LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 11 avril 2024
Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général.
La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour à tous. Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin et je préside ce comité.
J’aimerais vous présenter les membres du comité qui sont présents aujourd’hui : le sénateur Loffreda, qui est vice-président du comité; la sénatrice Bellemare; le sénateur Gignac; la sénatrice Marshall, le sénateur Massicotte; la sénatrice Miville-Dechêne; la sénatrice MacAdam; la sénatrice Ringuette et le sénateur Yussuff. La sénatrice Oudar et le sénateur Varone, de nouveaux sénateurs, nous rendent également visite aujourd’hui pour observer nos travaux. Merci de l’intérêt que vous portez à cette question.
Aujourd’hui, nous étudions l’impôt minimum de remplacement, ou IMR, et son incidence sur le secteur caritatif. Nous avons entrepris notre étude sur la question lorsque la mesure a été proposée dans le budget de 2023. La mesure est maintenant en vigueur, mais elle a des répercussions que nous voulons examiner. Je crois savoir que les personnes à revenu élevé qui font des dons de bienfaisance représentent environ 10 % de la valeur totale des dons. Cet impôt minimum de remplacement a une incidence sur leur capacité de faire de tels dons. Certains craignent que ces dispositions finissent par nuire au secteur caritatif, notamment sur le plan des recettes qui seront générées. Voilà la question que nous étudions aujourd’hui.
Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Bernadette Johnson, directrice, Plaidoyer et mobilisation des connaissances à Imagine Canada, et M. Alexandre Laurin, directeur de la recherche à l’Institut C.D. Howe, qui comparaît par vidéoconférence. Merci à tous les deux. Nous allons commencer par les déclarations préliminaires, en commençant par Mme Johnson. La parole est à vous.
Bernadette Johnson, directrice, Plaidoyer et mobilisation des connaissances, Imagine Canada : Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner l’occasion de parler des répercussions actuelles et potentielles des modifications de l’impôt minimum de remplacement, ou IMR, sur les dons au secteur caritatif.
Comme vous le savez, les organisations caritatives font un travail nécessaire, ce dont tout le monde s’est vite rendu compte durant la pandémie. Quelque 86 000 organisations offrent d’innombrables services, trop pour tous les énumérer : soutien en santé mentale, éducation et formation professionnelle, services à la jeunesse et à l’enfance, théâtres, banques alimentaires, églises et mosquées, soutien aux personnes âgées, etc.
Le secteur caritatif est un moteur essentiel de notre économie. Collectivement, les organismes de bienfaisance et sans but lucratif emploient 2,4 millions de Canadiens et contribuent pour 8,3 % au PIB du Canada.
Dans le budget de 2023, le gouvernement a annoncé le recalcul proposé de l’impôt minimum de remplacement pour atteindre l’objectif politique énoncé de l’équité fiscale. Ce nouveau calcul comprenait deux incitatifs fiscaux visant à encourager les dons aux organismes de bienfaisance enregistrés. On proposait d’ajuster le taux d’inclusion des gains en capital liés aux dons de valeurs cotées en bourse de 0 à 30 % et de limiter de moitié — donc de 50 % — l’application du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance.
Les dons sont un élément essentiel de l’écosystème de financement de notre secteur. Les subventions gouvernementales et philanthropiques, bien que précieuses, tendent à servir à financer des activités liées à des projets prédéfinis, étant donné la diminution du soutien aux coûts de fonctionnement des organismes de bienfaisance au cours des deux dernières décennies. Les dons assurent l’indépendance des organismes caritatifs. En effet, ils leur permettent de payer leur personnel et leur loyer, d’investir dans les technologies requises pour la prestation des programmes et d’adapter les services qu’ils offrent aux besoins de la communauté.
Les organismes caritatifs ne sont pas contre l’équité fiscale. À l’instar des gouvernements, les organismes caritatifs sont censés agir dans l’intérêt public — en fait, ils y sont tenus par la loi —, mais ils ont aussi besoin de financement pour mener leurs activités efficacement. Au fil des décennies, le régime d’incitatifs fiscaux relatif aux dons de bienfaisance et l’écosystème de financement des organismes caritatifs ont évolué ensemble, ce qui symbolise la relation entre nos deux secteurs.
Essentiellement, les incitatifs fiscaux menacés par ces changements sont des subventions fédérales pour les services aux Canadiens dont le gouvernement a confié la prestation aux organismes caritatifs.
D’un point de vue statistique, la base de donateurs du secteur diminue. En effet, les Canadiens sont moins nombreux à faire des dons chaque année, et le montant des dons est moins élevé. De manière générale, le manque à gagner est compensé par les dons relativement plus importants de personnes à revenu élevé. Toutefois, les dernières données de Statistique Canada montrent aussi un changement de ce côté. Dans l’ensemble, le montant des dons a diminué d’un peu plus de 3 % en 2022.
Il est difficile de prévoir l’incidence de ces changements sur les revenus de notre secteur. Selon une estimation prudente, les modifications apportées à l’IMR entraîneraient une réduction de 3,5 % à 5 % de l’ensemble des dons. Pour l’ensemble des changements proposés à l’IMR — c’est-à-dire tous les crédits et déductions qu’on propose d’inclure dans le nouveau calcul —, le gouvernement obtiendra 3 milliards de dollars supplémentaires sur cinq ans en recettes fiscales, soit environ 600 millions de dollars par année. Parallèlement, l’inclusion dans le nouveau calcul de ces deux incitatifs fiscaux au titre des dons de bienfaisance pour les organisations caritatives entraînera une perte de recettes du même ordre pour le secteur, soit 500 millions de dollars par année. Il s’agit de dons que ne feront pas les donateurs potentiels.
Cela signifie donc que l’inclusion des dons et des incitatifs fiscaux dans le nouveau calcul de l’IMR entraînera pour les organismes caritatifs des pertes qui surpasseront les nouvelles recettes fiscales générées pour le gouvernement.
Dans un rapport de 2013 du Comité permanent des finances de la Chambre des communes portant sur les incitatifs fiscaux, on indique que les organismes caritatifs fournissent, du moins dans une certaine mesure, des services auparavant offerts par les gouvernements. Les recettes fiscales autrefois consacrées à ces activités ont été remplacées par des mesures fiscales qui facilitent les dons.
Beaucoup d’organisations caritatives se demandent par quoi le gouvernement compte remplacer ces revenus de bienfaisance.
Les changements proposés ont déjà une incidence même s’ils n’ont pas encore été adoptés par le Parlement. Certains donateurs retiennent les dons prévus — du moins jusqu’à confirmation des changements prévus — et d’autres revoient leurs engagements. Récemment, en Colombie-Britannique, un donateur a annoncé à un hôpital pour enfants son intention de répartir son don pour le nouveau programme de l’hôpital sur plusieurs années au lieu de faire un versement forfaitaire comme prévu. Sans cet investissement initial, l’hôpital ne peut pas lancer son nouveau programme. Récemment, dans le cadre de discussions avec un institut de recherche en conservation, nous avons appris qu’à la fin du premier trimestre, l’institut n’avait reçu aucun don de titres cotés en bourse, alors qu’il en recevait habituellement quatre ou cinq.
Nous recommandons donc, premièrement, que le gouvernement maintienne le taux d’inclusion actuel de 0 % pour les gains en capital sur les dons de titres cotés en bourse et, deuxièmement, qu’il maintienne à 100 % le crédit d’impôt pour dons de bienfaisance dans le calcul de l’impôt minimum de remplacement.
Le secteur caritatif est pour l’équité fiscale, mais cette équité peut être atteinte sans menacer les programmes et services caritatifs qui répondent aux priorités fédérales, favorisent la prospérité de nos collectivités et assurent la qualité de vie de tous les Canadiens.
Je vous remercie d’étudier cette importante question.
La présidente : Je vous remercie de votre déclaration. Merci de la patience dont vous avez fait preuve en attendant que nous ayons l’occasion d’étudier cette question.
Je vais maintenant inviter M. Laurin, qui se joint à nous à distance, à faire son exposé. L’Institut C.D. Howe a examiné la question et a préparé une étude. La parole est à vous pour votre déclaration.
Alexandre Laurin, directeur de la recherche, Institut C.D. Howe, à titre personnel : Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de l’invitation.
J’aimerais d’abord préciser que ma déclaration est fondée sur une étude que j’ai corédigée avec mon collègue Nicholas Dahir, étude qui a été publiée par l’Institut C.D. Howe en novembre dernier. Vous la trouverez en ligne sur notre site Web.
Dans cette étude, nous avons analysé les incidences fiscales et les effets distributifs des modifications proposées à l’impôt minimum de remplacement, ou IMR. Nous avons constaté que le nouveau régime de l’IMR touchera principalement les personnes qui déclarent occasionnellement d’importants gains en capital — plus de 500 000 $ par année — et qu’il y aura une incidence sur les dons de charité.
En supposant que le nouveau taux et le nouveau seuil de revenu de l’IMR soient en vigueur, un taux d’inclusion des gains en capital plus élevé pour l’IMR générerait 80 % de toutes les recettes supplémentaires, tandis que les dispositions relatives aux dons de bienfaisance seraient la deuxième source de recettes supplémentaires en importance. Permettez-moi de commencer par l’incidence sur les organismes caritatifs, puisqu’il s’agit du sujet à l’étude aujourd’hui.
Parmi les nombreux changements proposés, l’IMR introduirait deux dispositions ciblant les dons aux organismes caritatifs. Il permettrait seulement la moitié du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance et inclurait un taux de 30 % pour les gains en capital liés aux dons de titres cotés en bourse.
Les personnes à revenu élevé visées par l’IMR proposé sont d’importants contributeurs aux organismes caritatifs. Selon nos calculs, l’IMR proposé capterait près de 10 % de la valeur totale des dons de bienfaisance, dont 50 % de la valeur des dons de titres cotés en bourse.
La réaction des donateurs aux incitatifs fiscaux a fait l’objet de nombreuses études. Nous avons utilisé une réaction moyenne aux fins de notre analyse. Selon nos estimations, l’IMR proposé pourrait entraîner une réduction de 4 % des dons de charité au Canada, dont une possible diminution de 22 % des dons de titres cotés en bourse. Cette baisse de 4 % aurait représenté une perte de près de 500 millions de dollars en dons de charité en 2021.
Après avoir tenu compte des changements de comportement des donateurs, nous avons calculé que les dispositions de l’IMR relatives aux dons généreraient seulement 60 millions de dollars en impôts supplémentaires. L’incidence de 500 millions de dollars sur le secteur caritatif dépasse de loin celle des modestes 60 millions de dollars en impôts supplémentaires attendus de l’impôt minimum de remplacement.
Il en découle un important déséquilibre stratégique, étant donné que le secteur caritatif se retrouve avec un fardeau bien plus lourd que les recettes supplémentaires générées. Par conséquent, je suis d’avis qu’il convient à tout le moins de réexaminer attentivement les dispositions de l’IMR relatives aux dons.
Permettez-moi de parler brièvement d’un autre constat intéressant au sujet de l’impôt minimum de remplacement proposé. Nous avons constaté que près de 80 % des recettes de l’IMR proviendraient de gens ayant réalisé d’importants gains en capital, soit des gains supérieurs à 500 000 $ au cours d’une même année. Étant donné que, d’une année à l’autre, la majorité du total des gains en capital déclarés provient d’une minorité de personnes, l’IMR pourrait s’appliquer à plus du tiers de la valeur totale des gains en capital déclarés pour une année donnée.
L’IMR serait essentiellement un impôt déguisé sur les gains en capital à la fois importants et ponctuels. Certes, d’aucuns feront valoir que cette approche favorise l’équité économique. Toutefois, cette approche soulève des questions, considérant que beaucoup de contribuables déclarent des gains en capital de valeur inférieure sur plusieurs années.
Si l’objectif est de favoriser la justice et l’équité, pourquoi cible-t-on les gains en capital importants, mais ponctuels, au lieu de cibler les gains en capital moins élevés, mais plus fréquents, qui peuvent s’accumuler et atteindre la même valeur après plusieurs années?
Enfin, les particuliers seront incités à faire correspondre la réalisation des gains en capital avec les années où ils déclarent des revenus ordinaires importants, ou à répartir la réalisation sur plusieurs années afin d’éviter des gains en capital exceptionnellement élevés au cours d’une seule année.
Ce ne sont que deux changements de comportement parmi tant d’autres.
Je vais m’arrêter ici afin de ne pas dépasser les cinq minutes qui me sont imparties. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
La présidente : Je vous remercie.
Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux gens ce que j’ai dit hier. C’est un rappel de la part des gens qui font le sous-titrage en temps réel pour nous et que j’ai rencontrés la semaine dernière à ce sujet. Voilà pourquoi j’attire l’attention de tout le monde sur ce point.
Le sous-titrage aide non seulement les personnes malentendantes qui nous regardent, mais fait partie de notre processus de transcription. Ils nous demandent d’adopter deux pratiques exemplaires pour les aider dans leur travail. Veuillez parler clairement et avec concision, un à la fois, en évitant d’alterner entre l’anglais et le français en milieu de phrase, car passer d’une langue à l’autre leur est très difficile.
Je vous remercie d’avoir attiré notre attention sur ces problèmes. Nous ferons de notre mieux.
Nous allons commencer par notre vice-président, le sénateur Loffreda, qui a une question à poser.
Le sénateur Loffreda : Je remercie les témoins de leur présence ce matin.
Comme notre présidente l’a rappelé au début, notre mandat général porte sur les banques, le commerce et l’économie. Je suis préoccupé par l’incidence de l’impôt minimum de remplacement sur notre économie. Je parle des répercussions sur l’économie et de l’incidence possible sur les ressources de nos hôpitaux, universités et autres institutions importantes qui offrent des services à tous les Canadiens. En outre, à long terme, le gouvernement sera-t-il obligé d’augmenter le financement de ces institutions en raison de la réduction des montants versés en dons dont vous avez tous les deux parlé?
Vous avez tous les deux donné des chiffres. J’ai sous la main la lettre d’Imagine Canada dans le cadre des consultations prébudgétaires et le mémoire électronique de l’Institut C.D. Howe. Vous avez parlé de chiffres et de l’impact de 500 millions de dollars. Cependant, si l’on examine les budgets globaux de nos institutions, les chiffres ne veulent rien dire, sauf en comparaison aux tendances, aux ratios ou aux budgets totaux.
Quelle incidence cela aura-t-il sur nos institutions en soi, sur chaque hôpital et université, par exemple, et non seulement de manière générale? Dans quelle mesure avez-vous été consultés, en tant que parties intéressées? Le gouvernement est-il au courant de cela? Je me réfère à la lettre ou le mémoire prébudgétaire présenté par Imagine Canada, ou à votre mémoire électronique de novembre. Dans quelle mesure le gouvernement était-il au courant? Êtes-vous toujours en communication avec le gouvernement pour le sensibiliser davantage aux répercussions sur notre économie?
Mme Johnson : Je vous remercie de la question. Je dirai d’abord que nous n’avons pas été consultés. À notre connaissance, aucun représentant du secteur caritatif n’a été consulté avant les changements proposés. À notre connaissance, aucune étude n’a été menée non plus avant les changements proposés dans le budget de 2023.
Quant aux chiffres en dollars, c’est difficile à déterminer. La modélisation économique tentée par divers organismes, dont l’Institut C.D. Howe, n’est qu’une estimation. Il est difficile de prédire qui sera couvert par l’élargissement du nouvel impôt minimum de remplacement et de l’incidence sur le montant des dons individuels aux organismes de bienfaisance à l’avenir.
Je dirais que le problème n’est pas seulement lié à l’incidence réelle pour les personnes visées par l’IMR et à la façon dont cela influencera leurs comportements. Il y a aussi l’incertitude entourant ces changements. Ils ont été annoncés il y a un an, et les organismes caritatifs en sont actuellement au quatrième mois de leurs activités de collecte de fonds de 2024.
Les responsables des campagnes de charité et le personnel des organismes caritatifs sont sans réponse devant l’incertitude entourant les personnes et les donateurs qui seront visés par les nouvelles modifications à l’IMR. Ils ignorent tout des finances personnelles de chaque donateur. Certains donateurs sont anonymes.
Même s’il est possible que les nouvelles modifications de l’IMR ne s’appliquent qu’à environ 30 000 à 60 000 personnes, disons — je ne suis pas certaine —, cela n’a rien de rassurant pour les organismes caritatifs qui doivent planifier leur budget pour l’année.
Je dirais, pour vous donner un chiffre en guise de réponse, que les revenus du secteur caritatif provenant des dons s’élèvent à environ 12 milliards de dollars par année, avec une tendance récente à la baisse. Statistique Canada a récemment publié les données T1 pour 2022 qui montrent que le montant est passé sous la barre des 11,5 milliards de dollars. Donc, nous sommes déjà dans un environnement caractérisé par une compression du montant total des dons.
La présidente : Monsieur Laurin, avez-vous un commentaire à ajouter à ce sujet?
M. Laurin : Oui. Nous avons également été surpris par les changements annoncés dans le budget de 2023.
J’ajouterai quelques mots sur les effets sur l’économie, car c’était le préambule de votre question.
L’un des effets que le changement pourrait avoir sur l’économie touchera la prise de risque, parce qu’il influence à la fois les pertes et les gains en capital. Je n’ai pas parlé des pertes en capital dans ma déclaration liminaire, car je n’avais que cinq minutes. Le changement touchera également les pertes en capital : 50 % des pertes en capital reportées ne seront pas admises. Cela crée une sorte de déséquilibre parce que 100 % des gains sont inclus, mais les contribuables ne pourront pas déduire l’intégralité des pertes subies.
Les pertes en capital nettes sont artificiellement gonflées, et — selon moi, ainsi que selon de nombreuses autres personnes avec qui je me suis entretenu lorsque nous avons distribué ce mémoire électronique pour obtenir des commentaires — ce déséquilibre entre le traitement des pertes en capital en vertu de l’impôt minimum de remplacement, ou IMR, et la déclaration intégrale des gains aura un effet sur la prise de risque. Toute mesure qui a un effet sur la prise de risque peut également avoir des répercussions sur l’économie.
Je ne dis pas que les répercussions seront énormes. L’IMR est mineur dans l’ensemble, mais s’il touche — comme nous l’avons calculé — un tiers de tous les gains en capital chaque année, les répercussions seront plus importantes que nous le pensons, juste pour cette petite partie du régime de l’impôt sur le revenu — les gains en capital. La mesure a également un effet majeur sur les dons caritatifs, pour les raisons que nous venons d’entendre. De nombreux grands donateurs sont également des contribuables gagnant des revenus élevés.
La présidente : Je vous remercie.
La sénatrice Marshall : Ma première question s’adresse à M. Laurin, mais j’en poserai ensuite une à Mme Johnson.
J’ai été très surprise par tous les changements apportés aux différentes déductions. Elles ont toutes été modifiées dans l’intérêt du gouvernement, et vous avez dit dans votre déclaration préliminaire — ou c’est du moins ce que j’ai compris — que différentes personnes seront touchées chaque année. Cela dépendra simplement des actions de chacun. Y a-t-il des conséquences inattendues pour les contribuables, même si ce ne sont pas les mêmes personnes chaque année qui seront touchées par ce nouveau régime? Pensez-vous que des gens se penchent sur ce régime et voient l’objectif du gouvernement? Soyons francs : rien dans ces changements n’avantage le contribuable. Ils augmenteront les recettes du gouvernement. Pensez-vous que cela incitera les gens à quitter le pays ou les entreprises dont le siège social est ici — les multinationales — à s’installer dans un autre pays? J’aimerais savoir quelles seront les répercussions économiques plus larges, si on se fie à la tendance.
M. Laurin : Merci pour cette question. Je ne voudrais pas paraître trop alarmiste. L’IMR représente une toute petite partie du régime fiscal et ne concerne que très peu de contribuables.
Les contribuables auront des moyens de changer leur comportement et, comme nous l’avons déjà entendu aujourd’hui, certains donateurs caritatifs le feront. Quoi qu’il en soit, il y aura des moyens de minimiser l’incidence de l’IMR sur certains contribuables qui sont bien préparés. Les contribuables qui pourraient s’installer dans un autre pays sont surtout des contribuables bien préparés, de sorte qu’ils planifieraient peut‑être leurs affaires différemment afin de ne pas être désavantagés de manière disproportionnée.
Mais ces changements posent un problème. Nous ne voulons pas d’un système fiscal qui incite des changements de comportement qui ne sont pas justifiés. Si l’on regarde la situation dans son ensemble, l’IMR représente une fraction. Comme vous l’avez dit, s’il s’avère que le changement entraînera les répercussions que nous anticipons, ce sont surtout les personnes qui réalisent d’importants gains en capital qui seront touchées. Mais ces importants gains en capital sont occasionnels; ils ne surviennent pas chaque année. Par conséquent, comme vous l’avez dit, ce ne sont pas toujours les mêmes personnes, année après année, qui seront considérablement touchées par cette mesure. Ce n’est pas seulement l’incidence économique qui est intéressante dans ce dossier, mais aussi l’argument de l’équité.
Nous devons entendre un peu plus de justifications sous‑tendant l’argument d’équité avancé par le gouvernement, si, dans les faits, année après année, sur une base longitudinale, ce sont principalement des personnes différentes qui seront affectées par cette mesure. Ce serait une autre histoire.
La présidente : Pour en revenir à l’incidence, le changement touche peu de contribuables, mais représente 12 milliards de dollars.
La sénatrice Marshall : Les changements à l’impôt alternatif font en sorte que les gains en capitaux sont désormais pris en compte à 100 % et les dons publics, à 30 %. J’ai l’impression que cela concerne le régime de l’IMR, mais qu’en est-il des personnes imposées par le régime fiscal normal?
Les détails de la décision me donnent une certaine impression, qui m’inquiète.
Madame Johnson, avez-vous rencontré des fonctionnaires du ministère des Finances depuis l’annonce de ce changement? Le gouvernement veut augmenter les recettes fiscales, alors que les Canadiens traversent une crise d’abordabilité. Les répercussions seront doubles pour les organismes de bienfaisance.
Je ne vois pas comment la situation s’améliorera, à moins que le gouvernement ne prenne des mesures considérables. Ma question est la suivante : quel type de réponse entendez-vous de la part des fonctionnaires du ministère des Finances? Est-ce qu’ils écoutent sans entendre, ou êtes-vous plutôt optimiste?
Mme Johnson : Nous sommes régulièrement en communication avec le ministère des Finances. Nous avons de bonnes relations avec ce ministère et le cabinet de la ministre. Le personnel est à l’écoute du secteur. Il y a eu une consultation sur les changements proposés à la Loi de l’impôt sur le revenu après le dépôt du budget en septembre. Nous avons entendu dire que les mémoires du secteur caritatif ou les mémoires sur les dons aux organismes caritatifs qui n’étaient pas rédigés par les organismes caritatifs, mais par des alliés du secteur ou par des donateurs, représentaient un pourcentage considérable — plus de 90 %; ce n’est qu’un ouï-dire — de ce qui a été présenté pendant toute la consultation. Cet enjeu passionne les organismes caritatifs et les services professionnels connexes : les comptables, les bailleurs de fonds, les planificateurs de dons, les donateurs — tout l’écosystème.
Je crois que les arguments sont entendus.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J’ai la même question pour nos deux témoins d’aujourd’hui. J’aimerais essayer de comprendre l’impact sur les organismes charitables. Vous nous avez donné des chiffres qui concernent l’ensemble des organisations charitables. Si je comprends bien, il y a beaucoup de fondations dans les organismes charitables, y compris des fondations universitaires, comme le sénateur Loffreda l’a expliqué, mais également des fondations plus petites qui ont des objectifs plus spécifiques.
Connaissez-vous la répartition en ce qui concerne la taille des fondations ou les secteurs d’organismes charitables? L’impact fiscal est-il égal pour tout le monde, ou y a-t-il des fondations qui sont particulièrement affectées par cela?
Si vous aviez des données... Vous travaillez avec le secteur et M. Laurin fait de la recherche, donc je ne sais pas s’il y a des données qui existent sur cette question en particulier.
[Traduction]
Mme Johnson : Nous ne disposons pas encore de données permettant de répondre spécifiquement à votre question, d’autant plus que les changements n’ont pas encore été adoptés. Mais c’est une excellente question.
Les fondations seront probablement touchées. D’après les données du formulaire T3010 — c’est-à-dire le formulaire fiscal annuel que les organismes de bienfaisance doivent soumettre —, les dons de titres cotés en bourse sont principalement destinés à des fondations philanthropiques, mais pas exclusivement. Des organismes de bienfaisance présents sur le terrain en tirent également parti. Le secteur fait donc une distinction entre les fondations qui ont tendance à verser des dons aux organisations caritatives et les organisations caritatives opérationnelles qui reçoivent des dons et qui mènent des activités caritatives. Ce sont ces organisations qui offrent les programmes caritatifs.
Les dons sont susceptibles d’avoir une incidence à la fois sur les fondations et les organismes de bienfaisance. Les dons d’actions publiques ont tendance à être dirigés principalement vers des fondations privées, mais pas exclusivement, comme je l’ai dit. Nous avons connaissance de quelques cas d’organisations relativement petites, dont le budget de fonctionnement annuel est inférieur à 2 millions de dollars, ce qui est peu.
Notre organisation de théâtre, par exemple, à West Vancouver, a organisé une campagne de financement par actions publiques et a bénéficié de dons de cette nature. Cette organisation est très préoccupée par les changements proposés, car ces campagnes lui sont utiles. Ce n’est pas un organisme de financement ou une fondation, mais ses dirigeants sont inquiets.
[Français]
M. Laurin : Nos sources de données ne nous permettent pas d’étudier la répartition des différentes fondations ou des différents organismes de charité. Malheureusement, nous aurions aimé le faire, mais nous n’avions pas les données. Ce ne sont pas les bonnes méthodologies pour le faire.
[Traduction]
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie tous les deux d’être ici. J’entends les préoccupations que vous soulevez et je comprends votre inquiétude. Or, la majeure partie des dons reçus par les donataires sont de petits dons de particuliers qui les font sous de nombreuses formes. Je vais prendre un exemple typique. Les dons des campagnes de Centraide sont déduits par l’employeur. La plupart de ces donateurs ne seront pas touchés par ce changement, mais il y aura une incidence au bout du compte.
Il serait juste de dire que nous ne savons pas encore... J’entends votre argument selon lequel vous disposez de certaines données ou au moins d’informations sur les réductions des dons, ce qui entraîne déjà des répercussions. Or, d’autres facteurs peuvent être à l’origine de cette situation, comme l’économie, l’inflation, etc. Nous ne disposons pas encore d’un ensemble complet de données à analyser pour voir les répercussions. Ai-je raison de faire cette affirmation?
Mme Johnson : Tout à fait. Les changements ne sont pas encore entrés en vigueur; nous ne savons pas s’ils auront des répercussions. Une décision sera peut-être prise la semaine prochaine, et nous ne connaîtrons pas les répercussions tant que les données ne seront pas accessibles, à partir de l’année suivant celle de l’entrée en vigueur.
Il s’agit d’une conversation spéculative et éclairée, qui s’appuie sur ce que nous savons de la dynamique des collectes de fonds et sur les témoignages d’organisations caritatives qui ont communiqué avec nous.
Le sénateur Yussuff : Je vais me servir de mon propre exemple pour être transparent. Je bénéficie d’un crédit d’impôt pour la plupart de mes dons, car je ne fais pas partie de la catégorie que l’on espère toucher.
En réalité, il faut trouver un équilibre délicat entre l’équité fiscale et la façon dont nous amenons les Canadiens à payer leur juste part. J’espère que la conversation que vous avez avec le ministère au sujet de votre inquiétude est prise au sérieux par ses représentants, car le secteur caritatif accomplit un travail très important dans ce pays, et ce de diverses manières. Sans ce secteur, soit le gouvernement devra intervenir, soit la crise sociale s’aggravera.
Ma question est la suivante : le ministère s’est-il engagé à fournir des données — puisque cela figurait dans le dernier budget — et à mesurer l’incidence pour comprendre vos arguments et ceux d’autres intervenants? Les fonctionnaires ont-ils promis des données pour que nous ayons au moins quelque chose de tangible à nous mettre sous la dent, pour justifier que la mesure n’a pas fonctionné, que nous avons complètement raté la cible, que nous devons revenir en arrière, examiner la question et déterminer comment faire un peu mieux? Ainsi, nous nous assurerons de ne pas punir le secteur et nous veillerons à ce que les personnes qui veulent faire un don puissent apporter leur contribution, tout en payant leurs impôts.
Mme Johnson : Oui, il sera difficile de discuter avec le ministère des Finances des modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu. Le ministère doit faire preuve d’une certaine opacité quant à ses projets, de sorte que nous ne savons pas ce qu’il fera. Les fonctionnaires ont entendu le secteur dire haut et fort ce que nous souhaitons, à savoir que les deux dispositions relatives aux dons de bienfaisance soient retirées du nouveau calcul de l’IMR. Le secteur caritatif est favorable à l’équité fiscale, mais nous croyons qu’il est possible d’y parvenir sans menacer les dons.
Vous avez posé une question sur les données. Dans son rapport sur le processus de consultation prébudgétaire, le Comité des finances de la Chambre des communes a recommandé que le gouvernement fédéral commande une étude indépendante sur l’incidence des modifications de l’IMR sur le secteur caritatif. Nous ne savons pas ce que le ministère des Finances a fait avec sa propre étude interne. Je ne pense pas qu’il ait l’intention de rendre public ce qu’il a pu faire. Peut-être qu’une demande d’accès à l’information et à la protection de la vie privée, ou AIPRP, nous aiderait à y avoir accès.
Nous n’avons pas discuté avec le cabinet de la ministre ou le ministère des Finances des plans qu’ils pourraient choisir d’adopter, ni des scénarios qu’ils pourraient envisager.
La présidente : D’accord, merci de cette réponse.
Le sénateur C. Deacon : J’aimerais obtenir des précisions. Le budget de 2021 comprenait des mesures démontrant une grande compréhension et, je pense, un grand respect pour les défis auxquels est confrontée la communauté caritative. Le secteur doit être secoué, puisqu’il est passé de mesures favorables à celles dont nous discutons aujourd’hui.
J’aimerais qu’on me précise ceci : avant cette annonce dans le budget de 2023, il n’y a pas eu de consultation pour en discuter? Vous n’avez pas connaissance d’une analyse du travail effectué? Personne au ministère des Finances n’est venu vous voir pour vous dire : « Nous envisageons des changements liés à l’équité fiscale et nous voulons savoir si vous entrevoyez des répercussions. » Rien de tout cela n’a eu lieu?
Mme Johnson : Nous n’avons pas été consultés, ni nous ni personne que nous connaissons. Si une analyse a été effectuée — je suis sûre qu’il y en a eu une —, nous n’y avons pas accès. Nous ne savons pas quelle forme elle a prise.
Oui, le budget de 2021 était très différent du budget de 2023.
Le sénateur C. Deacon : C’est important pour moi, car je pense que les organismes de bienfaisance qui reçoivent un soutien public donnent au reste d’entre nous l’assurance que leur travail est fondamentalement contrôlé par un grand nombre de donateurs qui disent : « oui, je crois en cette cause », et cela évite au gouvernement d’avoir à intervenir. Je suis troublé par le fait que cette décision semble avoir été prise dans le vide, sans que l’on en comprenne les implications. J’espère qu’ils seront à l’écoute. Je vous remercie de votre témoignage.
Je ne sais pas si vous souhaitez ajouter quelque chose, monsieur Laurin.
M. Laurin : Oui, je peux bien. L’une de mes critiques est qu’il n’y a pas eu d’analyse. Il est important d’en tenir compte, parce qu’en 1985, le ministère des Finances du Canada a publié une étude assez bonne pour l’époque. C’était il y a longtemps, 1985, et la technologie n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. Malgré cela, le ministère a quand même réussi à faire une analyse longitudinale de l’impôt minimum de remplacement sur les contribuables lors de son instauration en 1985. On a savamment analysé les impacts de cet impôt, ce qui a permis de bien les comprendre.
Maintenant, si on regarde ce qui s’est passé en 2023 ou avant — parce que l’étude était censée être publiée en 2022 —, il n’y a rien eu de tel. Cela aurait été formidable. Nous aurions pu débattre de ce sujet en disposant de plus d’informations, au lieu que je vienne ici et que je dise : « cet impôt affectera ceux qui ont des gains en capital », et ceci et cela. J’ai examiné l’outil de Statistique Canada qui est fait pour mener ce type d’analyses, et il ne remplace pas une bonne étude du ministère des Finances.
Le sénateur C. Deacon : Merci. Je suis fort troublé par ce manque de consultation. Merci.
La présidente : Merci pour vos commentaires.
La sénatrice Ringuette : Je ne vois pas cela comme un manque de consultation. Il y a eu une annonce. Parfois, le comité est chargé d’examiner une partie de la Loi d’exécution du budget.
Avez-vous comparu devant un comité de la Chambre des communes ou du Sénat qui a étudié la Loi d’exécution du budget l’an dernier? C’est ma première question.
La procédure habituelle est la suivante : on dépose un projet de loi, puis le ministère élabore la réglementation qui est ensuite publiée dans la Gazette. Je présume que la loi n’a pas encore été mise en œuvre. Ils vous consultent probablement parce qu’ils travaillent sur la réglementation. Rien n’a encore été instauré, chers collègues. Gardons cela en tête.
La présidente : Je précise que la loi a été adoptée.
La sénatrice Ringuette : J’ai la parole, madame la présidente, merci beaucoup.
Le mois dernier — je fais ma propre déclaration d’impôts parce que je n’ai pas grand-chose à déclarer —, j’ai examiné les dons que j’ai faits en tant que contribuable et j’ai vu que j’avais obtenu un crédit d’impôt d’environ 25 %.
Pourriez-vous m’expliquer une chose, monsieur Laurin? Comment le crédit d’impôt pour les dons des contribuables se compare-t-il à celui des sociétés? Avez-vous fait la comparaison?
M. Laurin : Oui.
La sénatrice Ringuette : Cela doit faire partie du calcul lorsque vous parlez d’équité fiscale.
M. Laurin : Oui, l’IMR ne s’applique pas aux sociétés ou à leurs revenus. Il ne s’applique qu’aux revenus des particuliers. Il est uniquement question du régime de l’impôt sur le revenu des particuliers.
Certains comportements pourraient changer. Les gens pourraient incorporer leurs activités afin d’éviter l’IMR s’ils s’y prennent suffisamment à l’avance. Là encore, tout cela nécessite une bonne planification.
Je crois également savoir que le projet de loi n’a pas été déposé aux fins d’étude. Je n’en suis pas certain, cela dit. Je pense qu’il s’agissait simplement d’une proposition, mais je peux me tromper.
La sénatrice Ringuette : Vous dites qu’il n’y a pas d’étude comparative et que nous sommes en avance en quelque sorte au lieu d’être en retard d’un an. Il y a donc un processus de consultation en cours, car vous venez de dire qu’on vous consulte en ce moment, madame Johnson.
Je n’ai pas obtenu de réponse à ma question sur l’étude comparative qui devrait être réalisée sur mon don d’argent et un don de sécurité.
J’essaie d’obtenir des réponses de votre part. Lorsque vous parlez d’équité fiscale, je veux savoir dans quelle mesure l’initiative est équitable par rapport aux dons et aux crédits d’impôts des Canadiens ordinaires.
M. Laurin : Nous bénéficions tous du même crédit d’impôt pour les organismes de bienfaisance. Si vous donnez plus de 200 $, vous bénéficiez d’un crédit d’impôt à un taux égal au taux marginal d’imposition le plus élevé. Tout le monde y a droit.
La plupart des gens ne seront pas touchés par l’IMR, car il ne concerne qu’une minorité de gens. Ce qui se passe, c’est que nombre de ceux qui ont des revenus importants au cours d’une année donnée font également des dons au cours de cette même année. Ce sont principalement ces dons qui seront affectés, ce qui, pour certains, représente un coup dur pour le secteur caritatif.
Si vous pensez que 4 % des dons, ce n’est pas considérable, alors ce ne l’est pas. Si vous pensez que ce l’est, alors ce l’est.
La présidente : Merci. Le temps est écoulé.
Le sénateur Massicotte : Merci aux témoins.
J’essaie d’y voir clair. Je pense que nous essayons tous d’y voir clair. Si on ajoute 20 000 $ au revenu d’un particulier, quelle part de ces 20 000 $ paiera-t-il en impôts supplémentaires?
Donnez-moi un autre exemple. J’essaie de comprendre. Si on ajoute 10 000 $ au revenu, combien paierait-on en plus en impôt sur le revenu?
M. Laurin : Cela dépend de nombreux facteurs. Disons que votre revenu s’élève à 50 000 $ et que vous ne bénéficiez d’aucun autre type de déduction ou de crédit. Si tel est votre point de départ, les 10 % de revenus suivants seront imposés à votre taux marginal fédéral et provincial. Ce taux n’est pas affecté par l’IMR.
Il faut avoir un revenu de plus de 173 000 $ pour être affecté par l’IMR. C’est ce qui est prévu pour l’IMR proposé, et non pas pour l’IMR actuel. Vous ne serez pas affecté par le nouvel IMR si vous n’atteignez pas le seuil de revenu fixé. Je répète que le seuil de revenu minimal est de 173 000 $ pour l’IMR proposé, et non l’IMR actuel.
Disons maintenant que vous avez un revenu composé presque entièrement de revenus ordinaires, et qu’il s’élève à 250 000 $. Vous avez quelques autres déductions et autres choses de ce genre — quelques crédits d’impôts — qui ne sont peut-être déductibles qu’à 50 %. Ces mesures sont tout de même déductibles à 50 %, alors vous pourriez finir par ne rien payer sur les 10 000 $ suivants. Vous pourriez ne pas être assujetti à l’IMR du tout.
Cependant, si vous avez des gains en capital substantiels — le traitement des gains en capital change tellement avec l’IMR —, vous avez de fortes chances — 75 % environ — de devoir payer le nouvel IMR.
Ce sont les seules personnes qui seront réellement affectées par ces changements. Si ce n’était des dons de bienfaisance... Ils sont en quelque sorte... Je trouve même étrange que l’on ait décidé d’inclure le crédit d’impôt pour les dons de bienfaisance dans l’IMR. Pourquoi faire une telle chose?
Tous les revenus proviennent de la disposition relative aux gains en capital, car il s’agit d’un changement très important. Si le taux d’inclusion des gains en capital ne passait pas de 50 % à 100 %, l’IMR augmenterait... Nous avons fait le calcul, et je pense que ce n’aurait été que 25 % de l’augmentation proposée.
Les modifications apportées à l’IMR n’auraient pratiquement aucun impact sans celles apportées aux gains en capital.
Tout cela parce que le seuil de revenu qui n’est pas affecté par l’IMR — le seuil de 173 000 $ — est une énorme augmentation par rapport à 40. La différence est énorme. C’est ce qui fait que le nouvel IMR s’applique à des niveaux de revenus beaucoup plus élevés.
Les deux IMR concernent donc des personnes différentes. Les personnes concernées par l’IMR actuel ne sont pas les mêmes que celles qui paieront le nouvel IMR. C’est une chose. Le nouveau régime affectera des personnes qui ont des revenus importants au cours d’une année donnée dont la majeure partie proviendra de gains en capital. C’est ce que nous constatons en examinant les données.
Le sénateur Massicotte : Avez-vous tout suivi?
La présidente : Est-ce plus clair pour vous?
Le sénateur Massicotte : C’était difficile à suivre. Il y avait tellement de chiffres. Je croyais être mieux loti, mais je n’en suis plus sûr.
La présidente : Quelle est votre question? Qu’avez-vous besoin de savoir?
Le sénateur Massicotte : Si mon revenu augmentait de 20 000 $ et que mon don de bienfaisance augmentait de 1 000 $, quelle serait la différence? Combien d’argent verserais-je?
La présidente : Si j’ai bien compris, il ne peut pas vous répondre sans connaître les autres déductions dont vous bénéficiez, mais vous pouvez essayer une réponse à nouveau si vous le voulez, monsieur Laurin.
M. Laurin : Il est clair que cela dépend de votre situation de départ. Elle varie d’une personne à l’autre en fonction de leurs sources de revenus. Tous les revenus ne sont pas imposés de la même façon. Cela dépend de vos déductions, de vos crédits, et cetera, mais il faudrait que vous ayez un revenu très élevé en partant.
La présidente : Merci. Je crois que c’est clair.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : D’abord, j’aimerais vous dire que j’ai beaucoup d’empathie pour les organisations caritatives et les OBNL, qui font une partie du travail que l’État ne fait pas pour aider les plus démunis. Toutes les mesures qui pourraient nuire à leur financement me semblent, a priori, suspectes.
Monsieur Laurin, si c’est possible, je vais vous demander de vulgariser un peu plus votre savoir pour moi. À votre avis, pourquoi le gouvernement a-t-il inclus dans le budget cette mesure qui, par la bande, nuit aux organisations charitables? Est‑ce pour diminuer l’évasion fiscale, pour taxer davantage les gains en capitaux? J’aimerais mieux comprendre cette partie.
M. Laurin : On ne connaît pas nécessairement la raison. La raison citée dans le budget est de faire en sorte qu’il y ait plus d’équité; on souhaite rendre le régime plus équitable.
La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce le résultat? Est-ce qu’on taxe davantage les plus riches?
M. Laurin : Selon moi, c’est différent. Il s’agit vraiment de s’attaquer à des gains en capitaux substantiels qui n’arrivent qu’occasionnellement. On ne sait pas tout, parce que chaque personne est différente; certaines peuvent avoir eu deux gros gains en 20 ans, deux gains importants en 10 ans ou seulement un à vie. Cela dépend. Voilà un impact de la réforme. Ce n’est pas le seul — il y en a d’autres —, mais c’est le plus important, selon moi. Cet impact majeur se fait-il par la bande? Je ne sais pas, mais ce pourrait être le cas, comme ce pourrait aussi être l’intention, mais une intention plus cachée, qu’on ne veut pas trop divulguer. C’est possible; tout est possible.
Si c’est vraiment l’intention, il aurait été préférable de le divulguer, de le dire ouvertement afin qu’on puisse en débattre. Pour les gens qui se soucient de l’équité, je ne pense pas qu’il y en ait plusieurs qui diront... Si on veut taxer davantage les riches et les gros gains en capitaux, on atteint quand même la cible. Quant à savoir si cela est équitable, c’est une autre question, parce qu’on évite dans ce cas-là d’imposer les gens qui sont riches aussi, mais qui ont des gains en capitaux répartis sur plusieurs années.
Cela soulève donc plusieurs questions. Malheureusement, je dois parler de façon hypothétique, parce que la seule raison mentionnée par le gouvernement dans le budget est l’équité et l’atteinte d’une répartition plus équitable des revenus fiscaux.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci pour votre tentative de réponse; je comprends que ce n’est pas si évident. Merci.
[Traduction]
La présidente : Je sais que vous souhaitiez intervenir à ce sujet, sénateur Gignac.
[Français]
Le sénateur Gignac : Merci des précisions qui ont été apportées, étant donné que cette mesure n’est pas encore en vigueur. On le verra peut-être la semaine prochaine. C’est évident que la perception, c’est que ce sont les mieux nantis qui seront affectés par cette mesure. Il y a certains impacts, mais on y voit de l’équité.
J’aimerais parler d’un volet qui n’a pas été beaucoup mentionné jusqu’ici et peut-être aussi amener un éclairage sur l’impact. Cela vaut la peine d’y penser. J’y ai été sensibilisé par des organismes du Québec, comme des fondations universitaires pour des campagnes de financement. J’y ai également été sensibilisé par le ministre des Finances du Québec, étant donné que chaque fois qu’il y a un changement fiscal à l’échelle du gouvernement fédéral, le gouvernement québécois doit décider s’il harmonise ses politiques ou non.
Il est évident qu’un changement de ce genre a beaucoup plus de conséquences indirectes sur les finances publiques du Québec et des provinces, puisque les organismes de bienfaisance, d’aide à l’itinérance, les universités et les hôpitaux qui recueillent des fonds sont tous de compétence provinciale. S’il y a moins d’argent pour les centres universitaires, les centres hospitaliers et nos grandes universités qui... Cela a d’ailleurs un impact sur le plan financier pour les étudiants étrangers, car il y en aura moins et il y aura moins de recettes. Tout cela aura un impact indirect à moyen terme sur les finances publiques des provinces.
Je pose une question et je fais aussi un commentaire; les témoins sont libres d’intervenir. Pour le gouvernement fédéral, il n’y a pas beaucoup de conséquences; il s’agit d’un gain net de 600 millions de dollars de plus de recettes par année. Les dépenses éventuelles, ce sont les provinces qui vont les subir, parce que les hôpitaux ne pourront pas suivre. Monsieur Laurin, est-ce que je suis sur la bonne voie dans mon interprétation?
M. Laurin : Il pourrait certainement y avoir des conséquences pour les provinces, parce que ce sont les administrations qui s’occupent des services à la population. Vous avez parlé des 600 millions de dollars que cette mesure va générer, mais cette somme continuera de diminuer, par contre. Je ne sais pas comment le dire en français.
[Traduction]
Elle peut être reportée. Il s’agit d’une disposition de report.
[Français]
Cette disposition fait en sorte qu’après 20 ou 25 ans, le gouvernement ne générera presque plus de revenus, parce qu’il y aura un gros bassin de l’impôt minimum de remplacement qui pourra être réclamé dans les années futures.
Le sénateur Gignac : Est-ce que vous avez parlé aux gouvernements provinciaux de cette proposition du gouvernement fédéral? En fin de compte, quand les choses iront moins bien, les gens n’iront pas cogner à la porte du gouvernement fédéral; ils iront voir les ministères des Finances des provinces. Est-ce que des démarches ou des discussions ont eu lieu avec les gouvernements provinciaux?
M. Laurin : Non, pas vraiment, mais il faut dire que les provinces ont aussi leur propre impôt minimum, et c’est une fraction de ce que collecte que le gouvernement fédéral. Autrement dit, s’il y a des gains en revenus fiscaux, il y en aura aussi pour les provinces — à part le Québec, bien entendu.
[Traduction]
La présidente : Avez-vous terminé, sénateur Gignac?
Le sénateur Gignac : Je ne sais pas si Mme Johnson a quelque chose à ajouter. Vous ne faites pas vraiment affaire au gouvernement fédéral, sauf dans ce type de situation, mais auriez-vous quelque chose à ajouter à propos de ce que je viens de dire?
Mme Johnson : Nous ne faisons pas affaire aux gouvernements provinciaux, alors nous n’avons malheureusement pas tenu compte de l’impact sur ces derniers, mais vous avez soulevé un bon point en disant que les organismes de bienfaisance qui opèrent au Canada dans certains sous-secteurs, comme la santé et l’éducation, sont concernés par les transferts versés aux gouvernements provinciaux. Étant donné que la santé et l’éducation relèvent des provinces, l’impact de ces changements — si ces sous-secteurs deviennent incertains de quelconque façon — se ferait-il sentir à l’échelle provinciale? C’est une bonne question. Ce n’est pas de notre ressort. Nous faisons affaire au gouvernement fédéral, mais je comprends ce que vous dites.
La présidente : Merci.
Le sénateur Varone : Tous les organismes de bienfaisance ne naissent pas égaux. Certains tirent parti des lois fiscales en vigueur. C’est là que l’impôt minimum de remplacement prend tout son sens, et je souhaitais connaître votre avis à ce sujet.
Je ne vous donnerai qu’un exemple. Catholic Charities est une organisation très répandue — je brûlerai probablement en enfer pour ce que je vais dire — mais, vous savez, elle reçoit des dons chaque année et n’est pas assujettie à l’impôt. Cette organisation est également en concurrence avec le secteur privé dans divers secteurs d’activités, qu’il s’agisse de cimetières, de funérailles ou de salons funéraires. Dans le secteur des salons funéraires en particulier, l’organisation a installé les siens près des cimetières, éliminant ainsi toute une génération d’opérateurs de salons funéraires, parce qu’elle ne paie pas d’impôt. Elle ne paie ni impôt sur le revenu, ni impôt sur les redevances, ni aucune autre forme d’impôt.
Il serait pertinent d’avoir un impôt minimum dans ce contexte. J’aimerais savoir ce que vous pensez des organismes de bienfaisance qui sont en concurrence avec les organisations du secteur privé et de la pertinence d’un impôt minimum.
Mme Johnson : L’impôt minimum de remplacement s’applique à l’impôt sur le revenu des particuliers, alors je ne suis pas certaine de comprendre votre question.
Le sénateur Varone : Si l’organisation Catholic Charities participe à des activités de sollicitation directe, mais dispose également d’une branche en concurrence directe avec le secteur privé, devrait-elle être assujettie à un impôt minimum? Voilà ma question.
Mme Johnson : De nombreux organismes de bienfaisance génèrent des recettes. On les appelle des « entreprises sociales ». Il y a un potentiel, et le sous-secteur des arts et de la culture l’utilise très bien avec la vente de billets de spectacles, par exemple. Les revenus que les organismes de bienfaisance génèrent par l’entremise de recettes ou de toute autre source de revenus doivent servir un objectif caritatif, et ne peuvent donc pas être comptabilisés aux fins de bénéfices privés. Ces organismes ne sont pas autorisés à faire des profits. Tout profit ou excédent doit être réinvesti dans des initiatives caritatives.
Ces organismes ne sont donc pas vraiment en concurrence avec le secteur privé et ne seraient pas assujettis à l’impôt minimum de remplacement. Comme vous l’avez dit, ils ne paient pas d’impôts et l’IMR ne s’applique qu’aux contribuables.
La présidente : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Laurin?
M. Laurin : Non, c’est bien cela.
La présidente : Je pense que c’est là que réside une partie de la confusion. Il ne s’agit pas d’un impôt sur les sociétés, mais plutôt d’un impôt minimum sur les particuliers.
Si je vous ai bien compris, monsieur Laurin, je pense que votre argument est simple : si le gouvernement veut imposer les gains en capital importants, il devrait le faire directement et non pas utiliser la porte arrière des organismes de bienfaisance, si je puis dire, pour y parvenir. Est-ce que je vous ai bien compris?
M. Laurin : Oui, c’est mon point principal. Cela améliorerait la transparence. Personnellement, c’est ce que j’aurais préféré.
Simple parenthèse, cela dit : si j’étais potentiellement concerné par cette mesure, je préférerais probablement que le gouvernement utilise l’IMR, car j’aurais un moyen de l’éviter. Ce ne serait pas le cas si le gouvernement préconisait une approche directe.
La présidente : Non, je comprends. On crée un moyen pour les gens d’éviter ce que le gouvernement dit vouloir accomplir.
M. Laurin : Avec l’IMR, oui.
La présidente : Oui, c’est maladroit.
Nous allons maintenant procéder à un deuxième tour de table rapide. Le temps file.
Le sénateur Loffreda : Nous n’en avons pas discuté, mais je pense que l’objectif du gouvernement — et cela devient compliqué, alors je ne vais pas trop m’étendre sur le sujet — est le suivant : si on achète, par exemple, des actions accréditives sur certains des premiers appels publics à l’épargne, on obtient un crédit d’impôt.
C’est ce que font les personnes à revenu élevé. Elles se tournent vers le secteur minier. Elles achètent des actions accréditives, obtiennent leur crédit d’impôt, vendent immédiatement ces actions, réalisent un gain en capital et font ensuite don de ces mêmes actions. Leur taux d’imposition passe ainsi de 55 % ou 53 % à 37 % ou 35 %. Elles obtiennent leur déduction pour don de bienfaisance. Cela devient très compliqué.
Je pense que le gouvernement vise ceux qui utilisent cette stratégie de planification fiscale. C’est tout à fait légal, d’ailleurs. Je pense que son approche est lacunaire, cela dit, et j’aimerais avoir votre avis à ce sujet. Ma question est la suivante : nous nous intéressons aux organismes de bienfaisance et aux organisations à but non lucratif, mais nous allons nuire au secteur minier, car certaines actions accrédititives ne seront plus achetées. Or, j’avais l’impression que ce ne serait pas le cas. À quel point cela est-il vrai? Je ne sais pas si vous avez des statistiques à ce sujet. J’ai demandé à plusieurs reprises : « pensez-vous que ce secteur sera affecté? » Je me suis demandé pourquoi le gouvernement essaierait de nuire non seulement à l’exploitation minière et à la prospection au Canada, mais aussi aux dons.
Ma question porte sur les conséquences involontaires. Les particuliers ne peuvent pas prendre les actions qu’ils possèdent personnellement et les transférer à une société, car les gains en capital réalisés seraient imposables. Toutefois, ils peuvent maintenant créer une société, acheter les actions par l’intermédiaire de la société et plus tard en faire don par l’intermédiaire de la société, afin d’éviter de payer des impôts.
Les dividendes peuvent être imposables, mais les sociétés bénéficient d’un taux d’imposition inférieur. Si j’examine tout cela et que je prends en compte les conséquences involontaires, comme l’effet de l’impôt sur l’industrie minière et sur les organismes de bienfaisance, des conséquences que vous avez très clairement mises en évidence, et son effet sur le gouvernement provincial — et j’ai commencé par indiquer que les gouvernements devront fournir davantage de fonds — et sur les taux d’imposition des particuliers, en ce sens que, si vous devez posséder autant de millions d’actions personnellement, pourquoi ne pas le faire par l’intermédiaire d’une société, et d’autres problèmes se posent aussi à cet égard, mais je ne veux pas entrer dans les détails des questions de fiscalité.
J’aimerais savoir ce que vous pensez de ces conséquences, car c’est à cet égard que nous avons manqué quelque chose, je pense; ce sont ces particuliers qui sont ciblés, parce que les personnes qui touchent des revenus élevés pourraient procéder de cette façon. Les particuliers planifieront en conséquence.
La présidente : Monsieur Laurin, vous avez la parole.
M. Laurin : Vous avancez un argument très juste. Les conséquences involontaires sont des aspects que nous aimerions éviter. Nous ne voulons pas qu’un régime fiscal crée des conséquences involontaires ou des distorsions de comportement. Nous aimerions que le régime fiscal soit plus neutre en ce qui concerne les comportements.
Vous faites valoir un argument très valable. L’IMR actuel accorde — et l’IMR proposé le fait encore plus, je pense — une certaine marge de manœuvre aux contribuables afin de leur permettre de planifier des solutions fiscales de rechange. L’IMR entraîne donc des effets comportementaux, c’est certain, et ce n’est pas souhaitable.
La sénatrice Marshall : Monsieur Laurin, pourriez-vous simplement clarifier une question que vous avez mentionnée lorsque vous avez répondu à la question du sénateur Massicotte?
L’exemption de base va passer de 40 000 $ à 173 000 $. S’agit-il d’un revenu brut de 173 000 $?
M. Laurin : Il s’agit de votre revenu imposable. Oui, c’est la même chose, ou c’est très semblable.
La sénatrice Marshall : Vous calculez ensuite l’impôt sur votre revenu selon les règles ordinaires de l’impôt sur le revenu, puis vous le calculez selon les règles de l’IMR, et vous payez le montant le plus élevé?
M. Laurin : Oui.
La sénatrice Marshall : J’ai compris.
M. Laurin : Oui, il s’agit du même revenu.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie de vos réponses.
La sénatrice Ringuette : Monsieur Laurin, pour être claire — car je veux être sûre de bien comprendre —, ce que vous dites, c’est que si une personne décide de faire un don de 500 000 $ à une université, disons, la probabilité que cette personne paie moins d’impôt sur le revenu en raison de l’IMR augmente si elle répartit ce don de 500 000 $ sur cinq ans, plutôt que de le faire en une seule année?
C’est ce que je crois avoir compris en écoutant vos différentes observations.
M. Laurin : Je vous remercie de votre question, car ce n’est pas ce que j’ai voulu dire.
Les 500 000 $ sont un exemple qui est lié au calcul du montant de gain en capital qu’un contribuable peut avoir. Il ne s’agit pas d’un commentaire lié aux dons de bienfaisance. Cet exemple n’a rien à voir avec les dons de bienfaisance, alors je vous remercie d’avoir posé la question.
La sénatrice Ringuette : Je vous remercie de votre réponse.
La présidente : Je pense que nous en avons terminé, et je tiens à vous remercier tous les deux. Je sais qu’il était compliqué de parler des conséquences fiscales et de la question de savoir si le gouvernement sera réellement en mesure d’atteindre ses objectifs, et je vous remercie, madame Johnson, d’avoir soulevé cette question, car je crois que nous savons tous à quel point le secteur caritatif est important en ces temps très difficiles. Nous nous intéressons aux banques alimentaires et à toutes sortes d’initiatives dans l’ensemble du pays, et j’espère que nous pourrons vous consulter à nouveau à mesure que nous avancerons dans notre travail. Le budget est le budget, et la question de savoir s’ils iront de l’avant ou non est une tout autre question. Toutefois, il est important que nous fassions la distinction entre ces questions. Nous ne devrions pas utiliser les organismes de bienfaisance pour tenter de rendre un système plus équitable à l’extérieur.
Il se peut que nous réexaminions cette question lorsque nous verrons ce qui se passera. Nous remercions Alexandre Laurin, directeur de la recherche à l’Institut C.D. Howe, qui s’est joint à nous virtuellement, ainsi que Bernadette Johnson, directrice du plaidoyer et de la mobilisation des connaissances à Imagine Canada.
Cela met fin à notre réunion.
(La séance est levée.)