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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 29 septembre 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour son étude sur de nouvelles questions concernant le mandat du comité.

Le sénateur Paul J. Massicotte (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour. Je m’appelle Paul Massicotte, je suis un sénateur du Québec, et je suis président du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux témoins qui se joignent à nous de façon virtuelle que vous êtes priés de garder votre micro éteint en tout temps, à moins d’être reconnu par le président. J’aimerais aussi vous rappeler de parler lentement et clairement.

Maintenant, j’aimerais présenter les membres du comité qui participent à la réunion aujourd’hui : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest; David Arnot, de la Saskatchewan; Clément Gignac, du Québec; Julie Miville-Dechêne, du Québec; Judith G. Seidman, du Québec; Karen Sorensen, de l’Alberta; Josée Verner, c.p., du Québec.

Bienvenue à tous, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent.

Aujourd’hui, nous nous réunissons pour continuer notre étude sur l’énergie basée sur l’hydrogène.

Ce matin, nous accueillons pour notre premier panel, de la Régie de l’énergie du Canada, M. Jean-Denis Charlebois, économiste en chef, et M. Jim Fox, vice-président, Stratégie de réglementation et coordination; Mark Zacharias, directeur général de Clean Energy Canada se joindra aussi à nous.

Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation. Vous avez cinq minutes pour prononcer votre mot d’ouverture.

Nous allons commencer avec M. Charlebois, qui sera suivi de M. Zacharias. Monsieur Charlebois, vous avez la parole.

Jean-Denis Charlebois, économiste en chef, Régie de l’énergie du Canada : Bonjour et merci, honorables sénateurs. Je m’appelle Jean-Denis Charlebois, je suis économiste en chef à la Régie de l’énergie du Canada.

[Traduction]

Je suis accompagné de mon collègue, Jim Fox, vice-président chargé de la Stratégie de réglementation et coordination.

Je précise que je m’adresse à vous aujourd’hui depuis Montréal, territoire traditionnel des Kanien’kehá:ka (Mohawks), qui est depuis longtemps un lieu de rencontre et d’échanges entre les nations.

[Français]

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de me présenter aujourd’hui pour vous parler du travail de la régie dans le cadre de votre étude sur le développement d’une économie de l’hydrogène au Canada.

Mes propos porteront donc sur la régie, son mandat et son rôle dans la réglementation de l’hydrogène, ainsi que sur l’apport possible de cet élément au bouquet énergétique du pays.

[Traduction]

À la Régie de l’énergie du Canada, notre travail consiste à garantir la distribution d’énergie au Canada en respectant des normes de sécurité et des normes environnementales parmi les plus strictes au monde.

Notre mandat découle de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, qui est notre loi habilitante. Pour remplir son mandat, la REC assume quatre responsabilités principales. Ce sont la sécurité et la surveillance environnementale, les processus décisionnels relatifs aux projets énergétiques, l’information sur l’énergie et la consultation. Quel que soit le projet, la sécurité et la surveillance environnementale tout au long du cycle de vie des projets sont des enjeux de premier plan. C’est notre raison d’être.

La responsabilité des processus décisionnels relatifs aux projets énergétiques suppose que la REC évalue les projets pour déterminer s’ils sont dans l’intérêt public. C’est dans le cadre de cette responsabilité fondamentale que les pipelines d’hydrogène sont évalués.

Du côté de l’information sur l’énergie, la REC est chargée d’analyser et de publier de l’information et des analyses sur les marchés et l’approvisionnement énergétiques. Nous faisons également des projections concernant le système énergétique du Canada. Cela comprend la projection du rôle que de nouvelles sources d’énergie, comme l’hydrogène, pourraient jouer au titre des mesures prises par le Canada pour atteindre son objectif de carboneutralité d’ici 2050.

Je rappelle que la REC est un organisme de réglementation. Les gouvernements fédéral et provinciaux élaborent des politiques et des stratégies pour la production et l’utilisation de nouveaux produits énergétiques, comme l’hydrogène. Mais il appartient ensuite à la REC de mettre en œuvre ces politiques dans la mesure où elles sont liées à son mandat.

La REC sera chargée de réglementer les pipelines d’hydrogène interprovinciaux et internationaux. Mais, pour l’instant, aucun de ceux qui sont exploités au Canada n’est de compétence fédérale. Il existe quelques pipelines d’hydrogène intraprovinciaux, et ceux-ci sont assujettis aux réglementations provinciales applicables.

Aucun projet de pipeline d’hydrogène n’est prévu à court terme, mais la REC se prépare à cette éventualité. Il pourrait s’agir de transport d’hydrogène pur, d’hydrogène mélangé à du gaz naturel ou d’hydrogène mélangé à un vecteur chimique comme le méthanol ou l’ammoniac.

Nous sommes en train de réviser en profondeur le Règlement sur les pipelines terrestres. Cette révision porte sur les modifications éventuellement nécessaires à la réglementation des pipelines d’hydrogène. Nous collaborons également avec l’Association canadienne de normalisation dans le cadre du Groupe de travail sur la norme CSA Z662 relative à l’hydrogène. Cela nous permettra d’élaborer des codes et des normes garantissant la sécurité et l’intégrité de l’infrastructure pour l’hydrogène.

Rappelons que la REC est habilitée à évaluer et à réglementer les pipelines d’hydrogène au cas par cas si une demande était présentée aujourd’hui. C’est ainsi que nous avons procédé lorsque nous avons évalué des productoducs, qui ne transportent ni pétrole ni gaz, comme le pipeline de saumure Genesis à Corunna, en Ontario. Cette procédure pourrait être appliquée à un projet de transport d’hydrogène.

En matière d’information sur l’énergie, nous nous attachons à publier des renseignements et des analyses à jour et utiles qui contribuent au dialogue sur la transition énergétique. Ces renseignements et analyses aident les gouvernements et la population à prendre des décisions.

L’un de nos rapports phares sur l’énergie, intitulé Avenir énergétique du Canada en 2021, comporte des projections sur l’offre et la demande d’énergie à long terme et notamment en matière d’hydrogène. À mesure que le système énergétique du Canada se décarbonisera, de nouveaux combustibles non émetteurs, dont l’hydrogène, devront remplacer le pétrole et le gaz. L’une des principales conclusions du rapport est que les Canadiens consommeront davantage d’électricité provenant de sources de plus en plus sobres en carbone. La consommation totale d’énergie va diminuer d’environ 25 % au cours de la période anticipée, mais la demande d’électricité augmentera de 44 % d’ici 2050, surtout en raison d’une augmentation de la demande de véhicules électriques et de la production d’hydrogène.

Le réseau électrique du Canada deviendra également plus écologique, pour passer à 95 % de sources non émettrices d’ici 2050, comparativement à 82 % en 2021. Plus précisément, la demande totale d’hydrogène devrait atteindre 4,7 Mt d’ici 2050. Cela représenterait environ 6 % de la consommation totale d’énergie, notamment dans le secteur industriel et celui des transports, qui sont à l’origine de la majeure partie de cette demande. L’électricité renouvelable et le gaz naturel avec captage et stockage du carbone serviront à produire cet hydrogène.

Nous avons également envisagé des scénarios où les provinces canadiennes répondraient à la demande d’électricité par différents moyens. Il s’agirait d’un mélange d’hydroélectricité, d’énergie nucléaire, d’énergie éolienne, d’énergie solaire, de combustibles fossiles et de biomasse avec captage et stockage du carbone, sans oublier l’hydrogène.

La prochaine version de notre rapport, qui doit paraître au printemps sous le titre d’Avenir énergétique du Canada en 2023, contiendra une analyse conforme à l’objectif de carboneutralité du Canada d’ici 2050. L’hydrogène aidera le Canada à atteindre cet objectif.

[Français]

C’est ce que je voulais dire ce matin, comme introduction. Merci de m’avoir donné l’occasion de vous entretenir de ce sujet aujourd’hui. C’est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Le président : Monsieur Fox, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

M. Charlebois : Je ne crois pas que M. Fox ait quelque chose à ajouter.

Le président : Très bien. Vous avez la parole, monsieur Zacharias.

Mark Zacharias, directeur général, Clean Energy Canada : Bonjour. Je m’appelle Mark Zacharias, et je suis le directeur général de Clean Energy Canada, un groupe de réflexion sur le climat et l’énergie propre de l’Université Simon Fraser. J’habite à Victoria, en Colombie-Britannique.

Je parlerai aujourd’hui de la façon dont le Canada peut se positionner pour devenir un chef de file en matière d’hydrogène propre grâce à une offre et une demande intérieures croissantes qui, à leur tour, feront du Canada un exportateur d’hydrogène propre.

Au cours des dernières années, plusieurs initiatives liées à l’hydrogène propre ont vu le jour au Canada. L’hydrogène propre présente des avantages sans égal comme solution climatique, en particulier dans les secteurs qui sont les plus difficiles à décarboniser et où les solutions de rechange sont limitées, ce que l’on appelle « le tiers le plus difficile » des émissions. Je pense notamment au camionnage, au transport maritime et à la production d’acier, d’engrais et de ciment.

Le Canada fait partie du petit groupe de pays ayant le plus fort potentiel d’exportation d’hydrogène propre. C’est grâce à notre réseau électrique qui est actuellement net d’émissions à 84 %, à un accès suffisant à l’eau douce, nécessaire à l’électrolyse, ainsi qu’à d’abondantes ressources en gaz naturel et à un potentiel d’énergie renouvelable.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, on est de plus en plus convaincu, à l’échelle internationale, que l’hydrogène propre jouera un rôle clé dans la transition du monde vers un avenir énergétique durable.

BloombergNEF, pour sa part, estime que l’hydrogène propre pourrait satisfaire jusqu’à près d’un quart de la demande énergétique mondiale d’ici 2050. Le Canada doit obtenir sa part du gâteau. L’annonce faite le mois dernier par les gouvernements canadien et allemand de produire de l’hydrogène vert à Terre-Neuve-et-Labrador et de l’expédier en Allemagne dès 2025 a envoyé un signal fort quant au type d’énergie propre que le monde attend du Canada.

En effet, l’avantage à long terme du Canada en matière d’hydrogène réside très probablement dans la production non pas de gaz naturel, mais d’électricité sans émissions. Le coût de production de l’hydrogène vert, fabriqué à partir d’électricité, devrait être égal à celui de l’hydrogène bleu, fabriqué à partir de gaz naturel, dès 2030 et moins cher par la suite. L’hydrogène vert devrait être moins cher que le gaz naturel d’ici 2050. Et les ambitions internationales en matière de production d’hydrogène vert, de l’Allemagne à l’Australie en passant par Oman, pourraient entraîner une baisse des coûts encore plus tôt. Plus de 130 pays se sont engagés à atteindre la carboneutralité, ce qui veut dire que nos principaux partenaires commerciaux vont chercher à acheter l’hydrogène le plus propre du monde. La capacité du Canada à produire une énergie renouvelable abondante et peu coûteuse constitue un avantage concurrentiel de taille.

J’aimerais également attirer l’attention du comité sur les récents efforts déployés aux États-Unis. La nouvelle loi sur la réduction de l’inflation comprend un crédit d’impôt à la production pour l’hydrogène propre, qui devrait permettre à l’hydrogène vert de concurrencer le gris dans certaines régions des États-Unis aujourd’hui et dans la plupart des régions d’ici 2030. Le gouvernement américain a également réservé 7 milliards de dollars américains pour établir jusqu’à 10 centres régionaux de production d’hydrogène.

Donc, que doit faire le Canada pour saisir les occasions qu’offre l’hydrogène? Premièrement, remplacer les combustibles fossiles par de nouvelles applications à base d’hydrogène, en particulier dans les secteurs les plus difficiles à décarboniser et où les solutions de rechange sont limitées. Les produits chimiques, les engrais et l’acier sont d’excellents exemples de secteurs où l’hydrogène peut remplacer les combustibles fossiles.

Deuxièmement, utiliser l’hydrogène propre pour décarboniser les services publics de gaz naturel. De plus en plus, ceux-ci sont tenus par règlement ou décident d’eux-mêmes de mélanger des quantités croissantes de gaz renouvelables à leur produit, dont le biométhane et l’hydrogène. À l’heure actuelle, jusqu’à 15 % du mélange peut être constitué d’hydrogène sans qu’on ait besoin de modifier à fond les réseaux de pipelines et les appareils. On peut aussi se servir de l’hydrogène pour stocker de l’électricité renouvelable pour utilisation future.

Troisièmement, réduire l’intensité des émissions de la production actuelle d’hydrogène gris en le rendant bleu, grâce au captage et au stockage du carbone, ou en le remplaçant par du vert.

Quatrièmement, bien que les gouvernements fédéral et provinciaux aient commencé à élaborer des politiques à ce sujet, il reste du travail à faire pour soutenir la production d’hydrogène propre et accroître la demande au Canada, ce qui débouchera à terme sur des possibilités d’exportation.

En résumé, le Canada a d’immenses possibilités de construire la nouvelle économie mondiale de l’hydrogène et de s’y tailler une place.

Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup aux témoins de leur présence parmi nous ce matin. Ma première question s’adresse à M. Charlebois, de la Régie de l’énergie du Canada.

Monsieur Charlebois, vous avez beaucoup parlé de vos publications sur le site de la régie, et j’aimerais discuter de votre Aperçu du marché publié en août 2022, où vous dites au sujet de l’hydrogène bleu :

[...] gaz naturel avec captage et stockage du carbone (CSC) [...] utilise le gaz naturel comme matière première dans un type de réaction chimique appelée reformage pour produire de l’hydrogène et du dioxyde de carbone. Nous supposons que plus de 90 % du dioxyde de carbone produit par le reformage est capté et stocké de façon permanente au moyen de la technologie de CSC.

J’aimerais, si vous le permettez, vous poser deux questions au sujet de cette hypothèse. Mardi soir, M. Robert Howarth nous a dit que le gaz naturel, qui est la matière première de l’hydrogène bleu, ne peut pas être utilisé sans émission de méthane non brûlé dans l’atmosphère. Selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 45 % du réchauffement global de la planète à ce jour provient des émissions de méthane, et c’est ce pourcentage qu’il faut réduire. Mais l’hydrogène bleu fait augmenter ces émissions.

Ma première question est la suivante : la Régie de l’énergie du Canada tient-elle compte des émissions de méthane liées à la production d’hydrogène bleu dans son analyse et, sinon, pourquoi?

À ce sujet, un autre témoin, Mme Levin, d’Environmental Defence Canada, nous a dit que nous sommes loin de 90 % de captage du carbone. D’après elle, la grande installation d’hydrogène bleu Quest en est à 60 %. Ma deuxième question est la suivante : est-il effectivement possible de capter 90 % des émissions de dioxyde de carbone, et, sinon, pourquoi la REC affiche-t-elle ce chiffre dans sa publication en ligne?

Merci.

M. Charlebois : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Ce que nous projetons, en fait, c’est l’état de la situation jusqu’en 2050, et nous tenons compte du fait que, évidemment, la technologie s’améliorera en cours de route et qu’elle permettra de mieux capter le carbone.

Au final, est-il possible de capter tout le carbone? Probablement pas. Le temps nous le dira, et la technologie nous le dira. Mais nous devons nous rappeler que la raison pour laquelle l’hydrogène serait produit de cette façon serait de compenser l’utilisation du pétrole et du gaz et... Donc, même si l’hydrogène produit avec captage et stockage du carbone produit encore du carbone, le résultat net est que le système énergétique produirait moins de carbone parce que c’est de l’hydrogène qui serait brûlé et non du gaz naturel ou du pétrole.

La sénatrice Seidman : J’en resterai là pour le moment. Est-ce qu’il me reste du temps?

Le président : Oui.

La sénatrice Seidman : Bon. Merci. Je vais devoir réfléchir à cette réponse, si vous le permettez, et y revenir, mais j’aimerais maintenant m’adresser à M. Zacharias.

En juillet 2021, vous avez dit, au sujet de la stratégie de la Colombie-Britannique en matière d’hydrogène, que, bien que la province soit idéalement positionnée pour produire de l’hydrogène bleu à partir de ses réserves de gaz naturel, de récentes prévisions laissaient entendre que l’hydrogène vert fabriqué à partir d’électricité et d’eau serait plus économique que l’hydrogène bleu dès 2030.

Ma question est la suivante : compte tenu des émissions de méthane associées à la production d’hydrogène bleu, de la difficulté à capter le carbone et de votre analyse selon laquelle l’hydrogène vert sera bientôt plus rentable que l’hydrogène bleu, est-ce que tous les investissements des gouvernements canadiens dans l’hydrogène bleu en valent la peine?

Merci.

M. Zacharias : Merci de votre question. À Clean Energy Canada, nous sommes d’avis que l’hydrogène bleu et l’investissement dans le secteur de l’hydrogène bleu permettent de constituer une main-d’œuvre, de développer des compétences et de consolider la capacité du Canada à faire la transition vers l’hydrogène vert.

Comme je l’ai dit dans mon exposé préliminaire, grâce à l’Inflation Reduction Act de l’administration Biden, qui permet de subventionner un maximum de production d’hydrogène vert à raison de 3 dollars américains le kilo au maximum compte tenu de l’intensité carbone, il est possible de concurrencer la production d’hydrogène bleu dans la plupart des régions des États-Unis.

Il est vrai que l’hydrogène bleu contient encore du méthane et qu’il a toujours une empreinte carbone. Nous pensons que l’hydrogène vert sera la solution, mais, compte tenu de notre main-d’œuvre, de nos réserves de gaz naturel et de la nécessité d’une transition, l’hydrogène bleu sera important pendant un certain temps pour l’économie de la Colombie-Britannique et du Canada.

La sénatrice Seidman : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’irai moins à fond que ma collègue la sénatrice Seidman. Je vous poserai, à tous les deux, une question plus générale. En particulier, monsieur Zacharias, vous me semblez très optimiste sur l’avenir de l’hydrogène, plus particulièrement l’hydrogène vert.

Pourtant, on a entendu avant-hier M. Howarth, qui était plus réaliste ou peut-être plus réservé sur cette question, dire que l’énergie nécessaire pour faire de l’hydrogène vert restait extrêmement élevée et il se demandait vraiment si on avait la possibilité de devenir une puissance exportatrice vers l’Allemagne, notamment, de cette ressource.

J’aimerais entendre les deux témoins sur ce sujet.

M. Charlebois : Merci pour la question, madame la sénatrice.

Ce que notre travail démontre, c’est qu’à travers la période de projection allant jusqu’à 2050, la production d’hydrogène avec de l’électricité devient plus avantageuse d’un point de vue économique que ce n’est le cas en ce moment. Donc, on voit qu’il y a du potentiel, surtout en ce qui a trait aux améliorations technologiques, afin que ce moyen de production, par le truchement de l’électricité, puisse devenir compétitif sur le plan des coûts pour atteindre une amplitude qui est à peu près comparable, d’ici 2050, à la production d’hydrogène en utilisant du gaz naturel avec la capture du carbone.

Il reste à savoir, encore une fois, si cette projection va s’avérer faisable. Parce que comme on le voit dans notre analyse, ce qu’on prévoit, c’est que justement la production d’hydrogène puisse satisfaire à environ 6 % de la demande d’énergie au Canada.

Je vais mentionner en conclusion que cette analyse ne fait pas état de l’objectif du Canada d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050; c’est plutôt dans un contexte où les politiques climatiques continuent d’être de plus en plus ambitieuses, comme c’est le cas jusqu’à maintenant, mais pas en ce qui concerne l’atteinte de la carboneutralité.

Dans notre prochain rapport sur l’avenir énergétique, qui sera produit au printemps, nous allons modéliser la carboneutralité et on s’attend à ce qu’il y ait une plus grande place pour l’hydrogène que dans le cas de notre rapport précédent.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ce que vous dites, c’est que l’on n’aura pas le choix finalement.

M. Charlebois : En fait, ce que je dis, c’est que le potentiel existe, mais il reste à savoir si la dynamique économique ainsi que le soutien, d’un point de vue politique et réglementaire, vont essentiellement faciliter la production d’hydrogène au niveau nécessaire, pour non seulement satisfaire à la demande, ici au Canada, mais aussi pour l’exporter.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

[Traduction]

M. Zacharias : Merci de votre question. Selon une étude effectuée à l’Université Harvard il y a quelques années, le Canada est l’un des chefs de file mondiaux de la production d’hydrogène vert, et ce, pour plusieurs raisons. Il y a d’abord notre capacité à créer des actifs de production d’énergie renouvelable et à avoir suffisamment d’électricité pour produire de l’hydrogène vert, comme nous l’avons vu au Québec avec le projet de Varennes annoncé en 2020, outre d’autres projets partout au Canada dont je pourrais vous parler.

Deuxièmement, il faut neuf litres d’eau pour produire un kilogramme d’hydrogène vert. Le Canada, contrairement à l’Australie occidentale et à un certain nombre d’États du golfe du Mexique, a un avantage concurrentiel intrinsèque en matière d’eau.

Votre question portait également sur la réalité et les possibilités de ce secteur. Je précise l’hydrogène vert fait actuellement l’objet d’un certain nombre d’investissements internationaux. Depuis mars 2022, il existe au Texas une nouvelle entreprise appelée Green Hydrogen International. Elle commencera à produire du propergol pour le programme SpaceX à partir de 2026. La phase 1 correspond à deux gigawatts d’intrant énergétique. À titre de comparaison, cela équivaut à deux barrages comme celui du site C ou à environ 2,7 barrages comme celui de Muskrat Falls. L’entreprise a l’intention de passer à une capacité d’environ 60 GW d’intrant, soit environ 60 barrages comme celui du site C. Le Kazakhstan a des ambitions similaires en matière de production d’hydrogène vert, qu’il pourrait intégrer au réseau gazier existant pour l’exportation vers l’Europe et l’Asie. Là encore, on envisage une production de 45 GW, ce qui est énorme et équivaudrait à toute la production d’hydrogène au Canada.

En Australie-Occidentale, il y a ce qu’on appelle l’Asian Renewable Energy Hub, un projet d’environ 36 milliards de dollars américains pour la production de 26 GW d’énergie éolienne et solaire, qui s’étendrait sur 6 500 kilomètres carrés. Même en Europe, de très grands projets de production d’hydrogène vert sont envisagés. Au début de l’année, HyDeal España a annoncé un plan de construction de centrales solaires et d’électrolyseurs d’une capacité de 9,5 GW dans le Nord de l’Espagne d’ici 2030 pour alimenter le marché européen.

Je pourrais vous donner d’autres exemples.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une dernière sous-question pour M. Charlebois.

Lorsque vous parlez de la compétitivité économique de l’hydrogène bleu, est-ce que vous envisagez que les entreprises investissent elles-mêmes dans ces technologies ou est-ce que ces investissements devraient être encore subventionnés par les gouvernements?

M. Charlebois : Notre hypothèse est que l’industrie finance ces développements. Souvent, la compétitivité économique va dépendre aussi du coût de l’alternative, donc étant donné le niveau de technologie pour la production de l’hydrogène en utilisant le gaz naturel, la technologie est assez avancée, justement, pour être l’option de choix à ce moment-ci en ce qui a trait à l’hydrogène produit avec l’électricité.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Arnot : Bonjour aux témoins. Je vais enchaîner sur les deux questions de mes collègues et m’adresser à M. Zacharias, mais j’aimerais aussi entendre les commentaires de M. Charlebois à ce sujet.

D’après des témoins antérieurs, les projets de séquestration du carbone ont été un échec lamentable, et l’hydrogène bleu n’est pas une solution, mais une distraction coûteuse. On sait que la Saskatchewan a beaucoup investi dans le CSC par l’entremise de SaskPower et d’autres mesures de soutien gouvernementales. Est-ce que certains programmes de soutien gouvernementaux sont un gaspillage de fonds publics s’agissant de la séquestration du carbone?

M. Zacharias : C’est une bonne question. Je rappellerais la conclusion de l’Agence internationale de l’énergie dans les dernières années, à savoir qu’il faut utiliser tous les outils à notre disposition à l’échelle mondiale pour que le monde atteigne son objectif climatique et maintienne le réchauffement climatique sous la barre des 2 °C, voire, idéalement, en dessous de 1,5 °C. Cela comprend le captage et le stockage du carbone à grande échelle.

Le Canada jouit d’un certain nombre d’avantages en matière de CUSC, c’est-à-dire de captage, d’utilisation et de stockage du carbone. Nous avons une géologie favorable, une main-d’œuvre qualifiée dans le secteur pétrolier et gazier qui est en mesure de faire avancer la technologie, et un certain nombre de subventions et d’investissements gouvernementaux qui aideront à développer le secteur.

Le captage et le stockage du carbone seront-ils une partie importante des plans climatiques du Canada dans 20 ou 30 ans? Je ne saurais faire de prévisions pour l’instant. Mais nous devrons déployer des efforts dans ce domaine pour que le Canada puisse atteindre ses objectifs en matière de carbone et de climat.

M. Charlebois : Par ailleurs, certains projets de captage du carbone en Saskatchewan et en Alberta fonctionnent effectivement. Je pense que la technologie peut s’appuyer sur les leçons tirées de ces projets pour prendre de l’ampleur et élargir son applicabilité à l’ensemble du système énergétique.

C’est aux décideurs qu’il incombe de déterminer l’ampleur du soutien nécessaire pour amener ce secteur à un niveau qui facilitera la transition énergétique du Canada vers un avenir carboneutre.

[Français]

La sénatrice Verner : Je vous remercie pour vos présentations de ce matin. Pour commencer, j’ai une question possiblement pour M. Zacharias.

Je me posais la question à savoir si vous aviez pris connaissance de la déclaration de la présidente d’Hydro-Québec, Mme Brochu, en mars dernier.

Elle disait que le Québec ne disposerait plus de surplus d’électricité propre d’ici 2027 à cause de la trop forte demande provenant, entre autres, de l’implantation de nouvelles entreprises, dont celles qui veulent produire de l’hydrogène vert.

Ma question est en deux volets. Avez-vous intégré cette déclaration de la part d’Hydro-Québec dans vos calculs ou projections? Avez-vous lancé d’autres initiatives qui pourraient faire en sorte que l’industrie de l’hydrogène vert serait moins énergivore?

M. Charlebois : Cela va me faire plaisir de répondre à la question, mais je pense qu’elle était dirigée à M. Zacharias.

[Traduction]

M. Zacharias : Merci. Je me ferai un plaisir de répondre, puis je céderai la parole à M. Charlebois.

Le Canada devra au moins doubler son réseau électrique — et peut-être même le tripler — d’ici 2050 s’il veut atteindre ses objectifs de carboneutralité. En 2020, Environnement Canada a produit une modélisation donnant à penser qu’il faudra deux à trois fois plus d’électricité propre pour que le Canada se décarbonise complètement. Les travaux ultérieurs de Ressources naturelles Canada ont réduit cette projection à deux fois.

Nous savons qu’un certain nombre de services publics et de provinces envisagent des déficits dans la production d’électricité dès 2026-2028. Mais nous rappelons que le Canada a la capacité de créer de nouveaux actifs de production d’énergie renouvelable à très bas prix. L’Alberta a montré la voie en produisant de l’électricité à quatre cents le kilowattheure au cours des cinq dernières années.

L’automne dernier, la revue Nature a publié une étude comparant 42 pays du point de vue de leur capacité à alimenter pleinement leur économie grâce à des actifs d’énergies renouvelables, et le Canada était au deuxième rang.

Donc, oui, nous sommes conscients de cet enjeu, mais nous sommes également conscients de la possibilité pour le Canada d’accroître sa production d’électricité.

[Français]

La sénatrice Verner : Merci, monsieur Zacharias.

Le président : Monsieur Charlebois, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Charlebois : Notre analyse pointe dans la même direction. Nous reconnaissons que la demande d’électricité va augmenter d’environ 44 % d’ici 2050. Évidemment, la capacité d’en produire devra satisfaire à cette demande. On voit le potentiel pour l’énergie solaire et éolienne de jouer un rôle clé dans cette croissance. Encore une fois, cela échoue aux différentes compagnies d’utilité publique, à l’échelle provinciale, de trouver des solutions à ce problème-là. Notre exercice de modélisation ne prend pas cela comme une contrainte, mais plutôt une occasion d’accroître la production d’énergie renouvelable.

La sénatrice Verner : Cette question s’adresse probablement à M. Charlebois. Dans un autre ordre d’idée, le 23 août dernier, comme tout le monde le sait, le Canada et l’Allemagne ont signé une déclaration d’intention conjointe pour établir une alliance pour la production et l’exportation d’hydrogène vert d’ici 2025.

Dans des témoignages précédents, on a entendu qu’à peu près tout reste à faire, tant sur le plan des infrastructures que de la réglementation. Dans ce contexte-là, je me demande si vous pensez que l’année 2025 — c’est quand même dans trois ans — est un objectif vraiment réalisable compte tenu de tout ce qu’il y a à faire pour y parvenir.

M. Charlebois : La Régie de l’énergie du Canada travaille de façon active pour se préparer à l’éventualité d’avoir de l’hydrogène dans les réseaux pipeliniers ou d’être prêt à réglementer de telles installations.

[Traduction]

Je vais céder la parole à mon collègue Jim Fox, qui pourra vous parler plus en détail du travail que nous faisons en matière de réglementation.

[Français]

Pour répondre spécifiquement à votre question à savoir si c’est réaliste, on n’a pas fait de travail pour juger si c’était réalisable ou non. Une chose est certaine : dans la mesure où il n’y a pas d’infrastructure en place, cela va demander des efforts importants, tant du point de vue technologique que financier.

[Traduction]

Monsieur Fox, vous pourriez peut-être apporter d’autres éléments concernant notre travail en matière de réglementation.

Jim Fox, vice-président, Stratégie de réglementation et coordination, Régie de l’énergie du Canada : Excusez-moi, j’en ai manqué une partie en écoutant le fil en anglais. Y avait-il une autre question?

Le président : Votre collègue aimerait que vous résumiez l’état de préparation du système de réglementation et que vous nous disiez où nous en sommes à cet égard.

La sénatrice Verner : Et des infrastructures.

M. Fox : Nous n’avons pas beaucoup d’infrastructure pour l’hydrogène dans la perspective d’exportations pour l’instant au Canada.

Quant à la réglementation, si une partie se présentait à la Régie de l’énergie du Canada pour demander un investissement dans l’infrastructure, nous serions prêts à examiner un projet de pipeline d’hydrogène à titre particulier, c’est-à-dire que, faute de normes et de règlements en place, nous examinerions la proposition et la soumettrions à un processus d’évaluation rigoureux dans le cadre duquel les experts de la CER, ainsi que d’autres experts et des membres de la population, pourraient formuler leurs préoccupations, écouter les réponses de l’entreprise et contribuer à l’élaboration du projet en bonne et due forme pour qu’il puisse être réalisé dans des conditions sécuritaires et respectueuses de l’environnement.

Nous sommes en mesure de procéder dès maintenant. Il reste encore du travail à faire pour que les règles soient claires et transparentes pour les entreprises, les promoteurs et les autres parties intéressées et qu’elles permettent d’instaurer un système d’exploitation efficace. Cela prendra quelques années, comme l’a dit mon collègue.

La sénatrice Verner : Oui, mais l’entente conclue entre l’Allemagne et le Canada portait sur l’état de préparation en 2025. Ma question précédente portait sur l’infrastructure. Sommes-nous en train de nous préparer à cet égard?

M. Fox : Du point de vue de la Régie de l’énergie du Canada, je crois que la date de 2025 concernait un projet de production d’hydrogène vert à Terre-Neuve. Puisque le pipeline ne traverserait pas de frontières provinciales ou internationales, la REC ne participerait pas nécessairement au projet.

La sénatrice Verner : Merci.

La sénatrice Anderson : Quyanainni pour votre exposé. Ma question s’adresse à tous les témoins.

Monsieur Zacharias, vous avez dit que le Canada devait obtenir sa part du gâteau. Je viens des Territoires du Nord-Ouest, où le pétrole et le gaz étaient importants dans les années 1980. La production se faisait dans ma ville natale, Tuktoyaktuk, et elle a donné lieu à un essor économique pour le Canada et le Nord. Mais, quand les entreprises sont parties, elles ont laissé derrière elles une île artificielle d’environ 150 puisards dont le contenu s’infiltre dans le sol. Un tiers de ces puisards se trouvent dans la région de l’Inuvialuit. Plus de 40 ans plus tard, ils sont toujours là, sans qu’on ait entièrement réglé le problème.

Vous avez tous parlé des avantages de l’hydrogène. Pouvez-vous nous parler de certains des inconvénients et des difficultés qui y sont liés, et vous attendez-vous à ce que des plans d’assainissement soient intégrés à la production d’hydrogène pour veiller à ce que les provinces et les territoires ne soient pas laissés aux prises avec ce que les entreprises laissent derrière elles? Merci.

M. Charlebois : La Régie de l’énergie du Canada surveille la construction et l’exploitation des pipelines dans la mesure où ils traversent les frontières interprovinciales. Nous ne participons pas directement à la surveillance de la production, qu’il s’agisse de pétrole, de gaz ou d’hydrogène. Nous nous occupons spécifiquement du transport.

Je ne peux donc pas parler du travail qui se fait pour s’assurer que la sécurité et la protection de l’environnement sont garanties à l’étape de la production de la chaîne de valeur.

Le président : Monsieur Zacharias, pouvez-vous nous éclairer?

M. Zacharias : Certainement. C’est une très bonne question.

Quelle que soit la méthode de production d’hydrogène, qu’on utilise du gaz naturel ou de l’électricité renouvelable, toutes les installations doivent être suffisamment cautionnées pour qu’elles ne deviennent pas des actifs abandonnés ni des actifs orphelins laissés aux contribuables et aux collectivités qui devront s’occuper du nettoyage.

Nous sommes tout à fait d’accord. Nos recommandations stipulent systématiquement que tout doit être correctement cautionné avant d’être autorisé.

Vous avez également posé une question sur les autres répercussions de la production d’hydrogène sur l’environnement et sur la santé publique. C’est évidemment un gaz, et il est inflammable. Il y a des préoccupations à ce sujet, et il faudra y trouver des solutions. Encore une fois, il existe déjà des systèmes de réglementation des combustibles fossiles dont les dispositions portent sur le traitement des produits chimiques volatils et des combustibles fossiles.

Ce sont les deux principaux éléments que j’ajouterais. Quant au cadre de réglementation, il est effectivement de plus en plus solide à l’échelle fédérale et à l’échelle provinciale, mais il reste du travail à faire.

Le président : Que devrait faire la sénatrice Anderson de son tas de sable, de débris et de matières polluantes? À votre avis?

M. Zacharias : J’ai passé 25 ans de ma carrière à travailler au sein de gouvernements, souvent du côté de l’assainissement et de la remise en état. Il existe des sources de financement fédéral pour faciliter la récupération de ces actifs. Il y a aussi des mécanismes juridiques pour intenter des poursuites contre la partie en cause afin de déterminer qui pourrait payer. Encore une fois, je ne travaille plus dans ce domaine, mais peut-être que la CER a des choses à dire.

La sénatrice Anderson : J’aimerais avoir une précision, monsieur Zacharias, au sujet des recommandations dont vous avez parlé. Est-ce qu’elles sont exécutoires?

M. Zacharias : En fait, cela dépend de la province, du territoire ou du système de réglementation et cela dépend aussi du type de projet. Par exemple, en Colombie-Britannique, où j’habite, les nouveaux actifs construits sur des sites industriels doivent désormais être suffisamment cautionnés pour financer le nettoyage de tout ce qui pourrait rester dans le cas où une entreprise ne pourrait pas continuer d’exploiter ces actifs ou les abandonnerait et les laisserait aux contribuables. Je sais que la Colombie-Britannique, où j’ai déjà travaillé, envisage des mesures très semblables au sujet des projets miniers. Cela dépend de la sphère de compétence.

Le président : J’avoue que c’est vraiment injuste et très négatif, mais évidemment un peu tard. Nous devons veiller, à tout le moins, à ce que cela ne se reproduise plus. Je pourrais peut-être poser encore quelques questions.

[Français]

Avant-hier, nous avons entendu M. Robert Howarth, un professeur de l’Université Cornell qui, à mon avis, est très crédible et très connaissant. Il est partiellement engagé dans les recommandations énergétiques pour l’État de New York, un état populeux dont le leadership est important.

Cet État a décidé de ne pas s’engager de quelque façon que ce soit dans l’hydrogène, car il y a toujours le méthane qui va s’échapper, et aussi parce que c’est une étape très nocive qui comporte beaucoup d’hypothèses et qu’il est possible d’éviter.

Monsieur Charlebois, à ce point-ci, on accepte tout cela, mais personne n’a la certitude de ce que peuvent être les conséquences réelles. Êtes-vous au courant de la politique énergétique que recommande le professeur Howarth de l’Université Cornell?

M. Charlebois : Je ne suis pas familier avec la politique énergétique de l’État de New York, malheureusement. Toutefois, je peux simplement ajouter à la question de sécurité et de sûreté que l’on vient d’évoquer. Si l’hydrogène venait à être transporté par pipeline, ce qui est réglementé par la Régie de l’énergie du Canada, je peux vous assurer qu’avant tout transport d’hydrogène par pipeline à l’échelle fédérale, toute incertitude sera écartée pour s’assurer que toutes les questions de sécurité seront traitées de la façon la plus rigoureuse.

Nous avons un cadre réglementaire robuste concernant les sécurités financières ainsi que pour la cessation d’exploitation des pipelines. Tout ce cadre réglementaire va s’appliquer aux pipelines d’hydrogène si jamais ils venaient à être mis en opération.

Le président : Effectivement, il est possible que les engagements de votre bureau puissent assurer que c’est sûr, mais cela n’empêche pas que la décision que nous allons prendre ne sera pas économique et sera très polluante du point de vue du méthane. On se dit que ce sont des hypothèses importantes, mais peut-être qu’il sera trop tard, encore, parce qu’il est question ici de chiffres importants et la conséquence est grave.

Je pense que si on examine l’hypothèse du professeur Howarth, sa présentation, peut-être qu’à une prochaine occasion on pourra entendre votre opinion quant à savoir si c’est crédible et faisable.

J’aimerais aussi parler de la capture du carbone en Saskatchewan. Cela fait quelques années qu’on en discute, mais à l’heure actuelle, nous ne connaissons pas le montant exact de subvention qui est nécessaire pour arriver à des résultats. On est loin d’un accord et certains disent qu’il faudrait payer 150 $ le baril. Est-ce que ce sont véritablement les bons chiffres pour ce qui est de la subvention nécessaire? Aussi, est-ce qu’on atteindra le seuil de rentabilité? Monsieur Charlebois et monsieur Zacharias, voulez-vous faire un commentaire?

M. Charlebois : Pour ce qui est de l’hydrogène et, dans une certaine mesure, de la capture du carbone, ce sont des technologies en évolution. La capture du carbone est peut-être un peu plus avancée que la technologie de l’utilisation de l’hydrogène à grande échelle. Si on recule dans l’histoire, on voit que la technologie du gaz naturel et du pétrole s’est améliorée au fil des ans. Ce n’est pas parfait, mais cela s’est amélioré.

Dans la mesure où l’hydrogène et la capture du carbone vont pénétrer le système énergétique canadien à plus grande échelle, on s’attend à ce que les organismes de la Régie de l’énergie du Canada et les autres organismes de réglementation à l’échelle provinciale rempliront leur mandat de surveillance.

Sur le plan politique, les décideurs mettront en place les paramètres nécessaires pour que cette exploitation et cette technologie de la capture du carbone se fassent selon les règles de l’art et les plus hauts standards d’ingénierie et d’environnement.

[Traduction]

M. Zacharias : Merci de la question. Il faut distinguer deux choses. Premièrement, le captage du carbone peut servir à différents usages. Il y a au Canada une quantité énorme de ce qu’on appelle « l’espace poral ». C’est un immense pays dont la géologie permet de stocker une grande quantité de carbone sous terre, et il serait possible de créer un marché, en dehors de l’hydrogène bleu, qui permettrait à des entreprises et à des gouvernements de payer le Canada pour extraire le carbone de l’atmosphère, l’enfouir sous terre et le stocker définitivement dans l’espace poral. Dans le meilleur des cas, certaines formations géologiques du Canada permettraient à ce carbone de se minéraliser en deux ans et de devenir de la roche. C’est un élément de solution. Ce sont les marchés qui permettront de déterminer si cette solution est efficace pour le climat et ce qu’il en coûtera par tonne pour stocker tout ce carbone sous terre.

Concernant votre question sur l’hydrogène bleu, je pense que ce sont les marchés qui permettront de déterminer, probablement au cours des cinq à sept prochaines années, le meilleur mode de production. Le prix du marché payé pour l’hydrogène vert provenant de l’électricité ou pour l’hydrogène bleu provenant du gaz naturel sera aussi en fonction de l’intensité carbone. Si l’intensité carbone est faible, que l’hydrogène bleu permet au méthane de s’échapper et qu’il n’est pas beaucoup plus propre que l’hydrogène traditionnel produit par le reformage du méthane à la vapeur, cela se traduira dans le prix.

Pour répondre à votre question, je pense que l’Union européenne va exiger du Canada de l’hydrogène de la plus haute qualité et à très faible intensité carbone, et le secteur de l’hydrogène bleu sera peut-être en mesure de répondre à cette exigence, ou pas. Cela reste à voir.

Le président : Cela dit, le marché peut effectivement filtrer ce qui est bien ou mal, ce qui est faisable ou non. Dans notre cas, ce n’est pas si simple. Il y a un niveau important de subvention, et tant que cette subvention ne sera pas supprimée, nous ne saurons pas ce que le marché justifierait. Comment déterminer ce qui est justifiable et ce qui est lié au marché quand les subventions sont à un tel niveau? Il en va de même aux États-Unis.

M. Zacharias : Je me ferai un plaisir de répondre. C’est une excellente question. Il y a l’élément de la subvention et l’élément du stimulant. Je vais vous parler de la situation aux États-Unis. Le très récent Inflation Reduction Act prévoit une subvention et un crédit d’impôt à la production calculés en fonction de l’intensité carbone de l’hydrogène. Peu importe la couleur. Ce qui importe, c’est sa propreté et le volume carbone rejeté dans l’atmosphère lors de sa production. C’est quelque chose que le Canada devrait envisager.

Deuxièmement, et je pense que M. Charlebois a dit la même chose, nous en sommes aux premiers stades du captage et du stockage du carbone et de la production d’hydrogène bleu. Nous avons 200 000 travailleurs du secteur pétrolier et gazier qui peuvent tous être utiles dans ce domaine et qui pourraient faire la transition vers la production d’hydrogène propre au Canada.

On a besoin de soutien à la R-D et à l’innovation, et il faudrait faciliter la croissance de petites et moyennes entreprises canadiennes dans ce domaine. Est-ce qu’elles arriveront toutes à être productives et rentables pour le Canada? Nous ne le savons pas encore, mais c’est la voie de l’innovation. Il faut parfois prendre des risques.

[Français]

Le président : J’aurais une autre question. Il y a beaucoup d’arguments disant que cela a l’air très attirant, mais pourquoi aller à cette étape? Vous y avez fait référence, monsieur Charlebois : le coût pour produire de l’énergie atteint environ 0,04 $ le kilogramme. C’est tellement peu coûteux. Pourquoi ne pas aller directement vers ces deux, trois sources très propres et peu coûteuses au lieu de subventionner un autre produit et d’autres complications?

M. Charlebois : Je pense que c’est important de se rappeler le contexte dans lequel tout cela évolue. C’est un contexte où le Canada a des ambitions très élevées pour atteindre les objectifs climatiques et la carboneutralité d’ici 2050. Donc, cela va demander des transformations majeures au système énergétique tel qu’on le connaît en ce moment. Personne ne sait exactement comment le Canada pourra atteindre l’objectif de carboneutralité. Cependant, à l’heure actuelle, je pense qu’il est important de considérer les options disponibles, tout en étant prudent par rapport aux nouvelles technologies, y compris l’hydrogène et le captage du carbone.

Reste à savoir quelle technologie sortira en avance pour atteindre la carboneutralité. À ce stade-ci, il est difficile pour nous de juger, à la Régie de l’énergie du Canada, quelle technologie ou quel carburant doit être privilégié pour atteindre la carboneutralité.

[Traduction]

M. Zacharias : Je suis d’accord avec M. Charlebois. On aura besoin de toutes les technologies et de toutes les solutions au cours des 10 prochaines années. La question qui se pose est la suivante : l’investissement dans l’hydrogène bleu est-il un produit d’appel et est-il possible que nous n’ayons plus besoin de subventions parce que nous aurons de l’hydrogène vert?

En fait, je dirais que, quand on parle de production d’hydrogène, quel que soit le mode de production, on renforce la capacité et l’expérience du Canada et on crée une main-d’œuvre qui sait comment traiter l’hydrogène en général.

Les compétences et l’expérience développées dans le domaine de l’hydrogène bleu seront en grande partie transférables dans le domaine de l’hydrogène vert.

Je suis donc d’accord. À l’heure actuelle, nous devons décarboniser rapidement. Nous avons des solutions technologiques viables à notre disposition et elles sont déjà utilisées. À mon avis, on peut raisonnablement s’attendre à pouvoir investir dans certains de ces projets, du moins pour voir s’ils seront viables. À défaut, on changera de cap et on envisagera une autre technologie.

Le président : L’une de mes questions était plus précisément la suivante : faut-il vraiment passer par là quand on a de l’énergie concurrentielle à 4 cents le kilowattheure au maximum? Chez Hydro-Québec, on parle de six ou sept cents. Nous pourrions produire de l’énergie nouvelle à moindre coût. Pourquoi passer à l’hydrogène? L’énergie éolienne ou solaire semble largement accessible.

M. Zacharias : C’est une excellente question.

Je vais utiliser l’exemple des véhicules. Les véhicules utilitaires légers, les camions à ordures, les autobus scolaires, les camions à benne basculante et les véhicules municipaux — des camions allant jusqu’à la classe 7 ou 8 —, seront très probablement à batteries dans l’avenir. Il s’agit bien, comme vous le dites, de produire de l’électricité propre, de la mettre dans une batterie et d’aller de l’avant.

Le problème, c’est qu’il y a des secteurs de notre économie et de notre société qui sont incroyablement difficiles à décarboniser au moyen de l’électricité. La production d’acier, de ciment et d’engrais nécessite de l’hydrogène comme intrant, et à l’heure actuelle, cet hydrogène provient de la molécule de méthane. On a aussi besoin d’applications à haute température, et, là non plus, l’électricité n’est guère utile. Le camionnage sur de longues distances serait un autre exemple où l’hydrogène surpasserait probablement l’électrification et les batteries et serait probablement la solution à long terme.

Je rappelle que nous parlons du tiers des émissions le plus difficile à décarboniser, et c’est là que l’hydrogène a un avantage, qu’il soit bleu ou vert, par rapport à l’électrification traditionnelle.

Le président : Merci.

La sénatrice Seidman : Monsieur Zacharias, vous avez dit que, si nous voulons produire de l’hydrogène vert de façon plus efficace, il faudrait doubler la production d’électricité.

M. Zacharias : C’est exact.

La sénatrice Seidman : Toute la question de l’utilisation d’eau douce — de ressources en eau — est de plus en plus présente. Est-ce la meilleure utilisation de l’eau douce? Je sais que le Canada arrive au deuxième rang des pays qui possèdent des ressources en eau douce, mais, si j’envisage l’eau comme un produit ou une ressource, et comme une ressource très importante, est-ce que la meilleure utilisation de l’eau douce est de développer et d’accroître l’énergie verte?

M. Zacharias : C’est une bonne question, et je ne pense pas que la société soit encore en mesure d’y répondre, d’autant moins que nous ne savons pas vraiment par où passera la décarbonisation mondiale. Ce que je veux dire par là, c’est que nous ne savons pas vraiment quelle quantité d’énergie sera nécessaire à l’échelle mondiale pour renoncer à l’utilisation des combustibles fossiles et si le Canada fournira cette énergie.

Nous exportons déjà 8 % de notre électricité aux États-Unis chaque année. La question qui se pose alors est la suivante : y a-t-il une possibilité économique pour le Canada d’exporter de l’hydrogène — vert, bleu ou autre — et peut-on le faire de façon durable, en utilisant les ressources de façon durable au Canada, avec le consentement des Autochtones dans les territoires où ces projets sont réalisés? C’est à l’échelle de la société que toutes ces décisions doivent être prises.

À Clean Energy Canada, nous estimons que, pour l’instant, il ne faut écarter aucune solution. L’avenir va en éliminer et nous orienter vers les meilleures pour la décarbonisation, la croissance de l’emploi au Canada, le développement des entreprises canadiennes et un bon gagne-pain pour tous les Canadiens. C’est ainsi que nous voyons les choses.

C’est une très bonne question, et il est trop tôt pour le dire, mais je pense que le Canada a certains avantages concurrentiels en matière de capacité de production d’électricité. Mais il nous en faut beaucoup plus.

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous dites tous qu’il ne faut écarter aucune solution. Mais, compte tenu des faits et de l’évolution de la science — je pense à un article paru dans le New York Times il y a trois semaines, dans lequel des experts disaient que, et c’est le titre, « Every Dollar Spent on This Climate Technology Is a Waste »... il me semble que le Canada prend des mesures ou des décisions dont on sait déjà qu’elles ne servent à rien pour lutter contre les changements climatiques.

Y a-t-il de l’avenir? Vaudrait-il mieux simplement mettre fin à ces subventions pour le captage du carbone? Est-ce du gaspillage? J’adresse ma question aux deux témoins parce que les deux semblent dire : « N’écartons aucune solution, examinons-les, pourquoi pas », et j’ai l’impression qu’on n’en est plus là.

M. Zacharias : J’aimerais bien répondre, merci.

Si on veut maintenir le réchauffement de la planète à moins de deux degrés, il faudra stocker le carbone. Il faudra le stocker dans du ciment et sous terre. Il faudra le stocker dans des produits forestiers. Il faudra le stocker partout où ce sera possible, et le plus rapidement possible, pendant que nous décarbonisons la société, que tout le monde passe aux véhicules électriques, aux thermopompes, et cetera, et que nos entreprises sont décarbonisées.

C’est la raison pour laquelle le stockage du carbone est important, et c’est pourquoi il faut s’y intéresser dès maintenant.

Je suis d’accord avec vous : si l’humanité cessait d’utiliser les combustibles fossiles demain, nous n’aurions pas besoin du captage et du stockage du carbone au degré et dans la mesure où il va falloir le faire, mais ce sera l’un de nos outils, et nous en aurons probablement besoin à l’échelle mondiale.

M. Charlebois : À l’échelle mondiale, dans la mesure où le Canada dispose de la technologie et de la géologie nécessaires pour capter et stocker une partie du carbone, on pourra s’en servir pour produire du pétrole et du gaz à l’appui de la transition dans d’autres pays. Je ne dis pas que c’est la solution miracle, mais, dans le contexte d’une transition énergétique mondiale, je pense qu’il faut envisager d’utiliser tous les outils disponibles et de tirer parti des avantages de différents pays.

[Français]

Le président : Merci beaucoup à vous trois. C’était une bonne discussion. Elle n’est malheureusement pas terminée. Toutefois, cela nous permet de mieux comprendre les défis et les conséquences.

[Traduction]

Merci à vous trois. Nous vous sommes très reconnaissants. Nous allons réfléchir sérieusement à vos commentaires et peut-être vous réinviter avant la rédaction de notre rapport, car nous en apprenons de plus en plus sur l’importance et les conséquences de cette énergie. Merci.

[Français]

Pour notre deuxième panel, nous accueillons, de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie, Greg Moffatt, vice-président des politiques et secrétaire général, et d’Électricité Canada, nous avons avec nous Michael Powell, vice-président des relations gouvernementales.

Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation. Vous avez cinq minutes chacun pour faire votre mot d’ouverture. Nous débuterons avec M. Moffatt. Il sera suivi de M. Powell.

Monsieur Moffatt, vous avez la parole.

[Traduction]

Greg Moffatt, vice-président des politiques et secrétaire général, Association canadienne de l’industrie de la chimie : Merci beaucoup. Avant de commencer, je précise que je vous parle depuis mon domicile à Calgary, qui se trouve sur les territoires traditionnels des peuples de la région visée par le Traité no 7 dans le sud de l’Alberta, qui comprend la Confédération des Pieds-Noirs des nations des Siksika, des Piikani et des Kainai, la Première Nation des Stoney-Nakoda de Chiniki, Bearspaw et Wesley, et la Première Nation Tsuut’ina. La ville de Calgary est le foyer des Métis du Nord-Ouest et de la nation métisse de l’Alberta, région 3. Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui au nom de l’ACIC, l’Association canadienne de l’industrie de la chimie, et de ses membres au sujet de l’énergie à base d’hydrogène.

Pour mettre les choses en contexte, la fabrication de produits chimiques au Canada, dont la valeur s’élève à 65 milliards de dollars, contribue de façon importante à l’économie de notre pays. Le secteur est directement responsable de 78 000 emplois et verse environ 6,6 milliards de dollars en salaires et traitements. Principalement concentré en Alberta, en Ontario et au Québec, ce secteur d’activité est à l’origine de 390 000 autres emplois dans l’ensemble de l’économie du pays. Par rapport aux autres secteurs, la chimie et les plastiques au Canada se classent au quatrième rang pour la valeur des expéditions, derrière le matériel de transport, les aliments et les produits énergétiques raffinés, et au troisième rang pour la production manufacturière à valeur ajoutée.

Plus de 95 % de tous les produits manufacturés dépendent de la chimie, et la demande mondiale croissante de produits chimiques et de résines plastiques ayant la plus faible production de carbone possible est en train d’augmenter. La chimie et les plastiques aident tous les Canadiens à réduire les émissions dans des secteurs importants, comme les bâtiments écologiques, par exemple, grâce à des moyens d’isolation novateurs pour prévenir les pertes de chaleur et de refroidissement; le transport durable, grâce à la fabrication de véhicules plus légers et à l’alimentation par batteries des véhicules électriques; l’énergie propre, comme les turbines solaires et éoliennes; l’agriculture durable; et les emballages alimentaires légers qui préviennent la détérioration des aliments.

La chimie joue un rôle crucial dans la chaîne d’approvisionnement de presque toutes les entreprises de fabrication au Canada. La décarbonisation de la production de produits chimiques et celle des chaînes d’approvisionnement en aval nécessiteront des investissements importants dans des installations nouvelles et existantes. L’hydrogène fera partie intégrante de la transition et des nouveaux investissements en chimie au Canada, mais il en sera de même pour le déploiement du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone. Le CUSC étant une technologie habilitante, l’hydrogène sera produit à partir de gaz naturel à faible teneur en carbone et de liquides extraits du gaz naturel.

L’hydrogène produit de nos jours par les entreprises membres de l’ACIC est un sous-produit des réactions chimiques causées par les vapocraqueurs et l’électrochimie. Ce sous-produit, l’hydrogène, est utilisé de toutes sortes de façons, entre autres comme carburant supplémentaire pour le chauffage, ou vendu à des tiers comme matière première d’autres procédés, dont la fabrication de produits chimiques. Le site intégré de craquage et de dérivation d’éthylène à émission nette zéro proposé par Dow Chemical Canada près d’Edmonton utilisera le procédé de craquage d’éthylène alimenté à l’hydrogène ainsi produit, illustrant une économie circulaire en action. L’hydrogène sera produit à partir de gaz naturel à faible teneur en carbone et de liquides extraits du gaz naturel, avec le CUSC comme technologie habilitante.

Pour conclure mes observations et dans l’attente de vos questions, je vais vous donner un aperçu des instruments de soutien à l’investissement stratégique dont on aurait besoin pour faire des investissements dans l’hydrogène et le CUSC une réalité au Canada.

Les entreprises ont besoin de certitude et de prévisibilité du côté de la politique sur le carbone et le recyclage des revenus pour appuyer les investissements dans le secteur de la chimie et du plastique afin que notre secteur et d’autres puissent concrétiser les ambitions de la société en matière de carboneutralité. La certitude et la prévisibilité sont compromises par la superposition de multiples politiques et priorités sur la tarification du carbone, comme la réglementation sur les carburants propres, la réglementation sur l’électricité propre et le plafond des émissions de pétrole et de gaz.

Il faudrait veiller à ce que les programmes actuels et à venir d’attraction des investissements visent à long terme et soient accessibles aux investisseurs pendant au moins 10 ans compte tenu des cycles de planification des activités. Une transparence et une prévisibilité accrues doivent en être les pierres angulaires, et il importe d’éviter les processus d’arbitrage opaques et à huis clos.

Il faudrait utiliser le code fiscal du Canada pour accroître la transparence, l’accès aux programmes et la stimulation des investissements. Le nouveau crédit d’impôt à l’investissement, le CTI, ne devrait pas être inféodé à une technologie et devrait être fonction des résultats, avec des critères d’admissibilité clairs qui garantissent prévisibilité et certitude.

L’ACIC est en train d’examiner le CTI relatif au CUSC. Nous en appuyons de nombreux éléments, mais certains commentaires de nos membres soulignent l’écart de valeur entre le CTI et les mesures prises par d’autres administrations, entre autres le 45Q américain dont a parlé le groupe précédent. L’examen à huis clos des demandes est un autre enjeu préoccupant, car il nuit à la prévisibilité et à la certitude. Les critères d’admissibilité et les lignes directrices techniques devraient être précisés d’emblée pour confirmer l’admissibilité ou la valeur du CTI.

Enfin, il faudrait prolonger la déduction pour amortissement accéléré au moins jusqu’en 2040, sans élimination ou abaissement progressif au moins jusqu’en 2030, afin que le secteur manufacturier du Canada puisse faire des investissements essentiels pour renforcer les chaînes d’approvisionnement nationales et rebâtir en mieux après la pandémie de COVID-19.

Ce ne sont là que quelques-unes des mesures habilitantes dont on aurait besoin pour favoriser les investissements dans l’hydrogène et le CUSC dont je parle dans la note d’information qui a été fournie au comité avec un exemplaire de mon exposé d’aujourd’hui.

Merci de votre temps, de votre attention et de votre travail. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Michael Powell, vice-président des relations gouvernementales, Électricité Canada : Je tiens également à souligner que le territoire sur lequel nous nous réunissons aujourd’hui est le territoire traditionnel des Algonquins et des Anishinabes. En plus de mon rôle à Électricité Canada, j’ai le plaisir de coprésider le groupe de travail sur l’électricité du gouvernement du Canada dans le cadre de la stratégie sur l’hydrogène.

Électricité Canada est le porte-parole national en matière d’électricité durable. Nos entreprises produisent, transportent et distribuent de l’électricité à des clients industriels, commerciaux et résidentiels d’un océan à l’autre. Le secteur canadien de l’électricité est l’un des plus propres au monde. Plus de 80 % de l’électricité canadienne est déjà carboneutre, et ce pourcentage continue d’augmenter.

L’électricité est l’avenir énergétique du Canada. C’est un catalyseur économique, environnemental et social essentiel à la prospérité du Canada. C’est l’électricité qui permettra au Canada d’atteindre la carboneutralité, et nous en aurons donc encore plus besoin.

Mes observations d’aujourd’hui porteront sur la production et l’utilisation de l’hydrogène dans notre secteur. Nous avons aussi des défis à relever en matière de transport, de stockage et de création d’un marché pour les produits à base d’hydrogène, et d’autres intervenants sont également confrontés à ces difficultés.

L’hydrogène et l’électricité sont des partenaires naturels de la transition vers la carboneutralité au Canada. Selon l’Institut climatique du Canada, l’électrification et les systèmes à hydrogène pourraient être une voie vers la carboneutralité.

L’hydrogène à faible teneur en carbone peut aider à décarboniser plusieurs secteurs de notre économie qui sont difficiles à électrifier. Il permettrait d’alimenter des véhicules lourds comme des camions ou des trains longue distance, dans lesquels des batteries seraient peu pratiques. Il pourrait remplacer les combustibles fossiles pour produire la chaleur de haute qualité nécessaire à la production de ciment et de fer. Il pourrait également servir à chauffer des maisons et des bâtiments, même s’il est mélangé au système de gaz naturel existant.

Ce sont des moyens réels de réduire considérablement les émissions de dioxyde de carbone. Pour les concrétiser, il faut créer en même temps l’offre et la demande d’hydrogène. Nous sommes engagés dans les deux.

Notre secteur, grâce à notre réseau d’électricité propre, offre de réelles possibilités de production d’hydrogène. En fait, il s’agit d’électrification sous un autre nom. Nous avons déjà vu un exemple de cet avenir — le dernier groupe de témoins vous en a parlé — avec l’annonce d’une alliance entre le Canada et l’Allemagne et l’engagement à produire et à exporter de l’hydrogène vert de Terre-Neuve d’ici 2025.

Notre réseau est tel que nous avons parfois beaucoup plus d’électricité que ce dont nous avons besoin à certains moments. Les surplus pourraient servir à produire de l’hydrogène sans carbone, lequel pourrait servir de carburant propre dans le cadre d’autres applications. À mesure que l’économie de l’hydrogène se développera, nous verrons probablement des systèmes de production conçus uniquement pour produire de l’hydrogène au-delà de la demande d’électricité.

L’hydrogène pourrait aussi contribuer à la décarbonisation du secteur de l’électricité. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral s’est engagé à mettre en place un réseau d’électricité à consommation énergétique nette zéro d’ici 2035. Cet objectif sera un excellent levier, surtout si l’on veut que le système demeure fiable et abordable, en particulier dans les provinces qui dépendent davantage des formes de production d’électricité émettrices que d’autres. Nous aurons donc besoin de nouvelles technologies.

L’hydrogène est l’une des avenues qui suscitent de l’optimisme parmi nos membres. Certains ont déjà annoncé des plans en Alberta pour utiliser l’hydrogène bleu à faible teneur en carbone comme carburant propre pour la production d’électricité dans les centrales actuelles, en tirant parti de l’infrastructure du gaz naturel et en utilisant le procédé de captage et de stockage du carbone. Ce serait applicable à très court terme.

En dehors de l’assainissement du réseau, la demande d’électricité pourrait également servir de marché pour l’hydrogène, en facilitant la demande pour encourager la production. Nous pouvons être à la fois la poule et l’œuf.

Malgré tout ce potentiel, l’adoption généralisée de l’hydrogène se heurte encore à des difficultés importantes. Elles sont les mêmes que celles dont d’autres témoins vous ont parlé. Nous vous demandons d’examiner quelques questions. Je fais remarquer que c’est aussi ce qui favorisera la croissance du réseau en général.

Il sera difficile de produire de l’hydrogène propre sans un approvisionnement en énergie propre abordable. C’est le prix de l’électricité qui déterminera le prix de l’hydrogène propre. En plus de veiller à ce que notre système demeure abordable en général, il faudra tenir compte de la façon dont les modèles de réglementation appuient ou entravent la production d’hydrogène à mesure que nous ferons croître cette partie de l’économie.

Nous devrons aussi travailler ensemble pour accélérer les processus de délivrance de permis et d’approbation. Il faut parfois des années, voire des décennies, pour que des projets de production ou de transport d’électricité soient approuvés, avant même qu’il soit question de construire. Nos objectifs climatiques, qu’on parle de 2035 ou de 2050, ne nous laissent pas le temps de faire le tri dans le processus. Nous devons l’accélérer.

Il faut aussi que le gouvernement crée un climat d’investissement sain. Il s’agit notamment de veiller à ce que les programmes de soutien, sous forme de crédits d’impôt à l’investissement ou autres, soient concurrentiels à l’échelle internationale. Le capital est un actif fongible qui ne connaît pas de frontières. Lorsqu’il y a des programmes gouvernementaux, il faut veiller à ce que l’argent soit versé rapidement pour que les projets puissent être réalisés.

Il faut également veiller à ce que les signaux restent clairs et cohérents en matière de prix. Nos entreprises font des investissements importants, et elles ont besoin de certitude concernant les prix, notamment en matière de tarification du carbone, pour s’assurer que ces investissements sont valables.

Le secteur de l’électricité est déterminé à contribuer au développement de l’économie de l’hydrogène. Nous invitons le gouvernement à continuer d’aborder ces enjeux importants pour que l’hydrogène fasse partie du futur système énergétique propre du Canada. Merci.

Le président : Merci. Passons aux questions.

La sénatrice Sorensen : Merci aux témoins. Je suis arrivée en retard. Je me présente : sénatrice Karen Sorensen, de l’Alberta.

Monsieur Moffatt, l’un des domaines d’expertise de votre association est la gestion des produits chimiques, au sujet de laquelle nous avons beaucoup appris dans le cadre de notre étude du projet de loi S-5. L’expansion de l’hydrogène est-elle associée à de nouvelles difficultés ou de nouveaux risques à cet égard? La question suivante s’adresse à vous et à M. Powell. Pouvez-vous m’expliquer comment l’hydrogène est transporté? Ce transport comporte-t-il des risques?

M. Moffatt : Merci de la question, sénatrice Sorensen. Du point de vue de la gestion des produits chimiques, l’expansion de l’hydrogène ne représente aucun risque supplémentaire pour la société. Il y a cependant des considérations liées à la sécurité et aux conditions de transport. Quand on parle d’hydrogène, on parle parfois aussi d’ammoniac comme vecteur.

Le secteur de la chimie et d’autres ont de l’expérience dans la manutention des produits chimiques à haut risque. Lors de notre comparution précédente, nous vous avons parlé de la gestion responsable de ces produits et de l’importance accordée à la gestion des risques et à la réduction des répercussions sur les localités où nous exerçons nos activités et où nous transportons des marchandises. La gestion des produits chimiques à haut risque est d’une importance capitale quand on envisage le transport d’hydrogène comme énergie propre ou de vecteurs d’énergie comme l’ammoniac.

M. Powell : J’ajouterais que l’électricité permet de dissocier l’endroit où l’on produit de l’hydrogène de l’endroit où l’énergie est produite. Vous avez vu les câbles, le réseau de transmission et de distribution très complexe au Canada, qui pourraient offrir la possibilité d’avoir des endroits où il pourrait y avoir beaucoup d’énergie éolienne ou un surplus d’énergie nucléaire ou hydroélectrique pour produire de l’hydrogène là où il serait nécessaire. Mais il faut lever certains obstacles. Notre système de distribution est déjà à sa limite de capacité. La demande et la production d’électricité, et notamment de nouvelles énergies renouvelables, vont probablement augmenter. Cela aura une incidence sur le prix. Cela fait partie de nos réflexions quand nous envisageons les moyens de produire de l’hydrogène le plus abordable possible.

La sénatrice Sorensen : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à M. Moffatt, de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie.

Je vous ai bien écouté. Il faut quand même rappeler la réalité : le pétrole et le gaz sont des intrants qui servent à faire surtout des produits chimiques et plastiques. Je me demande comment vous pouvez parler de rendre l’environnement plus vert alors que vous-mêmes faites la capture du carbone et produisez de l’hydrogène. De plus en plus, on se rend compte que l’hydrogène bleu est peu compatible avec un environnement sain.

[Traduction]

M. Moffatt : Merci de la question, madame la sénatrice. J’ai été un peu distrait en essayant de régler mon son, mais je pense avoir saisi l’essentiel.

Comme je l’ai souligné dans mon exposé, le fait est que les produits chimiques et les plastiques jouent un rôle essentiel dans les économies canadienne et mondiale. J’ai fait savoir en très haut lieu que la chimie et les plastiques jouent un rôle dans les bâtiments écologiques et l’isolation novatrice pour prévenir la perte de chaleur, dans l’allégement des véhicules grâce à l’utilisation de plastiques, et dans les énergies renouvelables comme l’énergie éolienne ou solaire.

Oui, il y a des impacts environnementaux associés à la production de produits chimiques. Nous en sommes conscients. À l’échelle mondiale, les entreprises travaillent sans relâche pour réduire au minimum les répercussions sur l’environnement en général, aussi bien que dans leurs interactions avec les collectivités, les particuliers et les employés.

Comme la chimie jouera un rôle très important dans l’avenir, il serait, en fait, très difficile pour d’autres secteurs de réaliser sans elle leurs propres ambitions en matière de carboneutralité.

En fait, quand on parle de chimie, on parle de pétrole et de gaz, non seulement comme source de chaleur, mais aussi comme matière première. Nous avons besoin de cette matière première pour pouvoir déclencher les réactions chimiques nécessaires à la fabrication de produits qui apportent une précieuse contribution à la société.

La question est la suivante : que peut faire notre secteur pour décarboniser la composante chaleur nécessaire à ces réactions? Nous dépendons beaucoup du gaz naturel pour le chauffage aujourd’hui; alors quelle est la voie à suivre? La solution, c’est la décarbonisation par le CUSC.

Est-ce que ce sera la solution définitive? Je ne crois pas. Certaines entreprises mondiales de chimie s’intéressent au vapocraquage électrique, c’est-à-dire à l’utilisation de l’électricité pour stimuler la réaction chimique. Ce procédé dépend encore du gaz naturel et des liquides extraits du gaz naturel, mais il s’agirait d’intégrer l’électricité au procédé de chauffage. Au final, cette électricité devrait être carboneutre. On peut parler d’énergies renouvelables en théorie, mais il faudrait trouver une façon de les stocker, parce que ces processus industriels sont en action 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. En fait, il est question de déployer de petits réacteurs nucléaires modulaires capables fournir de grandes quantités d’énergie de façon fiable sur une longue période.

J’espère vous avoir donné une réponse suffisante.

Le président : Monsieur Powell, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Powell : Oui.

Je suis heureux de la perspective d’avoir plus de clients. C’est la première chose.

Le point d’achoppement, c’est que, pour notre secteur, l’échéance de 2035 pose plus de problèmes que la technologie. Le temps qu’il nous reste pour construire et les technologies à venir qui nous permettront de produire de l’électricité à faible teneur en carbone sont des enjeux difficiles. Nous ne voyons pas comment notre secteur pourrait se passer du CSC dès 2025.

J’ai parlé d’une usine à Battle River qui envisage une conversion en utilisant la production d’hydrogène bleu sur place pour produire de l’électricité à faibles émissions de carbone. Cela contribue à décarboniser le réseau et, pour l’instant, cela réduit les mégatonnes. Est-ce la solution pour 2050? Je n’en suis pas certain, mais nous devons réduire le plus possible le nombre de mégatonnes. L’électricité à faibles émissions ou sans émissions facilitera la décarbonisation.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aurais une question complémentaire pour M. Moffatt. Vous avez indiqué dans vos remarques préliminaires que vous vouliez que les programmes gouvernementaux soient neutres en matière de technologie. Cela veut-il dire que vous ne voulez pas qu’on fasse une distinction entre l’hydrogène bleu et l’hydrogène vert? Or, on sait très bien que l’hydrogène bleu émet de 7 à 25 fois plus de gaz à effet de serre que l’hydrogène vert. Croyez-vous qu’il serait normal que le gouvernement finance l’hydrogène vert plutôt que l’hydrogène bleu?

[Traduction]

M. Moffatt : Merci beaucoup de la question. J’ai eu la chance d’écouter la séance précédente. Le témoignage de Mark Zacharias, de Clean Energy Canada, a été très instructif à ce sujet. Il faut envisager d’utiliser tous les outils à notre disposition.

Quand on parle de l’hydrogène selon sa couleur, je pense qu’on se rend un mauvais service. Il vaudrait mieux l’envisager en fonction de l’intensité carbone.

En réalité, pour progresser à cette échelle avec l’hydrogène vert, il faudrait une énorme quantité d’électricité. Les énergies renouvelables ne sont peut-être pas disponibles aujourd’hui.

J’ai déjà dit que les petits réacteurs nucléaires modulaires pourraient avoir de l’importance dans ce domaine dans les décennies à venir.

En fait, les entreprises répondent aux attentes de la société et du gouvernement. Elles réagissent aujourd’hui à une tarification claire et transparente du carbone. Elles réagissent à d’autres mesures réglementaires stimulant la décarbonisation. L’une des solutions consiste à continuer de tirer parti de nos abondantes ressources pétrolières et gazières de façon durable. Ce mode de production durable consiste à fabriquer de l’hydrogène à partir du pétrole et du gaz grâce au captage, à l’utilisation et au stockage du carbone.

Est-ce une solution idéale? Certains estiment que c’est loin de l’être , mais c’est mieux que ce que nous avons aujourd’hui. C’est une possibilité. Grâce au déploiement de la technologie et à l’apprentissage, le processus et la technologie s’amélioreront.

Franchement, le secteur et nos entreprises sont à la hauteur des ambitions du gouvernement et de la société; je vous ai parlé du projet de Dow Chemical Canada, mais il y a d’autres projets d’une valeur de 35 milliards de dollars dans le domaine de l’énergie propre, qu’il s’agisse de l’hydrogène, de l’ammoniac ou du méthanol, où l’on s’efforce d’intégrer le CUSC.

Faut-il aspirer à une économie et à une société carboneutres? Bien sûr, et nous y arriverons. Mais est-ce qu’on peut le faire dès aujourd’hui ou y a-t-il moyen de continuer à générer une valeur économique durable à partir des ressources qui sont abondantes au Canada et qui sont en demande à l’échelle mondiale? Je crois que oui. Dans le cas de la chimie, le CUSC est une technologie habilitante qu’il faudrait encourager.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

La sénatrice Seidman : Merci aux témoins. Je souhaitais poursuivre cette réflexion avec vous, monsieur Moffatt, parce que vous avez dit dans votre exposé qu’il faudrait ne pas dépendre de la technologie et plutôt tenir compte des résultats. J’aime bien ce que vous dites; franchement, j’aime cette perspective dans tout ce que nous faisons.

M. Zacharias, en réponse aux questions philosophiques concernant l’utilisation de l’eau douce pour atteindre la carboneutralité et les voies plus durables vers la carboneutralité, a effectivement illustré le fait que nos choix en matière de ressources sont une question philosophique, de même que, d’une certaine façon, nos choix pour parvenir à la carboneutralité. Il disait donc qu’il ne fallait écarter aucune solution. Je crois que vous en avez parlé lorsque vous avez commencé à répondre à la sénatrice Miville-Dechêne.

Pendant combien de temps devra-t-on continuer de ne pas choisir? Pendant combien de temps va-t-on continuer d’investir dans certaines méthodes avant de reconnaître qu’il faudrait peut-être en changer? Je comprends parfaitement cette perspective, parce qu’elle s’appuie sur des données probantes et scientifiques, mais combien de temps faudra-t-il la retenir? Quand décidera-t-on qu’il est temps de changer de méthode? Quand aura-t-on suffisamment de données probantes? Mardi soir, il nous est apparu clairement, d’après les exposés, que nous avions déjà suffisamment de données probantes. Les témoins ont été absolument catégoriques : il ne faut pas, selon eux, s’intéresser à l’hydrogène bleu.

Compte tenu de tout cela, peut-être pourriez-vous essayer de répondre, monsieur Moffatt et monsieur Powell? Merci.

M. Moffatt : Merci de vos questions. Je le redis : je pense que c’est une question de choix politique et de choix sociétal.

Quelle est la voie qui convient? Selon le groupe de témoins précédent, le Canada s’est donné un objectif très ambitieux de carboneutralité d’ici 2050, avec des objectifs à court terme d’ici 2030-2035, soit dans 13 ans à peine. Personne ne laisse entendre un seul instant qu’on ne peut pas atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050 parce que c’est un délai beaucoup plus long pour examiner la situation.

Mais l’échéance de 2030-2035 nécessite un peu plus de réflexion. Nous avons parlé de la nécessité de doubler, voire de tripler, la quantité d’électricité produite au Canada. C’est une question de génération. C’est une question de transmission. C’est une question de distribution. Un certain nombre de secteurs ont été invités — et astreints par l’entremise de la tarification du carbone et de mesures stratégiques précises — à s’engager dans leur propre voie de décarbonisation.

La question est de savoir si nous avons suffisamment de capital humain pour faire tout ce travail au cours des 12 à 13 prochaines années. Certainement d’ici 2050. Mais, d’ici 12 ou 13 ans, aurons-nous le capital humain nécessaire? Nous voyons tous les signes d’une chaîne d’approvisionnement tendue à l’échelle mondiale. En fait, nous serons tous en concurrence les uns avec les autres pour obtenir l’équipement et le matériel qui nous permettront de réaliser nos propres ambitions en matière de décarbonisation.

Les témoins précédents ont posé une question au sujet des permis. Le Canada a-t-il la capacité de permettre tout ce qui doit être fait ici à court terme, mais certainement à long terme? Ce n’est pas une question qui intéresse seulement le gouvernement fédéral; elle intéresse aussi les gouvernements provinciaux et municipaux.

Il y a beaucoup à faire sur la voie de la décarbonisation. Comme je l’ai dit au sujet de l’hydrogène bleu et de l’hydrogène vert, concentrons-nous plutôt sur l’intensité carbone et offrons un soutien suffisant à l’investissement dans un vaste éventail d’entreprises industrielles et technologiques pour atteindre cet objectif d’un apport d’énergie plus propre. L’hydrogène en fait partie intégrante.

J’espère vous avoir donné une réponse suffisante, sénatrice.

La sénatrice Seidman : C’est le cas. Merci beaucoup. J’aimerais vous entendre, monsieur Powell, puisque vous représentez Électricité Canada. On n’arrête pas de nous parler du doublement ou du triplement de la production d’électricité.

M. Powell : Il y a beaucoup à faire. Nous avons environ 4 800 jours d’ici 2035 pour instaurer un réseau à consommation énergétique nette zéro. Chaque mégawatt de production que nous n’avons pas aujourd’hui est un mégawatt de plus que nous devrons produire demain. Cela nous empêche de dormir la nuit.

Quand j’imagine la situation en 2035, du seul point de vue générationnel, je me dis que les solutions seront multiples et sans exclusion technologique, mais qu’elles auront pour principe ferme de produire de faibles émissions de carbone. Je pense que c’est pour cette raison que, comme M. Moffatt, nous n’accordons pas d’importance à la couleur de l’hydrogène. C’est plus facile à expliquer, mais nous devons nous concentrer sur l’intensité carbone.

À titre d’exemple, s’il est possible d’utiliser de l’hydrogène bleu en appliquant des technologies capables d’éliminer la plupart des émissions de carbone de façon rentable et produire de l’énergie de façon fiable et abordable, pour nous, c’est une solution qu’il ne faut pas écarter. C’est par là qu’il faut faire avancer les choses en tenant compte de nos clients et des gens qui reçoivent une facture chaque mois.

Concernant l’expansion du réseau électrique — on en a parlé à quelques reprises et j’en ai parlé dans mon exposé au sujet de l’alliance Canada-Allemagne sur l’hydrogène, l’obtention d’un permis pour l’exploitation d’un parc éolien en mer peut prendre 10 ans. Cela nous amène à 2035. Il faudra peut-être des décennies pour autoriser et construire des centrales hydroélectriques à grande échelle.

Quand on examine les solutions possibles, il faut tenir compte des façons de produire de l’énergie à faibles émissions de carbone, fiable et abordable, et vraiment viser la réduction du nombre de mégatonnes et adopter une approche très holistique à cet égard. Il n’y a pas que la production d’hydrogène qui exigera de l’électricité; il y aura aussi des véhicules carboneutres, ainsi que des thermopompes pour la maison, les entreprises et la croissance ordinaire. Il va falloir procéder de façon à produire l’électricité nécessaire sur demande. Le coût différentiel d’un kilowattheure d’énergie éolienne est excellent, mais le coût de l’électricité quand on en a besoin, c’est ce qui intéresse nos entreprises. Tout va très bien quand on a suffisamment de ressources en électricité, mais c’est quand il fait très froid ou très chaud qu’on a besoin du genre de renfort que permettait la production d’énergie thermique traditionnelle à partir de combustibles fossiles. Si l’hydrogène peut faire partie de la solution, je pense qu’il faut l’envisager.

Le sénateur Gignac : Mon expertise en matière d’hydrogène est très réduite, et mes questions s’adresseront donc à tous les témoins.

J’ai essayé de comprendre. Prenons l’exemple de la production d’acier et d’aluminium cette année : je présume que l’hydrogène pourrait être plus logique que l’électricité. Au Québec, par exemple, les alumineries et les fonderies sont subventionnées dans une certaine mesure grâce au bas prix de l’électricité. L’hydrogène pourrait être de l’hydrogène vert produit par l’électricité, mais en fait, il y a déjà de l’hydroélectricité au Québec. La demande d’hydroélectricité est énorme au Québec, notamment celle qui vient des Américains.

En fin de compte, avons-nous un modèle d’affaires? Quel serait le prix de l’électricité dont nous avons besoin pour encourager certaines alumineries et fonderies à passer de l’électricité à l’hydrogène? Ce changement aurait-il un sens ou est-ce parce qu’il n’existe pas de technologie à cet égard? Je présume qu’il sera opportun, à un moment donné, même pour le gouvernement du Québec ou pour Hydro-Québec, d’encourager les entreprises à passer de l’électricité à l’hydrogène. Ferons-nous des économies nettes d’électricité si nous passons à l’hydrogène ou n’y aura-t-il aucune économie? Il n’y aura pas d’empreinte carbone dans les deux cas, c’est entendu. Mais le changement de procédé pourrait être rentabilisé.

M. Powell : La façon de voir les choses, c’est que le prix de l’électricité dépend en fait d’un certain nombre de facteurs. Prenons l’exemple de la production d’aluminium au Québec. L’un de nos membres est Rio Tinto. Cette société possède et exploite des installations hydroélectriques au Saguenay, et elle profite à la fois du minerai à faire fondre et d’énormes ressources hydroélectriques qui sont presque inégalées ailleurs dans le monde.

Ce n’est pas la même chose si vous exploitez une aciérie à Hamilton. Le défi auquel vous faites face, c’est la technologie — et je ne travaille pas dans le secteur de la fabrication de l’acier. J’utilise des boîtes de conserve en aluminium et c’est à peu près tout ce que j’en connais. Mais je pense que la façon de penser, c’est que lorsqu’une entreprise prend une décision sur la façon dont elle fabrique son produit, elle veut s’assurer d’avoir un approvisionnement fiable en énergie et d’avoir un coût prévisible pour cet approvisionnement, et elle peut ensuite déterminer sa position concurrentielle à cet égard.

Dans le cas du Québec, il est très prévisible où se trouve l’électricité. À d’autres endroits, l’avantage, surtout pour la production d’une chaleur élevée, c’est que les prix des combustibles fossiles ont toujours été relativement stables, et l’on peut s’assurer qu’ils sont sur place. L’électricité pourrait offrir cette possibilité, mais dans certains cas, l’approvisionnement en hydrogène, surtout si l’on est dans un processus à chaleur élevée — le ciment est, si j’ai bien compris, un processus à base de chaleur —, puis la combustion de l’hydrogène, dont l’extrant n’est que de la vapeur d’eau, pourrait être plus logique que la construction d’un réacteur ou d’une fournaise fonctionnant à l’électricité. Ou, comme l’a dit M. Moffatt, il est possible d’utiliser une technologie comme un petit réacteur modulaire. Nous pensons que les réacteurs nucléaires comme ceux de Pickering ou de Darlington produisent de l’énergie, mais en réalité, ils produisent de la vapeur, qui fait tourner une turbine. Un processus semblable pourrait être utilisé dans ces installations, avec des déchets ou des surplus d’électricité, pour produire de l’hydrogène. J’espère que cela répond à votre question. C’est une question d’équilibre.

Le président : Nous accueillons un grand nombre de témoins et tout le monde parle du marché, de ce qui est faisable, de ce qui ne l’est pas et ainsi de suite. Mais en même temps, presque tous ceux qui comparaissent devant notre comité demandent une subvention. Autrement dit, ils ont besoin d’aide. Sur le plan financier, cela n’a aucun sens. Je dis que c’est bien beau de parler du marché. Je crois au marché. Mais qu’arriverait-il si nous éliminions toutes les subventions? Nous revenons à ce que devrait être l’essence de l’industrie. Qu’arrive-t-il à notre industrie? Est-ce qu’elle se meurt? Est-ce que rien ne va se passer? Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, monsieur Powell et monsieur Moffatt?

M. Powell : Ce qui est à l’origine d’une grande partie de la transition dans notre secteur, c’est la tarification du carbone. Même en ce qui concerne la cible de 2035, nos membres nous disent que, plus que tout autre modèle de réglementation du gouvernement, la certitude que la tarification du carbone durera, non seulement de la part d’un gouvernement, mais dans l’avenir, contribue à stimuler l’investissement vers des technologies plus propres. Ce n’est pas une charge que le gouvernement engage.

L’autre chose que je dirais au sujet des incitatifs et des subventions, c’est que dans certains cas, il y a un écart entre ce qu’une technologie pourrait offrir, parce qu’elle est relativement nouvelle, par rapport aux technologies existantes. Nos membres sont obligés, en raison des organismes provinciaux de réglementation de l’énergie dont ils relèvent, de fournir de l’électricité au coût le plus bas. Lorsque nous introduisons quelque chose de nouveau, il est utile d’aider à combler cet écart pour commencer la commercialisation.

Le dernier point que j’aimerais soulever, c’est que nous voulons nous assurer, surtout à la lumière de la production d’hydrogène — et c’est ce que nous a dit le groupe de témoins précédent — qu’il s’agit d’un marché concurrentiel. Il n’est probablement pas nécessaire qu’il s’agisse d’une subvention directe, mais en réfléchissant à la façon dont nous pouvons favoriser l’investissement au Canada au moyen de crédits d’impôt à l’investissement à court terme, nous pourrons attirer des capitaux et des projets ici, ce qui créera des emplois et permettra au marché de croître, plutôt que d’évoluer de manière différente.

Toutes ces possibilités existent. Au bout du compte, je pense que vous, en tant que décideurs, devriez réfléchir à la façon dont nous pouvons nous assurer que notre système énergétique est non seulement propre, mais aussi fiable et abordable. Nous en voyons les dangers ailleurs dans le monde. Nous avons beaucoup de chance au Canada, et une grande partie de ce que fait notre secteur, c’est simplement de s’assurer que cela ne change pas.

Le président : Monsieur Moffatt, lorsque nous examinons les commentaires que nous recevons de presque partout dans le monde, tout le monde dit que la façon la plus efficace d’arriver là où vous voulez aller, c’est d’instaurer la tarification du carbone. Nous l’avons fait, et c’est un prix qui monte en flèche. Pourquoi n’est-ce pas suffisant? Pourquoi devons-nous tout de même subventionner l’industrie, y compris au moyen du crédit d’impôt pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, le CUSC, et ainsi de suite?

M. Moffatt : Je vous remercie de la question. La réalité, c’est que lorsqu’elle a annoncé la mise en œuvre de son projet de production d’éthylène par vapocraquage carboneutre, l’une des raisons pour lesquelles Dow Chemical Canada a choisi le Canada, c’est que nous sommes l’un des rares pays à avoir fixé un prix clair, prévisible et transparent sur le carbone. Il y a chez nous un cheminement clair d’augmentation de la tarification du carbone jusqu’en 2030.

La réalité, c’est que la tarification du carbone en soi est probablement suffisante pour atteindre le niveau d’ambition élevé que le Canada s’est fixé, et c’est pourquoi l’on observe d’autres mesures réglementaires avec des effets implicites sur la tarification du carbone, comme les normes sur les carburants propres, le plafond des émissions de pétrole et de gaz et les normes d’électricité propre. En réalité, en plus d’un prix très clair, prévisible et transparent, comme celui qu’instaure la tarification du carbone, nous appliquons maintenant des mesures réglementaires pour réduire les émissions qui ont des effets implicites sur la tarification du carbone, mais qui minent la prévisibilité et la transparence du signal de la tarification du carbone. Nous demandons également à l’industrie et à la société d’accepter de nouveaux investissements qui ont une durée de vie relativement longue. Nous parlons d’investissements sur 35 ans en 2030, et ils dépendent beaucoup de cette tarification claire et transparente du carbone.

Compte tenu de l’incertitude qui règne quant à la trajectoire de la tarification du carbone, l’objectif ultime devrait être la dépense de capitaux privés et la façon de réduire le risque d’une tarification du carbone qui pourrait changer à l’avenir. En réalité, il s’agit de fournir un certain type de soutien à l’investissement.

J’aimerais revenir en arrière et dire que, de façon générale, l’industrie de la chimie, à l’échelle mondiale, représente une industrie de 3 à 5 billions de dollars américains. Elle est extrêmement concurrentielle par rapport aux produits hautement commercialisés dans le monde entier. La valeur du secteur de la chimie augmente d’un ordre de grandeur supérieur au PIB chaque année. Les pays veulent vraiment accueillir le secteur de la chimie chez eux parce qu’il favorise la croissance industrielle et les possibilités sur leur territoire. La concurrence est féroce pour attirer de nouveaux investissements dans le secteur de la chimie partout dans le monde.

Le Canada livre une véritable concurrence à notre voisin, les États-Unis, et à la côte américaine du golfe du Mexique. Ces derniers ont accès à ces ressources et aux côtes. Nous livrons une vive concurrence aux États-Unis en ce qui concerne les nouveaux investissements.

Dans un monde idéal, nous ne serions peut-être pas tenus d’offrir un soutien à l’investissement, mais il y a beaucoup de raisons pour lesquelles nous le sommes. Les pays se font concurrence pour obtenir ces nouveaux investissements et, comme je l’ai dit plus tôt, s’il était si facile d’offrir un contexte prévisible et transparent auquel l’industrie pourrait réagir, ce serait parfait, mais nous savons tous que les choses changent avec le temps, et nous devons être en mesure d’atténuer les risques associés à ce changement pour favoriser la création d’une nouvelle industrie.

Le président : Ce que j’entends, c’est que nous dépendons des subventions, selon vous, parce que la concurrence l’exige. C’est plutôt décevant parce que nous parlons des forces du marché, mais tout le monde ajoute ensuite qu’il y a des exceptions, qu’il leur faut de l’aide et ainsi de suite. C’est assez frustrant.

[Français]

La sénatrice Verner : Ma question s’adresse à M. Powell. J’imagine que vous avez entendu ma question précédente ou, du moins, la présidente d’Hydro-Québec, Mme Sophie Brochu, qui a déclaré que le Québec ne disposera plus de surplus d’électricité propre d’ici 2027 en raison de la trop forte demande provenant, entre autres, de l’implantation de nouvelles entreprises de production d’hydrogène vert.

On peut bien penser que la capacité de production ne pourra pas s’accroître du jour au lendemain. Or, dans ces conditions, est-ce que cela ne risque pas de compromettre l’essor et la compétitivité du secteur de l’hydrogène vert, un secteur très énergivore?

De plus, prévoyez-vous la mise en œuvre d’initiatives qui feraient en sorte que cette nouvelle industrie de l’hydrogène vert serait moins énergivore?

[Traduction]

M. Powell : Je ne suis pas certain de la science de l’électrolyse. Je ne sais pas s’il y a des façons d’accroître l’efficacité. Cela dépasse mes compétences.

Ce que je sais, cependant, c’est que le Québec a l’avantage d’avoir la plus grande batterie au monde. Les réservoirs qui ont été construits permettent de stocker de l’énergie à long terme. À l’heure actuelle, Hydro-Québec a des années de capacité à l’avance, ce qui lui permet de fournir de l’énergie ferme et d’aider à décarboniser d’autres endroits comme l’État de New York et le Massachusetts.

Je pense que c’est la raison pour laquelle Hydro-Québec a annoncé des cibles très ambitieuses en matière d’énergies renouvelables afin d’ajouter plus d’énergie éolienne au réseau. Il y a beaucoup de vent au Québec, et le défi que pose normalement le vent, c’est qu’il est variable; on ne peut pas le prédire, et on ne peut donc pas entièrement compter dessus. L’avantage d’Hydro-Québec, c’est qu’elle peut intégrer cette source d’énergie, choisir de ne pas l’utiliser et la stocker dans l’eau. Chaque fois qu’une éolienne tourne, il faut peut-être utiliser moins de l’une des centrales hydroélectriques situées plus au nord.

C’est une façon de commencer à régler ces problèmes.

La question plus générale de savoir si nous aurons la capacité d’exporter de l’hydrogène vert à destination d’autres régions du monde dépendra de notre capacité de produire ici de l’électricité qui est excédentaire par rapport à nos besoins intérieurs — au-delà de l’éclairage des maisons, de l’utilisation de climatiseurs et de la recharge des voitures — d’une manière abordable et en quantité suffisante pour que les investissements dans les électrolyseurs puissent permettre à ces derniers de fonctionner à une capacité suffisante.

Il faudra que ce soit à un endroit où on peut ensuite transporter l’énergie et la déplacer ailleurs. C’est un problème. Les tenants de la stratégie de l’hydrogène commencent à réfléchir à un modèle de carrefour. Il y a des possibilités de renforcer cet écosystème; il faut miser sur le démarrage précoce de l’hydrogène bleu pour renforcer cette capacité.

L’une des choses qui nous préoccupent, cependant, c’est de savoir comment produire suffisamment d’électricité propre pour 2035 et 2050. C’est un autre problème. Nous aurons besoin de toutes les technologies. Hydro-Québec est en bonne posture. Les provinces qui ont beaucoup d’eau dans le nord et leur population dans le sud sont très chanceuses.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Puisqu’il nous reste quelques minutes, je voudrais continuer à interroger M. Moffatt sur la question des subventions que notre président a bien entamée.

Évidemment, il n’y a pas de sommes d’argent infinies que le gouvernement peut distribuer à droite et à gauche. L’argent qui sert à cette transition énergétique, à la capture de carbone, pourrait servir ailleurs à des fins fort importantes dans la suite de la COVID.

Ma question est la suivante. Pourquoi le gouvernement devrait-il vous aider, par le biais d’investissements dans une technologie qui dans quelques années — et même déjà —, est considérée comme dépassée, plutôt que de vous inciter à trouver de meilleures solutions?

L’industrie chimique est quand même une industrie qui fait des profits; on ne parle pas ici d’une industrie déficitaire. Je me demande quel est le but de poursuivre dans une voie qui n’a pas d’avenir et qui, à la limite, pourrait vous retarder dans la recherche de solutions plus vertes.

[Traduction]

M. Moffatt : Merci, sénateur.

L’histoire du Canada est celle des « bûcherons et des porteurs d’eau ». Nous produisons plus de biens que ce dont nous avons besoin et nous les exportons dans le monde pour créer de la valeur dans l’économie canadienne — des emplois et une contribution économique. Dans le cas de la chimie au Canada, on ne parle pas seulement de produits pétrochimiques, mais il y a une partie importante du secteur de la chimie au Canada qui fournit des intrants à l’économie canadienne — des intrants essentiels — qu’il s’agisse d’assainir l’eau potable, d’emballer les aliments ou de construire des véhicules.

Mais en réalité, une grande partie de notre production est exportée à l’échelle mondiale. Encore une fois, nous sommes en concurrence dans un espace international pour vendre nos biens et services, comme dans tous les autres secteurs.

Pour ce qui est des subventions, je dirais que tout ce que le gouvernement doit faire devrait favoriser la dépense de capitaux privés. C’est exactement ce que nous devrions faire. L’industrie ne dit pas qu’elle ne veut pas dépenser son propre argent, parce qu’elle est tout à fait disposée à le faire. La réalité, c’est qu’il y a des risques associés à la dépense de cet argent au Canada, et le gouvernement, dans une certaine mesure, doit atténuer ces risques. La tarification du carbone est un excellent exemple, car elle pourrait être modifiée à un moment donné. Comment pouvons-nous réduire les risques liés à la dépense de capitaux privés aujourd’hui, compte tenu de ce qui pourrait se produire à l’avenir?

Le code fiscal et les mesures fiscales dont j’ai parlé — le crédit d’impôt pour le CUSC — encore une fois, vous ne recevriez aucun avantage par l’entremise du code fiscal à moins de dépenser du capital admissible. Cette règle devrait être très claire et très transparente. Il ne devrait pas y avoir de processus d’arbitrage. Le code fiscal est incontournable. Si je dépense X, j’obtiens Y. Cela favorisera la dépense de capitaux privés.

Oui, cela pourrait être considéré comme une subvention sous la forme d’une réduction du fardeau fiscal, mais au bout du compte, vous voulez que ce capital soit investi de façon à générer un rendement pour l’économie canadienne au moyen d’impôts pour le gouvernement, de salaires, d’impôts fonciers pour les administrations municipales et ainsi de suite.

La déduction pour amortissement accéléré est un autre excellent exemple d’incitatif qui favorise la dépense de capitaux privés. Une dépense admissible peut être passée en charges à 100 % au cours de l’année où elle est déployée, et il s’agit d’un report de recettes fiscales.

Il ne s’agit donc pas toujours d’une question de financement de programme accordé à l’industrie. Encore une fois, j’ai parlé d’arbitrage à huis clos, de processus opaques et de concours de popularité. Pour deux projets qui soumettent une demande d’aide dans le cadre d’un programme gouvernemental, l’un peut être accepté et l’autre, refusé.

Encore une fois, nous devrions mettre l’accent sur la certitude et la prévisibilité et favoriser l’investissement de capitaux privés pour atteindre les objectifs de la société, du gouvernement et de l’industrie visant à décarboniser l’économie canadienne.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Moffatt. Je vous remercie tous les deux. Nous avons eu une très bonne discussion et nous continuons d’apprendre. Merci d’être disponible et de nous renseigner sur ces questions.

[Français]

Merci beaucoup, c’est très apprécié.

(La séance est levée.)

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