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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 1er mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 16 h 14 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les banques et le commerce en général.

La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à toutes les personnes ici présentes et à toutes celles qui sont avec nous en ligne. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je m’appelle Pamela Wallin et je préside ce comité.

Avant de commencer, je tiens à rappeler à tous les sénateurs et aux autres participants présents dans la salle les importantes mesures de prévention suivantes.

Afin de prévenir des rétroactions acoustiques perturbatrices et potentiellement dommageables qui peuvent causer des blessures, je rappelle à tous les participants ici présents qu’ils doivent tenir la nouvelle oreillette, qui est noire, loin de leur microphone en tout temps. On a placé des autocollants bien pratiques sur les tables et je vous prie de poser votre oreillette à cet endroit. Ces mesures ont été mentionnées dans un communiqué de la Présidente le 29 avril, à la suite d’incidents, et elles ont été prises pour prévenir les rétroactions acoustiques.

Toutes les oreillettes ont été remplacées par un nouveau modèle qui réduit la probabilité de rétroactions acoustiques. Ces nouvelles oreillettes sont noires, alors que les anciennes étaient grises. Veuillez utiliser uniquement les oreillettes noires; si vous utilisez une oreillette grise accidentellement, cela pourrait poser un problème.

Par défaut, toutes les oreillettes inutilisées seront débranchées au début de la réunion. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer face vers le bas — et je sais que ce sont beaucoup de nouvelles règles — au milieu de l’autocollant prévu à cette fin.

Vous trouverez sur la table devant vous une carte indiquant les règles à suivre pour éviter les rétroactions acoustiques. Veillez à vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones. Les participants ne doivent brancher leurs oreillettes que sur la console de microphone située directement en face d’eux.

Ces mesures sont en place afin que nous puissions mener nos activités sans interruption et protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris, bien sûr, de nos interprètes.

Vous avez entendu d’autres messages à ce sujet, notamment sur la nécessité de ne pas parler tous en même temps et de ne pas passer du français à l’anglais au milieu d’une phrase, car cela complique les choses. Merci à tous pour votre coopération.

Permettez-moi maintenant de présenter les membres du comité qui sont avec nous aujourd’hui : le sénateur Loffreda, qui est vice-président du comité; la sénatrice Bellemare; le sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Gignac; la sénatrice Marshall; la sénatrice Martin; la sénatrice Ringuette; le sénateur Yussuff; et le sénateur Varone, qui est un nouveau membre du comité. De plus, la sénatrice Robinson, la sénatrice Oudar, la sénatrice Galvez et le sénateur Cardozo se joignent à nous aujourd’hui. Nous avons toute une équipe. Nous sommes prêts à vous accueillir.

Nous avons le plaisir de recevoir à nouveau M. Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, ainsi que la première sous-gouverneure, Mme Carolyn Rogers. Nous sommes heureux de vous compter parmi nous aujourd’hui pour faire le point sur le Rapport sur la politique monétaire d’avril 2024. Ce rapport est publié le même jour, bien sûr, que le rapport de la Réserve fédérale américaine, et nous avons donc beaucoup de nouvelles à discuter. Bienvenue à vous deux. Merci beaucoup de votre présence.

Nous allons commencer par votre déclaration liminaire, monsieur Macklem. Allez-y.

Tiff Macklem, gouverneur, Banque du Canada : Merci, madame la présidente. Bonjour, sénateurs.

[Français]

Bon après-midi à tous.

[Traduction]

Je suis heureux d’être ici avec la première sous-gouverneure pour discuter du Rapport sur la politique monétaire, que nous avons publié il y a deux semaines, ainsi que de notre décision relative à la politique monétaire.

En avril, nous avons maintenu notre taux directeur à 5 % et publié des perspectives révisées pour l’économie canadienne. Il y avait en fait trois messages clés.

Premièrement, la politique monétaire fonctionne. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation global et l’inflation fondamentale ont continué à baisser ces derniers mois, et nous pensons que l’inflation continuera à se rapprocher de la cible de 2 % cette année.

Deuxièmement, la croissance de l’économie semble être en train de se redresser. Nous pensons que la croissance du PIB sera solide cette année et qu’elle se renforcera encore en 2025.

Troisièmement, pour déterminer pendant combien de temps encore il faudra maintenir le taux directeur à son niveau actuel, nous cherchons des signes que la récente diminution de l’inflation sous-jacente sera durable.

Avant de répondre à vos questions, je vais prendre un moment pour discuter des données économiques récentes et des perspectives de croissance et d’inflation.

[Français]

Au Canada, la croissance a stagné durant la deuxième moitié de 2023, et l’offre est devenue excédentaire dans l’économie.

Le marché du travail s’est modéré après une période de grande surchauffe. L’emploi a progressé moins vite que la population en âge de travailler.

Le taux de chômage a donc augmenté graduellement au cours de la dernière année pour atteindre 6,1 % en mars. Il y a aussi des signes montrant que les pressions sur les salaires commencent à diminuer.

La croissance économique devrait se raffermir en 2024. La forte progression de la population fait augmenter la demande des consommateurs et l’offre de main-d’œuvre. Les dépenses des ménages devraient donc se redresser. Les dépenses publiques contribuent aussi à la croissance et la forte économie américaine soutient les exportations canadiennes.

Dans l’ensemble, nous prévoyons une croissance du PIB au Canada de 1,5 % cette année et d’environ 2 % en 2025 et 2026. Cela permettra à l’offre excédentaire de se résorber peu à peu en 2025 et au début de 2026.

L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) était de 2,9 % en mars. Les hausses de prix sont en train de ralentir pour la plupart des grandes catégories de biens et de services. Cependant, l’augmentation des frais de logement est encore très élevée et cela reste le facteur qui contribue le plus à l’inflation globale.

L’inflation fondamentale devrait continuer à diminuer graduellement. Les taux d’inflation fondamentale sur trois mois sont bien en dessous de ceux sur douze mois, ce qui indique un mouvement à la baisse. Puisque les prix de l’essence sont en hausse, l’inflation mesurée par l’IPC va probablement rester à environ 3 % au cours des prochains mois. Elle devrait ensuite passer sous la barre des 2,5 % durant la deuxième moitié de 2024 et atteindre la cible de 2 % en 2025.

[Traduction]

Ces perspectives comportent toujours des risques. L’inflation pourrait être plus élevée si les tensions mondiales s’intensifient, si les prix des maisons au Canada augmentent plus rapidement que prévu ou si la croissance des salaires reste élevée par rapport à la productivité. Pour ce qui est des risques à la baisse, l’activité économique à l’échelle mondiale et au Canada pourrait être plus faible que prévu, ce qui ralentirait trop la demande et l’inflation.

Nous ne voulons pas conserver une politique monétaire aussi restrictive plus longtemps que nécessaire, mais si nous abaissons notre taux directeur trop tôt ou trop rapidement, nous pourrions compromettre les progrès que nous avons accomplis dans la réduction de l’inflation.

Dans l’ensemble, les données recueillies depuis janvier nous incitent à penser que l’inflation continuera à baisser progressivement, même si l’activité économique se renforce. Nos principaux indicateurs d’inflation ont tous évolué dans la bonne direction et les données récentes indiquent un redressement de la croissance.

Je sais que la plupart des Canadiens veulent savoir quand nous abaisserons notre taux directeur. La réponse courte est la suivante : ce moment approche. Les données correspondent à ce que nous voulons voir, mais nous voulons voir le mouvement se poursuivre pour être sûrs que les progrès vers la stabilité des prix seront durables.

Dans les mois à venir, nous suivrons de près l’évolution de l’inflation fondamentale. Nous restons concentrés sur les indicateurs de l’évolution de l’inflation, soit l’équilibre entre l’offre et la demande dans l’économie, les attentes d’inflation, la croissance des salaires et le comportement des entreprises en matière de fixation des prix.

Pour conclure, nous avons fait beaucoup de progrès dans notre lutte contre l’inflation, et les améliorations récentes sont encourageantes. Nous voulons voir ces progrès se maintenir.

Sur ce, madame la présidente, la première sous-gouverneure et moi serons heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons entamer les séries de questions d’aujourd’hui par le vice-président, sénateur Loffreda.

Le sénateur Loffreda : Je remercie le gouverneur et la première sous-gouverneure de la Banque du Canada d’être des nôtres.

Je vais poser ma question et ma question complémentaire en même temps. Nous sommes un pays commerçant, et près de 40 % de notre produit intérieur brut, le PIB, consistent en exportations, dont les trois quarts sont expédiés aux États-Unis, qui sont la plus forte économie du monde en ce moment. Craignez-vous que nous ayons du mal à maintenir le rythme des États-Unis et à demeurer concurrentiels? Comment notre politique monétaire peut-elle nous aider à cet égard? Estimez-vous que nous sommes sur la bonne voie grâce à notre politique monétaire? Cette politique peut-elle être un facteur déterminant pour améliorer notre productivité, qui accuse du retard depuis des dizaines d’années? L’augmentation de la productivité mène assurément à une prospérité et à un bien-être supérieurs. Une meilleure productivité nous permettrait bien sûr de rehausser notre position concurrentielle et de suivre le rythme imposé par les États-Unis.

En terminant, j’aimerais connaître votre avis sur un lien possible entre notre faible productivité et notre politique monétaire, car des taux d’intérêt élevés peuvent nuire à l’investissement.

M. Macklem : Eh bien, votre question contient de nombreux éléments. Permettez-moi de commencer par parler de la politique monétaire. Mme Rogers a récemment livré un discours sur la productivité, alors je lui demanderais de prononcer quelques mots là-dessus.

Écoutez, la principale contribution que la politique monétaire peut apporter à la productivité, au bon fonctionnement de l’économie et au bien-être des Canadiens passe par le maintien d’une inflation faible et stable. La simple réalité est que dans une économie de marché, les prix indiquent où il faut investir et où il faut éviter d’investir. Les signaux de prix sont plus clairs quand l’inflation est faible et stable. Les dirigeants d’entreprise n’ont pas à s’inquiéter de l’incertitude supplémentaire causée par l’inflation.

Je ne pense pas que le problème de la productivité canadienne vienne de la politique monétaire. Oui, des taux d’intérêt élevés vont réduire l’investissement et les dépenses des ménages (c’est en partie comme cela que fonctionne la politique monétaire), mais notre productivité reste faible depuis plus de 20 ans. Nous avons connu des taux d’intérêt très faibles; ils sont maintenant élevés. Nous avons connu une faible productivité durant tout ce temps.

Je répète que selon moi, la meilleure contribution que peut apporter la politique monétaire consiste à rétablir la stabilité des prix.

Pourquoi ne diriez-vous pas quelques mots sur d’autres déterminants clés de la productivité?

Carolyn Rogers, première sous-gouverneure, Banque du Canada : Bien sûr, je pense que je vais commencer, sénateur Loffreda, par vous dire pourquoi nous avons choisi de parler de productivité au moment où nous l’avons fait. Je pense l’avoir dit au début de mon discours : le gouverneur en conseil parle presque juste d’inflation depuis environ deux ans, et c’est voulu. Les Canadiens s’attendaient à ce que nous parlions d’inflation. Nous portions déjà toute notre attention sur elle. Maintenant que nous nous rapprochons de notre cible, nous avons encore du pain sur la planche, mais nous commençons à préparer l’avenir. Nous pensons qu’il sera plus difficile de maintenir la stabilité des prix à l’avenir.

Certains des facteurs qui nous aident à maîtriser l’inflation depuis dix ans ou plus sont en changement. Par exemple, les données démographiques montrent des changements. Alors que la population vieillit, les dynamiques entre la consommation et l’épargne se modifient. L’un de nos anciens collègues est venu ici récemment pour en parler.

Les changements climatiques ont des répercussions sur les chaînes d’approvisionnement, et l’environnement géopolitique bien plus fragile influence les prix des marchandises et les chaînes d’approvisionnement. Tous ces facteurs constitueront des vents contraires qui compliqueront le maintien d’une inflation faible et stable.

Nous voulions parler de productivité comme d’un moyen d’aider à accroître la résilience de notre économie contre les facteurs négatifs. Si l’on fait une comparaison, l’inflation ressemble à la limite de vitesse maximale à laquelle l’économie peut croître avant de créer une pression inflationniste. Si nous arrivons à améliorer notre productivité, nous pourrons nous protéger un peu de ces vents contraires. C’est le lien que nous établissons entre nos difficultés en matière de productivité et le défi que présentera sans doute l’inflation. C’est pourquoi nous avons commencé à en parler lorsque nous l’avons fait. Nous voulions ajouter notre voix aux nombreuses autres sur ce sujet.

La présidente : Vous y avez ajouté votre voix de manière très dramatique. Les mots que vous avez employés étaient saisissants. Je me rappelle d’avoir été soufflée par les manchettes. Vos propos revenaient à dire: « on dit qu’il faut briser la glace en cas d’urgence, eh bien c’est une urgence ».

C’est clair que les choses se sont précisées de manière très dramatique pour vous. Vous êtes passés peu subtilement des discussions sur l’inflation à celles sur la productivité.

Comme le gouverneur l’a mentionné, je sais que cet enjeu existe depuis longtemps, mais qu’est-ce qui a provoqué ce genre de réaction?

Mme Rogers : Ce sont les facteurs que je viens tout juste de décrire et qui présenteront selon nous des défis à l’avenir. Vers la fin de la pandémie, la productivité a vraiment piqué du nez. Cela semblait logique, mais les entreprises canadiennes ont fait preuve de beaucoup de résilience, d’innovation et de créativité pour traverser la pandémie. Nous espérions que cette tendance se maintienne et que les choses s’améliorent après la pandémie, puisque les conditions commençaient à se normaliser, mais ce n’est pas ce qui est arrivé. En fait, les choses se sont aggravées.

Vous avez dit que les États-Unis étaient un grand partenaire commercial pour nous. Nous constatons une plus grande divergence entre les niveaux de productivité aux États-Unis et ceux au Canada. Je ne dirais pas que le problème est nécessairement plus grand, mais nous sommes encore plus motivés à réduire cet écart.

La présidente : Nous devons accélérer le processus? Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Rogers : Oui.

La présidente : Je sais que nous allons en reparler.

La sénatrice Marshall : La Réserve fédérale n’a pas changé son taux d’intérêt, donc on discute abondamment de ce qui se passe actuellement. Les taux d’intérêt sont élevés, et dans bien des économies, on trime dur pour abaisser les taux d’intérêt.

Pourriez-vous nous parler des répercussions de cette situation sur le Canada, parce que vous avez bon espoir de réduire bientôt les taux. Les gens pensent qu’une telle réduction approche, mais ce n’est pas du tout l’état d’esprit que l’on trouve aux États-Unis. J’aurais tendance à penser que cet état de fait influencera vos évaluations. Je veux dire par là que le dollar canadien sera probablement touché, de même que les importations et les exportations.

J’aimerais connaître votre point de vue là-dessus et savoir à quel point cela devrait être une source d’inquiétude pour vous et pour nous.

M. Macklem : Je suis heureux de répondre à la question. Je vais examiner la chose sous deux angles.

Tout d’abord, les données canadiennes et les données américaines suivent une évolution légèrement différente. Il y a environ six mois, les taux d’inflation aux États-Unis étaient plutôt bien, tandis que ceux du Canada piétinaient.

Les résultats des trois derniers mois sont plus encourageants. C’est le cas notamment du taux d’inflation fondamentale, qui a pris un nouvel élan baissier après une période de stagnation. Une des choses que nous examinons, ce sont les mesures de l’inflation fondamentale sur 3 mois, dont le taux est bien en deçà des mesures de 12 mois, qui se chiffrent à environ 3 %. Le fait que les résultats les plus actuels soient les plus bas indique que la tendance déflationniste perdure. Évidemment, les nouvelles données pourraient dénoter un mouvement contraire. Quoi qu’il en soit, de grands progrès sont enregistrés.

De manière générale, l’économie du Canada est beaucoup plus faible que celle des États-Unis. La politique monétaire semble avoir plus de traction au Canada. Ce phénomène s’explique notamment par la structure de son marché hypothécaire différente de celle des États-Unis. En raison de tous ces facteurs, il n’est pas surprenant que la politique monétaire au pays exerce une plus grande traction.

Le Canada a sa propre devise. Notre taux de change flexible permet d’ajuster la politique monétaire en fonction des besoins au pays.

La Réserve fédérale et la Banque du Canada se posent les mêmes questions. Elles attendent toutes les deux d’être fermement engagées dans la voie vers un taux d’inflation de 2 %. Ce qui nous différencie des États-Unis, c’est le renforcement de la confiance qui découle des données produites sur la situation au pays. Pour paraphraser le président de la Réserve fédérale, qui s’est exprimé publiquement cet après-midi, la confiance n’est pas encore assez grande aux États-Unis.

À propos des taux, nous ne sommes pas obligés de reproduire ce que fait la Réserve fédérale. Nous sommes maîtres de notre politique monétaire. Comme vous l’avez souligné, les événements aux États-Unis et les mesures prises par la Réserve fédérale ont évidemment une grande incidence au Canada. Comme le sénateur Loffreda l’a mentionné, 75 % de nos exportations sont destinées aux États-Unis. La demande chez nos voisins influe sur la demande pour les exportations canadiennes. Nos marchés financiers sont aussi très imbriqués. Les deux économies ont tendance à évoluer en parallèle. Il existe par contre des différences, que nous sommes en mesure de prendre en compte dans la gestion de notre politique monétaire.

La sénatrice Marshall : Ces deux choses peuvent attiser l’inflation, n’est-ce pas? Le Canada importe aussi beaucoup de biens des États-Unis. C’est bien pour les entreprises qui veulent vendre leurs produits aux États-Unis, mais le Canada achète aussi des produits.

J’essaie de comprendre à quel point vous êtes préoccupé parce que votre état d’esprit devrait normalement conditionner le nôtre.

M. Macklem : Eh bien...

La présidente : Veuillez répondre en une minute.

M. Macklem : Le fait que toutes les grandes banques centrales dans le monde aient été résolues à contrôler l’inflation nous a certainement tous aidés. Les mesures de réduction de la demande mondiale pour les biens échangeables nous ont tous aidés à faire fléchir l’inflation. Cette volonté commune a contribué à ancrer les attentes inflationnistes partout dans le monde.

Je suis convaincu que la Réserve fédérale est toujours résolue à revenir au taux d’inflation de 2 %. Les États-Unis ont aussi des données plus solides. Leurs taux d’inflation sont plus tenaces, mais je ne pense pas que ce commentaire portait sur leur détermination. Il porte plutôt sur les données dont ils disposent.

[Français]

Le sénateur Gignac : Parlons de vos indices privilégiés pour mesurer l’inflation sous-jacente. C’est important, parce que dans vos remarques préliminaires, vous avez dit que vous surveillez cela pour prendre la décision de baisser les taux ou non. Or, les économistes du Mouvement Desjardins et ceux de la Banque Nationale prétendent dans leurs études que votre mesure d’inflation sous-jacente tend à faire de la surestimation actuellement et est inférieure à 3 %. Qui plus est, certains économistes recommandent même de revenir à la mesure précédente, qui était le fameux IPCX, qui excluait huit composantes volatiles, dont les intérêts qui, en fait, seraient à 2 % actuellement, soit exactement sur votre cible de 2 %.

Êtes-vous d’accord, et la Banque du Canada a-t-elle l’intention, dans les prochains mois, de se pencher sur les mesures d’inflation fondamentales, parce qu’il est possible que votre politique monétaire soit trop restrictive au moment où l’on se parle? J’aurais une deuxième question, si vous êtes assez concis dans votre réponse.

M. Macklem : Premièrement, nos mesures d’inflation fondamentales préférées — on utilise le mot « préférées », parce que ce sont les mesures que l’on trouve empiriquement — sont mieux liées à l’écart de production et à l’évolution de l’inflation. Ce n’est pas seulement parce qu’on peut regarder nos mesures préférées, mais on examine de près d’autres mesures d’inflation fondamentale, comme l’IPCX, comme je l’ai déjà mentionné, et la plupart des pays utilisent l’IPC sans tenir compte des prix des aliments ni de l’énergie. On regarde aussi la distribution de l’inflation. Dans le Rapport sur la politique monétaire, il y a des graphiques qui expliquent la proportion des composantes de l’IPC qui montent plus rapidement à 3 %.

C’est vrai que certains indices peuvent donner différentes impressions, et l’inflation fondamentale a beaucoup baissé, mais ce taux de 2 % n’est pas encore normal. Si vous regardez, par exemple, tout le secteur de la distribution, il y a maintenant 38 % des composantes qui montent à plus de 3 % — normalement, c’est environ 25 %. À un certain moment, c’était aussi élevé que 40 %; c’est beaucoup mieux maintenant, mais ce n’est pas encore normal.

Je suis très content que le Mouvement Desjardins et les autres comptables regardent de près nos mesures. Je pense que lorsqu’on renouvellera notre cadre politique monétaire en 2026, ce serait intéressant de déterminer quelles sont les meilleures mesures d’inflation fondamentale. Comme Mme Rogers a mentionné, on aura probablement plus de chocs d’offre, c’est une question importante.

Le sénateur Gignac : En ce qui concerne la politique budgétaire, lors de votre dernière comparution, vous avez mentionné qu’il serait important que la politique monétaire et la politique budgétaire rament dans la même direction. Or, dans le budget qui vient d’être déposé, bien que le déficit soit toujours de 40 milliards de dollars, en raison de l’imposition sur le gain en capital qui touchera 0,1 % de la population, les dépenses budgétaires s’accélèrent. On parle d’une croissance de 6,7 % pour la prochaine année par rapport à 2,7 % par le passé.

Trouvez-vous que la ministre des Finances rame dans le même sens que vous?

M. Macklem : Nous ne sommes pas responsables de la politique budgétaire — c’est le rôle des parlementaires —, mais nous sommes responsables de la politique monétaire. Les gouvernements ont toujours beaucoup de priorités. Ils doivent prendre des décisions. Deuxièmement, il faut se pencher sur les politiques budgétaires des provinces et du gouvernement fédéral, parce que nous devons tenir compte de l’effet total des politiques budgétaires de toutes les provinces et du gouvernement fédéral.

Le sénateur Gignac : Mais est-elle expansionniste ou est-elle neutre?

M. Macklem : Vous avez raison de dire que les dépenses ont augmenté; les revenus ont augmenté aussi, et ce, pour deux raisons. On prévoit que l’économie sera plus forte et qu’il y aura donc une hausse des revenus. De plus, il y a de nouvelles mesures budgétaires, comme le taux d’inclusion des gains en capital.

Si on regarde l’effet net de tout cela, le suivi budgétaire n’a pas vraiment changé. Le budget est sorti après nos prévisions publiées dans le Rapport sur la politique monétaire, donc on devrait regarder tout cela de près et on va en tenir compte dans nos prochaines prévisions qui seront publiées en juillet.

Mais je ne crois pas que le fait que le plan fiscal net n’ait pas beaucoup changé aura un grand effet sur nos prévisions sur l’économie ou l’inflation.

[Traduction]

La présidente : Du côté des dépenses, les nouvelles dépenses s’élèvent à 61 milliards de dollars, et les nouveaux revenus, à 22 milliards de dollars. C’est un écart énorme, auquel vous êtes tenu de réagir.

M. Macklem : Les nouveaux revenus proviennent de deux sources dans le budget. Leur effet net sur le déficit est assez faible. Une part des nouveaux revenus provient des prévisions à la hausse du PIB. Plus le PIB est élevé, plus les revenus sont élevés. Il y a aussi de nouvelles mesures fiscales, notamment l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital. Encore une fois, si vous regardez le bilan financier, vous ne noterez pas beaucoup de changements. Le gouvernement a établi les garde-fous budgétaires que vous connaissez bien, dont le maintien du déficit sous un taux de 1 % du PIB en 2026-2027 et dans les années suivantes. Ils ont respecté ces garde-fous, ce qui est bien à mon avis. Surtout, ils se sont réengagés à les respecter. Je pense que c’est une bonne chose.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Merci d’être avec nous, monsieur Macklem. Je lisais votre récent article produit pour un centre de recherche sur la politique économique, dans lequel vous faisiez état des gros défis de la politique monétaire actuelle, qui sont notamment les chocs d’offres prolongés et une incertitude accrue, et qui font qu’il est de plus en plus difficile de prévoir l’avenir, parce que les modèles se fondent sur le passé.

Vous dites que la politique monétaire tendant à baisser les taux d’intérêt est encore efficace. Pensez-vous que ce sera le cas à l’avenir? Ne croyez-vous pas qu’il devient nécessaire de penser à d’autres outils, comme la coordination avec la politique fiscale? Peut-être aussi, dans votre conduite de la politique monétaire, pourriez-vous inclure des gens qui proviennent d’horizons variés pour mieux appréhender la réalité et l’avenir?

M. Macklem : Je pense que vous faites référence à un chapitre que j’ai écrit dans une publication du Centre for Economic Policy Research (CEPR). Je pense que le message que contient ce chapitre, c’est que les événements des dernières années sont sans précédent et sont très complexes. Nous avons appris quelques leçons. Je ne vais pas revoir toutes ces leçons, mais je pense que c’est important d’être une institution qui s’adapte et qui est toujours en mode d’apprentissage.

Pour ce qui est des grands messages, en effet, il y aura probablement plus de chocs d’offres et plus de volatilité dans l’économie.

Une autre leçon qui n’est pas vraiment nouvelle, c’est que, pour des générations de Canadiens, c’est la première fois qu’ils vivent réellement l’expérience de l’inflation. Ce qu’on a vu, c’est que la plupart des Canadiens se rappelaient les années 1970. Nous avons constaté que les Canadiens n’aiment vraiment pas l’inflation.

En ce qui concerne l’implication d’autres personnes d’autres horizons dans la politique monétaire, je suis d’accord avec le fait que cela implique que nous aurons besoin d’une diversité d’opinions et d’expériences. Nous avons aussi besoin de suivre des modèles plus flexibles et de mettre davantage d’insistance sur le côté de l’offre dans l’économie.

Finalement, je suis d’accord pour dire que la politique monétaire et les taux d’intérêt influencent la demande, mais que cela n’affecte pas vraiment l’offre. Les politiques axées sur l’offre, la productivité et une plus grande flexibilité dans l’économie, ce sera plus important à l’avenir, parce qu’il y aura de nouveaux défis.

Ce ne sont donc pas des choses qui sont du domaine de la politique monétaire, mais plutôt du gouvernement et des entreprises privées.

La sénatrice Bellemare : Je me demandais s’il serait nécessaire à l’avenir de faire des analyses coût/bénéfice de votre politique pour le public et pour votre compte, pour être en mesure de mieux manœuvrer.

M. Macklem : En effet, tous les cinq ans, lorsqu’on examine notre cadre de politique monétaire, chaque fois que nous avons renouvelé ce cadre, il y avait plusieurs recherches qui se faisaient — vous-même avez été impliquée dans quelques-unes de ces recherches, donc vous êtes au courant — et nous nous sommes posé plusieurs questions : est-ce que la cible devrait être plus basse ou plus haute? Est-ce qu’on devrait avoir un double mandat? Est-ce qu’on devrait cibler un PIB nominal, par exemple?

On examine toujours le ratio coût/bénéfice de notre cadre et celui des autres cadres.

De plus, je pense qu’il est important de tirer des leçons des années précédentes, et le chapitre que vous avez mentionné parlait notamment de cela. Notre collègue Tony Gravelle a prononcé un discours au sujet des mesures qu’on a mises en place pour stabiliser les marchés financiers durant la crise, et on examine encore l’efficacité du ratio coût/bénéfice de ces politiques. On fait encore du travail pour analyser les politiques extraordinaires que nous avons mises en place durant la crise. Vous voyez donc plus de résultats de cette analyse.

La sénatrice Bellemare : Merci.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup. Certains disent que de hausser la cible à 3 % éviterait de hausser les taux d’intérêt. L’équation paraît simple pour le commun des mortels. Pourquoi ne révisez-vous pas la cible?

M. Macklem : Nous pourrions à ce compte-là modifier la cible à 4 % ou à 5 %.

Je répondrais que si vous changez votre cible lorsque les choses se corsent, aussi bien dire que vous n’avez pas de cible. Je crois fermement en cette cible, qui n’a pas changé depuis 1995. Elle s’est avérée un solide point d’ancrage de notre économie et de nos attentes.

La vague de chocs enregistrés ces dernières années a été de loin la plus puissante jamais ressentie. Ce ne sont pas les premiers changements structurels ou les premiers chocs que nous avons. Nous avons toujours été en mesure de faire revenir l’inflation à 2 %. Nous sommes encore en bonne voie de le faire cette fois-ci.

Le maintien de la cible est important. À mon avis, une des forces de notre régime est l’examen approfondi de la cible prévu tous les cinq ans, qui nous amène à déterminer si le cadre de politique monétaire est le meilleur cadre pour les Canadiens.

Spontanément, je ne pense pas qu’il faille jeter l’éponge parce que les circonstances sont difficiles.

La présidente : Merci de votre réponse.

Le sénateur C. Deacon : Monsieur le gouverneur, madame la première sous-gouverneure, merci de revenir témoigner devant le comité. Ces réunions sont toujours importantes pour nous.

Une des grandes différences entre le Canada et les États-Unis est le niveau des investissements des entreprises par travailleur, particulièrement dans les industries fondées sur les données. Cette situation nous a amenés à effectuer une étude approfondie qui s’est soldée par un rapport intitulé La nécessité d’une stratégie en innovation pour une économie fondée sur les données.

Nous avons découvert que trop souvent, les conditions n’étaient pas en place pour générer le type d’investissements des entreprises que nous croyons nécessaires. Ce facteur est vraiment déterminant. J’ai été ravi lorsque j’ai lu votre discours intitulé L’heure a sonné : réglons le problème de productivité du Canada, car nous aurions pu choisir ce titre il y a un an si nous avions été assez brillants.

Pourriez-vous nous dire ce qui vous a incitée à adopter un ton aussi direct, qui est d’ailleurs très indiqué à notre avis. Je vais parler pour moi-même, mais vu la conjoncture enregistrée il y a un an, je pense que l’ambivalence n’a plus sa place.

Je ne tournerai pas autour du pot. À quoi ressemblerait un changement de priorités qui serait un vecteur de succès? Il va falloir apporter ces changements, et ce n’est pas ce que nous voyons actuellement.

Mme Rogers : Ma foi, vous avez mis beaucoup de choses dans votre question.

Le sénateur C. Deacon : Oui.

Mme Rogers : J’ai parlé de ce qui a motivé ce discours et des raisons pour lesquelles la Banque du Canada devrait amorcer la discussion à ce stade-ci. Il est essentiel de se projeter dans l’avenir et de trouver comment faire pour bâtir une économie résiliente au Canada en vue de ce qui pourrait se produire — le gouverneur vient de décrire le bien-fondé de notre cible et des efforts qui nous ont permis d’y revenir après les chocs. Si nous voulons intégrer la résilience dans notre économie, la productivité est un bon moyen d’y arriver. Je pense que c’est cela qui m’a motivée à livrer ce discours.

À propos du titre, je dois donner crédit aux rédacteurs de notre formidable équipe des communications. Le discours a provoqué deux sortes de réactions. Des gens nous ont dit que le contenu était un peu trop avant-gardiste, et d’autres, qu’il permettait de définir une orientation.

La présidente : Nous ne sommes pas de cet avis.

Mme Rogers : D’accord. Vous parlez du rapport que vous avez produit. Les rapports, les idées et les théories abondent, mais il faut concrétiser tout cela. Nous devons mettre en application certains de ces éléments.

Ce discours ne visait surtout pas à nous poser comme des experts en mesure de décréter quelles politiques devraient être mises en œuvre et lesquelles sont les meilleures. Notre message était de dire qu’il y a beaucoup de bonnes idées, dont certaines sont probablement plus faciles que d’autres à mettre en œuvre. Nous ne disons pas que telles solutions doivent venir du gouvernement, et que telles autres doivent venir du secteur privé. Pour arriver à nos fins, il va falloir consentir des efforts, prendre des engagements et opérer des changements à de multiples niveaux.

Ce discours était en quelque sorte un appel à l’action pour presser tout le monde à saisir et à mettre en œuvre les idées qui circulent déjà.

Le sénateur C. Deacon : À vos yeux, le succès est d’établir ces priorités dans tous les pans de l’économie — au fédéral, au provincial et dans les entreprises?

Mme Rogers : C’est aussi de travailler ensemble.

Le sénateur C. Deacon : Vous parlez de collaboration. Je dirais que les entreprises le font déjà beaucoup, mais je ne pense pas que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral possèdent l’expérience nécessaire par rapport à ce qu’il faut pour opérer des changements de politiques, car il n’y a pas assez d’expérience du monde des affaires au sein de la fonction publique.

Comment surmonter cet obstacle? Voilà une des choses qui me préoccupent.

M. Macklem : Je vais ajouter deux choses.

Une raison importante pour laquelle nous tenions à souligner cet état de fait, c’est qu’il perdure depuis 20 ans. Depuis la fin de la pandémie, la productivité augmente aux États-Unis, tandis que la nôtre décline.

Le sénateur C. Deacon : Oui.

M. Macklem : Cet écart qui est déjà trop grand s’est creusé au cours des deux dernières années.

Le terrain que perdent les entreprises canadiennes par rapport à leurs concurrentes américaines va finir par affecter le niveau de vie des Canadiens. Or, le principal outil pour augmenter le niveau de vie est l’augmentation de la productivité. Cela demande des efforts concertés.

La deuxième chose que je voudrais soulever, sur une note un peu plus positive, c’est que dans certains cas, nous avons très bien fait les choses au pays. Si vous regardez la croissance aux États-Unis de 2000 à 2020 — juste avant la pandémie — et celle du Canada, la croissance des deux pays atteint en moyenne 2,2 %. La différence réside dans la source de cette croissance.

Au Canada, nous intégrons beaucoup mieux les gens au marché du travail. Les taux d’activité affichent une hausse, particulièrement celui des femmes. Ils sont nettement supérieurs à ceux enregistrés aux États-Unis. Le Canada a un très bon système d’immigration. Nous intégrons bien les nouveaux arrivants dans le marché du travail. Les entreprises les embauchent, les forment et leur donnent du travail.

Les États-Unis ont bien entendu enregistré une croissance de la population. Ils ont accueilli des immigrants. Par contre, leur croissance provient en plus grande partie de l’accroissement de la production par travailleur, ce que nous appelons la productivité.

La difficulté pour nous est l’impossibilité de reproduire intégralement la stratégie de croissance des États-Unis. Au Canada, le taux de participation des femmes rattrape celui des hommes. Le nombre de personnes qui peuvent participer à l’économie n’est pas illimité. Il faut continuer à miser sur nos forces.

Nous sommes en pleine finale de la coupe Stanley. Quelle est la recette des équipes gagnantes? Elles misent sur leurs forces, mais elles corrigent aussi leurs lacunes, et notre lacune est exactement celle que vous avez soulignée, en l’occurrence la faiblesse des investissements des entreprises.

Je vais vous faire une analogie qui ne vient pas de moi, mais que je trouve très éloquente. Le Canada produit d’excellents joueurs de hockey, mais il leur donne des bâtons en bois, tandis que les Américains donnent à leurs joueurs des bâtons en fibre de carbone. Lesquels vont compter des buts? Il faut outiller les travailleurs au moyen des meilleurs capitaux neufs qui soient, mais nous ne parvenons pas vraiment à le faire.

La présidente : Merci.

La sénatrice Petten : Lana Payne, présidente d’Unifor, a demandé publiquement que les taux d’intérêt soient abaissés le plus rapidement possible. Elle a dit :

Les taux d’intérêt sont une des principales raisons pour lesquelles les prix du logement sont si exorbitants. D’une certaine manière, les mesures de la Banque du Canada contribuent elles aussi à l’inflation [...]

Étant donné que les taux ont été maintenus à 5 %, que répondriez-vous à Mme Payne?

M. Macklem : Nous savons que les Canadiens aimeraient que les taux d’intérêt diminuent. Nous aussi. Nous baisserons les taux d’intérêt lorsque nous aurons la certitude que l’inflation se dirige vers un taux de 2 %.

Nous nous rapprochons de la cible. Nous avons réalisé beaucoup de progrès. Nous sommes très conscients de la nécessité d’équilibrer les risques. Nous ne voulons pas que la politique monétaire soit restrictive plus longtemps que nécessaire. Nous savons que les Canadiens en arrachent.

Nous avons fait beaucoup de chemin. Les progrès ont été durement gagnés. Évitons donc de mettre fin aux mesures trop tôt ou trop rapidement et de risquer de perdre les progrès réalisés de haute lutte au pays.

Oui. C’est un exercice d’équilibriste, mais au vu de l’évolution de l’économie, la croissance semble reprendre cette année après une stagnation dans la deuxième moitié de l’an dernier. La progression ne sera probablement pas constante d’un trimestre à l’autre, mais nous observons un redressement de l’économie parallèlement à un fléchissement de l’inflation.

Nos mesures fonctionnent. L’économie a pris le virage. L’inflation connaît un élan à la baisse, et dit simplement, c’est ce que nous avons besoin de voir. Notre travail porte ses fruits. À présent, il faut atteindre un certain niveau de confiance quant au caractère durable de cette baisse. Une fois la confiance établie, nous pourrons abaisser les taux d’intérêt.

La sénatrice Ringuette : Monsieur le gouverneur, dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné deux fois la croissance de la population. La croissance démographique au pays n’est pas naturelle. Elle découle de l’immigration.

Si j’ai bien compris, le taux de croissance normal était de 125 000, mais ce taux a grimpé lentement à 150 000 immigrants. Avant la pandémie, il gravitait autour de 200 000 immigrants par année.

M. Macklem : Le taux était un peu plus élevé en fait.

La sénatrice Ringuette : Je regarde le graphique 15 dans votre rapport.

M. Macklem : Regardons le graphique 15.

La sénatrice Ringuette : Ce qui correspond à la demande démographique en matière de mises en chantier.

Lorsqu’on regarde ce graphique... Vous avez dit qu’immédiatement après la pandémie, pendant 18 mois, la population naturelle canadienne n’a pas connu une croissance aussi importante. Tout à coup, en 2023, on se retrouve avec une demande de 530 000 logements au lieu d’une demande moyenne de 230 000 logements. C’est une différence de 300 000.

Ma question est la suivante : quel intérêt et quelle reconnaissance ces données apportent-elles à l’élaboration de la politique gouvernementale? Je regarde ces données et tout d’un coup, j’ai le souffle coupé. Juste après la pandémie... Je sais qu’il y a eu une forte demande de main-d’œuvre, ce qui a incité le gouvernement à élever le seuil d’immigration à 350 000 — en 2023, si je ne m’abuse — et on se retrouve maintenant avec 300 000 demandes de logements supplémentaires. Cela crée un effet domino sur tout.

Ma question est la suivante : discutez-vous des données et de l’analyse de votre politique monétaire avec les ministères?

M. Macklem : Je vois que vous avez devant vous le Rapport sur la politique monétaire. J’en suis ravi. Si vous allez à la page 9, le graphique 2-A vous montre la croissance de la population au Canada et les prévisions de Statistique Canada à cet égard. Vous pouvez voir que juste avant la pandémie, nous étions aux alentours de 500 000. La croissance de la population a baissé drastiquement pendant la pandémie parce que les frontières étaient fermées. Elle a ensuite augmenté très rapidement, et on s’attend à ce qu’elle augmente encore au cours du premier semestre de l’année en cours.

Sur ce graphique, vous pouvez voir que l’augmentation n’est pas principalement attribuable aux résidents permanents. Elle est plutôt surtout attribuable aux résidents non permanents, qui sont divisés en plusieurs catégories, comme les étudiants et les travailleurs étrangers temporaires. Vous pouvez constater que ce sont les résidents non permanents qui ont connu une croissance rapide.

Le gouvernement vient d’établir un objectif de 5 %. Il n’a pas annoncé les modalités exactes de mise en œuvre, ce qui nous a obligés à formuler quelques hypothèses, mais cela nécessitera une baisse assez spectaculaire de la croissance démographique.

Pour répondre à votre question, en règle générale, la croissance de la population a augmenté progressivement au fil du temps, de sorte qu’elle se situe très en arrière-plan. La démographie évolue généralement très lentement, et elle n’a donc pas vraiment été un facteur important au cours des deux ou trois années de politique monétaire. Cela dit, c’est quelque chose que l’on doit absolument comprendre lorsqu’il y a un changement important dans la croissance démographique. Il y a eu une baisse, puis une hausse, et il y aura une autre baisse.

Il y a plusieurs éléments à prendre en compte. Il faut d’abord considérer l’économie de deux manières. Il faut considérer la croissance du PIB — ou la croissance de la consommation — dans son ensemble, mais aussi par habitant, car s’il y a beaucoup plus de gens, l’expérience des ménages individuels... Ce que je veux dire, essentiellement, c’est qu’on voit que la croissance de la consommation a diminué par habitant. La consommation par habitant a diminué, même si la consommation a augmenté dans l’économie globale. Cela crée un fossé entre l’expérience individuelle et l’expérience globale.

Il faut également tenir compte du fait que la croissance globale de la population augmente le potentiel de croissance de l’économie. Cela signifie que l’économie peut se développer. Il y a plus de travailleurs. On peut croître davantage sans provoquer d’inflation, mais cela crée également certains goulets d’étranglement. Le logement en fait partie.

Le marché immobilier était déjà très tendu avant l’augmentation de l’immigration. Il n’est pas suffisamment flexible pour s’adapter à cette augmentation rapide de l’immigration, si bien que l’inflation des prix des loyers avoisine les 8 %. Cela a un impact sur beaucoup de gens.

La sénatrice Ringuette : Je cherche toujours...

La présidente : Le temps est écoulé, sénatrice Ringuette. Il faudra y revenir au prochain tour. Nous avons plus que dépassé le temps alloué pour cette partie.

Le sénateur Yussuff : Je remercie le gouverneur et la première sous-gouverneure d’être des nôtres. Je reviens sur la question de l’inflation.

La croissance des salaires semble s’être stabilisée. Lorsque nous avons commencé à parler d’inflation, l’une des grandes questions était de savoir comment ramener la croissance des salaires à un niveau raisonnable afin d’éviter une spirale incontrôlable. La situation s’est stabilisée.

Les Canadiens disent notamment — et différents Canadiens l’ont dit — que l’impact des taux d’intérêt hypothécaires sur les consommateurs qui essaient d’accéder à la propriété et sur les locataires a un effet majeur sur l’inflation globale. Comme vous le savez, ce facteur est inclus dans le panier de mesures à votre disposition.

Sans cela, nous serions presque proches de l’objectif à l’heure actuelle. Je ne vous dis pas cela pour me mettre le nez dans vos affaires, mais plutôt pour vous dire que certaines de vos politiques contribuent au problème que vous essayez de résoudre. En fait, d’une part, les travailleurs et les syndicats écoutent l’argument et modèrent leurs demandes à la table des négociations, mais d’autre part, vous, en tant que banque centrale, continuez à mettre le pied sur l’accélérateur parce que vous n’avez pas baissé les taux d’intérêt, ce qui contribue au défi auquel nous faisons toujours face pour revenir au niveau de 2 %.

M. Macklem : J’ai deux commentaires à faire. Le marché du travail, qui était en surchauffe il y a un an et demi, s’est refroidi, et la croissance des salaires vient de commencer à diminuer. Elle reste élevée compte tenu de la faiblesse de la productivité. Il faut augmenter la productivité et réduire la croissance des salaires. La productivité permet d’augmenter les salaires sans provoquer d’inflation.

Il y a encore des rajustements à faire, mais l’une des choses qui nous laissent le plus croire que nous nous rapprochons du but est que ces rajustements sont en cours, et nous espérons que cela se poursuivra.

En ce qui concerne notre objectif d’inflation, vous avez tout à fait raison. Le coût des intérêts hypothécaires contribue fortement à l’inflation actuelle. C’est quelque chose que nous comprenons très bien. Nous le voyons clairement. Vous nous entendez souvent dire que nous nous concentrons beaucoup sur l’inflation de base, et il y a plusieurs raisons à cela. L’une d’entre elles est qu’elle permet d’éliminer systématiquement les chiffres très élevés et très bas pour se faire une idée de l’endroit où se situe le centre de la distribution.

Nos mesures de l’inflation de base — surtout si vous regardez l’IPC-tronq — éliminent systématiquement le coût des intérêts hypothécaires, parce qu’ils représentent une très forte hausse. Nous enlevons également les éléments qui sont inférieurs à l’inflation de base, qui reste bien supérieure à 2 %. En concentrant nos décisions de politique monétaire sur l’inflation de base, nous ne tenons pas compte des coûts des intérêts hypothécaires, car ils sont exclus de cette mesure. Je parle ici toujours de l’IPC-tronq.

Nous avons maintes fois répété que nous étions très attentifs à l’inflation de base, notamment parce que nous reconnaissons que, oui, notre propre politique de taux d’intérêt augmente le coût des intérêts hypothécaires. C’est ainsi que fonctionne la politique monétaire. Les taux d’intérêt baisseront avec le temps. Nous l’entrevoyons clairement.

Le sénateur Yussuff : En ce qui concerne la productivité, j’ai entendu ce que vous avez dit à propos de l’heure qui a sonné, madame Rogers, mais l’un de nos défis — j’en constate deux, en fait, dont on n’a pas beaucoup parlé — est qu’il y a peu ou pas de concurrence dans certains secteurs de l’économie. Des oligopoles et des monopoles dirigent essentiellement le pays, et personne n’en parle parce que c’est comme un club. Nous ne voulons pas pointer du doigt qui que ce soit si nous voulons dire : « Les prix seraient peut-être très différents s’il y avait un peu de concurrence. »

Bien sûr, le commerce interprovincial présente des défis inhérents quant à la protection des frontières qui contribuent au problème général. Il y a également l’enjeu de la formation et le fait que les dépenses des employeurs ont été relativement stagnantes dans la plupart des cas au pays. Il est intéressant de noter que lorsque l’on parle de la façon de s’attaquer au problème de productivité, on ne pointe pas du doigt certains acteurs clés du marché qui ne contribuent pas du tout aux efforts déployés pour relever le défi auquel on fait face.

La présidente : Il nous reste environ 30 secondes.

Mme Rogers : Je peux être brève. Nous partageons votre avis. Nous avons mentionné les barrières commerciales interprovinciales et la concurrence dans nos remarques liminaires. En fait, j’ai fait référence à un rapport que le commissaire de la concurrence a publié récemment et qui décrit certains des éléments dont vous parlez, alors je partage votre avis.

La présidente : Merci beaucoup. Simple rappel : je prierais les sénateurs de poser des questions aussi brèves que possible, faute de quoi les témoins n’ont pas beaucoup de temps pour répondre.

Le sénateur Varone : Merci. C’est ma première réunion, et je n’ai pas encore pris mes aises dans mon rôle de sénateur. Je suis encore plus mal à l’aise d’être devant vous pour vous poser ce genre de questions. Je viens du milieu de la construction. J’ai construit des maisons avec mon père. Il m’a appris à conduire un bulldozer avant que je n’apprenne à conduire une voiture.

Voilà le milieu dont je viens. Vous parlez d’une inflation des coûts du logement de l’ordre de 8 %. Je considère que le logement a deux volets : l’accession à la propriété et la location. Vous avez un contrôle total sur l’accession à la propriété et les taux d’intérêt hypothécaires associés. En ce qui concerne la location, le contrôle des loyers, qui concerne environ 80 % du marché locatif, n’a pas connu d’augmentation supérieure à 2,5 % au cours des 10 dernières années. Je ne comprends pas comment on peut en arriver à un taux d’inflation de 8 % des coûts de logement quand un côté de l’équation est entièrement sous contrôle et que l’autre est de votre ressort. Pourriez-vous m’éclairer là-dessus?

M. Macklem : En fait, le chiffre que je vous ai donné concerne les loyers. S’il y a un contrôle des loyers, je présume que vous cherchez donc à savoir pourquoi l’inflation des loyers est de 8 %. Statistique Canada pourrait vous expliquer exactement sa méthode d’enquête, mais il convient tout d’abord de mentionner que les règles varient d’une province à l’autre. Il existe un contrôle des loyers, mais si je décide de quitter mon appartement, et que quelqu’un d’autre y emménage, le propriétaire peut augmenter le loyer. Beaucoup de locataires sont des jeunes qui déménagent. Il y a un certain taux de rotation.

Le sénateur Varone : Cela ne concerne que le plan économique. Cela ne peut pas se produire avec les loyers contrôlés ou les projets contrôlés par les municipalités.

Mme Rogers : Il y a suffisamment de rotation pour que cela se produise. Il est probable que l’augmentation des loyers soit pas mal supérieure à 8 % avec toute cette rotation, dépendamment de la ville où on se trouve.

Le sénateur Varone : Il s’agit d’une petite partie du marché.

Mme Rogers : Nous pouvons vous fournir des détails à ce sujet.

M. Macklem : Nous pouvons vous montrer la méthode d’enquête de Statistique Canada. Notre travail consiste à cibler l’inflation de l’IPC. C’est ce qu’elle contient.

La sénatrice Verner : J’aimerais poser une question de suivi sur l’aspect de l’offre que vous avez soulevé. Vous l’avez estimé crucial pour le logement. J’ai lu votre rapport sur la productivité. Ce qui m’a sauté en yeux en tant que personne ayant construit des maisons, c’est ce qui n’a pas été dit sur la productivité des gouvernements municipaux qui contrôlent entièrement le processus d’approbation. Sans eux, il est impossible de construire une maison. Lorsque l’on fait valoir l’argument de la productivité auprès des corps de métier et des entreprises qui construisent des logements — les promoteurs immobiliers et les constructeurs de maisons —, on oublie ce qu’il faut faire pour obtenir un permis de construire. Je suis désolée de vous le dire, mais cette productivité est probablement la pire de toute la chaîne d’approvisionnement.

La présidente : Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Mme Rogers : Oui. J’ai fourni des données lors de mon discours à Halifax, et j’ai rencontré des entreprises locales, y compris des gens qui viennent du même milieu que vous, à savoir des constructeurs de maisons. Ils en parlent.

Vous nous entendrez parler de certitude réglementaire. Ce que les entreprises nous disent — qu’il s’agisse de constructeurs de maisons ou d’autres entreprises soumises à un processus d’approbation à l’échelle municipale, provinciale ou fédérale — c’est qu’elles peuvent s’accommoder des réglementations, mais que le processus est beaucoup trop long, ce qui génère toutes sortes d’incertitudes qui dissuadent les investisseurs. Oui, absolument, il faut agir à cet égard à la fois pour l’offre de logements et pour le défi de la productivité afin d’accélérer certains processus.

Cela dit, nous sommes encouragés par les efforts déployés par tous les paliers de gouvernement pour tenter de résoudre le problème collectivement. Pour revenir à ce que j’ai dit plus tôt, c’est ce qui est nécessaire à la fois pour l’offre de logements et pour la productivité.

La présidente : Merci beaucoup.

M. Macklem : Le délai d’achèvement augmente. Cette statistique est particulièrement effarante. La productivité a une croissance négative. C’est peut-être...

Le sénateur Varone : À partir de quel point de départ? Les permis de construire?

M. Macklem : J’aurais besoin de vérifier si on parle à partir du début ou du permis. Quoi qu’il en soit, la plupart des problèmes sont liés à la chaîne d’approvisionnement, à l’approbation réglementaire et à la mise en place des infrastructures. Comme l’a dit Mme Rogers, les investisseurs ont besoin de certitude.

La sénatrice Martin : Merci. Nous avons parlé de la productivité lors d’autres réunions et nous en parlons à nouveau aujourd’hui. Il s’agit d’un sujet de préoccupation. Il est vraiment frustrant d’entendre que ce problème existe depuis 20 ans et qu’il s’aggrave au lieu de s’améliorer. Ma première question est la suivante : j’aimerais simplement savoir si, dans le cadre de votre examen approfondi du budget, quelqu’un à la banque évaluera l’impact du budget de 2024 sur la productivité. Quelqu’un cherchera-t-il à vérifier si le gouvernement répond à vos suggestions?

M. Macklem : La réponse courte est non. Nous n’évaluons pas les programmes gouvernementaux.

La sénatrice Martin : Compte tenu de votre expertise et de vos commentaires récents... Bon, d’accord. Nous avons nommé des causes du déclin de la productivité au Canada tout à l’heure. J’ai une liste de statistiques concernant le ministère fédéral responsable du programme de productivité du Canada. Ces données proviennent du Comité des finances. L’an dernier, le ministère a dépensé 2,1 milliards de dollars, a embauché 273 personnes de plus que prévu et n’a atteint que 34,6 % de ses objectifs. Il ne sait pas combien d’argent il recevra du budget de 2024, mais il demande 6 milliards de dollars dans le Budget principal des dépenses.

Il s’agit du ministère responsable du programme de productivité du Canada. Il est assez inquiétant de lire ces faits. Le ministère responsable ne semble pas faire son travail de façon très efficace. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Macklem : Je ne vais pas faire de commentaires sur un ministère en particulier. Vous devriez peut-être vous adresser au ministère concerné. Cela dit, comme l’a dit Mme Rogers, le gouvernement représente une grande partie de l’économie. Les gouvernements doivent eux aussi améliorer leur productivité. Ils font partie de l’équation.

Le problème découle en partie de certains éléments dont nous avons parlé, dont les approbations réglementaires et les barrières interprovinciales. Il y a également l’enjeu de l’efficacité du fonctionnement du gouvernement. Si l’on considère les principaux services gouvernementaux, on constate un potentiel de nouvelles technologies et de nouvelles compétences pour améliorer les prestations et réduire les coûts, et oui, tous les gouvernements au pays devraient investir à cet égard.

La présidente : Merci beaucoup. Nous avons terminé la première série de questions des membres du comité. Nous avons quelques questions de ceux qui se joignent à nous.

Le sénateur Cardozo : Je vais tenter d’être bref afin de vous donner le plus de temps possible. Mes collègues vous ont parlé des taux d’intérêt. Est-ce qu’une réduction même minime du taux d’intérêt pourrait indiquer que la situation s’améliore?

Les réactions face à la nouvelle prise de position du gouvernement sur l’impôt sur les gains en capital semblent fortes. Est-ce que vous craignez, comme d’autres, que cette mesure ait un effet sur l’innovation et l’investissement?

M. Macklem : Pour ce qui est de la deuxième question, nous ne faisons pas de commentaires sur les initiatives fiscales ou sur les dépenses. Il y a de nombreux éléments du budget qui peuvent avoir une incidence sur l’économie, et nous ne sommes pas là pour évaluer chacun d’entre eux.

En ce qui concerne votre première question, oui, je pense qu’une réduction des taux d’intérêt indiquerait que nous sommes en voie de revenir à un taux d’inflation de 2 %. Ce serait un signal concret que nous commençons à récolter les fruits de la période difficile que nous avons traversée. L’inflation a diminué, la croissance s’accélère et les taux d’intérêt peuvent diminuer. Oui, je pense que cela nous donnerait confiance.

Il ne serait toutefois pas bon d’agir trop rapidement ou trop tôt et qu’ensuite l’inflation remonte ou reste bloquée là où elle est. Nous aurions alors un nouveau problème.

Donc oui, une réduction du taux nous donnerait confiance, mais il faut qu’elle soit appuyée par des données probantes et qu’elle soit durable.

Le sénateur Cardozo : Que pensez-vous de façon générale de l’impôt sur les gains en capital et de ses effets sur l’économie?

M. Macklem : Vous n’allez pas me faire parler sur ce sujet.

La présidente : La Banque du Canada ne commente pas les politiques du gouvernement.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup d’être ici avec nous aujourd’hui. J’apprends toujours de vos témoignages, monsieur le gouverneur.

On parle beaucoup d’inflation, mais pas de ses causes. Je suis heureuse de vous entendre dire aujourd’hui que la pandémie et les données démographiques ont une incidence sur la main-d’œuvre et le logement. Je suis aussi très heureuse de vous entendre parler, pour la première fois, des chocs climatiques.

Par exemple, la population se demande ce qui cause l’inflation. Le chef de l’opposition officielle a dit à l’autre endroit que la taxe sur le carbone causait l’inflation. Quand on lui demande où sont les données, il répond qu’elles viennent du gouverneur de la Banque du Canada. Les gens pensent donc que vous avez dû dire quelque chose. Vous avez la possibilité de corriger le tir, si ce n’est pas le cas.

En ce qui concerne les États-Unis, ils ont adopté deux projets de loi importants : la Jumpstart Our Business Startups Act, ou JOBS Act, et l’Inflation Reduction Act. Ils ne parlent pas des changements climatiques ou des emplois durables, mais c’est ce qu’ils font. Ils ont investi 1 billion de dollars en ce sens.

Je me suis rendue à la Banque mondiale à Washington avec quelques collègues, et nous avons entendu ses représentants nous parler d’un changement de mission. La Banque a aujourd’hui pour mission de mettre fin à la pauvreté extrême et de stimuler la prospérité sur une planète où il fait bon vivre, ce qui est fabuleux.

Ces représentants nous disaient que les combustibles fossiles sont inflationnistes et que les énergies renouvelables sont déflationnistes, et que pour cette raison, nous devrions nous tourner vers l’innovation et la concurrence.

Avez-vous suffisamment d’outils pour aller dans ce sens?

La présidente : Nous allons entendre les réponses. Merci.

M. Macklem : Nous avons investi dans des outils pour examiner cette question. Il ne fait aucun doute que les changements climatiques seront le défi déterminant du prochain quart de siècle, et qu’ils toucheront tous les secteurs de l’économie.

Les modèles que nous avons actuellement ne sont pas vraiment conçus... Nous n’avons pas vraiment de secteur énergétique, nous n’avons pas de secteur de renouvellement et nous n’avons pas d’énergie propre ou de combustibles fossiles dans nos modèles. Nous sommes en train d’élaborer cette composante des modèles que nous utilisons pour la politique monétaire afin de répondre précisément aux questions que vous posez sur les conséquences inflationnistes ou déflationnistes des changements climatiques.

Il y a aussi un autre élément que vous n’avez pas mentionné, et qui est important : nous avons de plus en plus d’événements climatiques extrêmes, qu’il s’agisse de tempêtes, d’inondations ou de feux de forêt. Ils ont une incidence sur l’économie, sur les gens et sur les moyens de subsistance. Ils perturbent les transports. Du point de vue de la politique monétaire, qu’est-ce que cela signifie pour l’économie? Comment gérons-nous cela? C’est un domaine dans lequel nous investissons.

Dans le cadre de la première phase de nos investissements, nous examinons surtout les conséquences des changements climatiques sur la stabilité financière. Ce travail progresse très bien, et nous passons maintenant à la question que vous avez soulevée.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup.

Le sénateur Loffreda : La richesse est toujours créée par les entrepreneurs. Je l’ai souvent dit. Lors d’une récente rencontre, le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, a expliqué qu’il pouvait y avoir une corrélation entre le taux d’imposition des petites entreprises et le manque de croissance de la productivité au Canada. Il a dit qu’il y avait un regroupement d’entreprises près de la limite du taux de déduction des petites entreprises, ce qui va à l’encontre de la distribution prévue. Cela donne à penser que certaines entreprises s’abstiennent de prendre de l’expansion. Vous avez dit que l’une des raisons était la faiblesse des investissements des entreprises et qu’il fallait fournir à nos travailleurs de nouvelles économies et de nouveaux investissements.

Avez-vous vu des données probantes semblables, et quel est le point de vue de la Banque du Canada sur l’incidence du taux d’imposition des petites entreprises sur la productivité? Plus on les taxe, plus on dissuade les gens d’investir, de créer de la richesse et de croître.

Quels conseils supplémentaires donneriez-vous à notre comité sur les façons de promouvoir la croissance de la productivité, si vous ne voulez pas faire de commentaires sur le taux d’imposition? C’est un fait qui a été soulevé par notre directeur parlementaire du budget, et je pense qu’il faut le prendre en considération.

Mme Rogers : Vous avez entendu les conseils de la bonne personne sur ces questions. Il semble qu’il ait fait une étude à ce sujet et qu’il vous donne son point de vue. Comme le gouverneur l’a dit, nous ne sommes pas des fiscalistes, et ce n’est pas notre travail de faire des commentaires à ce sujet.

Je reviens aux suggestions qui ont été faites plus tôt. Nous avons vu des études sur l’incidence des obstacles au commerce interprovincial sur le PIB. D’autres experts se sont penchés sur ces questions et les ont évaluées. Il me semble qu’avec la coopération et la motivation nécessaires, nous pouvons réussir.

Je pense que le travail du commissaire de la concurrence est intéressant à prendre en considération. Je pense aussi que ce qu’a dit le gouverneur plus tôt sur la nécessité de veiller à ce que nos travailleurs aient le niveau de formation et les outils dont ils ont besoin pour être aussi productifs que possible au travail est important. Alors que nous réfléchissons à la réorganisation de notre programme d’immigration, je crois qu’il faut garder à l’esprit les emplois dont nous avons besoin et ceux dont nous aurons besoin à l’avenir afin de nous assurer de rendre les nouveaux Canadiens aussi productifs que possible le plus rapidement possible.

Comme l’a fait valoir le gouverneur, ces éléments jouent sur nos forces actuelles et permettront de combler certaines de nos lacunes évidentes.

La sénatrice Marshall : J’ai une question d’ordre général. Dans quelle mesure réfléchissez-vous à la psychologie qui sous-tend vos messages? Parce que vous faites preuve d’une grande retenue dans certaines de vos réponses, à mon avis, tandis que d’autres réponses sont plus robustes. La première sous-gouverneure, Mme Rogers nous dit que « l’heure a sonné », mais vous dites ensuite au sujet de la réduction des taux d’intérêt que c’est dans le domaine du possible, alors que selon votre propre politique, il faudra plus de temps que ce qui était prévu.

Avez-vous des paramètres établis ou est-ce simplement une question de jugement selon le moment? Lorsque vous répondez aux politiciens, vous dites à peu près ce qui vous vient à l’esprit, mais vous devez évidemment réfléchir à vos messages.

Quel est le rôle de la psychologie dans tout cela? Après vous avoir écouté, tout le monde s’attend à une réduction du taux en juin ou en juillet. Êtes-vous en mesure de répondre à cela?

M. Macklem : Nous ne sommes pas psychologues, mais je peux vous assurer que nous n’improvisons pas.

Qu’essayons-nous de faire? Tout d’abord, nous rendons nos décisions huit fois par année. Nous voulons prendre la décision lorsqu’il est temps de le faire et que nous disposons des renseignements les plus récents pour nous éclairer. Nous ne voulons pas prendre de décision maintenant sur ce que nous allons faire à l’avenir parce que nous n’avons pas encore toute l’information qu’il faut. Ainsi, nous ne fixons pas de date précise.

Cependant, nous savons exactement ce que nous cherchons. Quelles sont les choses que nous devons voir? Si nous les voyons, comment cela influera-t-il sur notre réflexion? Nous le faisons de plusieurs façons. Nous le faisons au moyen de conférences de presse, nous publions un résumé des délibérations du conseil d’administration après chaque décision. On peut voir de quoi il s’agissait... Sur quoi est-ce qu’on se concentrait?

La sénatrice Marshall : Croyez-vous que vous créez parfois des attentes irréalistes chez les gens? Lorsque vous dites que c’est dans le domaine du possible, beaucoup de gens s’accrochent à cela. Ils pensent que leur taux hypothécaire va baisser.

M. Macklem : Oui. On m’a posé une question très directe : est-ce que c’est dans le domaine du possible? Et j’ai donné une réponse très directe. Je tente d’être aussi direct que possible.

Mme Rogers : La difficulté que nous avons, sénatrice Marshall, c’est que nous parlons souvent à deux, voire trois auditoires. Surtout lorsque nous prenons une décision en matière de taux, nous savons qu’il y a des commerçants, des spécialistes du marché qui cherchent à faire de l’argent avec ce que nous disons. Ils misent sur ce qui est dit. Nous sommes extrêmement précis et prudents dans ces situations.

Ensuite, il y a un groupe d’économistes qui connaissent le métier et qui examinent la façon dont nous prenons nos décisions. Ils cherchent autre chose. Mais les gens à qui nous essayons vraiment de penser lorsque nous faisons des discours, des déclarations préliminaires et autres, ce sont les Canadiens. Ce qui est vraiment important pour nous, c’est que les Canadiens comprennent ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons et qu’ils comprennent que nous pensons à eux et que nous avons leurs intérêts à cœur lorsque nous prenons une décision.

Les choses se compliquent lorsque nous parlons à ces trois groupes. C’est pourquoi, parfois, on nous entend dire une chose puis une autre.

La sénatrice Marshall : Merci.

La présidente : C’est intéressant. Il faut tenir compte de nombreux éléments lorsque l’on aborde ces sujets.

[Français]

Le sénateur Gignac : Monsieur le gouverneur, parlons un peu de ce qui se passe sur le marché du travail. En Ontario, le taux d’emploi chez les jeunes de 15 à 24 ans est tombé sous les 50 %. C’est une première en 20 ans à l’exception de la pandémie. Aux États-Unis, il reste relativement stable. Le taux de chômage, il y a un an, était à 5 %; le mois dernier, il a dépassé 6 %. Les économistes de la Banque Nationale prédisent qu’on va maintenant vers 7 %. J’aimerais discuter de vos prévisions sur le taux de chômage. Contrairement à la Réserve fédérale américaine, vous ne rendez pas vos prévisions du taux de chômage publiques. Ma question comporte deux volets.

Premièrement, êtes-vous aussi confiant que l’automne dernier sur le fait que le Canada pourra éviter une récession? Deuxièmement, par souci de transparence, seriez-vous prêt à faire comme la Réserve fédérale américaine et à partager vos prévisions du taux de chômage, étant donné que pour nous, parlementaires, il s’agit d’un indicateur important?

M. Macklem : Au sujet de votre première question, il y a toujours des risques entourant nos prévisions, mais on croit maintenant que la croissance commence à être à la hausse. Il y aura probablement du retard avec le marché de la main-d’œuvre qui s’ajuste un peu plus lentement que le PIB, donc oui, c’est possible que le taux de chômage puisse augmenter encore.

Cependant, on ne voit pas de récession; ce n’est pas dans nos prévisions de base. On n’a pas vu de récession depuis le début, et même si plusieurs ont dit qu’il y aurait une récession, il n’y en a toujours pas à ce point-ci. Oui, il y a toujours des risques entourant nos prévisions, mais comme je l’ai déjà mentionné, ça fonctionne. Oui, la politique monétaire, c’est difficile pour plusieurs personnes. Cela prend trop de temps, tout le monde veut qu’on baisse les taux d’intérêt maintenant, mais ça fonctionne et nous sommes sur la bonne voie; nous ne croyons pas qu’il y aura une récession et j’espère que nos prévisions se réaliseront.

Le sénateur Gignac : Cependant, le PIB par habitant au Canada est en déclin depuis plusieurs trimestres; on est maintenant au niveau de 2016, alors qu’aux États-Unis, ils dépassent de 12 % le niveau de 2016. C’est donc grâce à l’immigration que nous n’avons pas de récession; le PIB par habitant est en recul.

M. Macklem : Vous avez raison de le dire : le PIB par personne est à la baisse.

Le sénateur Gignac : Donc c’est une baisse du niveau de vie des Canadiens. J’ai compris, vous trouvez que la politique monétaire est appropriée à ce moment-ci. Seriez-vous prêt à être plus transparent, comme la Réserve fédérale américaine, et à rendre publiques vos prévisions du taux de chômage, afin que nous soyons en mesure de discuter de vos prévisions par rapport au marché du travail?

M. Macklem : On publie nos prévisions sur le PIB, comme vous le savez, et on fait beaucoup d’analyses de la santé du marché de la main-d’œuvre. Nous avons beaucoup élargi nos indicateurs de santé du marché de la main-d’œuvre dans les dernières années et surtout pendant la pandémie. C’était très important et ça l’est toujours, mais lorsqu’il y a plus de 3 millions de Canadiens au chômage, c’est très important.

Selon nous, il est difficile d’avoir un sommaire de tout le marché de la main-d’œuvre en un seul chiffre. Si vous regardez notre site Web, il y a le taux de chômage, le taux d’emploi, et il y a aussi les taux de participation — on regarde les jeunes, les femmes et les hommes.

Donc, c’est en examinant globalement les indicateurs que nous avons une image de la situation de la main-d’œuvre, et c’est important dans la conduite d’une politique monétaire.

La sénatrice Bellemare : On sait que la banque centrale de Suède a exclu, dans ses objectifs d’inflation, les fluctuations des coûts hypothécaires. Pensez-vous que vous pourriez faire cela à l’avenir?

M. Macklem : Je n’ai pas très bien compris.

La sénatrice Bellemare : La banque centrale de Suède a exclu de sa cible les fluctuations des coûts hypothécaires. Si on faisait cela, on aurait peut-être déjà atteint notre cible.

M. Macklem : Notre mandat est assez clair : au Canada, c’est complètement libre. Je pense qu’il y a une très bonne raison à cela : l’IPC total est la meilleure mesure du coût de la vie des Canadiens. Dans la conduite d’une politique monétaire, on sait que lorsqu’on baisse les taux d’intérêt, les contributions des hypothèques à l’inflation seront à la baisse. C’est une chose sur laquelle nous avons un meilleur contrôle. Quand nous prenons des décisions en matière de politique monétaire, nous sommes conscients de cela et comme je l’ai déjà mentionné, nous avons mis l’accent sur les mesures d’inflation fondamentale. Notre mesure IPC-tronq exclut presque tous les mois les contributions des taux hypothécaires à l’inflation.

[Traduction]

Dans la pratique, nous voyons au-delà des conséquences des frais d’intérêts hypothécaires.

La sénatrice Bellemare : Donc, la probabilité que les taux baissent sera plus grande que prévu si nous faisons cela.

M. Macklem : Je vais laisser les autres tirer leurs propres conclusions.

La présidente : Que fait la Banque, le cas échéant, pour se préparer à ce que tous les experts prédisent, soit un tsunami de renouvellements hypothécaires en 2024-2025 et un taux très élevé de défaut de paiement chez les gens qui ont acheté une maison alors que les taux d’intérêt étaient près de zéro, et qui doivent maintenant renouveler à 5 %? Ce sera une crise énorme.

Mme Rogers : Oui. Nous avons suivi de très près les renouvellements hypothécaires.

Je vous mets en garde contre certaines des manchettes. Je les ai lues aussi. Elles m’inquiètent, mais je regarde les données, et elles sont un meilleur indicateur de ce qui se passe.

Que savons-nous jusqu’à maintenant? Si l’on revient au début du cycle d’augmentation des taux, environ la moitié des hypothèques qui devaient être renouvelées l’ont été. Les taux de défaut de paiement des prêts hypothécaires n’ont jamais été aussi bas. Les taux d’arriérés — donc les paiements en retard — ont augmenté. Ils étaient aussi très bas pendant la pandémie. Ils sont revenus à peu près à leur niveau d’avant la pandémie. Si on les considère comme un indicateur du stress lié au crédit sur le marché hypothécaire, on constate que le taux n’est pas très élevé.

En fait, on constate que les pressions se font sentir dans d’autres secteurs. Ainsi, ce sont surtout les personnes qui n’ont pas de prêt hypothécaire — donc les locataires — qui présentent les plus hauts taux d’arriérés ou de défaut de paiement. Nous en avons parlé : le loyer représente aussi une pression. Jusqu’à présent, les données ne nous indiquent pas que nous vivons une crise hypothécaire, contrairement à ce que les manchettes vous diraient.

Nous savons qu’il reste un peu plus de 40 % des hypothèques à renouveler. Nous savons également que pour ces hypothèques, la différence entre le montant du paiement au départ et le montant aujourd’hui sera plus grande que pour les hypothèques qui ont déjà été renouvelées.

Ce que les banques nous disent, c’est qu’elles communiquent de façon proactive avec ces emprunteurs, et la plupart d’entre eux se préparent. Les gens font plus d’économies ou prévoient des réserves de liquidités plus importantes. Ce que nous pouvons présumer, c’est qu’ils se préparent à amortir ces paiements ou peut-être à rembourser le principal de leur hypothèque. Les salaires ont augmenté aussi, ce qui aidera. Les gens réduisent leurs dépenses. Nous constatons que les Canadiens sont prudents et proactifs.

Maintenant, est-ce qu’il y aura des pressions? Oui, sans aucun doute. Est-ce que certaines personnes trouveront la pression trop forte et devront prendre des décisions au sujet de la prolongation de leur hypothèque...

La présidente : S’il reste 40 % des renouvellements à faire, alors nous sommes plutôt en mode « il faudra voir ».

Mme Rogers : Oui. Nous allons voir ce qui se passe et surveiller la situation de près.

Le sénateur C. Deacon : Merci, monsieur le gouverneur et madame la première sous-gouverneure, d’être ici.

Le fardeau réglementaire fédéral, provincial et municipal au Canada est l’un des plus imposants de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE. Cela touche tous les secteurs. Un collègue nous a parlé plus tôt des effets associés aux permis de construction.

Les entreprises accordent de l’importance à la certitude en matière de réglementation, mais si nous voulons aborder la question du fardeau réglementaire, il faudra apporter beaucoup de changements et accroître la souplesse de notre processus réglementaire en raison de l’évolution des marchés, des modèles d’affaires et des technologies.

Pouvez-vous nous parler de l’importance de la modernisation et de la souplesse de la réglementation pour combler notre écart de productivité, car des règlements stricts qui maintiennent en place les pratiques du passé ne permettent pas l’innovation et ne nous permettent pas d’obtenir ces gains de productivité.

Pourriez-vous nous en parler?

M. Macklem : Je ne sais pas si nous pouvons ajouter grand-chose.

Mme Rogers : En tant qu’ancienne responsable de la réglementation, j’aurais peut-être quelque chose à dire à ce sujet.

Je dirais qu’il y a de bons règlements et de mauvais règlements. Ce sont des choses auxquelles les responsables de la réglementation réfléchissent. Ils essaient de suivre le rythme. Il faut suivre l’évolution du secteur que l’on est appelé à réglementer.

Dans le passé, je travaillais à la réglementation dans le secteur bancaire. Notre mandat était formulé de manière à permettre aux banques de prendre des risques. Ce sont des choses dont tiennent compte les bons responsables de la réglementation. C’est ce que je dirais. Faut-il constamment leur rappeler que c’est important? Bien sûr.

Encore une fois, ce sur quoi je reviens, c’est que les entreprises nous disent que ce n’est pas tant le fardeau que le temps que ça prend, l’incertitude. Les entreprises nous disent : « Écoutez, nous savons que la réglementation est une chose établie; c’est le prix à payer pour faire des affaires, mais ce que nous voulons, c’est d’être en mesure de prendre des décisions rapides en matière d’investissement et de poursuivre nos activités. » La rapidité est un aspect sur lequel nous pourrions travailler.

M. Macklem : La seule chose que j’ajouterais, c’est que si c’était si facile, ce se serait déjà produit.

Les différents ordres de gouvernement mettent en place différents règlements sur des enjeux particuliers. Ils sont bien intentionnés. La perspective d’éliminer ces règlements ou de les harmoniser représente un travail colossal. L’avantage à court terme de faire cela n’est pas important à ce point.

Nous devons néanmoins saisir les opportunités qui s’offrent à nous, et le logement en est un très bon exemple. Je pense que l’on reconnaît enfin que le problème fondamental du logement est celui de l’offre, et que cela va nécessiter une coordination entre les administrations municipales, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral.

Nous constatons qu’il y a des choses qui n’ont jamais été débattues. Ce sont des questions difficiles, mais il faut espérer que devant la gravité d’une situation donnée, nous sommes capables de nous rassembler en tant que pays, nous sommes en mesure de mettre nos idées en commun, de passer par-dessus nos problèmes particuliers et de trouver une solution qui sera avantageuse pour tout le monde.

Oui, c’est difficile, et mon seul conseil est que lorsqu’il y a un vrai problème, il faut espérer que nous arrivions à nous focaliser et à obtenir des résultats.

Le sénateur C. Deacon : Dans notre rapport de juin dernier intitulé La nécessité d’une stratégie en innovation pour une économie fondée sur les données et dont j’ai parlé plus tôt, nous affirmions que plus notre économie se numérise, plus les normes numériques devenaient essentielles. Nous précisions que le recours à des normes, à des codes de pratique et à des certifications comme alternative à la réglementation — ou comme équivalent à cette dernière — était un moyen vraiment prometteur de commencer à rattraper le retard dans certains de ces domaines.

Avez-vous réfléchi à ces autres façons de « réglementer » et de rendre les choses plus souples? En avez-vous parlé, les avez-vous examinées?

Mme Rogers : Je pense que vous n’êtes pas dans notre domaine d’expertise, sénateur Deacon.

M. Macklem : Nous ne sommes pas chargés de la réglementation pour le numérique.

Je comprends l’idée voulant que, dans un contexte qui évolue très rapidement, une approche traditionnelle consistant à se mettre d’accord sur un ensemble compliqué de règles ne puisse probablement pas suivre le rythme du changement. Donc oui, dans ce cas, vous avez probablement besoin d’une approche qui est axée davantage sur les principes. Il reste que cela n’est pas notre domaine d’expertise, et que c’est un domaine difficile.

Mme Rogers : La seule chose que j’ajouterais à cela, c’est qu’habituellement, nous attachons des normes réglementaires aux organismes. De plus en plus, ce que nous voyons aujourd’hui, ce sont les organismes traditionnels qui... Et c’est vrai dans le secteur bancaire, par exemple, mais aussi dans le domaine de la technologie. Les activités qui étaient auparavant menées par les banques le sont désormais par des organismes non bancaires, et toute notre infrastructure et notre appareil réglementaire sont rattachés à des institutions, et non à des activités. Il devient très difficile d’être aussi agile que le sont certaines de ces petites entreprises technologiques.

Le sénateur C. Deacon : J’ai compris. C’est un point essentiel pour moi. Merci beaucoup.

La présidente : Je pense que c’est un excellent résumé.

La sénatrice Petten : Je lisais le communiqué de presse sur vos engagements en matière de changements climatiques pour la COP26. Ces engagements comprennent :

[...] la Banque doit comprendre les impacts potentiels des changements climatiques sur la macroéconomie et la stabilité des prix.

Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et nous expliquer comment vous concrétisez cet engagement?

M. Macklem : J’en ai parlé un peu en réponse à la question de la sénatrice Galvez.

Notre travail initial était davantage axé sur l’incidence que les changements climatiques peuvent avoir sur la stabilité des prix. En particulier, nous voulions voir ce qui arriverait si les marchés évaluaient mal les risques climatiques et que ces derniers se cristallisaient soudainement. Avec le changement rapide des évaluations qui s’ensuivrait, quelles pourraient être les conséquences pour le système financier? Nous poursuivons nos travaux. Nous avons récemment publié quelques nouveaux articles, dont l’un porte sur les risques d’inondation et sur les conséquences que cela pourrait avoir sur les marchés hypothécaires.

Nous nous sommes tournés vers l’examen des conséquences macroéconomiques, des implications sur le plan de l’inflation et, en fin de compte, des conséquences en ce qui a trait à la politique monétaire. Ce travail est en cours. Nous devons intégrer dans nos modèles un secteur de l’énergie propre et renouvelable afin de pouvoir commencer à l’analyser.

Je profite de l’occasion pour souligner un autre élément. Notre rapport annuel ainsi que notre rapport sur la divulgation des risques climatiques doivent être présentés demain. Outre l’examen des implications macroéconomiques des changements climatiques, nous examinons aussi nos propres risques liés au climat. Nous avons un bilan. Nous avons des activités. Nous avons évalué et quantifié nos propres risques climatiques. Nous avons mis en place diverses stratégies d’atténuation pour faire face à ces risques. Vous pourrez lire tout cela demain, pour peu que le rapport soit déposé comme prévu.

Mme Rogers : Puis-je ajouter une chose, madame la présidente?

La présidente : Allez-y.

Mme Rogers : Bon nombre des modèles que nous utilisons dans le cadre de la politique monétaire — pour évaluer les risques financiers et même, dans l’environnement réglementaire, pour pondérer les risques des actifs, des banques et autres — s’appuient sur l’histoire. Nous prenons toutes les données et tous les renseignements que nous avons recueillis au fil du temps, et nous construisons un modèle pour tenter de voir de quoi l’avenir sera fait.

C’est d’ailleurs l’une des difficultés que nous avons avec les risques climatiques, puisque ces données historiques n’existent pas et qu’elles ne peuvent donc pas être prises en compte dans nos modèles.

L’une des choses que nous faisons beaucoup est la planification de scénarios. Au lieu de penser à utiliser un modèle historique pour évaluer un impact futur, nous commençons à utiliser les données que les climatologues nous fournissent afin de dégager certaines choses comme : « Si nous supposons qu’il s’agit d’un scénario pour l’avenir, quels sont les risques macroéconomiques et les risques en matière de stabilité financière qui se matérialiseront? » Nous utilisons de mieux en mieux l’élaboration de scénarios comme outil plutôt que des modèles basés sur l’histoire. C’est l’une des choses que nous essayons de faire.

Le sénateur Yussuff : J’ai deux petites questions, que je vous poserai à tous les deux.

Dans le dernier budget, la ministre des Finances a annoncé certaines mesures concernant l’amortissement des prêts hypothécaires. La Banque du Canada a évalué cette mesure dans le contexte des problèmes de renouvellement auxquels nous pourrions être confrontés et de la manière dont cet amortissement pourrait aider les propriétaires à l’avenir. Cela ne résout pas le problème des taux d’intérêt plus élevés, mais cela donne aux gens des possibilités d’envisager un allégement qui pourrait les aider à garder leur propriété d’une manière ou d’une autre.

M. Macklem : Oui, nous nous sommes penchés sur cette question, car l’inflation dans le secteur du logement contribue fortement à l’inflation.

Cette mesure permet des amortissements plus longs pour les acheteurs de logements neufs. Elle sera importante pour ces personnes, car, comme vous l’avez souligné, l’amortissement plus long permet de faire baisser leurs paiements mensuels. Il reste qu’il s’agit d’une partie relativement modeste du marché.

En se concentrant sur la construction neuve, on joue à la fois sur la demande et sur l’offre. Il faut espérer que cela stimulera la construction de logements neufs et contribuera à faire augmenter l’offre. Je ne pense pas que cela provoquera une forte augmentation de la demande qui ne sera pas compensée par l’offre. Je ne crois pas non plus que cela créera une pression inflationniste supplémentaire sur le marché du logement.

Le sénateur Yussuff : Ma deuxième question est la suivante : il y a environ 900 000 ou peut-être 1 000 000 de personnes — cela dépend de la mesure utilisée — qui travaillent dans un secteur précaire de l’économie. Il s’agit de Canadiens qui participent à leur manière, mais qui, malheureusement, occupent des emplois subalternes parfois rémunérés au salaire minimum. Or, cela a une incidence énorme sur notre productivité parce que ces personnes n’ont pas accès à de la formation. De surcroît, il arrive très souvent qu’elles n’aient pas droit à la protection fournie par les normes d’emploi.

La Banque du Canada a-t-elle déjà considéré cela comme un facteur important? Ces gens contribuent d’une certaine façon à l’économie, mais on ne tient pas compte d’eux, du moins, pas assez pour nous dire que nous devrions nous attaquer à ce problème. Or, au Canada, il y a 900 000 à 1 000 000 de personnes dans ce secteur précaire de l’économie qui n’ont pas les avantages que l’on donne habituellement à ceux qui travaillent dans un lieu de travail traditionnel.

M. Macklem : Nous avons étudié les différentes formes d’emploi et, de toute évidence, l’emploi précaire a pris de l’ampleur au fil du temps. Je ne sais pas si nous avons établi un lien direct avec ce phénomène. Nous l’avons étudié dans le contexte de la productivité. Nous avons un grand nombre de chercheurs, il est donc possible que j’aie oublié quelque chose.

Mme Rogers : Oui.

M. Macklem : Nous avons étudié la question, c’est certain.

Pour répondre à la question du sénateur Gignac, nous avons examiné un plus large éventail d’indicateurs du marché du travail, et l’examen de la dynamique de l’emploi plus précaire en fait partie.

Le sénateur Varone : Encore une fois, ma question se rapporte à mes antécédents de constructeur de maisons. Elle comporte deux volets.

Quel impact l’économie souterraine — le marché noir — a-t-elle sur le marché tel que vous le percevez? Je vais citer deux statistiques.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement a déclaré qu’il y avait 80 000 logements accessoires, ou appartements en sous-sol, à Toronto. La Ville de Toronto affirme qu’il n’y en a que 11 000. Plus loin dans l’article, la SCHL précise que 80 % d’entre eux sont illégaux.

Pour construire un appartement « illégal », il faut faire appel à des gens de métier. Les propriétaires ne font pas ça eux-mêmes. Or, la plupart des gens de métier sont régis par leur convention collective qui stipule qu’ils travaillent 36 heures par semaine. Je peux vous garantir qu’ils ne passent pas le reste de leur temps sur leur bateau. Ils travaillent et ils le font illégalement. Ce sont eux qui aménagent ces appartements en sous-sol, lesquels constituent un marché souterrain en soi.

Le Canada a-t-il un problème de marché clandestin et quelle incidence ce marché a-t-il sur l’économie en général?

M. Macklem : Ce n’est pas un sujet sur lequel nous avons fait des recherches. Cela s’est fait par le passé. Il est évident que nous sommes ceux qui produisent les billets de banque. L’économie souterraine repose sur l’argent liquide.

Il est difficile de saisir l’ampleur de l’économie souterraine parce qu’elle est cachée. Nous disposons de quelques estimations. Je n’en ai pas vu récemment, mais je sais qu’il y a déjà eu des travaux qui ont porté sur l’utilisation de l’argent liquide dans l’économie souterraine. Par exemple, il y a eu une époque où le billet de 1 000 $ était en circulation au Canada. Nous nous en sommes débarrassés pour une bonne raison : la principale utilité de ces billets ne concernait pas l’économie officielle.

La présidente : En parlant de ces billets de banque, pourriez-vous nous expliquer pourquoi la ministre des Finances relèverait à nouveau le plafond de la dette pour la deuxième fois en trois ans? Je crois que l’augmentation est de l’ordre de 16 %. Le plafond passe de 1 800 milliards de dollars à 2 130 milliards de dollars. Cela vous envoie-t-il le signal que le gouvernement a l’intention de dépenser beaucoup plus?

M. Macklem : Je ne suis pas vraiment au courant de ces plans.

La présidente : Y a-t-il d’autres interventions? Non?

M. Macklem : Ce que je vois, c’est que le gouvernement s’est donné des garde-fous budgétaires et qu’il s’est réengagé à les respecter dans le dernier budget.

La sénatrice Galvez : Vous avez raison de dire qu’il est important de prendre en considération les événements météorologiques extrêmes qui se produisent.

Je suis sûre que vous savez que le Canada se réchauffe trois fois plus vite que le reste du monde. L’Arctique se réchauffe beaucoup plus rapidement. Ces phénomènes météorologiques extrêmes vont se produire plus souvent au Canada.

L’autre conséquence de ces phénomènes climatiques extrêmes et de la destruction des infrastructures est la question des assurances. En fait, les seules institutions qui prennent en charge les coûts de ces destructions attribuables aux conditions météorologiques extrêmes sont les compagnies d’assurance.

Avez-vous des données sur le coût total de ces événements climatiques extrêmes, c’est-à-dire sur ces données que vous avez mentionnées et que vous cherchez à intégrer? À ma connaissance, les seules données disponibles à ce sujet proviennent du Bureau d’assurance du Canada.

M. Macklem : Oui. En fait, nous nous appuyons sur leurs données, comme vous le faites. Si vous représentez graphiquement le coût des sinistres liés au climat, ça ressemble à cela. Il ne fait aucun doute que cette valeur augmente. Oui, je m’attends à ce qu’elle continue à augmenter.

La sénatrice Galvez : Pensez-vous que certaines régions cesseront un jour d’être assurables?

M. Macklem : En regardant ce qui se passe ailleurs dans le monde, on constate que, déjà, les compagnies d’assurance renoncent à assurer certains risques. C’est un grave problème. Nous comptons sur les marchés de l’assurance pour protéger les particuliers. C’est aussi un élément important du fonctionnement du système financier. Si vous ne pouvez pas obtenir d’assurance habitation, on ne vous accordera pas de prêt hypothécaire. Une banque n’acceptera pas de vous en accorder un. Si l’assurance devient moins disponible ou plus chère, cela pourrait avoir des conséquences plus vastes.

[Français]

Le sénateur Gignac : Merci beaucoup à vous deux, parce que vous avez été généreux depuis deux heures et parce que ce vous faites n’est pas facile. La Banque du Canada a dû composer avec différents chocs, soit le choc de la pandémie et celui de l’immigration, qui ont eu des conséquences sur l’immobilier. Par contre, les délais de transmission me semblent plus rapides au Canada qu’aux États-Unis en raison des hypothèques variables par rapport à des taux fixes, et le marché du travail se détériore plus rapidement au Canada qu’aux États-Unis.

Se pourrait-il que vous retourniez à une politique neutre plus rapidement qu’aux États-Unis? De plus, comment la devise, s’il y a divergence de politique monétaire, entre-t-elle dans l’équation — en trois minutes, si possible?

M. Macklem : Je suis d’accord pour deux raisons, et je crois qu’on voit plus les effets de la politique monétaire au Canada. Premièrement, vous avez mentionné que la structure de notre marché hypothécaire est différente : aux États-Unis, c’est 30 ans, et au Canada, c’est 5 ans et il y a un secteur hypothécaire à taux variable.

Comme Mme Rogers l’a mentionné, environ la moitié des hypothèques sont déjà renouvelées et les autres le seront d’ici deux ans. Aujourd’hui, les personnes savent qu’au moment du renouvellement, les taux seront plus élevés et affecteront leurs dépenses actuelles.

L’autre aspect dont nous avons déjà parlé, c’est la productivité. Au Canada, elle est plus faible qu’aux États-Unis et la croissance est plus faible ici aussi. Pour ce qui est d’une divergence possible entre les États-Unis et le Canada, oui, c’est possible. On va gérer les taux d’intérêt pour les enjeux que l’on a ici, au Canada. Nous avons une devise flexible et cela peut absorber la différence. Il y a des limites à cette flexibilité : nos marchés financiers sont très intégrés et c’est un facteur dont il faut être conscient en prenant nos décisions, mais nous n’avons pas besoin de faire la même chose que la Réserve fédérale américaine. Nous pouvons avoir notre propre politique monétaire au pays pour les Canadiens et les Canadiennes.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup à vous deux, monsieur Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, et madame Carolyn Rogers, première sous-gouverneure de la Banque du Canada. Comme toujours, nous apprécions beaucoup le temps que vous nous consacrez.

Je tiens également à vous remercier tous les deux d’avoir invité les membres du comité à vous rencontrer à la Banque du Canada. C’est un bâtiment magnifique, et nous aurons l’occasion de vous cuisiner sur votre propre terrain. Nous apprécions cette offre. Qui sait, vous aurez peut-être des questions à nous poser. Merci beaucoup pour le temps que vous avez consacré au Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Merci à tous les membres d’avoir été là aujourd’hui.

M. Macklem : Merci de l’attention que vous portez à tout ce que nous faisons.

(La séance est levée.)

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