LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 2 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 16 h 28 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-244, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (diagnostic, entretien et réparation); et, à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Nous sommes un peu en retard, mais c’est parce qu’il y a eu un vote au Sénat.
Je m’appelle Pamela Wallin et je suis présidente de ce comité. Permettez-moi de vous présenter les membres du comité présents, soit notre vice-président, le sénateur Loffreda, la sénatrice Bellemare, le sénateur C. Deacon, le sénateur Gignac, la sénatrice Marshall, la sénatrice Martin, le sénateur Massicotte, le sénateur Varone et le sénateur Yussuff.
Merci à tous d’être ici aujourd’hui. Nous allons commencer notre examen du projet de loi C-244, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (diagnostic, entretien et réparation).
Pour notre premier groupe de témoins, nous sommes très heureux d’accueillir en personne le député Wilson Miao, de la circonscription de Richmond-Centre, qui est le parrain du projet de loi. Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui. Nous allons commencer par vos observations préliminaires.
Wilson Miao, député, Richmond-Centre, Colombie-Britannique, parrain du projet de loi, à titre personnel : Merci, madame la présidente. Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m’accueillir et de me donner l’occasion de vous parler de mon projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-244.
Il s’agit d’une mesure législative essentielle que je suis fier de défendre alors que nous cherchons à modifier la Loi sur le droit d’auteur et à faire progresser le cadre législatif du droit de réparer, dont le Canada a tant besoin. Je tiens également à exprimer ma gratitude à tous ceux qui ont soutenu ce projet de loi, en particulier au sénateur Deacon, qui l’a mené au Sénat.
Les Canadiens savent que la technologie est devenue un élément essentiel de leur vie quotidienne, qu’il s’agisse des téléphones intelligents que nous gardons sur nous ou de l’équipement dont les industries ont besoin pour leurs opérations. Pourtant, de nombreux produits dont nous dépendons sont devenus de plus en plus difficiles et coûteux à réparer. Les Canadiens, en particulier ceux qui vivent dans des collectivités rurales ou éloignées, n’ont souvent que peu d’options : payer des frais de réparation excessifs ou remplacer le produit défectueux. Le projet de loi C-244 vise à donner plus de pouvoir aux Canadiens en leur permettant de contourner les mesures de protection technologiques, également appelées MPT, dans le but de diagnostiquer, d’entretenir et de réparer les produits.
Les MPT, bien que conçues pour protéger la propriété intellectuelle, ont involontairement limité la capacité des Canadiens à entretenir leurs appareils, ce qui a eu pour effet d’augmenter le volume de déchets dans les sites d’enfouissement et de favoriser l’obsolescence programmée. Ce projet de loi ne concerne pas seulement le droit de réparer les produits que nous possédons; il s’agit d’une question d’équité, d’abordabilité et de durabilité. Il s’agit de réduire les déchets électroniques, de renforcer les droits des consommateurs et de soutenir les ateliers de réparation et les petites entreprises à l’échelle locale. En appuyant cette mesure législative, nous stimulerons la création d’emplois, nous favoriserons un marché plus compétitif, nous offrirons des solutions abordables aux familles et aux petites entreprises canadiennes et, surtout, nous protégerons l’environnement pour nous-mêmes et pour les générations futures.
Le projet de loi C-244 est une étape nécessaire vers un avenir durable et équitable, qui assure aux Canadiens un traitement équitable sur le marché et la liberté de faire des choix qui leur conviennent. J’exhorte le comité à soutenir ce projet de loi de même que le cadre législatif du droit de réparer dont notre pays a besoin. Je vous remercie et je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup de votre présence aujourd’hui et de votre projet de loi. Je pense que nous allons passer directement aux questions, et nous commencerons par notre vice-président, le sénateur Loffreda.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Miao, je vous remercie d’être présent à notre comité et je vous félicite d’avoir présenté cette mesure législative essentielle.
Divers intervenants ont fait part de leurs préoccupations à l’égard de questions variées. Certaines d’entre elles concernaient le respect de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Des amendements ont été déposés à la Chambre des communes. Pensez-vous que ces amendements ont répondu à ces préoccupations et résolu les problèmes? Quel était le raisonnement derrière ces amendements? Êtes-vous satisfait de l’état actuel du projet de loi — l’état dans lequel il se trouve — que nous cherchons à approuver?
M. Miao : Sénateur Loffreda, merci beaucoup de vos questions. En ce qui concerne l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, l’essentiel est de s’assurer que la modification de la Loi sur le droit d’auteur ne nuit pas à la conformité avec cet accord et de veiller à ce que le travail effectué pour contourner toute mesure technologique appliquée aux appareils électroniques puisse être réalisé dans le seul but de les réparer.
À l’heure actuelle, le contexte du projet de loi, avec les amendements que nous avons proposés pour incorporer l’aspect de la conformité à l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, répond à cette préoccupation. En outre, aux États-Unis, la législation relative au droit de réparer est élaborée par chacun des États, plutôt qu’à l’échelle nationale. Dans cette optique, je suis assez satisfait de l’état actuel du projet de loi.
Le sénateur Loffreda : Vous estimez donc que le projet de loi s’en trouve amélioré. Vous êtes satisfait des amendements et de tout ce qui a été proposé. Tout cela répond aux préoccupations des divers intervenants.
M. Miao : Oui, et je pense que c’est sur ce point que le Canada est actuellement en retard pour ce qui est de la mise en place d’un cadre législatif sur le droit de réparer, alors que si nous faisons une comparaison à l’échelle mondiale, l’Union européenne est en train de prendre les devants dans ce dossier. Même aux États-Unis, plus de 30 États disposent actuellement d’une mesure législative sur le droit de réparer.
Le sénateur C. Deacon : Monsieur le député Miao, je vous remercie de votre présence et de votre travail dans ce dossier. Vous avez réussi à faire adopter par la Chambre des communes un projet de loi allant exactement dans ce sens, alors que beaucoup d’autres efforts avaient été déployés à cet égard par le passé. Vous y êtes même parvenu grâce à un vote unanime en faveur du projet de loi.
L’une des particularités de ce projet de loi, c’est qu’il est technologiquement agnostique. Pouvez-vous nous parler de l’importance de l’agnosticisme technologique de ce projet de loi, qui s’applique à toutes les technologies et à tous les secteurs?
M. Miao : Sénateur Deacon, merci de votre travail et d’avoir présenté ce projet de loi au Sénat. Je pense que ce projet de loi est très important, et qu’il faut aller de l’avant avec un cadre législatif sur le droit de réparer au Canada. Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui pullule de toutes sortes de technologies. Les mesures de protection technologiques, qu’on appelle aussi le verrou numérique, empêchent grandement l’accès aux appareils lorsque le seul but est de les réparer ou de faire des diagnostics et de l’entretien. À l’heure actuelle, il faut comprendre que rien n’est protégé par le droit d’auteur. La propriété intellectuelle reste protégée, mais comme ce projet de loi autorise le contournement des MPT, il donne aux consommateurs plus de pouvoir pour choisir de réparer un article, au lieu de l’envoyer au site d’enfouissement et de le remplacer par un neuf.
Le sénateur C. Deacon : L’un des avantages de l’agnosticisme technologique, c’est qu’il permet d’apporter des modifications spécifiques à chaque secteur afin de fournir des mesures de protection dans chacun d’entre eux. De nos jours, les logiciels sont omniprésents. S’il faut gérer des risques spécifiques, on peut le faire de manière sectorielle. Est-ce là l’idée qui sous-tend le projet de loi?
M. Miao : Oui, et je pense qu’il y aura d’autres mesures législatives et d’autres politiques après l’adoption de ce projet de loi, parce que, dans divers secteurs et industries, le contournement des MPT suscite des inquiétudes, principalement en ce qui concerne la sûreté et la sécurité. Quand on ouvre la porte à des personnes qui peuvent tout voir afin d’effectuer une réparation, il y a un risque que le verrou devienne accessible pour des activités illégales. Dans l’état actuel de la Loi sur le droit d’auteur, il est considéré comme illégal qu’une personne décide de régler un problème sur un produit qui lui appartient. Ainsi, les consommateurs risquent fort d’être poursuivis par une entreprise ou par un fabricant.
Le sénateur C. Deacon : Est-ce uniquement lorsqu’ils font l’entretien de leur produit?
M. Miao : Oui, uniquement pour l’entretenir ou même pour le réparer.
Le sénateur C. Deacon : Est-ce aussi le cas lorsqu’une personne qualifiée fait le travail en toute légalité?
M. Miao : Oui. Je peux citer en exemple l’industrie automobile, où il existe une entente volontaire qui n’oblige pas tous les intervenants à y adhérer, mais, si vous ne disposez pas des outils nécessaires pour accéder à la prise ou à l’appareil — ou à ce que j’appelle le gros ordinateur à quatre roues —, vous risquez de ne même pas pouvoir diagnostiquer le problème, voire de trouver une solution pour le réparer.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie des efforts et du travail que vous avez accomplis jusqu’à présent pour nous amener ici. Selon la description que vous faites de ce projet, la plupart des gens y seront favorables. Je pense que c’est une très bonne idée. Je vous en remercie.
La seule question que je me pose, après avoir lu tous les documents et après avoir lu la loi, est la suivante : comment savoir si ce projet de loi permettra de réaliser ce que vous avez décrit de vive voix? En d’autres termes, nous savons tous ce que vous voulez faire. Nous y adhérons probablement tous, mais comment savoir? Deuxièmement, il arrive dans tous les aspects de la vie que, quatre ou cinq ans après avoir « tapé dans le mille », nous réalisons que notre initiative n’était pas sans failles et que certains en font un usage abusif. Nous trouvons des solutions à nos problèmes, mais les bandits et les voleurs y voient de nouveaux moyens d’accès. Comment remédier à ce problème?
M. Miao : Je vous remercie de votre question. Comment savoir si ce projet de loi accomplit réellement ses objectifs? Lorsque la Loi sur le droit d’auteur a été créée il y a longtemps, elle n’envisageait pas que la technologie progresserait à un point tel que tous les objets que nous utilisons aujourd’hui seraient dotés d’une puce. Par exemple, lorsque j’étais étudiant, j’ai dû acheter une imprimante à jet d’encre. Pour faire le plein d’encre, je devais acheter de nouvelles cartouches qui coûtaient le même prix qu’une imprimante. Il existe des marques de substitution ou des produits pour les fabricants d’origine qui contiennent la même encre, mais ce type de produit ne fonctionne plus parce que les fabricants ont placé une puce sur les cartouches d’encre qu’elles vendent et qu’ils ont rendu la synchronisation avec l’appareil impossible sans celles-ci. Cela signifie qu’il faut acheter des cartouches d’encre très chères ou alors envisager d’acheter un nouveau modèle d’imprimante, qui vient avec de l’encre.
Je souhaite également insister sur cet aspect important. Nous produisons beaucoup de déchets différents dans nos dépotoirs, non seulement des appareils électroniques, mais aussi des objets aussi simples que des séchoirs à cheveux, par exemple. Si votre séchoir tombe par terre et qu’il se brise, il se peut que vous n’ayez pas la pièce nécessaire pour le réparer. De plus, même si vous avez la pièce, s’il y a une puce à l’intérieur du séchoir, il se peut qu’elle ne reconnaisse pas la pièce et ne vous permette pas de procéder à la réparation du produit, le tout dans des conditions normales d’utilisation.
Je pense qu’il est important de prendre cela en considération, car cet enjeu est familier à beaucoup de gens qui se disent que, s’il y a un moyen de créer tel ou tel produit, il doit y avoir un moyen de l’ouvrir. Je veux dire par là que nous devrions être en mesure de contourner ce que l’on appelle les mesures légales numériques — les mesures techniques de protection — et d’accéder au produit de manière à pouvoir trouver un problème et le résoudre.
Le sénateur Massicotte : Pour en revenir à mes deux questions, premièrement : comment savoir si le projet de loi fonctionnera comme vous le dites?
M. Miao : Le contexte de ce projet de loi est très simple : autoriser le contournement dans le seul but d’effectuer un diagnostic, un entretien ou une réparation. Ce projet de loi prévoit que tout le reste — les modifications, les altérations ou les infractions aux droits d’auteur — demeure illégal.
Le sénateur Massicotte : Que fait-on si quelqu’un essaie de voler une idée et d’en tirer profit de manière illégale? En quoi pouvons-nous faire face à ce problème?
M. Miao : Je pense que, dans la situation actuelle, il y a aussi des menaces pour la sécurité d’un grand nombre de produits, en particulier les véhicules électriques, car de nombreux composants informatiques et logiciels sont intégrés dans ces machines. Bien entendu, si quelqu’un manipule ces éléments de sorte à enfreindre les droits d’auteur, la Loi sur le droit d’auteur s’appliquera toujours.
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de votre présence et de votre initiative. J’ai trois petites questions, et j’espère que vous pourrez y répondre en même temps.
La grande question est celle de la durabilité. Vous l’avez abordée dans votre déclaration initiale. Nous savons que la grande majorité des produits électroniques se retrouvent dans les sites d’enfouissement, en grande partie parce qu’il est impossible de réparer la plupart d’entre eux. Le Canada dispose-t-il de données sur le nombre de tonnes dont il est question?
Ma deuxième question — que vous n’avez pas abordée, mais à laquelle vous avez fait allusion dans votre discours — concerne les emplois dans le secteur de la réparation qui seraient créés à la suite de l’adoption de cette mesure législative et, bien sûr, son incidence sur les personnes désireuses de réparer ces appareils.
Enfin, comment nous situons-nous par rapport à d’autres secteurs qui ont déjà procédé ainsi ou qui, à votre avis, nous ont devancés il y a déjà un certain temps en permettant cette pratique? Je pense que nous pouvons apprendre beaucoup de leur expérience, mais, d’après ce que vous avez lu et compris avant de proposer cette mesure, quelles expériences et quelles leçons pouvez-vous nous relater?
M. Miao : Je vous remercie de vos questions, sénateur. Permettez-moi de vous présenter quelques données de l’Université de Waterloo. En 2020, les Canadiens produisaient plus d’un million de tonnes de déchets électriques par an, et ce chiffre devrait atteindre 1,2 million d’ici 2030. Ces statistiques nous rappellent que nous ne nous rendons peut-être pas compte de la quantité de déchets enfouis parce que nous ne les voyons jamais, mais que les produits que nous utilisons aujourd’hui ne durent pas aussi longtemps que nous le pensons. Une nouvelle laveuse, contrairement à la laveuse que j’avais chez moi et qui a fonctionné pendant 25 ans, commence à avoir des problèmes au bout d’un an et demi en raison de l’obsolescence programmée.
Je pense qu’il est également important de noter que les entreprises qui créent ces produits veulent également survivre. Si elles veulent s’assurer de sortir de nouveaux modèles et que les gens continuent à les acheter, elles doivent constamment proposer des améliorations. Je crois qu’Apple vient de sortir l’iPhone 16. Beaucoup de gens n’ont pas nécessairement besoin d’un nouveau téléphone, mais, parce que c’est une nouvelle technologie, ils sont prêts à acheter un nouveau modèle. Imaginez la quantité de déchets électroniques qui se retrouvent dans notre monde à l’heure actuelle.
Pour répondre à votre deuxième question concernant les entreprises et les réparateurs indépendants, je pense que le projet de loi encourage également la concurrence dans notre économie parce qu’il incite les petites entreprises à se développer et à trouver des moyens de réparer et de fournir des services aux populations locales, ce qui permet d’assurer une durabilité à long terme. À l’heure actuelle, quels sont les choix qui s’offrent aux consommateurs en cas de produit défectueux? Ils peuvent s’adresser à un détaillant agréé pour le faire réparer, mais, lorsqu’ils réalisent que les frais de réparation sont élevés, ils peuvent se demander s’ils ne devraient pas acheter un nouveau produit, qui est plus perfectionné, plutôt que de payer 60 à 70 % du coût d’achat d’un nouveau produit pour faire réparer l’ancien. Selon mes interlocuteurs, si un objet a une valeur sentimentale, ils sont prêts à débourser ce qu’il faut pour le faire réparer, mais, s’il est facilement remplaçable, ils préfèrent en acheter un nouveau.
Je pense que cela rejoint votre dernière question sur la responsabilisation des consommateurs et l’idée de leur permettre de choisir ce qu’ils veulent faire d’un objet endommagé; il se peut qu’ils aient dû économiser longtemps avant d’acheter l’objet. Dans un exemple d’histoire plus personnelle, j’ai entendu le récit d’une famille qui a acheté une machine à café qui a cessé de fonctionner au bout d’une semaine seulement. L’enfant de la famille l’avait fait tomber du comptoir par accident. Il n’y avait qu’un seul morceau cassé — tout fonctionnait encore — mais ils l’ont mise de côté parce qu’ils ne pouvaient pas réparer ce morceau.
Les Canadiens paient également plus cher pour faire réparer les produits défectueux ou pour en acheter de nouveaux. Cela aura une incidence considérable sur la durabilité de notre économie à long terme.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Bienvenue au comité, monsieur le député Miao.
Je vais poursuivre sur la question que d’autres sénateurs ont posée, en particulier en ce qui concerne la désuétude programmée. Je comprends que votre projet de loi vise à empêcher la désuétude programmée et à faciliter la réparation de nos appareils électroménagers, électroniques ou autres.
Avez-vous des exemples où le seul fait de modifier la Loi sur le droit d’auteur encouragerait l’industrie de la réparation? J’avais l’impression que, dans les pays qui se lançaient dans cette approche, celle-ci était accompagnée d’une politique de crédits fiscaux ou autres, d’une stratégie quelconque pour encourager aussi la main-d’œuvre de réparation, la formation et le service. C’est comme la pensée magique. Je trouve cela bien, parce qu’on veut s’attaquer à la désuétude programmée, mais j’aimerais comparer avec d’autres endroits qui auraient eu le même genre de politique.
[Traduction]
M. Miao : Je vous remercie de votre question.
En ce qui concerne l’obsolescence programmée, les gens estiment que les produits qu’ils achètent doivent durer un certain temps. La réduction de leur durée de vie signifie que les consommateurs n’en ont plus pour leur argent. Je vais vous donner un bon exemple.
Autrefois, les batteries des téléphones cellulaires étaient facilement amovibles, ce qui permettait de les remplacer lorsqu’elles étaient épuisées. Aujourd’hui, la batterie de la plupart des téléphones cellulaires est collée à l’appareil, de sorte que si l’on doit effectuer une réparation en raison d’un dysfonctionnement de la batterie, il faut ouvrir l’appareil et débrancher la batterie de la puce. Cela a une incidence sur la synchronisation du logiciel avec la nouvelle batterie. C’est beaucoup plus complexe que si j’avais un Motorola, par exemple, qui permettait de simplement retirer la batterie et en placer une nouvelle.
Les temps ont changé. L’actuelle Loi sur le droit d’auteur n’autorisant pas le contournement des mesures de protection pour quelque type de réparation que ce soit, elle limite les Canadiens en restreignant leurs choix. Il est important que nous ayons ce droit et cette possibilité de contourner les mesures de protection aux seules fins de réparation. Cependant, il est également important de prendre en compte le fait que d’autres politiques peuvent être associées à ce droit.
Vous mentionnez le crédit fiscal pour la réparation. À l’heure actuelle, certains pays de l’Union européenne offrent des encouragements fiscaux, comme l’exemption de la taxe sur la valeur ajoutée pour la réparation d’un appareil. Je crois qu’il s’agit d’un bon exemple à considérer dans de futures lois. Merci.
La sénatrice Marshall : Pouvez-vous nous expliquer le processus de contournement d’une mesure de technique de protection? Faut-il communiquer avec le fournisseur? Pouvez-vous donner un exemple concret?
M. Miao : Oui, absolument. Je vous sais gré de votre question. Il est très important de savoir ce qui se passe en coulisses, car la plupart d’entre nous ne participent pas aux travaux de réparation. Si la réparation est complexe, il est suggéré de trouver une personne qui en a l’expérience ou un réparateur autorisé, comme dans le cas d’appareils électroménagers.
Il est aussi important de comprendre que, de nos jours, tous les appareils ne sont pas facilement accessibles. Certains exigent un tournevis particulier ou un autre outil spécial. Il est important d’en tenir compte. Lorsqu’on parle de nouvelles politiques qui accompagneront les futures mesures législatives sur la manière de travailler avec les fabricants ou les entreprises pour créer les pièces de remplacement nécessaires ou même un simple manuel sur la façon de démonter un appareil pour accéder à son contenu et le réparer adéquatement, il est question d’appareils qui sont accessibles. Voici un très bon exemple que m’a donné un intervenant. Pensons aux difficultés que cela entraînerait s’il vous fallait des outils spéciaux pour changer un pneu sur une voiture. Il vous faudrait peut-être vous rendre à un concessionnaire particulier juste pour vous procurer l’outil et retirer le pneu endommagé pour le remplacer par un nouveau. Mais, si le pneu est fixé à la roue, chaque fois qu’il vous faudra changer un pneu, vous devrez non seulement changer le pneu, mais aussi la roue en entier, avec le pneu qui y est fixé.
Il existe divers processus de contournement pour divers produits. Il est important de considérer ce qui est nécessaire pour faciliter le contournement, comme les outils, le manuel — parfois, le fabricant cesse de produire les pièces de remplacement après quelques années. Dans l’Union européenne, la loi oblige les fabricants à produire les pièces de remplacement et à les offrir pendant une période de 10 ans. Ce genre de protection est prévue. Il existe d’excellentes lois dont on peut s’inspirer.
La sénatrice Marshall : S’il s’agit d’une réparation simple, comme l’exemple que vous avez donné, celui de la machine à laver dont une pièce est brisée, on remplace la pièce. Mais s’il s’agit d’un cas plus compliqué, est-il possible que le fournisseur initial ou le fabricant refuse de réparer un appareil ou une pièce qui a été réparé par un tiers? Y a-t-il un risque à cet égard?
M. Miao : En cette ère technologique où nous vivons, il existe des outils en ligne, comme le site Web ifixit.com, où on peut trouver des informations pour procéder soi-même aux travaux de réparation, ce qui n’est pas recommandé pour certains appareils plus complexes. C’est pourquoi il est important d’encourager les détaillants autorisés ou les petites entreprises qui pourraient exceller dans le secteur des services de réparation — qui sont reconnus par le concessionnaire ou qui ont suivi une formation complète et obtenu une accréditation pour avoir accès à un équipement plus sophistiqué ou procéder à des réparations plus compliquées.
La présidente : Voilà un point important. Merci.
[Français]
Le sénateur Gignac : Bienvenue à notre collègue parlementaire. Cela semble être un projet de loi relativement simple. Il n’a que deux pages. Je constate aussi que vous avez reçu un appui unanime de tous les partis à l’autre endroit. On a vu aussi des projets de loi qui avaient obtenu l’appui unanime à l’autre endroit, mais on avait été un peu déçu en comité en ce qui concerne la diligence raisonnable.
Je constate que vous avez tenu plusieurs réunions de comité, que 18 mémoires ont été déposés et que vous avez entendu 33 témoins. Ici, notre rôle est d’effectuer un second examen attentif. Notre travail sera facilité par la diligence raisonnable que vous avez effectuée à l’autre endroit.
Il y a eu 33 témoins. Il y a certainement eu des gens qui ont fait des mises en garde ou qui ont parlé des risques associés à cela. Quels étaient leurs arguments? Est-ce que tous les témoins étaient enthousiastes par rapport à votre projet de loi?
[Traduction]
M. Miao : Je vous remercie de votre question. Je crois qu’il est important de consulter l’industrie et de tenir compte de son point de vue. C’est pourquoi Innovation, Sciences et Développement économique Canada a mené des consultations qui ont pris fin récemment, le 26 septembre. Je suis impatient de voir les conclusions du rapport sur ces consultations.
Le comité a discuté de certaines mises en garde qui lui ont été faites. Bon nombre d’entre elles ne s’appliquent pas au projet de loi à l’étude, car celui-ci est fort simple. Il consiste à moderniser et à mettre à jour la Loi sur le droit d’auteur afin d’autoriser une personne à contourner une mesure technique de protection dans le seul but d’effectuer tout diagnostic, tout entretien ou toute réparation. Je dirais que le projet de loi C-244 est un élément important qui nous rapproche d’un éventuel cadre sur le droit de réparer au Canada, étant donné les obstacles juridiques auxquels se butent les Canadiens.
On a beau vouloir penser qu’on a le droit de faire les réparations nécessaires aux produits qu’on achète, le fait est que la loi impose actuellement certaines restrictions. C’est pourquoi il est important d’entendre les parties prenantes. On peut régler de nombreuses restrictions dans de futures mesures législatives qui pourraient être mises en œuvre dans les provinces. Je signale qu’avant la présentation du projet de loi à l’étude, l’Ontario a proposé un projet de loi sur le droit de réparer qui n’a pas été adopté pour cette raison. L’adoption du projet de loi à l’étude créerait un solide précédent pour le droit de réparer au Canada.
Le sénateur Varone : Je vous remercie de votre présence. Ma question est tirée de mon expérience personnelle dans le secteur de l’hôtellerie. Beaucoup d’hôtels au Canada utilisent des conditionneurs d’air intégrés locaux, qui sont installés au mur. Avant l’arrivée de modèles dotés d’un logiciel, les appareils n’étaient constitués que de matériel; on tournait un bouton de réglage et on avait de l’air. On nous a ensuite vendu l’idée de passer à des modèles dotés d’un logiciel qui permettent de régler la température des chambres inoccupées et ainsi réaliser des économies. Toutefois, les personnes autrefois capables de remettre en état la partie mécanique des thermopompes sont désemparées lorsque c’est le logiciel qui tombe en panne, car elles ne peuvent pas le réparer.
Je comprends le projet de loi; il est très efficace pour l’objectif que vous souhaitez atteindre. La réticence envers le droit de réparer vient-elle des fournisseurs de logiciels ou des fournisseurs de matériel? Selon moi, il existe une mince ligne où il n’y avait que le matériel, les parties mécaniques des appareils que l’on achetait. Maintenant que les logiciels les contrôlent, le projet de loi vise à permettre aux gens de comprendre les composants logiciels qui font fonctionner la mécanique des appareils. D’où vient la résistance de l’industrie selon vous?
M. Miao : Je vous remercie de votre question. Nous devons être clairs. Il est important que nous comprenions à quelles composantes de l’appareil s’applique le processus de contournement. Le projet de loi à l’étude traite en particulier du contournement de la mesure technique de protection, qui est un logiciel intégré à la partie matérielle de l’appareil.
Mais surtout, du point de vue de l’équipement commercial, lorsque l’on investit une somme importante dans un système, comme les systèmes de chauffage, ventilation et climatisation dont vous parlez, les composantes et les pièces sont également cruciales lors d’une réparation. Même si on effectue une réparation sur le plan mécanique ou matériel, il faut toujours utiliser le logiciel pour resynchroniser le système. Sans synchronisation du système, on risque un dysfonctionnement de l’appareil qui sera rendu inutilisable.
Les produits proposés aujourd’hui sont pratiques, car ils nous aident dans notre vie quotidienne et nous permettent d’économiser de l’argent dans de nombreux cas. Il est toutefois important de souligner que le projet de loi à l’étude vise les logiciels et les aspects plus numériques de la barrière qui entrave les efforts des consommateurs pour résoudre les problèmes.
Le sénateur Varone : Merci.
La sénatrice Martin : Merci. C’est un plaisir de vous voir. Je sais que vous avez consacré beaucoup d’efforts au projet de loi, et je me réjouis de prendre part à la présente réunion, afin de vous poser directement des questions précises.
J’ai entendu l’exemple que vous avez donné à la sénatrice Marshall au sujet du pneu et de l’outil spécial. Je m’interrogeais simplement sur les préoccupations exprimées par d’autres parties prenantes quant à la possibilité d’apporter des modifications après-vente susceptibles de compromettre la sécurité.
Comment le projet de loi C-244 aborde-t-il le risque que des personnes utilisent les exceptions prévues par le projet de loi pour contourner des dispositifs de sécurité dans des véhicules ou d’autres appareils? Quelque chose de très spécialisé nécessiterait une attention particulière. Cela m’a fait penser au dispositif de sécurité.
M. Miao : Absolument, sénatrice Martin, merci de votre question. Il est important de considérer tous les aspects.
Comme je l’ai mentionné précédemment, s’il y a un moyen de le créer, il y a un moyen de le casser. Des personnes mal intentionnées pourraient en profiter pour créer des menaces ou problèmes de sécurité. C’est pourquoi il est important de savoir que la loi telle qu’elle est, avec la modification à la Loi sur le droit d’auteur, ne modifie pas la légalité des autres domaines. Si quelqu’un est pris en train de trafiquer ou si on constate qu’il a découvert comment créer l’appareil en y accédant pour le réparer, il est toujours responsable d’avoir enfreint la loi, d’avoir trafiqué et d’avoir violé la propriété intellectuelle relative au produit.
La sénatrice Martin : Cela m’amène à évoquer les préoccupations des fabricants d’appareils de soins de santé. Pourriez-vous nous expliquer comment le projet de loi garantit que seuls des professionnels qualifiés sont autorisés à effectuer des réparations sur ces équipements cruciaux? Certaines personnes se préoccupent de cela; que leur répondez-vous?
M. Miao : Il y a d’autres aspects que nous devons examiner, surtout si nous parlons d’appareils médicaux. Ce sont des dispositifs de sauvetage qui aident vraiment à sauver des vies. La pandémie nous en a donné un très bon exemple. Quand un inhalateur est endommagé ou brisé, a-t-on accès aux pièces pour effectuer la réparation? Est-ce qu’un technicien est disponible pour le faire?
J’aimerais donner un autre exemple. Nous nous déplaçons assez souvent de la Colombie-Britannique à Ottawa. En parlant à un de mes amis qui est pilote, il a dit qu’il y a certaines parties de l’avion auxquelles ils ne peuvent pas toucher, mais auxquelles un ingénieur ou un technicien peut le faire. Pour que cet ingénieur ou ce technicien puisse actionner cet interrupteur, il doit avoir la formation, l’expérience et le permis nécessaires.
Il est important pour nous de reconnaître les compétences, l’apprentissage et l’expérience qui découlent de l’utilisation d’appareils complexes comme les appareils médicaux. En vertu de la Loi canadienne sur la santé, nous pouvons examiner d’autres lois pour prévoir des exemptions concernant certains appareils que l’on ne peut contourner à moins que ce ne soit fait par un technicien autorisé.
Le sénateur Massicotte : J’ai une question stupide, mais vous savez que c’est une préoccupation pour certaines entreprises, surtout les concessionnaires automobiles, où la réparation représente une grande partie de leurs revenus. Ils ne seront pas des plus heureux parce que cela les privera de revenus et pourrait nuire aux emplois. Cela peut avoir une incidence sur l’emploi. Cela pourrait avoir un impact macroéconomique, ce qui vous préoccupe.
Les fabricants peuvent modifier quelque chose dans leurs propres produits — ils peuvent le faire — pour qu’il soit très difficile pour un réparateur autonome de corriger le problème. Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit contre cela, mais comment composer avec les conséquences possibles de ce qui semble être une décision simple?
M. Miao : Il n’y a jamais de question stupide. Certaines complexités entrent en jeu et à quel point voulons-nous y réfléchir?
John Deere en est un bon exemple. Cette entreprise s’est opposée à des mesures législatives établissant le droit à la réparation. Cependant, aux États-Unis à l’heure actuelle, à cause de la loi, elle est obligée de fournir un manuel d’instructions et de donner l’accès pour réparer son énorme équipement commercial. Les gens qui vivent en milieu rural n’ont peut-être pas à proximité des concessionnaires qui peuvent faire des réparations. Il est plus facile pour les agriculteurs ou les propriétaires de ce matériel d’y avoir accès.
Cette complexité explique pourquoi quelqu’un y donnerait son appui et pourquoi certains ne le font pas. Le principal aspect que nous devrions examiner, c’est le consumérisme durable et la façon dont nous donnons aux Canadiens les moyens d’avoir un cadre de droit à la réparation.
Le sénateur Yussuff : Les fabricants d’équipement d’origine disent souvent que ce sera la fin du monde si nous permettons l’adoption du projet de loi. Permettez-moi de vous donner un exemple pour illustrer ce que je viens de dire.
Un mécanicien qui travaille chez un concessionnaire où il répare des voitures est un mécanicien breveté. Un mécanicien qui dirige un garage est également un mécanicien breveté. Il incombe aux deux de s’assurer que ce qu’ils font est conforme à leurs compétences et à leur formation.
Lorsque nous entendons l’argument selon lequel si nous permettons l’adoption du projet de loi, ce sera la fin du monde et toutes sortes de problèmes de sécurité surviendront, n’est-ce pas un peu exagéré, étant donné que les techniciens et les mécaniciens doivent être brevetés pour réparer un véhicule? Cela fait-il partie de leurs obligations en vertu des lois provinciales?
M. Miao : Tout à fait. C’est un bon point à soulever parce que les gens qui ont l’expérience pour devenir mécaniciens peuvent travailler pour des concessionnaires, mais ils peuvent quand même continuer à travailler dans un garage après leur retraite. Cependant, le défi réside dans la façon dont ils peuvent accéder à ces pièces.
Le secteur de l’automobile est un très bon exemple. Il y avait une entente volontaire qui permettait aux fabricants d’équipement d’origine de réparer certaines marques d’automobiles, mais les concessionnaires et les ateliers de réparation peuvent aussi avoir accès aux pièces pour ces véhicules.
Tout est donc question de l’équipement ou des produits plus complexes qui exigent une attention particulière. Je ne voudrais pas utiliser un appareil d’IRM qui est réparé par un technicien à la retraite ou qui a été congédié par une entreprise. Il y a des jugements que nous devons examiner et trouver un équilibre.
Le sénateur Loffreda : Il y a un enjeu important concernant la collaboration fédérale-provinciale sur les questions touchant le droit des contrats, particulièrement en ce qui concerne les licences restrictives. Étant donné que les provinces ont compétence en matière de droit des contrats, comment le gouvernement fédéral collaborera-t-il avec elles sur la question de ces licences restrictives qui pourraient avoir une incidence sur la concurrence, l’innovation ou les droits des consommateurs? Prévoyez-vous des difficultés à cet égard?
M. Miao : Je ne sais pas trop quel est le lien entre cette question et le projet de loi, mais en vertu de certains aspects du droit des contrats, par exemple, si l’équipement est loué auprès d’une entreprise, le bailleur peut être assujetti à certaines restrictions quant aux réparations. Par exemple, si quelqu’un loue une fourgonnette d’un concessionnaire et que le contrat de location stipule que toute réparation ou tout entretien doit être confié à une tierce partie donnée, cette personne est contrainte par le contrat en raison de la relation contractuelle. Toutefois, le contrat ne devrait pas restreindre l’entretien simple comme la vidange d’huile ou la réparation d’un pneu. Vous ne changez pas l’ordinateur, par exemple, dans un véhicule électrique. Vous n’essayez pas de modifier l’aspect informatique. Cela revient à l’objectif du projet de loi, qui est de permettre la réparation.
La présidente : Vous ne voyez aucune question de champ de compétence entre les provinces et le gouvernement fédéral dans ce cas-ci — je crois que c’est ce que nous voulions savoir?
M. Miao : Ce n’est peut-être pas à moi de répondre à cette question. Vous pourrez peut-être la poser aux fonctionnaires plus tard.
La présidente : Nous allons la poser aux autres. Merci. Merci à tous. Nous avons essayé d’en faire plus en moins de temps, et nous vous en sommes reconnaissants.
Monsieur Miao, nous vous savons gré de vos efforts, de votre temps et de toutes vos explications.
Maintenant, nous avons le plaisir d’accueillir en personne des représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Nous accueillons Patrick Blanar, directeur, Direction de la politique du droit d’auteur et des marques de commerce, et Luc Laforest, analyste principal de politiques, Direction de la politique du droit d’auteur et des marques de commerce.
Monsieur Blanar, je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire. Vous avez la parole.
Patrick Blanar, directeur, Direction de la politique du droit d’auteur et des marques de commerce, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Merci beaucoup.
Madame la présidente, monsieur le vice-président et mesdames et messieurs les membres du comité, la Loi sur le droit d’auteur du Canada est une loi d’application générale conçue pour encourager l’innovation et la créativité au profit de toute la société. En général, la Loi sur le droit d’auteur le fait en créant un ensemble de droits exclusifs pour les créateurs et en établissant des limites et des exceptions à ces droits.
En ce qui concerne le régime des mesures techniques de protection, ou MTP, il a été introduit dans la Loi sur le droit d’auteur en 2012 en reconnaissance de la nouvelle réalité numérique. Il s’agit d’un régime d’application de la loi qui interdit aux utilisateurs de contourner les MTP. Cela aide à faciliter de nouveaux modèles d’affaires pour la distribution d’œuvres numériques.
[Français]
Aujourd’hui, de plus en plus de produits renferment des logiciels. En outre, les fabricants ajoutent souvent des mesures techniques de protection, ou MTP, pour protéger les logiciels dans leurs produits, et ce, dans le but de prévenir l’accès non autorisé et le copiage.
L’utilisation des MTP par les fabricants, de pair avec l’interdiction de contourner les MTP, réduit l’habileté que nous avions traditionnellement à réparer nos propres produits lorsqu’ils se brisaient. Il est maintenant clair que la Loi sur le droit d’auteur, plus spécifiquement le régime des MTP, peut représenter un obstacle pour les Canadiens qui veulent réparer leurs produits contenant des logiciels.
[Traduction]
Le projet de loi C-244 réglerait ce problème en modifiant la Loi sur le droit d’auteur afin de créer une nouvelle exception dans le régime des mesures techniques de protection aux fins de la réparation. Bien qu’il s’agisse d’une étape importante dans l’habilitation des consommateurs, il est également important de garder à l’esprit la portée limitée du projet de loi C-244. Il crée une exception à l’interdiction de contourner les MTP dans la Loi sur le droit d’auteur. Cela n’élimine qu’un des nombreux obstacles qui pourraient empêcher la réparation de produits. Il faudrait plus que le projet de loi C-244 pour créer un droit positif à la réparation.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup, messieurs. Nous allons commencer la période de questions avec notre vice-président, le sénateur Loffreda.
Le sénateur Loffreda : Merci à nos témoins d’être ici. Ma question porte sur l’impact sur l’innovation. Souvent, au Canada, on parle de problèmes de productivité, de compétitivité, et on dit que l’innovation est la clé. Selon vous, quel est l’impact des licences restrictives sur l’innovation et la concurrence dans des secteurs comme la technologie, l’agriculture et la fabrication? Comment le projet de loi C-244 contribuera-t-il à atténuer ces effets et ces répercussions? Voyez-vous des préoccupations?
M. Blanar : La Loi sur le droit d’auteur et le régime des MTP ont été mis en place pour aider à protéger les œuvres créatives et leur distribution. Au moins en 2012, la MTP ne visait pas à protéger des modèles d’affaires précis en dehors de cela. En fin de compte, les licences que les gens signent lorsqu’ils achètent des produits sont des obligations contractuelles qui dépassent la portée de la Loi sur le droit d’auteur.
Dans ce cas-ci, le projet de loi C-244 n’aurait aucune incidence à cet égard. C’est pourquoi, dans ma déclaration préliminaire, nous avons souligné que, en fin de compte, cela élimine un obstacle à la réparation; cela ne règle pas tous les problèmes. Il y a beaucoup de travail à faire à d’autres niveaux, que ce soit par l’entremise d’autres mesures législatives par le ministère fédéral, au niveau provincial, peut-être pour régler le problème des licences, qui relève davantage du droit des contrats, et tout ce qui concerne l’octroi d’un droit positif.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.
La présidente : Permettez-moi de vous présenter les choses sous un angle légèrement différent. Nous voulons savoir si les entreprises ne se diront pas : « À quoi bon inventer un nouveau téléphone ou une nouvelle roue s’ils sont capables de la réparer ad vitam aeternam et qu’il m’est impossible de vous convaincre d’acheter du neuf? ».
M. Blanar : Non, pas du tout.
La présidente : D’accord, c’est bon. C’est clair.
Le sénateur C. Deacon : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui. Vous avez très bien expliqué que la Loi sur le droit d’auteur est une loi fédérale d’application générale, et que les modifications qui lui ont été apportées demeurent. Il faut modifier cette loi en raison d’une application inattendue de ce que j’appelle les modifications Napster qui servent à protéger les créateurs, mais qui sont maintenant utilisées pour protéger les manufacturiers de la concurrence.
Pouvez-vous nous parler des modifications apportées par le projet de loi C-59 qui vont de pair avec celles apportées à la Loi sur le droit d’auteur pour faire en sorte que les organisations aient à réparer leur produit? Pour être précis, certains changements dans le projet de loi C-59 ont été apportés afin de mettre en place un cadre solide sur le droit à la réparation, et ils ont joué un rôle majeur parce que les manufacturiers devaient offrir des marchés robustes, qui servent mieux la clientèle. Ils ont joué un rôle majeur à l’égard du droit à la réparation et du projet de loi.
M. Blanar : Le projet de loi C-59 modifie la Loi sur la concurrence, n’est-ce pas?
Le sénateur C. Deacon : Oui, c’est exact.
M. Blanar : Malheureusement, c’est un de mes collègues qui serait mieux placé pour parler de ces aspects. Je n’en connais pas les effets.
Le sénateur C. Deacon : Nous demanderons peut-être à quelqu’un de venir parler de ce sujet en particulier.
M. Blanar : Si vous le voulez, je peux probablement demander une réponse écrite.
Le sénateur C. Deacon : Ce serait fantastique; vous pouvez l’envoyer à la greffière.
La présidente : Merci, ce serait utile.
Le sénateur C. Deacon : Je crois que cela va vraiment au cœur de la question du sénateur Loffreda sur la façon dont cette mesure aide à stimuler l’innovation et la concurrence nécessaire à l’innovation.
La présidente : Si vous pouvez faire cela, ce serait fantastique.
La sénatrice Marshall : Je comprends ce que la modification est censée faire, mais j’ai du mal à penser que les manufacturiers ne riposteront pas. Je suppose qu’ils pourraient refuser d’honorer des garanties ou refuser de faire des réparations plus complexes. Avez-vous eu connaissance de ce qui se passe à cet égard? Avez-vous examiné la situation aux États-Unis? Comment s’y prennent-ils avec cette question? À moins que les manufacturiers ne ripostent pas. Pouvez-vous nous parler un peu de la façon dont les choses se passent dans d’autres pays, pour que nous sachions à quoi nous attendre au Canada?
M. Blanar : Avec un peu de chance, ce projet de loi en particulier n’aura que de modestes répercussions au Canada. À ma connaissance, il n’y a pas eu de ripostes dans d’autres pays en raison des questions de réparation. Il peut y avoir des problèmes liés aux garanties ou aux contrats en marge de ce projet de loi. Qu’une mesure de protection technologique soit contournée pour faciliter une réparation ou que ce ne soit pas nécessaire de le faire pour effectuer une réparation, il arrive que dans certaines circonstances cela ait pour effet d’annuler la garantie, si c’est fait d’une manière qui ne respecte pas les intentions du manufacturier.
Bien franchement, il est difficile de dire si cette mesure aura beaucoup d’impact.
La sénatrice Marshall : Je comprends qu’il s’agit d’une initiative parlementaire, mais le ministère a-t-il fait des recherches sur les conséquences imprévues que pourrait avoir le projet de loi? Y a-t-il eu la moindre recherche ou prenez-vous le projet de loi au pied de la lettre?
M. Blanar : Nous avons fait quelques recherches pour veiller à ce que la mesure soit conforme à nos obligations internationales. Nous avons aussi fait un peu de recherche pour examiner ce qui se fait dans d’autres pays. Nous n’avons pas vu, du moins dans mon service au ministère, de conséquences inattendues découlant d’une telle exception. Je signale que les États-Unis, par l’entremise de la Bibliothèque du Congrès, ont un processus triennal permettant d’autoriser de nouvelles exceptions à leur régime de mesures de protection technologiques, et que cela n’a pas...
La sénatrice Marshall : Merci.
La présidente : Monsieur Laforest, avez-vous quelque chose à ajouter ou est-ce complet? D’accord, c’est parfait.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Êtes-vous d’accord avec le projet de loi? Cela ne vous dérange-t-il pas? Il n’est pas parfait et il y a plusieurs choses à faire. Toutefois, je crois comprendre que vous l’appuyez à cette étape-ci; c’est bien cela?
M. Blanar : Absolument.
Le sénateur Massicotte : Lorsqu’on regarde les choix présentés et les choses qui peuvent se produire, comme la manipulation, les concessionnaires ou les vendeurs vont nous assurer que le produit n’est pas parfait. Y a-t-il quelque chose qui est disponible? Y a-t-il une section que l’on peut ajouter au projet de loi qui permettrait de mieux gérer cet aspect, tout en s’assurant que ce ne sera pas le cas?
M. Blanar : Pas dans le contexte de la Loi sur le droit d’auteur. On a mentionné un peu plus tôt que plusieurs parties prenantes et manufacturiers s’inquiètent que tout cela ouvre certaines portes et que cela provoque un non-respect des normes de sécurité ou des normes sanitaires. On a justement des régimes pour traiter de ces questions. Santé Canada est responsable de l’approbation des appareils médicaux. En principe, toute réparation doit respecter les mêmes normes. On a déjà eu des conversations avec Santé Canada. Si cela devient un problème, il faudra que Santé Canada crée des règlements pour régir la réparation.
Le sénateur Massicotte : D’accord. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de votre présence ici, monsieur Blanar. J’ai quelques questions. Vous avez dit, je crois, que vous avez réalisé des études sur la situation en Europe, où le droit à la réparation est bien implanté. Avez-vous des points négatifs à nous signaler au sujet du régime en place et de ce que les Européens ont accompli?
Vous avez également dit qu’il est possible d’avoir un droit à la réparation renforcé, qui doit aller un peu plus loin que ce qui est prévu dans le projet de loi C-244. Que faudrait-il pour créer un meilleur cadre législatif afin d’élargir cette possibilité que les Canadiens veulent avoir au pays?
M. Blanar : Je ne suis pas un expert du régime en Union européenne, je ne peux donc pas répondre à cette question. Je connais un peu le régime des États-Unis.
Le sénateur Yussuff : D’accord.
M. Blanar : En gros, en ce qui a trait au régime des États-Unis, la Bibliothèque du Congrès a un processus triennal où des intervenants peuvent démontrer preuve à l’appui que le régime de mesures de protection technologiques nuit à leur capacité d’effectuer une réparation. Quand la Bibliothèque du Congrès reconnaît qu’en raison du régime il y a bel et bien une conséquence imprévue, elle accorde une autorisation. Si je ne m’abuse, des autorisations ont été accordées dans le secteur de l’automobile, de la téléphonie mobile, des bateaux et des appareils médicaux. À notre connaissance, il n’y a eu aucune conséquence négative découlant de cela. Certains États sont même partis de là pour forcer des manufacturiers à fournir des pièces et des manuels pour la réparation.
En ce qui concerne les améliorations à apporter, je crois qu’il serait possible de prendre le même genre d’initiatives, comme de demander aux manufacturiers d’être plus proactifs dans leur offre. Je sais qu’il y a des efforts en ce sens au palier provincial. Le Québec est une province qui s’attaque à ces enjeux.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J’aimerais continuer dans la même lignée de questions sur les comparaisons avec les États-Unis, puisque c’est le pays avec lequel vous avez mené des études.
Pouvez-vous nous dire brièvement comment ce projet de loi se compare avec la législation américaine? Pensez-vous que le projet de loi aura un impact réel?
M. Blanar : Les États-Unis ont peut-être adopté une approche un peu plus ciblée. Ils demandent des soumissions tous les trois ans et ils font une étude d’impact sur un secteur en particulier et un type de réparation en particulier. Le projet de loi dont on discute actuellement utilise une approche un peu différente, où l’on crée une exception pour la réparation en général. Donc, au lieu d’être obligé de revenir chaque fois lorsqu’il y a un changement technologique ou un nouveau modèle d’affaires, on peut dire que, dans notre contexte, le régime de techniques de protection ne devrait pas empêcher la réparation, point final.
La sénatrice Bellemare : Donc, il y a moins de bureaucratie qu’aux États-Unis, puisqu’ils doivent revenir?
M. Blanar : En effet.
La sénatrice Bellemare : Croyez-vous que le simple fait que le projet de loi soit aussi général aura un impact réel sur les consommateurs?
M. Blanar : On croit que oui, puisque la Loi sur le droit d’auteur est une loi de marché qui a une application générale. Ce sera très difficile à mesurer, mais on croit que l’on verra quand même un certain impact et qu’il y aura peut-être plus de réparateurs indépendants.
La sénatrice Bellemare : Cela reste à évaluer.
M. Blanar : C’est cela.
La sénatrice Bellemare : Pensez-vous qu’on devrait ajouter une disposition sur une évaluation future du projet de loi ou devrait-on le laisser comme tel?
M. Blanar : La Loi sur le droit d’auteur contient déjà une révision aux cinq ans et cela pourrait faire partie de cette révision.
La sénatrice Bellemare : C’est une bonne réponse, merci.
[Traduction]
La présidente : Vous avez dit que le Québec fait cavalier seul à certains égards. Quelles mesures prend-il et celles-ci sont-elles distinctes de la mesure législative? Nous avons posé une question aux témoins, la dernière fois, au sujet des enjeux liés aux champs de compétences qui pourraient être soulevés entre les provinces et le gouvernement fédéral. Y a-t-il des implications en ce sens? Pourriez-vous parler de ces deux points?
M. Blanar : Oui. Le Québec a adopté une loi qui met en place un certain nombre de mesures pour faciliter la réparation. La loi comprend l’obligation, pour les manufacturiers, de s’assurer que les pièces de rechange, les services de réparation et l’information nécessaire à l’entretien et la réparation des biens sont offerts. La loi interdit aussi le commerce de biens dont l’obsolescence est planifiée.
La présidente : Vous ne percevez pas de problème quant aux champs de compétences?
M. Blanar : Non, d’autant plus qu’il s’agit de la Loi sur le droit d’auteur. C’est une compétence purement fédérale.
La présidente : Exact. Je suis d’accord. Je voulais seulement que ce soit consigné au compte rendu. Je vous remercie.
Le sénateur C. Deacon : Je veux vous présenter une série d’affirmations auxquelles vous pourrez peut-être répondre rapidement. Le changement prévu empêche les manufacturiers de prévenir ou de punir — en annulant la garantie, par exemple — la réalisation d’un diagnostic, d’un entretien ou d’une réparation sous certaines conditions. Les manufacturiers ne pourront plus faire cela, à l’avenir. Par le passé, ils procédaient ainsi pour contrôler les revenus provenant des réparations. La Loi sur le droit d’auteur a servi à cela. Je tiens à parler des inquiétudes en matière de santé et de sécurité.
Les préoccupations en matière de santé et de sécurité n’ont jamais relevé de la Loi sur le droit d’auteur. Elles relèvent d’un ministère ou l’autre, de Transports Canada, par exemple, ou de Santé Canada, ou d’un autre. Je veux éclaircir certains de ces aspects au bénéfice de mes collègues et savoir si ce que je dis vous paraît juste.
M. Blanar : En ce qui concerne votre premier point, le projet de loi ne modifie que la disposition sur les mesures de protection technologiques dans la Loi sur le droit d’auteur. Un manufacturier continue de pouvoir annuler la garantie pour rupture de contrat s’il le veut. Il peut le faire.
Le sénateur C. Deacon : Exactement, mais pas pour cela?
M. Blanar : Le manufacturier ne peut plus engager une poursuite au titre de la Loi sur le droit d’auteur. La mesure législative ne change rien au fait qu’il peut donner cela comme raison pour annuler la garantie; il peut le faire en dépit de cette loi.
Pour ce qui est des préoccupations en matière de santé et de sécurité, cela incombe en effet à d’autres. Nous avons déjà un régime de réglementation qui gouverne, par exemple, les automobiles, les émissions et les appareils médicaux. Ces régimes continuent de s’appliquer s’il y a une réparation. S’il y a des normes à respecter, il faut continuer de s’y conformer, quelles que soient les modifications apportées à la Loi sur le droit d’auteur. Si des problèmes se présentent, il est possible d’adapter ces régimes pour qu’ils englobent la réparation au besoin.
Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie. Par souci de précision, j’ai cherché l’expression utilisée dans la modification apportée à la Loi sur la concurrence. Ce sont les dispositions sur le « refus de vendre » que le projet de loi C-59 a modifiées dans la Loi sur la concurrence. Cela illustre bien qu’il s’agit d’un changement fondamental dans le droit à la réparation, car on y dit que les manufacturiers ne peuvent empêcher un compétiteur d’accéder à l’information et aux outils nécessaires à un diagnostic, à de l’entretien ou à une réparation. Les compétiteurs peuvent contourner les mesures de protection technologiques pour poser un diagnostic ou encore faire de l’entretien ou des réparations.
Voilà qui montre à mes collègues qu’il s’agit d’un changement fondamental qui permet une bien meilleure concurrence, ce qui est avantageux pour les consommateurs.
La présidente : Nous avons terminé la liste de questions. Les choses se sont déroulées rondement. Avez-vous quelques dernières remarques, monsieur Blanar? Y a-t-il des choses auxquelles nous devons être attentifs?
M. Blanar : Non, nous pensons que c’est un bon projet de loi, qui prévoit d’excellentes choses.
La présidente : Excellent. Monsieur Blanar, directeur de la Direction de la politique du droit d’auteur et des marques de commerce et monsieur Laforest, analyste principal de politiques de la Direction de la politique du droit d’auteur et des marques de commerce, nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez accordé.
Nous tiendrons maintenant une brève séance à huis clos, mais nous allons conclure les procédures officielles. Merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé.
(La séance se poursuit à huis clos.)