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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 9 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 11 h 29 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à tous. Je souhaite la bienvenue à ceux qui sont parmi nous dans la salle et à ceux qui se joignent à nous virtuellement. Vous assistez à une réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin, et je suis la présidente de ce comité.

Permettez-moi de vous présenter certains des membres de notre comité qui sont parmi nous aujourd’hui : la sénatrice Bellemare, le sénateur Deacon de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Gignac, la sénatrice Marshall, la sénatrice Miville-Dechêne, la sénatrice Petten, la sénatrice Ringuette et la sénatrice Galvez.

Nous poursuivons aujourd’hui notre discussion sur l’abordabilité du logement. Je tiens à m’excuser auprès de nos invités et de nos témoins pour les complications d’hier. Le vote au Sénat nous a forcés à annuler notre réunion. Nous vous remercions de votre coopération et d’avoir accepté de vous joindre à nous aujourd’hui.

Nous accueillons maintenant notre premier groupe de témoins dans la salle, qui représentent tous deux l’Association des banquiers canadiens. Nous sommes heureux d’accueillir Alex Ciappara, qui est l’économiste principal et le vice-président pour la stabilité financière et la politique bancaire, et Aaron Meyer, qui est conseiller pour les finances des ménages et les marchés hypothécaires. Bienvenue à vous deux. Nous allons commencer par les remarques liminaires de M. Ciappara.

Alex Ciappara, économiste principal et vice-président, Stabilité financière et politique bancaire, Association des banquiers canadiens : Merci beaucoup. Je vous remercie d’avoir invité l’Association des banquiers canadiens à comparaître devant vous ce matin afin de participer à l’examen du comité sur l’abordabilité du logement au Canada. Je m’appelle Alex Ciappara, et je suis l’économiste principal de l’ABC. Je suis accompagné aujourd’hui de mon collègue Aaron Meyer, qui est conseiller pour les finances des ménages et les marchés hypothécaires.

L’ABC représente plus de 60 banques canadiennes et étrangères employant plus de 280 000 Canadiens qui contribuent à la croissance économique et à la prospérité du Canada. Nous militons pour des politiques publiques qui contribuent à la solidité et à la prospérité du système bancaire, afin que les Canadiens puissent atteindre leurs objectifs.

Pour la plupart des Canadiens, l’achat d’une maison est la décision financière la plus importante qu’ils prendront, et les banques du Canada sont là pour les aider tout au long du processus. Nos membres ont accordé plus de 5 millions de prêts hypothécaires résidentiels, d’une valeur de près de 1,6 billion de dollars, afin de répondre aux objectifs financiers de la population croissante du Canada. Nos membres fournissent également du financement pour l’acquisition, le développement et la construction afin de soutenir l’offre de nouveaux logements.

En bref, nos membres, en vertu de leurs activités de financement, servent les deux côtés de l’équation de l’abordabilité du logement, soit l’offre et la demande en la matière. Nous pensons qu’un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements reste le principal facteur influençant l’abordabilité du logement au Canada.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement — ou SCHL — estime que le Canada devrait construire 3,5 millions d’unités supplémentaires par rapport aux tendances actuelles dans le milieu de la construction pour rétablir l’abordabilité du logement d’ici 2030. En raison de ce déséquilibre, il n’a jamais été aussi coûteux d’être propriétaire d’un logement au Canada. Selon RBC Economics, l’abordabilité du logement, définie comme la part des coûts de propriété dans le revenu des ménages, a récemment atteint son pire niveau, les Canadiens devant consacrer plus de 60 % de leur revenu à l’accession à la propriété.

La seule option viable à long terme pour améliorer l’abordabilité est d’augmenter l’offre de logements, y compris de logements locatifs. C’est plus facile à dire qu’à faire, car la responsabilité gouvernementale pour les divers aspects de la construction de logements est répartie entre les divers paliers de gouvernement, soit le fédéral, le provincial, le municipal et les gouvernements des Premières Nations. Il est donc essentiel de renforcer la coordination entre les divers paliers de gouvernement pour relever les défis du Canada en matière de logement. Il faudrait instaurer un forum de discussion permanent pour les parties prenantes concernées composé de tous les paliers de gouvernement responsables du logement, de l’infrastructure, de l’immigration, de représentants de l’industrie de la construction et de groupes de défense, tels que l’ABC.

Bien sûr, il ne faut pas se contenter d’un forum de discussion. Il faut aussi redoubler d’efforts pour s’attaquer à cet enjeu crucial. Du point de vue du secteur bancaire, il existe un certain nombre de mesures qui, selon nous, contribueront à résoudre le problème de l’abordabilité du logement. Elles peuvent être classées en trois catégories : le financement, les personnes et la construction.

Le secteur bancaire se spécialise surtout dans le financement. Le gouvernement fédéral, en particulier, pourrait prendre un certain nombre d’initiatives pour aider les banques à fournir davantage de financement.

Premièrement, il faudrait revoir les exigences en matière de capital fixées par le Bureau du surintendant des institutions financières — ou BSIF — pour les banques de diverses manières afin de permettre au secteur d’offrir du financement pour résoudre ce problème. Par exemple, les banques dotées de modèles standardisés sont tenues de réserver plus de capital pour les immeubles résidentiels à logements multiples et la construction que pour les autres types de biens immobiliers, malgré l’augmentation de la demande structurelle de biens immobiliers résidentiels. On pourrait aussi éviter d’augmenter la réserve pour stabilité intérieure pour les banques d’importance systémique nationale, qui vient d’être relevée au début du mois de 50 points de base pour atteindre 3,5 % du total des actifs pondérés en fonction des risques.

Deuxièmement, toujours à propos du financement, la SCHL joue un rôle important dans l’assurance et la titrisation des immeubles résidentiels à logements multiples, y compris les logements locatifs. Nous saluons l’annonce récente du gouvernement fédéral, qui a dit vouloir augmenter de 20 milliards de dollars la limite annuelle des Obligations hypothécaires du Canada pour la construction de grands logements locatifs, qui passerait ainsi de 40 à 60 milliards de dollars. Si on veut que le marché puisse profiter pleinement de cette initiative, le gouvernement fédéral doit éliminer toute incertitude résiduelle concernant le programme des OHC résultant des consultations menées plus tôt cette année.

Le troisième aspect relatif au financement concerne l’amélioration des processus de vérification des revenus par une tierce partie telle que l’Agence du revenu du Canada. Cela permettrait aux banques de réduire les fraudes hypothécaires qui font grimper les coûts pour les emprunteurs.

La deuxième catégorie que j’aime mentionner porte sur les personnes. Nos membres communiquent avec leurs clients promoteurs immobiliers qui sont en première ligne de la construction de logements. La priorité numéro un est la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Selon Statistique Canada, il y a près de 64 000 postes vacants dans le secteur de la construction au Canada. Le taux de vacance s’élevait à 5,1 % en août 2023. Il est essentiel d’avoir une stratégie à long terme visant à encourager les Canadiens à exercer des métiers spécialisés et à attirer des immigrants formés dans ces métiers au pays pour accélérer la construction de logements, sans parler de l’infrastructure de soutien.

Enfin, la troisième catégorie concerne la construction de logements sociaux en particulier. Selon Scotiabank Economics, le parc de logements sociaux du Canada représente 3,5 % de son parc total de logements, ce qui en fait l’un des plus faibles des pays de l’OCDE. À court terme, nous encourageons le gouvernement fédéral à accélérer l’aide financière, le financement, le développement et la construction de logements sociaux afin de répondre aux besoins croissants de la population la plus vulnérable du Canada.

Nous pensons que si le gouvernement fédéral prend des mesures dans ces domaines clés, le secteur bancaire sera en mesure de contribuer davantage à l’abordabilité du logement.

Merci beaucoup. Nous avons hâte de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie de cet aperçu de la situation. Juste pour nous situer, vous avez mentionné des statistiques de la RBC. Pourriez-vous également confirmer les chiffres que nous avons obtenus d’autres sources?

On estime que 3,4 millions de Canadiens renégocieront leur prêt hypothécaire au cours des 18 prochains mois, et que presque tous finiront par payer des taux plus élevés pour des raisons évidentes. Cela vous semble-t-il exact?

M. Ciappara : Oui, c’est à peu près cela.

La présidente : D’accord. Cela concerne donc environ deux Canadiens sur trois.

M. Ciappara : Oui.

La présidente : Nous allons maintenant commencer notre période de questions. Je demanderais à tous les membres du comité d’être brefs dans leurs préambules et introductions. Nous voulons permettre à tout le monde de poser des questions, et le temps est limité.

Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins d’être des nôtres.

Je suis sûr que, comme la plupart des économistes, vous pensez qu’une concurrence accrue est un moyen très important de rendre notre économie plus résiliente et productive.

J’aimerais poser une question à M. Meyer sur les marchés hypothécaires. Je crois fermement que nous devons accroître la concurrence sur nos marchés hypothécaires en offrant davantage de technologies numériques et d’accès à toutes les institutions financières, que ce soit les coopératives de crédit réglementées par les provinces ou les institutions financières réglementées par le gouvernement fédéral. Nous devons veiller à obtenir la plus grande concurrence possible pour les produits réglementés offerts et les moyens les plus faciles de comparer les produits pour les particuliers. Pour ce faire, ces derniers doivent avoir accès à leurs informations financières afin de pouvoir les partager avec d’autres institutions par le biais de régimes bancaires ouverts, notamment.

Voyez-vous des obstacles au sein de votre organisation à cet égard? Votre organisation est-elle en faveur de l’idée de permettre aux consommateurs d’avoir un meilleur accès sécuritaire à leurs données par le biais d’un régime bancaire ouvert réglementé par le gouvernement fédéral afin qu’ils puissent plus facilement comparer les meilleurs taux pour eux dans leur collectivité pour la maison qu’ils souhaitent acheter?

Cette question s’adresse à M. Meyer, puisqu’il s’occupe des marchés, ou alors à l’un ou l’autre des témoins.

M. Ciappara : Je vais commencer et M. Meyer pourra ensuite m’aider.

En ce qui concerne la concurrence sur le marché hypothécaire, selon la SCHL, il y a environ 250 prêteurs assurés qui peuvent fournir des prêts hypothécaires assurés, et cela inclut les banques. Il y a environ 40 banques qui peuvent fournir des prêts hypothécaires assurés. En outre, il y a les coopératives de crédit ou les caisses populaires. Pour ce qui est des caisses populaires, Desjardins est le plus grand prêteur hypothécaire du Québec. Les coopératives de crédit comptent parmi les plus grands prêteurs hypothécaires de l’Ouest canadien. Nous avons des sociétés de financement hypothécaire, des institutions financières provinciales comme ATB Financial. Ensuite, on va au-delà de l’espace assuré. Il y a des sociétés de placements hypothécaires, des prêteurs privés. La concurrence est énorme dans le milieu hypothécaire.

En ce qui concerne l’utilisation de la technologie pour les prêts hypothécaires, j’ai fait allusion à la vérification des revenus par l’Agence du revenu du Canada. Il peut s’agir d’une solution technologique permettant de réduire la fraude hypothécaire et donc de réduire les coûts des prêts hypothécaires. Avec le consentement du contribuable, nous pouvons demander à l’ARC le numéro de revenu à inclure dans la demande de prêt hypothécaire afin d’améliorer le processus d’obtention d’un prêt hypothécaire, de réduire les coûts et de diminuer la fraude.

Aaron Meyer, conseiller, Finances des ménages et marchés hypothécaires, Association des banquiers canadiens : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. En ce qui concerne plus particulièrement les services bancaires ouverts, le secteur a travaillé de concert avec le gouvernement fédéral dans le cadre de consultations fédérales à ce sujet. Je crois que le rapport sera publié prochainement, et le secteur est impatient d’en connaître les résultats.

Le sénateur C. Deacon : Ma question porte sur l’accès des consommateurs à leurs données, et non sur le contrôle de leurs données par leur institution financière. S’ils avaient accès à leurs données, ils pourraient les utiliser pour négocier une meilleure situation hypothécaire. Ce serait plus facile, puisqu’ils n’auraient pas à aller d’une institution à l’autre pour comparer les offres en utilisant les mêmes informations que celles que leur banque contrôle présentement.

M. Ciappara : Je vais juste répéter ce que M. Meyer a dit. Je pense que vous faites allusion aux services bancaires ouverts. Nous avons l’intention de consulter le rapport une fois qu’il sera publié. Nous avons participé à l’ensemble du processus. Nous avons fait part de nos commentaires au gouvernement, mais le rapport est entre les mains du ministre et nous l’attendons avec impatience.

Les emprunteurs hypothécaires sont parmi les plus instruits à ce sujet. Il y a beaucoup d’informations sur Internet. Des sondages ont montré que les emprunteurs hypothécaires s’informent beaucoup avant même de se rendre dans leur institution financière pour demander un prêt hypothécaire. Les prêts hypothécaires sont probablement le produit le plus important pour lequel les clients s’instruisent. Ils vont chercher les informations eux-mêmes.

Le sénateur C. Deacon : Merci. Ma question porte sur le fait qu’ils ont le droit d’utiliser les données de leur institution financière. C’est précisément ma question.

M. Ciappara : Oui, tout à fait.

Le sénateur C. Deacon : Tout à fait, merci.

La sénatrice Galvez : Nous avons reçu la Banque du Canada et le BSIF. Vous avez également dit qu’il fallait construire de nouveaux logements. En même temps, une grande partie de la population canadienne vit au bord des rivières, des Grands Lacs et d’autres étendues d’eau, et nous faisons face au changement climatique. Je lis beaucoup sur la manière dont les banques calculent le risque climatique. Ce risque est perturbateur, imprévisible et permanent.

Les banques semblent utiliser des modèles datant des années 1990. Or, ces modèles examinent les données en amont, alors qu’avec le changement climatique, nous devons nous projeter dans l’avenir.

Quel type de modèle les banques canadiennes utilisent-elles?

M. Ciappara : C’est une excellente question. Notre organisation rencontre présentement la SCHL. Certains de mes collègues à Toronto rencontrent aujourd’hui la SCHL pour parler des modèles, des tests de résistance et des données. À l’heure actuelle, la quantité de données est insuffisante. Je m’occupe des données à l’ABC, et on récolte ce que l’on sème. Ce qui entre ressort. Il faut donc des données de qualité.

Nous travaillons de concert avec la SCHL pour veiller à obtenir des données de qualité pour nos modèles. Nous travaillons là-dessus présentement.

Vous avez reçu le surintendant Routledge la semaine dernière, qui vous a parlé de la consigne B15 et de sa récente mise en œuvre.

Nous travaillons là-dessus présentement. Maintenant que nous connaissons les attentes du régulateur, nous essayons de tout mettre en œuvre dès maintenant, et nous avons besoin de bonnes données pour ce faire.

La sénatrice Galvez : En l’absence de ces données et compte tenu de l’urgence d’agir et d’avoir une idée — parce que les résultats des anciens modèles sous-estiment le risque — que pensez-vous d’une approche microprudentielle ou macroprudentielle sur le risque climatique?

M. Ciappara : J’ai cru comprendre que mes collègues de l’ABC allaient comparaître devant le comité pour traiter du risque climatique — et plus précisément du projet de loi S-243 — dans quelques semaines.

Pour ce qui est des questions plus générales sur le risque climatique, il serait préférable de les leur poser. Je suis prêt à parler des marchés hypothécaires et du logement.

La présidente : C’est ce que nous ferons. Nous allons nous concentrer sur notre rapport aujourd’hui.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Bienvenue et merci d’être parmi nous aujourd’hui.

Nous avons reçu une soumission du groupe financier Questrade, qui a fait certaines recommandations pour notre rapport sur la crise du logement. L’une de ces recommandations est de mettre en place une table ronde permanente pour examiner l’écosystème hypothécaire du Canada.

Ma question porte sur de multiples aspects.

Monsieur Ciappara, vous avez parlé de la nécessité de coordonner les efforts de tous les acteurs. Êtes-vous d’accord sur la création d’une table ronde permanente sur l’écosystème hypothécaire? Ce serait une table ronde qui servirait également à discuter des problèmes liés à la pénurie de main-d’œuvre et à la crise du logement et sur les façons de fournir des logements aux nouveaux arrivants, que ce soit des résidents temporaires, comme les étudiants ou les travailleurs, ou des résidents permanents.

Si vous êtes d’accord sur une telle recommandation, la feriez-vous vôtre? Ajouteriez-vous cette recommandation? En effet, on parle d’une table ronde plus vaste qui réunirait tous les acteurs.

Qui devrait prendre en charge l’invitation et le début de cette conversation permanente sur le logement au Canada?

[Traduction]

M. Ciappara : Merci, sénatrice. C’est une excellente question. En fait, c’est exactement ce que nous avons recommandé lors des consultations prébudgétaires de la Chambre des communes, c’est-à-dire créer une tribune permanente pour tenir ce genre de discussion. La tribune réunirait le gouvernement fédéral, les provinces, les municipalités, les Premières Nations et d’autres parties intéressées, comme le secteur de la construction et l’ABC.

Cette tribune se pencherait sur l’abordabilité du logement, plutôt que les prêts hypothécaires. Comme je l’ai indiqué dans ma déclaration, le grand problème, c’est l’offre de logements. Ce n’est pas un problème d’hypothèque en soi. Le problème d’offre de logements ne concerne pas seulement les prêteurs. La tribune doit regrouper les responsables de l’immigration, de l’infrastructure et du financement.

Pour ce qui est de savoir qui devrait créer cette tribune, à mon avis, ce serait une initiative du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a lancé la Stratégie nationale sur le logement il y a quelques années déjà, et cette tribune s’imbriquerait bien dans la stratégie.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Merci beaucoup.

Ne croyez-vous pas que la politique concernant les taux d’intérêt élevés, donc les frais hypothécaires, a quand même un rôle à jouer dans l’abordabilité des logements?

Vous dites que ce n’est pas nécessaire d’inclure le côté hypothécaire dans le mandat d’une table ronde. Toutefois, ne pensez-vous pas qu’il y a un lien avec la crise du logement et l’abordabilité, dans le contexte des taux d’intérêt élevés?

[Traduction]

M. Ciappara : Nous avions déjà un problème d’offre de logements avant que les taux d’intérêt grimpent, et nous avions un problème d’offre de logements lorsque les taux d’intérêt étaient bas. La flambée des taux d’intérêt a exacerbé le problème, mais il existait déjà. Les taux d’intérêt sont un facteur, tout comme les prêts hypothécaires, mais le problème réel, c’est la pénurie de logements.

La SCHL a bien cerné le problème. En ce moment, nous avons 17 millions d’unités de logement. Or, il nous en faut de 22 à 23 millions.

En temps normal, nous construisons environ 250 000 unités de logement chaque année. Nous devrons vraiment accélérer la cadence pour en construire 3,5 millions d’ici 2030, comme le recommande la SCHL.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Merci.

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins.

On a appris récemment que trois grosses banques à charte canadiennes comptent 20 % de leurs hypothèques avec amortissement négatif.

Or, le 20 octobre dernier, le Bureau du surintendant des institutions financières a publié de nouvelles lignes directrices en matière de capital. Celles-ci formulent des exigences de fonds propres à l’intention des prêteurs et des assureurs hypothécaires qui reflètent davantage les risques associés à l’augmentation des soldes hypothécaires.

Ces changements vont obliger les institutions financières à détenir plus de capital pour rembourser les prêts hypothécaires dont les paiements ne couvrent pas la partie complète des intérêts.

Cela pourrait-il signifier qu’on aura plus de difficulté à avoir accès au crédit? Quelles seront les conséquences de cette obligation sur les institutions financières, c’est-à-dire le fait de détenir plus de capital? Cette mesure pourrait-elle déboucher sur des restrictions à l’accès au crédit?

[Traduction]

M. Ciappara : Merci, sénateur.

Essentiellement, les changements que vous évoquez ont été apportés par le BSIF pour qu’il coûte plus cher aux banques d’offrir des prêts hypothécaires à amortissement négatif. Ce sont généralement des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes. Ils coûteraient effectivement plus cher, ce qui pourrait avoir une incidence sur le volume et le coût de ces prêts. Sur un marché concurrentiel, comme celui que j’ai décrit plus tôt, toutes les institutions financières, et non seulement les banques, devront en tenir compte.

Le sénateur Gignac : Parlons justement des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes. Ce produit n’existait pas dans ma jeunesse. Nous avions des prêts hypothécaires à taux variable ou fixe, c’est tout. Et voilà que ce produit arrive soudainement sur le marché.

Je sais que l’Agence de la consommation en matière financière du Canada a examiné ce produit, vu les difficultés éprouvées par certaines personnes, notamment celles qui achètent leur première maison.

Quelle est la position de l’Association des banquiers canadiens à l’égard des gens qui choisissent ce produit? Il aurait fallu expliquer aux clients il y a deux ou trois ans les risques associés au produit lorsque le taux d’intérêt grimpe de 2 ou 3 %. Comment l’Association des banquiers canadiens montrera-t-elle de la souplesse afin que les gens ne soient pas forcés de mettre la clé sous le paillasson?

M. Ciappara : D’accord. Vous avez soulevé beaucoup d’éléments. Je ferai de mon mieux.

Tout d’abord, en ce qui concerne les prêts hypothécaires à taux variable et à paiements fixes, ces produits existent depuis quelque temps déjà, et étaient déjà offerts avant la hausse des taux d’intérêt et la crise financière mondiale de 2007-2008. Ce ne sont pas des produits nouveaux.

Honnêtement, la différence entre les produits offerts est fonction de la concurrence sur le marché. Les diverses institutions financières offrent des produits différents.

Pour ce qui est d’aider les consommateurs qui devront composer avec des taux d’intérêt plus élevés lors du renouvellement de leur prêt, nos membres et les banques communiquent de façon proactive avec ces personnes pour les aider. Nous n’attendons pas à la dernière minute, au moment du renouvellement. Les banques communiquent de façon proactive et offrent des stratégies qui pourraient être mises en œuvre pour gérer les paiements plus élevés. Une stratégie pourrait comporter un paiement forfaitaire, des paiements hypothécaires plus élevés ou encore un prêt hypothécaire à taux fixe. Toutes ces possibilités sont offertes.

Les banques se montrent souples afin d’aider leurs clients et elles le font de façon proactive. Nulle banque ne souhaite devenir propriétaire d’une maison, et les banques feront tout leur possible pour aider les clients à composer avec des paiements plus importants.

En ce qui concerne la communication et l’éducation, nos membres parlent aux clients et leur expliquent toutes les conditions, et font des efforts pour les renseigner sur chaque option qui s’offre à eux avant que les clients ne contractent une hypothèque. La communication et l’information sont d’une importance critique.

Je vais répéter quelque chose que j’ai dit plus tôt. Les prêteurs ont fait leurs devoirs. Il existe beaucoup de renseignements sur le marché. Nous pouvons avoir des conversations plus fructueuses qu’il y a peut-être 10 ans, lorsqu’il y avait moins de renseignements.

J’espère que j’ai répondu à votre question, sénateur. Je vous prie de me le dire si j’ai oublié un élément.

Le sénateur Gignac : J’ai travaillé pour des banques pendant de nombreuses années à titre d’économiste principal, et je suis d’accord pour dire que les banques veulent à tout prix éviter de voir des clients leur remettre les clés de leur demeure. Personne n’y gagne, ni les banques ni les clients. J’abonde dans le même sens. Néanmoins, j’ai quelques préoccupations quant à la pertinence du produit dans le cas des gens qui achètent leur première maison. Avez-vous constaté une hausse des taux de prêts hypothécaires en souffrance ou des défauts de paiement au cours des derniers mois parmi les gens qui ont choisi le produit?

M. Ciappara : L’ABC surveille le taux des prêts hypothécaires en souffrance. Actuellement, plus de 98 % des emprunteurs hypothécaires sont à jour dans leurs paiements. C’est un taux extraordinaire, surtout si on regarde les États-Unis, à la fois pendant la crise financière mondiale et même maintenant. J’ai regardé les chiffres récemment, et il me semble que les États-Unis ont un taux de prêts hypothécaires en souffrance qui est 10 fois supérieur à celui du Canada. Le rendement des banques et des emprunteurs hypothécaires canadiens est extraordinaire.

Pour répondre à votre question, nos recherches ont montré que le chômage est le facteur clé qui fait grimper le taux de prêts hypothécaires en souffrance. Tant que le taux de chômage demeure relativement bas et que les marchés du travail restent vigoureux, les Canadiens pourront continuer à rembourser leur hypothèque.

La présidente : Vous avez indiqué que les banques peuvent offrir à leurs clients la possibilité de passer d’un taux variable à un taux fixe pour les aider. Dans ce cas-là, les banques éliminent-elles les pénalités?

M. Ciappara : Je crois que cela fait partie des possibilités, effectivement.

La présidente : Bon nombre de gens ont exprimé leur préoccupation à l’égard du prolongement des périodes d’amortissement, qui ne font qu’enliser les emprunteurs. Si la période d’amortissement s’étend sur 30, 40, 50 ou 60 ans, on ne devient jamais propriétaire de sa maison. Le fait de posséder sa maison aura un tout autre sens. Essayez-vous d’éviter ce genre de scénario lorsque vous discutez avec les clients?

M. Ciappara : Je crois que vous faites allusion au prêt hypothécaire à taux variable et à taux fixe. Lorsque le taux d’intérêt franchit le taux limite, la période d’amortissement sera prolongée jusqu’au moment du renouvellement de l’hypothèque. Cependant, une fois l’hypothèque renouvelée, on revient à la période d’amortissement originale. Ce n’est qu’une mesure temporaire…

La présidente : Un mécanisme de financement?

M. Ciappara : Oui, un mécanisme temporaire.

La prolongation de la période d’amortissement fait partie des possibilités offertes aux personnes qui ont fait des paiements pour réduire le principal de leur hypothèque. Cependant, ce n’est qu’une possibilité parmi tant d’autres.

La sénatrice Marshall : Merci pour les renseignements sur les prêts hypothécaires à taux variable. J’aimerais vous parler des prêts à taux fixe. Nous avons vu des rapports indiquant que l’année prochaine, un certain pourcentage d’emprunteurs hypothécaires sera pris à la gorge si les taux d’intérêt restent élevés. L’année suivante sera plus difficile et l’année qui suivra, 2026, sera encore plus éprouvante.

Desjardins a publié un rapport sur la question, tout comme RBC Marchés des Capitaux. Vous devez avoir les mêmes données qui indiquent que l’avenir ne sera pas forcément tout rose. Que faites-vous dans ce contexte? J’aimerais savoir ce que vous offrez aux clients comme possibilités.

J’ai également lu dans les médias que les banques ont commencé à augmenter leurs réserves pour les créances irrécouvrables, sans préciser la catégorie du prêt, que ce soient des hypothèques ou les prêts accordés aux entreprises ou d’autres clients. Augmente-t-on les réserves à cause des emprunteurs hypothécaires? Pouvez-vous nous faire le topo de la situation?

M. Ciappara : D’accord, j’essaierai.

Je vais répondre à la dernière question en premier, car c’est celle dont je me souviens. Pour ce qui est des réserves, les prêts hypothécaires sont probablement la plus grande classe d’actifs qui paraît sur le bilan d’une banque. Je ne serais guère étonné si une grande proportion des réserves concernait les prêts hypothécaires. Je ne peux vous donner des chiffres exacts…

La sénatrice Marshall : C’est justement cela qui m’intéresse.

M. Ciappara : D’accord.

La sénatrice Marshall : Est-il possible d’obtenir des chiffres exacts? Ils sont très parlants.

M. Ciappara : Je devrai faire des recherches. Je ne les ai pas…

La sénatrice Marshall : Je vous saurais gré de nous fournir ces renseignements. Je vous prie de continuer; je m’excuse de vous avoir interrompu.

M. Ciappara : Vous avez posé une question sur les prêts hypothécaires à taux fixe et leur renouvellement. Voici ma réponse.

Lorsque les clients contractent un prêt hypothécaire, qu’il soit à taux variable ou à taux fixe, les banques doivent faire un test de résistance, c’est-à-dire le taux admissible minimal qui est un taux plus élevé. Je soupçonne que les taux d’intérêt actuels sont plus élevés que le taux du test de résistance, mais le test permet néanmoins d’établir que le client a une certaine capacité, ce qui est positif.

De plus, comme je l’ai dit plus tôt, les banques communiquent de façon proactive avec leurs clients avant le renouvellement pour voir s’ils ont besoin d’aide. Plusieurs possibilités s’offrent aux clients, que ce soient des paiements forfaitaires, des paiements plus élevés, des paiements fixes dans le cas des prêts hypothécaires à taux variable, ou encore la prolongation de la période d’amortissement. Il existe de nombreuses possibilités.

Quelle était votre troisième question?

La sénatrice Marshall : J’aimerais savoir si vous pouvez quantifier l’incidence sur les emprunteurs hypothécaires, en présumant que les taux ne baisseront pas. Tout le monde parle d’une baisse éventuelle des taux, mais je n’en suis pas convaincue. Avez-vous calculé l’impact sur vos emprunteurs hypothécaires l’année prochaine, l’année suivante, et l’année qui suivra? Je m’intéresse aux chiffres, car ils sont parlants. Avez-vous pu calculer cela?

M. Ciappara : Moi-même, je n’ai pas fait de calcul, mais je suis sûr que nous avons des analystes bancaires qui se penchent sur la question. Les banques ont cette particularité : il y a toujours quelqu’un qui étudie constamment leurs états financiers.

La sénatrice Marshall : C’est justement ce qui m’intéresse.

M. Ciappara : Que ce soient des prêts, des dépôts ou des capitaux, les organismes de réglementation s’y intéressent. Je n’ai pas les chiffres exacts devant moi.

La sénatrice Marshall : Je vous saurais gré de nous fournir des chiffres. Je m’intéresse aux prêts hypothécaires à taux fixe. Merci.

La présidente : Nous sommes en train de rédiger notre ébauche de rapport, et nous avons très peu de temps. Je vous prie de nous envoyer cela dans les délais les plus brefs.

La sénatrice Marshall : Tout à fait. Je m’inscris à la deuxième série de questions.

La présidente : Merci, sénatrice Marshall.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais poursuivre sur une question que vous avez abordée tout à l’heure.

Dans les plus grandes banques, de nombreux prêts s’étendent sur une période de 30 ans. Selon Jean Sasseville, chargé de cours en actuariat à l’UQAM, le gouvernement fédéral devrait instaurer des règles pour simplifier le prolongement de la période d’amortissement. Évidemment, un prolongement permettrait de diminuer les retards de paiements hypothécaires, particulièrement pour les premiers acheteurs.

Est-ce une option que vous jugez nécessaire à ce stade-ci, considérant qu’il y a des prêts hypothécaires qui durent 40 ou 50 ans en Europe?

[Traduction]

M. Ciappara : Comme je l’ai dit plus tôt, dans le cas des prêts hypothécaires à taux variable et à paiements fixes, les taux d’intérêt franchissent le seuil limite et la période d’amortissement est prolongée. Pendant un certain temps, soit jusqu’à la fin de la période fixée et jusqu’au renouvellement du prêt, la période d’amortissement sera plus longue, mais ensuite on revient à la période d’amortissement originale. Cela se fait automatiquement.

Il faut se souvenir, lorsqu’on parle de prolonger la période d’amortissement, qu’il existe de nombreuses personnes qui remboursent le principal du prêt hypothécaire, mais qui ont besoin d’un peu plus de souplesse en raison de la hausse des taux d’intérêt. Les banques étaient déjà en mesure d’offrir cette possibilité et elles l’offrent actuellement, selon les circonstances du client, et surtout si le client a déjà fait des efforts pour rembourser le principal de son hypothèque.

La sénatrice Miville-Dechêne : Donc il faut y aller au cas par cas.

M. Ciappara : Tout à fait.

La sénatrice Miville-Dechêne : Compte tenu de la conjoncture économique, savez-vous si les clients choisissent davantage cette option en ce moment? Quel serait le pourcentage de clients qui prolongent leur période d’amortissement?

M. Ciappara : L’ABC ne fait aucun suivi. Par contre, je suis sûr que nos membres le font. Je ne peux vous fournir un pourcentage, mais je sais que les banques offrent cette possibilité, parmi tant d’autres.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : D’accord. Merci.

[Traduction]

La présidente : Nous allons peut-être demander ces renseignements à vos membres, parce que nous avons entendu que les clients ne veulent pas une période d’amortissement trop longue ou des paiements trop élevés, car à ce moment-là, ils ne deviendront jamais propriétaires de leur maison.

La sénatrice Ringuette : Tout d’abord, je suis heureuse d’entendre que 98 % des propriétaires de maisons canadiens réussissent à faire leurs paiements hypothécaires. C’est une bonne nouvelle, car nous avons entendu des histoires d’horreur qui font probablement partie de ce malheureux 2 %.

Je vais vous poser une colle. Outre la question de l’offre, vous traitez le logement avec le capital à l’esprit. Vous devez respecter les règles du BSIF, et ensuite celles de la SCHL pour ce qui est de l’assurance, et ainsi de suite.

Nous avons peut-être traité la question du logement de façon trop restrictive au cours du dernier siècle. Nous tentons de quitter le nid familial à 20 ans afin de nous installer dans une maison et d’y rester jusqu’à l’âge 80 ans, si je me fie à l’espérance de vie des Canadiens. Si on achète une maison, on fait l’acquisition d’un bien et on disposera du capital pendant notre vie. Sinon, on verse un loyer à une société à dénomination numérique pour se loger, un loyer qui se rapproche possiblement du montant d’un paiement hypothécaire.

La présidente : Sénatrice Ringuette, vous avez déjà épuisé la moitié de votre temps de parole. Je vous prie de poser une question.

La sénatrice Ringuette : Oui, madame la présidente. Merci. Avez-vous tenté de sortir des sentiers battus en réfléchissant à la question du logement et au coût du logement, que ce soit un loyer ou un paiement hypothécaire? Avez-vous consenti des efforts pour travailler sur cette question, et si la réponse est non, pourriez-vous le faire?

M. Ciappara : Merci beaucoup, sénatrice. Nous respectons les paramètres établis par le Parlement. C’est le Parlement qui décide les politiques publiques et qui a établi un système prévoyant des prêts hypothécaires comme source de financement. Le système compte sur le capital pour alimenter la construction de logements. Voilà le cadre dans lequel nous évoluons.

La sénatrice Ringuette : Effectivement.

M. Ciappara : Il revient donc au Parlement et aux comités comme le vôtre d’apporter des changements au cadre, s’il souhaite le modifier.

La sénatrice Ringuette : Oui, ne serait-ce que de se pencher sur la question.

M. Ciappara : D’accord, mais nous devons respecter la politique publique établie par le Parlement.

La sénatrice Ringuette : Prière de m’inscrire à la deuxième série de questions, madame la présidente.

La sénatrice Petten : J’aimerais vous parler de l’offre et de la demande et de la crise actuelle de pénurie de logements. Nous accusons un retard au chapitre de la construction, ce qui explique une partie du problème, et il y a également la politique en matière d’immigration. Lorsque nous réussissons à construire des logements, les promoteurs ont des unités vides et les gens ont des maisons avec un appartement au sous-sol. Cela s’est déjà produit dans le passé, et maintenant les gens ne peuvent pas rembourser leur prêt hypothécaire. Avez-vous prévu des mesures pour corriger le tir? Que faites-vous actuellement?

Nous sommes ici réunis en comité pour parler d’un problème, mais il se peut que dans quelques années, la conjoncture soit toute autre.

M. Ciappara : À ce moment-là, nous aurons construit 3,5 millions d’unités et nous aurons comblé le manque de logements, ce qui fait que nous serons en bonne posture, n’est-ce pas? Vous évoquez un scénario dans lequel nous aurons trop fait pour corriger la situation. Bien franchement, ce n’est pas la réalité en ce moment.

Je vous dirais que oui, absolument, nos membres gèrent les risques. C’est ce que font les banques. C’est leur pain quotidien, la gestion du risque. Elles gèrent le risque, en tiennent compte et font des tests de résistance dans toutes sortes de scénarios : des taux d’intérêt plus élevés ou plus bas, une hausse du taux de chômage, une baisse du taux de chômage... Je vous réponds qu’assurément, les banques le font.

La présidente : J’ai une question concernant les projections que vous avez évoquées : Pensez-vous qu’il y ait de l’espoir d’atteindre l’objectif de nouveaux logements que s’est fixé le gouvernement d’ici 2030? Compte tenu de tous les défis que vous avez mentionnés, comme la pénurie de main-d’œuvre, la hausse des taux d’intérêt, l’immigration, et les pressions inflationnistes, avons-nous une chance d’y parvenir?

M. Ciappara : Si les différents ordres de gouvernement arrivent à coordonner leurs efforts, je pense que nous pourrons y arriver. Je suis optimiste de nature, donc j’ai de l’espoir. Néanmoins, il est temps d’agir, n’est-ce pas?

La présidente : Nous allons passer à notre deuxième série de questions.

Le sénateur C. Deacon : Je remercie tous nos témoins.

Je souhaite poursuivre sur la lancée des questions posées par le sénateur Gignac au sujet des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes. Selon de nombreuses sources, il s’agit d’un nouveau produit financier qui représente 80 % des hypothèques accordées entre 2020 et 2022. Le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, a indiqué que son mandat n’est pas d’exercer un contrôle sur les produits financiers, mais bien de veiller au financement adéquat des banques canadiennes.

Vous dites que les consommateurs sont très bien informés. Cela revient presque à dire que c’est leur responsabilité de bien comprendre tous ces enjeux financiers, mais je ne suis pas certain qu’ils saisissent parfaitement dans quoi ils s’engagent. À mon avis, le BSIF et la Banque du Canada ont demandé aux institutions financières de réfléchir à la manière de relever les défis dont vous avez parlé. Comme on connaît déjà le moment où les hypothèques arrivent à échéance, et ce qu’il va advenir des taux, j’ose espérer que les institutions financières ne seront pas prises au dépourvu.

L’autre défi des institutions financières concerne la concurrence. En 2008, lorsque les taux d’intérêt étaient de l’ordre de 3,5 % et 5 %, l’écart entre le taux d’escompte et le taux préférentiel se situait à 170 points de base. Aujourd’hui, l’écart atteint 220 points de base, une augmentation due à la baisse marquée des taux d’intérêt. Néanmoins, le manque de concurrence a fait en sorte que les taux d’intérêt des institutions financières ont grimpé de 50 points de base en 15 ans, sans parler de ce qu’elles finissent par prêter à leurs clients.

Cette situation m’indique très concrètement que la pression concurrentielle a disparu. Le gouverneur de la Banque du Canada a déclaré qu’un sain degré de concurrence est nécessaire pour faire baisser l’inflation. Malheureusement, force est de constater que la pression concurrentielle exercée sur les institutions financières pour qu’elles ramènent leurs taux préférentiels à leur niveau d’il y a 15 ans n’existe plus.

Je reviens à l’étude sur le système bancaire ouvert. Nous devons exercer davantage de pression sur les institutions financières afin que les consommateurs soient mieux traités, mieux informés, et qu’ils puissent obtenir le taux le plus concurrentiel possible.

La présidente : Je vais laisser M. Ciappara répondre à cela.

Le sénateur C. Deacon : J’aimerais connaître votre opinion sur les raisons pour lesquelles l’écart entre le taux officiel d’escompte et le taux préférentiel se maintient.

M. Ciappara : En ce qui concerne la littératie financière de la population canadienne, loin de moi l’idée de prétendre que les institutions financières se déchargent de toute responsabilité de mieux sensibiliser leurs clients. Je dis simplement que nous constatons que depuis l’arrivée d’Internet, les clients sont de mieux en mieux informés et préparés, ce qui permet aux institutions financières de s’adresser à eux d’une manière plus sophistiquée.

En ce qui concerne le degré de concurrence sur le marché hypothécaire, je rappelle que le Canada compte 250 prêteurs hypothécaires autorisés, dont seulement 40 font partie de notre association. Nos membres sont donc en concurrence les uns avec les autres, ainsi qu’avec les caisses populaires, les coopératives d’épargne et de crédit, les institutions financières provinciales, et les sociétés de financement hypothécaire. Par conséquent, la concurrence est très forte.

Le sénateur C. Deacon : Pourquoi l’écart entre les taux d’escompte et les taux préférentiels demeure-t-il inchangé?

M. Ciappara : J’ai l’impression que vous faites référence aux taux préférentiels, qui sont fixés par la Banque du Canada. Lorsque la Banque du Canada augmente son taux d’escompte, les taux d’intérêt préférentiels augmentent également, et lorsqu’elle baisse son...

Le sénateur C. Deacon : Ce sont pourtant les banques qui choisissent leur taux préférentiel.

M. Ciappara : Les taux préférentiels évoluent en fonction des hausses et des baisses du taux d’escompte fixé par la Banque du Canada.

Le sénateur C. Deacon : Mais je vous rappelle que le taux d’escompte est présentement en hausse. Toutes proportions gardées, il a grimpé d’un demi-point de pourcentage depuis 2008.

M. Ciappara : Il faudrait que je vérifie cette affirmation, car je n’en suis pas certain.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J’ai une question au sujet des coopératives d’habitation.

Est-ce qu’on peut penser que les banques investissent davantage dans les coopératives d’habitation? Actuellement, il y a le Mouvement Desjardins et les caisses populaires qui le font, mais pourquoi les banques ne le feraient-elles pas aussi?

[Traduction]

M. Ciappara : Il y a une dizaine d’années, le gouvernement fédéral a mis en place des mesures législatives pour autoriser les coopératives de crédit à mener leurs activités partout au pays. Si je comprends bien, vous dites que les coopératives de crédit et les caisses populaires sont des institutions financières coopératives. En vertu des lois actuelles, les coopératives de crédit peuvent mener leurs activités dans l’ensemble du pays, alors qu’elles devaient auparavant se limiter à une seule province. Les coopératives de crédit fédérales se sont intégrées à notre association, et font partie de la solution.

Les coopératives reçoivent des prêts et font généralement partie de la solution du logement abordable du gouvernement fédéral. La SCHL propose différentes solutions, comme l’assurance prêt hypothécaire, également connue sous le nom APH-Sélec, qui permet aux banques d’accorder des taux, des conditions et des modalités favorables à certains de leurs clients.

Comme je l’ai dit, les coopératives font incontestablement partie de la solution pour lutter contre la crise du logement au Canada. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une solution miracle, et différents facteurs entrent en ligne de compte lors du processus de construction de logements.

La sénatrice Bellemare : Et les banques pourraient...

M. Ciappara : Oui.

La sénatrice Galvez : En ce qui concerne le logement, les services bancaires hypothécaires sont intrinsèquement liés aux services d’assurance habitation, et c’est encore plus vrai au Canada en raison du nombre très élevé d’individus qui contractent une assurance habitation.

Le secteur de l’assurance traverse une crise de très grande ampleur partout en Amérique du Nord. Aux États-Unis, de plus en plus de citoyens quittent leur État pour s’installer ailleurs en fonction de la volatilité du marché immobilier, et nous constatons le même phénomène au Canada. L’association que vous présidez négocie-t-elle des accords et des conventions avec les joueurs du secteur de l’assurance? Quel est le résultat de ces négociations, le cas échéant?

M. Ciappara : Nous sommes très attentifs aux modalités générales des nouveaux produits d’assurance qui arrivent sur le marché, car après tout, beaucoup de nos emprunteurs achètent ces mêmes produits. Je dirais que le secteur de l’assurance au Canada fait du très bon travail, notamment en matière de gestion des risques.

La sénatrice Galvez : Permettez-moi de vous donner un exemple. Aujourd’hui au Québec, un résidant dont la propriété vient d’être inondée peut faire appel à sa compagnie d’assurances et faire restaurer sa propriété au même endroit, même s’il s’agit d’une plaine inondable. Qu’en pensez-vous?

M. Ciappara : Je pense qu’il vaut mieux poser ce type de questions directement à des représentants du secteur de l’assurance et de la SCHL plutôt qu’à nous-mêmes. Comme je l’ai dit, nous suivons de près ce qui se fait dans le secteur de l’assurance. Je pense qu’ils réfléchissent à ce genre d’enjeux, mais je ne suis pas certain que des mesures concrètes ont été prises. En tout cas, je ne suis pas au courant.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie.

La sénatrice Marshall : J’aimerais revenir à la question du sénateur Deacon concernant cet écart d’un demi-pourcentage.

Il y a quelques années, je crois que c’était dans le cadre de l’avant-dernier budget, le gouvernement a décidé d’assujettir les institutions financières, dont les banques, à trois nouvelles taxes. L’objectif principal de votre association est d’augmenter le profit de ses membres. J’imagine que les coûts de ces trois nouvelles taxes ont été en partie refilés aux consommateurs.

Ce fameux écart d’un demi-point de pourcentage est-il lié d’une manière ou d’une autre à toutes ces taxes supplémentaires introduites par le gouvernement fédéral? On parle de milliards de dollars. Existe-t-il un lien de cause à effet?

Ce n’est pas ma question de suivi, mais la question du sénateur Deacon a suscité chez moi d’autres interrogations. Donc, cet écart d’un demi-point de pourcentage est-il lié à la hausse des taxes?

M. Ciappara : Je vais d’abord devoir vérifier l’exactitude de ce que le sénateur Deacon affirme, à savoir une augmentation de 50 points de base. Vous avez mentionné l’introduction de trois nouvelles taxes par le gouvernement fédéral; il s’agit plus précisément du dividende pour la relance au Canada, le DRC. En fait, le DRC a pour conséquence de réduire la capacité des institutions financières à fournir des capitaux à leurs clients dans le cadre de prêts hypothécaires et d’autres types de prêts. Cela n’améliore certainement pas la taille des prêts ni la valeur des taux.

La sénatrice Marshall : Le gouvernement fédéral vous a-t-il consultés au sujet des hausses de taxes qu’il a décrétées? Ces hausses de taxes ont toujours été un point sensible pour moi. Non pas que j’éprouve beaucoup de sympathie envers les banques, mais la décision du gouvernement me paraît injuste. Avez-vous été consultés à ce sujet, ou avez-vous plutôt été mis devant le fait accompli lors de la présentation du budget?

M. Ciappara : Nous avons pris connaissance de ces hausses de taxes lors de la présentation du budget, en effet.

La sénatrice Marshall : J’ai une question très pointue pour vous. Le gouvernement fédéral a mis en place tout un éventail de programmes de logements, mais il me semble que la crise du logement est due au fait que le gouvernement ne cesse d’apporter des solutions à des problèmes qu’il a lui-même créés. Cela revient à appliquer un pansement sur un autre pansement, c’est une roue qui tourne sans fin.

L’efficacité de ces programmes gouvernementaux n’est jamais évaluée. Peut-on prendre un pas de recul et examiner les résultats concrets de tous ces programmes? C’est sans doute une question à laquelle pourrait répondre le ministre du Logement en personne, mais je suis curieuse d’entendre votre avis.

M. Ciappara : En effet, il s’agit probablement d’une bonne question pour le ministre du Logement, ou pour la vérificatrice générale. Je crois d’ailleurs que certains de ces programmes ont déjà fait l’objet d’une évaluation il y a un an ou deux. L’objectif général de ces programmes est d’augmenter l’offre de logements au pays, et je pense qu’il est bien respecté.

Comme je l’ai dit dans ma présentation d’ouverture, notre association s’était montrée très favorable à bonification du programme d’Obligations hypothécaires du Canada, les OHC, mis en place par la SCHL, et qui a fait l’objet d’une évaluation. Le gouvernement fédéral a fait passer la limite annuelle des OHC de 40 à 60 milliards de dollars, la plus grande partie des fonds étant destinés aux immeubles résidentiels à logements multiples. Nous considérons cette augmentation justifiée.

Comme vous pouvez le constater, il est possible d’évaluer ce genre de programmes, puis de les améliorer. Au début de l’année, le ministère des Finances a lancé des consultations sur la possibilité de mettre fin au programme des OHC, ce qui a généré certaines préoccupations.

Nous étions favorables à la bonification des OHC, mais le gouvernement n’a pas été clair quant à l’orientation qu’il souhaite donner à ce programme. À mon avis, le gouvernement doit d’abord clarifier sa vision pour la suite des choses, puis il sera en mesure de bonifier son programme en toute légitimité.

La présidente : Voilà un excellent conseil. Nous allons poser cette question au ministre du Logement lors de sa comparution devant le comité.

La sénatrice Ringuette : Je voudrais revenir à ma question, en complément à la question de la sénatrice Bellemare, concernant ce Conseil national du logement, qui comprendrait notamment le BSIF, la SCHL, les représentants de différents ordres de gouvernements, ainsi que votre association. Nous devons sortir des sentiers battus et trouver des solutions pour aider les prochaines générations de Canadiens.

Je crois sincèrement que même si le prix des logements a diminué récemment, les Canadiens sont toujours confrontés à une crise du logement. Les gens deviennent propriétaires, ou demeurent locataires le temps d’amasser une mise de fonds sur le long terme. Dans tous les cas, le fait qu’un plus grand nombre de Canadiens accumulent des actifs va stimuler notre économie.

Je pense que la suggestion de la sénatrice Bellemare représente un bon point de départ. Comment envisagez-vous la suite des choses?

M. Ciappara : J’ai souvent souligné que les institutions financières sont le reflet de l’économie dans son ensemble, mais que les décisions doivent émaner du Parlement du Canada. Je pense que le phénomène que vous avez décrit est ce qu’on appelle la financiarisation du logement. Si ce paradigme est appelé à changer, je pense que c’est à la Banque du Canada de fournir des lignes directrices, et non à des intervenants individuels.

La sénatrice Ringuette : D’accord. Mais que proposez-vous de manière concrète?

M. Ciappara : Comme je l’ai dit, c’est au Parlement de nous fournir des lignes directrices. Le gouvernement mène des consultations sur une base régulière, et nous avons toujours le plaisir d’y participer. Toutefois, il nous serait utile de mieux comprendre l’orientation et les priorités du gouvernement. Pour l’instant, il m’est difficile de pouvoir vous fournir une réponse dans l’abstrait ; j’ai besoin de renseignements additionnels.

La sénatrice Ringuette : Pour avoir discuté avec l’un de vos représentants il y a quelques années, je sais que l’Association des banquiers canadiens dispose de vastes capacités de recherche socioéconomique et financière. Votre association pourrait-elle entamer des recherches à ce sujet afin de mieux cerner les implications financières?

M. Ciappara : Si je comprends bien, vous voulez savoir comment nous pouvons aider les emprunteurs et les propriétaires en rendant leur logement abordable et en l’intégrant dans leur plan financier. À l’heure actuelle, les maisons représentent la plus grande part de la valeur nette d’un individu; elles en font donc déjà partie.

À moins de connaître la proposition en question et son contexte, il m’est difficile d’apporter des éclaircissements à ce sujet.

La sénatrice Ringuette : Je m’entretiendrai avec vous plus tard.

La présidente : Je vous remercie.

Le sénateur Gignac : J’aimerais revenir sur le sujet des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes. La semaine dernière, le chef du BSIF a déclaré ici publiquement que ce produit était dangereux. Pendant la pandémie, les employés des banques — la plupart d’entre eux — ont recommandé à leurs clients d’opter pour des taux variables parce que ceux-ci étaient inférieurs de 1 % aux taux fixes, et aucune banque centrale ne prévoyait une hausse des taux d’intérêt, de l’inflation, et cetera, d’autant plus que les clients pouvaient faire des paiements fixes.

Il y a des frais lorsqu’on veut renégocier son prêt hypothécaire. On sera mal pris parce qu’on a signé un contrat pour une période d’amortissement de 25 ans. Il n’est pas question de sauter un paiement. Il y a donc généralement des frais à payer pour modifier le contrat. Votre association est-elle prête à recommander à ses membres un moratoire sur ces frais? Les clients n’ont pas la possibilité de changer de banque en raison de la règle B-20. Résultat : ils ne seront pas admissibles auprès d’une autre banque.

La Banque du Canada a fourni beaucoup de liquidités aux banques durant la pandémie. Le gouvernement du Canada a fait de son mieux pour éviter une récession économique. Je pense donc que vous avez une certaine responsabilité pour faire en sorte que vos membres s’adaptent aux besoins de vos clients, à tout le moins en annulant les frais.

Vous pouvez fournir une réponse écrite, si vous le souhaitez.

Des voix : Bravo!

M. Ciappara : Je vous remercie. Tout d’abord, en ce qui concerne les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes, je pense qu’un certain nombre d’emprunteurs ont opté pour des prêts hypothécaires à taux variable parce qu’il y avait des incitatifs économiques. En raison de la structure du taux admissible minimal, une personne aurait plus de chances d’obtenir un prêt hypothécaire à taux variable qu’un prêt hypothécaire à taux fixe. C’est la structure du taux admissible minimal, qui est révisé une fois par an par le BSIF. Dans notre recommandation, nous estimons que le taux admissible minimal est une mesure que nous appuyons et qui fonctionne, mais il y a lieu de l’améliorer. Cette amélioration est...

Le sénateur Gignac : Je vais vous interrompre. Pour ce qui est des incitatifs, ce sont les banques et leurs employés qui ont proposé des prêts hypothécaires à taux variable à leurs clients, faute de quoi ces derniers n’auraient pas été admissibles. Bien franchement, je pense que le fardeau repose davantage sur les banques que sur le BSIF. Comprenez-vous ce que je veux dire? Ce sont les banques qui ont influencé le choix d’opter pour des prêts hypothécaires à taux variable; autrement, les clients n’auraient pas pu être admissibles. C’est essentiellement ce que vous avez mentionné.

M. Ciappara : Les gens ont été encouragés à contracter des prêts hypothécaires à taux variable, sénateur. Comme je l’ai dit, lorsqu’ils proposent des prêts hypothécaires à leurs clients, les employés des banques leur fournissent les renseignements nécessaires. Ils s’assoient et discutent des coûts et des avantages. Leurs sites Web contiennent des renseignements sur les différents produits hypothécaires, ce qui leur permet d’avoir cette discussion. Au bout du compte, c’est à l’emprunteur de choisir le produit qu’il souhaite.

Jusqu’ici, les prêts hypothécaires à taux variable ont été très avantageux pour les gens. En fait, ils en sortent généralement gagnants. Ils ont pu rembourser une plus grande part de leur capital grâce aux prêts hypothécaires à taux variable.

Là où je veux en venir, c’est que pendant la pandémie, l’application du taux admissible minimal a favorisé les prêts hypothécaires à taux variable plutôt que les prêts hypothécaires à taux fixe. C’est dû à la structure du taux admissible minimal, et non aux agissements des banques. Tout ce que je dis, c’est que si l’on veut améliorer le taux admissible minimal, il faut le réviser plus régulièrement qu’une fois par année. L’écart entre le taux fixe et le taux variable des prêts hypothécaires existe depuis longtemps.

Le sénateur Gignac : Permettez-moi de vous interrompre. Est-il vrai que la règle B-20 s’applique? Les gens n’ont aucun pouvoir de négociation avec les banques s’ils veulent modifier les conditions parce que la règle B-20 s’applique s’ils changent de banque.

Est-il vrai que la règle B-20 s’applique à l’acheteur d’une première maison qui veut modifier les conditions, mais qui n’a pas de pouvoir de négociation important auprès de la banque? L’autre banque refusera sa demande. Le taux d’intérêt actuel ne lui permettra pas d’obtenir un prêt.

Êtes-vous prêt à recommander à vos membres un moratoire pendant au moins les deux prochaines années en ce qui concerne les frais liés à la prolongation de la période d’amortissement afin de répondre aux besoins de vos clients?

M. Ciappara : En fait, dans le cas des prêts hypothécaires assurés — et c’est ce que les acheteurs d’une première maison utilisent généralement en raison du faible rapport prêt-valeur et de la faible mise de fonds requise —, il n’est pas nécessaire d’appliquer un taux admissible minimal lors d’un changement de prêt hypothécaire.

Le sénateur Gignac : Toutefois, la durée maximale est de 25 ans pour les prêts hypothécaires assurés, comme vous le savez. La SCHL ne permet pas un amortissement de plus de 25 ans pour un prêt hypothécaire assuré. À l’heure actuelle, les deux tiers des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes ont une période d’amortissement de plus de 30 ans. Si les gens sont contraints de revenir à une période d’amortissement de 25 ans, alors oubliez cela. Ils devront remettre les clés de leur demeure.

M. Ciappara : Je le répète, les banques communiquent de façon proactive avec leurs clients et elles viennent en aide à leurs emprunteurs, et ce, de nombreuses façons.

Le sénateur Gignac : Ma question porte sur les frais. Êtes-vous prêt à recommander aux banques de ne pas imposer de frais à leurs clients? Si la période d’amortissement est ramenée à son état initial, les gens ne seront pas en mesure de respecter leurs obligations. S’ils modifient les conditions, ils subiront généralement des frais.

M. Ciappara : Comme je l’ai dit, les banques respectent les exigences de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Par conséquent, elles divulguent les frais de façon très transparente. En ce qui concerne le passage à un prêt hypothécaire à taux fixe, il n’y a généralement pas de frais.

La présidente : Essayons de poser la question autrement. Vous représentez l’Association des banquiers canadiens. Vous arrive-t-il de donner des conseils à vos membres en leur disant que ce serait peut-être une bonne idée d’instaurer un moratoire pour les deux prochaines années et de réduire les frais, ou ne faites-vous que suivre la position collective qu’ils prônent?

M. Ciappara : Notre association ne dit pas à ses membres ce qu’ils doivent faire. En fait, le Bureau de la concurrence nous empêche de nous réunir pour discuter des frais ou engager des négociations à ce sujet. Nous ne pouvons tout simplement pas le faire. C’est interdit. C’est contraire aux règles en matière de concurrence.

La présidente : Je voudrais poser une autre question, qui pourrait également constituer un problème de conflit d’intérêts dans l’ensemble du secteur.

Vous avez dit que les prêts hypothécaires représentent manifestement la part la plus importante de votre bilan et de celui de la plupart de vos organisations membres. Au cours des dernières semaines, nous avons entendu de nombreux témoignages de personnes disant qu’il faut changer les mentalités et encourager les gens — surtout les plus jeunes — à envisager la location parce que l’accession à la propriété échappera à un très grand nombre de personnes à court terme et peut-être à plus long terme.

Quel effet cela a-t-il sur votre organisation lorsque vous réfléchissez à cette question, sachant qu’un groupe de personnes affirme qu’il faut cesser de croire que tout le monde aura une jolie petite maison unifamiliale et qu’il faut plutôt miser sur l’abordabilité du logement, ce qui peut prendre bien des formes?

M. Ciappara : Dans ma déclaration préliminaire, j’ai expliqué que les banques se trouvaient des deux côtés de l’abordabilité du logement, soit l’offre et la demande en la matière.

Je pense, sénatrice, que vous faites allusion à la demande de logements : si les gens sont plus nombreux à louer leur logement, il y aura moins de demandes de prêts hypothécaires résidentiels. Du côté de l’offre de logements, les banques accorderont des fonds pour construire davantage d’unités locatives.

Je reviens au programme des Obligations hypothécaires du Canada, qui permet aux banques et à d’autres institutions financières de tirer parti du bilan du gouvernement pour financer des immeubles locatifs à logements multiples. Nous participons volontiers au financement de l’offre de logements, surtout en ce qui concerne les logements locatifs, ainsi que les logements résidentiels.

La présidente : Ce n’est donc pas un facteur dissuasif pour vous. Très bien. D’accord.

Je pense que nous avons terminé notre discussion d’aujourd’hui. Je vous remercie beaucoup. Encore une fois, je vous présente mes excuses pour les changements survenus en raison de notre travail au Sénat hier.

Nous remercions nos deux témoins : Alex Ciappara, économiste principal et vice-président, Association des banquiers canadiens, et Aaron Meyer, conseiller, Finances des ménages et marchés hypothécaires.

Pour la deuxième partie de la séance d’aujourd’hui, nous avons le plaisir d’accueillir virtuellement Michael Hatch, vice-président, Relations gouvernementales, Association canadienne des coopératives financières. Encore une fois, nous vous remercions d’avoir modifié vos horaires pour témoigner devant nous. Hier, avant que notre réunion ne soit annulée, nous devions également entendre Launi Skinner, première dirigeante de la First West Credit Union. Elle ne pouvait pas être des nôtres, mais elle nous fera parvenir son mémoire. Nous vous présentons de nouveau nos plus sincères excuses. Monsieur Hatch, soyez le bienvenu. Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire.

Michael Hatch, vice-président, Relations gouvernementales, Association canadienne des coopératives financières : Merci beaucoup, madame la présidente et honorables sénateurs. Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui.

Les coopératives de crédit et les caisses populaires du Canada gèrent des actifs d’une valeur d’environ 564 milliards de dollars et servent près de 11 millions de Canadiens. Avec plus de 2 100 succursales, nous sommes la seule institution financière à être présente physiquement dans près de 400 collectivités d’un bout à l’autre du pays. Les coopératives de crédit et les centres régionaux emploient plus de 30 000 Canadiens et fournissent des services bancaires et financiers complets à des millions de Canadiens, tout en appartenant entièrement à des intérêts canadiens.

Comme nous le savons tous, le logement abordable est un enjeu majeur au Canada en raison de la croissance démographique, de l’augmentation de la demande, de l’inflation persistante, des problèmes d’approvisionnement et de l’augmentation des coûts des loyers et des hypothèques. Cette situation a mené à une crise du logement abordable à l’échelle nationale. Selon la SCHL, nous avons besoin d’environ 3,5 millions de logements supplémentaires d’ici 2030 pour rétablir l’abordabilité sur le marché. Il est important que tout le monde travaille ensemble pour régler ce problème d’envergure nationale.

Partout au Canada, les coopératives de crédit prennent des mesures importantes pour que leurs membres aient accès à un logement abordable et à la stabilité financière, surtout en cette période économique difficile. Nous offrons des taux concurrentiels pour des prêts hypothécaires à taux variable et à taux fixe, des modalités de remboursement souples et des stratégies innovatrices pour faciliter l’accession à la propriété. Ce faisant, nous jouons un rôle crucial dans la création de voies d’accès à la propriété pour les Canadiens qui aspirent à entrer sur le marché de l’habitation.

En outre, nous collaborons avec les communautés autochtones pour construire des logements qui sont durables sur le plan environnemental et qui ne grèvent pas le budget. Nous travaillons également en partenariat avec des organisations comme la Fédération de l’habitation coopérative du Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ainsi que d’autres organisations sans but lucratif, afin de rendre le logement plus accessible.

Les coopératives de crédit ont également mis en place des programmes innovateurs comme la location avec option d’achat, les prêts hypothécaires partagés avec la famille et les amis, les logements abordables, les certificats de placement garantis, et j’en passe, afin d’offrir aux Canadiens des options de logements abordables. Voici quelques exemples concrets à l’échelle du pays. La coopérative de crédit Vancity a répondu au besoin de logements locatifs à prix abordable et de logements abordables de type propriétaire-occupant en Colombie-Britannique. Elle l’a fait par l’entremise du Vancity Affordable Housing Accelerator Program & Fund, un programme conçu pour soutenir le développement de projets de logements abordables dans toute la province. Depuis le lancement de ce fonds en 2011, plus de 30 millions de dollars ont été attribués à la construction de logements abordables en Colombie-Britannique.

Au Manitoba, le centre financier communautaire de la coopérative de crédit d’Assiniboine a collaboré avec Kinew Housing, l’un de ses membres, qui est une société sans but lucratif dirigée par des Autochtones. Son objectif est de fournir des logements abordables aux résidants autochtones de la ville. Cette coopérative de crédit est consciente des difficultés que rencontrent les institutions pour accéder aux capitaux nécessaires pour procurer des logements subventionnés aux résidants. Son partenariat avec Kinew Housing lui a donc permis d’offrir des logements subventionnés à plus de 400 familles autochtones à faibles revenus au sein de la communauté, ce qui a aidé ces familles à vivre confortablement et à s’efforcer d’atteindre la stabilité financière afin de pouvoir éventuellement acheter leur propre maison.

La coopérative financière FirstOntario a formé un partenariat avec les Bethlehem Housing and Support Services et le Pen Terra Group Limited en vue de construire des logements abordables dans St. Catharines-Niagara. Grâce à ce partenariat, plus de 120 familles de cette région de la province ont obtenu un logement sûr et abordable.

Dans une optique plus générale, l’un des rôles les plus importants que nous pouvons jouer à titre de coopératives financières pour aider à atténuer la gravité de la crise du logement est de faire concurrence aux grandes banques pour les prêts hypothécaires et d’autres arrangements de financement, sachant que nous sommes un de leurs seuls concurrents.

En tant que décideurs fédéraux, les sénateurs qui siègent au comité ont un rôle important à jouer pour assurer un cadre réglementaire et législatif qui favorise la concurrence, ce dont le secteur canadien des services financiers a si désespérément besoin. Bien trop souvent, la politique d’Ottawa à l’égard de notre secteur tient compte des besoins, de l’échelle et de la structure des grandes banques, qui sont évidemment un pilier essentiel du secteur des services financiers, comme nous le savons tous, mais qui n’en sont pas les seuls acteurs. Cette situation a eu des répercussions très négatives sur le secteur des coopératives financières au fil des ans.

En travaillant à la mise en place d’un régime législatif fédéral qui permette aux coopératives financières de croître et de prospérer, nous pouvons amplement contribuer aux efforts pour aider à atténuer la crise actuelle du logement dans les années à venir.

Je vais m’arrêter ici. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité. Je vous remercie, madame la présidente.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Hatch. Voilà un point de vue intéressant et différent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous vous avons invité.

Pourrions-nous commencer par quelques comparaisons sur le plan des chiffres? Nous savons que les Canadiens sont très diligents dans le paiement de leur hypothèque. L’Association des banquiers canadiens vient de nous dire que 98 % des prêts hypothécaires sont en règle, mais nous disposons également d’autres données selon lesquelles deux emprunteurs hypothécaires sur trois pourraient bien être en difficulté dans les deux prochaines années si les taux d’intérêt continuent d’augmenter. Quels sont les chiffres dans le système des coopératives financières par rapport à ceux du système bancaire?

M. Hatch : Je ne sais pas exactement d’où vient le chiffre de deux sur trois. Il me semble plutôt élevé. Les coopératives financières sont en contact permanent avec leurs propres membres, c’est-à-dire leurs clients, les personnes et les entreprises à qui elles prêtent de l’argent. Je n’ai pas les chiffres exacts en ce moment, sénatrice, mais nous affichons le taux de défaut de paiement le plus bas de tout le secteur hypothécaire au Canada. Les prêts en souffrance sont bien inférieurs à 1 %; autrement dit, plus de 99 % sont en règle par rapport aux grandes banques, qui ont également un très faible taux de prêts en souffrance, bien entendu. Le secteur des coopératives financières a toujours connu un taux de remboursement plus élevé et des taux de prêts en souffrance et de défaut de paiement plus faibles. C’est attribuable à de nombreux facteurs : la proximité des coopératives financières avec leurs membres, leur vocation communautaire et leurs connaissances locales, ce qui s’accompagne souvent d’une bonne connaissance de leurs membres. C’est un élément qui nous différencie sur le marché et qui nous permet également d’enregistrer un taux de défaut de paiement inférieur à celui d’autres institutions au chapitre des prêts hypothécaires.

La présidente : Je vous remercie. Je ne sais pas si vous écoutiez tout à l’heure, mais vous pouvez vous attendre à ce que le sénateur Gignac vous pose des questions concernant les mesures prises pour aider les clients et la façon dont la coopérative de crédit aborde cette question.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie de vous être joint à nous, monsieur Hatch. Nous venons d’entendre le représentant de l’Association des banquiers canadiens dire qu’il y a déjà une situation de concurrence parfaite dans le secteur bancaire. Je vous poserai donc la même question que celle que je leur ai posée.

À mesure que nous entrons dans l’ère numérique, les consommateurs souhaitent exercer un plus grand contrôle sur leurs données, et dans pratiquement tous les autres pays du G7 et les pays développés, ils sont en mesure de le faire, et ils ont la possibilité de les transférer d’une organisation à l’autre et de choisir qui les utilise et pour quelles raisons.

Dans ce monde en constante évolution, pensez-vous que les coopératives de crédit du Canada se trouvent actuellement dans une position — où il y a un niveau de concurrence équitable — qui leur permet d’être compétitives? À l’heure actuelle, vos clients ne peuvent pas transférer leurs données. Votre capacité de proposer différents produits est donc quelque peu limitée. Pouvez-vous me faire part de votre point de vue à propos de la concurrence dans le secteur bancaire à l’heure actuelle?

M. Hatch : Je vous remercie, sénateur. En ce qui concerne mes homologues de l’Association des banquiers canadiens, nous travaillons ensemble à la résolution de nombreux problèmes et à la réalisation de nombreux projets. Je ne dirais pas que la concurrence est parfaite dans le secteur canadien des services financiers. Il est évident que les grandes institutions financières réglementées sont des piliers extrêmement importants de notre économie. Elles ne vont pas disparaître, et elles font un excellent travail en fournissant des services à plusieurs millions de consommateurs canadiens.

Mais cela ne veut pas dire qu’il y a un degré de concurrence important en matière de services financiers au Canada. Il existe des centaines d’institutions, mais le fait est que le marché est dominé par un nombre relativement faible de ces centaines d’institutions.

Selon le type de prêt ou le secteur d’activité dont vous parlez, les coopératives de crédit représentent de 15 à 20 % du marché canadien, ce qui est considérable. Évidemment, nous aimerions que ce chiffre soit plus élevé.

Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, nous sommes réglementés à l’échelle provinciale, mais, mesdames et messieurs les sénateurs, en votre qualité de décideurs politiques fédéraux que vous êtes tous, bien sûr, je vous demande aujourd’hui et à l’avenir de continuer à prendre en compte les coopératives de crédit réglementées à l’échelle provinciale lorsque vous élaborez des politiques à l’échelle fédérale, car même si une grande partie de la politique fédérale ne s’applique pas nécessairement directement à toutes les coopératives de crédit — bien qu’une part considérable de cette politique s’applique à elles —, en fin de compte, une grande partie de cette politique a des répercussions dans les provinces et nous touche directement ou indirectement.

La concurrence devrait être le principe qui sous-tend toute politique émanant d’Ottawa, afin que nous puissions jouer notre rôle dans la résolution non seulement de la crise du logement, mais aussi de la crise du coût de la vie et de l’abordabilité qui sévit dans notre pays.

Le sénateur C. Deacon : Alors que nous avançons vers une économie davantage axée sur les données, quelles sont, selon vous, les préoccupations majeures à prendre en compte pour faire en sorte que les règles du jeu soient assez équitables pour les coopératives de crédit et qu’elles ne soient pas exclues de la concurrence, comme c’est souvent le cas en ce moment?

M. Hatch : Oui, c’est une excellente question, sénateur. Il faut simplement que le gouvernement fédéral soit un peu plus conscient de la réalité du secteur et des besoins uniques des coopératives de crédit, par rapport aux besoins des institutions financières à but lucratif sous réglementation fédérale ou détenues par des actionnaires, et il faut qu’il adapte ses politiques aux institutions financières détenues par des coopératives.

Prenons un exemple relativement récent de ce qui s’est passé à Ottawa et qui est à l’opposé de ce que je viens de décrire. Cela s’est produit au début de la pandémie — au début de 2020, c’est-à-dire il y a de nombreuses années maintenant — lorsque le gouvernement fédéral a mis en place un programme de prêts aux petites entreprises appelé le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, ou le CUEC. Il s’agissait bien sûr d’un pilier extrêmement important de la réponse initiale du gouvernement fédéral à la COVID, qui s’est avérée extrêmement efficace et qui a aidé des milliers d’entreprises à traverser les pires jours de la pandémie. À l’origine, ce système n’a été mis en place que par l’intermédiaire des grandes banques sous réglementation fédérale. Donc, si vous étiez propriétaire d’une entreprise membre d’une coopérative de crédit et que vous vouliez avoir accès à cet argent gratuit, vous vous rendiez à votre coopérative de crédit et, au début, on vous disait : « Désolé, cet argent gratuit n’est disponible qu’à la RBC de l’autre côté de la rue ». Comme vous pouvez le comprendre, c’était bien sûr un énorme problème pour nous à l’époque.

En fin de compte, le gouvernement fédéral a résolu ce problème et a permis à toutes les institutions financières d’offrir le CUEC. C’est toutefois un exemple récent et très médiatisé de la myopie dont le gouvernement à Ottawa est parfois atteint quand il considère que le secteur financier ne comprend que cinq institutions. Ce n’est tout simplement pas le cas.

Le sénateur C. Deacon : C’est une donnée importante, pas seulement un exemple. Je vous remercie de votre réponse.

La présidente : Je vous remercie. Ayant grandi en Saskatchewan, j’ai pu constater que nous faisons en fait appel aux coopératives de crédit. Les banques étaient les exceptions, et non les coopératives de crédit. Toutefois, vous soulevez un point très important.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Monsieur Hatch, bienvenue au comité.

J’ai un certain penchant pour les coopératives d’habitation. Pour en avoir visité quelques-unes au Canada et dans les pays scandinaves, je trouve que c’est une formule extraordinaire pour les familles et pour les personnes âgées.

J’ai deux questions pour vous. D’abord, pourquoi le Canada n’a-t-il pas spontanément le réflexe de penser aux coopératives pour loger les gens? J’ai des enfants, j’ai des amis, et jamais personne ne pense à une coopérative d’habitation pour trouver un logement, alors qu’ailleurs c’est souvent plus instinctif ou plus spontané de le faire.

Vous avez mentionné qu’il y avait des barrières législatives autour de cette formule. Pourriez-vous identifier clairement quelles sont les barrières législatives fédérales et provinciales, si vous les connaissez, pour nous permettre de mieux comprendre?

De plus, comment pourrait-on rendre cette formule plus attrayante que celle de la propriété privée? Bien sûr, cette dernière constitue un actif et une possibilité de levier financier; on peut le comprendre. Pourquoi est-ce que cela ne semble pas aussi attrayant pour les jeunes et les moins jeunes que cela semble l’être ailleurs?

[Traduction]

M. Hatch : Je vous remercie de votre question, sénatrice.

Je ne peux pas parler au nom de mes collègues de la Fédération de l’habitation coopérative, mais je demande instamment aux sénateurs d’inviter ce groupe, que je connais bien, à comparaître. Les logements coopératifs sont bien sûr un élément clé de l’écosystème canadien du logement, même s’ils ne sont peut-être pas aussi populaires que leurs défenseurs le souhaiteraient. Même dans notre monde, c’est-à-dire celui des institutions financières coopératives, il existe un large éventail de réalités dans l’ensemble du Canada. La présidente a mentionné la Saskatchewan, bien sûr, car l’histoire et l’esprit des coopératives — si je peux m’exprimer ainsi — sont plus profondément enracinés dans les Prairies que dans d’autres parties du pays. Les coopératives ont une histoire plus longue. L’habitude d’effectuer des opérations bancaires auprès d’institutions financières détenues par des coopératives fait davantage partie de la culture. En Saskatchewan, par exemple, notre part de marché avoisine les 50 %, alors que pas très loin de là, en Ontario, elle est plutôt de l’ordre de 10 ou 12 %. Ma première observation est qu’il existe une grande variété de cultures, d’histoires et de réalités dans les différentes régions du Canada en ce qui concerne la présence de structures détenues par des coopératives.

En ce qui concerne la question précise que vous avez posée au sujet des obstacles législatifs qui existent, je demanderais instamment aux sénateurs de consulter un mémoire détaillé — et c’est avec plaisir que je le remettrai au comité lorsqu’il sera terminé dans quelques semaines — que nous présenterons au gouvernement fédéral — plus précisément au ministère des Finances — dans le cadre de la récente consultation qu’il a organisée relativement à l’examen quinquennal de la loi fédérale sur les banques, lequel a lieu tous les cinq ans, comme les sénateurs le savent, bien qu’il ait eu lieu plutôt tous les sept ans au cours des deux ou trois derniers cycles. Nous avions une longue liste de recommandations particulières et détaillées à présenter concernant des sujets tels que les exigences en matière de gouvernance pour les coopératives de crédit fédérales, la réglementation sur les fusions, les défis associés aux coopératives de crédit fédérales-provinciales qui fusionnent avec des coopératives de crédit réglementées par les provinces ou s’associent à elles. La liste est longue.

La date limite pour ce processus est dans quelques semaines. Nous serions heureux de transmettre ce document au comité une fois qu’il sera terminé. Il vous donnera une idée beaucoup plus détaillée de certaines des politiques particulières que nous exhortons le ministère des Finances et le gouvernement à cerner dans le cadre de ce cycle d’examen de la Loi sur les banques. J’ai hâte que cette conversation progresse à l’approche de 2024.

La présidente : Ce serait très utile. Je suis sûre que nous examinerons cette question avec le temps, et nous l’inclurons dans notre programme à ce moment-là.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Hatch, je vais également poser ma question en français, mais vous pourrez y répondre en anglais, bien sûr.

J’essaie de comprendre les proportions différentes que les coopératives financières accordent au logement social ou coopératif par opposition aux affaires que vous faites dans le secteur des prêts hypothécaires pour des résidences individuelles.

Vous parlez d’une mission différente. Comment cette mission se manifeste-t-elle sur le plan du volume d’affaires pour les prêts hypothécaires traditionnels comme ceux des banques, pour le logement social et pour les coopératives d’habitation?

Évidemment, je cherche des chiffres généraux.

[Traduction]

M. Hatch : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Je n’ai pas de données précises à vous communiquer à ce sujet, mais je serais heureux de faire savoir au comité plus tard s’il est possible d’obtenir ces données à l’échelle provinciale ou nationale. Je n’ai tout simplement pas de données ventilées concernant la part que chaque coopérative de crédit consacre aux prêts hypothécaires, comparativement aux logements sociaux ou à d’autres secteurs.

Ce que je peux dire, c’est que, collectivement, les coopératives de crédit sont le principal bailleur de fonds des petites entreprises du Canada. Nous travaillons en étroite collaboration avec des organisations comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, que les sénateurs connaissent bien et qui représente des dizaines de milliers de petites entreprises au Canada. Nous participons très activement à ce secteur, et nous représentons collectivement le plus important bailleur de fonds des petites entreprises au Canada. Je précise encore une fois que c’est en partie la raison pour laquelle l’exemple du CUEC que j’ai mentionné plus tôt était un problème aussi flagrant et, franchement, existentiel pour nous il y a quelques années.

J’ai également mentionné les différences régionales qui existent dans l’ensemble du pays en ce qui concerne notre part de marché, laquelle est très forte dans les Prairies, ainsi qu’en Colombie-Britannique. Bien sûr, au Québec, Desjardins est la première institution financière de la province. Il y a des différences partout au pays, comme c’est souvent le cas au Canada, en ce qui concerne l’aspect du marché.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais vous poser une question plus spécifique et m’inspirer de mon collègue le sénateur Gignac.

J’imagine que vous exigez des frais lors du renouvellement des prêts hypothécaires. Que seriez-vous prêt à faire pour soulager les détenteurs de ces prêts et pour les consommateurs qui, en ce moment, sont pris à la gorge?

Pourriez-vous laisser tomber ces frais — ou peut-être avez-vous des frais minimes? Je vous avoue que je vous pose cette question sans connaître exactement la situation des coopératives financières quant à la question des frais de renouvellement hypothécaire.

[Traduction]

M. Hatch : Les coopératives de crédit ont pris de nombreuses initiatives pour ce qui est de collaborer avec leurs membres qui peuvent éprouver des difficultés financières ou avoir du mal à rembourser leurs prêts et qui, dans de nombreux cas, bien sûr, font face à des taux d’intérêt plus élevés — comme nous le faisons tous — depuis les deux dernières années, au moment de renouveler leurs prêts. En collaboration avec leurs membres, les coopératives de crédit prennent les devants pour trouver le bon produit pour eux au moment du renouvellement et pour s’assurer qu’ils seront en mesure de gérer le nouveau taux d’intérêt.

Il n’est pas dans l’intérêt d’aucune coopérative de crédit — si je puis dire — de voir ses membres éprouver des difficultés financières. Je signale encore une fois le fait que nous continuons de bénéficier du taux de défaut de paiement des prêts hypothécaires le plus bas de tout le secteur.

En ce qui concerne les frais, ma réponse ressemblera à celle de l’intervenant qui m’a précédé et qui représente l’Association des banquiers canadiens. Nous n’avons pas légalement le droit de nous réunir et de discuter des frais avec nos membres en raison de la Loi sur la concurrence, et ce n’est pas notre rôle...

La sénatrice Miville-Dechêne : Nous parlons maintenant de l’absence de frais.

La présidente : Il ne peut pas en discuter.

La sénatrice Miville-Dechêne : Madame la présidente, il s’agit d’éliminer les frais. Ce n’est pas une question de concurrence.

M. Hatch : Je précise encore une fois que notre rôle ne consiste pas à nous immiscer dans les opérations et à dire à nos membres ce qu’ils doivent faire lorsqu’ils interagissent avec leurs membres au sujet des frais ou de tout autre aspect.

La sénatrice Galvez : Monsieur Hatch, je vous remercie infiniment de votre présence. Récemment, j’étais à Bâle pour participer à un forum sur les banques vertes où l’on a déclaré que les banques canadiennes fonctionnaient comme un oligopole. Lorsque j’ai entendu dire ici qu’il y a une situation de concurrence parfaite dans le secteur, j’ai eu des doutes.

Je sais que vous participez activement à des investissements ayant une incidence sociale et à des projets d’économie circulaire. C’est très intéressant. Je me demande si vous financez également des mini-maisons. C’est ce que j’ai observé en Irlande à l’époque où nous avions exactement les mêmes problèmes au Canada : trop d’immigration et trop d’inflation. C’était l’une des solutions auxquelles ils avaient recours. C’était l’une de mes questions.

Ma deuxième question est la suivante : vous avez dit qu’il y a certaines façons dont nous, les parlementaires fédéraux, ne pensions pas à vos opérations, et que nous avions par la suite un effet négatif sur vos opérations et votre service. Pourriez-vous nous donner un exemple précis de cette situation? Je vous remercie de votre coopération à cet égard.

M. Hatch : Je vous remercie de vos questions, sénatrice. Pour répondre à votre première question, j’ai entendu parler des mini-maisons. Pour être honnête, sénateur, je ne suis pas sûr qu’il y ait un énorme marché pour ces maisons au Canada. Je ne peux pas parler simultanément au nom de 200 institutions financières en ce qui concerne les projets précis que tous mes membres financent. J’imagine que quelque part, il y a un projet comme celui dont vous parlez qui a été financé par une coopérative de crédit, mais je l’ignore, pour être franc.

En ce qui concerne votre deuxième question où vous demandez un exemple précis, j’ai utilisé l’exemple du CUEC tout à l’heure. C’était un exemple très frappant. Pas très longtemps avant cela, c’est-à-dire il y a quelques années de cela, le BSIF a mis en œuvre un autre processus qui a provoqué une autre bataille existentielle pour nous, une bataille que nous avons fini par remporter. Les sénateurs se souviendront du conflit concernant la terminologie bancaire qui est survenu quand le BSIF a décidé un jour qu’il serait bon d’interdire aux coopératives de crédit d’utiliser les mots « banque », « banquier », « opérations bancaires » ou toute autre version de ces mots dans leurs communications ou leur matériel de commercialisation, ce qui constituait encore une fois une question existentielle pour nous. Heureusement, nous avons réussi à convaincre le gouvernement de ne pas mettre en œuvre ce processus. Aujourd’hui, les coopératives de crédit peuvent utiliser ces mots.

Franchement, cela a fait trembler les membres du secteur qui se demandaient pourquoi l’organisme de réglementation fédéral de régulation allait agir de la sorte et couper l’herbe sous le pied du secteur, alors que nous tentions simplement de survivre, de fournir des services à nos membres et d’entrer en concurrence avec les grandes banques.

Ce sont là deux exemples importants et très médiatisés qui me viennent à l’esprit, mais il y en a beaucoup d’autres.

Si vous dirigez une coopérative de crédit sous réglementation fédérale, ce qui n’est pas le cas de toutes les coopératives, vous devez, en vertu de la loi fédérale, envoyer chaque année une version papier de vos états financiers à chacun de vos membres. Dans certains cas, cela représente des centaines de milliers de documents envoyés aux Canadiens sous forme de lettre en papier du bon vieux temps et, dans 99,9 % des cas, ces lettres finissent par être mises à la poubelle. Cela représente des coûts de plusieurs millions de dollars pour les institutions, alors que la plupart des gens préfèrent aujourd’hui recevoir les communications de leur institution financière — ou de n’importe qui d’autre — par voie électronique, ce qui est beaucoup plus facile, moins coûteux et moins dommageable pour l’environnement. Voilà un autre exemple qui me vient à l’esprit. C’est un vieux problème qui existe depuis toujours et que nous n’avons pas réussi à résoudre, mais il y en a beaucoup d’autres.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie de vos réponses.

La présidente : Bon nombre d’entre nous se souviennent de la discussion concernant l’utilisation du mot « banque ». Elle a donné lieu à des témoignages très intéressants devant le comité. Nous remercions votre organisation d’avoir participé à ce débat. C’était un débat très important.

La sénatrice Marshall : Merci, monsieur Hatch. Il y a quelques observations que vous avez formulées qui ont suscité mon intérêt. Vous avez dit que les arriérés dans les coopératives de crédit étaient bien inférieurs à 1 % et que leur taux de défaut de paiement d’hypothèques était le plus faible du secteur.

Nous venons d’entendre l’Association des banquiers canadiens, et je leur ai demandé ce qui advenait de leurs provisions pour créances douteuses, car si les taux d’intérêt restent élevés, l’année prochaine et l’année suivante, un nombre de plus en plus important de propriétaires ressentiront le stress de cette augmentation des taux.

Que montrent vos provisions pour créances douteuses? Les états financiers des coopératives de crédit doivent faire l’objet de vérifications. Que montrent au juste vos provisions?

Les médias rapportent que les banques accroissent leurs provisions pour créances douteuses, et l’Association des banquiers canadiens, ici présente ce matin, a déclaré qu’une partie de cette augmentation était attribuable aux perspectives relatives aux prêts hypothécaires. Observez-vous la même chose du côté des coopératives de crédit? Je sais que les coopératives se portent bien en ce moment, mais je m’intéresse à ce qui se passera dans trois ou quatre ans.

M. Hatch : Je vous remercie de la question, sénatrice. Cela va varier d’une institution à l’autre, et sans doute d’une province à l’autre. Il est certainement possible que ce taux de défaut de paiement augmente légèrement au cours des prochaines années. Bien sûr, les gens sont aux prises avec des taux d’intérêt plus élevés, mais le fait de devoir payer plus pour son hypothèque mensuelle n’est pas nécessairement synonyme de prêt en souffrance ou de défaut de paiement. Le taux de défaut de paiement restera très bas. Il pourrait certes augmenter dans les années à venir, et les coopératives financières mettent de côté un peu plus de capital en prévision de cela, mais le taux restera très bas.

La sénatrice Marshall : Est-il possible d’obtenir ces chiffres? L’Association des banquiers canadiens a laissé entendre qu’elle avait accès à ces chiffres. J’aimerais bien connaître ces chiffres et les comparer. Vos prêts en souffrance sont inférieurs à 1 % et vous avez le taux de défaut de paiement le plus bas. Toutefois, j’aimerais voir quelles sont les perspectives. Une déferlante nous attend si les taux restent élevés, et j’aimerais avoir une idée de son ampleur.

M. Hatch : Je comprends, sénatrice. Nous ne recueillons pas ce genre de données. Nous recueillons certaines données auprès de nos membres. Je pourrais voir si c’est possible et transmettre l’information au comité. Je n’ai malheureusement pas l’information avec moi pour l’instant.

La sénatrice Marshall : J’aimerais avoir l’information, si vous pouvez l’obtenir. Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Gignac : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Hatch. Mes collègues et la présidente trouveront probablement que vous avez la tâche beaucoup plus facile avec moi que les témoins précédents, mais je connais votre modèle d’affaires puisque j’ai commencé ma carrière au Mouvement Desjardins. Vous vous concentrez davantage sur les membres que sur les profits.

Vous êtes assujettis à la réglementation provinciale, alors ma question est la suivante : depuis le 20 octobre, il y a une augmentation du capital requis pour les institutions qui ont davantage de capital pour les prêts hypothécaires dont les paiements ne couvrent pas les intérêts. On parle donc essentiellement de taux variable, de revenu fixe. Votre province suit-elle la réglementation du Bureau du surintendant des institutions financières? Cela s’applique-t-il à vous?

M. Hatch : Je vous remercie de la question, sénateur. Il n’y a pas de réponse unique à cette question. Souvent, les organismes de réglementation provinciaux suivent l’exemple du Bureau du surintendant des institutions financières, du BSIF, mais pas nécessairement de façon automatique. Au fil des ans, nous avons souvent constaté que les règles sur le capital ou d’autres éléments qui émanent du BSIF ne sont pas nécessairement repris à la lettre par les organismes de réglementation provinciaux. Ces organismes sont, bien entendu, des entités souveraines. Ils réglementent nos membres comme ils l’entendent et comme il convient sur leurs territoires respectifs, qu’il s’agisse de l’Alberta, de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve ou d’une autre province. Les approches diffèrent grandement au pays, et c’est l’une des grandes qualités du Canada. Nous n’avons pas une seule économie nationale. Nous avons une série d’économies provinciales ou régionales, et il est bon dans ce cas d’avoir une réglementation souple et plus ciblée que ce qui vient d’un organisme national.

Le sénateur Gignac : Je suis curieux de savoir si vous connaissez le pourcentage de vos prêts hypothécaires ayant un amortissement négatif. Les trois grandes banques ont déclaré publiquement qu’environ 20 % de leurs prêts hypothécaires avaient un amortissement négatif actuellement. Disposez-vous d’un tel chiffre? Est-il beaucoup plus petit que cela? Êtes-vous à l’aise de divulguer ce chiffre?

M. Hatch : Je n’ai pas ce chiffre, sénateur. Je suis désolé, mais je n’ai pas l’information.

Le sénateur Gignac : Pourriez-vous nous faire suivre l’information à ce sujet, s’il vous plaît?

M. Hatch : C’est possible. Je prends des notes. J’ajouterai cela à ma liste d’éléments à vérifier et je vous ferai suivre l’information. Toutefois, nous n’avons pas la même fonction de collecte de données dans notre organisation que l’Association des banquiers canadiens a sans doute auprès de ses membres, mais nous pouvons vérifier.

Le sénateur Gignac : Ma dernière question sera différente et beaucoup moins générale, si on veut. L’amortissement maximal des prêts hypothécaires assurés par la SCHL est de 25 ans. En France, c’est 40 ou 50 ans; au Japon, 60 ans; dans les pays scandinaves, 70 ans. Bien sûr, il vaut mieux le rembourser plus tôt que d’avoir une longue période d’amortissement, mais dans la situation actuelle, recommandez-vous que la SCHL allonge la durée, la porte à plus de 25 ans? Cette règle s’applique depuis 10 ans. Êtes-vous prêts à appuyer une telle recommandation, soit d’augmenter la période d’amortissement?

M. Hatch : Non, nous ne sommes pas prêts à appuyer une telle recommandation. Cela ne veut pas dire que nous sommes contre, sénateur. C’est une question dont nous sommes conscients, et nous savons que divers groupes du secteur du financement à l’habitation ont plaidé en faveur d’un retour à des périodes d’amortissement plus longues. Ce n’est pas une question sur laquelle notre secteur s’est penché.

D’une manière générale, nous n’aimons pas accabler nos membres de dettes qu’ils ne peuvent pas rembourser, bien sûr, ni de dettes qui durent des dizaines d’années de plus que nécessaire.

Il existe une grande variété de points de vue et d’approches dans le secteur à ce sujet, et ce n’est pas une question sur laquelle notre organisation s’est penchée officiellement, parce que nous avons d’autres priorités stratégiques plus pressantes que nous défendons auprès du gouvernement fédéral dans le cadre de la révision de la Loi sur les banques et d’autres processus.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie encore une fois de votre témoignage, monsieur Hatch.

Comme il est nécessaire d’avoir divers fournisseurs dans le système bancaire pour aider les futurs propriétaires et les propriétaires actuels à accéder à différentes méthodes d’évaluation de leur solvabilité et aux types de produits qui pourraient mieux leur convenir, et comme nous entrons dans l’ère numérique, quel est l’un des défis que devront relever les coopératives financières pour passer à l’ère numérique? La taille et l’importance de nombreuses coopératives financières peuvent les obliger à travailler ensemble pour fournir ces services de pointe et évaluer le crédit différemment, de sorte qu’une personne puisse se qualifier pour un prêt hypothécaire dans une coopérative financière, alors qu’elle ne le pourrait pas dans une banque où son crédit pourrait être évalué uniquement à l’aide de sa cote de crédit. L’utilisation plus créative des données offre de nombreuses possibilités, mais cela nécessitera également des investissements dans les petites coopératives financières.

Au Canada atlantique, nous avons vu des coopératives financières se regrouper au sein de League Data, et je pense que 45 coopératives financières environ travaillent ensemble pour faire vraiment progresser leurs systèmes. Considérez-vous qu’il s’agit là d’un modèle important pour l’avenir, et que le gouvernement fédéral devrait l’examiner pour s’assurer qu’il est mis en œuvre dans tout le pays pour aider les communautés desservies par les coopératives financières qui ne sont pas desservies par les banques et d’autres produits? Je vous remercie.

M. Hatch : La réponse courte est oui. Vous avez soulevé de nombreux points dans cette question. Il est essentiel pour tous les acteurs du secteur financier d’investir dans la technologie. L’échelle est importante à cet égard, et nous avons une liste relativement longue de membres relativement petits dans le secteur des coopératives financières au Canada. Cependant, la consolidation est une réalité dans notre secteur depuis bien plus longtemps que je suis là, depuis des décennies. Il y avait autrefois quelques milliers de coopératives financières au Canada. Si vous remontez 40 ou 50 ans en arrière, il y en avait plusieurs milliers. Aujourd’hui, il y en a moins de 200, et ce n’est pas parce que toutes ces institutions ont nécessairement disparu. Pendant cette période, l’actif du secteur a, bien sûr, augmenté année après année et dépasse maintenant plus d’un demi-billion de dollars, mais il se concentre dans un nombre de plus en plus petit d’institutions parce que la consolidation est une réalité.

Vous avez mentionné le Canada atlantique. Ils ont — je ne devrais pas dire « ils », je devrais dire « nous », car je suis Terre-Neuvien — un modèle légèrement différent au Canada atlantique. Il y a plus de 40 coopératives financières dans la région atlantique, et elles procèdent à beaucoup d’investissements technologiques en commun par l’intermédiaire de la coopérative de technologies financières dont vous avez parlé et de la plate-forme bancaire commune au Canada atlantique, de sorte qu’il y a une certaine coopération dans la région qui permet d’atteindre l’échelle requise pour les investissements technologiques et les éléments de ce genre. Cependant, le marché étant ce qu’il est aujourd’hui, ces investissements technologiques continueront d’être nécessaires et seront de plus en plus coûteux.

L’autre réalité qui pousse à la consolidation est la réglementation. Dans les services financiers, elle ne va que dans un seul sens. Le fardeau réglementaire ne va qu’en augmentant, ce qui pousse à la consolidation parce qu’à un certain moment, si vous êtes une institution de taille relativement petite, vous ne serez plus en mesure de répondre aux exigences. Ce sont là les deux grands éléments moteurs de la consolidation, et nous nous attendons à ce que cela se poursuive dans les années à venir.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie.

La présidente : Ce dernier point est l’un de ceux dont on entend parler encore et encore, à savoir que les gens n’ont pas les moyens d’assumer la réglementation. Nous sommes heureux d’avoir entendu votre point de vue, monsieur Hatch. Michael Hatch est vice-président, Relations gouvernementales, Association canadienne des coopératives financières. Je sais que votre collègue Mme Skinner, première dirigeante de la First West Credit Union, ne pouvait pas être présente aujourd’hui, mais qu’elle nous fera parvenir son mémoire. Elle n’a pas pu venir en raison des changements apportés à notre horaire. Nous vous remercions de votre flexibilité et de votre contribution au débat aujourd’hui.

Je remercie tous les sénateurs et je vous remercie aussi, monsieur Hatch. C’est tout pour aujourd’hui. Merci.

(La séance est levée.)

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