LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 7 avril 2022
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 2 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité.
Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je m’appelle Paul Massicotte, sénateur du Québec, et je suis président du comité.
Aujourd’hui, nous tenons une séance hybride du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs et aux témoins qu’ils sont priés de garder leur micro éteint en tout temps, à moins d’être reconnu par le président.
Lorsque vous parlez, veuillez le faire lentement et clairement. Je ferai de mon mieux pour permettre à tous ceux qui veulent poser une question de le faire, mais pour y arriver, je vous demanderais d’être brefs dans vos questions et préambules. Cela s’adresse également à nos témoins.
Si un problème technique survient, en particulier si cela concerne l’interprétation, veuillez le signaler, à moi ou à la greffière, pour que nous puissions le régler rapidement.
Maintenant, j’aimerais présenter les membres du comité qui participent à la réunion aujourd’hui.
La sénatrice Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur David Arnot, de la Saskatchewan; le sénateur Claude Carignan, c.p., du Québec; la sénatrice Rosa Galvez, du Québec; le sénateur Clément Gignac, du Québec; la sénatrice Mary Jane McCallum, du Manitoba; la sénatrice Julie Miville-Dechêne, du Québec; le sénateur Dennis Glen Patterson, du Nunavut; la sénatrice Judith Seidman, du Québec; la sénatrice Karen Sorensen, de l’Alberta; la sénatrice Josée Verner, c.p., du Québec.
Bienvenue à tous, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent.
Aujourd’hui, nous nous réunissons en vertu de notre ordre de renvoi général pour continuer notre étude sur l’énergie basée sur l’hydrogène.
Pour notre premier panel, nous accueillons, de Ressources naturelles Canada, Aaron Hoskin, gestionnaire principal, Initiatives intergouvernementales, et Sébastien Labelle, directeur général de la Direction des carburants propres, qui se joindra à nous avec un peu de retard.
Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation.
Monsieur Hoskin, vous avez la parole.
[Traduction]
Aaron Hoskin, gestionnaire principal, Initiatives intergouvernementales, Ressources naturelles Canada : Bonjour. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler du rôle important que l’hydrogène jouera dans un avenir carboneutre pour le Canada et le monde entier.
Avant de commencer, je tiens à souligner que je me joins à vous depuis la ville pluvieuse et froide d’Ottawa, qui est le territoire traditionnel et non cédé de la Première Nation algonquine anishinabe.
Pour que le Canada puisse respecter son engagement à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, l’économie devra être alimentée par deux sources d’énergie clés : l’électricité propre et les carburants propres, y compris l’hydrogène. Le rôle essentiel de ces deux voies a été renforcé la semaine dernière, dans le Plan de réduction des émissions. L’hydrogène propre peut réduire nos émissions annuelles de GES de 22 à 45 millions de tonnes métriques par an d’ici 2030, et ce chiffre pourrait atteindre 190 millions de tonnes métriques d’ici 2050, selon les mesures prises et les investissements réalisés dans l’ensemble de l’économie.
Notre secteur de l’hydrogène et des piles à combustible, qui est un chef de file mondial, peut servir de base à la croissance de toute une industrie nationale et continuer d’apporter des contributions importantes à l’échelle internationale dans un marché mondial qui, selon Goldman Sachs, devrait valoir 11,7 billions de dollars par an d’ici 2050. En fait, les exportations de technologies canadiennes de l’hydrogène ont plus que quadruplé au cours des deux dernières années seulement.
Notre modélisation prévoit que le secteur de l’hydrogène pourrait créer jusqu’à 350 000 emplois à l’échelle nationale au cours des trois prochaines décennies, tout en réduisant considérablement nos émissions de gaz à effet de serre, en contribuant à l’atteinte de nos objectifs climatiques de 2030 et en nous mettant sur la voie de la carboneutralité.
Le Canada bénéficie de plusieurs avantages. Nous sommes riches en matières premières qui nous permettent de produire de l’hydrogène propre à faible coût à partir de multiples voies d’accès partout au pays. Nos secteurs de l’énergie et des technologies propres sont robustes, et nos atouts géographiques placent le Canada en bonne position sur les marchés commerciaux mondiaux.
À l’est, nous pouvons produire de l’hydrogène en utilisant nos ressources renouvelables et l’hydroélectricité, un hydrogène qui pourrait être exporté vers l’Europe pour renforcer sa sécurité énergétique. La crise énergétique actuelle ne fait que renforcer l’urgence de cette question. Une récente étude indépendante menée par Adelphi pour le compte du gouvernement allemand montre qu’il existe une capacité d’énergie renouvelable suffisante dans l’Est du pays pour fournir chaque année entre 25 et 35 mégatonnes d’hydrogène propre à l’Europe d’ici 2050. Ces conclusions ont été réitérées dans le cadre de récentes études de faisabilité réalisées par l’Offshore Energy Research Association, pour le compte des régions maritimes et atlantiques du Canada.
Dans l’Ouest canadien, nous pouvons tirer parti de nos vastes réserves de gaz naturel et de pétrole classique, de notre expertise en matière de technologies de réduction du carbone et de formations géologiques favorables pour produire de l’hydrogène propre destiné au marché intérieur et à l’exportation vers l’Asie.
Il y a un peu plus d’un an, soit en décembre 2020, nous avons lancé la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, qui est un appel à l’action pour les gouvernements, pour le secteur privé ainsi que pour les communautés et entreprises autochtones en vue qu’ils tirent parti des ces débouchés. Ces mesures sont décrites dans 32 recommandations réparties entre huit thèmes clés.
Des mesures doivent être prises dans l’ensemble de la chaîne de valeur, et elles doivent être échelonnées dans le temps, en augmentant la capacité dès maintenant afin de jeter les bases de l’utilisation de l’hydrogène au Canada et de son exportation, tout en élargissant les débouchés à moyen et à long terme, à mesure que le marché évolue.
Si les débouchés sont nombreux, la stratégie montre également qu’il reste des obstacles importants à surmonter, notamment pour réduire les coûts de production et l’intensité des gaz à effet de serre qu’elle émet.
Il sera important de se soucier surtout de l’intensité carbonique de l’hydrogène produit, plutôt que d’une voie particulière ou de la couleur de cette intensité carbonique. L’une des premières mesures que nous prenons, en collaboration avec les provinces, le secteur privé et les gouvernements du monde entier, consiste à élaborer une norme mondiale commune pour déterminer cette intensité en carbone, ce qui constitue la première étape vers un commerce mondial.
Si la stratégie met en évidence des débouchés partout au pays, ces débouchés diffèrent d’une région à l’autre. La stratégie indique donc la nécessité d’élaborer une série de plans régionaux qui approfondiront les variations régionales en vue de déterminer les débouchés plus particuliers et les mesures ciblées qui doivent être définies pour compléter la stratégie.
Grâce à notre soutien, la Colombie-Britannique et l’Alberta ont déjà publié leurs propres stratégies, l’Ontario et le Québec sont en train de finaliser les leurs, et deux études de faisabilité, dont une que j’ai mentionnée plus tôt, ont été publiées pour la région de l’Atlantique. La semaine dernière, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé la création d’un nouveau bureau de l’hydrogène en vue d’accélérer les approbations réglementaires et les décisions relatives aux projets.
Nous savons que nous ne pouvons pas accomplir ce travail par nous-mêmes. Nous avons donc constitué un comité directeur stratégique de haut niveau pour la mise en œuvre de l’hydrogène, un comité qui réunit des hauts dirigeants de l’industrie, des partenaires provinciaux et territoriaux, des organisations non gouvernementales ainsi que des entreprises et des communautés autochtones.
Le comité établit les priorités, oriente les mesures, dissémine les connaissances et suit les résultats, en jetant les assises d’une réussite à court terme et en déterminant les activités à exercer à moyen et à long terme.
Le ministre Wilkinson dirigera les discussions avec les provinces et les territoires afin de favoriser la prospérité économique et de créer des emplois durables au sein d’une économie carboneutre. Dans le Plan de réduction des émissions, un investissement de 25 millions de dollars a été annoncé pour soutenir ce processus.
Pour saisir l’occasion de produire de l’hydrogène, il faudra prendre des mesures coordonnées à court, à moyen et à long terme. Nous devons développer l’infrastructure de production et de distribution dès maintenant tout en favorisant un déploiement plus important dans des secteurs clés comme le transport de marchandises, l’exploitation minière et l’industrie lourde, et tout en veillant à ce que les codes et les normes essentiels soient respectés.
À mesure que la technologie évolue et mûrit et que l’accès à l’hydrogène propre et peu coûteux se développe, d’autres utilisations finales deviendront plus viables, notamment dans les secteurs ferroviaire et maritime ainsi que dans des processus industriels comme la sidérurgie, la production de ciment et la fabrication.
Le comité directeur stratégique de haut niveau que j’ai mentionné est soutenu par 16 groupes de travail thématiques, qui réunissent des experts en la matière de tout le pays pour qu’ils prennent des mesures, s’attaquent aux obstacles restants et veillent à ce que nous soyons sur la voie de saisir des occasions d’affaires. Rien que l’année dernière, ces groupes de travail ont entrepris plus de 15 recherches et analyses ciblées.
En ce moment, nous passons également à l’action. Le budget de 2021 comprenait plusieurs nouvelles mesures qui appuient également les premières étapes décrites dans la stratégie. Le Fonds pour les combustibles propres de 1,5 milliard de dollars, que nous mettons également en œuvre, soutient la capacité de production de combustibles propres au Canada en ciblant au moins 10 nouvelles installations de production d’hydrogène ainsi que d’autres installations. Nous examinons et évaluons actuellement les propositions reçues dans le cadre d’un processus concurrentiel, et les décisions de financement seront prises au cours des prochains mois. Nous avons également un volet de financement réservé aux projets dirigés par des Autochtones, lequel accepte actuellement des propositions. Dans le cadre de cette initiative, nous investissons également 50 millions de dollars en vue de soutenir l’élaboration continue de codes et de normes essentiels pour l’hydrogène. Dans le budget de 2021, le gouvernement a également annoncé plusieurs mesures fiscales liées à l’équipement de production de carburants renouvelables et d’hydrogène ainsi que de ravitaillement en hydrogène, de même qu’un crédit d’impôt à l’investissement prévu pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, ou CUSC.
L’Accélérateur net zéro du Fonds stratégique pour l’innovation, c’est-à-dire ce fonds de 8 milliards de dollars, soutient également des projets. En fait, deux projets relatifs à l’hydrogène ont déjà été annoncés : un investissement de 400 millions de dollars pour décarboniser l’installation sidérurgique de Hamilton et un investissement de 25 millions de dollars pour soutenir l’élaboration et la commercialisation d’une technologie de captage du carbone à faible coût pour des applications industrielles, comme la production d’hydrogène propre.
Le budget prévoit également 300 millions de dollars pour la recherche et le développement visant à faire progresser la technologie de CUSC et 67 millions de dollars sur sept ans pour mettre en œuvre et administrer la Norme sur les carburants propres.
Un soutien pour permettre de mesurer précisément les piles à combustible à faible émission de carbone a également été inclus dans le budget de 2021. Dans le Plan de réduction des émissions, ou PRE, des objectifs de 100 % d’ici 2035 ont été annoncés, ce qui stimulera également la demande de véhicules à hydrogène, et nous nous préparons à soutenir l’infrastructure pour les véhicules à carburant propre et à émission zéro en investissant plus de 460 millions de dollars.
Jusqu’à maintenant, notre programme d’infrastructure pour les véhicules électriques (VE) et les carburants de remplacement a sélectionné des projets qui aboutiront à l’installation de 19 nouvelles stations de ravitaillement en hydrogène, 25 stations étant prévues d’ici 2024. Cinq de ces stations sont déjà ouvertes.
Toutefois, le véritable potentiel de l’hydrogène dans le domaine des transports se situe dans le secteur des poids moyens et lourds. Dans le Plan de réduction des émissions, nous avons annoncé l’octroi de 500 millions de dollars pour inciter les gens à acheter des camions et pour soutenir une démonstration réelle de grands routiers alimentés à l’hydrogène.
Et nous ne sommes pas les seuls à le faire. En fait, plus de 20 pays ont publié leurs propres stratégies en matière d’hydrogène, soutenues par des investissements de plus de 80 milliards de dollars au cours des 18 derniers mois, ce qui témoigne de l’élan en faveur de l’hydrogène qui est démontré dans les plans climatiques du monde entier.
Sur le plan international, le Canada favorise depuis longtemps la collaboration internationale par l’intermédiaire de forums mondiaux comme l’Agence internationale de l’énergie, l’International Partnership for Hydrogen and Fuel Cells in the Economy et, plus récemment, l’initiative sur l’hydrogène prise à la réunion ministérielle sur l’énergie propre, dont le Canada a dirigé l’élaboration et codirige la mise en œuvre. Il s’agit d’une pierre angulaire du déploiement mondial de l’hydrogène.
Nous avons également conclu plusieurs accords bilatéraux, dont un avec l’Allemagne qui met précisément l’accent sur la meilleure façon d’établir une chaîne d’approvisionnement durable et sûre, tout en favorisant de plus grands investissements étrangers directs. Plus récemment, nous avons conclu, comme l’a annoncé le premier ministre, un protocole d’entente officiel avec les Pays-Bas, par lequel nous chercherons à établir des chaînes d’approvisionnement officielles.
Le temps de l’hydrogène est venu. Ressources naturelles Canada est prêt à travailler avec des partenaires des quatre coins du pays et du monde entier, à mettre à profit notre volonté, nos compétences et nos ressources financières combinées pour saisir pleinement les occasions offertes par l’hydrogène et créer un avenir plus propre, ensemble.
En d’autres termes, le Canada est prêt à être à la fine pointe de l’économie mondiale de l’hydrogène, comme il le doit.
Je vous remercie de votre attention.
Le président : Merci, monsieur Hoskin. Je remarque que M. Labelle s’est joint à nous.
Je vais poser une question, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. Monsieur Hoskin, votre exposé est assez convaincant, quand vous parlez de l’immense potentiel de l’hydrogène et du fait que nous sommes prêts et renseignés à cet égard, que nous allons réussir dans ce domaine et que nous avons tous les plans appropriés en place. Pourtant, je note également qu’il y a quelques semaines, le gouvernement canadien a essentiellement lancé un appel de propositions afin de recueillir l’avis de personnes externes sur la meilleure façon pour le Canada d’exploiter ce potentiel. Puisque nous sommes apparemment très bien informés, prêts à aller de l’avant et même en avance sur notre programme, pourriez-vous expliquer l’intérêt de cette étude spéciale? Pourriez-vous formuler des observations à ce sujet?
M. Hoskin : Je ne suis pas certain de savoir de quelle l’étude vous parlez. Comme je l’ai mentionné, nous soutenons un certain nombre d’études menées par nos différents groupes de travail. Quinze d’entre elles sont en cours ou ont déjà été achevées au cours de l’année dernière.
Comme je l’ai mentionné dans les notes et la stratégie, tout n’est pas terminé. La stratégie jette les assises de l’initiative. Il s’agit en fait d’un appel à l’action. Mais certaines des activités clés qui doivent avoir lieu pour saisir ces occasions doivent encore être élaborées. C’est la raison pour laquelle nous continuons de procéder à des analyses et d’approfondir des domaines plus particuliers. De plus, nous réalisons une étude, dont je pense que vous parlez, qui est axée sur les possibilités d’exportation et sur la façon dont le Canada peut devenir ce fournisseur de choix, propre, sûr et fiable, d’hydrogène propre et des technologies qui produisent et utilisent ce combustible. La stratégie traite des possibilités d’exportation, mais il est nécessaire de préciser les détails concernant la façon de saisir cette occasion — quels sont les meilleurs marchés pour ces produits, et comment peut-on acheminer les produits sur ces marchés —, et c’est ce que cette analyse contribuera à éclairer.
Le marché continue d’évoluer. En fait, la stratégie a été lancée il y a un an et demi, et le marché mondial a beaucoup évolué depuis. Divers investissements ont été faits, et les technologies continuent d’évoluer. Je dirais même que certains aspects des premières analyses réalisées en vue de la stratégie sont déjà dépassés, car les marchés mondiaux et les technologies évoluent très rapidement. C’est pourquoi nous devons poursuivre les analyses — pour être toujours à la fine pointe de ce qui se passe au pays et sur la scène internationale.
Le président : Je vous remercie.
La sénatrice Sorensen : Bonjour. Monsieur le président, est-ce que M. Labelle prendra la parole plus tard? Avons-nous les deux exposés avant de passer aux questions?
Le président : Je pense que M. Hoskin a fait l’exposé en leurs deux noms et que M. Labelle est ici pour répondre aux questions.
La sénatrice Sorensen : J’ai deux questions. Vous pouvez l’un ou l’autre y répondre.
La semaine dernière, des témoins nous ont dit donner une note C+ au Canada pour les progrès réalisés dans le dossier de l’hydrogène, et l’un d’eux nous a dit que la stratégie du Canada a été édulcorée. Qu’en pensez-vous? Avez-vous votre propre note à donner?
M. Hoskin : Il est trop tôt pour se prononcer. La stratégie a été lancée il y a un an, et le budget a été dévoilé quelques mois plus tard. Le plan climatique renforcé a été présenté une semaine avant que la stratégie ait été annoncée, et la stratégie mentionne très clairement que des mesures doivent être prises à court, à moyen et à long terme. Il n’est donc pas surprenant que toutes les mesures requises n’aient pas été prises au cours des 12 à 18 mois qui ont suivi. Il n’y a eu qu’une seule occasion d’obtenir des ressources pour mettre en place des mesures précoces. Comme vous pouvez l’imaginer, il faut du temps pour mettre sur pied des groupes de travail — 16 groupes composés d’experts, chacun comptant de 50 à 60 personnes environ —, et bon nombre d’experts siègent à plus d’un groupe de travail. On ne peut pas leur en demander trop non plus.
Donc oui, le démarrage a été un peu lent. Toutefois, nous avons déjà quelques résultats précoces, comme je l’ai mentionné, notamment les 15 études. Le Fonds pour les combustibles propres de 1,5 milliard de dollars fait aussi croître notre capacité de production. On parle de grandes installations de production d’hydrogène. Il faut du temps pour choisir les projets, car il faut s’assurer que c’est fait de manière concurrentielle, juste, ouverte, transparente, et aussi d’être le plus inclusif que possible. La construction des installations prendra quelques années. Donc oui, les choses progressent, mais nous verrons ce qui se passera plus tard aujourd’hui, et nous allons continuer d’obtenir des résultats et d’avancer.
RNCan et le gouvernement fédéral ne sont pas les seuls concernés par cette stratégie. Le secteur privé est aussi de la partie, tout comme les provinces. Nous devons tous aller dans la même direction et nous rendre le plus loin possible.
La sénatrice Sorensen : J’ai une petite question au sujet de la participation du secteur privé, et vous venez d’y faire allusion. Vous avez donné beaucoup de chiffres dans votre exposé, beaucoup de millions et de milliards, mais je n’ai pas trop bien compris le rôle du secteur privé dans tout cela. Pourriez-vous nous parler des attentes à ce sujet et nous dire comment vont les choses?
M. Hoskin : Je dirais que le secteur privé montre un vif intérêt à l’égard de l’hydrogène. On voit des entreprises utilisant des sources d’énergie conventionnelles changer leurs plans et faire la transition vers un avenir durable en utilisant l’hydrogène. Des sociétés comme Shell et FortisBC ont procédé à des investissements. On voit des services publics de gaz adopter l’hydrogène parce qu’ils y voient une nouvelle façon pour eux de décarboniser le réseau de gaz naturel et de trouver en même temps un nouveau débouché pour leurs ressources, pour autant qu’on réduise l’intensité en carbone de leur produit.
Les entreprises investissent. Dans le cadre du Fonds pour les combustibles propres de 1,5 milliard de dollars, aucun projet n’est entièrement financé par le gouvernement. Nous finançons les installations jusqu’à hauteur de 30 %. Le 70 % restant doit être financé par le secteur privé ou les autres ordres de gouvernement. Il faut que chacun joue son rôle. Le gouvernement fédéral investit, les gouvernements infranationaux investissent, l’Alberta, la Colombie-Britannique, le Québec et l’Ontario investissent, mais je dirais que le secteur privé investit plus du double de ce qu’investissent les gouvernements.
La sénatrice Anderson : Les Territoires du Nord-Ouest sont fortement dépendants des combustibles fossiles émetteurs de carbone pour leur production d’énergie. Nous sommes déjà aux prises avec des déficits infrastructurels et des infrastructures désuètes. Selon l’étude sur l’hydrogène, il pourrait être avantageux pour les Territoires du Nord-Ouest d’utiliser l’hydrogène faible en carbone. Pouvez-vous nous parler de ce qui se fait pour examiner la transition? Et quels sont les défis auxquels on fait face pour faire la transition vers l’hydrogène dans l’Arctique?
M. Hoskin : Bien sûr. C’est une excellente question. Dans le cadre de la stratégie proprement dite, nous avons un groupe de travail dédié pour les provinces et les territoires. Nous nous réunissions souvent pour discuter des priorités dans chaque province et territoire, et les Territoires du Nord-Ouest participent activement aux discussions. Nous avons aussi un groupe de travail dédié pour les Autochtones. Les entreprises et les communautés autochtones dans le Nord du Canada, de même que partout au pays, participent aux discussions. On met en commun l’information, les pratiques exemplaires, on discute des activités qui ont lieu dans chaque province et territoire et des possibilités uniques qui existent. Nous avons des ressources, comme je l’ai mentionné. Nous avons contribué à des analyses, que ce soit techniquement ou financièrement, en Colombie-Britannique, en Alberta, au Québec, en Ontario et dans la région atlantique, et nous pouvons faire de même dans les Territoires du Nord-Ouest.
Nous voyons là des occasions uniques d’éliminer l’utilisation du diésel. Dans le Nord, le problème n’est pas lié seulement aux émissions de gaz à effet de serre du diésel, mais aussi aux émissions de carbone noir, car les résidus restent en surface sur la neige et en accélèrent la fonte. C’est un autre problème créé par l’utilisation du diésel dans le Nord. Le programme de RNCan pour éliminer l’utilisation du diésel est en place depuis quelques années. Il s’applique aux communautés nordiques et aux autres communautés.
Il est possible aussi de relier les sources d’énergie renouvelables, éolienne ou solaire, à l’hydrogène dans les communautés éloignées qui sont hors réseau. L’hydrogène permet de stocker l’énergie. Si le vent souffle beaucoup, on peut utiliser l’énergie éolienne excédentaire pour produire de l’hydrogène, puis, quand le vent arrête de souffler, on peut faire transiter l’hydrogène par une pile à combustible pour produire de l’électricité et alimenter la communauté. On contribue donc ainsi à réduire l’utilisation du diésel. On contribue de plus à accroître la capacité de production de l’énergie renouvelable grâce au stockage de l’énergie à long terme.
En fait, le Canada était à l’avant-garde de ces technologies. L’une des premières installations de production éolienne-hydrogène dans le monde se trouve aux îles Ramea, au large de Terre-Neuve. Une autre se trouve dans le Nord du Québec, à la mine Raglan. Dans ce cas, l’installation de production d’hydrogène est reliée à des turbines éoliennes parmi les plus hautes, en termes de latitude, dans le monde. La communauté utilise l’énergie éolienne pour produire son électricité. En cas d’excédent, elle produit de l’hydrogène pour stocker l’énergie, et utilise ensuite l’hydrogène pour produire de l’électricité quand le vent arrête de souffler.
C’est donc l’un des avantages, une des souplesses de l’hydrogène. On peut l’utiliser pour stocker l’énergie. On peut l’utiliser pour produire de l’énergie. On peut aussi l’utiliser dans un véhicule. Des motoneiges ont été conçues pour fonctionner à l’hydrogène. Il existe maintes possibilités de relier des sources d’énergie sans émission et renouvelables à l’hydrogène, qui vont ensuite fonctionner de pair pour aider les communautés à éliminer le diésel.
La sénatrice Anderson : Vous avez parlé des administrations provinciales, territoriales et autochtones. Cela inclut-il les municipalités? L’information se rend-elle jusqu’aux communautés? Je viens des Territoires et j’ai très peu entendu parler de l’hydrogène.
M. Hoskin : Au sein du comité directeur stratégique, nous travaillons avec la Fédération canadienne des municipalités. Il est un joueur clé dans la mise en œuvre de la stratégie. Vous avez tout à fait raison : c’est une question de sensibilisation et d’information. Il faut accroître la confiance des communautés, des citoyens et du secteur privé.
Le sénateur Arnot : Bonjour. Je remercie nos témoins de leur présence.
Je vous remercie de ce survol, monsieur Hoskin. Vous avez parlé de la stratégie et de sa mise en œuvre. Vous avez parlé de l’appel à l’action et des projets régionaux. Il semble que l’Ontario, le Québec, la Colombie-Britannique et l’Alberta, en particulier, ont bien répondu à l’appel. Pouvez-vous me dire ce qu’il en est du gouvernement de la Saskatchewan? Il me semble que sa réponse à la stratégie et à sa mise en œuvre n’est pas aussi forte que celle des autres provinces.
M. Hoskin : Je dirais que ce n’est pas tout à fait le cas. La Colombie-Britannique, l’Alberta, l’Ontario et le Québec possèdent déjà de grandes quantités d’hydrogène. Ils développaient déjà cette filière. La Colombie-Britannique est depuis longtemps le berceau de la technologie de la pile à hydrogène, tout comme le Québec et l’Ontario. Des entreprises parmi les plus importantes au monde sont établies dans ces trois provinces. L’Alberta a, de toute évidence, des liens solides avec l’industrie. On y trouve déjà l’un des 10 plus importants producteurs d’hydrogène au monde. Ces provinces avaient donc un avantage.
La Saskatchewan et les autres provinces s’y intéressent aussi beaucoup dans le cadre de leur développement durable à long terme. En fait, un projet pilote est en cours en Saskatchewan, avec l’appui du gouvernement de la province, où l’on produit de l’hydrogène dans des puits de pétrole existants. Le carbone reste sous terre, et l’hydrogène qui est produit servira à moderniser une centrale au charbon pour produire de l’électricité propre. La technologie de capture et de stockage du carbone de la Saskatchewan joue aussi un rôle essentiel. On relie ensuite le tout aux petits réacteurs modulaires qui, comme nous le savons, sont des éléments qui font aussi partie du développement durable à long terme de la province.
Je dirais que la Saskatchewan est très intéressée et que toutes les provinces et les territoires au pays ont manifesté leur intérêt à l’égard de l’hydrogène. Il voit l’hydrogène jouer un rôle pour leur assurer un avenir durable.
Le sénateur Arnot : Je suis heureux de vous entendre dire cela. La Saskatchewan a adopté rapidement la séquestration du carbone dans le cadre du plan de captage, d’utilisation et de stockage du carbone. Et je crois que le projet dont vous parlez fait partie de l’incitatif à l’innovation dans le secteur pétrolier de la Saskatchewan, qui vise à extraire de l’hydrogène des combustibles fossiles. Pouvez-vous nous parler d’autres occasions uniques pour la Saskatchewan?
M. Hoskin : La Saskatchewan a beaucoup d’occasions uniques de produire tous les combustibles propres, et pas seulement l’hydrogène. On y trouve beaucoup de déchets agricoles qui peuvent être transformés en combustibles propres. Des témoins vous ont déjà parlé de la gazéification de la biomasse comme moyen de produire de l’hydrogène propre également. Ce ne sont donc pas les possibilités qui manquent. Le solaire et l’éolien présentent aussi de belles possibilités à long terme. Les vastes espaces dans la province présentent de nombreuses possibilités pour produire beaucoup d’énergie propre à partir de ces ressources renouvelables et qui peuvent être converties en hydrogène également.
Ce sont donc quelques-unes des possibilités. Nous savons aussi, par exemple, que l’industrie des engrais — une des plus importantes dans la province à part l’agriculture — pourrait profiter de l’hydrogène propre, car c’est une matière première clé dans la production des engrais. Si on réduit les émissions en utilisant de l’hydrogène propre, on réduit automatiquement les émissions de cette industrie importante dans l’économie de la province.
Le président : Je vous remercie.
La sénatrice McCallum : Je voulais revenir encore une fois à l’hydroélectricité. Dans la préface du Plan de réduction des émissions pour 2030, on mentionne que : « Un système d’électricité propre, abordable et fiable est essentiel pour que le Canada puisse bâtir un avenir prospère à faible émission de carbone... »
J’ai travaillé avec des gens au barrage du site C en Colombie-Britannique et aux mégabarrages au Manitoba, de même qu’à Muskrat Falls. Je trouve toujours très inquiétant de parler d’énergie propre quand on voit les ravages causés par ces barrages.
Dans le rapport, on indique qu’il y aura une utilisation croissante de l’hydroélectricité. De quelle manière le gouvernement fédéral travaille-t-il avec les Premières Nations, dont les vies et les terres sont dévastées par l’hydroélectricité, pour remédier aux problèmes que cela crée? Les gens continuent de parler d’une énergie propre, mais les violations des droits de la personne devraient-elles être prises en considération? Devrait-on se pencher non seulement sur les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sur les violations graves de la déclaration des Nations unies?
Quand on pense à la disparition des poissons, à l’insécurité alimentaire et aux problèmes d’eau potable, à l’érosion culturelle, à la dépossession des terres et à l’érosion de la gouvernance que cela a provoqués pour les Premières Nations, de quelle manière le gouvernement travaille-t-il avec les Premières Nations afin de remédier à ces problèmes? Je vous remercie.
Sébastien Labelle, directeur général, Direction des carburants propres, Ressources naturelles Canada : Je vous remercie de votre excellente question. Elle est liée aux activités de Ressources naturelles Canada, mais elle ne relève pas de nous. Je serais heureux d’effectuer un suivi et de fournir une réponse écrite au comité.
Le président : C’est une bonne suggestion.
La sénatrice Seidman : Je remercie les représentants de Ressources naturelles Canada d’être avec nous aujourd’hui.
Monsieur Hoskin, je vais vous poser une question à propos de quelque chose que vous avez dit dans votre exposé avant l’arrivée de M. Labelle, mais je suis certaine qu’il connaît votre exposé, alors nous verrons qui répondra à ma question.
Vous avez parlé des obstacles au développement de l’hydrogène, et vous avez parlé du coût et de l’empreinte des émissions de gaz à effet de serre. Vous avez ensuite fait allusion à une norme mondiale commune pour établir des niveaux acceptables d’intensité en carbone.
J’aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet, si possible. On en a parlé dans le rapport de l’Agence internationale de l’énergie de 2019. J’aimerais en savoir un peu plus. Je vous remercie.
M. Hoskin : Je vous remercie de la question. La norme mondiale serait une méthode commune pour établir l’intensité en carbone. On entend parler de divers procédés qu’on appelle bleu, gris, brun, rose ou jaune, mais on ne peut pas normaliser une couleur. Une couleur est un élément subjectif. Tous ceux qui sont allés dans un magasin pour acheter de la peinture savent que la couleur bleue se décline de bien des façons. En normalisant la méthodologie pour établir l’intensité en carbone, on s’éloigne des couleurs et on se concentre sur ce qui est important.
Pour que l’hydrogène soit un élément clé d’un avenir carboneutre, il faut ramener progressivement l’intensité en carbone à zéro sur la base du cycle de vie avant d’arriver à 2050. Une méthodologie commune nous aidera à y arriver, car tous les pays suivront les mêmes règles. Tous auront les mêmes postulats et les mêmes intrants dans le modèle, alors l’intensité en carbone sera mesurée de la même façon.
Chaque pays peut ensuite adopter une norme pour ce qu’il considère être un plafond d’intensité en carbone raisonnable pour lui. Dans la mesure où nous avons les mêmes règles, nous pouvons, du moins, avoir un commerce mondial qui se concentre sur l’intensité en carbone : cet hydrogène a un pourcentage en carbone de X, et cet autre, de Y, au lieu de parler d’hydrogène vert ou bleu.
La sénatrice Seidman : Ces renseignements sont très utiles. Vous dites que chaque pays établira sa façon de procéder et sa propre norme. Est-ce exact? Fonctionnerait-on alors aussi par région? Comme vous l’avez mentionné dans votre exposé, nous avons des enjeux propres à chaque région au pays, et les solutions sont en fonction des ressources qui s’y trouvent. Comme cela fonctionnera-t-il à l’échelle du pays?
M. Hoskin : Sur la scène internationale, il reviendra à chaque pays d’établir le niveau sur la base du cycle de vie. Nous collaborons avec l’Organisation internationale de normalisation, l’ISO, pour élaborer cette norme commune. On pourrait dire qu’un hydrogène à très faible teneur en carbone ne doit pas dépasser X pourcentage.
Pour ce qui est des régions, nous collaborons aussi avec les provinces et les territoires pour établir le niveau. On constate que, peu importe la voie empruntée au Canada, nous devons ramener l’intensité en carbone à zéro. Nous savons que la production d’électricité et la production de l’hydrogène peuvent se faire sans émission. L’hydrogène produit à partir du gaz naturel avec des technologies de réduction des émissions peut être à 95 % sans émission. Toutefois, sur la base du cycle de vie, les émissions peuvent être ramenées à presque zéro, car on utilise dans des technologies qui produisent moins d’émissions en général que les technologies conventionnelles. Le profil des émissions doit être ramené progressivement à zéro avec le temps, assurément.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’ai beaucoup de questions, mais je vais commencer par une affirmation de M. Mousseau de la semaine passée qui disait que l’hydrogène vert coûte beaucoup plus cher à produire que l’hydrogène bleu, qu’on ne produit pas encore suffisamment. Je voudrais vous entendre pour savoir si vous êtes d’accord et, sinon, pourquoi?
M. Labelle : C’est absolument vrai qu’aujourd’hui, l’hydrogène vert coûte plus cher que le bleu. Cela dépend des coûts d’électricité dans les régions qui en produisent, mais du côté des coûts de production, cela coûte plus cher en ce moment.
C’est un des défis, comme M. Hoskin le disait, d’essayer d’arrimer l’intensité de carbone de la production de l’hydrogène vert pour que, lorsqu’on produit de l’hydrogène bleu, ce soit moins intense sur le plan des émissions de carbone et plus aligné avec l’hydrogène vert.
Le sénateur Carignan : Je voyais que votre objectif était qu’il y ait, en 2050, 30 % d’énergie qui soit de l’hydrogène au Canada. Nous sommes très bons pour fixer des cibles et, en fait, plus on grossit les cibles, plus on les manque. Nous ne sommes pas de très bons tireurs. Normalement, plus la cible est petite, meilleurs tireurs nous sommes.
Comment voyez-vous la certitude ou la façon d’atteindre cette cible de 30 %? Cela se ferait au détriment de quelle énergie, qui sera réduite autant dans le portefeuille énergétique du Canada, si je peux l’appeler ainsi?
M. Labelle : C’est une excellente question. Je vais commencer à répondre et j’inviterai ensuite M. Aaron Hoskin à compléter.
Le 30 % est vraiment, comme on l’a dit au début, le potentiel de l’hydrogène dans l’économie canadienne. Alors c’est vraiment ce qu’on appelle, lorsqu’on fait de la modélisation, des scénarios transformatifs. En anglais, on dit incremental. Ce sont des scénarios qui changent un peu chaque année. Donc, lorsqu’on parle de 30 %, c’est vraiment un scénario transformatif où la production d’hydrogène, par exemple dans l’Ouest, commence à être de plus en plus répandue avec des diminutions d’intensité de carbone dans la production et un marché qui se développe activement. C’est cela qu’on essaie de faire. Je ne dirais pas que c’est une cible pour laquelle on a nécessairement toutes les réponses et tous les ingrédients pour l’atteindre. On travaille là-dessus avec les partenaires, mais on n’est pas au point, actuellement, où on a un plan qui nous amène à 30 % de l’économie.
Quand on parle de déplacer d’autres formes d’énergie, il y a plusieurs exemples, et M. Hoskin pourra vous en dire plus. On peut penser aux véhicules routiers et surtout aux camions lourds et aux camions légers. Nous croyons qu’il y a là un réel potentiel. L’alternative consisterait à remplacer le diésel par l’hydrogène. Il y a donc beaucoup d’applications. On peut penser à la production d’électricité et à un carburant qui pourrait remplacer ou complémenter le gaz naturel. L’hydrogène peut vraiment amener cette dimension et, par exemple, faire diminuer la consommation de gaz naturel utilisé pour le chauffage des maisons.
Dans certains pays, on a utilisé des mécanismes pour transmettre le gaz naturel et le remplacer par l’hydrogène.
Le sénateur Carignan : Je comprends très bien les différentes applications. J’aime beaucoup l’enjeu de l’hydrogène comme énergie. Toutefois, en 2050, si l’hydrogène représente 30 % de la consommation énergétique, de quoi sera composé l’autre 70 % dans le portefeuille énergétique du Canada, ou du point de vue de la disponibilité? C’est un peu le sens de ma question.
M. Labelle : Monsieur Hoskin, pouvez-vous répondre à la question?
[Traduction]
M. Hoskin : La stratégie pour l’hydrogène et, comme je l’ai dit au début de mes observations, l’avenir du Canada seront alimentés par deux sources d’énergie : l’énergie propre, l’électricité propre — nous savons que nous avons pris l’engagement d’atteindre une production d’électricité carboneutre au Canada d’ici 2035 — et les carburants propres. Ces derniers comprennent l’hydrogène, mais aussi les biocarburants avancés, des carburants synthétiques qui utilisent une technologie canadienne de pointe permettant d’extraire le CO2 de l’air et de le convertir en un carburant pouvant alimenter les moteurs à combustion interne. La transformation de la biomasse en éthanol avancé ou en diésel renouvelable constitue également une possibilité. Voilà les deux principales voies à suivre pour parvenir à la carboneutralité, et l’hydrogène a un rôle à jouer, mais il ne s’agit absolument pas de la seule source d’énergie que nous utiliserons.
[Français]
La sénatrice Verner : Ma question va un peu dans le même sens que celle de mon collègue le sénateur Carignan — peut-être est-ce parce que nous sommes tous les deux du Québec. Elle concerne les coûts de production de l’hydrogène vert produit par l’électricité. Le ministre des Ressources naturelles du Québec a affirmé, en décembre 2020, que les coûts de production et le volume d’énergie en kilowatt que nécessite la production d’hydrogène sont très élevés.
Il y a quelques jours, la présidente d’Hydro-Québec, Mme Sophie Brochu, a déclaré que, d’ici 2027, soit dans cinq ans, le Québec ne disposerait plus de surplus d’électricité comme par les années passées. J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Je me demande quelle sera l’offre d’hydrogène vert produite par l’électricité si on ne trouve pas une façon de réduire la quantité d’électricité nécessaire à sa production et les coûts s’y rattachant.
Avez-vous fait des projections à cet égard? Auriez-vous des observations? Étiez-vous au courant des affirmations de la présidente d’Hydro-Québec? Ma question s’adresse aux deux témoins.
[Traduction]
M. Hoskin : L’augmentation de la capacité d’électrification sera une voie clé pour le Canada, que ce soit au Québec, en Ontario ou dans tout le pays. Nous cherchons à électrifier l’économie grâce à une utilisation accrue des véhicules électriques et à l’adoption d’autres utilisations finales de l’électrification dans le secteur industriel. Pour atteindre un futur carboneutre, nous devons augmenter la capacité de production d’électricité propre dans tout le pays.
Cela dit, les avancées technologiques permettent également de réduire le coût de la production d’hydrogène et d’améliorer son efficacité. La conversion de l’eau en hydrogène à l’aide d’électricité et d’électrolyseurs présente déjà un rendement énergétique de plus de 80 %. Le prix de l’hydrogène diminuera à la fois grâce aux avancées technologiques — ce prix a en fait été divisé par plus de dix ces cinq dernières années — et aux économies d’échelle. De petites installations produisent déjà de l’hydrogène. Le prix de l’installation de 20 mégawatts que Ressources naturelles Canada et Shell construisent à Varennes, au Québec, est nettement inférieur à celui de l’installation de 5 mégawatts qui s’y trouve déjà. Le prix continue de baisser avec l’augmentation de la taille de l’installation de production, l’évolution de la technologie et la croissance de la demande mondiale.
Il convient de noter, comme nous l’avons indiqué au début, les 80 milliards de dollars d’investissements consentis par les pays du monde entier. Ceux-ci ne visent pas seulement le déploiement, mais aussi l’amélioration des technologies. Ces deux dernières années, le prix de la production à grande échelle a baissé. Au début de 2020, avant la pandémie, le Conseil de l’hydrogène, un consortium mondial de plus de 300 entreprises — des entreprises productrices d’énergie conventionnelles, des gouvernements mondiaux, des entreprises produisant des technologies propres, dont Microsoft et d’autres — a réalisé une analyse des opportunités que présente l’utilisation de l’hydrogène pour 35 applications finales, y compris la chaîne de production, l’achat de la technologie permettant de l’utiliser et l’achat de la technologie permettant de le produire.
Dans 25 de ces 35 utilisations finales, l’hydrogène sera compétitif en termes de coûts d’ici 2030, et ce avant les 80 milliards de dollars investis dans les avancées technologiques et la croissance mondiale, de sorte que les économies d’échelle et les avancées technologiques feront baisser les coûts et amélioreront l’efficacité.
[Français]
La sénatrice Verner : Avez-vous eu des conversations avec des représentants d’Hydro-Québec à ce sujet, et avec le gouvernement du Québec? M. Mousseau, la semaine dernière, avait les mêmes commentaires quant aux coûts de production. Étiez-vous au courant des déclarations de Mme Brochu?
M. Labelle : Nous parlons souvent aux représentants du gouvernement du Québec. Cette semaine, je me suis entretenu avec mon homologue à Québec. Le ministère doit lancer sous peu sa stratégie quant à l’hydrogène. On nous a dit que cela devrait se faire au printemps, dans les mois à venir. Il ne reste qu’un mois et demi au printemps, donc on verra bien.
M. Hoskin pourrait peut-être ajouter quelque chose au sujet d’Hydro-Québec?
[Traduction]
M. Hoskin : Hydro-Québec est un partenaire clé du projet de Ressources naturelles Canada que j’ai mentionné et qui se déroule à Varennes. Cette entreprise soutient le projet en achetant de l’équipement, et elle cherche également à fournir l’électricité nécessaire à la production de l’hydrogène. Hydro-Québec est en fait un partenaire clé dans le domaine de l’hydrogène depuis plus de 20 ans. Cette société est très active au sein de l’installation Air Liquide à Bécancour, au Québec. Elle a soutenu très activement la création de l’Institut de recherche sur l’hydrogène à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Hydro-Québec s’intéresse beaucoup à l’hydrogène et est très active dans ce domaine, car elle voit les liens entre l’électricité, l’électrification de l’économie, le déploiement des véhicules à émission zéro et l’hydrogène.
Le président : Monsieur Hoskin, j’ai récemment lu un article qui mettait en question l’intérêt ou l’engagement des entreprises privées à l’égard du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone, car les expériences menées à ce jour dans le monde ne sont pas totalement satisfaisantes. On doute que le secteur privé y adhère. Bien sûr, les entreprises dépenseront nos fonds si nous leur en donnons, mais que pensez-vous de la possibilité d’un investissement important de la part d’une entreprise privée? Cela se produira-t-il et le coût sera-t-il raisonnable pour le contribuable canadien?
M. Hoskin : Le captage, l’utilisation et le stockage du carbone sont un pilier essentiel de notre plan de réduction des émissions. Ce point est inscrit dans l’ensemble du plan. Nous allons découvrir aujourd’hui les modalités relatives au crédit d’impôt pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone. On peut supposer que ce crédit figurera dans le budget qui sera présenté aujourd’hui. Il figurait dans le plan de réduction des émissions.
J’ai également lu quelques-unes des études, monsieur le président, qui suggèrent que les technologies actuelles — et elles citent souvent Weyburn, en Saskatchewan, et le projet Quest — et elles établissent des analogies avec l’avenir de la technologie en termes de prix et d’efficacité pour ce qui est de la réduction des émissions.
Je parcourais les témoignages des intervenants précédents et je dirais la même chose. Il est difficile d’analyser ou d’examiner cette technologie, qui est la première de son genre dans le monde, et de la comparer à ce que l’avenir proche nous réserve en matière de technologie, de prix et d’efficacité. Les technologies continuent d’évoluer, et elles devront le faire pour que nous puissions atteindre le niveau requis pour assurer notre force dans le cadre du plan climatique ou du plan de réduction des émissions et atteindre cet avenir carboneutre.
Je pense que l’industrie est très désireuse d’investir dans le captage et le stockage du carbone, car ce mécanisme permet de réduire les émissions de leurs procédés. Je suis certain que mes collègues d’Environnement et Changement climatique Canada pourront en dire plus sur la réglementation des carburants propres. Je n’entrerai pas dans les détails à ce sujet. Les investissements dans le captage, l’utilisation et le stockage du carbone font également partie des possibilités de génération de crédits en vue de respecter ces réglementations. Des incitatifs seront donc mis en place et l’industrie devra également développer le captage, l’utilisation et le stockage du carbone.
La sénatrice McCallum : J’aimerais revenir sur la relation avec les peuples autochtones. Lorsque l’on examine les domaines du développement, du déploiement, de la production et du continuum de commercialisation de l’hydrogène, remarque-t-on des problèmes particuliers auxquels les peuples autochtones sont confrontés? Nous voulons nous assurer que des leçons ont été tirées des expériences passées liées au pétrole et au gaz, à l’hydroélectricité, aux mines et à l’industrie du bois. Nous aimerions que cette conversation ait lieu dès le début de la production. Merci.
M. Hoskin : Pendant trois ans, nous avons travaillé à l’élaboration de la stratégie sur l’hydrogène du Canada, et nous nous sommes engagés auprès des communautés et des entreprises autochtones tout au long de ces trois années. Elles ont participé à la discussion dès le premier jour et elles continuent de le faire à mesure que nous avançons dans la mise en œuvre de ce projet. Comme je l’ai mentionné, nous disposons d’un groupe de travail autochtone composé de représentants des gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et autochtones, ainsi que d’entreprises et de communautés autochtones. Nous collaborons également avec les organisations autochtones nationales.
De plus, comme je l’ai mentionné au début de mon allocution d’ouverture, le Fonds pour les combustibles propres comporte un volet doté de 250 millions de dollars visant à soutenir les projets menés par des Autochtones, y compris les projets liés à l’hydrogène, de sorte qu’ils font absolument partie de la discussion. Des séances de mobilisation des titulaires de droits ont été organisées afin d’éclairer la conception de ce volet autochtone, et nous continuons à collaborer autant que possible avec les entreprises et les collectivités autochtones et celles de tout le Canada.
[Français]
Le sénateur Gignac : Bonjour aux témoins, et merci d’être ici. Je comprends que vous êtes en discussion avec les provinces et les entreprises. Êtes-vous, à l’occasion, en discussion également avec les grosses caisses de retraite? Il s’agit quand même de l’équivalent de 1,5 fois le PIB du Canada. Je pense ici à Investissements RPC, qui a un chiffre d’un demi-milliard au Canada. Cette caisse investit à travers le monde et est engagée dans des partenariats, surtout en Europe, portant sur différentes technologies liées à l’hydrogène.
Est-ce qu’à un moment donné, il y a une petite table de concertation pour réfléchir à ce qu’on pourrait faire au Canada pour passer de la première vitesse à la seconde vitesse? Merci.
[Traduction]
M. Hoskin : J’aurais aimé que M. Labelle réponde à cette question.
Oui, tout à fait, elles y participent. Les banques et les fonds de pension participent effectivement à la discussion. D’ailleurs, certaines des séances de mobilisation que nous avons tenues — encore une fois, il n’y a pas que Ressources naturelles Canada qui s’occupe de l’hydrogène. Nous travaillons avec des intervenants de tout le pays. L’Accélérateur de transition, dont je sais que vous avez parlé la semaine dernière, a organisé un certain nombre de séances de discussion avec la communauté financière, et nous y avons participé, en leur fournissant des renseignements sur les possibilités pour le Canada. Mais aussi au niveau international, j’ai mentionné l’initiative ministérielle sur l’hydrogène sur l’énergie propre. L’un des principaux axes de travail de cette initiative est le financement durable. Elle comprend une discussion mondiale sur la façon de garantir les investissements nécessaires. Les investissements du secteur privé fournissent ce signal et l’industrie financière y participe.
Je fais d’ailleurs partie d’un groupe de travail international dirigé par le Forum économique mondial qui examine ce que nous devons faire sur le plan économique et sur le plan du financement durable. Ces renseignements sont également rapportés au Canada.
[Français]
Le sénateur Gignac : Merci. Je vais laisser mon temps à mes collègues.
Le sénateur Carignan : Je veux revenir sur ma question portant sur les 70 % d’autres énergies. C’est comme si, lorsqu’on regarde les projections de réduction des gaz à effet de serre, on ne voit pas nécessairement de parallèle de réduction de consommation d’autres sources d’énergie. Par exemple, si on augmente la consommation d’hydrogène ou que l’énergie est fournie par l’hydrogène, et que l’hydrogène est produit en partie par l’électricité, mais aussi en partie par les énergies fossiles, cela veut donc dire que l’ensemble du 70 % d’énergie vient aussi du pétrole et du gaz.
Est-ce que le plan de réduction des gaz à effet de serre fait en sorte qu’on les réduit, mais pas nécessairement la production de pétrole et de gaz, parce qu’on produit un pétrole et un gaz plus écologiques, entre guillemets, parce qu’on fait de la captation des CO2 et on change les méthodes d’exploitation et d’extraction?
Selon vous, en 2050, il y aura encore du gaz et du pétrole. Quel pourcentage du portefeuille de consommation énergétique du Canada sera le gaz et le pétrole ou les autres sources d’énergie pour le 70 %? Si j’ai 30 % d’hydrogène, j’ai automatiquement 70 % d’autres sources d’énergie. Quelle sera la part du pétrole et du gaz en 2050?
[Traduction]
M. Hoskin : L’électricité propre n’est pas nécessairement liée au pétrole et au gaz. De fait, nous nous sommes engagés à mettre en place un réseau électrique carboneutre au Canada d’ici 2035, ce qui signifie qu’une partie de notre énergie proviendra de l’électricité propre, ce qui produira également de l’hydrogène propre. Il ne s’agit pas du seul mécanisme de production d’hydrogène propre. Les carburants propres, les biocarburants, l’éthanol avancé à partir de déchets ne sont également pas directement liés au secteur pétrolier et gazier. Ainsi, la majorité de l’énergie au Canada ne sera pas liée au secteur pétrolier et gazier.
Cela dit, l’hydrogène produit et fournit ce nouveau marché pour nos ressources énergétiques conventionnelles, à condition que l’intensité de carbone de ce produit évolue vers la carboneutralité au fil du temps. Il devrait faire partie de notre avenir carboneutre. Nous disposons des ressources — et je pense que notre ministre a été très clair à ce sujet — pour produire de l’hydrogène carboneutre, et nous pouvons tirer parti des investissements qui ont été faits dans le secteur de l’énergie conventionnelle. Nous pouvons tirer parti de cet ensemble de compétences et de ces métiers spécialisés du secteur de l’énergie conventionnelle pour rester compétitifs et pertinents dans un avenir carboneutre.
[Français]
Le président : Cela conclut notre premier panel. Je remercie nos témoins de Ressources naturelles Canada : Sébastien Labelle, directeur général, Direction des carburants propres et Aaron Hoskin, gestionnaire principal, Initiatives intergouvernementales. Merci à vous deux. Nous vous sommes reconnaissants de partager vos connaissances. Cela permet de mieux comprendre l’orientation du Canada dans le cadre de ce potentiel. Merci beaucoup.
Pour notre deuxième panel, nous accueillons, d’Environnement et Changement climatique Canada, M. Douglas Nevison, sous-ministre adjoint, Direction générale des changements climatiques, ainsi que Mme Judy Meltzer, directrice générale, Bureau des marchés du carbone, Direction générale de la protection de l’environnement.
Bienvenue à vous deux et merci d’avoir accepté notre invitation. Vous avez maintenant la parole.
[Traduction]
Judy Meltzer, directrice générale, Bureau des marchés du carbone, Direction générale de la protection de l’environnement, Environnement et Changement climatique Canada :
Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir convié Environnement et Changement climatique Canada à comparaître devant votre comité et de me donner l’occasion de contribuer à votre étude sur l’hydrogène.
Je me joins à vous à partir du territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe.
J’aimerais commencer par parler du premier Plan de réduction des émissions du Canada, qui est directement lié à l’objet de votre étude, ainsi qu’aux efforts plus vastes du Canada pour parvenir à une économie propre.
Lancé le 29 mars, le Plan de réduction des émissions de 2030 est la prochaine étape majeure du gouvernement du Canada dans ses efforts pour lutter contre le changement climatique et créer des emplois durables au Canada. Ce plan prévoit un soutien continu au développement et à l’utilisation de l’hydrogène à la fois pour réduire les émissions dans divers secteurs et en tant que source importante de diversification économique. Produit livrable important et précoce en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, il s’agit d’un plan évolutif qui indique, secteur par secteur, les mesures nécessaires pour que le Canada atteigne ses objectifs ambitieux et réalisables de réduction des émissions de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030 et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 de manière équitable et abordable. La Loi garantit également que le gouvernement continuera d’être transparent et responsable envers les Canadiens tout au long de sa mise en œuvre, avec trois rapports d’étape requis en 2023, 2025 et 2027..
Monsieur le président, du transport au secteur pétrolier et gazier, en passant par l’industrie lourde, l’agriculture, les bâtiments et les déchets, chaque secteur dans toutes les régions a son rôle à jouer pour atteindre l’objectif climatique du Canada pour 2030. Le plan comprend 9,1 milliards de dollars en nouveaux investissements et une série de nouvelles mesures pour aider à mobiliser le Canada vers une économie véritablement durable et en tant que principal concurrent dans la transition mondiale vers des industries et des technologies plus propres.
Le plan fait référence à une variété d’initiatives en cours concernant l’hydrogène, y compris la publication du projet de Règlement sur les combustibles propres, le travail du gouvernement avec les principaux intervenants sur la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, ainsi que les investissements effectués pour développer le marché des combustibles propres grâce au Programme d’innovation énergétique et le Fonds pour les combustibles propres de 1,5 milliard de dollars.
Le projet de Règlement sur les combustibles propres, dont la version finale devrait être publiée au milieu de 2022, représente une partie importante du plan climatique du Canada visant à réduire les émissions, à accélérer l’utilisation de technologies et de combustibles propres et à créer de bons emplois dans une économie diversifiée.
Le Fonds pour les combustibles propres complémentaire vise à accélérer la transition vers des combustibles, des technologies et des procédés propres partout au Canada, et augmentera le soutien à la production nationale de combustibles à faible teneur en carbone et à leur adoption, comme l’hydrogène et les biocarburants. Le Fonds est également conçu pour réduire les risques liés à l’investissement en capital pour la construction de nouvelles installations de production de combustible propre, ou la modernisation ou l’expansion de celles-ci.
Ces investissements aideront également à mettre en œuvre les premières opportunités cernées dans la Stratégie canadienne pour l’hydrogène en soutenant la production accrue d’hydrogène propre. Cette croissance intérieure positionnera le Canada pour devenir un chef de file mondial dans le domaine de l’hydrogène et des technologies de l’hydrogène, générant des débouchés économiques grâce aux exportations et aux investissements étrangers directs.
Le plan fait également référence à la Norme sur l’électricité propre, ou NEP. Lors de la conférence mondiale sur le climat COP26 en novembre 2021, le gouvernement s’est engagé à accélérer sa transformation vers une énergie propre en travaillant avec les provinces, les territoires, l’industrie et d’autres intervenants pour s’assurer que le réseau électrique du Canada atteint des émissions nettes nulles d’ici 2035. La consultation sur la portée et la conception de la NEP est soutenue par un récent document de réflexion publié en mars 2022.
Et bien que le Canada possède déjà l’un des systèmes électriques les plus propres au monde, l’hydrogène à faible intensité de carbone peut aider à réduire les émissions liées à la production d’électricité et à verdir davantage le réseau électrique.
En réalité, un mélange diversifié de sources d’énergie est la clé de l’abordabilité et de la fiabilité. Les Canadiens s’attendent à ce que l’électricité qui alimente leurs maisons, leurs entreprises et leurs industries soit propre, fiable et abordable. Les technologies actuelles et émergentes, y compris le captage, l’utilisation et le stockage du carbone et l’hydrogène non émetteur mélangé au gaz naturel pour produire de l’électricité, pourraient aider à faire du gaz naturel une option pour la production à faibles émissions.
En ce qui concerne spécifiquement l’hydrogène, il présente un grand potentiel de déploiement de masse dans l’ensemble de l’économie, où l’hydrogène propre pourrait réduire les émissions dans des secteurs tels que l’extraction des ressources primaires, le transport, la production d’électricité et la fabrication.
Le Canada, en tant que l’un des 10 principaux producteurs mondiaux d’hydrogène — environ 4 % du total mondial — est devenu un chef de file dans le domaine de l’hydrogène et abrite de nombreuses matières premières pour l’hydrogène propre et les biocarburants.
La Stratégie canadienne pour l’hydrogène trace la voie vers l’intégration de l’hydrogène à faibles émissions dans l’ensemble de l’économie. Il s’agit d’un appel à l’action et d’un cadre ambitieux qui renforcera l’hydrogène en tant qu’outil pour atteindre notre objectif de carboneutralité d’ici 2050 et positionnera le Canada comme un chef de file industriel mondial des combustibles propres.
De plus, en tant que membre du Conseil de l’hydrogène, une initiative mondiale des principales entreprises de l’énergie, du transport et de l’industrie qui envisagent l’hydrogène pour favoriser la transition énergétique, le Canada participe à un certain nombre d’initiatives visant à faire progresser les technologies propres comme les piles à hydrogène. Le Canada codirige également une initiative sur l’hydrogène lancée en mai 2019, qui met l’accent sur la commercialisation et les politiques, programmes et projets visant à soutenir le déploiement massif de l’hydrogène dans l’ensemble de l’économie.
Le Canada dispose d’un potentiel énorme pour développer et vendre des technologies permettant aux entreprises canadiennes et étrangères de produire de l’hydrogène à faible intensité d’émissions. On estime que d’ici 2050, l’industrie canadienne de l’hydrogène pourrait créer jusqu’à 350 000 emplois, réduire les émissions jusqu’à 45 mégatonnes par an et créer un potentiel de marché intérieur et d’exportation pouvant atteindre 100 milliards de dollars.
Nous avons une opportunité de devenir non seulement un acteur dans des technologies telles que les électrolyseurs, mais aussi un fournisseur d’hydrogène propre pour les marchés nationaux et internationaux. Ces possibilités existent partout au pays.
En outre, conformément au pilier 7 de la Stratégie de l’hydrogène, la mise en œuvre d’un effort gouvernemental collaboratif à plusieurs niveaux pour faciliter l’élaboration de plans régionaux sur l’hydrogène afin de repérer les occasions et d’élaborer des plans ciblés pour la production et l’utilisation finale d’hydrogène se poursuit. Cela vise également à identifier les options pour la chaîne d’approvisionnement en hydrogène aux niveaux régional et sous-régional au Canada.
De façon plus générale, les débouchés liés à l’hydrogène au Canada dépendront de l’emplacement et de l’accès aux réseaux, aux pipelines et à la capacité de captage et de stockage du carbone. En plus des investissements qui soutiendront la croissance des technologies des véhicules électriques et à hydrogène annoncés dans les budgets de 2019 et 2021, le gouvernement cherche à soutenir des actions ciblées pour favoriser une plus grande utilisation de l’hydrogène dans les applications fixes (c’est-à-dire les chaudières, les appareils de chauffage et les turbines).
Le budget de 2021 comprenait un nouveau crédit d’impôt à l’investissement pour le capital investi dans des projets de captage et de stockage du carbone, qui soutiendra également la production d’hydrogène. Les détails seront communiqués prochainement.
Cependant, nous pouvons faire plus. Nous savons que le secteur canadien des technologies propres fait encore face à des défis, et de nombreuses entreprises de technologies propres ont besoin de soutien pour croître et atteindre le stade où elles peuvent être compétitives à l’échelle mondiale. Par exemple, des travaux sont en cours pour développer les codes, les normes et les réglementations pour établir un cadre clair et prévisible pour les véhicules à pile à hydrogène, le ravitaillement en hydrogène, le stockage et les applications connexes. Cependant, le manque actuel d’appareils approuvés par Mesures Canada pour le comptage et la distribution d’hydrogène constitue un obstacle aux ventes au détail au Canada. Un engagement et des efforts soutenus seront nécessaires pour résoudre cette question.
Bien que beaucoup ait été accompli, il reste encore beaucoup à faire. Néanmoins, le gouvernement est convaincu que le Canada est très bien placé pour continuer à montrer la voie dans le développement de technologies propres, et nous attendons avec impatience la contribution de ce comité pour aider à tracer la voie à suivre.
Merci.
Le président : Merci.
Monsieur Nevison, voulez-vous ajouter quelque chose à la discussion?
Douglas Nevison, sous-ministre adjoint, Direction générale des changements climatiques, Environnement et Changement climatique Canada : Merci, monsieur le président. Non, je pense que je serai simplement là pour aider à répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir sur le plan de réduction des émissions.
Le président : Si je peux commencer, ce groupe de témoins et le précédent ont parlé de fonds destinés à encourager l’innovation et à inciter le secteur privé à investir et à répondre aux besoins du marché. Quelqu’un a fait remarquer que la contrepartie financière du gouvernement représente environ 30 %; en d’autres termes, on cherche à obtenir 70 % d’investissements d’autres sources. Dans la discussion, il a également été mentionné que ces 70 % peuvent provenir d’un autre fonds gouvernemental.
Je me pose une question. Trente pour cent, ça semble bien. Je pense que nous aimons tous que les entreprises privées soient nos partenaires — cela montre du sérieux, et l’on dépense l’argent de quelqu’un d’autre —, mais en même temps, se pourrait-il que ces 30 % s’étirent, qu’un autre 30 % provienne d’un autre fonds, puis que divers professionnels en quête de tous ces fonds finissent par obtenir 80 % de financement du gouvernement? Est-ce une possibilité; est-ce que cela pourrait se produire?
M. Nevison : Merci, monsieur le président. C’est une excellente question.
Je pense que la prémisse est que pour atteindre les objectifs climatiques du Canada, la mobilisation de capitaux privés sera essentielle. Les gouvernements, tous niveaux confondus, ne seront pas en mesure de financer toute la transformation qui sera nécessaire pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050 sans capitaux privés.
Les gouvernements ont un rôle à jouer pour favoriser l’investissement privé. Nous sommes très conscients du risque que vous avez nommé que le financement public éclipse l’investissement privé. Avec le groupe précédent, nous avons parlé du Fonds pour les combustibles propres. Je pense que l’initiative de l’Accélérateur net zéro du Fonds stratégique pour l’innovation a également été mentionnée parmi les ressources possibles au gouvernement fédéral. Nous sommes très attentifs, dans tous les ministères, à ce que la contribution publique globale, comme vous l’avez souligné, n’éclipse pas les capitaux privés. Il existe généralement ce qu’on appelle des limites de cumul de l’argent qu’on peut tirer d’un fonds pour l’ajouter à une autre initiative, afin de nous prémunir contre le risque que vous avez évoqué.
Nous voulons donc vraiment mobiliser des capitaux privés et utiliser des fonds publics pour ce faire, pour attirer les investissements privés, mais votre remarque est très valable et nous en sommes très conscients lorsque nous concevons des programmes de financement.
Le président : Merci.
La sénatrice Anderson : On peut lire ce qui suit dans le Plan de réduction des émissions pour 2030 :
À l’heure actuelle, il n’existe pas de substitut fiable aux combustibles fossiles pour les collectivités des T.N.-O. qui ne disposent pas d’hydroélectricité...
Puis un peu plus loin...
En fin de compte, tout effort de décarbonisation profonde dans le Nord sera lié à l’accessibilité à des technologies carboneutres qui fonctionneront de manière fiable dans les climats nordiques, au coût de ces technologies, à la disponibilité du financement requis pour les déployer et à la capacité d’entretenir ces technologies.
Qu’est-ce que cela signifie pour les Territoires du Nord-Ouest, et quel investissement le Canada fait-il pour favoriser la décarbonisation et la carboneutralité dans les T.N.-O., étant donné les difficultés très tangibles et importantes qui se dressent pour mettre fin à la dépendance des T.N.-O. aux combustibles fossiles émetteurs de carbone?
M. Nevison : Merci, sénatrice. C’est une question importante. Comme vous l’avez bien indiqué, le Plan de réduction des émissions met en évidence les défis associés à la décarbonisation dans le Nord.
Il y a un certain nombre d’initiatives gouvernementales destinées à aider sur ce front. Par exemple, le dernier budget prévoit 350 millions de dollars pour aider les collectivités nordiques à s’affranchir du diésel. Dans le cadre du plan de réduction des émissions, le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, géré par Environnement et Changement climatique Canada, a été prolongé ou amélioré, grâce à l’ajout de 2,2 milliards de dollars. En outre, l’une des nouveautés dans ce programme sera l’établissement d’un fonds du leadership autochtone, pour aider les communautés autochtones, en particulier, dans leur transition énergétique.
Il s’agit donc d’un défi important que le gouvernement du Canada tente de relever.
La sénatrice Anderson : Je constate que nos émissions étaient de 1,7 en 2005 et qu’elles stagnaient encore à 1,7 en 2019. Est-il financièrement possible de passer à l’hydrogène étant donné que les émissions se situent à 1,7 dans les T.N.-O.?
Mme Meltzer : Merci, sénatrice. Je répondrai partiellement à la question, en m’inspirant de votre dernière question et de la réponse de M. Nevison.
Nous savons que les possibilités, les profils énergétiques et les coûts diffèrent d’une région à l’autre. Nous aurons besoin de combinaisons différentes d’investissements et de règlements pour favoriser les réductions dans les différentes régions du pays.
Je vous ferai remarquer, concernant les façons dont les règlements peuvent contribuer à cela et les revenus qui en découlent peuvent être utilisés, que nous savons, par exemple, que si l’on impose une tarification de la pollution causée par le carbone, divers incitatifs peuvent être créés afin de compenser les coûts engendrés pendant la transition, et l’exemple des Territoires du Nord-Ouest l’illustre bien.
Encore une fois, je ne parle d’aucun investissement en particulier, mais il est important de tenir compte du contexte régional. Les circonstances particulières propres aux territoires, par exemple, sont de toute évidence prises en compte dans nos règlements — qu’on pense aux exemptions pour les collectivités éloignées, au Règlement sur les combustibles propres ou à la tarification de la pollution causée par le carbone.
Monsieur Nevison, vous avez peut-être plus à dire sur les investissements.
M. Nevison : Je crois que cela résume bien la situation, madame Meltzer. Je vous remercie.
Le président : Si vous me permettez d’intervenir, la sénatrice Anderson vous posait la question suivante : que pouvons-nous faire pour le Nord? Selon de nombreux rapports, y compris celui de ce comité après que nous nous sommes rendus là-bas, il n’y a pas de solution évidente. Bien sûr, il y a une mine qui utilise le vent, mais il y a souvent du gel. C’est compliqué. On parle d’utiliser le nucléaire, mais les chiffres restent beaucoup trop élevés, et il nous faudra 10 ans pour bien étudier la question.
Nous parlons d’argent. Vous nous avez répondu qu’il y a de l’argent disponible pour chercher des solutions, mais concrètement, de quelle forme d’énergie aurions-nous besoin et quand ces gens peuvent-ils espérer une solution de rechange aux génératrices au diésel?
Mme Meltzer : Je peux commencer. Il s’agit d’une question importante.
Nous savons que la transition ne suivra pas la même trajectoire partout. Elle prendra une forme différente dans chaque collectivité, dans chaque lieu. Nous savons très bien que les habitants des villes ont potentiellement plus d’options à court terme, notamment parce qu’ils peuvent utiliser les transports en commun, alors que ceux des collectivités rurales et du Nord n’y ont pas accès. Nous savons qu’il existe des circonstances uniques dans les territoires pour ce qui est de la sécurité énergétique et des distances à parcourir.
Cela dit, il faut la bonne combinaison d’incitatifs à l’adoption des technologies qui permettront de remplacer les combustibles fossiles — les génératrices au diésel, par exemple — et nos collègues de RNCan en ont donné quelques exemples, puisque ce sont eux qui pilotent ce dossier —, pour aider l’industrie à améliorer son efficacité énergétique et favoriser l’intégration de technologies renouvelables. Il y en a de très bons exemples dans le Nord. Encore là, nos collègues de RNCan en ont parlé.
Il s’agit de créer des incitatifs et des signaux, et de reconnaître que la transition sera différente d’un cas à l’autre et prendra plus de temps, parfois.
Pour ce qui est de la réglementation, il est important de prendre en compte ces différences dans la conception de nos règlements. Je vous en donne deux exemples. Le premier concerne le projet de règlement sur les carburants propres, qui prévoit une exemption pour les collectivités éloignées, en reconnaissance des circonstances uniques dont vous parliez. De même, dans le système de tarification de la pollution causée par le carbone, à l’échelle fédérale, du moins — et c’est aussi ce que nous observons dans les systèmes mis en œuvre par les Territoires du Nord-Ouest —, les collectivités éloignées bénéficient d’une exemption sur les carburants utilisés pour produire de l’électricité et sur le carburant d’aviation utilisé pour les déplacements dans les territoires.
Je pense qu’il s’agit à la fois de nous assurer de ne pas freiner ces incitatifs simplement parce qu’il y a des circonstances et des défis différents d’un endroit à l’autre, parce que c’est ce qui fera changer les choses, et d’essayer d’en tenir compte lorsque nous concevons notre ensemble de mesures, de politiques et d’investissements.
Le président : Pour les gens qui nous écoutent du Nunavut ce matin, à quels changements peuvent-ils s’attendre en ce qui concerne leur qualité de vie, sur le plan énergétique? Peuvent-ils s’attendre à des améliorations d’ici cinq ans? Dix ans? Quelles garanties pouvons-nous leur donner? Pouvons-nous leur dire que nous comprenons leur situation et qu’il y a un plan B qui s’en vient? À quoi ces personnes peuvent-elles s’attendre?
Mme Meltzer : Encore une fois, ce sont des questions importantes. Une chose qu’on entend beaucoup, de divers intervenants et des collectivités du Nord, y compris au Nunavut, c’est qu’il faut tenir compte des effets du changement climatique et que l’atténuation des risques et des coûts qui y sont associés est une priorité absolue. Il faut reconnaître les conséquences exponentielles du changement climatique dans ces régions à long terme. Il est primordial d’établir des priorités d’action, comme le prévoit le plan de réduction des émissions, particulièrement pour en atténuer les répercussions, qui sont particulièrement aiguës dans nos régions nordiques.
Il existe des technologies adaptées à chaque communauté; il y en a divers exemples. Nous pourrons vous faire un suivi à cet égard, et nos collègues de RNCan seraient peut-être les mieux placés pour vous donner des exemples de technologies adaptées. Nous savons qu’il y a une tarification de la pollution causée par le carbone. Le système fédéral s’applique sur le territoire, et les recettes enregistrées serviront à accroître l’abordabilité. On reconnaît que le changement prendra du temps. Ce sont les programmes comme ceux assurant une transition vers l’abandon du diésel dans les collectivités éloignées qui, en définitive, susciteront un changement. Encore une fois, cela ne relève pas d’Environnement et Changement climatique Canada, ou du moins pas de mon secteur, donc je ne peux pas vous donner de calendrier plus précis pour cela.
M. Nevison : Monsieur le président, pour répondre à votre question, il y a aussi diverses occasions pour les collectivités, les régions et les groupes d’échanger de l’information et de partager leurs pratiques exemplaires. Par exemple, le gouvernement du Canada copréside une table bilatérale fondée sur les distinctions avec l’ITK, l’Inuit Tapiriit Kanatami, avec les communautés inuites. C’est une occasion de partager les réalités terrain en ce qui concerne, comme l’a mentionné Mme Meltzer, non seulement les outils technologiques pour améliorer la qualité de vie, mais aussi la résilience et l’adaptation, qui sont également extrêmement importantes dans le Nord. Voilà une autre façon de relever ce défi très particulier dans le Nord.
Le président : Merci.
La sénatrice McCallum : Merci de vous joindre à nous ce matin. Pouvez-vous nous donner des exemples de projets d’hydrogène qui ont réussi au Canada et nous dire ce qui en a fait le succès?
Mme Meltzer : Merci beaucoup de nous accueillir et merci de cette question. Encore une fois, nos collègues de RNCan seraient peut-être les mieux placés pour vous donner des exemples précis et concrets, mais nous pourrons certainement faire un suivi. Je soulignerais que ce qui ressort, en ce qui concerne l’hydrogène, ce sont les possibilités qui se présentent dans différents secteurs. Nous pourrons vous faire parvenir des exemples dans chacun de ces secteurs. Je suis consciente que le comité et vous connaissez bien le dossier, mais il y a un potentiel dans le secteur des transports. Ce combustible sera utilisé dans les véhicules électriques à pile à combustible et dans les autobus électriques à pile à combustible. Il servira à produire de l’électricité, soit par combustion dans une turbine, soit par stockage à plus long terme. Il pourra alimenter des systèmes de chauffage industriels. Nous avons quelques bons exemples de progrès remarquables dans le secteur sidérurgique. L’hydrogène sera important pour transformer la production dans les secteurs du ciment, de l’acier, de la fabrication et d’autres produits chimiques, ainsi que dans des secteurs où les émissions sont généralement difficiles à réduire. Nous pourrons vous en donner des exemples concrets. L’hydrogène pourrait aussi intervenir dans la production industrielle et le chauffage des bâtiments. Il y a tout un éventail de possibilités pour l’hydrogène, qui jouera un rôle important dans la transition énergétique.
La sénatrice McCallum : Dans la réponse que vous nous ferez parvenir, pourriez-vous citer des exemples de réussites au sein des communautés autochtones?
Mme Meltzer : Oui, certainement.
La sénatrice McCallum : Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je suis presque gêné de poser la même question que j’ai posée aux témoins précédents de Ressources naturelles Canada; cependant, je n’ai pas eu de réponse. Alors, je me réessaie avec Environnement et Changement climatique Canada. Si on fait une projection de la production des gaz à effet de serre en 2030 et en 2050, on devrait avoir une bonne idée des sources d’énergie utilisées au Canada en 2030 et en 2050.
Je vais poser une question que vous avez peut-être déjà entendue; vous avez peut-être eu le temps d’y réfléchir. Est-ce que le ministère ou le gouvernement a établi une projection pour déterminer quelles seront les sources d’énergie au Canada et leur proportion en 2030 et en 2050, pour faire le lien avec la production?
Pour tirer une conclusion de ce calcul de pourcentage, il faudrait sans doute savoir ce qu’on produit ou connaître nos besoins en matière de gaz et de pétrole. On réduit les gaz à effet de serre au moyen de nouvelles technologies pour les extraire, pour la captation du carbone et ainsi de suite. Y a-t-il un déplacement? Je vois que les déchets produisent 7 % des gaz à effet de serre, mais je sais que sur les sites de déchets, on a des projets expérimentaux pour produire de l’hydrogène. Donc, quelle serait la proportion d’utilisation de l’énergie par type d’énergie en 2030 et en 2050? Nous pourrions en tirer des conclusions par la suite.
[Traduction]
Mme Meltzer : M. Nevison serait peut-être mieux placé que moi pour répondre globalement à cette question. C’est une question importante. La raison pour laquelle il n’y a pas de réponse précise à cela, c’est peut-être que nous savons que ce sera un mélange. Nous nous assurons de mettre en place des incitatifs, une réglementation et des mesures favorisant toute la gamme de sources d’énergie différentes que nous savons que la transition exigera. Les carburants propres, par exemple, ou les carburants à faible intensité de carbone, produisent beaucoup moins d’émissions que les carburants classiques pendant leur cycle de vie; nous le savons. Nous savons qu’il en existe différents types et qu’ils ont tous des attributs différents, qu’il s’agisse de l’éthanol, du biodiésel, des biocarburants avancés, des énergies renouvelables, des résines synthétiques liquides ou de l’hydrogène. C’est un véritable mélange.
Sur une note positive, si l’on regarde le règlement sur les carburants propres, comme nous l’avons déjà expliqué, il est neutre sur le plan technologique. Il vise à réduire l’intensité des émissions de carbone tout au long du cycle de vie des carburants propres. Une grande partie des crédits qui seront générés proviendront des technologies émergentes d’ici 2030, y compris des applications de l’hydrogène.
Lorsque nous aurons terminé de préparer ce règlement, nous fournirons des estimations de la proportion des crédits ou du volume des réductions en mégatonnes qui proviendront des différents types d’incitatifs, par exemple, y compris des technologies émergentes et des autres mesures de conformité. Cela signifie que nous ne fermons pas la porte à l’avance sur la forme que prendra la solution.
L’une des raisons pour lesquelles il y a autant d’incitatifs axés sur le marché — je pense notamment à la tarification de la pollution causée par le carbone et au règlement à venir sur les carburants propres —, c’est qu’ils permettront ces réductions et qu’ils s’appliqueront dans l’économie là où ils seront le plus utiles, que ce soit dans un type d’usine ou une région en particulier.
Je sais que cette réponse n’est pas aussi précise que vous le souhaiteriez. M. Nevison voudra peut-être ajouter quelque chose. Je me concentre sur l’aspect réglementaire. C’est en partie parce que nous sommes en train de créer tout un éventail d’incitatifs et que nous aurons besoin de toute la multitude de technologies propres pour obtenir les réductions nécessaires.
Je m’arrêterai là, puisque je sais que cela répond partiellement à votre question.
M. Nevison : Je vous remercie de la question. Il est clair que pour atteindre l’objectif de carboneutralité, tous les secteurs doivent eux-mêmes atteindre la carboneutralité d’ici 2050. La forme que prendront les profils de production qui sous-tendent ces trajectoires d’émissions dépendra d’un certain nombre de facteurs, notamment des progrès technologiques, mais aussi de facteurs liés à l’offre et à la demande.
Par exemple, dans le secteur pétrolier et gazier, un certain nombre de spécialistes prévoient que la demande mondiale de pétrole et de gaz diminuera et que, par conséquent, la production diminuera.
En ce qui concerne les sources canadiennes, la Régie de l’énergie du Canada pourrait potentiellement répondre à votre question, car elle fait des prévisions de production concernant diverses sources d’énergie sur différentes périodes et selon différents scénarios.
Comme je l’ai dit, et comme Mme Meltzer l’a dit également, beaucoup de choses dépendront du recours aux règlements et aux incitatifs pour faire en sorte que tous les secteurs de l’économie fassent la transition vers la carboneutralité d’ici 2050.
[Français]
Le sénateur Carignan : Est-ce qu’il serait possible d’avoir un engagement de la part des témoins? Parce que cette information est pertinente et elle permet d’évaluer la probabilité de l’atteinte des cibles.
L’information doit figurer quelque part, parce que si on ne connaît pas bien le pourcentage d’énergie qui sera utilisé dans le portefeuille énergétique en 2030-2050, je vois mal comment on pourra fixer des cibles crédibles. C’est impossible que cette information ne se trouve pas quelque part à Environnement et Changement climatique Canada.
[Traduction]
Le président : Monsieur Nevison, pouvez-vous nous aider, avec Ressources naturelles Canada?
M. Nevison : Monsieur le président, je pense que nous pouvons faire un suivi, comme l’a demandé le sénateur, et fournir des prévisions publiques sur la production concernant le pétrole, le gaz et l’énergie au cours de la période. Je pense qu’elles sont accessibles, et nous pourrions les rassembler, si cela peut aider.
Le président : Si possible.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je parle de l’ensemble des sources d’énergie.
[Traduction]
Je ne parle pas seulement du pétrole et du gaz, mais également de l’hydroélectricité et de toutes les autres sources.
M. Nevison : Votre question porte sur l’ensemble des sources d’énergie utilisées en 2050, je crois, sénateur.
Le président : Puis-je faire une observation, monsieur Nevison? Les gens comme moi sont peut-être trop cyniques, mais que répondez-vous à l’argument selon lequel les marchés émergents nous trouveront, les choses évolueront, et la solution est là et nous ne pouvons pas définir le tout parce qu’il s’agit d’un mélange, et nous voulons que les forces du marché fassent essentiellement bouger les choses? Quand j’entends de tels propos, j’appelle cela le grand espoir que quelque chose va se produire pour régler les choses pour nous. En général, dans la vie, le taux de succès à cet égard n’est pas très élevé. Si l’on fait les bons choix, on réussit. Je suis un peu cynique lorsqu’on dit que les marchés émergents seront là et que tout se passera bien. Que répondez-vous à un cynique comme moi?
M. Nevison : Les impératifs liés aux changements climatiques augmentent et le mouvement en faveur d’actions pour lutter contre les changements climatiques s’accélère chaque année. Cela ne découle pas seulement des incitatifs et des règlements imposés par les gouvernements. Par exemple, les entreprises, elles-mêmes, investissent dans les technologies propres. Elles y voient des possibilités d’affaires. Leurs clients, leurs actionnaires, leurs investisseurs et d’autres membres de leur chaîne d’approvisionnement leur demandent de se diriger vers la carboneutralité. Nous constatons que le nombre d’engagements envers la carboneutralité de la part d’entreprises est en hausse dans le monde entier. Je pense que les incitatifs vont également dans ce sens.
Comme l’a mentionné ma collègue, Mme Meltzer, nous disposons de certains leviers politiques pour favoriser l’action dans ce domaine particulier en ce qui concerne les prix, les règlements et les investissements. Ce qui me rend optimiste, c’est la réponse et le mouvement qui prend forme pour répondre à ce défi particulier et les possibilités d’affaires qui en découlent.
La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup. Je pense que cette question sera la plus facile qu’on vous aura posée jusqu’à présent, mais c’est un sujet qui confond quelque peu.
J’aimerais avoir rapidement quelques précisions sur les sources d’hydrogène gris, bleu, vert, noir, turquoise et brun. Je comprends que les différentes couleurs sont liées à la façon dont l’hydrogène est produit, mais j’essaie de comprendre. Je pense savoir que l’hydrogène vert est le meilleur parmi les meilleurs, mais existe-t-il une échelle du pire parmi les meilleurs à la crème de la crème? Enfin, lesquels pourraient être éliminés graduellement? J’espère que c’est la question la plus facile pour vous.
Mme Meltzer : Oui et non. Je pense que nos collègues de Ressources naturelles Canada ont répondu à cette question. En ce qui concerne la palette de couleurs, nous pouvons fournir beaucoup de renseignements et de détails sur la signification de chaque couleur, mais d’une certaine manière, cela ne dit pas tout sur l’intensité en carbone des différentes sources, des différentes formes de production et des différents processus. Nous nous concentrons sur l’intensité en carbone.
Le Règlement sur les combustibles propres est un exemple. Il ne s’agit pas de la technologie utilisée, par exemple, pour produire de l’hydrogène; il s’agit de l’intensité en carbone du combustible. Plus son intensité en carbone est faible, plus on obtient de crédits; la récompense est plus forte.
Je pense que c’est la raison pour laquelle on hésite à s’en remettre à des distinctions de couleur entre le noir et le blanc. Je pense que nos collègues de Ressources naturelles Canada en ont parlé, mais nous pouvons certainement fournir beaucoup de renseignements à ce sujet.
Nous abordons cette distinction avec une certaine prudence, car elle ne dit pas tout sur les différentes intensités en carbone. En fin de compte, de mon point de vue, c’est l’aspect réglementaire qui compte.
Je vais m’arrêter ici pour que M. Nevison puisse intervenir s’il le souhaite.
Le président : Vous avez donc un éventail de choix, selon la couleur qui vous convient.
La sénatrice Sorensen : Merci. C’était utile.
Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins.
Ma question porte sur l’émission d’obligations vertes. Je pense que c’est votre ministère. Steven Guilbeault en a parlé.
Il semble que, l’industrie nucléaire a été exclue de la première émission. Le président de l’Association nucléaire canadienne a déclaré qu’ils avaient été, très franchement, pris de court par l’émission d’obligations vertes, car l’industrie nucléaire n’a pas été consultée.
Quand on voit ce qui se passe en Europe, compte tenu des tensions politiques, l’Europe veut cesser de s’approvisionner en gaz russe, et il semble qu’elle veut investir davantage dans l’énergie nucléaire. Votre ministère est-il associé à la décision? Peut-être pouvez-vous m’envoyer une réponse par écrit.
Le président : Les témoins ont le temps de répondre à la question.
M. Nevison : Merci, sénateur. Je peux répondre à la question. La première chose que je voudrais dire, c’est que l’exclusion des investissements dans l’énergie nucléaire ne diminue en rien l’engagement du gouvernement à examiner toutes les possibilités et toutes les sources d’énergie à faibles émissions de carbone. Cette exclusion particulière pour le cadre d’obligations vertes reflète la demande du marché. Nous avons mené de vastes consultations avec le marché, tant avec les investisseurs internationaux que nationaux, et c’est conforme aux préférences du marché. Dans la plupart des cadres pour les obligations vertes, si ce n’est dans chacun d’entre eux, l’énergie nucléaire est exclue. Et c’est le cas dans des pays comme la France, où l’industrie nucléaire est très importante.
C’était pour une demande suffisante et appropriée, ainsi que l’inclusion dans les indices d’obligations vertes. L’exclusion de l’énergie nucléaire a été motivée par la préférence du marché.
Le sénateur Gignac : Si je lis entre les lignes, la porte pourrait s’ouvrir en cours de route. Si l’on remonte dans le passé, la dépendance de l’Allemagne au gaz naturel de la Russie est liée au fait que le parti vert de ce pays s’opposait au nouveau plan nucléaire. Le monde a changé dans le temps de le dire depuis un mois ou deux. À vrai dire, certaines personnes se rendent compte qu’elles doivent peut-être changer d’avis sur l’industrie nucléaire, y compris en Europe, et les investisseurs pourraient également se demander s’il est préférable d’investir dans le pétrole et le gaz de la Russie ou dans l’industrie nucléaire.
Si je lis entre les lignes, il se pourrait que nous revoyions cette décision la prochaine fois.
M. Nevison : Le marché évoluera au fil du temps en fonction d’un large éventail de facteurs, et si les conditions changent, le cadre d’obligations vertes s’adaptera à la situation du marché. Nous verrons comment le marché évoluera sur ces questions, mais à ce stade-ci, pour ce qui est de l’offre souveraine initiale, l’orientation du marché était claire sur le plan des exclusions.
Le sénateur Gignac : Je ne suis pas un lobbyiste de l’industrie nucléaire. Nous ne sommes que des sénateurs, mais il a dit que l’industrie nucléaire du Canada n’avait pas été consultée. Est-il possible que vous meniez des consultations avant de prendre votre décision la prochaine fois?
M. Nevison : Il y a eu d’importantes consultations sur le cadre au préalable. Comme je l’ai dit, le message que nous avons reçu du marché était clair. Oui, nous serons toujours en mesure de mener des consultations. Nous avons entendu les préoccupations de l’industrie sur cette question, et les consultations seront un aspect permanent du programme.
Le sénateur Gignac : Merci.
Le président : Nos sénateurs ont-ils d’autres questions? Si ce n’est pas le cas, permettez-moi de conclure la séance.
[Français]
Je remercie les témoins d’Environnement et Changement climatique Canada, M. Douglas Nevison, sous-ministre adjoint, Direction générale des changements climatiques ainsi que Mme Judy Meltzer, directrice générale, Bureau des marchés du carbone, Direction générale de la protection de l’environnement.
Merci à vous deux.
[Traduction]
Je vous remercie d’avoir témoigné ce matin. Nous vous en sommes très reconnaissants. Comme vous le savez, c’est complexe, et il y a beaucoup à apprendre, mais nous avons des gens comme vous pour nous guider. Merci beaucoup. Nous serons ravis de vous rencontrer à nouveau dans le cadre de cette étude sur l’hydrogène ou d’autres sujets. Bonne journée. Merci.
(La séance est levée.)