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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 2 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 11 h29 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je salue tous les participants dans la salle ainsi que ceux qui se joignent à nous en ligne. Je vous souhaite la bienvenue à la présente séance du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin et j’agis en qualité de présidente du comité. Je vais maintenant présenter les autres membres de notre comité. Sont présents le sénateur Loffreda, qui assure la vice-présidence, la sénatrice Bellemare, le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Gignac, la sénatrice Marshall, le sénateur Massicotte, la sénatrice Miville-Dechêne et la sénatrice Petten. La sénatrice Galvez est également parmi nous.

Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’accueillir de nouveau devant le comité Peter Routledge, surintendant, Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF. Nous sommes ravis de vous revoir parmi nous aujourd’hui pour parler de la situation du secteur bancaire, et plus précisément, bien sûr, de la question du logement sur laquelle nous nous sommes récemment concentrés. Je suis persuadée qu’il y aura des questions à cet égard également.

Merci. Je vous cède maintenant la parole pour votre déclaration d’ouverture.

[Français]

Peter Routledge, surintendant, Bureau du surintendant des institutions financières : Je vous remercie de l’occasion que vous m’offrez de m’adresser à vous aujourd’hui.

En tant que surintendant des institutions financières, mon rôle consiste notamment à m’assurer que les institutions financières fédérales adoptent des pratiques responsables et durables en matière de souscription de prêts hypothécaires.

[Traduction]

Au cours des dernières années, la dette des ménages a substantiellement augmenté. Pour les prêteurs, cette situation accroît la probabilité de défaut de paiement. Les prêteurs sous réglementation fédérale accordent 80 % de l’ensemble des hypothèques au Canada. Nous nous employons depuis un certain temps déjà à atténuer le risque en établissant des attentes claires en matière de souscription de prêts hypothécaires, notamment au moyen de ce que nous appelons ligne directrice B-20 qui exige que les prêteurs adoptent une approche uniforme pour calculer les mesures relatives au remboursement de la dette en appliquant le taux minimal admissible, en mettant en œuvre de nouveaux taux sur le coût du capital pour les hypothèques à taux variable ou fixe, et en augmentant la réserve pour stabilité intérieure de nos plus grandes banques de 0,5 % à 3,5%.

[Français]

Ensemble, ces politiques et d’autres mesures aident à garantir que les Canadiennes et Canadiens arrivent à gérer leur prêt hypothécaire malgré des imprévus ou des conditions difficiles; que les prêteurs gèrent adéquatement les risques inhérents à leur portefeuille de prêts; que les prêteurs détiennent une quantité suffisante de fonds propres pour absorber les défauts. Cela contribue à la stabilité du système financier et à la confiance du public envers celui-ci.

C’est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Merci de cet exposé liminaire. Pourriez-vous simplement nous donner quelques précisions? Comme vous le savez, hier, nous avons entendu le témoignage du gouverneur de la Banque du Canada qui a décidé de maintenir le taux directeur au même niveau, mais qui a néanmoins exprimé certaines préoccupations en ce qui concerne l’avenir. Si vous jetez un coup d’œil aux chiffres, vous constaterez que nous sommes en récession technique.

Êtes-vous sérieusement préoccupé par cette situation ou estimez-vous avoir le temps de réagir advenant que, au prochain trimestre, les chiffres empirent?

M. Routledge : Je vous remercie de la question. L’an dernier, quand le BSIF a constaté que le taux de financement à un jour était en hausse et que les ménages canadiens et le secteur commercial affichaient un taux d’endettement élevé par rapport au PIB, nous avons conclu qu’il était nécessaire de nous préparer.

Au cours de l’année, nous nous sommes préparés à l’éventualité d’une récession. Cette possibilité me préoccupe-t-elle au quotidien? Oui. Si la récession se matérialise, nous aurons passé l’année à nous y préparer. Nous avons entre autres augmenté les attentes en matière de fonds propres pour les banques d’importance systémique. Cette mesure, pour l’année dernière seulement, a ajouté dans le système environ 25 milliards de dollars en capacité d’absorption des pertes, ce qui est substantiel.

Le sénateur Loffreda : Merci Monsieur Routledge d’être parmi nous ce matin. Avant la séance de ce matin, nous avons brièvement discuté des nouvelles propositions que le BSIF a présentées aux préteurs en matière de mesures de remboursement de la dette. En dépit du fait que les prêteurs ne soient pas en faveur de nouvelles mesures de remboursement de la dette, envisagez-vous quand même de faire des changements? Si de tels changements n’étaient pas adoptés, quelles en seraient les conséquences sur le marché du logement?

M. Routledge : Merci. Sénateurs, plus tôt cette année, le BSIF a effectué une consultation auprès de l’ensemble des prêteurs sous réglementation fédérale et leur a demandé d’envisager des mesures de remboursement de la dette différentes ou additionnelles qui pourraient être mises en application au moyen de la ligne directrice B-20 sur les pratiques et procédures en matière de souscription de prêts hypothécaires.

La grande majorité des prêteurs ont répondu que le taux admissible minimal applicable aux prêts hypothécaires, qui correspond au test de résistance hypothécaire, faisait l’affaire. Pour sa part, le BSIF ne partage peut-être pas entièrement cette opinion, mais c’est la réponse des prêteurs sous réglementation fédérale.

Compte tenu de la stabilité relative du marché de l’habitation cette année et des très faibles pertes sur créances dans l’ensemble, nous avons décidé de ne pas accélérer le changement du test de résistance hypothécaire. Par changement, j’entends soit la modification de l’étalonnage du test, simplement par l’ajout de 200 points de base ou de 2 points de pourcentage au taux contractuel, soit le fait de considérer qu’il s’agit d’un niveau systémique de nouvelles mesures compensatoires sur le remboursement de la dette.

Cela dit, le BSIF réglemente les banques au cas par cas et il dispose de suffisamment de souplesse en matière de surveillance pour envisager des mesures complémentaires au ratio du service de la dette hypothécaire. De telles mesures pourraient renforcer la protection prévue dans le système.

La présidente : D’accord. Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Il est largement reconnu aujourd’hui que le changement climatique présente un certain nombre de risques pour les entreprises, y compris les institutions financières. Ces risques sont généralement classés comme des risques physiques ou de transition. Pour les institutions financières, les risques climatiques concernent principalement les faillites d’entreprise, la perte ou la dépréciation des actifs auxquelles les institutions financières sont exposées financièrement.

Pouvez-vous expliquer comment votre bureau s’attaque actuellement à ces risques? À votre avis, est-ce judicieux de s’attaquer à la source de ces risques en limitant le montant de financement aux entreprises qui causent des émissions qui créent des risques?

On a eu toute une discussion hier sur le financement durable.

[Traduction]

M. Routledge : Sénateurs, le BSIF considère les risques climatiques comme une importante menace émergente pour le Canada, et certainement pour l’économie mondiale. Cependant, dans le petit monde du BSIF, nous considérons qu’il s’agit d’un risque financier pour les institutions sous réglementation fédérale. Les risques climatiques, les risques associés à la transition et les risques physiques changent déjà l’encaisse des actifs. Les sociétés d’assurance générale — actuellement affectées par l’augmentation de la gravité et du nombre de désastres naturels — ont effectué certains des travaux de recherche les plus novateurs en matière de climat.

Nous sommes déterminés à faire en sorte que les institutions financières sous réglementation fédérale prévoient un coût pour les risques climatiques dans leurs activités, leurs bilans et l’évaluation de leurs actifs, soit les prêts et les garanties qui y sont associées. Au plus haut niveau, voilà notre travail.

Si le coût des risques est évalué avec exactitude, nous croyons fermement que les institutions prendront des décisions judicieuses en matière de gestion et d’atténuation des risques.

Pour faire cette évaluation, il faut utiliser la ligne directrice B-15, un outil de gestion des risques climatiques. Le BSIF a mis cette ligne directrice en application plus tôt cette année. Elle comporte deux volets principaux. Le premier volet exige que les conseils d’administration traitent les risques climatiques exactement au même titre que les autres risques financiers — risques de crédit, risques de marché et cyberrisques. Pour ce faire, il faut un cadre de gouvernance et d’évaluation et un cadre structurel.

Le second volet porte sur les attentes du BSIF concernant l’évaluation et la divulgation des risques climatiques. Dans les deux à trois prochaines années, les banques vont commencer à suivre ce modèle parce que le BSIF, en tant qu’organisme de réglementation, les y oblige. Les banques s’y conformeront parce que les investisseurs les obligent également à le faire.

En bref, voilà globalement la façon dont nous traitons les risques climatiques.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Pensez-vous toutefois qu’il faudrait aller un peu plus loin pour atténuer le risque — par exemple, en introduisant des exigences de fonds propres ajustés pour le climat, ce qu’on appelle en anglais les climate-adjusted capital requirements?

[Traduction]

M. Routledge : C’est une excellente question. Il y a deux façons d’enquêter sur les exigences de fonds propres ajustées en fonction du climat. La première consisterait à prendre les ratios de fonds propres et à dire qu’il faut une réserve en capital supplémentaire pour les risques climatiques.

La seconde consisterait à dire que divers prêts, titres et actifs figurent sur le bilan. Comment les risques climatiques vont-ils modifier la valeur de ces actifs à long terme? Et comment devrions-nous changer la réserve de capital que nous obligeons les banques à avoir à cause de ces risques? Il s’agit d’un processus technique axé sur une analyse par actif qui, selon nous, est la meilleure façon d’aborder la question. En toute honnêteté, je dois néanmoins dire que c’est un processus plus long.

Le risque de crédit et le risque de marché sont fondés sur des données historiques. Nous demandons aux institutions d’examiner les données historiques et d’allouer un montant à la lumière de ce qui ressort de leur analyse.

Par définition, les risques climatiques concernent l’avenir. Le changement climatique ne s’est pas encore concrétisé. Au cours des prochaines années, nous devrons collaborer avec les institutions que nous réglementons pour intégrer une approche à long terme en ce qui concerne l’évaluation du risque de crédit ou les exigences de fonds propres.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci. Le changement climatique se manifeste déjà, mais vous avez dit qu’il ne s’était pas encore concrétisé.

M. Routledge : En fait, nous n’avons pas été en mesure d’en évaluer les effets sur l’actif et le passif des institutions que nous réglementons directement. Nous n’acceptons pas cette situation. Nous affirmons qu’il faut faire preuve de créativité en matière d’analyse pour évaluer les répercussions, prévoir ce qui arrivera et prendre en compte les prévisions afin de réserver des capitaux pour les actifs visés.

Le sénateur C. Deacon : Je suis ravi de vous revoir parmi nous, Monsieur le surintendant. Nous nous réjouissons que vous témoigniez de nouveau devant notre comité.

Dans un rapport publié il y a quelques semaines, la vérificatrice générale affirme que 38 % des systèmes de TI du gouvernement fédéral se portent bien. Les institutions financières sont les autres organisations au Canada qui se fient sur des infrastructures technologiques axées sur le langage de programmation logicielle COBOL. Or, elles ont la réputation d’accuser un déficit technologique assez substantiel.

De nombreuses personnes ont suggéré qu’une partie du problème en ce qui concerne le développement d’un système de paiements en temps réel au Canada, qui aurait une incidence positive considérable sur l’économie, tient au fait que les infrastructures technologiques sont tellement vieilles qu’elles ont nui aux efforts en ce sens dès le départ. Bref, c’est ce qui aurait nui au progrès dans ce secteur. Pouvez-vous nous parler de la situation et dire comment vous considérez ce risque, notamment les risques de cybersécurité qui y sont associés? Selon vous, quels investissements sont nécessaires pour que nos banques fassent figure de chefs de file à cet égard?

M. Routledge : Sénateurs, nous vivons dans une Confédération qui a 156 ans. Bon nombre de nos grandes banques, et même certaines plus petites, ont été fondées avant la Confédération. Dans une certaine mesure, c’est bon signe puisque cela indique que notre système bancaire est plutôt stable. Le désavantage, ou l’inconvénient, c’est que comme elles existent depuis longtemps, les banques reposent sur d’anciens systèmes.

Certaines institutions investissent davantage que d’autres et adoptent de nouvelles technologies. Quoi qu’il en soit, il y a toujours un dilemme entre la capacité d’assurer la bonne marche des activités quotidiennes avec un système et le risque que présente le passage à un nouveau système. Le BSIF est disposé à accueillir les suggestions de l’industrie quant à la façon d’ajuster les règles — non de façon imposante, mais plutôt de façon judicieuse — pour faciliter les investissements dans la mise à niveau des systèmes compte tenu des risques et de la conjoncture.

Globalement, j’estime que le système bancaire canadien est stable et rentable en comparaison avec les systèmes étrangers et que, partant, nous faisons certainement meilleure figure que la moyenne. Néanmoins, nous pouvons certainement faire davantage. Je verrais d’un bon œil que nos institutions trouvent le moyen d’investir dans leurs plateformes technologiques, particulièrement compte tenu des risques liés à la cybersécurité.

Le sénateur C. Deacon : D’après les chiffres que j’ai obtenus, les banques consacrent de 80 % à 90 % de leurs investissements technologiques à l’entretien d’anciens systèmes et à des changements qui doivent nécessairement y être apportés à cause des exigences du marché ou de la réglementation. Bref, une infime portion des investissements est consacrée à bâtir l’avenir. À votre connaissance, est-ce une évaluation réaliste de la situation?

M. Routledge : Je ne suis pas sûr de ces chiffres. Je n’ai pas vu d’études à ce sujet. Je ne dis pas que c’est faux, mais je peux vous dire qu’il s’agit probablement d’une moyenne et que les écarts sont assez importants. Les institutions qui investissent pour l’avenir seront probablement gagnantes au bout du compte.

Pour y arriver, il ne faut pas demander aux organismes de réglementation de dire aux institutions de faire ceci ou cela. Il faut plutôt demander aux institutions comment on peut ajuster les règles qui les régissent de manière à améliorer le rendement de ces investissements.

En effet, si une banque ne consacre que 10 à 20 % de son budget pour les technologies au développement de nouvelles technologies, nous pouvons faire quelque chose pour changer un peu cette proportion. Cela dépend également de l’appétit pour le risque de l’institution. On s’expose à un énorme risque opérationnel si l’on veut remplacer un ancien système par quelque chose de tout nouveau. Certaines institutions sont plus audacieuses que d’autres à ce chapitre.

Le sénateur C. Deacon : Si l’on n’investit pas, cela pourrait être considéré comme un risque systémique.

M. Routledge : Oui. Encore une fois, ce que nous utilisons principalement dans pareil cas est notre outil d’évaluation des cyberrisques, étant donné que ces derniers représentent la plus importante menace qui plane sur la technologie.

Nous faisons d’autres choses, comme la gestion des risques des tiers, qui a une composante technologique, mais ce sont les cyberrisques qui nous causent le plus de soucis.

Le sénateur C. Deacon : Merci, monsieur le surintendant.

La présidente : Attaquons-nous à cette question, étant donné que vous l’avez soulevée à deux reprises. Le danger clair et imminent pour ce système, c’est l’intelligence artificielle, soit le cyberrisque. On commet déjà des actes de piratage.

L’intelligence artificielle représente une menace énorme et immédiate pour les transactions. Où en êtes-vous dans ce dossier? Comment vous attaquez-vous à ce problème, étant donné qu’il s’agit d’un problème actuel, et non d’un problème de demain?

M. Routledge : En toute franchise, nous en sommes au stade de développement des moyens de réglementer l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les institutions financières.

Plus tôt ce printemps, je crois, nous avons terminé la rédaction d’un document rédigé en collaboration avec le Global Risk Institute, situé à Toronto. Dans ce document, nous avons défini les éléments constitutifs d’un cadre réglementaire potentiel. Ce travail pourrait déboucher sur des lignes directrices en matière d’intelligence artificielle. Pour que les concitoyens que nous réglementons ne se laissent pas emporter par cette observation, avant de nous engager dans cette voie, nous leur parlerons du fardeau réglementaire. Il se passe beaucoup de choses.

Le document que nous avons publié plus tôt ce printemps a été essentiel à la mise en place d’un cadre réglementaire pour l’intelligence artificielle.

La présidente : J’ai l’impression que vous n’êtes pas prêts.

M. Routledge : Nous n’avons pas fixé d’échéancier. Nous devons le faire.

La présidente : Vous vous préparez.

La sénatrice Marshall : Merci d’être ici ce matin.

Nous avons beaucoup discuté des prêts hypothécaires à taux variable, mais je suis plus intéressée par les prêts hypothécaires à taux fixe. D’après les informations dont nous disposons, il semble qu’une grande vague arrivera en 2025-2026. Deux options s’offriront alors aux propriétaires. Ils pourront verser une mise de fonds importante si les taux d’intérêt demeurent élevés ou prolonger la durée de leur prêt hypothécaire.

Avez-vous effectué une analyse à ce sujet? Faites-vous un travail préparatoire? Avez-vous bien compris le problème qui se posera dans quelques années? J’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.

M. Routledge : Nous en avons fait beaucoup dans ce dossier. Je me contenterai de parler des prêts hypothécaires à taux fixe. Jusqu’à récemment, la plupart des Canadiens qui choisissaient des prêts hypothécaires à taux fixe optaient pour une durée de cinq ans. Cela signifie que, chaque année, environ 20 % des prêts hypothécaires sont renouvelés.

Ce qui s’est passé cette année, c’est que les prêts hypothécaires de 2018 ont été renouvelés à des taux plus élevés. La bonne nouvelle, c’est que le nombre de défaillances n’a pas beaucoup augmenté. Les ménages ont été mis à rude épreuve. C’est ce que nous constatons dans les ventes au détail et les enquêtes menées par diverses institutions. Les ménages ressentent la pression, mais ils s’en sortent.

Chaque année, à perpétuité, environ un cinquième de tous les prêts hypothécaires seront renouvelés. Vous avez raison. Le problème se compliquera au cours des deux ou trois prochaines années, et je vais vous expliquer pourquoi.

En 2018, avant la pandémie de COVID-19, les taux d’intérêt n’étaient pas aussi élevés qu’aujourd’hui, mais les taux hypothécaires, eux, étaient en général assez élevés. La montée en escalier des taux est gérable et s’inscrit dans le cadre du test de résistance hypothécaire que nous avons mis en place.

À mesure que nous approchons des années 2025 et 2026, plus l’augmentation est coûteuse, alors nous connaissons l’ampleur du problème. En ce qui nous concerne, notre test de résistance indique que les grandes banques, en particulier, arriveront à gérer un plus grand nombre de défauts de paiement. Cela ne signifie pas que c’est une bonne chose qu’il y ait davantage de défauts de paiement. Toutefois, c’est une bonne chose que notre système puisse les gérer. Nous ne voyons aucune raison de penser que nos réserves de capitaux et de revenus ne sont pas adaptées à l’augmentation potentielle des coûts.

La sénatrice Marshall : Quand vous dites que les banques vont gérer les défauts de paiement, cela signifie sur une base individuelle. Est-ce bien ce que vous entendez par là?

M. Routledge : Oui, surtout les six plus grandes banques. Même les petites et moyennes banques semblent également disposer d’un capital suffisant. Comme nous l’avons fait de manière plus publique avec les banques d’importance systémique, nous avons augmenté leur capital. Nous l’avons fait de manière moins visible pour les petites et moyennes banques.

De plus, nous connaissons et avons cerné les institutions qui présentent des risques accrus. Comme vous pouvez l’imaginer, elles passent davantage de temps avec leurs chargés de surveillance.

La sénatrice Marshall : D’accord. Merci.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue à notre témoin.

J’aimerais revenir sur certaines pratiques des institutions financières dans le secteur des prêts hypothécaires. Il y a trois grandes banques canadiennes dont le portefeuille d’hypothèques contient 20 % d’hypothèques à amortissement négatif.

Par ailleurs, le 20 octobre dernier, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a établi de nouvelles lignes directrices et a exigé plus de capital. J’aimerais que vous nous en parliez un peu.

Quant au deuxième volet de ma question, j’ai une inquiétude au sujet des jeunes ménages qui ont contracté une hypothèque à paiement fixe et à taux variable et qui ne disposent pas de suffisamment de capital pour absorber la hausse de leurs paiements. Êtes-vous à l’aise avec cette situation?

Est-ce qu’il faudrait intervenir et interdire que ce type de prêt soit offert aux premiers acheteurs de maison, étant donné qu’ils n’ont pas suffisamment de capital et que certains devront remettre les clés si les banques ou les parents ne leur viennent pas en aide?

[Traduction]

M. Routledge : Nous sommes en quelque sorte dans une position intéressante en ce qui concerne les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes. Nous sommes censés nous assurer que les prêteurs ou les banques connaissent les risques qu’ils prennent en matière de prêts hypothécaires et qu’ils les gèrent. Nous ne donnons pas notre avis sur la conception des produits. Cela ne relève pas de notre mandat. Ce n’est pas ce que le Parlement nous a demandé de faire.

Nous pensons que, si on conçoit un produit que les clients achètent, à condition que l’on gère les risques, la conception et l’achat du produit concernent le prêteur et l’emprunteur.

Toutefois, un produit à taux variable et à versements fixes est dangereux, à notre avis, parce qu’il peut mettre les propriétaires dans la position suivante : pendant une longue période — pas toujours, mais, dans le contexte actuel, assurément —, ils paieront un montant fixe de, disons, 2 000 $ par mois, alors que les intérêts sur leur hypothèque sont de 3 000 $ par mois. Ainsi, le solde de leur hypothèque augmentera, ce qui accroît leur vulnérabilité et le risque de défaut de paiement.

Toutes choses égales par ailleurs, nous ne voulons pas imposer un jugement sur la conception d’un produit, mais nous aimerions que ce produit en particulier soit moins présent sur le marché. Selon nous, le système serait plus sain si ce produit était moins présent. Nous avons immédiatement réagi à ce produit en modifiant nos exigences en matière de capital pour les prêts hypothécaires à amortissement négatif, ce qui peut rendre le produit moins attrayant pour les emprunteurs.

Le sénateur Gignac : C’est une question de protection des consommateurs. Je comprends que cela ne relève pas de votre mandat. Peut-être que vos collègues d’autres ministères...

M. Routledge : Je tiens à préciser que nous ne sommes pas indifférents à la protection des consommateurs.

Le sénateur Gignac : Toutefois, si je lis entre les lignes, vous dites, en termes simples, que vous soutiendrez le renforcement de la protection des consommateurs parce que les gens n’ont aucune idée de ce qui pourrait arriver si les taux d’intérêt augmentaient beaucoup plus qu’ils ne le pensaient.

M. Routledge : Oui. C’est ce que nous avons fait. Je vais vous donner un exemple. Mon équipe et moi avons collaboré étroitement avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada sur ses lignes directrices en matière de souscription de prêts hypothécaires. Alors que nous mobilisions des capitaux pour le produit, nous collaborions avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada sur ses lignes directrices, qui garantissent que les consommateurs qui sont confrontés à ce problème à court terme disposent de solutions justes et temporaires, par exemple, la possibilité de rembourser une partie importante d’un solde sans encourir de frais déraisonnables. Les lignes directrices de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada prévoient toute une série de mesures. Nous avons travaillé main dans la main avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada à cette fin. Nous avons considéré qu’il s’agissait d’un effort conjoint du Bureau du surintendant des institutions financières, dont le travail était de faire preuve de prudence, et de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, dont le travail était de protéger les consommateurs. À notre avis, ces deux mandats se soutenaient mutuellement.

Le sénateur Massicotte : Merci d’être à nouveau parmi nous. Nous vous en sommes très reconnaissants.

La dernière fois que vous étiez parmi nous, nous avons parlé des risques et des risques surprises. L’une des discussions que nous avons eues portait sur l’environnement dans lequel il est impossible de prévoir certains risques, ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques sur les coûts. Vous avez répondu que, même si nous ne sommes pas des experts dans tous les domaines de l’assurance, les compagnies d’assurance, elles, possèdent une immense expérience. Elles savent comment évaluer le coût lié aux risques et peuvent mieux prévoir les coûts financiers.

Je suppose que la réponse serait la même, mais est-ce adéquat? Ce système, qui est en quelque sorte informel et qui dépend de l’aide des compagnies d’assurance, est-il adéquat? Avez-vous fait des progrès pour vous permettre, à vous et à votre institution, à titre individuel, de cerner et de prévoir les risques plutôt que d’attendre que quelqu’un d’autre vous donne des conseils?

M. Routledge : Oui, en ce qui concerne les risques financiers et climatiques. Nous avons mis en place ce que nous appelons un exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques. Permettez-moi de vous expliquer de quoi il s’agit et ce que nous pouvons apprendre de l’industrie grâce à cet exercice.

Nous avons communiqué avec l’industrie pour lui indiquer que, pour 2024, nous demanderons à toutes les institutions que nous réglementons, y compris les assureurs, d’inclure ces scénarios climatiques dans leurs modèles de simulation de crise, puis de nous dire quelles en sont les conséquences. Nous espérons ainsi obtenir de l’industrie une vue beaucoup plus granulaire des répercussions des changements climatiques, qu’il s’agisse de la transition ou des risques physiques, et de la manière dont elle perçoit la valeur de ses actifs. À partir de là, nous pourrons tirer des conclusions générales sur le risque systémique global. En fonction de ces informations, nous pourrons aller de l’avant.

Le point le plus important est que, pour vraiment amener les institutions de notre système à gérer les risques climatiques plus efficacement, nous devons recourir à des exercices qui les poussent à travailler un peu. Ensuite, elles nous font part de leurs conclusions, puis nous adaptons notre réglementation. Cela prendra du temps, mais c’est le moyen le plus efficace d’apporter plus de clarté à un avenir incertain.

Le sénateur Massicotte : D’aucuns soutiendront qu’il existe un risque d’alignement, dans la mesure où certaines des institutions financières liées au gouvernement pourraient ne pas accepter de partager l’information ou de gérer le risque. Par conséquent, certains proposent l’adoption de mesures législatives visant à créer une nouvelle entité, un conseil, qui veillerait à ce que tous les membres d’un groupe s’alignent sur les intérêts en jeu.

Croyez-vous qu’il soit nécessaire de créer cette nouvelle entité, ou y aurait-il un autre moyen de transmettre l’information aux autres membres d’une manière plus informelle et plus productive qu’en mettant sur pied une organisation juridique officielle?

M. Routledge : La réponse à cette question comporte deux volets. Premièrement, si le Parlement décide de créer un conseil où nous exécutons fidèlement les instructions de notre patron, le Parlement, nous travaillerons avec lui.

Nous ne travaillons pas en fonction de l’existence éventuelle d’une telle entité. Nous travaillons sur nos propres outils pour évaluer le coût des risques climatiques aussi efficacement que possible, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’un exercice prospectif comportant beaucoup d’incertitudes. Nous pensons que notre approche — du moins telle que nous l’avons décrite dans notre ligne directrice sur le climat, en lien avec notre travail sur les risques climatiques — est adéquate pour mener à bien cette tâche.

Pour vous donner un exemple de bonne nouvelle sur le thème du climat, pour faciliter ce travail, nous avons organisé un forum à participation volontaire sur les risques climatiques et nous avons dit à nos partenaires de l’industrie : « Venez tous travailler avec nous sur ce sujet. Nous nous réunirons tous les deux mois. Nous parlerons de l’analyse des scénarios de risques climatiques, de la ligne directrice B-15, de divulgation, etc. » Quelque 780 personnes se sont présentées volontairement à ces réunions. Nous allons devoir mettre à niveau certains de nos outils technologiques pour avoir les capacités nécessaires en matière de vidéo et de données pour tenir un forum de 780 personnes.

La volonté du secteur de s’atteler à cette tâche est très forte, non seulement parce que nous mettons l’accent là-dessus, mais aussi parce que leurs investisseurs — les institutions qui achètent leurs obligations et leurs actions — demandent que ce travail soit fait. Il semble y avoir actuellement un important mouvement en ce sens.

Le sénateur Massicotte : Brièvement, pour être sûr que nous nous comprenons tous, vous êtes la personne clé en ce qui concerne ce système. Je sais qu’il existe déjà une organisation où se réunissent la Banque du Canada et les responsables gouvernementaux.

À la lumière du fait que tout ce poids repose sur vos épaules, vous pensez être en mesure de gérer la situation et, dans le pire des cas, nous créerons l’institution de manière informelle.

M. Routledge : Quelle que soit la décision du Parlement, nous travaillerons avec lui.

Le sénateur Massicotte : Je vous en remercie.

M. Routledge : Est-ce que l’état actuel des choses limite la vitesse à laquelle je peux travailler sur ce risque? Non, je ne suis pas limité. Nous ne sommes pas limités.

Le facteur sous-jacent qui nous aide en ce sens est que les institutions que nous réglementons, parce qu’elles sont à l’écoute de leurs investisseurs, savent qu’elles doivent agir. Nous mettons donc sur pied, du moins dans notre secteur, un forum où tous peuvent travailler ensemble pour atténuer ces risques.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La présidente : Pour revenir à la question que j’ai soulevée plus tôt et au processus que vous êtes en train de mettre en place pour analyser les perspectives futures des enjeux climatiques, si je comprends bien, du côté des enjeux liés à l’intelligence artificielle et aux technologies, vous n’êtes pas encore au stade de pouvoir vous y attaquer?

M. Routledge : L’intelligence artificielle est un nouveau risque émergent, et pour être clair, nous ne sommes pas aussi avancés en ce qui concerne le climat.

Il y a plus de forums sectoriels sur les cyberrisques, et nous participons à certains d’entre eux. Il y en a qui sont organisés avec d’autres agences gouvernementales, et nous sommes plus avancés dans ce domaine.

La présidente : Mais en ce qui concerne les exercices de simulation, le genre de choses dont vous avez parlé, y participez-vous?

M. Routledge : Concernant l’intelligence artificielle, nous sommes encore en train de développer notre approche réglementaire, alors nous n’en sommes pas encore à ce stade.

La sénatrice Galvez : Merci, monsieur le surintendant. Je vous remercie de reconnaître que les changements climatiques sont l’une des quatre grandes préoccupations. C’est ce que vous avez déclaré dans les rapports financiers annuels de la Banque Scotia.

Je vous remercie également de reconnaître le caractère incertain des risques climatiques, qui sont difficiles à prédire. Vous avez également mentionné que cela a un impact, comme l’a dit mon collègue, sur les primes d’assurance et sur la capacité des Canadiens à obtenir les assurances dont ils ont besoin dans les régions à risque.

Vous avez donné l’exemple de Lytton, en Colombie-Britannique. Que se passerait-il si cela se produisait dans une ville plus grande? En fait, cela s’est produit cette année à Lahaina, à Hawaï.

Je vous ai entendu dire que vous avez la ligne directrice B-15 et que vous avez tenu des réunions, mais que vous n’êtes pas aussi avancés dans vos réflexions et vos progrès. Pouvez-vous nous parler de l’impact que cela a sur les banques et les compagnies d’assurances en particulier? Comment notre état d’avancement se compare-t-il à celui d’autres administrations, comme les États-Unis et l’Europe? Avançons-nous à pas de tortue? Sommes-nous en train de rattraper notre retard?

M. Routledge : Merci pour cette question.

J’aimerais parler de Lahaina et de son fournisseur d’électricité, Hawaiian Electric, qui était responsable des fils endommagés par l’ouragan. Ces fils sont tombés dans de l’herbe sèche, ce qui a provoqué l’incendie.

Pour savoir si les risques climatiques entraînent des risques financiers, ou pour en avoir la preuve, regardez l’évolution du prix des actions d’Hawaiian Electric. Elles ont chuté de 80 % cette semaine-là. La même chose s’est produite il y a plusieurs années avec Pacific Gas & Electric, en Californie. Cela montre bien que le risque climatique est, fondamentalement, un risque financier.

Où en sommes-nous par rapport aux autres? Il y a deux ans, nous avions l’équivalent d’une personne et demie qui travaillait sur l’initiative climatique, et pour être franc, nous étions un peu à la traîne. Par rapport à nos homologues à l’étranger, je dirais que nous sommes maintenant dans la médiane. Comparativement à certains pays, nous sommes en retard, mais comparativement à d’autres, nous sommes en avance. J’aimerais que nous dépassions la médiane pour atteindre le quartile supérieur au cours des deux prochaines années. Le travail que nous faisons sur le climat va se concrétiser.

De façon plus générale, je m’inquiète du fait qu’il y a de plus en plus d’écart dans la façon dont les différents pays gèrent les risques climatiques. Certaines régions ralentissent, alors que d’autres accélèrent le pas. Je crains que dans quelques années, nous ne sachions plus quels pays peuvent nous servir de modèles, ou encore que l’écart entre les pays les plus avancés et les pays les moins avancés ait considérablement augmenté.

Je prendrai les mesures qui s’imposent pour éviter de freiner ou d’accélérer excessivement nos efforts parce que nous comparons notre état d’avancement à celui d’autres pays. Nous allons poursuivre notre travail analytique de base sur les risques climatiques et nous avancerons au rythme qui convient le mieux pour le Canada en fonction des risques climatiques auxquels nous sommes confrontés.

La sénatrice Galvez : Selon le National Bureau of Economic Research, le Canada est l’une des premières économies à être fortement touchées par les changements climatiques. Êtes-vous d’accord avec cet énoncé?

M. Routledge : Nous sommes arrivés à des conclusions similaires dans le cadre de l’étude que nous avons menée avec la Banque du Canada il y a quelques années.

La sénatrice Galvez : Merci.

M. Routledge : Cela nous a incités à accélérer nos travaux sur le climat, il y a deux ans.

La sénatrice Petten : J’ai une question simple à vous poser. Selon vous, que pourrait faire votre secteur pour aider à résoudre la crise du logement?

M. Routledge : Mon secteur est assez vaste, alors il n’y a pas qu’une seule piste de solution.

La crise du logement est due à de nombreux facteurs. La cause première est que le Canada est un pays attrayant. Les gens veulent immigrer ici pour y bâtir leur vie. Notre taux de formation des ménages est le plus élevé du G7 et l’un des plus élevés du G20. Or, nous ne construisons pas assez de logements pour répondre à cette demande.

Dans les premiers mois de mon mandat, j’ai prononcé un discours où je mentionnais que c’était ce qui nous préoccupait le plus. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande est le véritable coupable de la crise du logement; il s’agit de l’une de ses causes fondamentales.

Que pouvons-nous faire dans notre système? Nos banques et nos compagnies d’assurances pourraient fournir plus de capitaux pour construire plus de logements. Si vous invitiez des gens de ce secteur à témoigner, ils vous diraient que le Bureau du surintendant des institutions financières doit être plus proactif pour adapter ses règles en matière de capital. Nous avons commencé à le faire. Nous devons toujours chercher le meilleur équilibre entre notre volonté d’assurer la sécurité du système et celle d’éviter de faire obstacle aux investissements afin de favoriser la construction d’un plus grand nombre de logements.

Nous devons faire un meilleur travail avec ceux que nous réglementons afin de mieux comprendre comment nous pouvons les aider à obtenir plus de prêts en vue d’équilibrer l’offre et la demande dans le secteur de l’habitation.

[Français]

La sénatrice Bellemare : [Difficultés techniques] La Banque du Canada a comme mandat la stabilité financière, tout comme le Bureau du surintendant des institutions financières. Quelle est l’interrelation entre la Banque du Canada et vous? Est-ce que vous fournissez des recherches à la Banque du Canada? Avez-vous des discussions fréquentes?

Parlez-nous un peu de l’interface entre vos deux groupes.

[Traduction]

M. Routledge : Nous entretenons une relation très étroite avec la Banque du Canada, et ce, à tous les niveaux de l’organisation.

Le gouverneur de la Banque du Canada siège au sein de mon principal comité de gouvernance, le Comité de surveillance des institutions financières, où mes jugements en matière de surveillance et de réglementation font l’objet d’un examen trimestriel.

Nous siégeons tous deux au conseil d’administration de la Société d’assurance-dépôts du Canada. Je fais partie de son Comité des responsables des organismes de réglementation avec les responsables de la réglementation des valeurs mobilières. Nous travaillons ensemble au sein du Conseil de stabilité financière et du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. J’aime beaucoup passer du temps avec lui, mais même si ce n’était pas le cas, je le rencontrerais quand même de 12 à 14 fois par année. Dans les hautes sphères de l’institution, nous sommes constamment en contact.

Nous partageons des données. Nos équipes et les leurs travaillent à partir des mêmes ensembles de données. Lorsqu’ils ont des lacunes dans leurs données, ils peuvent nous demander d’ajuster ce que nous demandons aux banques et aux compagnies d’assurances afin de combler ces lacunes.

L’un des avantages que nous avons en ce qui a trait aux risques en matière de logement et d’hypothèques est que, grâce au travail effectué par le Bureau du surintendant des institutions financières et la Banque du Canada, nous avons une meilleure connaissance des risques granulaires dans le système hypothécaire. Nous nous servons de ces connaissances dans le cadre de notre travail, et la Banque du Canada fait de même de son côté.

Je dirais que nos relations institutionnelles sont très étroites et très solides. Nous échangeons au quotidien.

La sénatrice Bellemare : Vous avez dit que vous disposez d’informations granulaires.

[Français]

Avez-vous une idée ou pourriez-vous partager avec nous si vous avez de l’information sur la variation des risques au Canada, dans les grandes régions? Est-ce que vous travaillez avec des moyennes? Je ne pense pas, étant donné que vous avez des informations locales. Pouvez-vous nous parler des risques associés aux prêts hypothécaires sur le plan canadien — d’est en ouest?

[Traduction]

M. Routledge : Oui. Dans le cas des prêts hypothécaires, nous avons assez de données détaillées pour savoir que les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes sont très précaires. Ce n’aurait pas été le cas il y a 10 ans.

Nous pouvons découper ces données en fonction des provinces pour établir où les problèmes sont les plus graves et les moins criants. Nous pouvons également le faire pour les prêts hypothécaires à taux fixe. Je ne crois pas que ce soit encore possible selon l’âge de la population, mais nous pouvons le faire selon la date du prêt, ce qui nous donne une idée de l’ampleur du risque pour les Canadiens dans la trentaine par rapport aux Canadiens dans la cinquantaine. C’est un exemple.

Nous avons fusionné nos activités de collecte de données sur les changements climatiques avec celles de la Banque du Canada, ce qui est un autre exemple de nos efforts pour obtenir des données détaillées.

En collaboration avec la Banque du Canada, nous menons des études pour établir où les coûts de graves inondations pourraient se faire le plus sentir. Comme nous pouvons jumeler les données et les modèles de la Banque aux nôtres, nous arrivons à cerner où le risque d’inondation est le plus grand. Nous ne l’avons pas encore fait, mais ce sera le même principe pour le risque des incendies de forêt.

Vu la relation analytique qui nous permet de fusionner la vision générale de la Banque du Canada à la nôtre, qui traite de chaque institution individuellement, nous disposons d’un imposant capital analytique. Ces quatre ou cinq dernières années, cette relation a vraiment renforcé notre système.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ces données sont-elles privées ou publiques?

[Traduction]

M. Routledge : De manière générale, les données que nous avons fournies dans notre étude sur le climat en collaboration avec la Banque du Canada il y a quelques années étaient publiques.

La sénatrice Bellemare : D’accord.

M. Routledge : Dans le cas d’une institution qui nous fournit de façon bilatérale des renseignements sur le climat — sur les risques d’inondation, par exemple —, rien n’est rendu public. C’est ainsi que nous pouvons les obtenir. Si les institutions savent que nous allons garder leurs données confidentielles, elles nous les fournissent.

La présidente : Nous allons procéder à un bref deuxième tour. Avant, toutefois, sachez que le comité se concentre actuellement sur la crise du logement et de l’abordabilité qui touche tant de gens, peu importe leur âge. Nous souhaitons fournir des conseils au gouvernement dans le cadre du processus prébudgétaire.

Qu’est-ce qui vous aiderait à réagir et à agir plus rapidement, à mieux transmettre de l’information, afin de répondre aux industries réglementées, aux gens que vous réglementez, afin de vous en occuper? Je sais que vous devez maintenir le juste équilibre. Y a-t-il des retards administratifs quelque part? Pouvez-vous nous donner une idée de l’état des lieux?

M. Routledge : Si des parlementaires du Sénat ou de la Chambre des communes communiquent avec nous, s’ils nous demandent de faire certaines choses, nous allons y donner suite.

Ce qui pourrait être utile de nous demander serait de trouver une façon d’établir l’équilibre entre l’offre et la demande, entre l’offre de logements et la demande de logements.

Que pourrions-nous faire quant à la protection du consommateur afin de rendre les prêts hypothécaires plus équitables pour les Canadiens? En passant, ce n’est pas explicitement dans mon mandat de gérer la protection du consommateur, mais des prêts hypothécaires plus équitables pour les Canadiens, par définition, entraîneront moins de défauts de paiement. Voilà qui serait utile.

En matière de climat, par exemple, ou de cybersécurité, expliquez où se trouvent selon vous les risques et ce que devrait faire l’organisme de réglementation des banques ou des compagnies d’assurances pour remédier à ces risques. Au bout du compte, le Bureau du surintendant des institutions financières sert les Canadiens et il le fait en travaillant pour le Parlement, puisqu’il relève directement de la ministre des Finances, évidemment. Nous voulons vos directives et en avons besoin.

La présidente : C’est plus particulièrement sur le logement que j’essaie de mettre l’accent en ce moment.

M. Routledge : D’accord.

La présidente : Si vous avez des réflexions là-dessus plus tard, veillez nous les soumettre par écrit pendant cette étude.

Le sénateur Loffreda : Merci d’être de nouveau des nôtres, monsieur le surintendant.

Vous avez commencé vos remarques ce matin en parlant de l’endettement des ménages. J’aimerais obtenir plus de détails ou une analyse plus approfondie là-dessus.

Selon l’Association des banquiers canadiens, en août 2023, seulement 0,15 % des prêts hypothécaires au Canada étaient en souffrance. Dans le contexte actuel, on parle d’un ralentissement économique, de taux d’intérêt plus élevés et d’une inflation qui n’est toujours pas maîtrisée. Est-ce que cela vous préoccupe? Croyez-vous qu’il y aura une montée en flèche des prêts hypothécaires en souffrance? Est-ce quelque chose que vous prévoyez, de même qu’une incidence possible sur l’économie, sur la crise de l’abordabilité du logement et sur les consommateurs? Le consommateur est au cœur de toute économie.

M. Routledge : Certes.

Le sénateur Loffreda : Quelle sera l’incidence là-dessus selon vous? À quel point est-ce préoccupant? Que peut mettre de l’avant le gouvernement pour amoindrir ces préoccupations et ces risques?

M. Routledge : Oui. Vos chiffres sont bons. Nous avons les mêmes.

Les prêts hypothécaires en souffrance n’ont jamais été aussi bas. Je crois que cela est dû à un éventail de facteurs. La tendance à la hausse des prix quand la demande dépasse l’offre de façon marquée est un avantage imprévu d’un marché du logement déséquilibré. Ainsi, quand les gens ont du mal à payer leur prêt hypothécaire, ils peuvent remédier à la situation en vendant leur maison.

Nous envisageons la hausse du nombre de prêts hypothécaires en souffrance au cours de la prochaine année puisque les ménages devront s’adapter aux taux d’intérêt et à un coût de la vie plus élevés. Nous ne voyons pas le moindre effet en « bâton de hockey » dans les données que nous obtenons.

Nous constatons que, dans le cas des ménages qui sont énormément endettés, disons avec des prêts représentant au moins 450 % de leurs revenus, il y a une certaine hausse des prêts hypothécaires en souffrance. Vous ne le voyez pas dans les données générales parce que c’est un groupe plus petit. Nous nous attendons à ce que ce phénomène s’accentue.

Que peut faire le gouvernement? Le travail que nous faisons avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada vise à inciter les institutions financières à appeler leurs clients tôt et à commencer à leur offrir des arrangements équitables pour leurs prêts, soit par l’intermédiaire d’une mise de fonds importante, d’un refinancement du prêt hypothécaire à taux fixe ou d’un éventail d’autres outils existants. En procédant de façon équitable, ces gestes peuvent diminuer les cas de prêts en souffrance ou de défauts de paiement.

Pour ce qui est d’une politique précise, toute politique qui viserait à accroître l’offre de logements dans ce marché et à donner accès à plus de logements aux Canadiens serait indéniablement un plus pour la stabilité à long terme du système de logement. Ce n’est pas uniquement une question fédérale. Elle touche tous les ordres de gouvernement.

Le sénateur Loffreda : Les trois ordres de gouvernement. Merci pour cette réponse.

Le sénateur C. Deacon : Merci encore une fois, surintendant Routledge.

J’aimerais poursuivre sur le cybercrime et la fraude en ligne. La fraude est le crime le plus signalé et celui qui connaît la plus grande hausse au Canada. Les trois quarts des Canadiens en ont été victimes au cours des cinq dernières années. La cyberextorsion est en hausse, le vol d’identité également. La capacité de mieux contrer le blanchiment d’argent par la confirmation de l’identité est une question majeure au pays. La fraude sous forme de virements Interac, la fraude par carte de crédit et la nécessité pour les banques de pouvoir lutter contre ces phénomènes exige beaucoup de solutions technologiques poussées. Il faut avoir davantage confiance dans l’identité des personnes qui ne sont pas physiquement devant nous. Pour réduire l’occurrence de ces crimes qui affectent beaucoup de Canadiens et qui minent notre système financier, il faut une forme d’identification numérique fiable.

Vers quoi comptez-vous étendre vos activités au cours des deux prochaines années en ce qui a trait aux questions que je viens de souligner? L’ingérence étrangère semble être bien ancrée dans toutes ces activités. Il y a des entités étrangères qui sont soutenues pour nous nuire.

M. Routledge : Oui, c’est un gros risque. À ma dernière comparution, sénateur, j’ai déclaré qu’il y a les risques que l’on voit se profiler à l’horizon et les autres, encore trop loin, qu’on ne peut pas tout à fait cerner. Il s’agit d’un de ces risques qui se pointent à l’horizon et qu’on commence à voir.

Le gouvernement a jugé opportun d’adapter notre mandat afin que nous nous concentrions sur ce que l’on désigne dans la loi comme l’intégrité et la sécurité des institutions financières que nous réglementons.

Qu’est-ce que cela signifie? Eh bien, au cours de la prochaine année, nous devrons établir un groupe spécifiquement chargé d’assurer les échanges avec un plus large éventail de partenaires au sein du gouvernement fédéral. Pensons à la GRC et au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Nous voulons concevoir une approche beaucoup plus systématique et rigoureuse pour gérer les risques en matière de sécurité et d’intégrité. Les risques que vous avez mentionnés, comme celui de gérer la fraude et l’ingérence étrangère, figurent dans le spectre des activités de ce groupe.

Si nous voulons mieux gérer ces risques dès que possible, nous devons créer toute une gamme de relations avec le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le SCRS et la GRC afin que leur confiance à notre égard soit comparable à celle que se témoignent le Bureau du surintendant des institutions financières et la Banque du Canada, de sorte à œuvrer à un but commun dans les limites de nos mandats respectifs afin de réduire les risques et de s’y attaquer.

À partir de maintenant, nous devrons nous pencher sur des questions comme l’investissement dans la technologie, car ce sera un point de défense important, ou encore sur une autre initiative comme l’identité numérique. Il y a des dizaines d’autres choses sur lesquelles nous allons nous pencher, mais, au cours de la prochaine année, nous allons établir la capacité et les installations nécessaires pour faire progresser ces protections, et nos efforts commencent maintenant.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci d’être parmi nous, monsieur Routledge. Si vous me le permettez, j’aimerais revenir sur la question des risques climatiques.

Traditionnellement — et vous l’avez fait encore ici, aujourd’hui —, les risques climatiques sont évalués à la lumière du risque financier qu’ils pourraient représenter pour les institutions financières. Toutefois, il y a un autre volet à cette équation. C’est que dans l’autre sens, il y a les risques que les institutions financières, dans le cadre de leurs activités de financement, pourraient faire peser sur le climat. C’est ce qu’on appelle la double matérialité. C’est un terme un peu technique, mais en fait, c’est l’idée que bien sûr, il y a des risques pour les investisseurs, mais il y a aussi des risques pour l’humanité, liés au réchauffement climatique, donc des risques beaucoup plus larges.

À titre de surintendant, jugez-vous que c’est une question importante, ces risques plus larges pour l’humanité? Jugez-vous que vous avez la responsabilité de considérer ce volet de l’équation? En fait, avez-vous l’autorité financière en vertu de la loi pour le faire?

[Traduction]

M. Routledge : Je suis d’accord avec la prémisse de votre question. Les changements climatiques sont une menace pour notre économie et une menace à long terme pour la civilisation. Il suffit de lire le rapport du groupe d’experts intergouvernemental des Nations unies pour en obtenir un portrait très parlant.

Jusqu’à maintenant, la façon dont nous abordons les risques climatiques grâce à la ligne directrice B-15, dans le cadre d’une supervision bilatérale de chaque institution, convient aux risques financiers que nous percevons. Pour être bien franc, nous ne sommes pas d’avis qu’il faut prendre des actions positives particulières pour dissuader l’investissement dans certaines catégories d’actifs, ce qui semble être le but de votre question, si je l’interprète correctement. Des gens raisonnables ont une autre position. Nous sommes toutefois d’avis, à titre d’organisme de réglementation potentiel, que nous devons mettre l’accent sur le risque sous-jacent, sur sa quantification, sur la divulgation de ce risque sous-jacent et sur la nécessité pour les institutions de gérer en conséquence. En procédant de la sorte, puisque les investisseurs, c’est-à-dire leurs institutions, banques et compagnies d’assurances émettrices, sont obligés de prévenir ces risques émergents, nous estimons qu’il y aura un tournant où le capital ira vers diverses formes d’énergie qui ont tendance à compenser pour le risque de transition et les risques climatiques, que ce soit en particulier ou directement.

J’admets qu’il y a des gens qui voudraient que les organismes de réglementation établissent avec assurance un ensemble de règles de capital différentes fondées sur les catégories d’actifs. Nous sommes des analystes du risque de crédit guidés par les données et nous estimons que notre façon de procéder est efficace.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma question porte sur l’investissement dans le capital intangible, le capital humain. Est-ce que vous réglementez les prêts aux étudiants?

Je sais que dans les institutions financières, un étudiant n’aura pas la possibilité d’emprunter le même montant selon son domaine d’études.

Compte tenu de la conjoncture économique de l’inflation, avez-vous remarqué une baisse sur le plan de l’investissement dans le capital humain?

[Traduction]

M. Routledge : Au Bureau du surintendant des institutions financières, nous ne réglementons pas les prêts étudiants et ne les traitons pas de façon distincte, sauf s’ils bénéficient d’une garantie implicite du gouvernement, en quel cas nous leur affecterions moins de capital. Si le capital est réduit, il tend à y avoir plus de prêts. Nous ne réglementons pas spécifiquement les prêts étudiants.

Le sénateur Gignac : Revenons à la stabilité financière. J’ai eu l’occasion de travailler au ministère des Finances en compagnie du gouverneur actuel de la Banque du Canada pendant la crise financière. La relation entre le Bureau du surintendant des institutions financières et la Banque du Canada m’inspire beaucoup de confiance. Vous avez mentionné les institutions financières qui sont réglementées, mais il y a des acteurs de premier plan qui ne sont pas réglementés. Je fais référence ici aux huit grandes caisses de retraite canadiennes, qui représentent près de 8 % du PIB. Aux États-Unis, on parle de quelque chose comme 12 %, et d’environ 15 % au Royaume-Uni.

Je sais que votre actuaire s’assure tous les trois ans que nous avons assez d’argent pour les retraites, mais il y a un aspect qui relève de la stabilité financière ici. Nous avons vu ce qui s’est passé au Royaume-Uni. Il y a quelques semaines à peine, même l’organisme de réglementation a mis en question les calculs utilisés par les caisses pour évaluer le capital-investissement, les biens et ainsi de suite.

Pouvez-vous nous rassurer sur notre caisse de retraite? Bien qu’elle soit très imposante au Canada, que faites-vous exactement à cet égard? Est-ce quelque chose que vous devez sonder un peu plus avant du point de vue des activités financières et des calculs employés pour le rendement?

M. Routledge : Nous traitons des retraites de deux façons. Pour le Régime de pensions du Canada, nous offrons de l’actuariat-conseil direct par l’intermédiaire du Bureau de l’actuaire en chef. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada à cet égard. Le Régime de retraite de la fonction publique est un autre exemple.

Il s’agit là d’actuariat. Nous veillons à ce que les caisses aient les actifs et les cotisations nécessaires pour honorer leurs promesses à long terme. De manière générale, en passant, ces caisses sont solides. Nous les obligeons à tenir compte des éventualités défavorables et à vérifier si elles peuvent répondre aux exigences de la viabilité financière dans de telles circonstances, mais rien de plus. C’est l’actuariat dont nous devons nous acquitter.

Nous réglementons aussi environ 20 % des régimes de retraite privés au Canada. Le reste relève essentiellement des provinces. Pour que ce soit bien clair, nous ne réglementons aucune des huit grandes caisses de retraite canadiennes.

Le travail que nous faisons, dans la foulée de ce qui s’est passé au Royaume-Uni... En passant, dans le cas des régimes de retraite privés, nous avons un plus grand pouvoir réglementaire. Le travail que nous faisons à cet égard est d’obliger les responsables à tenir davantage compte des risques de liquidité et des risques financiers à plus long terme. Afin qu’ils réalisent qu’ils ont réfléchi aux risques et qu’ils s’y sont préparés, nous les faisons travailler avec nous. Nous avons là beaucoup plus de pouvoir pour obliger les institutions à faire ce travail que lorsque nous faisons simplement de l’actuariat, et nous nous en prévalons.

Toutefois, nous discutons avec nos homologues provinciaux assez souvent et plus particulièrement depuis la crise au Royaume-Uni. Ils font du bon travail dans ce domaine, selon moi, mais ce n’est pas le même type de travail que nous; je ne suis pas payé pour l’évaluer, alors nous ne l’évaluons pas.

La présidente : Merci. Nous avons dépassé le temps prévu. Soyez brefs, je vous prie.

Le sénateur Massicotte : Je veux seulement m’assurer que je comprends ce dont vous parlez dans le détail et que les mots sont précis. Je présume que vous ne prévoyez aucun problème bancaire. Aucune des petites banques n’est menacée, j’imagine. Qu’en pensez-vous?

M. Routledge : En tant que surintendant, je suis payé pour me soucier de la pire éventualité. Nous nous demandons donc ce qui pourrait mal tourner. Actuellement, de notre point de vue, nous avons doublé et redoublé les mesures de protection applicables à l’ensemble du système financier depuis la crise financière de 2007-2008, donc depuis 15 ans. Après les quelques années à venir, peu importe les obstacles que nous rencontrerons, et je ne prédis pas ici de ralentissement ou de récession, j’estime que la réputation du Canada comme État au système financier sain demeurera intacte, voire qu’elle se consolidera.

Maintenant, nous devons être aux aguets d’un stress indu subi par les institutions et, je ne dis pas que cela se produira, mais si ce devait être le cas, le Bureau du surintendant des institutions financières agira tôt et rapidement pour remédier à la situation afin de protéger le système dans son ensemble.

La sénatrice Galvez : Vous dites que vous prévoyez le pire des scénarios. Vous savez que les six grandes banques canadiennes participent activement au financement des combustibles fossiles, et donc au financement des émissions de gaz à effet de serre.

Je sais que vous avez parlé du risque physique et du risque lié à la transition, mais je crains qu’il y ait un autre risque de l’autre côté de la médaille. Il s’agit de la science de l’attribution qui prend de plus en plus d’importance et qui se renforce sur le plan de l’incidence sur les coûts. Par exemple, les incendies de forêt de cette année au Canada ont été attribués aux principaux producteurs de carbone, c’est-à-dire à l’industrie des combustibles fossiles, dans laquelle nos banques investissent activement. Cela fait donc augmenter les risques touchant la réputation, mais c’est aussi un facteur important en ce qui concerne les poursuites.

C’est sans parler des répercussions sur la santé et la société...

La présidente : Venons-en à la question, s’il vous plaît.

La sénatrice Galvez : Je suis désolée. Vous penchez-vous aussi sur ces aspects?

M. Routledge : Sur les risques de poursuites?

La sénatrice Galvez : Oui.

M. Routledge : Il y a deux éléments à ma réponse. En général, lorsque nos chargés de surveillance travaillent avec une institution en particulier, ils discutent notamment de la charge imprévue qui pourrait... Le risque de poursuites en fait partie. Oui, nous parlons généralement de cette question.

En ce qui concerne le risque de poursuites concernant les événements climatiques, nous savons ce qui s’est produit avec la Pacific Gas and Electric. Nous verrons ce qui va arriver avec la Hawaiian Electric. C’est une chose dont est consciente notre équipe sur le climat, mais nous n’avons pas encore élaboré d’initiatives de réglementation ou de surveillance précises pour examiner ce risque en particulier. Cela ne veut pas dire que nous ne le ferons jamais ou que nous ne l’envisagerons pas, mais je réponds sans détour à votre question. Nous n’avons pas vraiment commencé à y travailler sérieusement.

La présidente : En clair, ce n’est pas à vous de dire aux investisseurs dans quoi investir ni de dicter aux banques leurs décisions en matière de financement.

M. Routledge : Nous ne cherchons pas à le faire.

La présidente : Oui, je comprends.

C’est ce qui conclut notre séance d’aujourd’hui. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir répondu à toutes nos questions. Nous vous inviterons de nouveau très bientôt; vous pouvez y compter.

Nous sommes très heureux d’avoir reçu Peter Routledge, surintendant des institutions financières. Cela conclut notre rencontre. Nous vous reverrons bientôt.

(La séance est levée.)

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