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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 17 mai 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé.

Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Je m’appelle Paul Massicotte. Je suis un sénateur du Québec et je suis président du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance hybride du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs et aux témoins qu’ils sont priés de garder leur micro éteint en tout temps, à moins que le président leur donne la parole.

Lorsque vous parlez, veuillez le faire lentement et clairement. Pour ceux qui prennent part à cette réunion sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « lever la main » pour demander la parole. Pour ceux qui sont présents dans la salle, veuillez indiquer à la greffière que vous souhaitez prendre la parole.

J’aimerais rappeler aux honorables sénateurs que, dans l’intérêt d’obtenir le plus d’information possible, nous avons composé des groupes de trois ou quatre témoins. Je ferai de mon mieux pour permettre à tous ceux qui veulent poser une question de le faire, mais pour y arriver, je vous demande d’être brefs dans vos questions et préambules. Chaque sénateur aura droit à une question et à une question complémentaire ou à une question de suivi à la première question. Veuillez également indiquer à qui s’adresse la question. J’aimerais également rappeler aux témoins qu’ils ont un total de quatre minutes pour faire leur allocution.

J’aimerais maintenant présenter les membres du comité qui participent à la réunion aujourd’hui : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest; David Arnot, de la Saskatchewan; Rosa Galvez, du Québec; Amina Gerba, du Québec; Mary Jane McCallum, du Manitoba; Julie Miville-Dechêne, du Québec; Dennis Patterson, du Nunavut; Judith Seidman, du Québec; Karen Sorensen, de l’Alberta; Josée Verner, c.p., du Québec.

J’aimerais aussi souligner la présence du parrain du projet de loi, le sénateur Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.

Bienvenue à tous, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent.

Aujourd’hui, nous continuons notre examen du projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé.

Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons M. Joseph F. Castrilli, conseiller juridique, et Mme Fe de Leon, chercheuse, de l’Association canadienne du droit de l’environnement; Mme Justyna Laurie-Lean, vice-présidente, Environnement et affaires réglementaires, de l’Association minière du Canada; Mme Shannon Joseph, vice-présidente, Relations gouvernementales et affaires autochtones, de l’Association canadienne des producteurs pétroliers; M. David R. Boyd, professeur associé, Institut des ressources, de l’environnement et de la durabilité, Université de la Colombie-Britannique, qui témoigne à titre personnel.

Bienvenue à tous, et merci d’avoir accepté notre invitation.

Monsieur Castrilli, vous avez la parole.

[Traduction]

Joseph F. Castrilli, conseiller juridique, Association canadienne du droit de l’environnement : Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité. Dans les documents que nous avons envoyés au comité, l’Association canadienne du droit de l’environnement s’est concentrée sur l’émission d’agents cancérigènes pour illustrer que le projet de loi S-5 ne contribuera pas à résoudre le problème des substances toxiques dans l’environnement, à moins que le projet de loi n’améliore l’approche de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement à l’égard de la question de la prévention de la pollution.

Nous avons analysé 13 années de données nationales sur la pollution et nous avons constaté que, si les exigences fédérales réduisent les émissions atmosphériques réalisées sur place de certains des produits chimiques les plus nocifs pour la santé humaine et l’environnement, l’élimination sur place et les rejets dans le sol de ces mêmes produits chimiques ont augmenté de façon spectaculaire au cours de la même période. Par exemple, notre examen a révélé qu’au Québec, pour l’arsenic, un agent cancérigène reconnu et désigné comme toxique en vertu de la LCPE, les émissions atmosphériques sur place ont augmenté de 49 % de 2006 à 2018. Toutefois, l’élimination sur place et le rejet dans le sol de l’arsenic et de ses composés ont augmenté de plus de 10 800 % au cours de la même période.

Les données relatives à 43 agents cancérigènes figurant sur la liste des substances toxiques de l’annexe 1 de la LCPE prises dans leur ensemble — et dont la grande majorité sont des produits chimiques créés par l’humain et non des produits naturels — montrent des tendances similaires, voire aussi spectaculaires, généralement sous la forme d’une diminution des émissions atmosphériques sur place, mais d’une augmentation des rejets sur place dans le sol.

En résumé, le déplacement d’un agent cancérigène d’une voie environnementale, comme l’air, à une autre, comme le sol, ne représente pas un progrès dans la protection de la santé des humains et de l’environnement. Cela revient plutôt à mettre en danger une autre partie de l’environnement et un autre groupe de personnes. Ce n’est pas une solution au problème des 150 produits chimiques que le gouvernement fédéral a désignés comme étant toxiques et qu’il a placés dans l’annexe 1 de la loi, et sûrement pas aux 43 agents cancérigènes qui figurent dans cette annexe.

Ce dont on a besoin maintenant, c’est d’une stratégie de prévention et d’élimination des substances toxiques de l’annexe 1 du commerce canadien, dans toute la mesure du possible. C’est ce que l’on attendait de la LCPE telle que décrite dans un rapport du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes en 1995, et dont le résumé se trouve dans les mémoires que nous avons soumis en février 2022.

Il y a trois choses qui clochent avec la loi actuelle et que le projet de loi S-5 ne corrige pas en ce qui concerne la question de la prévention de la pollution. Tout d’abord, la prévention de la pollution est discrétionnaire pour les substances toxiques énumérées à l’annexe 1. C’est la raison pour laquelle, au cours des 20 dernières années, seulement un sixième de toutes les substances figurant à l’annexe 1 ont fait l’objet d’un plan de la prévention de la pollution — une proportion qui, si elle est maintenue, signifiera que toutes les substances toxiques existantes figurant à l’annexe 1 n’auront pas de plan avant 2100. La prévention de la pollution doit donc être obligatoire en vertu du projet de loi S-5.

Deuxièmement, le pouvoir de prévention de la pollution prévu par la loi vise à contrôler la création et l’utilisation des substances toxiques. Cependant, en raison de l’approche qui a été appliquée dans le cadre de la LCPE, il est devenu principalement une mesure de réduction de la pollution, où l’on cherche à contrôler uniquement les concentrations d’émissions d’une substance, ce que déconseillait justement le rapport du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes en 1995. Cela a donc permis à ces substances de rester dans le commerce canadien et dans l’environnement. La réduction de la pollution ne devrait pas être utilisée comme substitut à la prévention de la pollution et le projet de loi S-5 devrait le préciser.

Troisièmement, le projet de loi S-5 ne fait pas de la substitution de solutions de rechange plus sûres aux substances toxiques un point central des modifications apportées à la loi, ce qui met les Canadiens et l’environnement en danger et place le Canada dans une position désavantageuse par rapport à d’autres pays qui l’ont fait. L’analyse des solutions de rechange doit devenir un pilier central de la loi.

Les modifications que nous avons proposées au projet de loi S-5 en mars 2022 aborderaient ces questions et d’autres questions connexes qui ont été cernées dans les documents que nous avons déjà déposés. Sous réserve des questions que les membres du comité pourraient avoir, c’est ce que nous présentons. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie. La parole est maintenant à Mme Joseph.

Shannon Joseph, vice-présidente, Relations gouvernementales et affaires autochtones, Association canadienne des producteurs pétroliers : Je vous remercie de me recevoir. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de discuter du projet de loi S-5 et des modifications apportées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ou LCPE. La LCPE est l’une des lois en matière d’environnement les plus importantes et est un outil de calibre mondial pour la gestion des produits chimiques.

La loi confère de vastes pouvoirs réglementaires au gouvernement fédéral en ce qui concerne le contrôle des substances qui présentent un risque pour la santé ou l’environnement. Les nombreux changements proposés à la loi élargiraient ce pouvoir réglementaire fédéral.

L’Association canadienne des producteurs pétroliers, ou ACPP, aimerait souligner trois aspects du projet de loi S-5 qui méritent d’être examinés de près par le comité.

Le premier est le libellé qui pourrait avoir une incidence sur la capacité des provinces d’exercer de manière significative leur compétence en matière d’exploitation des ressources et de gestion environnementale. Citons notamment l’ajout du nouveau concept « ... d’un produit qui est susceptible d’en rejeter dans l’environnement... ». Ce libellé sur le produit pourrait être interprété comme incluant les ressources naturelles et une gamme de produits commerciaux qui pourraient rejeter une substance, comme le dioxyde de carbone, dans certaines circonstances.

L’exploitation des ressources naturelles est un domaine exclusif de l’autorité constitutionnelle pour les assemblées législatives provinciales. Donner au gouvernement fédéral la capacité de réglementer directement le bitume, le pétrole brut ou le gaz naturel en tant que produits susceptibles de libérer une substance entrerait directement en conflit avec l’autorité provinciale sur l’exploitation des ressources et l’exercice du pouvoir réglementaire provincial sur la gestion de l’environnement.

Ce n’est pas le but de la mesure législative. Ce libellé doit être réexaminé, et l’ACPP serait ravie de travailler avec les législateurs pour trouver des solutions.

Le deuxième aspect consiste à assurer la transparence dans l’application de la loi. De nombreux amendements du projet de loi proposé permettent de définir des concepts importants en dehors du processus législatif, avec un vaste pouvoir discrétionnaire de la part du ministre. Il sera donc difficile pour les législateurs de veiller à ce que la loi soit appliquée comme prévu.

Les amendements dans le projet de loi S-5 introduisent de nombreuses nouvelles notions dans la LCPE, dont le sens et l’application ne seront qu’établis ultérieurement. Cela peut créer de l’incertitude au moment de l’adoption du projet de loi concernant des concepts tels que le droit à un environnement sain, la justice environnementale et les effets cumulatifs, et ces expressions seront toutes importantes dans la façon dont la loi sera appliquée.

Les répercussions, les obligations et les limites des changements proposés devraient être clarifiées par le Parlement de manière à assurer la transparence et la prévisibilité et éviter des répercussions sur la confiance des investisseurs.

Enfin, nous estimons qu’il est important que la LCPE continue d’être une mesure législative flexible sur la gestion des produits chimiques fondée sur les risques. La LCPE ne devrait pas être utilisée comme moyen détourné pour réglementer des produits ou des processus qui ne représentent pas un risque à la santé publique ou à la protection environnementale. À l’heure actuelle, la réglementation en vertu de la LCPE exige qu’une substance doive être dangereuse et qu’il y ait une voie d’exposition présentant un risque pour la santé humaine ou l’environnement.

Jusqu’à présent, le gouvernement du Canada n’a pas cherché à réglementer les substances qui ne présentent pas ces types de risques.

Toutefois, les amendements à la LCPE introduisent le nouveau concept d’une liste de substances pouvant devenir toxiques. Cet amendement change le fondement de la LCPE, en la faisant passer d’une loi fondée sur le risque à une approche fondée sur les dangers. Dès qu’une substance figure sur une liste de la sorte, elle sera traitée différemment. La liste peut servir de moyen de stigmatiser et de limiter l’utilisation de substances et de réglementer sans une évaluation des risques fondée sur des données scientifiques.

Pour terminer, nous croyons qu’il est essentiel pour l’environnement et l’économie du Canada que toute mise à jour à la LCPE préserve des éléments importants de la loi existante, qui est de calibre mondial, flexible et fondée sur les risques pour ce qui est de la gestion des produits chimiques. Nous croyons que ce projet de loi devrait faire l’objet d’une étude appropriée pour atteindre cet objectif. Merci.

Le président : Merci. De l’Association minière du Canada, nous accueillons Mme Justyna Laurie-Lean.

Justyna Laurie-Lean, vice-présidente, Environnement et affaires réglementaires, Association minière du Canada : Merci, monsieur le président. Je prends part à la réunion à partir d’Ottawa, qui se trouve sur un territoire traditionnel algonquin.

Notre association est l’organisation nationale qui représente l’industrie minière canadienne. Nos membres s’efforcent d’être des exploitants responsables qui sont des gardiens de l’environnement respectueux de la loi. Ils démontrent leurs engagements en participant à la stratégie Vers le développement minier durable, un programme axé sur le rendement par l’entremise duquel nos membres évaluent et gèrent le rendement à l’échelle des installations sur les responsabilités environnementales et sociales essentielles, et rendent des comptes au public à ce sujet.

Nous avons remis au comité un mémoire écrit qui inclut des renseignements généraux supplémentaires. Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l’occasion de soulever les principaux points et de répondre à vos questions.

Dans le cadre de notre analyse, le projet de loi S-5 est un ensemble d’amendements bien conçus. Il moderniserait, élargirait et clarifierait des dispositions habilitantes de la LCPE, mais nous avons des réserves. Plus précisément, nous avons des préoccupations concernant une mise en œuvre sous-financée ou fragmentée ainsi que des réductions supplémentaires dans les ressources pour les activités quotidiennes de Santé Canada et d’Environnement et Changement climatique Canada.

Notre expérience révèle que les changements législatifs donnent lieu à plusieurs années d’efforts pour élaborer l’interprétation, l’orientation, les politiques, les cadres et les règlements, et s’accompagnent de consultations intensives et d’un engagement auprès des organisations concernées et le public. Le détournement des ressources du ministère pour mettre en œuvre des changements législatifs risque de compromettre la protection de l’environnement et de la santé humaine.

Nous avons déjà observé ces dernières années une réduction continue de la surveillance environnementale, de la recherche, des rapports courants, des systèmes de publications et de l’élaboration de directives en matière de conformité en temps opportun.

Nous vous exhortons donc à garder à l’esprit les répercussions sur les ressources dans vos délibérations sur le projet de loi S-5.

Nous mettons particulièrement en garde contre le fait de rendre les dispositions habilitantes trop prescriptives. Les dispositions de la LCPE relatives à la gestion des produits chimiques s’appliquent à un grand nombre de substances diverses. Chaque situation précise nécessite une sélection minutieuse de la bonne approche pour une évaluation et une gestion efficaces et efficientes des risques pour l’environnement et la santé humaine. Les choix effectués doivent être fondés sur l’expertise, les renseignements disponibles et l’évolution constante des connaissances.

Nous recommandons deux petits amendements. L’un d’eux améliorerait, selon nous, le fonctionnement de l’une des nouvelles listes introduites par le projet de loi S-5. Le second améliorerait le fonctionnement des parties de la LCPE qui portent sur la gestion des produits chimiques de façon générale.

L’article 20 du projet de loi S-5 créerait une liste de substances susceptibles de devenir toxiques dans un nouvel article 75.1. Tel que proposé, la liste ne comporte aucune conséquence. Le nouveau paragraphe 75.1(2) stipule seulement qu’elle « peut » inclure certains renseignements supplémentaires. Nous recommandons que l’article 20 soit modifié pour exiger que tout ajout à cette liste donne une idée des mesures qui seront prises, sans restreindre la nature de ces mesures.

M. John Moffet, lors d’une comparution devant ce comité, a déclaré que cette liste vise à communiquer aux utilisateurs éventuels que le gouvernement n’accueillerait pas favorablement de nouvelles utilisations d’une substance inscrite. Toutefois, telle qu’elle est formulée, la liste de l’article 75.1 ne rendrait pas obligatoire ni ne limiterait une telle utilisation de cette liste.

L’objectif que M. Moffet a décrit serait mieux atteint par le deuxième amendement au projet de loi S-5 que nous recommandons — la création d’une base de données électronique consultable ou d’un outil de recherche qui décrirait, pour chaque substance, son statut en vertu de la LCPE. Une telle base de données exhaustive permettrait aux utilisateurs potentiels d’une substance de savoir facilement si une nouvelle activité importante ou toute autre restriction a été imposée à cette substance. En facilitant la transparence, un tel mécanisme favoriserait la conformité et serait utile pour le public et les fabricants, les concepteurs de produits, les importateurs, les utilisateurs, les détaillants, les distributeurs, les consommateurs, les universitaires et les organisations non gouvernementales. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Nous accueillons maintenant M. David Boyd, professeur associé, Institut des ressources, de l’environnement et de la durabilité, Université de la Colombie-Britannique.

David Boyd, professeur associé, Institut des ressources, de l’environnement et de la durabilité, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Bonjour, sénateurs, et merci de me donner l’occasion de me joindre à vous. J’aimerais féliciter le gouvernement du Canada d’avoir enfin pris des mesures pour reconnaître dans la loi le droit fondamental à un environnement sain. Il s’agit d’un premier pas important vers l’objectif ultime d’inclure ce droit dans la Charte canadienne des droits et libertés, où il a certainement sa place.

À l’échelle mondiale, ce droit est désormais reconnu dans 156 pays, par l’entremise de constitutions, de lois et de traités régionaux sur les droits de la personne. Il a été reconnu par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies en octobre dernier, et le Québec a intégré ce droit dans sa Loi sur la qualité de l’environnement en 1978 et dans sa Charte des droits et libertés de la personne en 2006.

Bien qu’il s’agisse d’un premier pas important, le libellé proposé dans le projet de loi S-5 comporte trois faiblesses importantes. Premièrement, la description du droit à un environnement sain est très étroite. La résolution de l’ONU de l’an dernier parlait d’un « ... environnement propre, sain et durable ».

Un projet de loi dont le Congrès américain est saisi à l’heure actuelle, l’Environmental Justice For All Act, reconnaît :

[...] le droit de tous les peuples à un air pur, à une eau potable sûre et abordable, à la protection contre les risques climatiques et à la préservation durable de l’intégrité écologique et des valeurs esthétiques, scientifiques, culturelles et historiques de l’environnement naturel.

Le Québec utilise également un libellé plus exhaustif dans ses deux lois.

Deuxièmement, l’expression « comme le prévoit cette loi » signifie que le droit des Canadiens à un environnement sain serait limité aux questions traitées par la LCPE. Cela signifie que personne n’aurait le droit à un environnement sain en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur l’évaluation d’impact, la Loi sur les produits antiparasitaires ou toute autre loi fédérale liée à l’environnement.

Troisièmement, il y a une deuxième phrase limitative, « lequel droit peut être soupesé avec des facteurs pertinents, notamment sociaux, économiques, scientifiques et relatifs à la santé ». Permettez-moi de préciser que j’ai lu toutes les dispositions constitutionnelles, toutes les dispositions législatives et toutes les dispositions des traités dans le monde qui décrivent le droit à un environnement sain, et je n’ai jamais vu ce type de libellé être utilisé pour limiter l’incidence potentielle de reconnaître un droit de la personne.

Nous savons qu’au Canada, les droits ne sont pas absolus. Le libellé utilisé dans la Charte est « ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ».

J’encourage fortement ce comité à examiner le libellé de l’article 4 de la Loi sur la stratégie nationale sur le logement, adoptée en 2019, pour y trouver une définition claire d’un droit de la personne, en l’occurrence le droit au logement. Le paragraphe 4a) de la loi prévoit ce qui suit:

4 Le gouvernement fédéral a pour politique en matière de logement :

a) de reconnaître que le droit à un logement suffisant est un droit fondamental de la personne confirmé par le droit international;

Aucune formulation qualificative n’est utilisée.

L’autre point que j’aimerais aborder brièvement est que, selon Santé Canada, chaque année au Canada, la pollution atmosphérique est liée à plus de 15 000 décès prématurés, à 2,7 millions de jours de symptômes d’asthme, à 35 millions de jours de symptômes respiratoires aigus et à 120 milliards de dollars en coûts socioéconomiques liés à la pollution atmosphérique. Pourtant, l’absence continue de normes juridiquement contraignantes en matière de qualité de l’air ambiant place le Canada derrière les États-Unis et presque tous les autres pays industrialisés riches du monde. Je reconnais que cette question dépasse la portée du présent projet de loi, mais je veux que vous soyez conscients de ce grave oubli et vous rappeler que le rapport de 2017 du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes recommandait ce qui suit :

[...] la LCPE soit modifiée pour exiger que le gouvernement fédéral établisse des normes nationales contraignantes sur la qualité de l’air, en consultation avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones, les parties intéressées et le public.

Merci beaucoup, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant commencer la période des questions. Nous allons d’abord permettre au sénateur Kutcher, le parrain du projet de loi, de poser une question.

Le sénateur Kutcher : Ma question s’adresse à M. Boyd.

Avez-vous des suggestions précises à faire concernant le type de libellé qui pourrait être envisagé pour resserrer l’enjeu entourant le droit à un environnement sain?

M. Boyd : Merci, sénateur Kutcher. J’aurais plusieurs suggestions précises. L’une serait d’ajouter les adjectifs « propre et durable », de sorte que le droit serait décrit comme étant « le droit à un environnement propre, sain et durable », conformément au libellé utilisé par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies en octobre dernier dans sa résolution 48/13.

Deuxièmement, j’exhorterais le comité à retirer la limitation de l’application de ce droit aux seules actions du gouvernement fédéral en vertu de la LCPE et d’en faire une application plus vaste et plus générale.

Troisièmement, je suggère de supprimer la disposition qui fait référence à l’équilibre avec les facteurs sociaux, économiques et scientifiques, qui est sans précédent dans le monde pour renvoyer au droit à un environnement sain.

Le sénateur Kutcher : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à M. Castrilli. Monsieur Castrilli, j’ai lu votre mémoire, qui est assez long et très complet. Je veux vous poser une question précise sur l’obligation que vous voulez imposer aux entreprises d’avoir des plans de prévention de la pollution. En quoi ces plans de prévention sont-ils importants? Que nous permettraient-ils de faire qui n’est pas fait actuellement? Que contiennent-ils, et pourquoi insistez-vous tant sur ce point? Le plan de prévention est-il un moyen de ne plus utiliser les éléments de la liste des 150 substances les plus toxiques?

[Traduction]

M. Castrilli : Merci de votre question, sénatrice.

En ce qui concerne l’historique de ce que l’on appelle la partie 4 de la LCPE, qui traite de la prévention de la pollution, si l’on remonte au rapport de 1995 du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes, on constate que la partie 4 est contradictoire à la partie 5, qui porte sur le contrôle des substances toxiques par le contrôle des émissions. Étant donné que les parties 4 et 5 traitent toutes deux des substances de l’Annexe 1, nous traitons des pires produits chimiques parmi les plus de 23 000 présents dans le commerce canadien. En 1995, le comité de l’environnement de la Chambre, lorsqu’il étudiait le prédécesseur de la loi actuelle, s’attendait à ce que, pour les produits chimiques les plus dangereux qui figurent à l’Annexe 1, nous envisagions de les éliminer du commerce, complètement, ou du moins d’en éliminer le plus grand nombre d’utilisations possible.

Elle est donc conçue pour être la première ligne de défense en vertu de la LCPE. Malheureusement, au cours des 20 années qui ont suivi, le gouvernement a essentiellement permis à l’industrie de considérer l’obligation, lorsqu’elle lui est imposée par le ministre, comme une autre occasion de contrôler la concentration des émissions ou de réduire la pollution. Ce n’est pas ce que vise la partie 4; elle vise à éliminer le plus possible les pires substances dans le commerce canadien.

La sénatrice Miville-Dechêne : Là où j’essaie d’en venir, c’est qu’il s’agit d’un plan de prévention écrit. Y a-t-il une disposition qui oblige les compagnies à éliminer la toxine? En quoi consiste ce plan de prévention? On peut mettre ce qu’on veut par écrit, mais si on ne passe pas à l’action, l’effet est nul.

Que voulez-vous retrouver au juste dans ce plan de prévention de la pollution?

M. Castrilli : Dans nos mémoires de mars 2022, nous avons rédigé des modifications pour toutes les parties de la loi que nous proposions de changer. Les modifications pour la prévention de la pollution faisaient 11 pages.

La sénatrice Miville-Dechêne : D’accord, mais pouvez-vous les résumer en un mot? Qu’est-ce qui serait exigé?

M. Castrilli : Essentiellement, les compagnies doivent examiner leurs processus pour déterminer s’il est possible d’éliminer un produit chimique se trouvant dans l’annexe 1 pour le remplacer par une autre substance. C’est fondamentalement ce qui se fait au Massachusetts et au New Jersey, et nous croyons que c’était l’intention de la LCPE — conformément à l’article 3 — qui n’a finalement jamais été mise en application.

Les amendements que nous proposons comprennent une description complète du processus auquel une compagnie serait obligée de se soumettre si elle désire continuer à utiliser une substance qui figure déjà dans ce que j’appelle la « liste des pires saletés » de l’annexe 1.

Ce que nous proposons s’inspire grandement du régime européen en vertu du règlement REACH relatif à l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et le contrôle des produits chimiques.

La sénatrice Seidman : Je remercie sincèrement nos témoins pour leurs témoignages d’aujourd’hui. Ma question s’adresse à Mme Laurie-Lean de l’Association minière du Canada.

Dans votre mémoire et dans votre déclaration de ce soir, vous avez proposé deux amendements, dont celui d’élaborer une base de données électronique interrogeable fournissant des renseignements sur les substances figurant sur la Liste intérieure. L’Association canadienne de l’industrie de la chimie a proposé un amendement similaire, et d’autres organisations ont aussi soulevé l’importance d’accroître la transparence et d’améliorer l’accès public aux données sur les risques liés aux substances. Bien que vous abordiez tous l’amendement quelque peu différemment, vous essayez tous d’atteindre un objectif similaire.

Vous proposez l’ajout d’un nouveau paragraphe : le paragraphe 76(4). Pouvez-vous nous expliquer cet amendement, votre raisonnement pour le proposer et la raison pour laquelle il devrait idéalement se retrouver à l’article 20? Merci.

Mme Laurie-Lean : Je n’insisterais pas pour qu’il se retrouve dans un article en particulier. L’article 20 semble approprié parce que, dans ce passage de l’article, on fait référence au droit de la population de demander l’évaluation d’une substance. Nous croyons que, pour bien exercer ce droit, il serait judicieux que la population puisse savoir si une substance a déjà été évaluée, est en voie de l’être ou est prioritaire dans l’ordre des évaluations. Il semblerait pertinent d’insérer le paragraphe à cet endroit, mais il pourrait être ajouté ailleurs.

L’objectif est de veiller à ce que la population et les organisations potentielles soient informées de l’information qui a déjà été recueillie et des évaluations qui ont déjà eu lieu. Les évaluations effectuées en vertu de la LCPE regorgent de renseignements pertinents et précieux. Il est également important de savoir à quel point l’information est désuète. La conclusion s’appuie-t-elle sur une source de rejets, une utilisation ou un volume particuliers?

L’accès à cette information serait très utile pour les utilisateurs cherchant à comprendre le pour et le contre. L’information serait peut-être trop détaillée pour le citoyen moyen qui ne veut qu’un résumé, mais il serait bénéfique pour tous les autres intervenants d’avoir ces renseignements détaillés à jour. L’information existe, mais il est très difficile d’y accéder pour la simple raison qu’il est très compliqué de faire des recherches dans le registre.

La sénatrice Seidman : Est-ce que d’autres témoins aimeraient répondre à cette question sur une base de données électronique interrogeable?

M. Boyd : Un tel outil donnant accès à ces renseignements de façon transparente s’harmoniserait complètement avec l’exercice du droit des Canadiens à un environnement sain. Je serais en faveur de l’ajout dans la loi de ce type de disposition pour l’accès à l’information.

La sénatrice Seidman : La transparence pour tous est précisément l’objectif. Même si l’information est trop technique pour certains, l’objectif serait réalisé. Merci beaucoup.

Monsieur Castrilli, avez-vous des observations à ce sujet?

M. Castrilli : Je suis d’accord avec M. Boyd. Une telle disposition favoriserait la population générale qui aurait un accès accru à l’information portant sur ces enjeux.

[Français]

La sénatrice Galvez : Ma question s’adresse à Mme Joseph.

[Traduction]

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez affirmé que la modernisation de la LCPE empiète sur les champs de compétences des provinces et pourrait miner les pouvoirs des provinces en matière de ressources naturelles. Je crois cependant que vous conviendrez que la réglementation fédérale existe pour mettre fin à la pollution et que le gouvernement fédéral a compétence en atténuation et en contrôle de la pollution.

Votre titre englobe les affaires autochtones, et j’aimerais vous entretenir du nouveau volet de la LCPE sur les effets cumulatifs. De nombreuses études ont établi le lien entre l’incidence de cancers dans la communauté des Chipewyans et les sables bitumineux. Étant donné le projet de déverser les bassins de résidus dans les rivières et les articles scientifiques examinés par les pairs qui établissent le lien entre le cancer et les produits pétroliers, pouvez-vous nous indiquer si vous étudierez les effets cumulatifs chez les populations vulnérables si ce projet de loi est adopté? Merci.

Mme Joseph : Je crois que votre question porte sur les rejets miniers. Nous appuyons les démarches en cours entre les provinces, le gouvernement fédéral et les communautés autochtones sur l’élaboration d’une réglementation liée au rejet des eaux des mines, et nous voulons nous assurer que le processus est suivi de façon appropriée et sécuritaire.

La sénatrice Galvez : Merci. J’ai une question pour M. Castrilli. Vous semblez ne pas approuver l’approche qu’a choisie le gouvernement pour gérer les produits chimiques, et je suis dans une certaine mesure d’accord avec vous. Je veux confirmer auprès de vous que vous êtes bien d’avis qu’il aurait fallu d’abord réduire la pollution à la source pour ensuite cerner les vecteurs d’exposition et finalement déterminer les récepteurs et le type d’exposition, c’est-à-dire aiguë ou chronique. Pouvez-vous faire des observations sur ces différentes approches de gestion des substances chimiques?

M. Castrilli : Je vous remercie de la question, sénatrice. La divergence, si je puis m’exprimer ainsi, entre notre approche pour la LCPE et celle dans laquelle le gouvernement du Canada semble vouloir s’ancrer, repose sur deux discordances.

Tout d’abord, la partie 4 était conçue pour éliminer les substances les plus dangereuses du marché canadien. C’était en tout cas ce à quoi s’attendait le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes en 1995 lorsqu’il a étudié ce qui est devenu la version actuelle de la LCPE. C’était l’essence même de la partie 4.

Au cours des deux décennies suivantes, le gouvernement a permis que la partie 4 devienne en quelque sorte une autre partie 5 puisque l’industrie peut, lorsque le ministre choisit d’élaborer un plan, prendre la voie de la réduction de la pollution. En d’autres mots, les substances qui sont parmi les plus dangereuses au pays peuvent rester dans le marché. En fin de compte, on autorise que ces substances retournent dans l’environnement.

Le gouvernement dispose déjà de la partie 4, dont le but consiste à éliminer la création et l’utilisation des substances figurant dans l’annexe 1 lorsque c’est nécessaire. Selon moi, en raison de la nature discrétionnaire du libellé actuel de l’article 56, l’objectif n’a pas été réalisé. Dans les faits, des exercices de réduction de la pollution sont effectués en vertu de la partie 4 alors qu’ils devraient se retrouver dans la partie 5. De plus, nous n’éliminons pas les pires substances de toutes du marché, alors que c’était sans contredit l’intention du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes.

Si vous jetez un coup d’œil au rapport de ce comité, vous y verrez que, à long terme, la prévention de la pollution devait remplacer la réduction de la pollution créée par les substances nommées dans l’annexe 1. Ce n’est pas ce qui se produit, et, à mon humble avis, les données que nous avons recueillies de 2006 à 2018 démontrent des augmentations spectaculaires des produits chimiques de la pire espèce qui se déplacent de l’air au sol, où ils demeurent présents dans l’environnement.

Les approches privilégiées diffèrent donc par rapport à une partie de la loi. Je croyais que le débat avait été clos il y a 20 ans, mais on dirait que ce n’est pas le cas. C’est la raison pour laquelle, 20 ans plus tard, nous répétons les arguments que nous avons fait valoir à l’époque, soit que la partie 4 doit porter sur la prévention, et non pas sur la réduction, de la pollution.

La sénatrice Sorensen : Ma question sera assez brève. Elle s’adresse à Mme Laurie-Lean. Les opinions divergent quant à la liste de surveillance proposée pour les substances qui peuvent devenir toxiques, et le gouvernement a affirmé qu’elle permettrait simplement à l’industrie d’éviter des substitutions regrettables. Vous avez fait des observations sur cette liste de surveillance — que vous n’avez pas appelée ainsi — et j’aimerais savoir si vous pouvez donner plus de détails sur les inconvénients que vous y voyez.

Mme Laurie-Lean : Chaque explication qu’on nous a donnée de la forme que prendrait cette liste a été différente, ce qui est quelque peu inquiétant. L’élément le plus important est néanmoins que, comme le propose le projet de loi S-5, une nouvelle liste sera créée. Le ministre aura le droit d’ajouter des substances à la liste, point à la ligne. Ce ne sont donc que des mots, et de tels mots impuissants ont tendance à représenter des options malsaines.

La possibilité de prendre la décision d’intervenir ou de ne pas intervenir par rapport à l’annexe 1 existe déjà. Maintenant, une substance peut être ajoutée à la liste sans devoir passer à l’action. Si, dans certaines circonstances, l’exposition actuelle est très faible et qu’on veut empêcher une augmentation de volume — l’utilisation pourrait rester la même alors que le volume augmenterait —, les volumes feront l’objet d’une surveillance. Ce serait une intervention bénéfique. Si on est incertain, on peut faire de la surveillance, de la recherche ou des études. Si l’objectif est d’empêcher de nouvelles utilisations, on peut avoir recours à la restriction des « nouvelles activités » puis informer la population que la substance est ajoutée à la liste. Il faut accomplir un geste concret : on ne peut pas simplement ajouter une substance à la liste et se croiser les bras.

La sénatrice Sorensen : Je vous remercie de votre franchise que je vous suis reconnaissante d’exprimer. Je n’ai pas d’autres questions.

Le président : Sénatrice McCallum, toutes mes excuses. À mon écran, vous n’étiez pas au haut de la liste.

La sénatrice McCallum : Ma question s’adresse à M. Castrilli. Je vous remercie de votre travail approfondi pour la protection de l’environnement. Quand je lis le projet de loi, je constate que la LCPE de 1999 n’a pas donné les résultats escomptés. Par conséquent, il y a eu une augmentation des produits chimiques toxiques et du nombre de morts prématurées, surtout au Québec et en Ontario où on en dénombre 4 000 et 6 600 respectivement. L’application trop peu rigoureuse de la prévention de la pollution, le retrait de la quasi-élimination, la suppression de l’annexe 1 — la liste des substances toxiques —, l’absence de niveau contraignant pour la qualité de l’air ambiant et l’absence de recours judiciaires pour les particuliers sont autant d’éléments qui minent le droit à un environnement sain.

Que donnera ce projet de loi, surtout pour les populations vulnérables, y compris les Premières Nations, si le projet de loi n’est pas amendé? Merci.

M. Castrilli : Je vous remercie de la question, sénatrice McCallum.

J’ai l’impression que la version actuelle du projet de loi S-5 propose de menus changements à une loi qui, au cours des 20 dernières années, a créé de nombreux besoins insatisfaits. Nous avons dressé la liste d’environ sept ou huit de ces besoins insatisfaits dans nos mémoires de février. Puis, nous avons tenté de déterminer comment résoudre ces problèmes dans nos mémoires de mars en rédigeant nos ébauches d’amendements.

À mon humble avis, comme il semblerait que cette loi est seulement modifiée tous les 20 ans, si nous n’apportons pas les changements que nous proposons aujourd’hui, les mêmes problèmes ne seront toujours pas réglés lorsque nous nous pencherons à nouveau sur la loi vers l’année 2040. La seule différence sera que 40 ans se seront écoulés sans que nous nous soyons attaqués aux problèmes. Je crois donc que nous devons commencer dès maintenant. Nos propositions ne sont peut-être pas exhaustives par rapport à tout ce qui doit être réglé, mais nous avons réellement tenté de proposer des solutions aux enjeux qui doivent être traités immédiatement à la lumière des données disponibles. C’est ce qui explique que nos amendements sont en fait plus longs que le projet de loi lui-même. La situation est à ce point urgente.

La sénatrice McCallum : Madame Joseph, j’aimerais revenir à la question sur les fossés intergouvernementaux dans lesquels tombent les Premières Nations et qui expliquent pourquoi elles ne peuvent recourir aux lois fédérales ou provinciales. À cause de ces fossés, leurs communautés sont entourées de déchets toxiques. Je pense au pétrole, au gaz et aussi aux mines. Je pense aux bassins de résidus.

Que fait l’Association canadienne des producteurs pétroliers, l’ACPP, pour remédier à ce problème? Je pose la question parce que, sauf erreur de ma part, les bassins de résidus atteindront bientôt leurs limites, et leur contenu pourrait se déverser dans la rivière Athabasca. Merci.

Mme Joseph : Merci, sénatrice. Comme j’ai commencé à l’expliquer tout à l’heure, les membres versent environ 50 millions de dollars par année pour la protection de l’environnement dans le cadre d’un processus de gestion des résidus dans la région des sables bitumineux. En outre, un groupe réunit les communautés autochtones, le gouvernement provincial et l’industrie afin que les parties prenantes discutent de la gestion de résidus et de l’environnement en général. Il y a aussi un processus d’élaboration de réglementation en ce sens.

Nos membres s’engagent sans réserve à gérer de façon sécuritaire tous les sous-produits de nos opérations et à remettre les sites en état lorsque ces opérations cessent. Notre engagement demeure indéfectible.

Le sénateur Patterson : Je remercie les témoins. Mes questions, au nombre de deux, s’adressent à Mme Joseph. Vous avez affirmé que le projet de loi S-5 propose toutes sortes de nouveaux termes qui se préciseront plus tard et que nous ne connaissons pas du tout l’issue des consultations, ce qui créera de l’incertitude. Comme vous le savez, des procédures judiciaires sont en cours en Ontario et à la Cour fédérale afin de réclamer une définition et une étude du droit à un environnement sain.

J’aimerais savoir si vous pouvez recommander une solution à ce problème et à l’incertitude que l’adoption de ce projet de loi entraînera. Y a-t-il moyen de composer avec l’incertitude qui nous attend?

Mme Joseph : Merci, sénateur. À notre avis, le processus de deux ans est important pour élaborer ces concepts. La formulation du projet de loi est l’une de nos préoccupations. Il énonce qu’il y aura une consultation et que le ministre tiendra compte de certains éléments, et qu’il y aura un cadre de mise en œuvre. La façon dont ces concepts seront mis en œuvre et leurs conséquences ne sont pas claires. Nous savons qu’en ce qui a trait à la confiance des investisseurs, cela pourrait avoir une incidence sur la délivrance des permis et sa mise en suspens. C’est ce que nous avons connu en Colombie-Britannique au cours des derniers mois.

Nous croyons qu’il sera important d’examiner certains de ces processus ou de préciser la façon dont ces concepts seront gérés avant qu’ils entrent en vigueur.

Le sénateur Patterson : Vous avez parlé de la confiance des investisseurs. J’ai osé dire au ministre Guilbeault, lorsqu’il a présenté ce projet de loi, que je craignais qu’en raison du climat d’incertitude qu’entraînerait le projet de loi S-5, il exacerbe la tendance relative à la fuite des capitaux au pays. Le ministre m’a demandé de le prouver. J’aimerais vous demander de nous décrire la tendance relative aux investissements en capitaux des producteurs de pétrole, et de nous donner des chiffres concrets, au nom de l’industrie de l’énergie et de vos membres.

Mme Joseph : En 2014, notre secteur a attiré environ 81 milliards de dollars d’investissements en capitaux. Tout juste avant la pandémie, ce montant est passé à 30 milliards de dollars. Il y a eu une importante fuite des capitaux au cours de cette période et notre industrie représente le plus important investissement de capitaux dans le secteur privé au Canada. Ce sont des changements importants.

Tout ce que le Canada pourra faire pour établir des cadres stratégiques clairs, qui permettront aux promoteurs de comprendre la façon dont les règles seront appliquées, qui sont prévisibles et transparents — tous les concepts dont nous avons entendu parler aujourd’hui — sera important.

Le sénateur Patterson : Vous avez parlé de l’expérience de la Colombie-Britannique avec les investissements en capitaux. Est-elle pertinente pour le projet de loi? Pouvez-vous nous dire à quoi vous faites référence, s’il vous plaît?

Mme Joseph : Dans le document d’information transmis aux membres du comité, j’ai évoqué l’expérience de la Colombie-Britannique à la suite de la décision du tribunal dans l’affaire Yahey c. Colombie-Britannique, qui portait sur les effets cumulatifs associés aux droits. La situation n’est pas réglée, mais elle a donné lieu à la suspension de la délivrance des permis pendant plusieurs mois... les permis pour tous les secteurs, notamment le secteur pétrolier et gazier, de la foresterie, et cetera. Bien que la situation soit rétablie, certains investissements ont été faits de l’autre côté de la frontière et la création d’emplois n’a pas eu lieu. Cela démontre l’importance de bien faire les choses et d’expliquer clairement les nouveaux concepts qui sont introduits dans la loi, de sorte que les responsables de sa mise en œuvre et les promoteurs qui doivent la respecter comprennent l’environnement dans lequel ils travaillent et qu’ils puissent bien collaborer avec leurs partenaires sur le terrain.

Le président : Monsieur Boyd, vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Boyd : J’ai plusieurs points à faire valoir.

Le premier a trait aux injustices environnementales et à leur lien avec le projet de loi S-5. C’est une question de prévention. La situation est horrible au pays : à Fort Chipewyan, Aamjiwnaang, Grassy Narrows et Boat Harbour, les Autochtones souffrent des effets à long terme de l’exposition à la pollution atmosphérique, à la pollution de l’eau et aux produits chimiques toxiques. Nous sommes au XXIe siècle : nous pouvons tous convenir que la situation est inacceptable et qu’il faut éviter que d’autres du genre se reproduisent. Nous pouvons aussi convenir qu’il faut nettoyer les dégâts et restaurer les zones touchées. Cela revient aussi à la question des investissements. En tant que pays, est-ce que nous voulons des investissements qui endommagent ou détruisent notre environnement et qui vont à l’encontre des droits de la personne, ou est-ce que nous voulons des investissements qui nous propulsent vers un avenir durable?

Les rapports de l’Agence internationale de l’énergie nous mettent en garde : des investissements continus dans le pétrole, le gaz et le charbon entraînent un risque associé aux actifs délaissés. On peut penser à un pays comme la Norvège, qui a intégré le droit à un environnement sain à sa constitution — sa loi suprême — dès le début des années 1990. La Norvège a des lois environnementales extrêmement strictes, et son industrie pétrolière et gazière, fondée sur les normes les plus élevées au monde, est florissante.

Enfin — et c’est un peu accessoire au projet de loi S-5, mais la sénatrice Galvez en a parlé —, le déversement de déchets toxiques ou autres sur n’importe quel territoire provincial ou fédéral du Canada peut entraîner des amendes de centaines de milliers de dollars dans certaines administrations. L’amende maximale dans certaines provinces est de plusieurs millions de dollars. Or, aujourd’hui, en 2022, l’amende maximale pour le déversement de déchets toxiques dans les réserves indiennes du Canada est de 100 $. Donc, où croyez-vous que les entreprises criminelles vont déverser leurs déchets? Sur les terres provinciales où elles risquent une amende d’un million de dollars ou sur une réserve indienne où l’amende maximale est de 100 $? C’est absolument inadmissible. J’encourage les sénateurs à prendre des mesures pour corriger la situation.

Le président : Il nous reste cinq minutes. Je vais utiliser ce temps pour poser une question.

Monsieur Castrilli, je vous ai écouté et j’ai lu votre rapport. Vous établissez clairement que vous devez assurer une diminution importante des matières toxiques dans l’air, mais la partie terrestre a augmenté de manière très importante. Vous avez aussi parlé du Québec. Je crois que bon nombre des Canadiens qui nous écoutent ce soir seront offusqués et contrariés de notre mauvaise gestion de nos propres ressources, au détriment de notre santé.

J’aimerais qu’on joue à un jeu. Madame Joseph, madame Laurie-Lean, si vous deveniez ministres de l’Environnement demain matin et que vous entendiez cela, que feriez-vous, à part être contrariées? Que feriez-vous différemment de ce que nous faisons aujourd’hui et qui ne fonctionne pas?

Mme Laurie-Lean : Premièrement, j’examinerais les chiffres, parce que M. Castrilli n’exprime peut-être pas la réalité. Certains de ses chiffres sur la « croissance » reflètent un changement dans les exigences en matière de déclaration au cours de cette période. Je ne pourrais vous en dire plus sans voir toutes les données. J’ai vu de telles déclarations auparavant, et elles ne reflètent pas les changements apportés à la déclaration aux fins de l’Inventaire national des rejets de polluants, qui ont été très importants au fil du temps.

Deuxièmement, l’annexe 1 n’est pas la liste des substances les plus dangereuses et les plus toxiques. Il s’agit de la liste des substances qui correspondent à la définition de l’article 64, soit une association de danger et de volume. Certains des éléments s’y retrouvent uniquement en raison du volume utilisé. Nous ne pouvons rien utiliser de façon négligente ou irréfléchie. C’est pourquoi ces éléments s’y retrouvent et sont réduits. Certains de ces énoncés sont un peu trompeurs.

Le président : Madame Joseph?

Mme Joseph : Nos membres prennent la sécurité très à cœur et dépensent plus en gestion environnementale que toute autre industrie au pays. Le dernier montant publié sur notre site Web était de 3 milliards de dollars. Je serai heureuse de transmettre les renseignements aux membres du comité. Nous sommes déterminés à améliorer le rendement environnemental de notre industrie de façon continue par l’entremise de diverses initiatives, notamment la capture et la séquestration du carbone. Je suis heureuse d’entendre d’autres témoins évoquer le leadership de la Norvège à cet égard. Elle a réussi à mettre en œuvre ces innovations, et le Canada vise les mêmes objectifs. Nous allons continuer à travailler pour assurer ce leadership environnemental pour l’avenir et pour demeurer une industrie importante au pays, qui fournit au monde un produit dont il a besoin à l’heure actuelle, tout en réduisant les émissions et les répercussions environnementales.

Le président : Monsieur Castrilli, c’est vous qui avez le dernier mot.

M. Castrilli : Premièrement, les chiffres que nous avons transmis au comité sont ceux transmis par les membres de l’industrie au gouvernement fédéral par l’entremise de l’Inventaire national des rejets de polluants. Ils ont aussi été examinés par la Commission de coopération environnementale. Cette agence internationale tripartie a examiné les chiffres et ils sont exacts, même s’ils sont étonnants et tragiques à de nombreux égards.

Deuxièmement, il y a 43 substances cancérogènes à l’annexe 1 et les données que nous avons fournies au comité portent sur ces substances. Nous vous avons transmis les pires données qui existent au Canada. À mon humble avis, il n’y a aucune raison de croire que ces chiffres sont erronés ou de les mettre en doute.

Le président : Merci beaucoup. Voilà qui met fin à la première partie de notre réunion. Au nom du public et des sénateurs présents, je tiens à remercier les représentants de l’Association canadienne du droit de l’environnement : M. Castrilli et Mme Fe De Leon, chercheuse; Mme Justyna Laurie-Lean, vice-présidente, Environnement et affaires réglementaires pour l’Association minière du Canada; Mme Shannon Joseph, vice-présidente, Relations gouvernementales et affaires autochtones pour l’Association canadienne des producteurs pétroliers et M. David Boyd, professeur associé, Institut des ressources, de l’environnement et de la durabilité, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel. Merci d’avoir été avec nous ce soir, d’avoir partagé vos connaissances et d’avoir fait des recommandations. C’est très important pour le Canada, et nous vous remercions grandement au nom de tous nos collègues.

[Français]

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons Mme Cassie Barker, gestionnaire principale des programmes, Substances toxiques, de l’Association de défense de l’environnement; Mme Elaine MacDonald, directrice du programme Communautés en santé, d’Ecojustice Canada; Mme Toolika Rastogi, directrice principale, Politiques et recherche, et Mme Elisabeth Ormandy, directrice générale, Canadian Society for Humane Science, de Humane Canada; Mark Butler, conseiller principal, accompagné de Hugh Benevides, conseiller législatif, de Nature Canada.

Bienvenue à tous, et merci d’avoir accepté notre invitation.

Madame MacDonald et madame Barker, il était entendu que vous alliez vous partager les quatre minutes; je vous donne donc la parole.

[Traduction]

Elaine MacDonald, directrice du programme Communautés en santé, Ecojustice Canada : Je suis désolée. On m’avait dit que je disposais de quatre minutes pour ma déclaration préliminaire. Je vais tenter de faire vite.

Bonjour, honorables sénateurs, et merci de m’inviter à témoigner devant vous ce soir.

Le 25 avril, Ecojustice, la plus importante organisation de bienfaisance spécialisée dans le droit de l’environnement au Canada, a transmis au comité un mémoire écrit en collaboration avec la Fondation David Suzuki, Environmental Defence, l’Association canadienne des médecins pour l’Environnement et Action cancer du sein Québec. Notre mémoire contient huit recommandations en vue de modifier le projet de loi S-5. Je vais rapidement aborder trois de ces recommandations, mais avant, je tiens à souligner qu’il y a d’autres parties de la LCPE qui doivent être modernisées et qui ne sont pas modifiées par le projet de loi S-5, notamment la partie 6 portant sur la biotechnologie, les normes relatives à la qualité de l’air ambiant et les dispositions portant sur la mise en œuvre par les citoyens.

Pour faire écho aux commentaires de David Boyd, je dirais que nous recommandons fortement la modification du paragraphe 3(2) sur le droit à un environnement sain afin de retirer la partie de la disposition voulant qu’on doive soupeser ce droit avec des facteurs pertinents, notamment sociaux, économiques, scientifiques et relatifs à la santé. Nous reconnaissons que le droit à un environnement sain, tout comme les autres droits de la personne — et les autres obligations énoncées dans la LCPE —, seront assujettis à des limites raisonnables, qui peuvent être justifiées en fonction de l’objectif de la loi. Toutefois, la formulation du projet de loi S-5 mine ce droit et élève d’autres facteurs — notamment des facteurs économiques — de manière inappropriée au même niveau que le droit à un environnement sain.

L’article 29 prévoit le pouvoir discrétionnaire du ministre de recommander un règlement d’interdiction obligatoire pour les substances au plus haut niveau de risque. Il serait plus approprié d’établir les critères qui restreignent ce pouvoir discrétionnaire. Autrement, la disposition risque de donner lieu à des décisions arbitraires qui ne se fondent pas sur la science. Nous recommandons de modifier l’article 29 afin de préciser les exceptions relatives au règlement d’interdiction obligatoire dans trois situations seulement : si l’activité ou le rejet de la substance n’est pas continu; si cela peut être entrepris d’une manière qui élimine tous les effets nocifs sur l’environnement et la santé humaine; pour des utilisations essentielles pour lesquelles il n’existe pas de solutions de rechange moins nocives.

Nous recommandons également des modifications relatives aux échéanciers. La législation sur les délais d’exécution améliorera la reddition de comptes et évitera les longs délais dans la finalisation des évaluations et la mise en œuvre des règlements et des instruments de gestion des risques nécessaires pour protéger la santé humaine et l’environnement. Les longs délais, qui peuvent s’étendre sur des années, voire des décennies, ne sont pas rares à mesure que les substances franchissent les diverses étapes prévues par la LCPE. Pour mettre fin à la longue attente entre la publication d’une ébauche d’évaluation et celle de l’évaluation définitive, nous recommandons que le paragraphe 21(2) du projet de loi soit amendé pour exiger la production de la version définitive d’une évaluation selon un délai maximal d’un an, sauf s’il est nécessaire de recueillir des données supplémentaires ou de mener d’autres études.

Enfin, je tiens à souligner notre appui à l’égard de la liste de surveillance, à l’article 20. Cette liste agit à titre de système d’avertissement rapide au sujet des substances qui pourraient un jour répondre à la définition de « toxicité » de la LCPE. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une liste réglementaire, la liste de surveillance permet aux utilisateurs de produits chimiques d’éviter ces substances si possible, afin de ne pas avoir à faire face à des restrictions réglementaires plus tard. La liste de surveillance représente une façon élégante d’avoir une longueur d’avance en matière de toxicité et d’éviter les substitutions regrettables qui peuvent être faites lorsqu’une autre substance toxique remplace une substance interdite ou d’usage restreint.

Les avis de nouvelles activités ou avis de NAc, comme on les appelle, ne peuvent avoir la même fonction que la liste de surveillance. Les avis de NAc sont des instruments réglementaires émis après l’évaluation d’une substance. De plus, la liste de surveillance est considérée à titre de nouvelle idée. Dans les débuts de la LCPE, la Liste des substances prioritaires du paragraphe 76(1) contenait un langage similaire à celui proposé dans le projet de loi S-5 et était utilisée de manière efficace au cours des premiers jours de la mise en œuvre de la LCPE.

Ce sont mes commentaires. J’espère que nous avons le temps d’entendre M. Barker.

Cassie Barker, gestionnaire principale des programmes, Substances toxiques, Association de défense de l’environnement : Merci.

En plus de toutes ces modifications importantes, j’ajouterais les suivantes : exiger une évaluation des effets nocifs des produits chimiques qui touchent les populations vulnérables de façon disproportionnée; évaluer les risques cumulatifs pour l’environnement; établir des critères d’acceptation des demandes de confidentialité plus stricts qui amélioreront l’accès du public aux données sur les risques pour l’environnement et la santé; et exiger l’étiquetage des ingrédients dangereux.

J’ajouterais que les substances toxiques de façon générale nuisent à notre santé, endommagent la biosphère et minent la confiance du public.

Pour faire écho aux propos de mes collègues, je dirais que les personnes autochtones, racialisées et marginalisées sont particulièrement touchées. Ces communautés sont exploitées et leurs corps sont pollués de manière disproportionnée. Elles ont désespérément besoin de toute notre attention et de nos actions.

Comme vous le savez, les cancers associés à l’exposition, les dommages neurodéveloppementaux et bon nombre d’autres effets chroniques sur la santé nous volent notre avenir. Bien que les communautés marginalisées portent le fardeau le plus lourd et subissent le plus de conséquences, ces effets se font sentir parmi toutes les communautés, tous les groupes d’âge, tous les niveaux de revenus et toutes les affiliations politiques. Nous devons tout d’abord réduire l’exposition et, à tout le moins, veiller à ce que l’étiquetage des ingrédients dangereux soit obligatoire pour assurer la transparence — comme nous en avons discuté aujourd’hui — et répondre à notre droit de savoir.

Nous devons aussi accroître la transparence et l’intérêt de la population en restreignant les demandes de confidentialité des renseignements commerciaux sur les dangers pour la santé publique et les substances écotoxiques. La science nous a démontré que nous avons dépassé la capacité de notre planète à absorber les soi-disant « nouvelles entités » comme les produits chimiques synthétiques, les plastiques et les pesticides, et que les législateurs et l’industrie doivent restreindre de façon drastique ces émissions.

D’autres pays et législateurs semblent comprendre que nous avons dépassé la capacité de notre planète à absorber les effets de la pollution attribuable à l’appât du gain. Ils comprennent l’urgence de la situation. Ils agissent à la lumière des plus récentes données scientifiques et dans l’intérêt du public en vue de changer de cap et d’éviter de causer d’autres torts. Ils créent des règles plus équitables pour les entreprises qui utilisent des produits chimiques non toxiques pour fournir les mêmes services et fonctions à la société. Contrairement à la perte d’investissements que connaissent d’autres industries, on observe un mouvement massif de capitaux vers des secteurs comme ceux de la chimie verte et des substances et matières premières d’origine biologique.

Nous aussi, nous pouvons être ambitieux, et le projet de loi S-5 est un point de départ, mais il nécessite des modifications pour une réforme plus approfondie et plus rigoureuse des principaux éléments de la LCPE. Comme l’a mentionné Mme MacDonald, les amendements que nous proposons aideront le gouvernement à préciser ce à quoi il aspire et à mettre l’accent sur la protection des droits environnementaux et l’amélioration de la gestion des produits chimiques. Je vous remercie.

Le président : Madame Rastogi, la parole est à vous.

Toolika Rastogi, directrice principale, Politiques et recherche, Humane Canada : Bonjour, honorables sénateurs et chers collègues, et merci beaucoup de m’avoir invitée à témoigner devant vous aujourd’hui.

Humane Canada est la fédération des sociétés pour la prévention de la cruauté envers les animaux, ou SPCA, et des sociétés de protection des animaux. Nos 53 organisations membres et 15 associations affiliées sont présentes dans chaque province et dans deux territoires, tant en milieu rural qu’en milieu urbain. Il s’agit de petites sociétés locales fondées sur le bénévolat, ainsi que d’organisations à l’échelle provinciale. D’ailleurs, nous comptons parmi nos membres la plus grande SPCA du continent.

Nous rassemblons certaines des plus anciennes institutions sociales du pays. Notre membre le plus ancien a été fondé deux ans après la Confédération. En fait, Humane Canada a vu le jour il y a 65 ans, en partie, dans cette enceinte. Nous tenons à remercier le Sénat de son excellent travail soutenu en faveur des animaux.

Humane Canada épouse le concept d’une seule santé et d’un seul bien-être, concept qui reconnaît l’interdépendance entre la santé et le bien-être des humains et des animaux et l’intégrité de l’environnement que nous partageons tous. Nous appuyons fermement les objectifs du gouvernement consistant à moderniser la LCPE au moyen de ce projet de loi et à protéger la santé humaine et l’environnement.

Humane Canada se réjouit également de l’engagement du gouvernement à éliminer les essais de toxicité sur les animaux d’ici 2035, ce qui permettrait au Canada de rattraper ses partenaires réglementaires, les États-Unis et l’Union européenne, qui ont déjà pris des mesures pour atteindre cet objectif.

À cette fin, il est essentiel que le projet de loi S-5 contienne des dispositions de fond, au-delà du préambule, et qu’il aborde la question de l’expérimentation animale de manière ciblée et concrète.

La Canadian Society for Humane Science, une de nos associations affiliées, possède une expertise très pointue en ce qui concerne l’utilisation des animaux en science. Je suis donc ravie que ma collègue, Mme Elisabeth Ormandy, soit là aujourd’hui. Je lui cède la parole.

Elisabeth Ormandy, directrice générale, Canadian Society for Humane Science, Humane Canada : Merci, madame Rastogi.

Les essais de toxicité constituent la forme d’utilisation d’animaux la plus néfaste dans le domaine scientifique canadien. Heureusement, les méthodes ne faisant pas appel aux animaux présentent plusieurs avantages par rapport aux approches traditionnelles fondées sur l’expérimentation animale. En effet, les méthodes ne faisant pas usage d’animaux peuvent fournir des informations plus fiables et plus pertinentes sur les dangers potentiels; elles sont plus rapides et plus complètes; enfin, dans les cas où il est possible de faire des comparaisons, leur capacité de prédiction est égale ou supérieure à celle des modèles faisant appel à l’expérimentation animale.

Pour faire avancer l’engagement du gouvernement à l’égard de l’objectif de 2035, nous recommandons qu’en plus du libellé du préambule, le projet de loi S-5 modifie la LCPE pour, premièrement, inclure un libellé qui accorde la préférence aux méthodes ne faisant pas appel aux animaux plutôt qu’aux données dérivées de l’expérimentation animale.

Deuxièmement, il faut exiger l’élaboration d’un plan stratégique décrivant la voie à suivre pour réduire l’utilisation des animaux à des fins d’essai, ainsi que la production de rapports annuels au regard de ce plan.

Troisièmement, il faut utiliser un libellé qui accorde la priorité à la réduction et au remplacement des animaux plutôt qu’au raffinement, puisque ce dernier est moins pertinent dans le contexte de l’élimination des essais sur les animaux.

De plus, nous souhaitons la création d’un comité consultatif qui serait chargé de superviser les activités visant à promouvoir l’élaboration et la mise en œuvre de méthodes de substitution à l’expérimentation animale, et il est également essentiel que ces efforts soient suffisamment financés.

Notre groupe d’ONG souscrit à ces recommandations, et les témoignages présentés au comité montrent que les organisations industrielles sont également favorables aux amendements qui accordent la priorité au remplacement et à la réduction de l’utilisation des animaux dans les essais de toxicité, ainsi qu’à l’élaboration d’un plan stratégique et à l’octroi d’un financement adéquat.

Pour terminer, nous aimerions remercier les membres du comité de nous avoir invitées à comparaître au sujet de cette question importante. La modernisation de la LCPE est une excellente occasion de mieux protéger l’environnement et la santé des Canadiens tout en éliminant progressivement l’utilisation inutile d’animaux dans des essais. De plus, elle permet d’assurer la position du Canada comme chef de file mondial dans l’élaboration de méthodes d’essai sans animaux. Nous vous exhortons donc à en tirer le meilleur parti. Merci.

[Français]

Le président : Merci. Monsieur Butler, vous pouvez maintenant commencer votre présentation d’ouverture.

[Traduction]

Mark Butler, conseiller principal, Nature Canada : Honorables sénateurs, je m’adresse à vous depuis Halifax, ou Kjipuktuk, sur les terres non cédées des Mi’kmaq. Je suis accompagné aujourd’hui de Hugh Benevides, qui, grâce à sa formation juridique, est le mieux placé pour répondre aux questions sur les amendements que nous proposons. M. Benevides se trouve sur le territoire du Traité no 7, dans la vallée de la Bow, en Alberta.

Je suis ici ce soir parce qu’en 2013, une entreprise appelée AquaBounty voulait produire le premier aliment génétiquement modifié d’origine animale au monde, un saumon de l’Atlantique, sur l’Île-du-Prince-Édouard. Comme Karen Wristen, de la Living Oceans Society, vous l’a expliqué jeudi dernier, la partie 6 de la LCPE a permis à cette proposition et à l’évaluation des risques d’aller de l’avant sans aucun avis public, sans aucune participation des citoyens et sans aucune consultation des Autochtones, pour autant que nous le sachions. Les connaissances autochtones n’ont pas non plus été intégrées à l’évaluation des risques.

Le risque pour le saumon sauvage et les conséquences pour les droits des peuples autochtones nous ont poussés — moi, ainsi que mon organisation à l’époque, et maintenant Nature Canada —, à nous impliquer. Le génie génétique est une technologie très puissante. Nous avons maintenant le pouvoir de modifier le génome et, par conséquent, les traits héréditaires de n’importe quelle espèce sur la planète. Or, ce pouvoir s’accompagne de risques considérables. Contrairement à de nombreux dossiers auxquels j’ai travaillé, cette technologie n’en est qu’à ses débuts. Nous avons la possibilité de prévenir un problème plutôt que d’essayer de nettoyer les dégâts après coup. Voilà qui semble approprié pour la LCPE, dont le titre long est Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l’environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable.

Cette technologie fait son apparition à un moment où la nature est vraiment en péril. Le Canada s’est joint à d’autres pays du G7 pour stopper et inverser la perte de biodiversité d’ici 2030. Cet engagement devrait placer la barre encore plus haut pour les nouvelles technologies.

Nous avons proposé six amendements, entre autres l’harmonisation de la LCPE avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA, l’exigence d’une transparence en temps voulu dans les notifications et les demandes d’exemption prévues dans la partie 6 de la LCPE, l’exigence d’une participation concrète de la population aux évaluations des risques et le renversement du fardeau de la preuve afin que les promoteurs soient tenus de prouver qu’un nouvel organisme génétiquement modifié est nécessaire.

En 2017, après une étude approfondie de la LCPE, le Comité de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes a publié un rapport. Dans son rapport, le comité a déclaré ceci :

[...] le régime de réglementation actuel des organismes génétiquement modifiés comporte des lacunes qui l’empêchent de répondre adéquatement aux défis présentés par les progrès rapides de la biotechnologie. [...] Le Comité croit qu’il est temps de se pencher de nouveau sur les avenues possibles et d’établir un régime efficace de réglementation des organismes génétiquement modifiés.

Le comité a formulé plusieurs recommandations, dont la recommandation 26, qui préconise un processus d’évaluation des risques plus ouvert et plus inclusif. Malheureusement, au-delà de quelques modifications mineures à la partie 6, le projet de loi S-5 ne prévoit rien qui incarne l’esprit ou l’intention de cette recommandation.

Lorsque le projet de loi S-5 a été présenté, le gouvernement a également annoncé un examen des règlements qui s’appliquent à la partie 6. Nous saluons cette révision, mais elle ne fait pas l’affaire. Dans le cadre des réunions avec des représentants d’Environnement et Changement climatique Canada, l’examen proposé est apparu comme un exercice d’ordre administratif. Certaines des modifications que nous réclamons ne peuvent être apportées qu’à la loi.

Il nous semble que le gouvernement tente de faire adopter à la hâte par le Sénat un projet de loi déjà incomplet. Honorables sénateurs, nous vous demandons de prendre le temps d’apporter les modifications qui s’imposent à la partie 6, ainsi qu’à la partie 5, afin de protéger les Canadiens et l’environnement. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup à nos experts. Nous allons entamer la période des questions en commençant par le sénateur Kutcher, qui parraine le projet de loi.

Le sénateur Kutcher : Merci aux témoins. La première question s’adresse à Mme MacDonald. Madame MacDonald, si nous devions supprimer la disposition du « soupèsement », quelle en serait l’incidence, d’après vous, sur la protection du droit à un environnement sain?

Mme MacDonald : Cela rendrait le droit beaucoup plus concret aux termes de la LCPE. Il est vraiment difficile de savoir si le projet de loi, dans sa forme actuelle, aura une incidence réelle sur les décisions pouvant être prises en vertu de la LCPE, surtout en ce qui concerne l’exigence de soupeser ce droit avec des facteurs économiques. S’il s’agit de raisons sociales ou scientifiques, je peux comprendre l’importance de prendre en considération de tels facteurs dans l’application du droit. Ces éléments n’ont peut-être pas besoin d’être soupesés avec le droit, mais ils peuvent aider le gouvernement à décider comment appliquer le droit.

Nous sommes particulièrement préoccupés par l’exigence de soupeser ce droit avec des facteurs économiques et par l’éventualité que cela nuise à sa pleine application dans le cadre de la LCPE. Nous estimons que l’amendement aboutira à un processus décisionnel plus valable et plus solide, qui protège les gens contre les dommages environnementaux. Sans cet amendement, nous craignons sérieusement que le droit n’ait qu’une application très limitée, voire aucune application, aux termes de la loi.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup. Ma prochaine question s’adresse à Mme Ormandy. Existe-t-il un répertoire canadien qui recense les méthodes exemplaires ne faisant pas usage d’animaux dans les essais de toxicité et ayant une validité scientifique équivalente, méthodes qui pourraient être utilisées par des scientifiques universitaires ou industriels qui étudient la toxicité des substances? Y a-t-il une ressource que les gens peuvent consulter pour prendre connaissance de ces méthodes?

Mme Ormandy : Merci de votre question, sénateur. Je ne connais pas de répertoire canadien, mais le Canada est membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, qui répertorie de nombreuses méthodes acceptées de substitution à l’expérimentation animale pour les pays membres de l’OCDE.

Le sénateur Kutcher : Y a-t-il un organisme au Canada, sous l’égide des Instituts de recherche en santé du Canada ou du Conseil national de recherches du Canada ou d’une autre entité semblable, où les scientifiques canadiens auraient accès à cette information, ou doivent-ils aller chercher ailleurs?

Mme Ormandy : Nous avons effectivement le Canadian Centre for Alternatives to Animal Methods, créé assez récemment, et sa filiale, le Canadian Centre for the Validation of Alternative Methods, qui se trouve à l’Université de Windsor. C’est maintenant notre centre national pour les méthodes de substitution et de validation. Ce serait là un bon point de départ.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup.

La sénatrice Seidman : Ma question s’adresse à Elaine MacDonald, d’Ecojustice Canada et à Cassie Barker, de l’Association de défense de l’environnement. Dans votre mémoire, il y a cinq grandes recommandations. J’aimerais me pencher sur la cinquième, que Cassie Barker a mentionnée, et peut-être que vous pourriez toutes deux me répondre. Il s’agit de la recommandation suivante : « Des critères d’acceptation des demandes de confidentialité plus stricts qui amélioreront l’accès du public aux données sur les risques pour l’environnement et la santé ». Cette recommandation traite des questions de transparence. Vous dites que si nous apportions cette modification, la loi cadrerait avec celle d’autres pays comparables comme les États-Unis et les pays de l’Union européenne.

Pouvez-vous nous expliquer plus en détail la recommandation et l’exigence voulant que le fardeau de la preuve des demandes de confidentialité soit inversé? Merci.

Mme MacDonald : Voici ce que nous recommandons, et nous l’expliquons plus en détail dans un autre document que nous pouvons vous transmettre : au lieu d’accepter les demandes de protection des renseignements commerciaux confidentiels sans aucune évaluation, le ministre devrait être tenu de les examiner réellement et de s’assurer que ces renseignements remplissent les critères nécessaires afin de démontrer qu’ils sont vraiment confidentiels pour des raisons commerciales. C’est ce qui se fait aux États-Unis — du moins pour une partie des demandes, soit jusqu’à 25 % des cas — et dans l’Union européenne.

À notre connaissance, d’après la pratique actuelle au Canada, la loi n’exige pas que le ministre examine réellement ces demandes. Le projet de loi modifie légèrement cette disposition pour obliger les entreprises à donner des justifications, ce qu’elles n’avaient pas à faire auparavant; elles pouvaient se contenter de dire qu’il s’agit de renseignements commerciaux confidentiels, point final. Or, nous voulons que le ministre soit réellement tenu d’examiner ces renseignements et de décider s’il faut vraiment les garder confidentiels avant de les accepter comme tels.

C’est ce qui, selon nous, permettra d’accroître la transparence notamment en ce qui concerne la partie 6, comme M. Butler l’a mentionné, ainsi que les renseignements sur les nouvelles substances en vertu de la partie 5, qui, pour l’instant, fonctionne largement comme une boîte noire dans le cadre de la LCPE. Les gens ne savent pas grand-chose de la façon dont le gouvernement évalue les substances qui sont soumises aux processus prévus par la LCPE.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup.

La sénatrice Galvez : J’ai, moi aussi, une question pour Mme MacDonald. Lors d’une séance précédente, certains témoins ont remis en question la nécessité de la liste proposée pour les substances potentiellement toxiques, appelée liste de surveillance. De l’avis d’un témoin, une liste de surveillance ne fonctionnera pas lorsque des substances peuvent être désignées sans qu’il y ait un processus de priorisation prévisible.

Un deuxième témoin de l’industrie nous a dit qu’il y aurait un chevauchement entre la liste et les deux parties de l’annexe 1. Un troisième a déclaré que la disposition actuelle de la LCPE relative aux nouvelles activités remplit déjà la tâche visée par la liste proposée. Il y a donc une certaine confusion à ce sujet.

Puisque vous accueillez favorablement cette nouvelle liste dans un mémoire antérieur soumis au comité, que répondriez-vous à ces observations formulées par d’autres intervenants?

Mme MacDonald : Voyons voir si je peux me souvenir de tout cela. Tout d’abord, j’ai déjà parlé de la question concernant les avis de nouvelles activités. Il s’agit en fait d’instruments réglementaires émis après l’évaluation d’une substance. La liste de surveillance permet d’inscrire des substances qui n’ont pas encore été évaluées, mais qui pourraient s’avérer toxiques au terme de leur évaluation. Elle fonctionne comme un système d’alerte rapide pour aviser l’industrie ou les utilisateurs qu’il serait peut-être sage d’éviter ces substances, surtout en tant que produits chimiques de substitution, car tout porte à croire qu’elles pourraient être réglementées à l’avenir. Ainsi, on n’aurait pas à adopter de futurs règlements.

Nous observons sans cesse de telles substitutions regrettables lorsque des produits chimiques sont interdits et qu’un nouveau produit vient les remplacer. Il suffit de songer au BPA et au BPS. Mme Barker et moi-même pourrions vous donner de nombreux exemples de ce genre de situation, malheureusement. La liste de surveillance est en quelque sorte un moyen d’essayer de régler ce problème sans en faire une exigence réglementaire. Ce n’est qu’une façon polie de dire qu’on ne devrait probablement pas utiliser ces substances.

J’essaie de me souvenir des deux autres points. L’autre concernait le chevauchement entre la liste et l’annexe 1. Non, si une substance figure à l’annexe 1, elle ne serait pas inscrite sur la liste de surveillance. Si un produit est mentionné dans une annexe, c’est qu’il a déjà été jugé toxique; je ne comprends donc pas vraiment cette observation.

Le premier point portait sur... Pouvez-vous me le rappeler, sénatrice Galvez? J’aurais dû le noter.

La sénatrice Galvez : Est-ce que la liste fonctionnera lorsque des substances peuvent être désignées sans qu’il y ait un processus de priorisation prévisible?

Mme MacDonald : Il n’y a pas de processus de nomination proposé pour la liste de surveillance. C’est le ministre qui élabore la liste de surveillance, alors je ne sais pas trop à quoi rime votre observation. Il appartiendra au ministre d’utiliser efficacement la liste de surveillance. Le ministre devra décider de ce qu’il y a lieu d’inscrire sur la liste de surveillance, mais j’espère qu’il s’agira d’un instrument puissant ou d’un moyen puissant — je ne qualifierai pas cela d’instrument parce qu’il ne s’agit pas d’un règlement — d’éviter les produits chimiques qui pourraient s’avérer toxiques et d’essayer de prendre de l’avance sur cette folle course aux produits toxiques dans laquelle nous sommes engagés.

Nous devons trouver d’autres moyens de prévenir l’utilisation de produits chimiques toxiques. La liste de surveillance est un moyen qui, à mon avis, pourrait être très efficace. J’appuie pleinement cette liste, même si ce n’était pas notre idée.

La sénatrice McCallum : J’adresse ma question à Mark Butler et Hugh Benevides. J’examine l’amendement que vous avez présenté et qui stipule que :

... les renseignements fournis doivent prouver que la nouvelle activité associée à l’organisme vivant, dans le cas d’un animal ayant un équivalent sauvage, est nécessaire et que la nouvelle activité ne rend pas l’organisme vivant effectivement ou potentiellement toxique.

Nous nous intéressons à la faune génétiquement modifiée et à la façon dont elle va à l’encontre du savoir autochtone. Le saumon est un produit médicinal, et il est également bénéfique pour la terre. Le projet semble donner le droit de rendre la faune plus vulnérable et de mettre en danger d’autres poissons. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cette question?

Hugh Benevides, conseiller législatif, Nature Canada : Absolument. Bonjour, chers sénateurs. Je vous remercie de votre question, sénatrice McCallum.

Nos amendements, y compris celui que vous avez lu et cité, visent à empêcher que la nature et les gens soient aux prises avec de nouveaux animaux génétiquement modifiés, afin que nous ne nous engagions pas dans ce que Mme MacDonald vient de décrire comme une « folle course aux produits toxiques » dans le cas de nouveaux animaux. La disposition particulière que vous avez mentionnée comprend également de nouvelles activités importantes liées à ces nouveaux animaux.

Nous voulons que le public et les peuples autochtones soient en mesure d’interroger les promoteurs et le gouvernement et de participer aux conversations au sujet des propriétés de ce nouvel animal et des dangers qu’il présente, des conversations auxquelles seuls les promoteurs et le gouvernement participent à l’heure actuelle. Nous voulons faire ce que dit cette loi, c’est-à-dire prévenir la pollution. Ne vous méprenez pas; nous soutenons que le nouveau saumon, dont nous parlons dans notre mémoire et que M. Butler et Karen Wristen ont mentionné, sera une forme de pollution s’il s’échappe — et nous affirmons que c’est inévitable — et interagit avec son homologue sauvage. J’espère que cela répond à votre question, madame la sénatrice. C’est avec plaisir que je m’étendrai sur le sujet.

La sénatrice McCallum : Je voulais revenir à la question du sénateur Kutcher concernant l’équilibre lié au droit à un environnement sain, car cette question m’a vraiment perturbée. Il n’y a pas d’équilibre à établir en ce moment. Le mot « équilibre » n’est pas celui qui convient. Cet exercice ressemble à la nécessité de comparer différents facteurs. Mais quand vous examinez les considérations actuelles, vous constatez qu’il est impossible que les facteurs sociaux, sanitaires et scientifiques puissent aller à l’encontre du droit à un environnement sain. Les seuls facteurs qui pourraient aller à l’encontre de ce droit seraient les facteurs économiques. C’est seulement lorsque l’on prend les facteurs économiques en considération que l’industrie semble avoir le dessus.

Quand j’ai travaillé avec des groupes autochtones, j’ai constaté que leurs droits avaient été bafoués au profit d’activités économiques. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, madame MacDonald?

Mme MacDonald : Je souscris tout à fait à votre observation selon laquelle la véritable préoccupation est la conciliation avec les facteurs économiques. Pendant trop longtemps, la santé humaine et l’environnement ont été relégués au second plan par rapport au développement économique, et nous ne voulons pas que cela continue. Nous estimons que le fait de reconnaître le droit à un environnement sain sans avoir à le concilier avec des facteurs économiques est une façon de commencer à mettre les humains au premier plan et de mettre l’accent sur la santé humaine et la protection du droit à un environnement sain et propre — un air pur, une eau propre, c’est-à-dire toutes les choses dont David Boyd a parlé.

Je m’entends avec vous pour dire que des facteurs tels que les facteurs sociaux, sanitaires et scientifiques sont des éléments qui sont plus susceptibles d’être pris en compte dans la manière dont le droit à un environnement sain est abordé, et non des facteurs à concilier avec ce droit. Je trouve l’ensemble de la disposition plutôt étrange et maladroite. Dans la plupart des cas, ce que nous voulons vraiment cerner, ce sont les facteurs économiques et la nécessité de ne pas les concilier avec le droit à un environnement sain.

[Français]

La sénatrice Gerba : Ma question s’adresse à Mme Rastogi ou à Mme Barker.

Je comprends que c’est la première fois qu’une loi fédérale reconnaîtra le droit à un environnement sain et qu’elle tiendra également compte des populations vulnérables.

Madame Rastogi, durant votre présentation, vous avez fait allusion à l’Union européenne. Le Canada a-t-il d’autres partenaires commerciaux qui ont adopté des mesures de protection de l’environnement comparables à celles qui sont prévues dans le projet de loi S-5, et qui les ont inscrites dans leur législation nationale?

[Traduction]

Mme Rastogi : Merci, sénatrice Gerba. Je ne suis pas sûre d’être la personne la mieux placée pour répondre à cette question, mais permettez-moi de formuler quelques brèves observations. Je crois que vous parlez des populations vulnérables et des groupes que représente l’organisme Humane Canada.

Humane Canada représente des sociétés pour la protection des animaux, et ces organisations sont établies partout au pays. Ai-je mal compris votre question, ou suis-je la personne la mieux placée pour y répondre?

[Français]

La sénatrice Gerba : En fait, je voulais juste savoir s’il y a d’autres partenaires commerciaux du Canada ou d’autres pays qui ont des lois semblables à celle que nous sommes en train d’essayer d’amender.

[Traduction]

Mme Rastogi : Je m’excuse sincèrement d’avoir mal interprété votre question.

Il y a effectivement non seulement des partenaires commerciaux, mais aussi des partenaires très proches en matière de réglementation. Les États-Unis, par exemple, notre partenaire le plus proche dans de nombreux domaines, ont adopté la TSCA (Toxic Substances Control Act), qui vise essentiellement à protéger l’environnement et la santé contre les effets des substances.

Le Canada et les États-Unis travaillent en étroite collaboration à l’élaboration de leur réglementation. Comme Mme Ormandy l’a mentionné plus tôt, tous les pays de l’OCDE — les États-Unis, les pays de l’Union européenne et le Canada, qui assume un rôle de chef de file particulier — travaillent en étroite collaboration. De plus, nous croyons comprendre que le Canada et les États-Unis collaborent étroitement en ce qui concerne l’évaluation conjointe des produits chimiques et des risques qu’ils présentent.

Les États-Unis constituent un très bon modèle en ce qui concerne leur loi et leur approche en matière de gestion des produits chimiques. Le Canada et les États-Unis travaillent en étroite collaboration, et leurs réglementations concordent.

Cela dit, les lois canadiennes ne comportent pas certaines des exigences, certains des objectifs et certains des outils que nous aimerions voir ajoutés ou modifiés dans le projet de loi S-5. Les États-Unis disposent d’un certain nombre d’outils, notamment l’obligation pour l’administrateur de l’Environmental Protection Agency de veiller à ce que des méthodes non animales soient utilisées dans les évaluations et l’obligation pour les promoteurs d’utiliser des méthodes particulières non animales.

De plus, la TSCA rend obligatoire l’un des outils les plus utiles, c’est-à-dire un plan stratégique très clair et détaillé pour atteindre l’objectif d’éliminer les essais de toxicité d’ici 2035. L’échéance de 2035 est la même que celle que le gouvernement canadien a fixée comme objectif pour l’élimination des essais de toxicité sur les animaux au Canada, mais nous n’avons pas de plan énoncé et mandaté sur lequel un ministre — ou dans le cas des États-Unis, l’administrateur — fera rapport.

Il serait extrêmement utile de disposer de cet outil et de permettre aux intervenants et au public de voir les progrès réalisés en vue d’éliminer les essais de toxicité. Merci.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’adresse ma question à Cassie Barker ou à Elaine MacDonald. Elle porte sur la transparence et donne suite à la question de la sénatrice Seidman.

Si vous examinez le paragraphe 50(2), vous constaterez qu’il figure sous l’en-tête « Exceptions à l’obligation de motiver ». Je ne sais pas si vous pouvez voir ce à quoi je fais allusion. Je vais lire le paragraphe :

S’agissant de renseignements fournis en application d’un règlement, d’un arrêté ou d’un avis, la demande de confidentialité n’a toutefois pas à être motivée si le texte en cause le précise.

Que pensez-vous de cette phrase? Est-ce que cela réduit la transparence en ce qui concerne les renseignements importants sur la toxicité ? Vous n’y faites pas allusion dans votre mémoire, alors je me demande ce que vous en pensez.

Mme MacDonald : Faites-vous allusion à un article de la LCPE ou du projet de loi?

La sénatrice Miville-Dechêne : Le paragraphe 50(3) de la LCPE.

Mme MacDonald : Nos présentations traitent très précisément des articles qui ont été modifiés par le projet de loi S-5. Donc, je pense que la raison pour laquelle nous n’avons pas abordé l’article 50, c’est qu’il ne s’agissait pas d’un article modifié par le projet de loi S-5. Nous avons essayé de nous concentrer sur la possibilité d’aborder les articles modifiés par le projet de loi S-5, tout en comprenant qu’il y a des limites à l’étendue des amendements que l’on peut apporter à un projet de loi en vertu de la règle de la loi existante ou de toute autre règle semblable qui s’applique au Sénat.

La sénatrice Miville-Dechêne : Mais vous avez parlé de transparence, et vous vouliez que le libellé soit plus strict. Que pensez-vous qu’il faille ajouter ici? Voulez-vous dire que la loi devrait faire l’objet d’un examen obligatoire par le gouvernement? Quel type de formulation souhaiteriez-vous ajouter, et à quel endroit?

Mme MacDonald : Nous faisions allusion aux dernières dispositions de la loi qui ont été modifiées en ce qui concerne les renseignements commerciaux confidentiels.

Mme Barker : L’article 313.

Mme MacDonald : C’est ce que nous examinions. Pour contourner cette complication, je dirais que le même commentaire s’applique. Le gouvernement devrait toujours demander à l’industrie de prouver qu’un renseignement a réellement des répercussions sur ses intérêts commerciaux avant d’accepter qu’il soit traité comme confidentiel. Si c’est le cas, il faut, bien sûr, accepter qu’il soit traité comme confidentiel, mais il ne faut pas faire en sorte que tout renseignement présenté par l’industrie soit automatiquement considéré comme confidentiel simplement parce que l’industrie soutient qu’il l’est.

Nous voulons accroître la transparence. Nous voulons que le public comprenne mieux les questions abordées par la LCPE, qu’il s’agisse de biotechnologie, de substances toxiques, de pollution ou d’autre chose. Nous devons être aussi ouverts que possible.

La sénatrice Miville-Dechêne : Si je lis cet article, vous constaterez que la confidentialité ne s’applique pas à tout, parce que l’amendement proposé au paragraphe 313(2) indique ce qui suit : « La demande de confidentialité est motivée et présentée par écrit. Elle contient aussi les renseignements supplémentaires prévus par règlement ». Il y a donc une certaine amélioration, n’est-ce pas?

Mme MacDonald : Je crois que vous dites que cela concerne l’article 50. Oui, le projet de loi exige qu’ils fournissent des motifs. C’est ce que j’ai déclaré. Ce que nous disons, c’est que le ministre n’est pas nécessairement forcé d’examiner ces motifs. C’est ce que nous voulons qu’il fasse. Nous voulons qu’il examine ces motifs et détermine s’ils sont effectivement conformes à la définition des renseignements commerciaux confidentiels. Voilà ce que nous demandons.

Le président : Monsieur Benevides, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. Benevides : Si je peux me permettre, j’aimerais intervenir. Merci, sénatrice Miville-Dechêne.

En ce qui concerne la question de l’équilibre, que l’un des autres sénateurs a mentionnée, que ce soit du point de vue du droit à un environnement sain ou de la transparence, il n’y a pas d’équilibre. Dans la LCPE, tout penche en faveur des promoteurs, des fabricants, des importateurs et des utilisateurs de substances toxiques et autres. Cet article semble exiger des motifs, qui, comme l’a indiqué Mme MacDonald, peuvent ne pas être particulièrement probants, et ils peuvent aussi ne pas être mentionnés. L’alinéa suivant semble ensuite permettre que, par décret du Cabinet, il ne soit pas nécessaire de présenter des motifs dans le cas de renseignements fournis en vertu d’un règlement, d’un ordre ou d’un avis, les raisons ne soient pas requises. Ainsi, la main gauche donne, et la main droite reprend. Selon moi, l’équilibre est une fois de plus complètement compromis dans cette disposition.

La sénatrice Miville-Dechêne : En ce qui concerne cette phrase, le gouvernement nous a expliqué qu’il a besoin de cette exception parce que, parfois, il demande des renseignements non pas aux entreprises qui produisent ces substances toxiques mais aux experts ou à d’autres personnes qui contribueraient à faire la lumière sur ces questions. L’idée est donc que tout soit publié, mais cela rend le processus beaucoup plus long. Acceptez-vous cette idée?

M. Benevides : Je crains que vous n’ayez obtenu un plus grand nombre d’explications à ce sujet que moi, madame la sénatrice. Je ne peux donc pas répondre à votre question dans des délais aussi brefs et un contexte aussi restreint. Je serais heureux de parler de cette question séparément.

Le sénateur Patterson : J’adresse ma première question à Nature Canada. Vous avez donné un exemple très alarmant, selon moi, d’une entreprise autorisée à produire des saumons de l’Atlantique génétiquement modifiés, et vous avez dit qu’il n’y avait pas eu d’avis public, de participation du public ou, à votre connaissance, de consultation avec les peuples autochtones, et vous avez parlé du problème du fardeau de la preuve. La loi ne fonctionne donc pas très bien en ce moment. Monsieur Benevides, pourrais-je vous demander de m’aider à comprendre comment votre proposition de modification des articles 106 et 108 remédierait à ces problèmes que vous avez abordés de manière tellement dramatique? Si vous pouviez décrire, encore une fois, comment ce problème pourrait être résolu, je vous en serais reconnaissant.

M. Benevides : Je vous remercie de votre question. En résumé, les modifications que nous avons proposées exigent non seulement un simple avis, mais aussi un avis préalable indiquant qu’un promoteur a présenté un avis préalable pour demander une dérogation à certaines exigences en matière d’information, et nous avons demandé que le gouvernement publie un avis indiquant qu’une évaluation des risques sera effectuée. Chose tout aussi importante, nous avons demandé que le public participe l’évaluation des risques, qu’il ait la possibilité d’examiner ces demandes de dérogation et de présenter des données probantes supplémentaires.

Pour l’instant, rien de tout cela ne se produit, et rien de tout cela ne s’est produit en ce qui concerne le saumon AquaBounty. Il se trouve aussi qu’en général, cela ne se produit pas non plus en ce qui concerne les produits chimiques de la partie 5. Ce que nous avons essayé de faire, c’est de mettre en œuvre une transparence importante et la participation du public, ainsi que d’imposer un fardeau supplémentaire au promoteur qui devra démontrer, dans le cadre de l’évaluation des risques et de la discussion, qu’il existe un besoin manifeste que ce nouvel animal existe, soit commercialisé et soit introduit dans notre environnement, en particulier lorsqu’il existe un équivalent sauvage. Je tiens à souligner que rien de tout cela ne se produit actuellement, et c’est précisément ce que nos amendements cherchent à accomplir.

Le sénateur Patterson : Merci. Dans son mémoire, Nature Canada a déclaré qu’il ne fallait pas précipiter l’adoption au Sénat d’un projet de loi incomplet. Madame MacDonald, je pense que vous avez dit qu’il y a huit domaines de modification recommandés. Nature Canada recommande sept domaines de modification. Il est prévu que nous nous dépêchions d’étudier le projet de loi, article par article, dans moins de 36 heures à partir de maintenant. Chères représentantes d’Écojustice Canada et de l’Association de défense de l’environnement, auriez-vous des observations à formuler pour nous faire savoir si nous précipitons effectivement l’adoption du projet de loi, et si nous avons besoin de plus de temps pour l’étudier et le modifier correctement?

Mme MacDonald : Je vous remercie de la question. Dans un sens, on a l’impression qu’en passant à l’étude article par article jeudi, après avoir terminé d’entendre les témoignages tout juste aujourd’hui, cela ne donne pas beaucoup de temps au comité pour examiner tout ce qu’il a entendu, mais je dirai, comme l’ont fait remarquer Joe Castrilli et d’autres, que nous attendons depuis 20 ans que la Loi canadienne sur la protection de l’environement soit modifiée et que nous ne voulons pas non plus jeter le bébé avec l’eau du bain.

Ce projet de loi permet en effet d’améliorer la loi. Il ne fait pas tout ce que nous avons besoin qu’il fasse. Nous le reconnaissons tous. Le comité pourrait sans doute apporter quelques amendements pour le renforcer maintenant, en faisant savoir qu’un autre projet de loi est nécessaire pour remédier à tous les autres problèmes dans la loi — et ils sont nombreux — que le projet de loi S-5 n’a pas permis de régler. La Loi canadienne sur la protection de l’environnement est une loi colossale qui touche à de nombreux domaines différents de l’environnement. Les substances toxiques n’en sont qu’un. Le droit à un environnement sain et l’administration de la loi en sont d’autres. Il y a des lacunes importantes qui doivent être corrigées et qui ne font pas partie du projet de loi S-5.

Ce que nous avons décidé, en tant que groupes qui travaillent sur ce sujet depuis tant d’années, c’est que nous voulons que le projet de loi S-5 soit renforcé et devienne une loi au cours de la présente session parlementaire, parce que nous attendons certaines mesures depuis tellement longtemps déjà, mais il faut dire aussi au gouvernement et aux législateurs qu’ils doivent travailler sur un autre projet de loi dès maintenant pour remédier à d’autres problèmes.

Nous avons entendu le ministre en parler. Je pense que le ministre reconnaît que ce n’est qu’un début et que nous ne devrions pas avoir à attendre 20 ans pour modifier la loi à nouveau. Nous devons prendre l’habitude de la mettre à jour environ tous les deux ans.

Le sénateur Arnot : J’ai une question pour tous les témoins. Nous avons eu quelques discussions au sujet de cette disposition qui vise à soupeser plusieurs facteurs. J’inviterais l’un ou l’autre d’entre vous à nous fournir un meilleur libellé pour cette disposition, si vous acceptez l’idée qu’il y en ait une. Nous avons entendu dire, suivant les conseils de la sénatrice McCallum, que le mot « économique » pourrait être supprimé et ainsi faciliter vraiment l’interprétation de la loi.

Essentiellement, ce droit ne se trouve pas dans la Charte canadienne des droits et libertés, dans laquelle, en vertu de l’article 1, ce sont les tribunaux qui soupèsent divers facteurs. Nous n’avons pas cela.

Je demande aux témoins de nous fournir par écrit, le plus rapidement possible, toute recommandation sur cette question particulière.

La sénatrice McCallum : Sénateur Arnot, il ne s’agissait pas de supprimer le mot « économique ». Il doit y être. C’est le seul facteur qui diminuera le droit à un environnement sain.

Ma question s’adresse à Mark Butler et Hugh Benevides au sujet de l’harmonisation de la réforme de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement avec les droits des Autochtones, y compris la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, l’UNDRIP. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Benevides : Je vous remercie, sénatrice. Je pense que le témoignage le plus percutant jusqu’à présent, à part celui d’aujourd’hui, bien sûr, a été celui de jeudi dernier de l’Assemblée des Premières Nations, du Congrès des peuples autochtones et de Bob Chamberlin, qui ont dit que le projet de loi S-5 devait être rendu conforme à l’esprit et à la lettre de l’UNDRIP et au principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Demander aux gens de vérifier un site Web ne constitue pas un consentement préalable libre et éclairé ni une participation significative du public — et je reviendrai sur notre expérience concernant le saumon.

Nous n’avons pas proposé de libellé précis relativement à l’UNDRIP dans le projet de loi, parce que nous avons pensé qu’il était préférable que les groupes autochtones le fassent. Je peux le faire, si c’est ce que vous souhaitez. Je ne suis pas certain de répondre à tous les éléments de la question.

La sénatrice McCallum : Je me souviens de cela. J’ai examiné la question lorsque j’ai travaillé sur certains amendements avec l’Assemblée des Premières Nations, et je pense que l’idée était de sensibiliser les gens ou de les aider à comprendre que lorsque l’article 35 de la Loi constitutionnelle et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones sont appliqués...

Le président : Nous vous avons perdu. Il y a des coupures.

La sénatrice McCallum : Pouvez-vous m’entendre?

Le président : Oui, faisons une tentative.

La sénatrice McCallum : Non, j’ai terminé. Je vous remercie.

La sénatrice Galvez : Je voudrais donner l’occasion à M. Butler et à Hugh Benevides de nous parler, au bénéfice de nos collègues, des dangers que cela représente et des effets que cela entraîne de mélanger des espèces génétiquement modifiées avec des espèces sauvages, parce que nous devons comprendre pourquoi c’est un grave problème. Je vous remercie.

M. Butler : Je vous remercie beaucoup de la question. Elle tombe à point nommé, car il y a quelques mois à peine, des scientifiques brésiliens ont découvert le premier animal génétiquement modifié se reproduisant à l’état sauvage. Il s’agit d’un poisson d’aquarium qui brille dans le noir. Il s’agit d’une espèce entièrement nouvelle dans la nature, et son interaction avec d’autres espèces aura des répercussions négatives sur l’environnement.

Pour revenir au Canada atlantique, la plupart d’entre vous savent sans doute que le saumon de l’Atlantique est en danger et qu’il fait face à diverses menaces. Nous craignons que, si ce saumon est utilisé à grande échelle dans l’industrie, il finisse par s’échapper et se reproduire avec le saumon sauvage, et qu’il y ait une introgression génétique dans les stocks sauvages, ce qui réduirait l’aptitude et la capacité de survie de ces saumons. C’est de la pollution génétique à un moment où la nature est déjà en difficulté.

Si je peux me permettre d’ajouter un point à une discussion précédente, nous voulons que ce projet de loi soit adopté, mais c’est un gros projet de loi, qui contient beaucoup d’éléments allant des produits chimiques aux droits des Autochtones en passant par la biotechnologie. Après 22 ans, nous voulons qu’un temps suffisant soit accordé à l’examen des amendements. Je dois dire que nous sommes sceptiques face à l’affirmation ou à la promesse qu’il y aura un autre projet de loi dans un an ou deux. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie. Cela met fin à notre rencontre avec notre deuxième groupe de témoins. J’aimerais vous remercier, au nom de la population canadienne et en notre nom à tous. Nous avons de toute évidence un défi de taille à relever pour faire le travail qui nous attend. Nous ferons de notre mieux, ce qui est généralement très satisfaisant, et je tiens à assurer au public que nous prenons notre engagement au sérieux. Je pense que nous pouvons faire un bon travail avec ce projet de loi.

Je tiens à remercier Cassie Barker, gestionnaire principale des programmes, Substances toxiques, de l’Association de défense de l’environnement; Elaine MacDonald, directrice du programme, Communautés en santé, d’Ecojustice Canada; Toolika Rastogi, directrice principale, Politiques et recherche, et Elisabeth Ormandy, directrice générale, Canadian Society for Humane Science, toutes deux de Humane Canada; Mark Butler, conseiller principal, et Hugh Benevides, conseiller législatif, tous deux de Nature Canada.

[Français]

Merci d’avoir partagé vos connaissances avec nous. Je suis certain que cela aura un impact majeur sur nos travaux.

Chers collègues, avant de conclure la réunion, je tiens à vous rappeler que jeudi matin, à 9 heures, nous commencerons l’étude article par article du projet de loi. Je crois qu’il y aura des amendements importants qui seront présentés. Pour ceux qui veulent partager leurs discours ou leurs amendements avec leurs collègues, c’est tout à fait libre à vous. Cela nous permettra d’avoir plus de temps pour discuter de vos idées au lieu de lire des documents. Cela permettra également de rendre le processus plus efficace.

Merci beaucoup.

(La séance est levée).

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