LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 30 mars 2023
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité.
La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Je m’appelle Rosa Galvez, je suis une sénatrice du Québec et je suis présidente du comité.
Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
[Traduction]
Je vais commencer par un rappel. Avant de poser des questions et d’y répondre, j’aimerais demander aux membres du comité et aux témoins dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette. Cela évitera tout effet Larsen qui pourrait avoir une incidence négative sur le comité et sur le personnel dans la salle.
Je vais demander aux membres du comité de se présenter.
[Français]
La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.
La sénatrice Audette : Michèle Audette, du Québec.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l'Alberta.
La sénatrice Anderson : Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.
La présidente : Merci beaucoup.
Je vous souhaite la bienvenue à tous ainsi qu’aux téléspectateurs de tout le pays qui nous regardent. Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur l’industrie canadienne du pétrole et du gaz.
Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons par vidéoconférence l’honorable Gary G. Mar, président et chef de la direction de la Canada West Foundation, et Geoff Dembicki, journaliste d’enquête spécialisé en questions climatiques.
Bienvenue et merci d’être parmi nous. Vous disposez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Nous allons commencer par M. Mar, qui sera suivi de M. Dembicki. Vous avez la parole, monsieur Mar.
L’honorable Gary G. Mar, président et chef de la direction, Canada West Foundation : Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis heureux de vous revoir, sénatrice. C’est un plaisir pour moi de comparaître de nouveau devant votre comité.
Je tiens à vous remercier de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui devant votre comité. Je suis président et chef de la direction de la Canada West Foundation. Nous sommes un groupe de réflexion non partisan et fondé sur des données probantes. Nous travaillons sur des questions qui aident à bâtir un Ouest fort au sein d’un Canada fort. Votre ancien collègue, Doug Black, président de la Canada West Foundation, m’a chargé de transmettre ses meilleurs vœux à tous ses anciens collègues.
L’ensemble du travail de la Canada West Foundation consiste à chercher des moyens d’aider le Canada à être à la fois compétitif sur le plan économique et responsable sur le plan environnemental. Nous ne pensons pas qu’il faille faire un compromis; nous pouvons faire les deux.
Vous m’avez demandé de venir aujourd’hui pour parler de l’industrie canadienne du pétrole et du gaz. Je vais entrer directement dans le vif du sujet qui vous préoccupe probablement le plus, à savoir si cette industrie constitue le problème ou la solution en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre. Ma réponse est : les deux. Il est indéniable que le secteur pétrolier et gazier produit les émissions de gaz à effet de serre les plus élevées de tous les secteurs industriels du pays. Ces émissions sont effectivement un gros problème. Elles contribuent aux changements climatiques et empêchent le Canada d’atteindre ses objectifs de carboneutralité en vertu de l’Accord de Paris et des lois fédérales. Les émissions du secteur doivent être réduites de façon substantielle et permanente. C’est mon premier oui. En ce qui concerne les émissions de GES, le secteur pétrolier et gazier du Canada est un problème.
Je vous ai aussi donné un deuxième oui. En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, le secteur pétrolier et gazier du Canada fait aussi partie de la solution, et je vais vous donner des exemples. Le premier exemple concerne les émissions de méthane. Comme les membres du comité le savent sans doute, le méthane est un gaz à effet de serre particulièrement préoccupant. Il a un potentiel de réchauffement de la planète de 25 à 34 fois supérieur à celui du CO2, et c’est pour cette raison que le gouvernement fédéral et les gouvernements de la Colombie‑Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan ont tous mis en place des lois et des règlements pour réduire considérablement les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier en amont. Ils se sont fixé comme objectif de réduire ces émissions de 45 % d’ici 2025.
Eh bien, voici de bonnes nouvelles : en 2022, les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier en amont de l’Ouest canadien ont diminué d’environ 44 %, pour une cible de 45 %. Donc, cette cible a été atteinte en avance et d’autres baisses sont prévues d’ici 2025. Le problème du méthane n’est pas réglé, mais c’est une réalisation importante du secteur qu’il faut reconnaître. Ce n’est pas non plus la norme mondiale. Le Canada est très performant dans ce domaine. En comparaison de notre réduction de 44 %, les États-Unis ont réduit leurs émissions de méthane de 6 % au cours de la même période.
Le deuxième exemple dont je veux parler est celui du gaz naturel liquéfié, aussi appelé GNL. Peu d’installations de gaz naturel liquéfié sont prévues au Canada, mais depuis le début du mois, il y en a une de plus, le projet de GNL Cedar, qui appartient à la Première Nation Xa’is’la. Il s’agit d’un partenariat dirigé par la Première Nation. Il y a deux aspects de ces installations qui sont pertinents en matière de réduction des émissions. Tout d’abord les émissions des installations de production de GNL elles-mêmes. Comme prévu, les installations canadiennes de gaz naturel liquéfié généreront, et de loin, les émissions les plus faibles de l’ensemble de la production de gaz naturel liquéfié mondiale. Cela signifie que lorsque le Japon ou la Corée achèteront du gaz naturel liquéfié du Canada — ce que ces pays ont dit très clairement vouloir faire —, les émissions seront inférieures à celles des autres pays fournisseurs potentiels. Ensuite, il y a la question de savoir comment le GNL sera utilisé et la réponse est la suivante : principalement pour remplacer le charbon.
Dans le cadre d’une étude récente, des chercheurs de la Colombie-Britannique et de l’Alberta ont mené une analyse complète du cycle de vie du GNL canadien. Ils ont constaté que si le gaz naturel liquéfié canadien était utilisé en Chine pour l’industrie textile, le chauffage domestique ou l’industrie chimique, les émissions de GES seraient réduites de 32 à 60 %, selon l’utilisation. C’est beaucoup, et c’est une réduction qui découle directement de l’utilisation du GNL canadien.
En ce qui concerne les nouvelles installations de gaz naturel liquéfié, nous devrions également prendre note du cadre d’action énergétique qui vient d’être mis en place ce mois-ci par la province de la Colombie-Britannique. Le cadre exigera que toutes les nouvelles installations de gaz naturel liquéfié créent un plan crédible de carboneutralité d’ici 2030.
Le troisième et dernier exemple dont je veux parler est celui des sables bitumineux. Je sais que le comité a entendu le témoignage de Mark Cameron, d’Alliance Nouvelles voies, en décembre dernier, et je suis heureux que vous l’ayez fait, car ce que ce groupe essaie de faire est sans précédent et le Canada peut en être fier et nous devrions l’appuyer. Le captage et la séquestration du carbone, aussi appelé CSC, est un processus réel et éprouvé qui peut être réalisé à grande échelle. Le projet Quest CSC de Shell a été lancé en 2015 et a permis de séquestrer de façon permanente 6 millions de tonnes de CO2. Le projet Quest a permis de tirer des enseignements préliminaires qui sont en accès libre et qui aident à réduire le coût des nouveaux projets de CSC. Le CSC n’est pas bon marché, loin de là, et il faudra du temps pour construire quelque chose de ce genre, comme c’est le cas pour tout projet d’infrastructure. Nous ne verrons pas de résultats demain, mais ce qu’Alliance Nouvelles voies planifie en matière de CSC est extrêmement ambitieux. Son objectif est de séquestrer 22 millions de tonnes de CO2 d’ici 2030. Bien que ce soit difficile, cela semble réalisable.
Cela va-t-il éliminer complètement les émissions des sables bitumineux? Non. Notamment parce que la production continue d’augmenter et qu’elle augmente parce que le monde a besoin du pétrole que nous produisons et le demande. Même si l’intensité des émissions diminue, les émissions globales ont au minimum continué d’augmenter jusqu’à maintenant. La réponse n’est pas facile, mais on y porte attention. Alliance Nouvelles voies, c’est beaucoup de ressources, d’argent et d’attention de la part de dirigeants d’entreprises, ainsi qu’une coordination entre les groupes d’intervenants qui cherchent à faire avancer les choses.
En conclusion, en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, l’industrie pétrolière et gazière du Canada est-elle le problème ou la solution? Les deux. Oui, le secteur produit les émissions de GES les plus élevées de toutes les industries du pays, et oui, le secteur pétrolier et gazier canadien a des solutions. Elles ne viennent pas seulement du secteur de l’énergie, mais aussi de nos universités, d’un grand nombre d’organismes sans but lucratif et de petits entrepreneurs qui mettent au point des façons novatrices de réduire les émissions.
Comme je l’ai dit au début, le Canada doit être à la fois compétitif sur le plan économique et responsable sur le plan environnemental. L’atteinte de ces deux objectifs passe directement par le secteur pétrolier et gazier du Canada. Merci, madame la présidente.
La présidente : Merci. Monsieur Dembicki, vous avez la parole.
Geoff Dembicki, journaliste d’enquête spécialisé en questions climatiques, à titre personnel : Je m’appelle Geoff Dembicki et je suis journaliste d’enquête spécialisé en questions climatiques. Je suis l’auteur du livre The Petroleum Papers, qui a été désigné comme l’un des 10 meilleurs livres de 2022 par le Washington Post. J’ai beaucoup écrit sur l’industrie pétrolière et gazière canadienne pour des médias comme The Tyee et DeSmog, ainsi que pour le New York Times, Rolling Stone et The Guardian.
J’ai grandi à Edmonton, en Alberta, et quand j’étais enfant, ma famille se rendait souvent à un terrain de jeu près de la raffinerie de Strathcona d’Imperial Oil. Ce n’est que bien des années plus tard que je suis devenu journaliste que j’ai appris ce que cette raffinerie faisait au climat mondial.
Pourtant, Imperial Oil, qui appartient à Exxon, était au courant des répercussions catastrophiques de son modèle d’affaires sur le climat avant même ma naissance. En faisant des recherches pour mon livre, j’ai lu des centaines de pages de documents internes de la compagnie, qui révélaient qu’Imperial Oil étudiait le lien entre les combustibles fossiles et le réchauffement de la planète dès les années 1970.
C’était plus d’une décennie avant que le scientifique de la NASA, James Hansen, ne porte pour la première fois le changement climatique à l’attention du grand public. Les connaissances d’Imperial Oil en matière de changements climatiques étaient si avancées qu’au début des années 1990, cette compagnie a étudié en privé la façon de régler le problème des changements climatiques et a conclu qu’un prix national du carbone pourrait stabiliser les émissions du Canada.
Elle a aussi découvert que cela pourrait entraîner des pertes de revenus de 940 millions de dollars. Imperial Oil a donc décidé de saboter les solutions climatiques. La compagnie a rédigé une liste de réponses préfabriquées que les dirigeants devaient utiliser lorsqu’ils s’adressaient aux journalistes et aux décideurs. On leur a demandé d’insister sur les « nombreuses incertitudes » associées aux efforts visant à stopper le réchauffement climatique.
Un ancien employé d’Exxon m’a dit que si Imperial Oil avait utilisé son poids politique pour faire pression en faveur d’une tarification du carbone au début des années 1990, « il aurait été beaucoup plus facile de s’attaquer à la crise si nous avions commencé à le faire à cette époque ». Pourtant, en 1996, Imperial Oil niait publiquement la réalité même des changements climatiques. Dans son rapport annuel, la compagnie affirmait qu’il existait une « incertitude généralisée » quant à savoir si les humains en étaient la cause.
En 2002, Imperial Oil a participé à l’organisation d’une conférence de presse à Ottawa, non loin du Sénat, au cours de laquelle plusieurs dizaines des principaux négationnistes des changements climatiques ont exhorté les décideurs canadiens à ne pas ratifier le Protocole de Kyoto. L’un des orateurs était Patrick Michaels, qui avait affirmé auparavant que : « [...] le problème des changements climatiques est un tas d’idioties exagérées [...] »
Vingt ans plus tard, Imperial Oil tente toujours d’induire la population canadienne en erreur. Elle fait partie d’une organisation appelée Alliance Nouvelles voies, qui, de concert avec d’autres producteurs de sables bitumineux, dépense énormément d’argent en publicité pour dire que l’industrie est déterminée à lutter contre les changements climatiques. Cette organisation a fait de la publicité à la une du Toronto Star, et même pendant le Super Bowl.
Pourtant, dans son propre mémoire au gouvernement fédéral, Alliance Nouvelles voies révèle que l’objectif de son « plan de carboneutralité » est d’accroître notre dépendance au pétrole. Les experts prévoient que la production des sables bitumineux pourrait augmenter de 500 000 barils par jour au cours de la prochaine décennie. À cause de cette incohérence, Greenpeace vient de déposer une plainte contre Alliance Nouvelles voies auprès du Bureau de la concurrence du Canada, l’accusant de publicité fausse et trompeuse.
Pendant ce temps, après avoir connu l’année la plus rentable de leur histoire, les producteurs de pétrole demandent au gouvernement fédéral de leur donner des milliards de dollars de l’argent des contribuables pour payer la technologie de captage et de séquestration du carbone. Pourquoi? Parce que l’industrie n’est même pas convaincue qu’elle fonctionnera. Imperial Oil a dit à ses propres actionnaires en 2021 que la technologie était « [...] en difficulté économique ».
L’industrie pétrolière et gazière n’est pas et n’a jamais été un chef de file en matière de climat.
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles devrait apprendre toute l’histoire de l’industrie en matière de changements climatiques, savoir quelles entreprises ont fait des études privées et comment elles ont déformé les données scientifiques et les solutions présentées aux Canadiens.
Aux États-Unis, le Congrès vient de passer un an à enquêter sur les campagnes de désinformation de l’industrie pétrolière et gazière. Le Sénat devrait reprendre l’enquête afin que les Canadiens puissent enfin savoir combien d’occasions nous avons manquées pour maîtriser la situation d’urgence. Merci.
La présidente : Merci. Nous allons commencer la période de questions.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Mar, je vais vous parler de captation du carbone, parce que vous-même y avez fait référence.
Dans le budget, il a été question de reconduire et de poursuivre les investissements ou les subventions du gouvernement fédéral d’environ 516 millions de dollars à l’industrie pétrolière pour la captation du carbone. Vous avez parlé de la contribution de l’industrie à la réduction des changements climatiques.
Cependant, ce sont les méthodes de captation du carbone qui sont jugées très inefficaces : on parle de réduction d’environ 3 à 15 % des gaz à effet de serre en utilisant cette méthode.
Deuxièmement, ne serait-il pas normal que l’industrie paie elle-même ces innovations technologiques pour faire de la captation du carbone, étant donné les profits qu’elle fait et l’augmentation de ses ventes de pétrole?
[Traduction]
M. Mar : Merci, sénatrice. Je vous remercie de cette question. Le captage et la séquestration du carbone sont centraux pour justifier le fait que le pétrole ou le gaz ne sont pas le problème. Le problème, ce sont les émissions. Si nous voulons nous attaquer aux émissions, nous avons besoin du captage et de la séquestration du carbone. L’Agence internationale de l’énergie a largement reconnu que c’est l’une des façons de gérer l’industrie pétrolière et gazière. Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie et de l’Energy Information Administration des États-Unis, nous utiliserons encore des combustibles fossiles pendant des décennies.
D’ici 2050, nous passerons peut-être de 100 à environ 60 millions de barils de pétrole par jour, mais ce n’est pas négligeable. C’est pourquoi le CSC est nécessaire. L’industrie contribue-t-elle à la technologie et à la recherche dans ce domaine? Oui. Les contribuables font-ils la même chose? La réponse est également oui.
Un bon exemple serait la centrale électrique de Boundary Dam, à laquelle la province de la Saskatchewan et ses contribuables ont contribué à hauteur de près 1 milliard de dollars, et qui a démontré que le CSC est une véritable solution.
Il est possible d’aller de l’avant, en partenariat avec l’industrie pétrolière et gazière et avec le financement du gouvernement, pour être en mesure de mieux améliorer ces technologies afin de s’assurer que le carbone est séquestré de façon permanente dans les installations adéquates.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Qui doit financer ces améliorations technologiques? L’industrie pétrolière fait des profits. Pourquoi ne serait-ce pas à elle et seulement à elle de financer le fait qu’elle produise moins d’émissions? C’est quand même le pétrole qui produit ces émissions. En ce sens, je ne comprends pas vraiment pourquoi les contribuables devraient être mis à contribution.
[Traduction]
M. Mar : Parce que si vous vous en remettez entièrement à la responsabilité de l’industrie pétrolière et gazière, il y a d’autres endroits où les sociétés pétrolières et gazières peuvent trouver leurs sources de pétrole et de gaz afin de répondre à la demande mondiale, qui est d’environ 100 millions de barils de pétrole par jour.
Si vous faites porter entièrement la responsabilité des coûts associés au captage et à la séquestration du carbone aux sociétés pétrolières et gazières canadiennes, vous n’obtiendrez pas de meilleurs résultats. En fait, les résultats seront pires lorsque l’exploitation pétrolière se déplacera vers des endroits qui n’accordent pas autant d’attention aux normes environnementales que le Canada.
Parmi les six plus grandes réserves prouvées au monde, le Canada se classe au troisième rang. Il y a d’abord le Venezuela, puis l’Arabie saoudite et, derrière le Canada, l’Iran, l’Irak et la Fédération de Russie. Si vous examinez la situation dans son ensemble, non seulement les normes environnementales, mais aussi les critères sociaux et de gouvernance, vous conviendrez que le Canada ressemble à un modèle de démocratie par rapport aux pétrodictateurs de ces autres pays.
La sénatrice Sorensen : Bonjour à nos témoins. Monsieur Mar, je suis heureuse de vous voir. Ma première question est la suivante, monsieur Mar. Que diriez-vous à ceux qui affirment que l’industrie, y compris Alliance Nouvelles voies, est en train d’écologiser ses données et sa communication?
M. Mar : Je pense qu’Alliance Nouvelles voies a un désir légitime de faire bouger les curseurs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est à cause des demandes des financeurs. Des financiers et des assureurs qui financent et assurent l’industrie pétrolière et gazière exigent cela des producteurs, et vous voyez les producteurs qui exigent cela de leurs chaînes d’approvisionnement également. Je pense que leurs efforts sont réels et légitimes. Bien sûr, il devrait y avoir une surveillance pour s’assurer que c’est effectivement ce qu’ils font, mais je crois que leurs motifs sont fidèles à l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre grâce au CSC.
La sénatrice Sorensen : En tant qu’Albertaine, je suis consciente que nous devons nous tourner vers l’avenir, avec notamment une sortie du pétrole et du gaz. Cependant, je demeure préoccupée par la manière dont cette transition va s’opérer pour les travailleurs de notre industrie. Comment selon vous le gouvernement fédéral peut-il mieux soutenir les travailleurs du secteur pétrolier et gazier de l’Alberta pendant leur transition vers une nouvelle industrie?
M. Mar : Sénatrice Sorensen, c’est une excellente question. Il ne s’agit pas seulement de l’Alberta. Il y a environ 450 000 personnes qui travaillent dans le secteur pétrolier et gazier en amont partout au pays. Elles viennent d’endroits comme le Nord-Est de la Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et-Labrador et les Prairies. Il s’agit d’un pan important de notre économie, surtout en Alberta, où le secteur de l’énergie représente environ 20 % du PIB de la province et environ 25 % des recettes provinciales.
Sénatrice Sorensen, il est intéressant que vous, moi et Geoff Dembicki venions tous de l’Alberta. Nous avons chacun des points de vue, dont certains se recoupent.
L’une des choses que j’ai remarquées dans le budget fédéral d’avant-hier, c’est qu’il n’y avait pas vraiment d’argent pour cette transition. Si vous êtes un travailleur du secteur pétrolier et gazier, vous avez un certain ensemble de compétences. Faut-il retourner à l’école pour pouvoir appliquer cela aux nouvelles technologies des nouvelles énergies? La réponse est non, mais il nous faut combler l’écart entre les connaissances et les compétences des gens qui travaillent dans le secteur pétrolier et gazier, et les compétences dont ils ont besoin pour travailler dans de nouvelles sources d’énergie.
En Alberta, comme vous le savez sans doute, sénatrice Sorensen, l’énergie éolienne et l’énergie solaire sont parmi les plus élevées au pays par habitant, mais il y a une pénurie dans cette région de travailleurs spécialisés dans ce domaine. Il est vraiment important d’avoir du soutien, tant au niveau fédéral que provincial, pour combler ces lacunes afin que ces gens puissent faire la transition vers de bons emplois dans de nouvelles formes d’énergie.
La présidente : Monsieur Dembicki, voulez-vous réagir à cela?
M. Dembicki : Excusez-moi, votre question m’était-elle adressée?
La présidente : Oui. Je vais vous donner l’occasion de réagir parce que votre nom a été mentionné.
M. Dembicki : En ce qui concerne le captage et la séquestration du carbone, l’industrie demande que la plus grande partie en soit financée par les contribuables, alors que c’est l’année la plus rentable de l’histoire de l’industrie pétrolière et gazière. Les compagnies ont fait un carton absolu l’an dernier. Elles ont tellement de revenus.
La raison pour laquelle elles veulent que le gouvernement fédéral appuie autant cette technologie, c’est qu’elle n’a pas encore fait ses preuves. Imperial Oil a voté contre une résolution des actionnaires dès 2021, qui exigeait que la société fasse une transition vers la carboneutralité. Imperial Oil a dit à l’époque que la technologie de captage et de séquestration du carbone comportait de nombreuses incertitudes économiques lorsqu’on examinait la situation mondiale.
L’autre chose qu’il ne faut pas oublier, c’est que l’industrie considère le captage du carbone comme un moyen d’accroître sa production. J’ai assisté à des conférences de l’industrie où les gens ont parlé du captage du carbone comme moyen de faire paraître l’industrie plus verte, à des fins de commercialisation, afin que le pétrole canadien puisse être commercialisé partout dans le monde comme solution de rechange durable aux autres sources de pétrole.
C’est une bonne chose si les émissions de production sont réduites ici au Canada, mais je tiens à souligner que, potentiellement, jusqu’à 80 ou 90 % des émissions associées à un baril de pétrole proviennent de la combustion de celui-ci dans quelque chose comme un moteur d’automobile. Même si nous réduisons les émissions produites ici, au Canada, tout le pétrole que nous vendons à l’étranger continue d’avoir un impact énorme sur les émissions mondiales et les changements climatiques.
J’exhorte le Sénat et le gouvernement du Canada à tenir compte de tout cela lorsqu’ils réfléchiront à cette technologie.
Le sénateur Arnot : Merci aux témoins. Ma question s’adresse principalement à M. Mar. J’ai trois questions brèves et concises.
Monsieur Mar, vous avez parlé du projet de gaz naturel liquéfié Cedar dirigé par la Première Nation Xa’is’la. Des témoins d’autres Premières Nations qui ont comparu devant le comité nous ont dit que les Premières Nations aimeraient pouvoir investir de l’argent dans certains de ces partenariats, et qu’elles y voient une façon de réaliser la réconciliation dans un contexte moderne. Elles ont besoin d’un investissement important, évidemment, mais il faut que ce soit garanti par le gouvernement du Canada.
Croyez-vous que le gouvernement du Canada devrait prendre le projet Cedar comme modèle?
C’est ce que nous ont dit des gens de la région de Fort St. John, en Alberta.
Deuxièmement, vous avez parlé du captage et de la séquestration du carbone. Cela m’impressionne. Je veux vous donner l’occasion d’en parler davantage, parce que les gens de la Saskatchewan, par l’entremise du gouvernement, ont fait un investissement important dans l’infrastructure et la technologie, et ils veulent pouvoir en tirer parti. On nous a dit que la Saskatchewan est un chef de file à cet égard. Est-ce une occasion réelle? Comment cela va-t-il fonctionner selon vous?
Troisièmement, dans l’Ouest canadien, nous avons entendu des collectivités, surtout des petites villes, qui seront confrontées à de graves conséquences si des emplois sont perdus localement, et il y a déjà une infrastructure sur place. Il s’agit, en particulier, de mettre l’accent sur les emplois que nous avons vus dans le cadre de la transition verte, et non pas tant sur les collectivités. Je crois que les collectivités ont une capacité d’agir et un rôle à jouer ici.
Je me demande ce que vous en pensez. En Saskatchewan, en particulier, et sans aucun doute dans l’Ouest canadien, nous voyons cela comme un véritable problème, car les emplois se déplaceront là où il y a du travail, ce qui laissera les collectivités pour compte et aura des conséquences économiques désastreuses. Nous avons déjà fait d’énormes investissements dans l’infrastructure de ces petites collectivités.
Voilà mes questions. Bien sûr, je m’intéresse particulièrement aux conséquences que cela aura selon vous dans l’Ouest canadien. Quelles recherches la Canada West Foundation a-t-elle effectuées du point de vue des collectivités, et non seulement des emplois?
M. Mar : Merci, sénateur. Ce sont d’excellentes questions. Je vais essayer d’y répondre dans l’ordre, si j’ai bien compris.
Tout d’abord, en ce qui concerne le modèle des Premières Nations Xa’is’la, je pense que c’est la direction que nous devrions prendre, particulièrement en ce qui concerne le gaz naturel liquéfié. Permettez-moi de dire que les États-Unis sont l’un des pays qui a le mieux réussi à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, et c’est en grande partie parce que nos voisins sont passés du charbon au gaz naturel pour produire de l’électricité. Le Canada a déjà un bilan exceptionnel en ce sens qu’environ 82 % de son électricité est déjà produite à partir de sources non émettrices de GES. Il s’agit surtout d’hydroélectricité et d’énergie nucléaire, et dans une certaine mesure l’énergie éolienne et l’énergie solaire contribuent également à la forte proportion d’électricité sans émissions de GES au Canada.
L’intérêt de transporter du GNL vers des endroits comme la Chine est que si l’on peut remplacer le charbon, on peut réduire les émissions de GES dans l’atmosphère mondiale. Il n’y a pas d’atmosphère provinciale. L’atmosphère canadienne n’existe pas. Il y a une atmosphère mondiale. C’est la raison pour laquelle Mike Rose, de Tourmaline, a écrit une lettre d’opinion il y a environ trois semaines dans laquelle il parlait d’un triplé. En effet, en exploitant le gaz naturel liquéfié, vous créez des possibilités économiques pour le Canada, en faisant croître notre économie. Deuxièmement, vous apportez une véritable réconciliation économique avec nos Premières Nations. Troisièmement, vous réduisez concrètement les émissions de GES dans l’atmosphère mondiale. M. Rose dit que c’est un joli triplé s’agissant des résultats que nous voudrions obtenir. C’est le premier point.
Deuxièmement, en Saskatchewan, lorsque j’étais à l’ambassade du Canada à Washington — et M. Dembicki m’a suivi pendant que j’étais là-bas, pour se tenir au courant —, il y avait une délégation de membres du Congrès américain qui voulaient venir voir les sables bitumineux. Nous les avons souvent emmenés à Boundary Dam. Je pense que les gens ont été très impressionnés par le travail qui se fait au Petroleum Technology Research Centre de l’Université de Regina. Ils ont été impressionnés par ce qu’ils ont vu à Boundary Dam. Ils ont été impressionnés par ce qu’ils ont vu dans les champs de sables bitumineux et ils ont reconnu que ces types d’installations de CSC s’améliorent.
Plus récemment — je crois que c’était l’an dernier —, le sénateur Joe Manchin, un sénateur démocrate de la Virginie-Occidentale, est venu en Alberta. Je crois que c’est en partie ce qui l’a incité à pousser le gouvernement fédéral américain à investir dans des installations de CSC, dont une dans son État, la Virginie-Occidentale.
Je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que ce n’est pas une technologie éprouvée. C’est une technologie coûteuse, mais qui a fait ses preuves.
En ce qui concerne l’emploi dans les petites collectivités en particulier, sénateur, vous savez sans doute que dans l’ensemble de l’Alberta et de la Saskatchewan, le secteur pétrolier et gazier génère beaucoup d’emplois. Je pense que l’élément clé à souligner, c’est que si vous envisagez de créer un emploi à Mississauga, mais que cela supprime un emploi à Weyburn, en Saskatchewan, cela n’aide pas vraiment la province.
Je pense qu’il est important de reconnaître que dans cette transition, nous devons nous assurer qu’il y a des moyens de maintenir la viabilité des petites collectivités, en particulier en Alberta et en Saskatchewan, afin qu’il y ait de bons emplois pour remplacer, comme je l’ai dit, les 450 000 emplois dans le secteur pétrolier et gazier en amont au Canada. Il faut accorder une attention réelle à cette question pour s’assurer que les choses se fassent d’une façon juste.
Au Canada, nous parlons souvent de la force qui découle de la diversité de notre population. Je pense que c’est une excellente chose. C’est l’une des grandes raisons pour lesquelles nous devrions être fiers de notre pays. En revanche, nous ne parlons pas de la diversité de nos ressources naturelles. En Saskatchewan, les minéraux critiques ont une place importante. L’uranium est une ressource naturelle particulièrement importante qui devrait être exploitée au moyen de petits réacteurs modulaires. Il y a une occasion de reconnaître les différentes ressources naturelles dans différentes régions du Canada. Si vous êtes en Nouvelle-Écosse et que la presque totalité de votre électricité provient du charbon, nous devons trouver des façons d’améliorer ce charbon parce que cette province n’a tout simplement pas accès à d’autres types de ressources naturelles. Vous ne pourrez pas installer suffisamment d’énergie éolienne et solaire, et sa nature intermittente fait qu’il est difficile de remplacer la charge de base fournie par le charbon dans un endroit comme la Nouvelle-Écosse.
Nous devrions examiner la situation en tenant compte des différentes ressources naturelles. La définition d’une technologie propre au Québec sera très différente de celle de la Saskatchewan. En Saskatchewan, technologie propre signifie décarbonisation de l’utilisation des combustibles fossiles. Je peux vous dire que de grands progrès sont réalisés dans ce domaine.
La sénatrice Batters : Quelle excellente façon d’introduire mes questions. Je viens aussi de la Saskatchewan.
Tout d’abord, j’ai commencé à vous apprécier lorsque j’ai vu un jet des Snowbirds derrière vous. C’est merveilleux à voir. Ensuite, lorsque vous avez parlé de Boundary Dam, l’installation de calibre mondial de captage et de séquestration du carbone qui se trouve dans la ville natale de mon défunt mari, Estevan, en Saskatchewan. J’adore en entendre parler. C’est une installation incroyable que j’ai eu l’occasion de visiter.
Monsieur Mar, dans un article que vous avez corédigé dans le Calgary Herald en novembre, vous avez évoqué un appui du Canada aux initiatives de lutte contre les changements climatiques qui serait en grande partie fondé sur la région. Sans surprise, vous avez remarqué que les habitants des provinces productrices de pétrole et de gaz étaient beaucoup moins favorables à une transition rapide que les autres. Vous avez fait remarquer que la modélisation des répercussions économiques du gouvernement était axée sur un Canadien moyen qui n’existe pas. Pourtant, lorsqu’on a appliqué des hypothèses réalistes à ma province, la Saskatchewan, les répercussions projetées étaient en fait stupéfiantes. Par exemple, une diminution de la production de pétrole de 85 % réduirait le PIB de l’ensemble de la province de 12 %, ce qui est comparable à ce qui s’est passé lors de la Grande Dépression des années 1930.
Pourquoi croyez-vous que le gouvernement fédéral manque de transparence quant aux répercussions économiques réelles de sa transition énergétique sur certaines régions?
M. Mar : Sénatrice, votre commentaire est pertinent parce que la modélisation économique utilisée par Environnement et Changement climatique Canada, ECCC, laisse entendre qu’un emploi perdu à Weyburn est compensé par la création d’un emploi à Brampton, en Ontario. Nous savons que ce n’est pas le cas.
La Canada West Foundation a appliqué la modélisation d’ECCC région par région. Nous avons constaté que lorsque vous utilisez ce modèle, il n’y a pas de différence notable parce que ce n’est pas ventilé par région; c’est national. Cela doit changer.
Je ne vais pas jeter l’opprobre sur les motifs qui conduisent le gouvernement fédéral à procéder ainsi — je laisserai aux politiciens le soin de le faire —, mais je dirai que la modélisation n’est pas particulièrement transparente. Les hypothèses ne sont pas tout à fait claires, mais lorsque nous entrons des chiffres dans le modèle, les résultats en matière de situation de l’emploi au Canada sont très homogènes. Le calcul ne tient pas compte des répercussions régionales qu’aurait une réduction spectaculaire de l’industrie pétrolière et gazière dans des provinces comme la Saskatchewan ou l’Alberta.
La sénatrice Batters : Absolument. C’est un point très important à souligner, et faire en sorte que cette réalité soit connue est une tâche particulièrement importante pour votre Canada West Foundation.
Monsieur Mar, selon vous, quel sera l’impact de la mise en place par le gouvernement fédéral d’une politique de transition équitable rapide qui créera en réalité des gagnants et des perdants?
M. Mar : Permettez-moi de dire que je ne suis pas opposé à l’idée d’essayer de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de passer à la carboneutralité d’ici 2050, ce qui est l’ambition déclarée. Ce ne sera pas facile.
Ce ne sera pas facile à faire, et l’Agence internationale de l’énergie a produit un rapport en 2021 dans lequel elle disait que pour que le monde atteigne la carboneutralité d’ici 2050, il faut trois choses, et en fait quatre choses : premièrement, cesser d’investir dans la mise en valeur de nouveaux combustibles fossiles dès 2021; deuxièmement, à compter de 2035, tous les véhicules doivent être électriques; troisièmement, toute l’électricité produite doit provenir de sources non émettrices d’ici 2040; et quatrièmement, tous les pays du monde doivent le faire, pas seulement les pays riches.
Si vous regardez ce qu’il faut pour que cela se produise, il y a en fait trois choses : la technologie, la politique et le financement. L’aspect technologique est en fait assez bon. Il existe beaucoup d’excellentes technologies. La politique sera difficile parce que, tout d’abord, je pense qu’il est peu probable que des technologies coûteuses de réduction des émissions de GES comme l’adoption de l’énergie éolienne, solaire, géothermique et ainsi de suite seront mises en œuvre par les deux plus grands émetteurs du monde, la Chine et l’Inde. La raison en est que les États-Unis, par le biais de leur loi sur la réduction de l’inflation, investissent des sommes très importantes dans ce domaine, mais le PIB par habitant de la Chine et de l’Inde est quatre ou cinq fois moindre qu’aux États-Unis. Je pense qu’il est peu probable que nous amenions ces pays à adopter ces technologies.
Ils vont continuer à utiliser le charbon. En 2022, la Chine a approuvé environ 160 nouvelles centrales au charbon, soit une nouvelle centrale tous les deux ou trois jours. Je peux vous assurer que les Chinois n’utilisent pas le même genre de technologies d’atténuation que nous.
Le troisième domaine est le financement, et Geoff Dembicki a posé la question : qui doit payer? Ici à Calgary l’électricité est facturée environ 13 ¢ le kilowattheure. Demandons aux Canadiens s’ils sont prêts à accepter des prix de l’électricité de 40, 50 ou 60 ¢ le kilowattheure, comme c’est le cas actuellement dans certaines régions d’Europe.
C’est difficile, mais ce n’est pas impossible. Cela ne veut pas dire que notre pays ne devrait pas essayer d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, mais je tiens à souligner que l’ambition du gouvernement fédéral est de le faire dans l’ensemble de l’économie. Si vous regardez l’engagement pris par les États-Unis d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, il ne concerne que les opérations gouvernementales. Ce n’est pas l’ensemble de l’économie; ce sont seulement les opérations gouvernementales, et l’armée américaine, qui est le plus gros consommateur de combustibles fossiles aux États-Unis, est exemptée des opérations gouvernementales à cette fin.
Nous devons faire très attention à seulement surveiller ce qui se passe aux États-Unis, mais aussi à ne pas nous désavantager par rapport à notre voisin, qui sur le plan commercial est à la fois notre principal partenaire et notre principal concurrent.
La sénatrice Batters : Merci. C’est un très bon point.
[Français]
La sénatrice Audette : J’aimerais m’adresser à l’honorable Gary G. Mar.
Le Canada est grand, il y a une diversité de pensées et bien sûr, il y a les premiers peuples, les peuples autochtones. Vous avez mentionné la stratégie des minéraux critique dans laquelle se trouve une composante sur les enjeux ou des sujets qui touchent les peuples autochtones.
Le gouvernement actuel, avec cette stratégie, suscite en moi des préoccupations, car on semble vouloir aller vite.
Dans le cadre de votre travail, j’aimerais connaître votre position ou vos démarches relativement au consentement préalable, libre et éclairé quand il s’agit de travailler ou du moins d’entrer en relation avec les premiers peuples.
Quand on regarde le Canada, là où il y a des ressources naturelles, il y a toujours une ou plusieurs nations qui sont là. Comment trouvez-vous un équilibre pour cohabiter? Je ne sais pas comment vous le faites, vous pouvez peut-être partager vos savoirs.
Il faut dire aussi que le rapport de force n’est peut-être pas égal, donc c’est difficile pour une nation de contester ou de participer quand on n’a pas les mêmes moyens que les multinationales, les grandes fondations ou les gouvernements.
Peut-être que vous pourriez partager certaines choses sur le sujet.
[Traduction]
M. Mar : C’était en fait l’objet d’une de mes comparutions précédentes devant le comité.
Sénatrice Galvez, en qualité de présidente, vous vous souviendrez peut-être que dans une vie antérieure j’ai été président et premier dirigeant de la Petroleum Services Association of Canada. À l’époque, j’ai mentionné le fait que le secteur des ressources naturelles est le plus important employeur d’Autochtones au pays.
Je pense que votre question portant sur la façon dont nous pouvons nous assurer d’aller de l’avant en reconnaissant les droits des collectivités des Premières Nations est très importante. Il me semble qu’il y a plus de 640 Premières Nations au Canada. Certaines d’entre elles sont très petites et, comme vous le dites, sénatrice, elles n’ont pas le savoir-faire, les ressources ou la capacité nécessaires pour évaluer les projets qui traversent leurs terres.
Mark Podlasly dirige un groupe qui, à mon avis, aide beaucoup dans ce domaine. Il est professeur auxiliaire à l’Université de la Colombie-Britannique et diplômé de l’Université Harvard. C’est un membre des Premières Nations qui a lancé ce qu’on appelle la Coalition de grands projets des Premières Nations.
Il a réuni environ 80 personnes autochtones de partout au pays qui sont avocats, banquiers, scientifiques et géotechniciens. Ces personnes ont des expériences professionnelles très variées et travaillent avec des Premières Nations qui n’ont pas la taille ou la sophistication nécessaire pour déterminer le genre de questions qu’elles devraient poser dans le cadre d’une étude d’impact. Elles n’ont pas la capacité d’examiner ces évaluations et de comprendre ce que cela peut signifier pour leur eau, leur terre et leur air.
Mark Podlasly et la Coalition de Premières Nations pour les grands projets jouent un rôle très important pour donner aux Premières Nations — qu’elles soient grandes ou petites — la possibilité de poser de bonnes questions et de comprendre les réponses lors d’une étude d’impact, ou de pouvoir éventuellement examiner une entente sur les avantages qu’une société pipelinière ou un projet énergétique pourrait leur présenter.
La présidente : Il y avait une deuxième question, si vous pouvez y répondre rapidement, monsieur Mar, concernant le consentement préalable.
M. Mar : À ce sujet, j’avoue que je ne suis pas un expert, mais je crois comprendre qu’un tel consentement est un processus tout aussi important à suivre, mais qu’il ne donne pas un droit de veto à une Première Nation pour s’opposer à un projet. Mais je pense qu’il est très important, à mesure que nous allons de l’avant avec ces projets qui touchent les Premières Nations, que nous les traitions comme de véritables partenaires et pas seulement comme de simples intervenants.
Même le gouvernement fédéral, par exemple, a eu de la difficulté à travailler avec les Premières Nations lorsqu’il a en quelque sorte assumé la responsabilité et qu’il a acheté la participation de Kinder Morgan dans le projet d’expansion du pipeline Trans Mountain. Il en a résulté d’énormes retards et de gigantesques dépassements de coûts.
Je crois comprendre que le projet devrait être bientôt terminé. C’est complètement terminé en Alberta. Dans la vallée du bas Fraser certaines parties sont terminées à 80 %, mais elles devraient être en place d’ici le premier trimestre de 2024. C’est une bonne nouvelle, mais les coûts sont passés de 6 milliards de dollars à 12 milliards de dollars, puis à 20 milliards de dollars, et maintenant à peut-être 30 ou 31 milliards de dollars. C’est en partie à cause des retards dans l’élaboration. Les retards sont attribuables, par exemple, au fait qu’on n’a pas traité les Premières Nations comme des partenaires et qu’on les a plutôt traitées comme de simples intervenants. C’est une distinction importante à faire.
La sénatrice McCallum : Je vous remercie de vos exposés. J’aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet de l’atmosphère mondiale par rapport à l’atmosphère locale.
Les gens s’inquiètent au sujet de la Chine alors que le Canada ne peut pas réduire ses propres émissions de GES. Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 21 % entre 1990 et 2019. Ces émissions se produisent autour des terres autochtones et touchent la population.
Dans le mémoire qu’elle a présenté à la Chambre des communes le 23 mars 2022, la Première Nation crie Mikisew a déclaré que l’utilisation des produits des sables bitumineux, c’est-à-dire leur combustion, produit beaucoup plus d’émissions que leur production et que les compagnies qui exploitent les sables bitumineux proposent de recourir au captage et à la séquestration du carbone pour réduire ces émissions de production. Cette Première Nation estime que cela aggravera les changements climatiques.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé du CSC, qui ne concerne pas la combustion. Le captage et la séquestration du carbone, le CSC, et le captage, l’utilisation et la séquestration du carbone, le CUSC, sont tous deux fondés sur le captage du carbone, mais la différence réside dans ce qui est fait après l’étape du captage. Est-ce que le captage, l’utilisation et la séquestration du carbone contribuent au problème parce que le carbone capté sert en fait à l’injection pour extraire davantage de pétrole et de gaz? D’autres gaz sont produits et ne sont pas déclarés.
M. Mar : Sénatrice, votre compréhension des faits est exacte. Le CSC s’applique à la phase de production, et la majorité des émissions proviennent de la phase de combustion de ce pétrole ou de ce gaz. Comme vous l’avez dit à juste titre, 80 % des GES sont émis par le tuyau d’échappement de votre automobile lorsque vous brûlez le pétrole ou le gaz dans le moteur à combustion interne.
La réalité, c’est que le monde utilise encore des moteurs à combustion interne. Un de vos prochains témoins, M. Cosbey, va probablement vous parler de l’évolution vers des modes de transport plus propres et du fait que les coûts du pétrole et du gaz finiront par orienter la politique vers l’utilisation d’autres types d’énergie pour les modes de transport comme l’hydrogène et l’électricité.
Ce qui n’est pas souligné, cependant, ce sont les coûts. Tant qu’il existera une demande mondiale de pétrole et que les moteurs à combustion interne seront en service, je pense que le pétrole canadien devrait être le dernier baril retiré du marché, et non le premier. De plus, la mise en valeur de notre gaz naturel est une façon importante pour nous de contribuer à une initiative verte dans d’autres régions du monde. Cela est envisagé à l’article 6 de l’Accord de Paris, c’est ce qu’on appelle les RATI, les résultats d’atténuation transférés à l’échelle internationale, par lesquels le Canada peut obtenir du crédit d’un pays comme le Japon. Si le Japon utilise du gaz naturel canadien et réduit sa consommation de charbon, ce crédit devrait être accordé au Canada pour atteindre ses cibles d’émissions, ses engagements nationaux.
C’est un outil important que le gouvernement du Canada doit envisager. C’est bien beau que le gouvernement canadien dise : « Eh bien, nous allons vous fournir de l’hydrogène », mais nous n’avons pas encore d’installations pour la production d’hydrogène. Il me semble que pour être un fournisseur fiable d’énergie future, comme l’hydrogène, il faut essayer d’être un fournisseur fiable d’énergie courante, comme le gaz naturel. Encore une fois, si ce gaz naturel remplace le charbon, il réduit de façon mesurable les GES qui se retrouvent dans l’atmosphère planétaire.
La sénatrice McCallum : Pouvez-vous répondre au sujet du CUSC? Est-ce que cela aggrave le problème?
M. Mar : Je peux vous répondre. Depuis longtemps, on utilise le CO2. Il y a un certain temps que j’ai quitté la direction de la Petroleum Services Association of Canada, mais en gros, vous injectez du CO2 dans les réservoirs existants. Les réservoirs de pétrole ont un taux d’épuisement donné. La pression primaire dans ces puits diminue avec le temps à mesure que vous récupérez le pétrole. En injectant du CO2, vous avez une méthode de récupération tertiaire qui recomprime le puits et vous permet de récupérer plus de pétrole classique. C’est utilisé dans des endroits comme la Saskatchewan et l’Alberta, où vous produisez du pétrole classique — pas des sables bitumineux — qui a moins d’impact que les sables bitumineux. Vous prolongez la durée de vie d’un puits existant en recomprimant le pétrole pour qu’il remonte à la surface, ce qui permet de le récupérer.
La sénatrice Galvez : Merci.
M. Mar : Cela augmente-t-il les émissions de GES? Cela augmente la production de pétrole, mais c’est une forme de pétrole moins émettrice que ne le seraient les sables bitumineux.
La sénatrice Galvez : Merci, monsieur Mar.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Mar, ma question s’adresse à vous. J’accepte le fait que le monde aura encore besoin d’hydrocarbures pendant plusieurs décennies. Je suis également d’accord avec l’idée que s’ils doivent être consommés et que quelqu’un doit les produire, pourquoi pas nous? Par conséquent, je comprends l’importance de l’investissement et son effet sur le PIB. À cela je répondrai, cependant, que cela laisse encore entendre que votre industrie porte l’immense responsabilité de minimiser les émissions de CO2, même si nous allons l’utiliser. Elle doit être l’une des plus propres au monde.
Pourriez-vous nous dire où nous en sommes à cet égard? À quel point sommes-nous propres? Est-ce le mieux que nous puissions faire?
M. Mar : Sénateur Massicotte, si vous examinez non seulement l’environnement, mais aussi le « S » et le « G » des normes ESG, vous constaterez que l’industrie pétrolière et gazière du Canada est l’une des meilleures au monde. Ce n’est pas moi qui le dis. On peut par exemple regarder les mesures environnementales, sociales et de gouvernance utilisées par Morgan Stanley.
Morgan Stanley effectue des analyses comparatives sur les facteurs ESG, et la Banque de Montréal crée des fonds négociés en bourse, les FNB, pour investir dans le secteur de l’énergie. Elle utilise les indices de référence de MSCI, la succursale de Morgan Stanley, qui accordent à l’énergie canadienne une excellente évaluation par rapport à d’autres producteurs dans le monde. C’est d’autant plus vrai que, parmi les six plus importantes réserves prouvées au monde, le Canada est la seule démocratie libérale occidentale.
Je comprends que les gens puissent soulever des préoccupations au sujet du pétrole et du gaz ici, au Canada, mais qu’il est impossible de le faire au Nigeria, au Venezuela, en Arabie saoudite ou dans la Fédération de Russie. C’est la raison pour laquelle, à mon avis, le pétrole et le gaz canadiens sont propres, parce qu’ils sont transparents et sujets aux préoccupations légitimes que les gens pourraient soulever dans le contexte canadien, qui n’exerce pas les mêmes pressions que celles qui sont exercées en Iran, en Irak ou au Venezuela.
Le sénateur Massicotte : La réponse est peut-être compliquée, mais à quel point sommes-nous propres par rapport au reste du monde s’agissant des grands producteurs? Du point de vue environnemental.
M. Mar : Il faudrait que je m’engage à vous fournir la réponse. Je n’ai pas les données en tête, sénateur, mais je m’engage à vous fournir des chiffres. C’est une question importante. Je n’ai tout simplement pas la réponse.
La présidente : Merci à nos témoins. Cela met fin à notre premier groupe de témoins.
Dans notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons Aaron Cosbey, associé principal, Institut international du développement durable, et deux représentants de Carbon Tracker Initiative, Mark Campanale, fondateur et président exécutif, et Mike Coffin, responsable Pétrole, gaz et mines.
Bienvenue et merci d’être parmi nous. Vous disposez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Nous allons commencer par M. Cosbey et M. Campanale.
La parole est à vous.
Aaron Cosbey, associé principal, Institut international du développement durable : Je vous remercie de m’avoir invité à m’adresser à vous aujourd’hui. Je suis économiste de formation et je travaille depuis plus de 30 ans sur la politique et le droit du développement durable. Je vais surtout vous parler aujourd’hui du secteur pétrolier, à partir d’une série de rapports de recherche que j’ai publiés au cours des dernières années, bien que la dynamique dans le secteur gazier soit semblable à bien des égards.
Premièrement, la demande mondiale de pétrole atteindra un pic et diminuera d’ici 2030. Deuxièmement, il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour les producteurs canadiens et pour tous les Canadiens, car les producteurs de l’après-pic ne généreront que très peu d’emplois, d’investissements ou de redevances. Troisièmement, il n’y a donc aucun argument économique pour subventionner ce secteur en déclin.
Tout d’abord, la demande mondiale de pétrole atteindra un pic d’ici 2030 et diminuera. Cette baisse sera principalement attribuable, mais pas seulement, à l’électrification du transport routier, qui consomme 43 % de la demande totale de pétrole. Ce n’est pas seulement mon opinion; c’est la prévision de tous les analystes crédibles de l’énergie, y compris Rystad Energy, l’AIE, BP, DNV, McKinsey, Shell et d’autres. La seule question est de savoir quelle sera l’ampleur de la baisse après le pic. Notre propre analyse prévoit une baisse de 13 millions de barils par jour d’ici 2030 et de 45 millions de barils par jour d’ici 2050.
À titre de référence, la chute de la demande mondiale qui a dévasté les marchés du pétrole et fait baisser les prix en 2020 a été de moins de 7 millions de barils par jour.
Deuxièmement, c’est une mauvaise nouvelle pour les producteurs canadiens et pour tous les Canadiens. Les producteurs canadiens de sables bitumineux disent pouvoir prospérer dans un marché de 25 millions de barils par jour, soit le quart de la demande actuelle. Ils pensent pouvoir vendre jusqu’au dernier baril de pétrole.
Est-ce réaliste?
Le scénario du déclin après 2030 n’est pas réjouissant. La demande sera faible, les prix seront bas et très instables. Les pays producteurs et les entreprises pétrolières du monde entier se livreront tous concurrence pour vendre leurs réserves sachant qu’elles vaudront moins dans l’avenir.
Effectivement, certains producteurs canadiens survivront dans ce scénario. Les entreprises d’exploitation des sables bitumineux dont les immobilisations sont remboursées ont des coûts marginaux de production très faibles.
Mais toutes ne survivront pas. Moins du tiers des producteurs de pétrole canadiens participent à l’exploitation des sables bitumineux, et ils n’ont pas tous remboursé leurs immobilisations. De plus, les profits seront faibles puisque les prix seront bas.
Il n’y aura presque pas de nouvelles activités d’exploration et de production. Nous parlerons surtout de la production à partir des installations existantes ou de l’expansion progressive des installations existantes.
Mais ce qui est plus important encore, c’est que, du point de vue de la politique gouvernementale, la question appropriée n’est pas de savoir si quelques producteurs réussiront à réaliser un profit dans ce scénario. La question qu’il convient de se poser est la suivante : le pétrole et le gaz seront-ils le puissant moteur de la prospérité régionale et nationale qu’ils ont été dans le passé? La réponse est non.
Rystad Energy a comparé des scénarios où la température mondiale augmente de 1,6 degré par rapport à un scénario où elle augmente de 2,2 degrés. Dans le scénario le plus ambitieux, le secteur pétrolier canadien voit ses recettes chuter de plus de 70 % et ses dépenses en immobilisations chuter de plus de 60 %.
En ce qui concerne les emplois, s’il y a peu de nouvelles activités, le secteur des services — le forage, la construction, l’arpentage —, plus du tiers des emplois dans le secteur pétrolier et gazier vont disparaître, tout comme les emplois dans le secteur de l’exploration. Cela s’ajoute à la perte d’emplois massive qui est déjà en cours depuis 2014. Cette perte a atteint depuis plus de 20 %, et EY prévoit que l’automatisation et l’efficacité nous feront perdre plus de la moitié du reste d’ici 2040.
Troisièmement, nous ne devrions pas subventionner ce secteur. Pourquoi dépensons-nous 11 milliards de dollars par année en subventions et autres mesures de soutien aux secteurs pétrolier et gazier? Ce n’est pas parce que l’extraction pétrolière et gazière est intrinsèquement bonne; c’est parce que cet investissement rapporte des emplois, des investissements, des recettes gouvernementales et de la prospérité pour les Canadiens.
Si les chiffres de tous ces secteurs se traduisent par un déclin final après 2030, pourquoi dépenser l’argent des contribuables pour les soutenir?
C’est un sujet de conversation qui a été abordé lors de témoignages précédents. Vous vous demandez peut-être s’il est souhaitable de subventionner les producteurs de pétrole et de gaz pour qu’ils décarbonisent, par exemple en subventionnant le CUSC? S’il n’y a aucune raison de soutenir le secteur des combustibles fossiles au nom des emplois, des investissements et des recettes publiques, la seule raison de subventionner la décarbonisation serait d’atténuer les changements climatiques. Dans ce cas, la décision quant à savoir si le public devrait appuyer le CUSC ou d’autres options d’atténuation, y compris en dehors du secteur pétrolier et gazier, devrait dépendre entièrement des solutions les moins coûteuses sur la base du prix à la tonne. Le CUSC ne fait pas bonne figure à cet égard.
Où devrions-nous dépenser cet argent? Investir dans l’atténuation des changements climatiques et dans d’autres secteurs. Dépensez cet argent dans les secteurs propres de l’avenir, où il y a des perspectives de création d’emplois, d’investissement et de recettes publiques. Et dépensez-le pour gérer la transition énergétique afin que les travailleurs, les collectivités et les régions qui dépendent du pétrole et du gaz ne subissent pas les perturbations imprévues et douloureuses de la transition énergétique à venir.
Merci. J’ai hâte de discuter avec vous.
La présidente : Merci. Monsieur Campanale, vous avez la parole.
Mark Campanale, fondateur et président exécutif, Carbon Tracker Initiative : Nous sommes un groupe de réflexion financier sans but lucratif. La majorité de notre auditoire est le milieu financier, donc les investisseurs institutionnels. Le travail particulier que fait Carbon Tracker consiste à analyser la production future de charbon, de pétrole et de gaz, et nous mettons beaucoup l’accent sur les plans d’investissement des plus grandes sociétés charbonnières, pétrolières et gazières au monde.
Premièrement, nous examinons les limites établies par les données scientifiques concernant les budgets de carbone. Le monde émet donc environ 41 gigatonnes de CO2 par an et s’en tient à l’objectif de 1,5 degré avec une forte probabilité...
La présidente : Monsieur Campanale, excusez-moi, mais j’ai besoin du feu vert des interprètes pour continuer.
Malheureusement, ils ont besoin de votre... Pourriez-vous envoyer votre exposé par courriel à M. Coffin, et nous allons passer aux questions pendant que vous le faites?
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à M. Cosbey. Je vous remercie de votre présentation, qui était assez radicale.
On sent qu’il y a une tension, actuellement, entre les efforts du gouvernement de contrôler et de limiter les changements climatiques, et l’industrie qui, elle, continue à faire des profits, ce qui est en partie sa raison d’être.
Que répondez-vous aux gens qui disent qu’il faudrait harmoniser les investissements dans le pétrole avec un des buts du Canada qui est de ralentir les changements climatiques? Devrait-il y avoir un alignement? Est-ce que les fonds de pension devraient continuer à investir dans le pétrole compte tenu de la situation?
Vous avez mentionné que l’on ne peut pas investir dans de nouveaux projets, c’est une chose, mais qu’en est-il du statu quo et des investissements? En ce moment, l’industrie pétrolière continue de recevoir des investissements.
[Traduction]
M. Cosbey : Je vous remercie de cette excellente question. Bien entendu, mes observations portaient davantage sur les secteurs où il faudrait diriger l’investissement public que sur l’investissement privé. Je ne suis pas ici pour conseiller des investisseurs privés sur la façon dont ils devraient investir leur argent. J’ai des opinions personnelles qui se fondent sur mon analyse, mais si le secteur privé veut investir dans le secteur pétrolier ou dans le CUSC, qu’il le fasse.
Personnellement, je pense que ces investissements vont dans la mauvaise direction. Ils risquent de créer plus d’actifs susceptibles de s’échouer et ils rendent plus difficile la transition finale qui s’éloigne de ce secteur — qui est motivé, pour être clair, non pas par la politique canadienne, mais par la demande mondiale, les forces et les politiques sur les changements climatiques. Mais ce n’est pas à moi de dire aux investisseurs privés où investir leur argent.
Cependant, c’est vraiment à moi, en tant que citoyen et contribuable, de demander à mon gouvernement de ne pas investir mon argent dans un secteur en déclin où les retombées futures sont loin d’être aussi bonnes qu’elles le seraient si nous investissions dans les secteurs verts de l’avenir.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Si je reprends votre analyse assez sévère de la situation, vous dites qu’il n’y a pas d’avenir pour l’industrie pétrolière. Que faisons-nous de tous ces gens? Derrière le secteur pétrolier, il y a des humains, des provinces; le gouvernement fédéral ne semble pas calculer le fait qu’il y a des provinces qui souffriront particulièrement. Quelles seraient les solutions?
[Traduction]
M. Cosbey : Oui, c’est bien là la question, et je suis content que vous la posiez. Il y a deux choses à noter : premièrement, si nous allons de l’avant sans comprendre que la question est bien là, nous risquons un arrêt brutal et une transition douloureuse. Pensez à l’effondrement de la pêche à la morue sur la côte Est, ou au bassin de la rivière Powder aux États-Unis, à l’effondrement du secteur du charbon dans les Appalaches. Ce sont des transitions socialement et économiquement douloureuses parce qu’elles n’ont pas été planifiées.
Par contre, si nous planifions la transition, si nous commençons dès maintenant à aider les travailleurs et les collectivités qui dépendent du pétrole et du gaz à se libérer de leur dépendance au pétrole et au gaz et à se tourner vers d’autres secteurs, nous aurons des résultats très semblables à ceux de l’Allemagne en ce qui concerne sa sortie du charbon.
Il faut noter deux choses : la transition de l’Allemagne vers sa sortie du charbon a été le fruit d’un effort de plusieurs décennies auquel ont participé le public, les syndicats, les entreprises et le gouvernement. Ce n’était pas une tâche facile.
Permettez-moi de dire qu’il y a de nombreuses possibilités d’employer ces mêmes travailleurs du secteur pétrolier et gazier dans d’autres secteurs productifs. Je regarde le travail d’Alberta Innovates pour trouver des façons de produire des produits de valeur à partir du bitume sans le brûler. Le marché estimé pour la fibre de carbone en remplacement de l’acier éclipse nos marchés d’exportation actuels pour le pétrole.
Si nous pouvons commencer ces efforts de diversification, en utilisant nos ressources existantes — par exemple, les personnes formées à la fracturation savent aussi comment faire de la géothermie — nous pouvons utiliser nos excellentes ressources existantes, comme la gestion de projet, les ressources financières, la capacité de formation, dans des endroits comme l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve et les faire travailler dans d’autres secteurs qui ont un avenir. Nous devons le faire immédiatement.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Cosbey, je suis également membre du Comité des banques et du commerce, et ce comité fait beaucoup de travail sur la façon de bien faire fonctionner le reste de notre économie. Comme vous l’avez reconnu, le secteur pétrolier et gazier est un facteur extrêmement important de notre PIB et de notre économie.
Si vous regardez les dollars, cela représente environ 80 % de tous les investissements. En tant que pays, nous avons beaucoup de mal à être plus productifs et plus axés sur l’investissement. Nous consommons une grande partie de notre financement excédentaire.
Le scénario que tout le monde décrit est négatif. Beaucoup de gens comme vous disent que nous devons faire les choses correctement. Vous avez raison, mais nous le disons depuis 10 ou 15 ans, et nous n’y arrivons pas. Pouvez-vous nous en dire plus?
M. Cosbey : Nous arrivons aux questions importantes. Le budget qui vient d’être adopté est un pas dans la bonne voie. D’autres pays, comme les États-Unis, ou l’Union européenne, vont dans la même direction. Les États-Unis, avec leur Inflation Reduction Act, l’Union européenne, avec sa Net-Zero Industry Act. L’idée est de créer un terrain fertile pour l’investissement dans les secteurs de l’avenir.
Si l’on regarde la récente annonce de l’implantation d’une usine de batteries pour VE, de Volkswagen, à St. Thomas, la première usine de batteries de Volkswagen à l’extérieur de l’Europe, et l’investissement de 5 milliards de dollars de Stellantis dans des usines de batteries, ces entreprises sont venues ici parce que le Canada a un bon environnement pour faire ces investissements. Nous avons un réseau d’énergie propre, de bonnes possibilités de chaîne de valeur pour ce qui est des minéraux critiques, et le récent budget prévoit des crédits d’investissement, des crédits d’impôt, du financement pour l’énergie propre et la fabrication propre qui apportent ce genre d’investissement au Canada. Ce sont des investissements intéressants.
C’est l’une des façons de diversifier notre dépendance économique, loin du pétrole et du gaz, et vers ces secteurs de l’avenir.
Le sénateur Massicotte : Vous avez énuméré certaines des raisons pour lesquelles Volkswagen a décidé de venir en Ontario. Elle reçoit 8 milliards de dollars en subventions pour s’installer dans notre beau pays. Votre attitude générale est un peu négative. Je pense que nous sommes tous très négatifs en ce qui concerne les subventions, à moins qu’il ne soit prouvé qu’elles sont nécessaires, et cela suscite toujours la controverse. Pourriez-vous nous parler de Volkswagen? Pourquoi devons-nous la subventionner à ce point, compte tenu de son impact sur notre économie?
M. Cosbey : Je ne peux pas me prononcer intelligemment sur les détails des coûts et des avantages de cette subvention et, en général, en tant qu’économiste, je n’aime pas les subventions.
Mais nous sommes, soyons francs, dans une guerre de subventions pour obtenir des investissements dans l’économie propre avec des économies comme les États-Unis, l’Union européenne et, dans une certaine mesure, la Chine.
Ce sont des pays qui inondent ces producteurs d’investissements massifs. L’approche canadienne est prudente. Nous n’avons pas essayé d’égaler dollar pour dollar les largesses offertes au sud de la frontière, mais nous avons essayé de rendre ces incitatifs stratégiques. Nous savons que nous avons non seulement ces subventions, mais aussi une tarification du carbone qui nous donne, à mon avis d’économiste, une longueur d’avance sur les autres administrations qui comptent uniquement sur les subventions.
Oui, dans la course aux subventions, nous allons dépenser de l’argent inutilement. Nous allons nous lancer dans la chasse aux cheminées d’usines qui auraient pu être construites ailleurs avec les mêmes avantages à l’échelle mondiale. J’ai bien peur que ce soit un coût inévitable de notre participation à la course aux subventions, que nous n’avons pas commencée, mais à laquelle nous participons.
La présidente : Merci beaucoup.
Mike Coffin, responsable, Pétrole gaz et mines, Carbon Tracker Initiative : En guise d’introduction, Carbon Tracker Initiative est un groupe de réflexion sans but lucratif établi à Londres. Nous examinons la transition énergétique mondiale, particulièrement en ce qui a trait aux répercussions sur les changements climatiques.
Je dirige l’équipe du pétrole, du gaz et des mines, et j’ai moi-même travaillé dans l’industrie pétrolière et gazière pendant 10 ans. Je suis géologue agréé de formation et j’ai travaillé pour BP avant de me joindre à Carbon Tracker, il y a environ quatre ans.
Nous nous adressons principalement à un public d’investisseurs, en soulignant les risques qu’il y a à continuer d’investir dans l’industrie pétrolière et gazière alors que le monde s’éloigne rapidement des systèmes énergétiques basés sur les combustibles fossiles pour se tourner vers un système énergétique de base plus propre et renouvelable, moins cher et plus sûr.
Dans ma déclaration préliminaire, je vais me faire l’écho d’un certain nombre d’observations formulées par M. Cosbey, dans une perspective globale également.
Mon premier commentaire portera sur le problème climatique et, au bout du compte, sur la nécessité de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré, ou bien en deçà de 2 degrés. Les objectifs de l’Accord de Paris exigent une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre.
Nous avons besoin d’une réduction similaire à celle que nous avons vue en 2020, l’année de la COVID-19, chaque année, pendant les deux prochaines décennies, pour atteindre la carboneutralité et suivre une voie permettant de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré, sans dépassement de température excessif.
À l’heure actuelle, le bilan carbone est de 300 gigatonnes. Cela signifie que pour 1,5 degré, si nous libérons 300 gigatonnes supplémentaires de CO2 dans l’atmosphère, ou un équivalent, notamment le méthane, cela portera le réchauffement planétaire à 1,5 degré.
À l’heure actuelle, nous produisons annuellement 42 gigatonnes d’émissions de dioxyde de carbone à l’échelle mondiale. Cela signifie qu’il nous reste sept ans, au rythme actuel des émissions, avant que le budget carbone de 1,5 degré ne soit dépassé. Plus nous le dépasserons, plus la température augmentera, et plus la température augmentera, plus le degré de dépassement de la température sera important, c’est-à-dire, si la température augmente de plus de 1,5 degré Celsius, plus le risque que ce dépassement de température ne puisse pas être inversé sera élevé.
Pour tenter de l’inverser, ce qui peut ou non être possible en raison des non-linéarités dans la dynamique climatique mondiale, et de toutes sortes de points de basculement climatique, la société mondiale devrait utiliser les émissions négatives nettes à grande échelle au cours de la dernière partie de ce siècle pour tenter de réduire le dépassement de la température, mais ce n’est peut-être pas réversible.
Je dois souligner que la carboneutralité d’ici 2050 est un objectif nécessaire, mais pas le seul. Ce qui est essentiel, c’est d’avoir une voie crédible vers la réduction des émissions d’ici à ce que la carboneutralité soit atteinte.
La poursuite continue des émissions existantes à l’échelle mondiale et nationale jusqu’en 2049, puis leur arrêt soudain pour atteindre la carboneutralité, ne constituent pas un moyen crédible d’atteindre 1,5 degré. L’augmentation de la température qui en résultera sera bien supérieure à cela. C’est le problème climatique, le premier point clé.
Le deuxième point — et cela fait écho à bon nombre des commentaires des témoins précédents — est un problème de substitution de la demande. La substitution de la demande de combustibles fossiles par le nouveau système énergétique — qu’il s’agisse des énergies renouvelables, des réseaux, des véhicules électriques, des nouveaux combustibles, des combustibles durables ou, par exemple, de l’hydrogène vert — se substituera à la demande de combustibles fossiles, et les entreprises et les pays qui dépendent de l’exportation ou des revenus tirés de la vente de ces combustibles fossiles verront ces revenus diminuer.
Il y a deux effets. Il y a un effet de volume, mais l’effet de prix est encore plus grand. La baisse de la demande entraînera une chute des prix à long terme et une baisse encore plus marquée des revenus. Il s’agit des flux de trésorerie qui ne se matérialiseront pas comme prévu si les entreprises continuent d’investir dans des projets pétroliers et gaziers. Toute attente de revenus futurs qui ne se concrétisera pas à mesure que le monde se détournera des combustibles fossiles finira par éroder une grande partie de la valeur. Qu’il s’agisse d’un budget national ou d’investisseurs individuels, les effets sont les mêmes. Plus important encore, que la diminution de la demande de combustibles fossiles soit le résultat de mesures politiques à l’échelle mondiale ou de la concurrence des énergies renouvelables et, en fin de compte, d’un nouveau système énergétique moins coûteux et plus propre, les effets sont les mêmes.
Cela remet en question non seulement la viabilité des nouveaux investissements dans les combustibles fossiles, mais aussi les flux de trésorerie futurs attendus de vos combustibles fossiles existants. Cela soulève également un certain nombre d’autres questions, par exemple, le passif lié au déclassement. Si la demande pour votre produit diminue et que les prix chutent, cela pourrait raccourcir la durée de la viabilité commerciale des projets. Le passif futur lié au déclassement des actifs pourrait s’accélérer, c’est-à-dire se rapprocher dans le temps et, par conséquent, prendre de l’ampleur. Il n’est plus actualisé dans le futur.
En ce qui concerne les plans de l’industrie, une société pétrolière et gazière peut-elle être considérée comme faisant partie de la solution ou comme étant carboneutre? À notre avis, le fait de mettre l’accent sur les émissions d’exploitation ne tient absolument pas compte du défi que pose le nouveau système de substitution de la demande. Du point de vue climatique, la décarbonisation du pétrole et du gaz est essentiellement un mythe, comme nous l’avons déjà entendu. En fait, de 85 à 90 % des émissions proviennent de la combustion finale. Si l’on se concentre sur seulement 10 à 15 % des émissions, on ne tient absolument pas compte de l’impact climatique. La décarbonisation du pétrole et du gaz est essentiellement un mythe. La déméthanisation du pétrole est peut-être une chose. Il est clairement essentiel d’agir contre le méthane compte tenu de ses répercussions à court terme sur le climat.
Pour qu’une société pétrolière et gazière soit considérée comme une entreprise qui respecte le climat, il faut qu’elle planifie une baisse de sa production, et tout actif qu’elle vend à d’autres doit être vendu de façon responsable. Comme l’Agence internationale de l’énergie, ou l’AIE, l’a dit clairement, il y a peu de place, s’il y en a, pour des investissements dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers dans le cadre d’un scénario de 1,5 degré, et les objectifs climatiques des entreprises doivent être formulés de façon appropriée. Nous avons décrit une série de caractéristiques de la conformité à l’Accord de Paris. Il doit y avoir des approches crédibles pour atteindre ces objectifs.
Enfin, c’est une question de gouvernance appropriée. À l’échelle de l’entreprise, les dirigeants sont-ils suffisamment incités à délaisser les combustibles fossiles pour le climat, pour la santé de l’entreprise et pour protéger la valeur pour les actionnaires pendant la transition?
Mon dernier point porte sur le captage et le stockage du carbone. Pour nous, le terme CUSC englobe une vaste gamme de technologies. Cela va du captage et du stockage du carbone, qui peuvent être appliqués aux secteurs difficiles à réduire, par exemple, la fabrication de ciment ou d’acier pour aider à décarboniser ces secteurs, au captage, à l’utilisation et au stockage du carbone utilisés pour la récupération assistée du pétrole. C’est là qu’on injecte du CO2 dans un réservoir pour augmenter le nombre d’hydrocarbures qui peuvent en résulter. Au bout du compte, cela nuit au climat. Une plus grande quantité de CO2 pourrait provenir de la combustion des fluides plutôt que des intrants. Les sociétés pétrolières et gazières parlent du CUSC comme étant positif pour le climat, mais en réalité, elles tentent de justifier le maintien de la production.
La deuxième partie concerne la décarbonisation des secteurs difficiles à réduire. Nous aurons peut-être besoin d’un certain niveau d’émissions négatives nettes pour aider à inverser le dépassement de la température au-delà de ce siècle, mais nous ne devons pas confondre ce besoin avec les plans que font les entreprises pour le CUSC afin de justifier la poursuite de la production dans l’immédiat. Il est essentiel de distinguer ces trois différents scénarios d’utilisation des technologies de captage ou de stockage du carbone dans leur application.
Je vais m’arrêter là.
La présidente : Merci beaucoup. On m’informe que notre troisième témoin, le chef Allan Adam, est maintenant en ligne. Heureuse de vous voir. Bonjour, chef. Allez-y, s’il vous plaît.
Allan Adam, chef, Première Nation Athabasca Chipewyan : Nous sommes une nation souveraine. Nos territoires sont situés dans le Nord-Est de l’Alberta. Je représente Fort Chipewyan, notre principale communauté. Nous sommes signataires du Traité no 8.
Vous avez peut-être vu la Première Nation Athabasca Chipewyan, aussi connue sous le nom de PNAC, aux nouvelles récemment. Imperial Oil déverse dans notre territoire de l’eau toxique provenant du bassin de décantation de sa mine de sables bitumineux, ce qui nuit à la capacité de notre peuple de chasser, de pêcher et de piéger. Nos terres sont touchées par ce déversement. Cela les a empoisonnées, et c’est entré dans les cours d’eau qui se jettent en aval vers Fort Chipewyan.
La fuite a commencé en mai 2022 et un deuxième déversement, le plus important de l’histoire de l’Alberta, s’est produit en février 2023. Imperial Oil et l’organisme de réglementation de l’énergie de l’Alberta sont au courant de cette situation depuis le milieu de 2022, mais ils n’en ont parlé à la PNAC qu’en février 2023. Je le mentionne parce que c’est un exemple de la façon dont la PNAC et les peuples autochtones sont traités dans le dossier des sables bitumineux, comme une considération secondaire du racisme environnemental. Cela colore notre point de vue, notre vie quotidienne et nous devons y mettre fin maintenant.
La PNAC comprend la science des changements climatiques. Nous exprimons nos préoccupations depuis des décennies. Nous sommes témoins des répercussions, notamment de la faible quantité d’eau dans la rivière Athabasca, des feux de forêt, des changements dans la migration des caribous et de la perturbation de notre route d’hiver. Nos vies, encore aujourd’hui, sont enracinées dans la terre. Nous sommes les premiers à voir les changements qui touchent nos terres, notre eau et nos animaux.
Nous comprenons que la crise climatique oblige maintenant notre pays et les communautés internationales en général à considérer le rôle des combustibles fossiles dans nos économies. L’humanité ne peut pas continuer à émettre des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et s’attendre à avoir une planète saine et une société humaine stable.
La transition vers une économie à faibles émissions de carbone est déjà en cours. Les climatologues internationaux, ainsi que des géants pétroliers comme BP, ont indiqué que la production et l’utilisation du pétrole diminueront au cours des prochaines décennies. La transition du secteur pétrolier et gazier soulève de sérieuses questions pour l’industrie canadienne du pétrole et du gaz. En tant que l’une des plus importantes sources d’émissions de gaz à effet de serre au Canada, comment cette industrie s’intègre-t-elle dans le monde à faibles émissions de carbone? Elle n’a même pas de plan crédible pour réduire les émissions, sans parler des émissions provenant des produits qu’elle vend, qui sont cinq fois plus importantes.
La pression mondiale va-t-elle faire cesser l’exploitation des sables bitumineux? Le marché du pétrole rétrécit, et nous ne pouvons pas ignorer cette possibilité bien réelle. Qu’arrivera-t-il aux bassins de résidus et aux sites miniers sur nos terres si les entreprises ferment leurs portes avant de pouvoir les nettoyer? Il n’y a pas eu de remise en état à ce jour et nous avons besoin d’environ 130 milliards de dollars pour nettoyer les bassins de décantation. L’Alberta n’a perçu que 1,5 milliard de dollars.
Enfin, qu’arrivera-t-il à tous les travailleurs et à toutes les collectivités qui dépendent de l’industrie? Vers quels emplois locaux propres et bien rémunérés se tourneront-elles? La PNAC veut jouer un rôle de chef de file dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Personne ne nous a demandé si nous voulions des sables bitumineux sur notre territoire ou ne nous a écoutés quand nous avons demandé qu’on ralentisse l’exploitation afin que nous puissions gérer l’impasse.
Le processus d’évaluation environnementale laxiste des gouvernements fédéral et provinciaux n’a pas permis de régler le problème des effets cumulatifs de cette industrie.
La planification et la gestion des sables bitumineux, ainsi que les intérêts de la PNAC et d’autres communautés autochtones, ont été traités comme des considérations secondaires. Les avantages qui ont été obtenus sont ceux que nous avons négociés nous-mêmes avec les exploitants des sables bitumineux.
Pour répondre aux questions difficiles sur la façon dont les sables bitumineux peuvent participer à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, la première chose dont nous avons besoin, c’est d’un forum de discussion et de décideurs. Nous devons faire en sorte que les gens de la collectivité qui seront les plus touchés par la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, en particulier les travailleurs du secteur des combustibles fossiles, aient un rôle clé à jouer pour décider des mesures à prendre, et nous devons obtenir le soutien financier de leurs gouvernements et de l’industrie pour que cela se fasse.
Les peuples autochtones doivent diriger la planification, et non pas être la cinquième roue du carrosse. Nous devons diriger la transition, car elle nous touche directement. Nous profitons des sables bitumineux, mais nous subissons aussi les contrecoups de leurs effets sur l’environnement, le climat et la santé. Plus important encore, nous devons diriger la transition sur notre propre territoire parce que nous sommes une nation souveraine dont les droits sont protégés par la Constitution, et la réconciliation exige que nous prenions l’initiative de déterminer notre propre avenir.
Nous voulons des occasions de développer et d’établir des activités économiques qui n’aggravent pas les changements climatiques ou qui ne laissent pas de produits chimiques toxiques dans nos eaux. Nous rejetons les solutions climatiques fondées sur les combustibles fossiles et nous voulons réparer nos terres, défendre nos droits et veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte.
Je respecte le fait que de nombreuses autres communautés autochtones vivant dans des zones d’extraction partout au Canada sont impatientes de récupérer leur souveraineté et de saisir des occasions comme celle-ci.
Hier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a publié un rapport qui confirme que le monde est au bord d’une catastrophe climatique. Il faut agir immédiatement. La PNAC est prête à faire sa part. Nous sommes déjà un chef de file en matière de durabilité. Nous avons investi dans l’énergie propre, nous avons élaboré un plan énergétique communautaire et nous élaborerons un plan de transition équitable. Cependant, nous avons besoin que le gouvernement fédéral intervienne et crée des possibilités, en commençant par sa loi sur les emplois durables. Les tables régionales sur l’énergie et les ressources que le Canada a établies ne sont pas importantes.
La loi doit créer des espaces où le gouvernement, l’industrie, les travailleurs et les syndicats peuvent se réunir, guidés par des principes clés pour décider ce qu’ils veulent dans une économie carboneutre, et comment y arriver.
Une loi fédérale solide est la première étape pour veiller à ce que les communautés autochtones, comme la PNAC, ainsi que l’Alberta et le Canada, continuent de prospérer à l’avenir, même si le monde renonce au pétrole.
La présidente : Merci beaucoup, chef Adam.
La sénatrice McCallum : Je tiens à remercier tous les témoins de leurs exposés et tout particulièrement le chef Adam.
Je siège au comité de l’énergie depuis un certain temps. J’ai vu le taux exceptionnellement élevé de cancers, et les nombreux types de cancers qui ont touché les gens de Fort Chipewyan, et je suis d’accord avec ce que vous avez dit.
Vous avez formulé beaucoup de recommandations. J’aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet des investissements que vous avez faits dans l’énergie propre. Pouvez-vous nous en parler un peu? C’est aussi la question que j’ai posée aux autres témoins.
Devrions-nous verser des subventions pour gérer la transition énergétique, à quoi ressemble cette énergie et quels sont les secteurs verts dont les gens parlent?
M. Adam : Pour ce qui est de votre question concernant nos investissements dans l’énergie verte, nous avons investi dans des centrales solaires qui ont réduit l’empreinte carbone de la génératrice qui produit de l’électricité à partir du diésel.
L’une des choses que nous avons reconnues dans ce domaine, c’est la façon dont nous pouvions réduire la consommation de diésel. Les deux Premières Nations et les Métis se sont réunis à Fort Chipewyan, et nous avons installé une centrale solaire pour compenser l’empreinte carbone à Fort Chipewyan seulement. Qui plus est, la Première Nation d’Athabasca a elle-même investi dans la plus grande centrale solaire de l’Ouest canadien, située à Vulcan, dans le Sud de l’Alberta. Cette centrale est probablement l’une des plus grandes centrales solaires appartenant à une Première Nation au Canada. Nous avons établi un partenariat avec Concord et nous avons des centrales solaires; nous prêchons donc par l’exemple.
Nous avons parlé des émissions de gaz à effet de serre dans le passé, et du fait que si nous voulions réduire notre empreinte, nous devions développer une économie verte. C’est ce que nous faisons, et nous planifions toujours de le faire et d’investir dans une économie plus verte pour l’avenir.
M. Cosbey : Je veux d’abord faire écho aux propos du chef Adam et souligner que le secteur de l’énergie renouvelable des Premières Nations est celui qui connaît la croissance la plus rapide au Canada, ce qui est tout à fait approprié.
Il est important de faire en sorte que les communautés qui ne sont pas raccordées au réseau cessent d’utiliser des génératrices au diésel et passent à l’énergie renouvelable non seulement pour la transition énergétique, mais aussi pour la réconciliation au Canada.
Quant à savoir où nous pourrions dépenser cet argent, nous aurons besoin de beaucoup plus d’électricité à l’avenir au Canada, alors l’électrification de l’économie exigera que nous doublions, au moins, la quantité d’électricité produite actuellement. Par conséquent, les subventions à la production d’électricité renouvelable et, dans la mesure du possible, la facilitation de la construction d’interconnexions permettant d’acheminer de l’énergie propre du Manitoba vers la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique vers l’Alberta, afin de fournir une charge d’équilibrage permettant à ces provinces d’investir davantage dans les énergies renouvelables, sont de l’argent bien dépensé.
Nous devons décarboniser notre secteur industriel. Nous devons dépenser de l’argent, comme le fait le dernier budget, pour essayer d’aider les secteurs difficiles à décarboniser, comme l’acier, l’aluminium, le ciment, à décarboniser leurs activités, et ce ne sont pas des investissements bon marché.
Pour ce qui est des secteurs comme le transport, qui est l’une de nos principales sources d’émissions au Canada, tout l’argent consacré à l’infrastructure des véhicules électriques, compte tenu de ce que nous savons de la croissance dans ce secteur, sera également bien dépensé. Ce sont tous des investissements judicieux si nous pensons à l’économie verte de l’avenir.
La présidente : Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur Coffin?
M. Coffin : De mon point de vue, il est évidemment essentiel que nous séparions la discussion sur la décarbonisation du système énergétique national et de s’assurer, comme l’a dit M. Cosbey, que l’électrification et l’approvisionnement en électricité proviennent de sources renouvelables et de sources à teneur en carbone faible ou nulle. Il faudra faire des investissements majeurs dans les réseaux et le stockage, qu’il s’agisse de l’hydrogène vert ou du stockage dans des batteries, pour créer ce réseau. Il est très important que des arguments comme l’intermittence ne soient pas utilisés pour bloquer cette transition. L’intermittence est peut-être un problème pour la dernière partie de la décarbonisation, mais à l’heure actuelle, il y a encore une énorme quantité de systèmes énergétiques qui peuvent être décarbonisés avec les technologies existantes. Ces technologies sont déjà en place.
Pour ce qui est des subventions, elles peuvent aider l’industrie à démarrer, et ces nouvelles technologies font baisser les coûts initiaux. Elles deviennent viables sur le plan commercial. Nous l’avons constaté dans le cas des véhicules électriques. Nous constatons en particulier que l’adoption des véhicules électriques en Europe a été incroyablement rapide au cours des dernières années. Les subventions et les politiques ont fait en sorte que cela devienne commercialement viable.
Il est très important de faire la distinction entre la décarbonisation de l’approvisionnement énergétique national et la perte de revenus d’exportation découlant d’une baisse de la demande de produits pétroliers et gaziers exportés à l’étranger. Il est absolument essentiel de garder ces deux éléments séparés.
La sénatrice McCallum : Ce n’est pas une question. Je tiens à dire que l’hydroélectricité n’est pas écologique. Il y a beaucoup de racisme environnemental dans l’électrification au Canada, et nous devons nous assurer de ne pas déplacer l’un vers l’autre, car je crois que nous serions dans la même situation. Merci.
Le sénateur Arnot : Merci à tous les témoins. Je vais m’adresser d’abord au chef Allan Adam et ensuite à M. Cosbey.
Chef Adam, vous avez fait une déclaration convaincante, qui est inattaquable et qui s’appuie sur les faits concernant le réseau de la rivière Athabasca. Nous avons vu l’empoisonnement de l’eau et l’empoisonnement de l’air. À mon avis, vos déclarations ont un impact certain. Ce que vous décrivez est en train d’ajouter à la honte nationale du Canada. Je tiens à le signaler aux analystes, car je crois que ce sera une recommandation clé que nous formulerons et qui figurera dans notre rapport. Je tiens donc à ce que cela soit noté.
Ce que le chef a dit, c’est qu’il est clair que le gouvernement du Canada, et le gouvernement de l’Alberta en particulier, ne reconnaissent pas l’article 35 de la Constitution canadienne. Il s’agit certainement d’une violation des droits issus de traités en vertu du Traité no 8 — le chef Adam est un descendant des signataires originaux —, d’une violation de la relation scellée par traité; d’une violation de la norme élevée de l’honneur de la Couronne; et d’un manquement à l’obligation fiduciaire. Il s’agit d’une norme élevée de la part des gouvernements en ce qui concerne la collaboration avec les Premières Nations.
Il me semble que la communauté a besoin d’être reconnue, et qu’il faut lui donner un mandat. Dans ce cas particulier, il s’agit de la communauté de la Première Nation Athabasca Chipewyan, qui devrait avoir une place égale et importante à toute table créée pour traiter des questions que le chef a soulignées.
Je veux que le chef Adam ait l’occasion d’expliquer ce qu’il aimerait voir. Je sais qu’il a dit clairement ce qu’il voulait.
En ce qui concerne M. Cosbey, vous avez dit qu’il faut que le secteur public dépense, et je voudrais que vous puissiez nous parler davantage de l’aspect communautaire et de ce qu’a dit le chef Adam. L’année 2030 est très proche de nous; c’est dans sept ans. Il faut dépenser pour assurer l’équité dans cette transition. Un des exemples qui n’a pas été mentionné est celui d’Uranium City dans le Nord de la Saskatchewan. En 1982, la population était de 2 500 personnes; aujourd’hui, elle en compte 73. Toute la collectivité a été fermée, les hôpitaux, l’infrastructure, et cetera. C’est un exemple frappant de ce qui se produira ou pourrait se produire. Autrement dit, nous devons mobiliser les collectivités à ce sujet.
Il va falloir plus de cinq minutes pour répondre à ce que j’ai dit, mais nous avons toutes ces difficultés techniques. Si les témoins estiment qu’ils n’ont pas assez de temps, je leur demanderais de bien vouloir nous faire parvenir des mémoires écrits pour nous donner plus de détails sur ces questions. Elles sont très importantes et doivent être analysées attentivement. Je pense que c’est une déclaration importante que nous avons entendue ici ce matin, et que nous devons en prendre bonne note, et cela devrait figurer comme une recommandation ferme dans le rapport. Merci.
La présidente : Je vais permettre à la sénatrice Audette de poser sa question. S’il n’y a pas assez de temps pour les réponses, s’il vous plaît, chef Adam et les autres témoins, vous pouvez toujours envoyer des réponses écrites au greffier du secrétariat du comité.
La sénatrice Audette : Un commentaire et, bien sûr, une question pour le chef Adam. Tshinashkumitin Utshimau. Merci. S’il est possible pour vous et votre nation ou votre communauté de nous envoyer ce que vous aimeriez voir dans notre rapport, nos recommandations, et cetera, parce que cela a une incidence directe sur la relation que nous avons avec la Terre mère et sur la transmission de notre culture, de notre langue et, bien sûr, l’environnement. Je sais que vous avez souligné à maintes reprises l’importance du partage lorsqu’un projet comme celui-ci se déroule dans notre nitassinan [mots prononcés en innu-aimun]. S’il vous plaît, si vous avez des recommandations à nous faire, je vais les lire avec mon cœur et mon esprit.
La présidente : Si vous voulez prendre quelques minutes pour répondre, et nous envoyer par écrit toute autre information qui a été demandée. Merci.
M. Adam : Je pense que l’une des recommandations que nous faisons au comité est que nous sommes en pleine crise ici, dans le Nord-Est de l’Alberta. Il n’y a aucune surveillance en ce qui concerne l’exploitation et la mise en valeur des sables bitumineux. Si nous voulons continuer à exploiter les sables bitumineux jusqu’à ce que nous fassions une transition vers une économie à faibles émissions de carbone, il faut que les gouvernements de l’Alberta et du Canada légifèrent sur les sables bitumineux et les réglementent de façon à ce que les Premières Nations fassent partie du groupe d’experts chargé de prendre les décisions concernant l’octroi de permis aux exploitants. Il n’est pas dans l’intérêt des Premières Nations de défendre leurs arguments dans leurs propres territoires traditionnels où se fait l’extraction.
J’ai moi-même posé la question suivante à maintes reprises : pourquoi ne participons-nous pas au groupe d’experts en tant que co-régulateurs? Pourquoi ne pouvons-nous pas prendre les décisions d’accorder ou non le permis d’exploitation? Je ne crois pas qu’il soit juste que les Premières Nations doivent participer et se défendre comme si elles étaient des criminels devant un tribunal du racisme environnemental. Nous devrions nous asseoir derrière le groupe d’experts, recueillir les données et les renseignements qui nous sont fournis, puis nous devrions analyser tous les témoignages émanant d’un groupe quelconque ou de n’importe quelle industrie. En tant que nation souveraine, nous devrions avoir le pouvoir de dire : « Nous ne pouvons pas vous accorder ces permis compte tenu de ces circonstances, à moins que vous ne combliez les lacunes. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous pourrons discuter et que vous pourrez revenir. D’ici là, les Premières Nations ne peuvent pas vous délivrer de permis. » C’est ce que nous devrions examiner dans le secteur parce que, au fil du temps et de l’histoire, les Premières Nations de notre région n’ont jamais eu cette possibilité. Il s’agit aussi d’examiner la façon dont le Nord de la Colombie-Britannique fait la transition vers de faibles émissions de carbone. Les Premières Nations font maintenant partie de la commission qui délivre le permis aux exploitants, et elles ont le droit d’opposer leur veto à ce permis en cas de catastrophe environnementale sur leur site.
C’est le genre de pouvoir que nous devons avoir, et nous devons siéger à ces commissions au lieu d’avoir à défendre les droits et les positions des Premières Nations.
La présidente : Merci beaucoup à tous nos témoins. Merci, honorables sénateurs, de votre patience. Nous avons eu des problèmes techniques, mais nous les avons réglés. Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)