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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 23 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 11 h 29 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier des questions concernant les banques et le commerce en général.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à toutes les personnes présentes dans la salle et en ligne. Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin et je suis la présidente du comité.

Voici les membres du comité qui sont présents aujourd’hui : le sénateur Loffreda, la sénatrice Bellemare, le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Gignac, la sénatrice Marshall, la sénatrice Miville-Dechêne, la sénatrice Petten, la sénatrice Ringuette et le sénateur Yussuff. Bienvenue à tous.

Un tout nouveau sénateur, le sénateur Cuzner, nous rend visite aujourd’hui à titre d’observateur, à moins qu’il souhaite prendre le micro pour poser une question. Je vous souhaite la bienvenue.

Nous poursuivons aujourd’hui notre discussion sur l’abordabilité du logement. Nous avons le plaisir d’accueillir l’honorable Sean Fraser, ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités. Nous recevons également M. Bob Dugan, économiste en chef à la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL. Bienvenue à tous les deux. Merci de votre présence.

Nous allons d’abord écouter votre déclaration préliminaire, monsieur le ministre.

L’hon. Sean Fraser, c.p., député, ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités : Merci, madame la présidente.

Avant de commencer, permettez-moi de dire deux choses. Tout d’abord, un vote aura lieu à la Chambre des communes pendant la séance d’aujourd’hui. Heureusement, je pourrai voter à distance. L’interruption ne durera qu’une ou deux minutes. Si nous devons prolonger la séance pour compenser, j’en serai plus que ravi.

Ensuite, je félicite le sénateur Cuzner pour sa récente nomination. C’est quelqu’un qui m’a consacré beaucoup de temps quand j’étais un nouveau député. Je suis très heureux de constater qu’il reste sur la Colline du Parlement pour nous aider à croître en sagesse en tant que parlementaires.

Merci de me donner l’occasion de parler d’un sujet qui est d’une très grande importance non seulement pour l’économie canadienne, mais aussi, et surtout, pour les personnes qui en font partie dans l’ensemble du pays.

Nous traversons une crise nationale du logement et nous devons construire davantage de logements. Nous devons en construire par millions si nous voulons rétablir l’abordabilité qui existait au Canada il y a à peine 20 ans.

L’une des choses que je trouve encourageantes, c’est que nous pouvons résoudre les problèmes devant nous, à mon avis. Il faudra du temps et des investissements, mais en fin de compte, je pense qu’il est possible de les résoudre.

Je trouve qu’en tant que membres de la société, nous compliquons parfois les problèmes parce qu’ils sont importants. C’est un gros problème, mais heureusement, les solutions sont claires et ne semblent pas si compliquées. Derrière chaque grand problème se cache une série de petits problèmes. Si nous parvenons à trouver des solutions à ces petits problèmes, nous pourrons résoudre le grand problème.

Si nous voulons vaincre la crise du logement, le premier défi que nous devons relever consiste à faire en sorte que les chiffres fonctionnent pour les personnes qui vont construire les logements, à la fois sur le marché et en dehors du marché. Nous faisons face à une augmentation des coûts. Le coût des matériaux, des produits, de la main-d’œuvre et des terrains de même que les taux d’intérêt ont augmenté. Si nous voulons que les gens construisent des logements au rythme voulu, nous devons réduire les coûts de construction.

Nous avons proposé des mesures, notamment une exonération de la TPS s’appliquant aux nouveaux appartements destinés à la location. Nous avons des programmes de financement à faible coût et d’autres mesures que nous pouvons mettre en œuvre pour réduire les coûts pour les constructeurs afin de les inciter à construire à un rythme plus rapide.

Le deuxième défi que nous devons relever est lié à 30 ans de décisions gouvernementales — je devrais dire de décisions de gouvernements libéraux et conservateurs — contre les investissements dans le logement social et abordable dans l’ensemble du Canada. Nous en payons le prix aujourd’hui.

Heureusement, en 2017, en adoptant la Stratégie nationale sur le logement, le gouvernement fédéral s’est remis à investir dans le logement abordable. Vous aurez probablement constaté que dans l’Énoncé économique de l’automne, le gouvernement a annoncé un financement supplémentaire de 1 milliard de dollars destinés au Fonds pour le logement abordable. Ainsi, il continue à investir dans le logement pour les familles à faible revenu — qui, comme n’importe qui d’autre au pays, méritent d’avoir un toit au-dessus de leur tête.

Le troisième défi que nous devons relever consiste à changer la façon dont les villes autorisent — ou, dans de nombreux cas, n’autorisent pas — la construction de logements. Des municipalités nous posent problème. Je dois dire que bon nombre d’entre elles sont des cheffes de file en matière de construction de logements au Canada. Cependant, dans d’autres collectivités, on rend littéralement illégale la construction de certains types de logements qui permettrait pourtant à des personnes de se loger.

En général, cela se fait par des pratiques de zonage. Partout au Canada, on observe des pratiques de zonage restrictives qui font en sorte qu’il est très difficile de construire de petits immeubles à logements, par exemple. Nous constatons qu’il y a un manque d’attention, étant donné qu’il est nécessaire d’accroître la densité à proximité des services dont les gens ont besoin, des infrastructures qu’ils utilisent et des possibilités économiques qu’ils souhaitent saisir.

Le Fonds pour accélérer la construction de logements est une réponse à ce problème. Nous avons débloqué des fonds fédéraux pour inciter les municipalités à réduire les formalités administratives, à être plus ambitieuses, à accélérer les processus d’autorisation et à procéder différemment sur le plan du zonage afin que nous puissions faire de la place aux personnes qui vivent dans nos collectivités et à celles qui viendront s’y installer afin de stimuler l’économie pour la prochaine génération.

Si nous résolvons tous ces problèmes, nous nous heurterons toujours à l’obstacle que constitue la capacité de production de la main-d’œuvre canadienne. Nous produisons des logements à un rythme presque record. Dans les années 1970, il y a eu quelques années pendant lesquelles le rythme de la construction dépassait celui d’aujourd’hui. Cependant, récemment, nous avons atteint, ou presque, le meilleur taux de production de logements que nous ayons connu.

Nous devons cependant battre le record historique si nous voulons résoudre la crise du logement. Nous pouvons y parvenir de différentes manières.

Nous pouvons travailler avec les syndicats pour trouver des possibilités de formation et de développement des compétences afin de créer les compétences dont nous avons besoin au pays. En outre, nous pouvons travailler avec des employeurs du secteur privé pour déterminer quels programmes nous pourrions mettre en place pour favoriser le développement des compétences dont nous avons besoin.

Nous pouvons recourir à des programmes d’immigration ciblés pour faire venir des gens de partout au monde qui savent construire des habitations et qui veulent s’installer au Canada.

Nous devons favoriser la construction d’un plus grand nombre de logements en usine. Des technologies émergentes me donnent beaucoup d’espoir — dans la construction de logements modulaires, la construction par panneaux, l’impression en 3D et le bois massif — et nous permettront d’augmenter considérablement la production de logements, mais nous devons créer des conditions dans lesquelles les investisseurs décideront de faire les investissements nécessaires.

Il y a d’autres défis que nous devons relever : aider les jeunes à entrer sur le marché, aider les personnes qui sont déjà sur le marché à faire face à la hausse des coûts hypothécaires et continuer à soutenir les collectivités dans lesquelles des gens n’ont pas de logement du tout.

Madame la présidente, je vois que mon temps est écoulé, mais je voulais vous dire que je crois qu’il existe des solutions à chacun des problèmes que j’ai mentionnés. Je crois que si tous les ordres de gouvernement travaillent ensemble, de même qu’avec le secteur privé et les organismes sans but lucratif, nous pourrons mettre fin à la crise nationale du logement au Canada. Merci.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous vous remercions de vos observations préliminaires. Bien entendu, mes collègues examineront les choses en profondeur.

Permettez-moi de vous poser une question d’emblée. Le mois dernier, vous avez dit que vous cherchiez non seulement à augmenter l’offre de logements, mais aussi à prendre des mesures pour freiner la demande de logements.

Parmi ces mesures, y en a-t-il qui figurent dans ce document, ou s’agit-il d’un dossier distinct?

M. Fraser : Lorsque vous dites « ce document », parlez-vous de l’Énoncé économique de l’automne?

La présidente : Oui.

M. Fraser : Oui, bien sûr. Les mesures qui figurent dans l’Énoncé économique de l’automne concernent surtout la demande. Bien qu’aucune stratégie précise n’y ait été définie, certaines mesures sont passées sous le radar. Le ministre Miller cherche à établir un modèle de partenariat de confiance avec les établissements d’enseignement supérieur qui ont recours au Programme des étudiants étrangers. Afin d’obtenir un accès privilégié quant au traitement des demandes de permis d’études, les universités et les collèges qui bénéficient du programme devront investir dans l’offre de logements, entre autres, ce qui les rendra admissibles au programme.

La présidente : Y a-t-il quelque chose en particulier sur les chiffres liés à l’immigration?

M. Fraser : L’Énoncé économique de l’automne ne contient rien à cet égard. Je dois dire que les chiffres relatifs à la résidence permanente ne constituent pas un problème, à mon avis. Nous avons des défis à relever en raison de l’augmentation importante du nombre de personnes qui arrivent dans le cadre de nos programmes temporaires, ce qui est déterminé par la demande et non par les niveaux que le gouvernement fédéral a établis.

La présidente : Nous y reviendrons plus tard. Nous passons maintenant à notre vice-président, le sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Merci de votre présence, monsieur le ministre. Bienvenue à notre comité. Jon Love, de KingSett Capital, un spécialiste de l’immobilier très respecté, a dit ce qui suit à notre comité :

Je pense qu’il faut trois choses pour avoir ces logements abordables. Premièrement, les différentes municipalités doivent renoncer aux droits d’aménagement dans leurs programmes, ou elles doivent les diminuer. Deuxièmement, l’initiative Financement de la construction de logements locatifs de la SCHL, qui est un programme très bien conçu [...]

Il s’est penché sur le mandat de la SCHL, sur son élargissement pour améliorer la situation du logement abordable. Troisièmement, on a besoin de main-d’œuvre.

Qu’avez-vous à dire à ce sujet? Quelles sont vos réflexions? Comment le gouvernement entend-il résoudre les dilemmes ou relever les défis?

M. Fraser : Merci beaucoup. L’évaluation que vous venez de faire me convient tout à fait. J’ai l’impression que c’est quelqu’un avec qui je devrais avoir une conversation téléphonique. Il y a d’autres défis que j’ajouterais à la liste, mais je pense que c’est un bon point de départ.

Les droits d’aménagement varient d’un endroit à l’autre au Canada, mais ils font augmenter le coût de la construction. Dans certaines collectivités, on les utilise très efficacement pour mettre en place l’infrastructure nécessaire à la réalisation de projets de construction de logements. J’ai constaté des problèmes dans d’autres régions du Canada où il y a eu des hausses spectaculaires. Je pense qu’elles vont nuire à la construction de logements et qu’elles risquent d’annihiler une partie des progrès qui seront réalisés grâce à la mesure relative à la TPS que nous avons mise en place — en particulier, pour les logements locatifs.

Les droits d’aménagement sont un élément de nos pratiques exemplaires dans le cadre du Fonds pour accélérer la construction de logements et nous avons certaines recommandations sur la façon dont les collectivités peuvent procéder. Nous nous penchons actuellement sur les moyens de lier des conditions à d’autres transferts fédéraux pour différents endroits — y compris, en particulier, concernant le Fonds pour le développement des collectivités du Canada. Il s’agira de déterminer si les collectivités devraient bénéficier de programmes fédéraux si elles augmentent aussi considérablement les droits d’aménagement d’une manière qui nuira à la construction de logements, ce que nous devons éviter.

Deuxièmement, les programmes de financement de la SCHL sont bien compris par l’industrie et nous offrent une occasion unique d’intensifier considérablement la construction de logements, en particulier dans un contexte de taux d’intérêt élevés. La semaine dernière, nous avons débloqué plus de 4 milliards de dollars de prêts à faible coût qui seront remboursés au gouvernement fédéral. En échange, les promoteurs s’engageraient à offrir des appartements qui sont conçus pour être loués à un prix égal ou inférieur à celui que le marché pourrait supporter. En faisant baisser le coût des loyers en échange d’un financement à faible coût dans un environnement à coût élevé, nous pouvons accélérer le rythme de la construction partout au Canada.

Troisièmement, pour ce qui est de votre préoccupation au sujet de la main-d’œuvre... La situation deviendra rapidement un obstacle. Si nous disposons d’un cadre politique parfait d’un point de vue financier, qu’il s’agisse des mesures d’aide pour des logements sans but lucratif ou des logements du marché, nous atteindrons la limite sur le plan de la capacité de production. La formation jouera un rôle important. L’immigration a un rôle à jouer. Cependant, nous devons investir dans l’innovation.

Nous sommes en train d’examiner différentes options pour rassurer les personnes qui feront ces investissements afin qu’elles ne craignent pas de faire faillite après avoir investi massivement parce que l’immobilier connaît un cycle d’expansion et de ralentissement. Nous avons déjà soutenu certains projets. Landmark Homes, dans l’Ouest du Canada, offre une possibilité. Il y a des projets intéressants dans le secteur privé, y compris dans ma propre circonscription, qui permettront une très forte expansion dans les maisons préfabriquées en usine au pays. Si nous pouvons utiliser l’innovation pour accroître la productivité tout en continuant à favoriser le développement des compétences et l’immigration dans la mesure nécessaire, nous pourrons éliminer cet obstacle à la construction.

La présidente : Merci.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Bienvenue, monsieur le ministre. C’est un plaisir de vous avoir parmi nous.

En ce qui concerne la situation du logement, comme vous l’avez bien dit, on fait face à une crise. Ce n’est pas une crise comme celle de la COVID-19 qui peut se résorber grâce à un vaccin. C’est vraiment un problème qui demande plusieurs types de solutions. Vous les avez nommées et je pense que tous les gens qui sont venus témoigner devant ce comité pour nous parler de l’abordabilité du logement ont tous parlé d’une même voix des problèmes de main-d’œuvre, des problèmes financiers, etc.

Ma question principale est la suivante : comment va-t-on mettre en place les mesures qui sont souhaitables? Ce n’est pas à partir d’en haut qu’on peut mettre en œuvre un programme qui permettra de trouver des solutions à tous les problèmes, partout au Canada.

Comme certains nous l’ont proposé, je pense qu’il est temps — et je voudrais connaître votre avis là-dessus — de créer un comité consultatif permanent du logement, où il y aurait des représentants des provinces, du gouvernement fédéral, du monde du travail et des entreprises pour essayer de trouver des solutions à chacun de ces problèmes et, surtout, de les mettre en place. La mise en place de solutions est aussi un problème.

Croyez-vous être en mesure de prendre l’initiative de créer un tel comité? Qui a la possibilité de faire cela avec tous les acteurs?

M. Fraser : Merci pour la question.

Selon moi, c’est possible de créer un comité pour ces raisons, mais je crois qu’il est préférable d’établir d’autres organisations pour lutter contre chacun des problèmes. Par exemple, il ne serait pas approprié d’inclure chaque personne pour déterminer la solution pour chacun des problèmes.

Pour ce qui est de l’enjeu lié à la capacité productive de l’économie, il est important de faire intervenir des personnes ayant des compétences en matière de construction de logements. En ce qui concerne les solutions au financement, il est important d’inclure des personnes qui s’occupent de l’octroi de prêts pour la construction de logements. Il faut aussi penser aux personnes qui vont utiliser ces programmes.

[Traduction]

Plutôt que d’avoir un seul organisme chargé de trouver des solutions et de les mettre en œuvre, la voie à suivre est d’établir différentes tables qui sont conçues pour lutter contre les différents problèmes auxquels nous sommes confrontés. Si nous sommes en mesure de mobiliser les gens de manière ciblée, ce sera très utile.

[Français]

À mon avis, il est aussi très important d’inclure les autres ordres de gouvernement, parce que le gouvernement fédéral a la capacité d’utiliser le financement des réglementations fédérales. Toutefois, il est impossible pour le gouvernement fédéral de lutter contre la crise nationale du logement sans la participation des provinces et des municipalités.

Si nous travaillons ensemble et utilisons une telle structure avec les voix essentielles pour trouver une solution à chacun des problèmes, je pense que c’est une bonne idée.

La sénatrice Bellemare : La création d’une table permanente peut représenter une solution pour régler des problèmes à long terme, surtout pour les questions relatives à la main-d’œuvre qui concernent les provinces, le monde du travail et les entreprises.

Merci.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Je vous remercie de votre présence, monsieur le ministre.

Je ne souhaite pas parler de choses théoriques. En écoutant votre déclaration préliminaire, j’ai eu l’impression que vous aviez un plan en tête. J’aimerais en savoir plus sur votre plan, sur la manière dont vous allez l’exécuter et sur les résultats. Ce n’est pas qu’une question d’argent. Il y a beaucoup d’argent — des milliards de dollars —, mais vous avez mentionné d’autres problèmes comme celui de la main-d’œuvre. Il y a des problèmes qui concernent les municipalités et les provinces, et cetera.

J’aimerais savoir comment vous allez mettre votre plan en œuvre. En fin de compte, l’un des problèmes que me pose la situation actuelle concernant le logement, c’est que l’on ne voit pas vraiment le produit final — le nombre de logements qui vont être construits.

Une fois qu’on a dépensé des milliards de dollars, les gens aimeraient pouvoir voir les centaines de milliers de logements qui, d’après ce que vous dites, vont être construits. J’aimerais que vous nous expliquiez votre plan et la manière dont vous allez le mettre en œuvre. En cours de route, allez-vous montrer aux Canadiens que votre plan a fonctionné ou qu’il fonctionne? Pourriez-vous nous parler de votre plan?

M. Fraser : Bien sûr. Je l’ai déjà dit en public, mais c’est peut-être la première fois que vous l’entendez ici. Nous travaillons à l’élaboration d’un plan global qui comprendra une série de mesures fédérales destinées à résoudre la crise nationale du logement. Inévitablement, d’autres ordres de gouvernement mettront des mesures en place.

En ce qui a trait à la mise en œuvre, nous devons comprendre que le gouvernement fédéral ne construira pas les logements en question.

La sénatrice Marshall : Je le sais. « Série », c’est un bon terme — « série de mesures ».

M. Fraser : C’est exact. Nous nous appuierons sur des promoteurs du secteur privé — et des acteurs du secteur sans but lucratif dans la sphère non marchande, en particulier —, qui construiront ces choses de sorte que nous puissions mettre en place les politiques nécessaires pour les soutenir.

Je ne vais pas attendre la date magique à laquelle toutes les mesures seront prêtes pour les rendre publiques. C’est pourquoi, au cours des derniers mois, nous avons annoncé de façon régulière de nouvelles politiques dès qu’elles étaient prêtes. L’exonération de la TPS en est un bon exemple. Lorsque cette politique a été définie en septembre, nous l’avons annoncée. Lorsque le Fonds pour accélérer la construction de logements est prêt à être déployé, nous le faisons ville par ville, aussi rapidement que possible. Il en va de même pour certaines des nouvelles mesures qui ont été présentées hier, dans l’Énoncé économique de l’automne. Au fur et à mesure que des politiques seront intégrées au plan global final, nous les rendrons publiques une par une, car nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre une occasion magique pour les communiquer. Nous devons agir.

Pour ce qui est des résultats, de faire en sorte que les gens puissent voir les logements qui seront construits, sur le plan individuel, cela se règle lorsqu’on obtient un logement. Je crois qu’il y a certaines mesures que nous pouvons utiliser pour définir le succès.

À l’heure actuelle, l’un des problèmes qui se posent, à mon avis, touche les locataires. S’ils doivent changer de logement aujourd’hui parce que leur loyer a augmenté ou parce que quelque chose d’autre s’est produit, il leur est très difficile de trouver un autre logement dans la collectivité où ils vivent au même prix que celui qu’ils payaient auparavant. Beaucoup de gens au Canada ont des loyers à payer qu’ils peuvent se permettre présentement, mais les logements offerts sur le marché sont en grande partie inabordables pour une majorité de personnes. Je crois que j’aurai réussi à résoudre les problèmes liés à la location que nous connaissons si une personne peut quitter son logement pour un autre logement qui est offert au même prix que celui qu’elle paie. C’est à ce moment-là que nous pourrons dire que l’équilibre entre l’offre et la demande a été atteint.

En ce qui concerne l’accession à la propriété, si vous êtes un adulte qui travaille au Canada, vous devriez pouvoir acheter une propriété. C’est ma conviction. Enfin, si vous le souhaitez. Tout le monde ne veut pas acheter une maison. C’est correct. La location est un excellent choix pour beaucoup de gens et pour de nombreuses raisons. Je pense que nous pouvons faire davantage pour encourager les gens à envisager de vivre dans une communauté où ils sont locataires. J’ai été locataire pendant un bon bout de temps dans ma vie. C’était exactement ce dont j’avais besoin à ce moment-là. Aujourd’hui, mes conditions de logement sont différentes.

Il y a aussi une obligation morale. J’ai dit que si une personne a un emploi, elle devrait pouvoir s’offrir un logement. Si elle ne peut pas travailler, elle devrait aussi avoir un logement. Les gouvernements devraient collaborer pour qu’elle puisse en avoir un.

Dans un pays aussi riche que le Canada, il est très difficile d’accepter que des gens dorment sans toit. Ces problèmes peuvent être résolus. Je n’arrive pas à croire que certaines personnes aient du mal à comprendre que les gens qui vivent sans logement ne sont pas sans abri en raison de leurs origines, de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, ou parce qu’elles vivent dans la pauvreté. Ils le sont parce qu’il n’y a pas assez de logements abordables dans leur collectivité. Les gens ne choisissent pas l’itinérance. Je n’ai pas l’impression d’avoir résolu la crise nationale du logement si je me rends à un rendez-vous de travail dans une ville et que je vois des gens qui vivent dans la rue. Si nous parvenons à remédier à la situation, je pense que nous serons alors en mesure de dire que nous avons résolu la crise — c’est-à-dire si nous sommes également en mesure d’offrir des loyers abordables au prix que les gens paient actuellement, et si les personnes qui travaillent peuvent se permettre d’entrer sur le marché si c’est ce qui leur convient. Si ces trois choses se produisent, je serai heureux.

La présidente : Puisque nous avons dépassé le temps imparti, vous serez au début de la prochaine liste. Je demande à tout le monde d’être bref dans les préambules et les réponses. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue, monsieur le ministre.

Dans l’énoncé économique de cette semaine, on a dressé une liste de toutes les mesures qu’a adoptées le gouvernement fédéral. Je veux reconnaître et saluer les efforts de votre gouvernement pour tenter de venir à bout de la crise du logement.

Cela dit, cette crise provient d’un déséquilibre entre l’offre et la demande. Selon moi, l’éléphant dans la pièce, dont on ne parle pas assez, c’est aussi toute la révision à la hausse des seuils d’immigration. Je sais que c’est un sujet délicat. Soyons clairs : nous tous, ici, croyons que l’immigration est une source de création de richesse. Toutefois, il y a une forte accélération de l’immigration.

En fait, au cours des 12 derniers mois, la population active au Canada a augmenté de 850 000. Il s’agit d’un nombre record. Cela veut dire que pour chaque mise en chantier, environ quatre personnes s’ajoutent au marché du travail. Historiquement, c’est un ratio de deux pour un. Maintenant, on est rendu à un ratio de quatre pour un.

Êtes-vous d’accord pour dire qu’on ne peut pas accélérer les mises en chantier du jour au lendemain? Ne croyez-vous pas qu’il est temps de revoir temporairement les seuils d’immigration, pour deux ou trois ans, afin de donner une chance à l’offre de rejoindre la demande?

Par la suite, j’aurai une autre question. Merci.

M. Fraser : Avant de pouvoir vous donner une réponse, je dois aller voter à la Chambre des communes.

[Traduction]

Je ne veux pas être impoli.

La présidente : Allez-y, s’il vous plaît. Vous nous aviez prévenus. Nous allons arrêter le chronomètre.

[Français]

M. Fraser : Merci, sénateur, pour la question.

C’est très important de comprendre la nature du problème, si on veut trouver une solution qui fonctionne.

Selon moi, il est possible d’augmenter le nombre de logements partout au pays afin que le Canada puisse bénéficier des avantages liés à la croissance de la population et à la croissance économique. Vous avez soulevé un point clé.

Toutefois, je ne crois pas que le problème est lié aux seuils d’immigration, aux résidents permanents. C’est une décision que prend le gouvernement fédéral tous les ans, soit d’établir des seuils d’immigration.

À mon avis, il est important de continuer d’inclure des personnes ayant des compétences essentielles pour favoriser la croissance de notre économie et d’augmenter la capacité d’accueil afin d’assurer la réussite des personnes qui arrivent au Canada.

Les programmes d’immigration temporaire représentent un défi, parce que le gouvernement fédéral ne fixera pas de seuil pour ces programmes, en particulier ceux qui touchent les travailleurs étrangers et les étudiants internationaux. Je pense que nous avons des occasions de réformer ces programmes, mais je dois collaborer avec les autres ordres de gouvernement, les organisations et les employeurs qui utilisent ces programmes.

Aviez-vous une autre question?

Le sénateur Gignac : Depuis la Seconde Guerre mondiale, on n’a jamais vu un écart entre l’indice d’inflation, soit l’Indice des prix à la consommation, ou IPC, qui augmente de 3 % depuis un an, et le prix des loyers et l’indice de location qui augmente de 8 %. On n’a jamais vu un écart aussi grand depuis la Seconde Guerre mondiale. Environ 37 % des ménages canadiens sont locataires. Il y a une pénurie de logements.

Ne croyez-vous pas que vous devriez aussi regarder du côté de la main-d’œuvre temporaire? Ce sont des Canadiens ordinaires qui se trouvent à payer le prix actuellement, étant donné qu’on n’a pas la capacité d’absorber l’arrivée des travailleurs temporaires. Ils ne sont pas tous plombiers ou menuisiers, les gens qui viennent ici. Est-ce qu’il ne devrait pas y avoir des quotas?

[Traduction]

La présidente : Vous disposez d’une minute pour répondre.

M. Fraser : Pour accélérer un peu le débit, je vais m’exprimer en anglais si vous le permettez.

Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de limiter nos ambitions concernant le programme de résidence permanente. Un bon nombre de personnes — près de 40 % — qui sont déjà arrivées au Canada travaillent. La situation est complexe.

Par ailleurs, les programmes temporaires devraient, en effet, être réformés, mais le gouvernement fédéral ne contrôle pas le nombre d’immigrants. Par exemple, ce sont les gouvernements provinciaux qui sélectionnent les établissements dans le cadre du Programme des étudiants étrangers. Or, certains établissements exploitent indûment les programmes et les étudiants au détriment des étudiants qui viennent au Canada et de l’économie du pays. Il faut travailler avec les gouvernements provinciaux pour mettre un frein à ces pratiques.

Quant aux programmes des travailleurs temporaires étrangers, assurons-nous de ne pas inviter les employeurs à faire baisser les salaires au Canada et concentrons-nous sur les gens qui possèdent des compétences essentielles. Il faut mettre sur pied des programmes qui ciblent certaines personnes en vue de remédier aux problèmes sociaux au pays. Voilà une excellente occasion de réformer le système, mais contrairement aux niveaux d’immigration, le gouvernement fédéral ne peut pas agir seul dans le cas des programmes axés sur la demande.

La présidente : Excellent.

[Français]

Le sénateur Gignac : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Petten : L’Association canadienne des constructeurs d’habitations à Terre-Neuve-et-Labrador a indiqué que la ribambelle d’annonces de financement gouvernemental visant à stimuler la construction de logements abordables pendant la pénurie de logements a fait ralentir les progrès. Les constructeurs veulent en savoir plus sur les programmes avant de poursuivre leurs travaux. Le gouvernement fédéral a-t-il travaillé avec les gouvernements provinciaux? Malgré ces annonces d’envergure dans la province, les constructeurs préfèrent attendre.

M. Fraser : J’ai discuté de cet aspect avec le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador. Les programmes doivent être mieux coordonnés entre les ordres de gouvernement. Toutefois, je pense que la frustration causée par l’abordabilité des logements provient en partie du Fonds pour accélérer la construction de logements. Cette initiative qui s’inscrivait dans les réponses à la pandémie de COVID avait pour objet de bâtir rapidement des logements alors que nous étions aux prises avec un manque de capacités pour les projets immobiliers en chantier et avec des refuges où les gens devaient respecter les directives de distanciation. Il fallait augmenter rapidement le taux de construction. Le gouvernement fédéral injectait beaucoup d’argent dans des mesures de soutien sans avoir la chance de se coordonner avec les programmes provinciaux. Les deux ordres de gouvernement travaillaient donc sur les mêmes projets.

À l’avenir, j’aimerais beaucoup que nous coordonnions les projets fédéraux et provinciaux. Nous pourrions alors concentrer nos mesures de soutien respectives sur les mêmes initiatives et travailler stratégiquement pour déterminer les besoins les plus pressants et les mesures à prendre en conséquence.

Parmi les solutions aux difficultés des constructeurs — outre l’harmonisation des programmes gouvernementaux qui leur procureront un avantage certain —, soulignons les occasions uniques de mettre à l’échelle les programmes populaires au sein de l’industrie. Je pense au Programme de prêts pour la construction d’appartements, auparavant l’initiative Financement de la construction de logements locatifs, et au programme APH Select, que les joueurs de l’industrie ont bien assimilés. Les constructeurs comprennent et utilisent ces programmes.

La mise à l’échelle des programmes que l’industrie connaît et auxquels elle participe est un bon point de départ. Nous simplifions les programmes afin qu’ils soient utilisables pour une multitude de projets au moyen d’une approche axée sur le portefeuille et sur des partenaires de confiance. Par conséquent, les constructeurs n’ont pas à présenter une demande pour chacun de leurs projets. Par exemple, un partenaire de confiance qui projette de construire un pipeline pourrait proposer 10 projets au moyen d’une seule et même demande lorsque les circonstances s’y prêtent. Nous voulons aussi améliorer la coordination des programmes entre les ordres de gouvernement afin d’instaurer un guichet unique pour les constructeurs.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue, monsieur le ministre.

Peut-être qu’il y a un autre facteur sous-estimé dans la crise du logement, et je m’explique.

Il y a un an, Statistique Canada a indiqué que 29 % des ménages canadiens sont composés d’une seule personne. Depuis 2016, et pour la première fois dans l’histoire du pays, les ménages d’une seule personne sont les plus répandus au pays. C’est une réalité qui touche surtout les personnes âgées; 42 % des personnes âgées de 85 ans et plus sont seules.

Depuis 1981, la proportion des personnes de 35 à 44 ans qui vivent seules a aussi doublé. On parle de 5 % à 10 % et au Québec, 19 % des personnes vivent seules.

En 40 ans, le nombre de personnes qui vivent seules a augmenté de 158 %, ce qui représente une augmentation trois fois plus rapide que la croissance de la population en général.

Deux personnes qui vivent seules requièrent deux logements. Alors que deux personnes qui vivent ensemble ne requièrent qu’un seul logement, ce qui est facile à comprendre. Cela peut donc avoir une incidence sur l’offre.

Votre ministère a-t-il étudié l’impact de la vie en solo, qui est de plus en plus répandue, sur l’offre de logements? Existe-t-il des programmes qui pourraient favoriser les arrangements de vie commune dans une société où les enjeux de solitude et d’isolement social sont grands?

M. Fraser : Merci pour la question.

[Traduction]

Je vais laisser M. Dugan parler des études que la SCHL a consultées sur le sujet.

Je voudrais fournir un peu de contexte selon ma perspective. J’ai beaucoup réfléchi sur le sujet. Ma mère a grandi dans une famille de 10 enfants dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse, à l’instar de la plupart des familles catholiques dans la province.

La famille de mon collègue est un peu comme la mienne.

J’ai été élevé avec cinq frères et sœurs. J’ai deux enfants. Cette tendance s’observe partout au Canada. Il y a également une certaine diversité démographique. Certaines communautés de nouveaux arrivants ont souvent de grandes familles où tous vivent dans un seul logement.

L’ingénierie sociale est une dimension de la discussion sur le logement qui m’inquiète un peu. Il faut permettre aux gens de fonder une famille de la taille qu’ils souhaitent et laisser ensuite le marché répondre à leurs besoins. Si nous instaurons des mesures incitatives qui favorisent la construction rapide de logements, mais qui ne tiennent pas compte des modèles familiaux, le marché parviendra toujours à trouver des solutions bien avant le gouvernement.

À partir du moment où nous réduisons les taxes sur la construction d’habitations et que nous offrons des possibilités de financement à faible coût, le marché trouvera des solutions. Je n’ai pas la capacité — ni les données, bien honnêtement — de résoudre la crise à l’échelle locale. Nous pouvons obtenir des données nationales et provinciales de qualité, mais les marchés immobiliers se situent au niveau des localités. Il n’existe pas de marché immobilier national. Si nous proposons des instruments économiques et que nous encourageons la construction à grande échelle, nous stimulerons la mise en place de solutions.

M. Dugan pourrait peut-être donner des informations tirées des études.

Bob Dugan, économiste en chef (Société canadienne d’hypothèques et de logement) : À la SCHL, nous mettons sur pied des mesures pour répondre aux besoins impérieux en logement et nous essayons de dégager les types de ménages vulnérables, notamment les familles monoparentales, qui sont plus sujets ou nombreux que les autres à avoir des besoins impérieux en matière de logement.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je parlais des personnes qui vivent seules.

M. Dugan : Oui. Je vous donnais seulement un exemple. Nous essayons de repérer les incidences les plus élevées de besoins impérieux en logement afin de déterminer quelles sont les différentes populations vulnérables, mais aucune étude ne se penche sur des solutions pour les ménages composés d’une seule personne.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je pense à cet aspect parce que nous mentionnons toujours l’immigration parmi les facteurs, et c’est de toute évidence le cas, mais de plus en plus de gens vivent seuls. Ce mode de vie fait également partie des facteurs de la crise du logement, n’est-ce pas? Avez-vous étudié ce phénomène? Quelqu’un s’est-il déjà penché sur la question?

M. Dugan : Je comprends le point que vous soulevez. Lorsque deux personnes ont chacune leur logement au lieu de vivre dans le même, cela nécessite plus de logements. J’en suis pleinement conscient. Je ne sais pas quelle est la solution sur le plan de l’ingénierie sociale.

La présidente : Nous ne pouvons pas obliger les gens à vivre ensemble.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ce n’est pas ce que je voulais dire. Je parlais des facteurs sociaux qui font augmenter...

M. Fraser : Sénatrice, si je puis me permettre, je pense que cet aspect doit être approfondi. Les réalités dont les gens me font part lors de nos conversations me font prendre conscience de deux phénomènes.

Étant donné la prolongation de l’espérance de vie, un nombre croissant de personnes âgées survivent à leur partenaire. Cette situation est très difficile, particulièrement pour les personnes âgées à faible revenu. Sur le plan du logement, une solution serait de privilégier les programmes permettant la construction de logements destinés aux personnes âgées seules, ce qui libérerait des maisons unifamiliales. J’ajouterais que les coûts de construction des logements pour personnes âgées sont beaucoup moins élevés que ceux des maisons unifamiliales. Cet effet domino pourrait s’avérer très productif.

Un autre phénomène de société inquiétant concerne les jeunes adultes. Bon nombre d’entre eux m’ont dit qu’ils avaient renoncé à fonder une famille, à se marier ou à faire telle ou telle chose de leur vie parce qu’ils ont peur de ne pas pouvoir se payer un toit. Ces difficultés vont s’exacerber si nous ne réussissons pas à résoudre les problèmes d’abordabilité dus à l’accroissement du nombre de personnes vivant seules qui stimulent la demande. Voilà une question que les comités parlementaires pourraient étudier. Je lirais avec intérêt les conclusions formulées par n’importe quel comité parlementaire.

Le sénateur C. Deacon : Merci, monsieur le ministre, d’être des nôtres. Je suis ravi de voir le député de ma région au Comité sur les banques.

Vous avez parlé du besoin de changer nos méthodes de construction des logements. L’industrie de la construction est très conservatrice. Les entrepreneurs, constructeurs et les autres acteurs sont souvent réticents à adopter les nouvelles technologies et les nouvelles façons de faire.

Récemment, une entreprise du nom de JD Composites a retenu mon attention. Cette entreprise établie dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse bâtit des maisons avec des plastiques à usage unique au moyen du procédé utilisé pour la construction de navires. Les entreprises hésitent encore à emboîter le pas. Des changements devraient être apportés au code du bâtiment pour rassurer les consommateurs et les constructeurs.

Serait-il possible de mettre sur pied un programme? Pour établir la confiance, pourrait-on établir diverses garanties en mettant à l’essai les produits ou les procédés? L’entreprise bâtit une maison en trois jours. Les panneaux sont assemblés au moyen de fibre de verre. Le processus de fabrication est très rapide et les matériaux ne moisissent pas. Malgré la foule d’avantages, les entreprises hésitent à se lancer.

Avez-vous réfléchi à cet obstacle que constitue la réticence des consommateurs et des constructeurs face aux nouveaux produits? Merci.

M. Fraser : J’y ai pensé. En fait, c’est une des possibilités les plus intéressantes. Comme je l’ai dit lors de ma déclaration liminaire, le problème ne se résoudra pas si nous continuons à bâtir des maisons une à la fois.

Dans les dernières années, des innovations étonnantes ont vu le jour dans l’industrie de la construction d’habitations. Toutefois, fondamentalement, ce secteur a très peu changé depuis un siècle. On ne construit plus les automobiles comme on le faisait il y a un siècle. Les constructeurs souligneraient à juste titre qu’il en va de même pour la construction d’habitations. Par contre, le secteur n’a vu apparaître aucune solution novatrice qui permettrait de construire des maisons sur des chaînes de montage exploitées par des travailleurs bien rémunérés. Nous devons susciter la confiance des investisseurs, des consommateurs et des personnes qui poursuivront une carrière dans ce domaine qui est viable.

J’ai pensé à un certain nombre de choses réalisables.

Premièrement, nous devrions constamment surveiller les occasions de revoir le code du bâtiment. Même si ce n’est pas obligatoire, les provinces tendent à adopter le Code national du bâtiment. Nous pouvons collaborer avec elles pour le rendre exécutoire.

Deuxièmement, nous pouvons travailler avec les organismes tels que l’Association canadienne des normes pour démontrer la viabilité et la sécurité des solutions de même que prouver que ces dernières ont été testées et qu’aucune grande préoccupation n’a été soulevée concernant la responsabilité.

Troisièmement, il faut essayer de nouvelles initiatives soutenues par le gouvernement fédéral. J’examine différentes options en ce moment. Je vais d’ailleurs discuter avec mes collègues au gouvernement pour déterminer quelle serait la meilleure voie à suivre.

Nous soutenons l’innovation dans tous les secteurs. Nous avons mis sur pied une stratégie sur l’économie des océans en Nouvelle-Écosse. Nous pourrions tout aussi bien développer une stratégie pour la construction de logements.

Une des choses sur lesquelles nous devrions nous pencher est la manière de maximiser les capacités des Agences de développement régional, qui savent où les mises à l’échelle pourraient s’effectuer dans leur marché.

Certains suggéreront d’instaurer des crédits d’impôt à l’investissement, ou peut-être une mesure tirée du Fonds stratégique pour l’innovation, mais étant donné la nature locale et régionale des marchés immobiliers et les connaissances que possèdent les organismes gouvernementaux locaux sur les joueurs de l’industrie à mobiliser si nous voulons faire une mise à l’échelle rapidement, je pense que les Agences de développement régionales peuvent grandement contribuer à repérer les occasions d’affaires évolutives qui créeront de la richesse et résoudront par le fait même un vaste problème social.

Le sénateur C. Deacon : Merci.

Le sénateur Yussuff : Monsieur le ministre, monsieur Dugan, merci d’être des nôtres.

Les difficultés dans le marché de l’immobilier sont multidimensionnelles. Je vais essayer de me concentrer sur l’abordabilité, sur l’itinérance et sur un des éléments — si je ne m’abuse — de l’énoncé économique de l’automne, c’est-à-dire le logement coopératif.

Au cours de l’histoire, le logement coopératif a grandement contribué à l’accès au logement grâce à un climat de collaboration. Les communautés tenaient les rênes, tandis que les syndicats investissaient des fonds et la Société canadienne d’hypothèques et de logement assurait les arrières. On dirait que nous avons tout fait pour tuer le mouvement du logement coopératif, mais que nous essayons de le réanimer.

Ensuite, je voudrais mentionner que — même si c’est toujours intéressant de parler du logement — dans la grande ville où je vis, deux immeubles ont poussé à quelques pas de chez moi. Le prix moyen d’un appartement à une chambre est de 3 000 $ dans ces immeubles. Qui à Toronto a les moyens de vivre dans un appartement à une chambre de ce prix-là?

C’est un véritable problème. De nombreux jeunes adultes à faible revenu ont du mal à arriver. Pourriez-vous parler de ce que vous faites pour aider ces familles? Comment pourrions-nous raviver certains aspects de la tradition liée au logement coopératif que nous avions au Canada? Comment faire avancer les choses dans un climat de collaboration?

Mon dernier point concerne la main-d’œuvre. Pendant que M. Fraser était ministre de l’Immigration, j’ai essayé de mettre en place des voies d’accès à la résidence permanente pour les personnes qui souhaitent travailler dans le secteur de la construction pour contribuer à bâtir des maisons plus vite et accélérer les choses dans le secteur. Comment continuer à attirer ces personnes au Canada et leur offrir une voie d’accès à la résidence permanente?

M. Fraser : Ce sont d’excellentes questions. Quel est le temps dont je dispose pour y répondre, madame la présidente? Je vais faire de mon mieux, mais je ne pense pas leur faire justice, car elles touchent à trois thèmes très importants dont je veux parler.

Tout d’abord, au sujet des coopératives de logement, la réponse est simple. Nous finançons ces logements au moyen de mesures fiscales et de financement direct. L’énoncé économique de l’automne présenté hier renferme un engagement de plus de 300 millions de dollars destinés au financement direct des coopératives. Ce programme sera mis en œuvre au début de l’an prochain. Ce sont de bonnes nouvelles. Les coopératives offrent de beaux logements fiables qui peuvent être maintenus à faible coût, contrairement aux habitations offertes dans le marché. Certains parlementaires ont grandi dans des coopératives de logement, notamment mon ami le médaillé d’or olympique Adam van Koeverden, qui est fier d’avoir été élevé dans une coopérative et qui siège aujourd’hui au Parlement.

Quant à votre deuxième question, le coût moyen d’un appartement à une chambre est beaucoup trop élevé. Le prix des loyers doit baisser pour que nous puissions offrir un niveau d’abordabilité. Un des moyens d’y parvenir est d’augmenter substantiellement la construction de logements locatifs. Nous revenons à la gestion de l’offre et de la demande. Le coût du loyer n’est pas seulement tributaire du coût de la construction. Les maisons bâties à prix modique il y a 30 ou 40 ans qui sont annoncées en ligne sont quand même offertes à prix élevé aujourd’hui. L’abordabilité peut être restaurée si nous mettons sur pied des mesures incitatives financières pour accroître l’offre. Voilà pourquoi nous avons levé la TPS pour la construction de logements locatifs et que le Programme de prêts pour la construction d’appartements est axé sur la construction d’appartements locatifs. Le prix de location mensuel des appartements tend à être moins élevé que le prix de location mensuel des condos. Nos efforts pour accroître l’offre visent les immeubles renfermant des logements locatifs. Nous avons également mis en place des mesures qui encouragent les changements de zonage visant à bâtir plus de logements locatifs dans les localités. Non seulement le coût du logement pour les Canadiens sera réduit, mais les gens pourront également mettre des fonds de côté pour l’achat d’une maison. Ces mesures contribueront à régler le problème de demande en aidant les personnes à bâtir ou à acheter une maison et à quitter le marché locatif. La réduction du prix des loyers contribue de plusieurs manières à améliorer les choses dans tout l’écosystème.

Enfin, au sujet de votre question sur la main-d’œuvre, le programme récolte un grand succès. Cela dit, je pense que nous pouvons en faire plus pour le mettre à l’échelle au moyen du programme pilote destiné aux travailleurs de la construction sans statut en partenariat avec le Congrès du travail du Canada et la région du Grand Toronto et de Hamilton. Je souligne aussi une nouvelle possibilité qui s’avérera sûrement une bonne décision. Je veux parler d’un processus de sélection pour la résidence permanente fondé sur des catégories, qui se concentre sur des domaines clés tels que les soins de santé, l’agriculture, les transports, les technologies, ainsi que les métiers spécialisés. Cette dernière catégorie vise les personnes qui possèdent les compétences nécessaires pour bâtir davantage de logements. Nous avions essayé d’adopter cette approche lorsque j’étais ministre de l’Immigration, et le ministre Miller poursuit dans cette lancée. Une petite partie de l’Énoncé économique de l’automne est consacrée aux voies d’accès à la résidence permanente pour les personnes dotées de compétences liées aux métiers, particulièrement les personnes qui peuvent bâtir davantage de logements.

La présidente : Vous avez terminé à deux secondes du temps alloué. C’est magnifique.

La sénatrice Ringuette : Tout d’abord, je siège au Sénat depuis 21 ans et j’ai assisté à un nombre astronomique de réunions de comités. C’est la première fois que je vois un ministre expliquer sans ses notes le contenu de son portefeuille devant un comité. Je vous félicite, monsieur Fraser.

J’ai deux questions. Premièrement, les certifications professionnelles sont octroyées au niveau provincial. La plupart des règlements provinciaux exigent que chaque apprenti soit encadré par trois électriciens ou plombiers certifiés. Ces règlements doivent être modifiés. Ils empêchent en effet les jeunes de se lancer dans les métiers parce qu’ils n’ont nulle part où faire leur stage. J’espère que vous abordez ce point lorsque vous parlez avec les provinces.

Ma deuxième question porte sur l’annonce de financement de 1 milliard de dollars pour les logements sociaux. C’est formidable, mais j’espère que la plus grande partie de cette somme ira à la location avec option d’achat pour que les jeunes puissent acquérir du capital au lieu d’accroître le capital des investisseurs institutionnels.

M. Fraser : Je vous remercie pour les questions et pour vos bons mots. J’ai pour mon dire que les personnes qui ont besoin de leurs notes ne possèdent pas assez bien leurs dossiers.

La certification professionnelle est un gros morceau. Comme vous l’avez souligné à juste titre, les normes diffèrent d’une province à l’autre. Souvent pour de bonnes raisons, les provinces et les organismes de réglementation protègent jalousement leurs normes en matière de titres professionnels. Elles sont un peu trop protectionnistes à mon goût. Nous devrions faciliter la certification professionnelle dans les métiers, et je ne pense pas que des compromis sur la qualité soient nécessaires pour y arriver. Nous devons saisir toutes les occasions d’accélérer la certification à la fois des travailleurs canadiens et des nouveaux arrivants.

Nous pouvons notamment instaurer des mesures incitatives dans le régime fiscal pour favoriser la mobilité de la main-d’œuvre entre les provinces. Nous devons faire avancer les négociations sur le commerce interprovincial et faire tomber les nombreuses barrières dans cette filière afin de stimuler la croissance économique. En harmonisant mieux les normes et en encourageant les possibilités de mobilité de la main-d’œuvre, nous pourrons à la fois accroître le bassin de travailleurs qualifiés et permettre aux travailleurs de changer de province plus facilement. Souvent, les gens des métiers travaillent sur des projets et obtiennent leur travail en sous-traitance. Nous devons fournir des possibilités aux travailleurs qui sont prêts à s’exiler, comme l’ont fait un grand nombre de mes camarades de la Nouvelle-Écosse, qui ont déménagé en Alberta pendant une courte période et qui faisaient des allers-retours en avion au besoin. Ce modèle fonctionne pour de nombreuses familles, mais ne convient pas à tout le monde. Nous devrions offrir cette possibilité. Si nous nous entendons aux tables de négociations que nous avons établies pour éliminer les obstacles au commerce interprovincial, nous réaliserons des progrès que nous pourrons mettre à l’échelle en offrant aux travailleurs la possibilité de travailler dans plus d’une province grâce à une meilleure uniformisation des normes.

L’investissement de 1 milliard de dollars fait suite à de nombreux autres investissements de plusieurs milliards de dollars dans le logement abordable au cours des dernières années. Ce programme en particulier ne vise pas la location avec option d’achat. Cela ne signifie pas que nous ne pourrons pas réaliser d’autres projets de ce genre, mais ce programme en particulier est conçu pour les organisations qui réaliseront des projets d’habitation pour le maintien de logements abordables. Nous espérons que les gens qui ont recours aux logements abordables n’y restent pas pour toujours. Lorsqu’ils se remettent sur pied, ils peuvent passer de ce type de logement à un autre logement offert sur le marché.

Je crois que nous pouvons créer des programmes qui permettent aux gens de se constituer un capital, même s’ils sont d’abord locataires. Nous avons reçu quelques propositions intéressantes depuis le peu de temps que je suis ministre responsable du logement, que nous sommes en train d’évaluer. Toutefois, la clé réside dans la conception d’un modèle qui permettra aux gens, surtout les jeunes, de se constituer des capitaux pour effectuer une mise de fonds.

En plus d’offrir la location avec option d’achat, il faut donner l’occasion aux gens d’épargner en vue de faire une mise de fonds; cela doit faire partie de la solution également. Nous avons créé le compte d’épargne pour l’achat d’une première propriété. Tout indique qu’il s’agit d’une réussite. Environ un quart de million de personnes se sont inscrites et ont créé un compte au cours des derniers mois. C’est une bonne chose de voir 250 000 jeunes ouvrir un compte d’épargne libre d’impôt dans le but de faire une mise de fonds.

Monsieur Dugan, voulez-vous expliquer quelques-unes des mesures que nous avons prises par le passé pour la location avec option d’achat, afin de répondre à la question de la sénatrice?

M. Dugan : C’est une courte liste. Je n’ai pas participé aux projets de location avec option d’achat.

M. Fraser : Je serai heureux de vous transmettre des renseignements par courriel après la réunion si vous voulez plus de détails.

La présidente : Merci beaucoup. J’ai cinq noms sur ma liste et il nous reste moins de 10 minutes. Avant que nous poursuivions, j’aimerais que M. Dugan nous parle des 15 milliards de dollars investis dans les prêts à faible taux d’intérêt pour le logement, offerts par l’entremise de la SCHL. On dit déjà que les choses ne bougent pas assez rapidement et qu’il faudra beaucoup de temps pour que de tels prêts soient offerts par l’entremise du système. Pouvez-vous nous expliquer rapidement comment ce programme fonctionnera?

M. Dugan : Je ne suis pas un expert en programmes. Je suis ici en tant qu’économiste en chef. Je parle du caractère économique du logement, alors je ne connais pas bien...

M. Fraser : Je crois que je peux vous donner une réponse décente. Il est important de comprendre que les fonds ont déjà été investis. Le message que nous avons voulu envoyer au secteur, hier, avec l’Énoncé économique de l’automne, c’est que l’argent sera là pour un bon moment. À l’heure actuelle, un investisseur qui songe à un nouveau projet et à présenter une demande de permis pourrait décider de ne pas aller de l’avant s’il ne sait pas que ce financement est offert.

Ce programme a permis de bâtir plus de 11 600 logements, par l’entremise de prêts d’une valeur de 4 milliards de dollars.

Ce programme est celui qui donnera lieu à la construction du plus grand nombre de logements. Il sera offert de façon continue et nous avons confirmé notre appui pour une plus longue période, afin d’assurer une transition sans faille.

Le sénateur Loffreda : Il existe d’autres approches, mais les solutions demeurent évidentes. Nous devons accroître l’offre et réduire les coûts. Compte tenu du faible taux de chômage et de la hausse des taux d’intérêt, ce serait difficile à faire. On a parlé d’innovation, mais qu’en est-il de la productivité? Examinez-vous des politiques ou des idées pour améliorer la productivité afin d’accroître l’abordabilité du logement?

M. Fraser : Il y a trois grandes catégories, dont j’ai parlé brièvement plus tôt.

Premièrement, il faut former les gens. Il faut développer les compétences qui sont requises. Nous pouvons le faire par l’entremise de divers programmes. Nous avons des ententes de transfert avec les provinces dans ce domaine. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec différents mouvements syndicaux pour développer les compétences dont nous avons besoin afin qu’ils puissent élargir leurs possibilités de formation.

Deuxièmement, il faut songer à l’immigration lorsque nous ne pouvons pas trouver de travailleurs canadiens pour combler les lacunes, et nous concentrer sur les compétences dont l’économie a besoin. Nous travaillons avec Emploi et Développement social Canada pour cerner les professions qui sont les plus demandées, ainsi qu’avec les employeurs du secteur privé et les syndicats, afin de comprendre leurs besoins.

Troisièmement, il faut innover. On ne réglera pas la crise si on ne construit pas plus de maisons et d’usines. Il y a des technologies très intéressantes qui bénéficieront de la réforme des codes du bâtiment et des réformes municipales, mais nous songeons aussi à la façon dont nous pourrions favoriser une culture d’investissement dans les maisons préfabriquées en usine, plus précisément le montage de panneaux modulaires, l’impression 3D et l’utilisation du bois massif.

Les nouvelles technologies durables et plus faciles à maintenir auxquelles a fait référence le sénateur Deacon m’intéressent. Il y aura tôt ou tard de nouvelles technologies qui émergeront. Mais si nous nous concentrons sur l’innovation, l’immigration, la formation axée sur les compétences et le perfectionnement, j’ai bon espoir que nous pourrons dépasser le nombre de mises en chantier résidentielles que nous avons connu au Canada.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Merci, monsieur le ministre. Encore une fois, j’apprécie votre bonne volonté, votre sensibilité et votre connaissance du dossier.

Nous avons appris de nos témoins que 250 000 mises en chantier ne permettraient que de maintenir le stock de logements disponibles. Or, on apprend en vous écoutant que vous en faites beaucoup avec les provinces.

Avez-vous un plan réel pour régler ce problème de gouvernance, un plan qui donne des résultats permanents comprenant un dialogue avec les provinces et les acteurs de ce domaine?

M. Fraser : Oui, je pense qu’il est possible d’établir une structure ou une organisation permanente. Toutefois, à mon avis, il est très important d’établir différentes structures pour les différents problèmes.

[Traduction]

Je crois que nous avons besoin de l’adhésion des autres joueurs et participants. C’est ce que certains préconisent, en particulier dans le secteur sans but lucratif. Les gouvernements provinciaux aimeraient prendre part aux conversations, mais pas nécessairement établir une structure permanente dans chaque province. Les besoins peuvent varier et il est difficile d’assurer la continuité des décisions prises par les anciens gouvernements provinciaux lorsque de nouveaux gouvernements prennent le pouvoir. Je crois que l’établissement d’une structure régulière et peut-être permanente pour chacun des éléments qui composent les défis auxquels nous faisons face est une bonne idée, mais je ne sais pas si c’est une bonne idée de faire participer tout le monde à chaque conversation au sujet de chaque problème. À mon avis, il y aura trop de chefs dans la cuisine.

L’établissement de tables permanentes est une excellente idée. Elles offrent la possibilité de tenir régulièrement des réunions fédérales, provinciales et territoriales. De façon particulière, la fusion des ministères fédéraux du Logement et de l’Infrastructure nous donne l’occasion d’avoir une seule conversation avec les différents ordres de gouvernement sur la façon dont nous coordonnerons nos programmes, afin que nous ne construisions pas seulement des unités d’entreposage où les gens pourront se coucher le soir, mais bien des communautés à part entière où les gens pourront prospérer. Je pense qu’il serait une bonne idée d’assurer la permanence des structures, tant entre les gouvernements qu’entre le gouvernement fédéral et les acteurs du secteur du logement, et que cette idée se révélera fructueuse dans les années à venir.

La sénatrice Marshall : Combien de logements deviendront libres à la suite des changements apportés aux règles qui régissent les locations Airbnb? J’aimerais que vous nous donniez un chiffre.

M. Fraser : Selon les estimations, ce sont environ 30 000 logements et plus.

La sénatrice Marshall : Au cours d’une année?

M. Fraser : Non, pas nécessairement. Il est difficile de faire des prévisions. Ce chiffre ne provient pas de notre évaluation des mesures récentes, mais bien d’une étude de l’Université McGill parue en 2019. Je crois que c’était environ 30 000 logements. Je ne me souviens pas du chiffre exact.

La sénatrice Marshall : Vous souvenez-vous de la période?

M. Fraser : C’est difficile à prédire. Je crois que cela se ferait assez rapidement. New York a pris des mesures contre les locations Airbnb. Dans les 30 jours suivant leur mise en œuvre, une grande majorité des logements qui étaient affichés pour ce type de location sont retournés sur le marché traditionnel.

Nous n’avons pas encore tenté l’expérience à grande échelle au Canada, alors il est difficile pour moi de faire des prévisions. Je suis optimiste et je crois que si les municipalités et les gouvernements fédéraux font en sorte que les mesures fiscales que nous avons mises en place soient appliquées, le changement s’opérera assez rapidement.

La sénatrice Marshall : Je vais prendre ce chiffre et faire le suivi. Merci.

M. Fraser : Oui, moi aussi.

[Français]

Le sénateur Gignac : Je tiens, dans un premier temps, à me joindre aux propos de ma collègue sénatrice pour vous offrir mes compliments. J’ajouterai que vous avez un excellent économiste en chef, que je connais bien.

En mars 2023, le gouvernement a lancé un fonds de 4 milliards de dollars pour la création de 100 000 nouveaux logements. Des conditions sont associées à ces transferts d’argent. Est-ce que ce sont les mêmes conditions qui ont été imposées au Québec, dans le cadre des 900 millions de dollars octroyés et des négociations? Est-ce une entente asymétrique ou est-ce que ce sont les mêmes conditions qui s’appliquent d’un océan à l’autre pour avoir droit à ces fonds?

M. Fraser : Ce ne sont pas les mêmes conditions qui s’appliquent aux différentes communautés, non seulement au Québec, mais aussi dans les autres provinces. La situation de Brampton, par exemple, est différente de celle de Kitchener ou d’Halifax.

Au Québec, nous avons conclu une entente de 900 millions de dollars. Nous travaillons avec nos homologues du gouvernement provincial pour établir des priorités communes.

Le Québec est aussi la seule province qui a égalisé les investissements du gouvernement fédéral. Le gouvernement du Québec a aussi proposé des réformes au projet de loi.

Il n’est pas important pour moi d’obtenir des crédits pour des réformes avec une entente. À mon avis, il est important de voir des changements réels et systémiques. Les réformes systémiques ont directement entraîné la création de 23 000 unités de logements additionnels. Le gouvernement du Québec a utilisé les fonds provinciaux et fédéraux pour construire 8 000 unités de logements abordables. C’est une entente incroyable et historique avec la belle province.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Encore une fois merci, monsieur le ministre. J’aimerais faire écho à ce qu’ont dit mes collègues : vos réponses sont claires et directes.

Savez-vous dans quelle mesure l’interdiction relative aux acheteurs étrangers de propriétés récréatives a été efficace? Est-ce que vous allez la maintenir en place et ajouter des logements aux résidences canadiennes?

M. Fraser : Il est difficile de l’évaluer avec certitude parce qu’il y a une multitude de facteurs qui détermineront si le marché s’ouvrira. À mon avis, la mesure a eu une incidence sur le marché. Je ne peux pas vous donner le nombre exact de logements parce que, compte tenu du nombre d’acheteurs étrangers qui seraient sortis de la conjoncture économique changeante que nous vivons, il est difficile de savoir avec certitude quel aurait été le niveau de référence dans un environnement aussi dynamique.

Avant que nous prenions la décision finale de prolonger ou non l’interdiction, je tiens à faire une évaluation rigoureuse de la situation. Monsieur Dugan, je ne sais pas si vous avez des estimations sur cette question en particulier, mais je serais heureux de m’en remettre à vous si vous en avez. Sinon, nous pourrons faire un suivi auprès du sénateur.

M. Dugan : Non. Je dirais simplement que nous n’avons pas d’analyse contre-factuelle; il est donc très difficile de faire une évaluation.

Le sénateur C. Deacon : C’est peut-être plutôt un mythe urbain qu’une réalité. J’ai des doutes quant à l’efficacité d’une telle mesure. Je crois que c’est une très bonne idée d’examiner les données. Merci.

La présidente : Merci beaucoup à tous les sénateurs et surtout à nos témoins d’aujourd’hui : l’honorable Sean Fraser, ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités... Et il y a beaucoup d’autres points que nous avons abordés aujourd’hui et auxquels vous allez répondre. Nous remercions encore une fois Bob Dugan, économiste en chef de la SCHL. Nous en sommes à la fin de la séance.

(La séance est levée.)

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