institutions financières. Merci d’être resté avec nous, surintendant Routledge.

Nous accueillons également Michael Mignardi, secrétaire de l’Association des banques et des sociétés de fiducie.

Nous allons d’abord entendre la déclaration préliminaire du surintendant Routledge, puis celle de M. Mignardi.

M. Routledge : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner la possibilité de rester avec vous pour parler de votre étude de la loi d’exécution du budget et du rôle du BSIF dans l’exécution ou le soutien de certaines dispositions de la loi.

Le budget de 2023 propose des modifications ciblées au cadre du secteur financier fédéral dans le but de renforcer les pouvoirs du surintendant des institutions financières et du ministre des Finances afin de mieux gérer les risques émergents en matière de sécurité et d’intégrité, y compris ceux découlant de l’ingérence étrangère.

[Français]

Les menaces à l’intégrité financière et à la sécurité, y compris l’ingérence étrangère, peuvent venir ébranler la confiance que place la population canadienne dans ses institutions financières.

Les Canadiens doivent être convaincus que les institutions financières sous réglementation fédérale et leurs propriétaires agissent avec intégrité, et que les institutions financières canadiennes sont protégées, y compris contre toute ingérence étrangère.

[Traduction]

Du point de vue du BSIF, les améliorations proposées comprennent l’élargissement de son mandat et l’ajout d’outils de conformité et d’intervention à ceux dont disposent le surintendant et le ministre. Ces changements maintiendraient la surveillance étroite du secteur financier qui sous-tend une économie canadienne saine et stable.

Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci beaucoup. Monsieur Mignardi, vous avez la parole.

Michael Mignardi, secrétaire, Association des banques et des sociétés de fiducie : Bonsoir. Je vous remercie, honorables sénateurs, de me donner l’occasion de participer à la séance de ce soir.

Je comparais à titre de représentant de l’Association des banques et des sociétés de fiducie. Cette association représente plus de 30 petites et moyennes banques et sociétés de fiducie au Canada. Nous représentons un fournisseur essentiel et croissant de services financiers aux Canadiens, qui offre notamment des dépôts, des comptes bancaires, des hypothèques et des marges de crédit.

Notre association a pour objectif de promouvoir des principes solides et équitables, ainsi que de favoriser l’intérêt et le bien‑être de nos électeurs et des personnes que nous servons. Nous sommes heureux d’avoir la possibilité de vous faire part de notre point de vue sur la section 33 de la partie 4 du projet de loi.

Laissez-moi commencer par vous dire que nous sommes tout à fait d’accord avec l’objectif de la modification législative proposée. Les institutions financières sont des essentielles et représentent la confiance et la stabilité aux yeux des Canadiens et, en fait, du monde entier, comme nous l’avons constaté récemment. Il est de la plus haute importance de les protéger contre les menaces à leur intégrité et à leur sécurité.

Cela dit, nous sommes très intéressés par la façon dont la loi proposée serait mise en œuvre, et nous nous demandons si nous utilisons les bons outils ou, peut-être, les plus appropriés pour atteindre l’objectif visé.

Tout d’abord, nous remarquons que, même s’il est encore tôt, il n’y a pas de directives supplémentaires sur ce qui est requis précisément des politiques et des procédures en place afin de protéger les banques contre les menaces à l’intégrité ou à la sécurité. Il est donc difficile pour nos membres de comprendre à quel point ces exigences pourraient être sévères. En particulier, nous craignons qu’une approche universelle, si elle était adoptée, puisse avoir une incidence disproportionnée sur les petites et moyennes institutions par rapport aux grandes, par exemple. Étant donné que les ressources et les effectifs sont plus limités, il est important pour nous de reconnaître que toute nouvelle obligation pourrait être beaucoup plus difficile à adopter et à opérationnaliser dans le cas des petites et moyennes institutions.

À notre avis, il est essentiel d’établir une base de référence des politiques et des procédures que les organismes de réglementation jugent appropriées. Nous espérons éviter de mettre en œuvre quelque chose qui aura une incidence disproportionnée sur ces institutions et sur leur capacité de servir le million et plus de Canadiens qui font affaire avec elles. Nous constatons, par exemple, que, même si la mise en œuvre entrait en vigueur en 2024, le BSIF aura effectivement la capacité d’effectuer des examens relatifs à l’intégrité et à la sécurité immédiatement après que le projet de loi aura reçu la sanction royale.

L’Association des banques et des sociétés de fiducie comprend qu’une partie du rôle du BSIF consiste à appuyer l’objectif du gouvernement de contribuer à la confiance du public à l’égard du système financier canadien, et nous appuyons ses efforts visant à s’attaquer au problème réel et troublant de l’ingérence étrangère. Toutefois, il est essentiel que les solutions proposées n’aient pas de répercussions involontaires et disproportionnées sur ces institutions et leurs clients.

Enfin, nous remarquons que le mandat du BSIF a été élargi au cours des dernières années de manière à inclure des éléments comme les risques cybernétique et climatique, et c’est à juste titre. Selon notre interprétation de la section 33 de la partie 4 du projet de loi, celle-ci porte sur de nouvelles exigences en matière d’intégrité et de sécurité pour les institutions financières. Avec tout le respect que je vous dois, nous avons du mal à voir comment cette expansion supplémentaire, qui pourrait inclure un aspect quasi policier ou lié à la sécurité nationale, s’inscrit dans une réglementation fondée sur des principes de prudence. Le BSIF a fait un travail fantastique en établissant un cadre pour un secteur financier solide et résilient — dont nous sommes fiers, c’est certain —, mais, à notre avis, cette expansion ne semble pas s’intégrer parfaitement dans ce que l’on associe habituellement à la surveillance du BSIF.

Merci.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Mignardi.

Le sénateur Loffreda : Monsieur Mignardi, je vous remercie de votre présence, et je remercie M. Routledge d’être resté pour la deuxième partie.

À titre de parrain de la loi d’exécution du budget, ou du projet de loi C-47, je vous invite à me faire part de tout commentaire dont vous pourriez nous faire part qui fournirait des précisions par rapport à votre déclaration préliminaire pour ce qui est de savoir si vous êtes d’accord avec la section 6 qui modifie la Loi sur la Banque du Canada ou si vous avez des préoccupations à ce sujet. Vous avez mentionné certaines améliorations que vous aimeriez voir, ainsi que des préoccupations.

Êtes-vous également préoccupé par les répercussions sur les activités de la Banque du Canada? Y aura-t-il un impact sur notre économie, sur les banques ou sur la Banque du Canada en général? Enfin, si nous avons le temps, dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par le risque d’ingérence étrangère dans notre industrie ou notre système financier?

M. Routledge : Sénateur, permettez-moi d’abord de dire que je comprends que les mots « sécurité » et « intégrité » puissent être interprétés comme de grands mots nouveaux. Cependant, nous ne les considérons pas vraiment comme étant nouveaux. Par « sécurité », on entend une absence de menace. Nous avons établi des lignes directrices sur la gestion des risques cybernétiques et d’autres sur les risques climatiques pour lutter contre ces menaces.

Dans le cas du terme « intégrité », la définition est le fait d’être digne de confiance. Nous avons établi des règles et des lignes directrices en matière de comptabilité et de capital. Lorsque nous lisons « sécurité » et « intégrité », nous pensons qu’une grande partie de ce que nous faisons correspond bien à ces deux termes.

Ce qui est nouveau, c’est l’ingérence étrangère. Au fil de l’évolution des événements, certes depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais encore plus récemment concernant ce dont nous avons entendu parler au cours des derniers mois, ici, au Canada, c’est problématique, et nous croyons que la confiance à l’égard du système financier vient du fait que les institutions et le système financier dans son ensemble sont à l’abri de l’ingérence étrangère… nous pensons que cela correspond à notre mandat. Nous attendons toujours la sanction royale. Nous continuons à planifier la façon dont nous adapterons notre approche et notre organisation.

Pour utiliser une métaphore militaire, nous considérons qu’il s’agira non pas d’une force armée régulière, mais plutôt d’une unité d’opérations spéciales. Nous ne deviendrons pas un service de sécurité ni un service de police. Nous formerons simplement un petit groupe qui pourra mieux communiquer et interpréter l’information que nous pourrions recevoir par ces canaux.

Je n’envisage pas d’augmentation à grande échelle de l’empreinte du BSIF en conséquence. Je vois quelque chose d’assez adaptatif et progressif.

Le sénateur Loffreda : Êtes-vous satisfait de ce que vous voyez dans le projet de loi C-47?

M. Routledge : J’hésite, parce que donner des conseils aux ministres a des conséquences, et j’aimerais que ces conseils demeurent confidentiels.

Ce que je peux dire, c’est que, grâce aux diverses tribunes que nous avons avec nos partenaires du ministère des Finances, notamment le Comité consultatif supérieur auquel je siège, nous avons reçu toute l’information et avons participé pleinement à ces délibérations, et nous nous sommes sentis habilités dans notre partie de l’élaboration des politiques.

Le vice-président : Monsieur Mignardi, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Mignardi : Bien sûr, merci.

Les observations de M. Routledge nous ont certainement aidés à mieux comprendre le contexte. Ce que nous voulions dire, c’est qu’après avoir lu le projet de loi, nous nous sommes demandé, par exemple, si ce qu’il prévoit ne correspondait pas mieux à la portée d’un autre organisme… peut-être le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, ou bien un organisme qui s’intéresse davantage à l’application de la loi. Cela dit, je comprends les commentaires de M. Routledge, selon lesquels ces dispositions ne représentent pas un élargissement à grande échelle de l’empreinte de son bureau, et j’en prends note. Nous apprécions cette couleur supplémentaire, et c’est aussi un contexte utile.

La sénatrice Marshall : J’ai une question complémentaire à celle du sénateur Loffreda. Monsieur Routledge, avez-vous vu les modifications proposées avant la publication du projet de loi, ou les avez-vous reçues en même temps que nous?

M. Routledge : Cette question s’inscrit dans la catégorie des conseils aux ministres, mais, ce que je peux vous dire, c’est que nous n’avons pas vu le document budgétaire avant sa publication, comme tout le monde. Nous nous sentions pleinement habilités à participer au processus d’élaboration des politiques au ministère des Finances, en ce qui concerne le BSIF.

La sénatrice Marshall : Vous avez été consultés… j’ai lu cela. Appuyez-vous les modifications?

M. Routledge : Encore une fois, madame la sénatrice, avec tout le respect que je vous dois, cette question relève des conseils donnés à la ministre.

La sénatrice Marshall : D’accord.

Il y a une phrase dans les notes d’information qui dit que le projet de loi donnera à la ministre des Finances le pouvoir d’ordonner au surintendant des institutions financières de prendre le contrôle d’une institution financière sous réglementation fédérale.

Est-ce ainsi que les choses se passent habituellement — le ministre peut vous ordonner de le faire —, ou bien avez-vous le pouvoir de le faire de votre propre chef?

M. Routledge : Sénatrice, sous le régime de la loi actuelle, la prise de contrôle d’une institution est un jugement que le surintendant rend sur la base de la preuve de l’affaire… appliqué aux conditions énoncées à l’article 648, dans le cas d’une banque.

En ce qui concerne la ministre des Finances — et cette réponse dissipera peut-être certaines des préoccupations soulevées plus tôt —, il est peu probable que le surintendant dispose de toute la panoplie de renseignements sur la sécurité nationale que possède la ministre des Finances.

Il me semble qu’un décideur qui prend une décision aussi importante pourrait vouloir disposer de toute la panoplie. Le projet de loi reflète ce fait.

La sénatrice Marshall : Merci.

J’ai maintenant une question qui s’adresse à M. Mignardi. Représentez-vous une petite banque ou l’ensemble des petites banques? Je voudrais savoir qui vous représentez ici aujourd’hui.

M. Mignardi : Merci. L’Association des banques et des sociétés de fiducie regroupe 30 petites et moyennes banques et sociétés de fiducie au Canada. Je précise que ce ne sont pas toutes les petites banques ou sociétés de fiducie. Nous sommes 30.

La sénatrice Marshall : A-t-on consulté votre groupe ou association au sujet de la modification? Vous avez mentionné… je crois que vous avez dit que cette mesure ne convient pas à certains endroits, ou qu’elle ne s’intègre pas nécessairement. Y a-t-il eu des consultations, ou bien avez-vous vu la modification lorsque le projet de loi a été rendu public, et cela a été votre première idée?

M. Mignardi : C’est exact, madame la sénatrice. Il s’agit de la dernière hypothèse; nous l’avons vue pour la première fois lorsqu’il a été rendu public.

La sénatrice Marshall : Saviez-vous qu’il s’en venait?

M. Mignardi : Je ne peux pas parler au nom de toutes les institutions membres, mais, d’après mon expérience, nous n’avons pas eu d’indication préalable.

La sénatrice Marshall : D’accord. Vous n’avez pas eu de préavis.

Pourriez-vous être un peu plus précis lorsque vous dites qu’il ne s’intègre pas? Vous avez mentionné ce problème dans votre déclaration préliminaire, mais c’est peut-être compliqué ou alambiqué. Pourriez-vous nous l’expliquer un peu plus?

M. Mignardi : Bien sûr.

Lorsque l’on regarde le mandat du BSIF en tant qu’organisme de réglementation prudentielle et les éléments qu’il examine pour les institutions qui relèvent de sa compétence, puisque l’on regarde les objectifs sur lesquels le projet de loi était axé au départ — l’intégrité et la sécurité —, nous ne pensions pas que ces deux choses étaient un mariage parfait. J’irais un peu plus loin en disant que nous nous sommes demandé, par exemple, si le BSIF disposerait de l’information ou des ressources nécessaires pour s’acquitter de son mandat, et que nous nous sommes dits que cette responsabilité relevait peut-être davantage d’une organisation comme le CANAFE, le Service canadien du renseignement de sécurité ou un autre organisme gouvernemental. Voilà ce que nous voulions dire lorsque nous avons fait ces observations, sénatrice.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.

Le sénateur Yussuff : Merci. Encore une fois, ma question s’adresse à M. Routledge et porte sur la section 37 de la partie 4. C’est la section où l’on modifie la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada et on donne au ministre une certaine marge de manœuvre pour accroître la couverture.

Comme vous le savez, c’est surtout à l’intention des Canadiens âgés, mais je pense que tous les Canadiens en général ont des dépôts. Je ne suis jamais arrivé à comprendre que, si on veut aller à la banque pour déposer 300 000 $, on doit le faire dans trois coffres distincts si on veut que ce soit couvert. Cela semble un peu répétitif dans le contexte de la façon dont cela se produit, mais il y a une logique à cela, et cette modification semble dissiper cette préoccupation. Je n’en suis pas certain.

Mais cela devrait-il avoir lieu? En ce qui concerne la couverture des sommes supplémentaires déposées, cette prime serait-elle assumée par le déposant ou par l’institution financière?

M. Routledge : Sénateur, en ce qui concerne la première partie de votre question sur la modification, je voudrais souligner que la Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID-19 comportait une modification semblable. Elle donne au ministre la marge de manœuvre nécessaire en période de crise pour accroître la résilience et la stabilité du système de financement.

Pour ce qui est de la façon dont la SADC pourrait appliquer cette disposition, je vous encourage à parler… je ne veux pas parler au nom de la SADC. J’en ai déjà été le PDG, et je ne veux pas parler au nom de la société. Je pense qu’elle pourrait nous éclairer quant à la façon dont elle pourra mettre cette disposition en œuvre rapidement.

Elle prendra fin en avril 2024, alors c’est une disposition d’urgence en cas de problème.

Je veux revenir sur un point que vous avez soulevé concernant la limite de 100 000 $. Vous avez raison; il s’agit de la limite par institution. Il y a huit catégories, comme les comptes d’épargne, les REER et les REEE, ce qui permet de réaliser une couverture de plus de 100 000 $ par institution pour un déposant unique.

Le sénateur Yussuff : Monsieur le président, étant donné que la personne n’est pas ici pour répondre aux détails de cette question — c’est dans la section —, je crois qu’il serait bon que la greffière transmette une question à la SADC afin que nous puissions obtenir une réponse.

Le vice-président : Oui, la semaine prochaine… vous avez déjà une longueur d’avance.

Avez-vous quelque chose à ajouter relativement à cette question, monsieur Mignardi?

M. Mignardi : Non, monsieur le président, il n’y a rien à ajouter de notre point de vue. Merci.

Le sénateur Massicotte : Merci encore d’être des nôtres, monsieur Routledge. Vous avez répondu à la question, mais permettez-moi de la poser, au cas où. Votre réponse initiale était les changements climatiques, et vous avez mentionné plus tôt ce que cela signifie. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie? En quoi modifient-ils le facteur de risque et vos propres calculs sur la façon de gérer le risque? C’est un gros chiffre; c’est un gros problème. Pouvez-vous formuler un commentaire à ce sujet?

M. Routledge : Sénateur, les calculs sont incomplets en ce qui concerne la tarification des changements climatiques, ainsi que de la façon dont les banques exigent et mettent de côté des capitaux pour leurs prêts, ce qui déterminera les sommes qu’elles exigeront. Une grande partie de ce que nous ferons au cours des prochaines années consistera à encourager les institutions à commencer à recueillir des données empiriques afin de mesurer l’ampleur du risque climatique, à les appliquer à des événements connus qui ont des coûts et peut-être — selon la progression de l’analyse — à élaborer des scénarios sur la façon dont les changements climatiques pourraient modifier les résultats du risque de crédit, puis à réfléchir à la façon d’intégrer ces données dans la façon d’évaluer les prêts, de mettre des capitaux de côté à cette fin et d’en fixer le prix.

La réponse honnête à votre question, c’est que les calculs ne sont pas terminés. À notre avis, la capitalisation par rapport aux prêts climatiques et l’établissement du prix des prêts climatiques devraient découler de ces calculs. À l’heure actuelle, toutes les règles sur le capital découlent d’analyses financières assez importantes, et il s’est avéré que c’était une pratique assez utile depuis la crise financière mondiale. Notre objectif est d’encourager ce travail et de lui permettre d’établir le prix du risque.

Le sénateur Massicotte : En ce qui concerne le mandat précis, si on veut, il concerne vos clients — le système bancaire —, mais pas les instituts commerciaux en général ni le grand public. Je vous demande simplement quel est le risque prudentiel et comment nous devrions le gérer. Je suppose que, si on le fait et que l’on prend position à cet égard, cela se répercutera sur le reste de notre économie.

M. Routledge : Voici un exemple tiré du secteur de l’assurance : alors que les catastrophes naturelles se multiplient et entraînent des coûts, le secteur de l’assurance utilise ces données pour établir autrement les prix de ses produits. Je ne veux pas dire que ce sont les indemnités, mais les compagnies ont des connaissances, des données et des renseignements sur les coûts réels des risques climatiques qu’elles peuvent utiliser pour établir le prix de leurs produits et leurs risques.

L’un des objectifs de la ligne directrice B-15 est de créer des conditions préalables qui permettront aux banques de le faire un peu plus tôt et, espérons-le, plus graduellement.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le vice-président : Monsieur Mignardi, avez-vous quelque chose à ajouter, de votre point de vue?

M. Mignardi : Non, monsieur le président. Merci.

Le sénateur Gignac : Ma question s’adresse au surintendant Routledge. Le fonds du Régime de pensions du Canada est assez important. Si on prend le plus gros fonds de pension provincial, il équivaut à cent pour cent du PIB. Certains sont sous réglementation provinciale, comme les enseignants, le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario et la Caisse de dépôt et placement du Québec, mais deux sont sous réglementation fédérale, soit l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, ou OIRPSP, et l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada, ou OIRPC. Ma question est la suivante : la section 33 de la partie 4 vous confère davantage de pouvoirs, alors les fonds de pension pourraient être visés par cette disposition? Certaines caisses de retraite investissent maintenant dans d’importants actifs non liquides ou autres. Certaines approchent même les deux chiffres d’exposition à la Chine. On ne sait jamais ce qui pourrait arriver; c’est ce qui s’est passé en Russie. On a gelé les actifs et nationalisé… ce genre de choses.

Pourraient-ils être visés par cette disposition si quelque chose tourne mal sur le plan géopolitique, ou bien ils ne seront pas touchés par cette modification? Qu’est-ce qui vous donne plus de pouvoir pour intervenir?

M. Routledge : Sénateur, j’aimerais avoir une précision. Parlez-vous de la modification qui change le mandat du BSIF en ce qui concerne l’intégrité et la sécurité?

Le sénateur Gignac : Oui, exactement. Cette modification vous confère davantage de pouvoirs, et vous pourrez intervenir et poser des questions. Nous savons que la Chine pourrait s’ingérer dans le contrôle des mégadonnées. Je suis curieux, car il y a deux aspects : il y a la sécurité intégrée, mais aussi le fait que — il a une telle envergure, quand on y pense — l’OIRPC est plus gros que certaines banques canadiennes, pour être honnête. Je me demande si cette modification vous confère davantage de pouvoirs vous permettant de demander plus de renseignements ou un examen approfondi concernant le processus de gestion des risques. Par exemple, l’OIRPC a une exposition de près de 10 % en Chine, mais l’OIRPSP, la Caisse de dépôt et placement du Québec et les enseignants n’ont qu’une exposition de 2 % dans ce pays. C’est une question étrange, je comprends, mais je me demande si cette modification ne pourrait pas vous donner un peu plus de pouvoir.

M. Routledge : Sénateur, les modifications proposées à notre mandat se trouvent dans la disposition sur l’objet de la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières en ce qui a trait aux institutions financières. Ces mêmes modifications ne figurent pas dans la disposition sur l’objet concernant les régimes de pension, ce qui ne veut pas dire que nous ne tiendrions pas compte du problème. Les portefeuilles de placement constituent un élément assez important de notre évaluation du risque lié aux caisses de retraite. Pour répondre directement à votre question, ce n’est pas dans la modification.

Le sénateur Gignac : Je crois comprendre que ce n’est pas visé par cette modification, mais, pourriez-vous nous assurer que c’est une de vos priorités? Vous faites preuve d’une grande transparence en ce qui concerne les compagnies d’assurance et les banques, et nous sommes assez à l’aise avec la façon dont le BSIF fait son travail. Lundi soir, le Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine de la Chambre des communes a invité l’OIRPC à communiquer des renseignements et à fournir davantage de détails sur la Chine. Je suis curieux de savoir si vous avez le pouvoir de poser des questions et de demander plus de renseignements parce que les membres de ce comité ne sont pas exposés à la même transparence, je dirais, que les banques et les compagnies d’assurance.

M. Routledge : Sénateur, en ce qui concerne les régimes de pension, nous réglementons environ 250 milliards de dollars d’actifs de ces régimes dans un système qui représente 2,5 billions de dollars. C’est environ 1 200 régimes de pension sous réglementation fédérale. Il y en a de grande envergure et beaucoup de petits. Les régimes à prestations déterminées en représentent environ la moitié, et c’est là que se situe le risque.

La réponse à votre question est oui. Nous exercerons une surveillance en tenant compte des risques géopolitiques. La raison pour laquelle j’en suis convaincu est que nous avons réorganisé notre secteur de la surveillance il y a un peu plus d’un an. Aujourd’hui, la même équipe surveille les banques, les compagnies d’assurance et les régimes de pension; elle est gérée comme une équipe intégrée. Nous l’avons fait parce que les risques dans le secteur de l’assurance et dans le secteur bancaire peuvent s’appliquer aux pensions et vice versa. Bien qu’elle ne soit pas codifiée, notre conscience du risque géopolitique augmente, ce qui aura une incidence sur notre surveillance dans tous nos secteurs.

Le vice-président : Je vais m’appuyer sur les types d’ingérence étrangère à l’égard desquels vous vous voyez renforcer les capacités afin de réagir de la manière d’une force de frappe. Il semble que la menace soit surtout cybernétique. Toutefois, la question du sénateur Gignac m’a certainement amené à examiner d’autres risques liés à l’ingérence étrangère qui pourraient relever de votre compétence. Pourriez-vous nous dire de quels types de risques vous tiendrez compte, dans la mesure où vous vous sentez à l’aise de le faire?

M. Routledge : Monsieur le sénateur, nous en sommes encore à l’étape de la formation, alors il m’est difficile de vous donner des réponses précises. La cybersécurité est certainement un risque que nous sommes habitués de réglementer.

Les histoires qui circulent dans le discours public au sujet de l’ingérence étrangère — en toute franchise — sont des risques que nous connaissons moins bien en matière de réglementation. Si le projet de loi est adopté et reçoit la sanction royale, nous serons en mesure de mieux définir comment nous pensons à ces risques et comment nous pourrions y réagir. Restez à l’affût. Je veux attendre que le projet de loi soit adopté.

En ce qui concerne le travail que nous faisons en ce moment en prévision de l’adoption du projet de loi — je ne prédis pas qu’il le sera; je me prépare seulement au résultat advenant qu’il soit adopté —, il me semble, pour être honnête, que nous sommes encore en train d’établir notre propre définition, et ce sera plus public lorsque nous aurons des messages clairs.

Le vice-président : Il est probable que la menace aille au‑delà de la cybernétique pure. Merci beaucoup, monsieur Routledge.

Le sénateur Smith : Merci encore, monsieur Routledge. En ce qui concerne la section 37 de la partie 4, qui porte sur l’assurance-dépôts, il a été mentionné que d’autres pays dans le monde revoient également leur soutien à l’assurance-dépôts dans la foulée de la crise bancaire qui se déroule aux États-Unis. D’aucuns ont fait valoir que cette mesure n’est pas la panacée et qu’elle ne règle pas les problèmes structurels auxquels les banques pourraient être confrontées.

L’augmentation des limites de l’assurance-dépôts est-elle la seule façon dont les gouvernements peuvent régler les problèmes, ou existe-t-il d’autres mesures qui pourraient accroître la confiance à l’égard du système bancaire et limiter la contagion potentielle que nous commençons à voir se propager?

M. Routledge : Monsieur le sénateur, la réponse à cette question est « oui ». Nous les avons mises en œuvre ici et ailleurs. Au Canada, après la crise financière, nous avons mis en œuvre le régime de recapitalisation. C’est un régime qui oblige certaines institutions financières — celles d’importance systémique en particulier — à émettre plus de capitaux, ou ce que nous appellerions des fonds propres conditionnels, qui se transforment en capitaux propres absorbant les pertes en situation de crise, ou dans une situation où les capitaux propres tangibles d’une institution ne sont pas suffisants. Il s’agit d’une marge de sécurité supplémentaire que nous n’avions pas auparavant, et elle offre bon nombre des avantages de l’assurance-dépôts.

Si on prend une banque canadienne d’importance systémique standard, son ratio de capital, qui serait constitué d’actions tangibles par rapport aux actifs pondérés du risque, serait d’environ 12 %; c’est assez sain. Le capital total absorbant les pertes d’une banque d’importance systémique au Canada est d’environ 27 %. Ce capital protège tous ses déposants. Je pense que, dans la situation de stress dont nous avons été témoins au cours des derniers mois, la marge de sécurité a été moins visible, mais c’est quelque chose qui me rassure.

Le sénateur Smith : Croyez-vous que les pays étrangers auront ce genre de difficultés? Y a-t-il suffisamment de gens qui se parlent à l’échelle internationale?

M. Routledge : Au Conseil de stabilité financière, c’est un sujet récurrent. Depuis le mois de mars, nous tenons des réunions spéciales. J’ai eu de nombreuses rencontres bilatérales avec mes pairs.

Si vous regardez les événements des derniers mois, vous verrez que les banques d’importance systémique — à une exception près, je le reconnais — se sont assez bien comportées à l’échelle mondiale et ont été des sources de force. Nous n’avions pas cela en 2007, 2008 et 2009, mais nous l’avons eu cette fois-ci.

Nous devons maintenant examiner ce qui s’est passé aux États-Unis, en particulier, pour comprendre les modèles bancaires régionaux. Nous commencerons ensuite à adapter notre surveillance et notre réglementation de ces secteurs de manière à accroître un peu la résilience, ou à nous assurer qu’il y a suffisamment de résilience dans ce secteur.

Ici, au Canada, nous avons appliqué assez rigoureusement les règles relatives au capital et aux liquidités dans toutes les institutions, même si elles ne sont pas aussi importantes que les institutions d’importance systémique.

Le sénateur Smith : Merci beaucoup.

La sénatrice Galvez : Merci infiniment. Au Comité des finances nationales, nous avons reçu des fonctionnaires, et nous étudions la modification de votre mandat. J’ai posé des questions parce que le Forum économique mondial dit qu’au cours des deux prochaines années, cinq des 10 principaux risques seront environnementaux. Au cours des 10 prochaines années, six risques seront environnementaux. La progression s’accroît.

La question que j’ai posée au comité était la suivante : ces menaces à l’intégrité et à la sécurité comprendront-elles le coût de la vie, les événements météorologiques extrêmes ou l’incapacité d’atténuer les changements climatiques? L’agent a répondu que ce sera toutes ces réponses. Je pense que vous allez devoir vous pencher sur ce dossier.

Cette situation va évoluer au fil du temps. À ce stade-ci, c’est général, et vous finirez par élaborer des lignes directrices pour chacune de ces raisons, je suppose.

Ma deuxième question concerne la collecte de données par la compagnie d’assurance, mais je tiens aussi à dire que le risque lié au climat est difficile à calculer parce qu’il a des effets cumulatifs. Ce n’est pas fondé sur les histoires; vous le savez. Je ne peux pas me fier au passé pour déterminer ce qui s’en vient. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne.

Prévoyez-vous également élaborer des règles afin de mieux évaluer l’incertitude radicale du risque climatique?

M. Routledge : Sénateur, la première partie de votre question porte sur ce que nous appelons depuis longtemps les risques financiers et les risques non financiers. Le risque financier est lié à la disponibilité du capital, et le risque non financier est lié à la gouvernance d’entreprise ou la gestion du risque cybernétique.

Nous avons des conditions financières saines dans le cadre de notre mandat actuel, et les modifications proposées apportent ce concept de sécurité et d’intégrité. Il cadre bien avec les aspects financiers et non financiers.

Le climat est un risque transversal : il touche les aspects financiers et non financiers. Vous avez raison; nous n’avons pas connu de changements climatiques, et nous n’avons pas de données historiques. La première étape de la mesure consiste à établir une base pour commencer à faire des projections. Nous n’en sommes pas encore là. À notre avis, nous devons établir une base de données conforme aux normes internationales afin qu’elles soient comparables, et nous sommes convaincus que les institutions financières que nous surveillons choisiront — sans que nous les incitions à le faire — de commencer à extrapoler, à examiner la situation et à déterminer prospectivement comment les risques climatiques pourraient changer.

D’après les conversations que j’ai eues avec des firmes d’analyse — par exemple, des agences de notation et des entreprises de données climatiques —, elles commencent déjà à y réfléchir et à trouver des façons d’appliquer une perspective plus prospective aux données historiques. Je suis optimiste, compte tenu de la technologie et des données recueillies, quant au fait que nous serons en mesure d’offrir une perspective prospective du risque de crédit touché par les changements climatiques.

La sénatrice Galvez : Pensez-vous que nous aurions pu prévoir l’incendie de Lytton, en Colombie-Britannique, ou le débordement du fleuve Fraser?

M. Routledge : J’avais l’habitude de faire du rafting au nord de Lytton, sur la rivière Thompson, alors cet événement m’a beaucoup touché.

La réponse honnête, c’est que, tout comme dans le cas des dispositions relatives aux risques cybernétiques et à l’ingérence étrangère dont il est question, ces événements se sont produits au-delà de l’horizon, et leur gravité a été consternante. Ce choc a éclairé notre réaction par rapport à notre ligne directrice B-15.

La sénatrice Ringuette : J’essaie de me faire une idée. Ma question s’adresse d’abord à M. Mignardi.

Monsieur Mignardi, de vos 30 petites banques et sociétés de fiducie, combien sont des succursales de banques régionales américaines?

M. Mignardi : Aucune, madame la sénatrice.

La sénatrice Ringuette : Vos banques sont-elles à charte fédérale?

M. Mignardi : Oui, les banques et les sociétés de fiducie ont une charte fédérale.

La sénatrice Ringuette : J’ai la même question à vous poser, monsieur Routledge. Vous avez mentionné que vous avez dû prendre des mesures à l’égard d’une succursale d’une banque régionale américaine. Combien d’entre elles sont sous votre surveillance au Canada?

M. Routledge : Madame la sénatrice, je peux vous fournir le chiffre exact… il y en a quelques dizaines.

Les banques étrangères participent au Canada par le truchement de deux mécanismes : une filiale étrangère ou une succursale étrangère. Une filiale est une entité juridique distincte. Une succursale étrangère fait partie de l’entité juridique du pays d’origine. Nous les réglementons différemment.

Je pourrai vous fournir le chiffre exact lorsque nous reviendrons pour répondre à toutes les questions, mais il y en a quelques dizaines.

La sénatrice Ringuette : Merci.

Le sénateur Cardozo : Ma question s’adresse à M. Routledge et à M. Mignardi et porte sur l’article 118. Les cryptoactifs sont visés par cet article.

Où en sommes-nous en ce qui concerne les cryptoactifs au Canada et dans le monde? Nous entendons parler de diverses choses. Il y a une industrie au Canada. Des représentants ont passé une journée sur la Colline il y a quelques semaines.

Est-ce que ce sera réel? Les cryptoactifs feront-ils une différence pour le secteur bancaire? Qu’en pense le BSIF?

Monsieur Mignardi, les voyez-vous faire partie de votre portefeuille? Comment prévoyez-vous traiter les cryptoactifs?

M. Routledge d’abord, s’il vous plaît.

M. Routledge : Sénateur, les cryptoactifs ont connu un essor, puis ont fait l’objet d’une correction assez importante l’an dernier. L’industrie s’en remet encore. Compte tenu de ce pronostic, en tant que surintendant, je ne prévois pas qu’ils disparaîtront. Je prévois une reprise de la croissance dans ce secteur.

Dans le système réglementé par le BSIF — les institutions financières fédérales —, il ne s’agit pas d’une grande catégorie d’actifs. En prévision de sa croissance, nous avons mis en place des normes et des attentes en matière de capitaux qui traitent les cryptoactifs comme des actifs présentant un risque assez élevé. Si les institutions financières que nous réglementons cherchent à posséder ces actifs, elles devront mettre suffisamment de capitaux de côté pour protéger leur bilan de ceux-ci.

À l’extérieur de notre système, elle pourrait croître très rapidement au Canada. Les Canadiens achètent et possèdent des cryptoactifs, souvent de bourses situées à l’extérieur du Canada. C’est réellement une question de protection des consommateurs pour les organismes de réglementation du marché des valeurs mobilières et pour ceux de la protection des consommateurs. Je vais les laisser répondre à cette question.

De notre point de vue, le risque à long terme est une forme de paiement qui sort du cadre du système réglementé. Nous pensons que la plupart des innovations dans les services financiers à l’extérieur du système réglementé sont très instables. Pour étayer cet argument, je citerai ce qui s’est passé avec FTX l’automne dernier.

Le sénateur Cardozo : Voudriez-vous qu’ils fassent partie de votre système réglementé? Est-ce même quelque chose qui peut arriver?

M. Routledge : Je dirai deux choses à ce sujet. Premièrement, c’est une question de politique que le ministère des Finances et le gouvernement doivent régler. Peu importe ce qu’ils choisiront de faire, nous les appuierons.

À des fins de stabilité financière — et pour renforcer le mandat du BSIF en ce qui a trait à la confiance du public envers les institutions financières canadiennes —, je préférerais que les innovations en matière de services financiers se produisent dans un système réglementé. Il y a des systèmes de dépôt provinciaux qui sont entièrement réglementés, avec lesquels je suis à l’aise, et il y a aussi le système de dépôt fédéral qui est entièrement réglementé et qui me convient parfaitement. Il est préférable que l’innovation se fasse dans le cadre de la protection réglementaire.

Le sénateur Cardozo : Monsieur Mignardi, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Mignardi : J’ajouterais que nous sommes une association — pas un organisme de réglementation — et que nos membres mènent leurs activités individuellement. Ils se livrent également concurrence. La cryptographie n’est pas un actif répandu, loin de là. En fait, je serais surpris que plus de deux de nos membres offrent même le service, pour être franc, monsieur le sénateur.

Le sénateur Loffreda : Le secteur bancaire du Canada est largement reconnu comme l’un des plus solides et des plus stables au monde. Nous vivons dans un monde dynamique où de nouveaux risques, comme des risques géopolitiques, environnementaux et autres, émergent régulièrement.

Êtes-vous convaincu que les modifications proposées dans la loi d’exécution du budget maintiendront notre pays parmi les plus forts et les plus stables au monde? Sinon, que manque-t-il à la loi? Sans entrer dans les détails des conseils ministériels, j’aimerais que vous me rassuriez quant au fait que nous apportons les amendements appropriés et que nous resterons parmi les plus solides au monde.

M. Routledge : Sénateur, je répondrai à cette question en deux parties. La première partie est une mise en garde. La nature du risque dans notre système est que certaines des menaces se pointent à l’horizon, mais je ne sais pas ce qu’elles sont; je voudrais bien le savoir. Nous essayons toujours d’élargir ce point de vue, mais, il y a 18 mois, je n’aurais pas dit que l’ingérence étrangère serait un risque dont nous parlerions aujourd’hui, pour être honnête.

Avec cette humilité, l’un des avantages que nous avons dans le système financier canadien, comme je l’ai dit plus tôt, c’est l’intégration du filet de sécurité financière, qui comprend le ministère des Finances. Il dirige un comité régulier qui se réunit habituellement une fois par trimestre pour discuter des questions de politique; il habilite pleinement le BSIF et sollicite notre point de vue sur l’état du système financier, ainsi que sur les risques et ce qui nous semble utile.

Je travaille à Ottawa et sur le filet de sécurité financière depuis 2017, et cette habitude et cette discipline perdurent encore aujourd’hui.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.

La sénatrice Marshall : Quelle incidence ces modifications ont-elles sur les ressources de votre bureau? À mon avis, certaines des nouvelles exigences semblent exhaustives. Je parle de celle d’examiner les activités et les affaires des institutions financières sous réglementation fédérale au moins une fois par année civile pour vérifier si elles ont des politiques adéquates, et tout le reste. Cette seule exigence semble être une entreprise d’envergure. Je ne me souviens pas d’avoir vu quoi que ce soit dans le budget qui vous donnerait des ressources supplémentaires.

Pourriez-vous nous expliquer quelle incidence ces modifications auront sur votre bureau?

M. Routledge : Sénatrice, honnêtement, nous sommes encore en train d’y travailler. Je ne veux pas aller trop loin en disant qu’il ne s’agit que d’un changement graduel. Notre hypothèse est que c’est progressif. Ce sera autant de la technologie que des gens.

Pour ce qui est de nous financer nous-mêmes, nous le faisons au moyen d’un modèle de facturation rétroactive directe des institutions financières. Nous avons établi un processus de gouvernance à cet égard. Chaque année, je rencontre notre comité de vérification ministériel pour parler du budget, puis nous nous adressons à l’industrie pour lui donner un préavis de ce à quoi nous pensons. Je ne m’attends pas à ce que le financement pose problème, compte tenu de notre analyse initiale et de notre modèle de financement.

La sénatrice Marshall : Vous y travaillez.

M. Routledge : Oui. Nous serons plus transparents une fois que la loi entrera en vigueur, si elle entre en vigueur.

La sénatrice Marshall : Une fois que vous aurez commencé à mettre en œuvre le programme.

M. Routledge : Oui.

La sénatrice Marshall : Merci.

Le vice-président : Merci beaucoup. Je ne vois pas d’autres questions. Monsieur Mignardi, y a-t-il des questions que nous n’avons pas posées et que vous aimeriez aborder, ou bien avez‑vous quelque chose à ajouter en guise de conclusion?

M. Mignardi : Non. Je vous remercie de m’avoir donné cette occasion, honorables sénateurs.

Le vice-président : Merci d’avoir été des nôtres, monsieur Mignardi. Surintendant Routledge, je vous remercie de votre présence. L’horizon dont vous parlez ne se dirige plus lentement vers nous. Il se catapulte vers nous. C’est très bien que vous ayez les yeux rivés sur les divers risques que nous allons voir, et que vous examiniez ce changement d’une façon très ouverte relativement à ce que vous pourriez faire de façon ciblée.

Je vous remercie tous de vous être présentés aujourd’hui.

(La séance est levée.)

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