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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 15 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité; et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je m’appelle Rosa Galvez, je suis une sénatrice du Québec et je suis présidente du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je voudrais commencer par un petit rappel. Avant de poser des questions et d’y répondre, je demanderais aux membres et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité dans la salle.

[Traduction]

J’invite mes collègues du comité à se présenter.

Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bonjour; Clément Gignac, du Québec.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à vous tous ainsi qu’aux téléspectateurs de partout au pays qui nous regardent. Nous allons poursuivre notre étude de l’industrie pétrolière et gazière canadienne.

Nous accueillons, par vidéoconférence, Arlene Strom, directrice du développement durable à Suncor Énergie Inc. et Susannah Pierce, présidente, directrice générale des énergies renouvelables et des solutions énergétiques, à Shell Canada. En personne, nous avons Kevin Krausert, président-directeur général et co-fondateur d’Avatar Innovations.

Bienvenue à vous trois et merci de votre présence. Vous disposez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire, et nous allons commencer par Mme Strom.

Avant de commencer, puisqu’il s’agit de notre dernière réunion avant le congé d’été, je souhaite remercier les membres du comité, soit chacun de vous, chers collègues, pour le travail que vous avez accompli au cours du dernier mois. Je tiens aussi à remercier tout le personnel et tous ceux qui contribuent directement ou indirectement à faire en sorte que notre travail se déroule bien. Merci beaucoup de votre participation et de votre dévouement. Merci beaucoup à nos analystes. Je vous souhaite un bel été.

Sur ce, nous pouvons entamer notre réunion à commencer par Mme Strom. C’est à vous, madame.

Arlene Strom, directrice du développement durable, Suncor Énergie Inc. : Merci beaucoup. Bonjour, honorables sénateurs. Je me joins à vous à partir du territoire traditionnel des peuples du Traité no 7 et de la nation métisse de la région 3.

Merci beaucoup de m’accorder du temps pour parler à votre comité aujourd’hui. J’ai accepté l’invitation, car je suis fière de travailler pour une entreprise et une industrie qui, en plus de contribuer à part entière à l’économie de notre pays et à la sécurité énergétique nord-américaine, sont dans une position unique pour aider à relever certains défis et saisir certaines occasions d’importance dans notre pays. Nous devons collaborer pour trouver des façons d’aider à réduire les émissions de GES et travailler avec les communautés autochtones d’une manière qui continue de favoriser la réconciliation.

Tout d’abord, voici quelques faits intéressants sur Suncor : nous sommes une entreprise fièrement canadienne. Suncor était le premier exploitant des sables bitumineux en Alberta en 1967, et continue aujourd’hui de développer l’énergie à partir de cette ressource.

Nous détenons aussi une participation dans chaque projet au large de la côte de Terre-Neuve-et-Labrador, y compris l’exploitation du projet Terra Nova. Nous exploitons trois raffineries au Canada : à Edmonton, Sarnia et Montréal, ainsi que la plus importante usine d’éthanol au pays. Nous détenons également le réseau Petro-Canada, qui fournit de l’énergie aux Canadiens d’un océan à l’autre.

Malgré le fait que nous avons cédé nos actifs liés à l’énergie renouvelable, nous faisions partie de l’investissement qui a commencé au début des années 2000 et avons attiré des capitaux vers le secteur éolien canadien. Nous avons récemment cédé ces actifs pour nous permettre de contribuer à la transition énergétique dans des secteurs où nos capacités et actifs nous donnent un avantage stratégique, comme le secteur de l’électricité sobre en carbone, les carburants renouvelables et l’hydrogène.

Notre raison d’être, en termes simples, consiste à fournir une source d’énergie digne de confiance qui améliore la qualité de vie des gens, tout en prenant soin les uns des autres et de la planète. Plus de 16 000 employés aident à concrétiser cette raison d’être, et l’an dernier, nous avons également payé 9,31 milliards de dollars en redevances et impôts. Nos dépenses pour l’achat de biens et services en 2022 ont atteint environ 12,8 milliards de dollars. Nos dépenses auprès d’entreprises autochtones étaient de 3,2 milliards de dollars en 2022, et ce chiffre ne comprend pas l’argent gagné par les communautés autochtones dans le cadre d’ententes de participation au capital.

Suncor appuie également l’engagement du Canada à l’égard de l’Accord de Paris. L’un de nos objectifs stratégiques à long terme est d’atteindre la carboneutralité dans nos activités d’ici 2050. Conformément à cet objectif, nous avons établi une cible de réduction de nos émissions annuelles de 10 mégatonnes dans l’ensemble de notre chaîne de valeur d’ici 2030.

Nous reconnaissons que nos activités représentent une source importante d’émissions de gaz à effet de serre. Nous estimons également qu’en collaborant avec l’industrie, le gouvernement, les communautés autochtones et les parties intéressées, nous pouvons atteindre la carboneutralité dans nos activités, tout en continuant de fournir l’énergie dont le monde a besoin. En fait, nous croyons que la collaboration est essentielle pour favoriser le progrès lié à la réduction de nos émissions et assurer notre viabilité à long terme.

Suncor est membre de l’Alliance nouvelles voies, alliance composée des plus grands exploitants des sables bitumineux, car nous croyons qu’il est possible d’accélérer le rythme en établissant une infrastructure commune pour appuyer le captage du carbone et réduire de façon importante les émissions dans l’ensemble de l’industrie des sables bitumineux d’ici 2030. Notre ambition d’ici 2030 consiste entre autres à réduire les émissions grâce au captage du carbone dans l’un des meilleurs espaces poreux géologiques afin de favoriser ce captage à l’échelle mondiale. Nous voulons également réduire les émissions au moyen d’autres initiatives, y compris des projets liés à l’efficacité énergétique et la substitution de carburants, comme la transition du brûlage de coke de pétrole à la cogénération alimentée au gaz naturel. Ce projet devrait être amorcé d’ici la fin de 2024.

Nous cherchons aussi des façons de réduire les émissions provenant de nos raffineries, par exemple en examinant les technologies liées à l’hydrogène propre. Avec l’aide de Ressources naturelles Canada, nous avons construit la Transcanadienne électrique dotée de bornes de recharge rapide pour VÉ, fournissant aux automobilistes des choix énergétiques propres.

Nous savons que le monde change et comprenons que plusieurs travailleurs du secteur énergétique comptent sur nous et le gouvernement pour déterminer la voie à suivre. Il existe plusieurs occasions à venir dans les secteurs des carburants renouvelables, de l’électricité et de l’hydrogène. Tandis que Suncor planifie d’accroître ses activités dans ces secteurs, nous croyons également que la demande liée au pétrole canadien sobre en carbone se maintiendra encore longtemps.

Pour atteindre l’objectif de carboneutralité dans nos activités existantes, un nombre important de travailleurs qualifiés supplémentaires seront requis. On parle notamment d’ingénieurs, de géophysiciens, de tuyauteurs et d’autres travailleurs spécialisés qualifiés. Nous estimons que la transition énergétique nécessitera une stratégie de main-d’œuvre qui remplit tous ces critères afin de décarboniser la production énergétique existante du Canada tout en répondant aux besoins des nouveaux secteurs énergétiques en pleine croissance.

Nous savons également que les émissions de gaz à effet de serre ne s’arrêtent pas aux frontières internationales, et nous voyons une occasion pour le Canada de continuer de fournir de l’énergie tout en réduisant son empreinte carbone. En fait, nous observons une occasion de démontrer un leadership mondial par la collaboration pour concrétiser notre ambition collective.

Nous apprécions le soutien qu’offre le gouvernement du Canada par l’entremise d’incitatifs fiscaux, comme le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, ou CUSC. En même temps, nous devons être conscients des pressions exercées par la concurrence auxquelles l’industrie énergétique canadienne continue de faire face, particulièrement en comparaison aux incitatifs offerts par d’autres pays. L’investissement du gouvernement norvégien dans le projet de CUSC Longship devrait représenter 70 % des coûts totaux du projet, un chiffre qui correspond plus ou moins aux incitatifs pour le CUSC 45Q aux États-Unis et qui excède la totalité du soutien offert par le crédit d’impôt à l’investissement pour le CUSC du Canada. Je suis persuadée que grâce à notre plan et à une collaboration soutenue entre les gouvernements, l’industrie et les communautés autochtones, nous pouvons continuer de saisir les avantages de l’énergie canadienne tout en assurant une viabilité à long terme.

Je vous remercie une fois de plus de votre temps. C’est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

La présidente : Merci. Madame Pierce, vous avez la parole.

Susannah Pierce, présidente, directrice générale des énergies renouvelables et des solutions énergétiques, Shell Canada : Merci beaucoup et bonjour. Merci, madame Strom, de vos excellentes remarques liminaires. Merci aussi de me donner l’occasion de participer à la discussion d’aujourd’hui.

Je tiens à souligner que je vous parle depuis Calgary, ville située sur le territoire traditionnel de la Confédération des Pieds‑Noirs — les Siksikas, Peigan-Piikani et Aamskapi Pikuni — des nations Tsuut’ina et Stoney Nakoda et de la région métisse 3 ainsi que des peuples de la région du Traité no 7.

Je me sens bien, mentalement et physiquement, et j’espère que c’est aussi le cas de toutes les personnes présentes dans cette salle du Sénat.

Si vous le voulez bien, je commencerai par vous donner un peu de contexte au sujet de Shell et de Shell Canada. Vous savez peut-être que Shell Canada est l’une des rares sociétés d’énergie entièrement intégrées, ce qui englobe tout ce qui va de la production jusqu’au service de sa nombreuse clientèle, dont vous faites partie quand vous vous rendez à une station-service de Shell. En 1911, Shell a ouvert un petit bureau de six employés au Canada avec une mise de fonds de 50 000 $. Aujourd’hui, Shell Canada compte un peu plus de 3 200 employés et touche à tout, de l’exploration et du raffinage à la mise au point de solutions énergétiques à faibles émissions de carbone pour ses clients en passant par la fabrication et la mise en marché de carburants. Cela comprend notre participation de 40 % dans LNG Canada en Colombie-Britannique, de même que notre participation dans Scotford Shell Energy and Chemicals Park, en Alberta, et notre centre de production de Sarnia en Ontario, de même que quelque 1 400 points de vente au détail sous la bannière Shell à l’échelle du pays.

Shell est une entreprise internationale du secteur de l’énergie qui compte plus de 90 000 employés dans plus de 70 pays. Shell investit pour fournir aux clients l’énergie dont ils ont besoin aujourd’hui et dans un avenir éloigné, tout en cherchant à se transformer pour miser sur les solutions à faibles émissions de carbone. Nos principes directeurs sont le rendement, la discipline et la simplification et nous affectons notre capital de façon à en optimiser la distribution aux actionnaires, mais aussi à faciliter la transition énergétique.

Notre stratégie intitulée Powering Progress, que nous avons annoncée il y a quelques années, explique comment nous comptons devenir une entreprise carboneutre d’ici 2050. Nous le ferons en mettant l’accent sur la réduction des émissions issue de nos propres activités et des carburants et autres produits que nous vendons à nos clients, tout en produisant de la valeur pour les actionnaires, dont nous avons besoin pour faire ces investissements.

Après ce survol de Shell Canada et de nos opérations dans le monde, je vais consacrer le reste de mes observations aux questions que le comité a posées. Je commencerai par traiter de différents thèmes. Premièrement, la sécurité énergétique. La sécurité énergétique et la place de l’énergie canadienne au pays et à l’étranger sont devenues plus pertinentes que jamais, car les événements en Ukraine ont entraîné un changement important sur les marchés de l’énergie. Le Canada a un rôle essentiel à jouer en partageant les avantages de notre énergie sûre et abordable avec les Canadiens et nos partenaires dans le monde entier. Nous avons la chance de pouvoir compter sur des ressources naturelles abondantes qui sont exploitées selon des normes sociales et environnementales parmi les plus élevées au monde et qui sont partagées avec nos nombreux partenaires grâce aux relations commerciales solides et étendues que nous avons cultivées.

Les formes traditionnelles d’énergie continueront de jouer un rôle pendant un certain temps, et nous avons récemment vu en quoi les événements macroéconomiques à l’échelle mondiale peuvent avoir une incidence sur l’accès à l’énergie et sur son abordabilité, ce qui constitue un droit de la personne fondamental. Le Canada peut être un fournisseur fiable d’énergie pour un monde en croissance, un monde développé selon les normes les plus élevées, soit selon des politiques et des mesures industrielles qui nous conduiront à la carboneutralité d’ici 2050.

Le prochain thème que je souhaite aborder est celui de la durabilité. Je parle de ce que la durabilité et les avantages environnementaux que les produits énergétiques à faibles émissions de carbone et à émissions nulles du Canada peuvent apporter au monde d’aujourd’hui tout en favorisant une transition équilibrée vers l’avenir. Nous savons que le mix énergétique mondial est en train de changer. Cependant, la demande de services énergétiques continuera de croître et devra être satisfaite par une combinaison de différents types d’énergie. Il n’existe pas de solution unique.

Parmi les exemples récents, on peut penser à nos investissements pour transformer Shell Scotford en parc énergétique et chimique, l’un des cinq que Shell possède dans le monde. Scotford, qui se trouve juste au nord d’Edmonton, a été retenu par Shell pour cette transformation parce que c’était logique sur un plan stratégique. C’est un de nos sites les plus rentables présentant un niveau élevé d’intégration et d’accès à des matières premières à faible coût, outre qu’il sert une clientèle stable dans l’Ouest canadien. La transformation du site reposera sur la séquestration du carbone, les sources d’énergie renouvelables et d’autres matières premières.

Nous exploitons actuellement l’installation de séquestration du carbone Quest à Scotford, qui a capté en toute sécurité plus de 7 millions de tonnes de CO2, ainsi qu’une centrale solaire de 5 mégawatts qui se trouve dans la même enceinte. Nous avons signé une entente d’achat d’énergie pour 50 mégawatts d’énergie éolienne, et une centrale solaire supplémentaire de 58 mégawatts est en construction. Nous prévoyons de prendre une décision finale en matière d’investissement pour la première étape proposée de notre projet de séquestration du carbone, intitulé Polaris, plus tard cette année.

La durabilité signifie également la protection de l’environnement, qui fait partie intégrante de notre façon de faire des affaires depuis de nombreuses années. Les quatre domaines prioritaires sur lesquels nous nous concentrons sont la biodiversité, l’eau, l’économie circulaire, les déchets et la qualité de l’air.

J’aimerais maintenant parler des gens. Rien de tout cela n’est possible sans les gens. L’énergie est développée par et pour les gens, et nous ne pouvons pas perdre cela de vue pendant la transition énergétique, car l’énergie est liée et contribue d’une façon ou d’une autre à presque tous les aspects de la qualité de vie élevée dont jouissent les Canadiens aujourd’hui.

J’aimerais souligner les relations importantes que nous avons avec les collectivités autochtones et reconnaître que nous travaillons à améliorer ces relations. Tout récemment, nous avons signé une entente de bon voisinage avec les collectivités de la Première Nation Alexander et de la Nation crie Enoch qui se trouvent autour de notre site de Scotford. Cela nous permet de poursuivre nos progrès importants vers une collaboration plus étroite avec les collectivités autochtones qui se trouvent à proximité ou sur les sites que nous exploitons.

Je terminerai par le thème le plus important, que Mme Strom a également abordé, et qui revêt une grande importance pour moi qui suis fière d’être Canadienne, et il s’agit de la collaboration. Collaboration entre l’industrie, les gouvernements, les collectivités autochtones et la société en général, secteur par secteur. Il est essentiel d’établir des moyens rapides et réalistes d’atteindre les résultats environnementaux et économiques souhaités dans un environnement complexe et dynamique. Chacune de nos provinces a des fonds de dotation et des contributions uniques qui créent des possibilités pour le pays pendant la transition énergétique, et j’encourage le gouvernement à continuer de mettre l’accent sur l’élimination des obstacles afin d’accroître les bénéfices de la transition et de renforcer notre confédération.

Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Je serai heureuse de répondre à vos questions. Merci beaucoup.

La présidente : Merci. Monsieur Krausert, c’est à vous.

[Français]

Kevin Krausert, président-directeur général et co-fondateur, Avatar Innovations : Je vous remercie de l’invitation d’aujourd’hui. Je suis honoré et j’ai hâte de contribuer au dialogue du Sénat sur ce qui est, à mon avis, la plus grande occasion pour l’avenir du Canada, c’est-à-dire fournir de l’énergie abondante et abordable à une planète qui devra atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

[Traduction]

La transition énergétique constitue en effet le défi colossal et déterminant de notre génération qui nécessitera des investissements, de la technologie et de la collaboration à une échelle que notre espèce n’a probablement jamais connue auparavant. La question que les Canadiens doivent se poser est la suivante : quelle est la façon la plus simple, la moins coûteuse et la plus rapide d’y arriver?

Après examen des centaines de milliers d’années qui se sont écoulées depuis que notre espèce a inventé la première technologie énergétique — la découverte du feu —, nous pouvons tirer plusieurs leçons sur la façon dont le Canada peut gagner.

Le pétrole a remplacé le charbon comme source d’énergie dominante dans les années 1960, mais nous utilisons aujourd’hui trois fois plus de charbon que dans les années 1960, comme c’est le cas pour toutes les autres sources d’énergie. Aujourd’hui, nous utilisons plus de biomasse, d’énergie solaire, d’énergie éolienne, de pétrole, de gaz, d’hydroélectricité et d’énergie nucléaire qu’à tout autre moment de notre histoire, la seule exception est l’énergie tirée des baleines.

Nous avons chassé les baleines jusqu’à leur quasi-extinction pour transformer leur graisse en huile de baleine qui a servi de combustible pour l’éclairage pendant des siècles. Qu’est-ce qui l’a remplacée? L’invention du kérosène à partir du pétrole. Le kérosène n’a remplacé l’huile de baleine que pour deux raisons : il pouvait être utilisé dans les lampes à huile de baleine que tout le monde possédait, et il s’agissait d’une source d’énergie moins coûteuse et plus rentable.

Cet unique exemple de transition vers une autre source d’énergie en plusieurs centaines de milliers d’années peut nous apprendre deux choses, premièrement, jamais nous n’avons fait la transition vers une source d’énergie plus coûteuse ou moins rentable. Deuxièmement, à chaque fois le changement a été provoqué par le pouvoir de la technologie et de l’innovation. Nous devons maintenant le faire de nouveau.

Malgré le défi herculéen qui nous attend, la bonne nouvelle est que si nous définissons la transition énergétique comme une sortie des émissions, plutôt que comme une transition vers d’autres sources d’énergie, nous avons de bien meilleures chances d’atteindre nos objectifs de carboneutralité. Une transition vers la sortie des émissions est non seulement beaucoup plus réaliste et réalisable, mais elle est aussi beaucoup moins clivante et peut inclure toutes les régions et toutes les industries du Canada d’un océan à l’autre.

C’est le travail que nous faisons chez Avatar Innovations, c’est-à-dire investir dans de nouvelles technologies de transition énergétique, les développer et les commercialiser tout en bâtissant les chefs de file de demain qui seront capables de les fournir. Nous le faisons en travaillant au sein de l’industrie qui est capable d’adapter ces technologies, c’est-à-dire le secteur pétrolier et gazier.

Certains faits sont frappants et mettent en évidence l’importance qu’il y a à travailler au sein de l’industrie pétrolière et gazière pour assurer la transition énergétique. Depuis que nous avons constitué Avatar en société voici moins de deux ans et demi, il y a eu 3 500 demandes d’inscription; près de 1 000 participants à notre formation; 43 technologies révolutionnaires parrainées par l’industrie; un partenariat avec XPRIZE pour le prix de 100 millions de dollars attribué par la Elon Musk Foundation pour l’élimination du carbone, dont deux sont finalistes; nous avons créé le seul centre de transition énergétique au pays, et il se trouve au centre-ville de Calgary; nous avons lancé le premier fonds de capital de risque pour la transition énergétique de Calgary, Cenovus étant notre principal investisseur; et nous sommes maintenant présents dans cinq pays sur trois continents.

Le modèle Avatar, qui consiste à travailler au sein de l’industrie pétrolière et gazière pour mettre sur le marché de nouvelles technologies de réduction des émissions à un rythme record, est maintenant un modèle mondial pour la décarbonisation industrielle et l’habilitation des professionnels de l’énergie dans la transition vers la réduction des émissions.

Pourtant, ces réalisations dont nous sommes fiers et de nombreuses innovations canadiennes remarquables risquent maintenant d’être perdues à court terme au profit d’autres pays. L’engouement généré par l’Inflation Reduction Act aux États‑Unis a changé la donne de la transition énergétique. Non seulement le gouvernement des États-Unis a-t-il décidé d’inciter l’industrie pétrolière et gazière à décarboner au lieu de la pénaliser pour l’obliger à le faire, mais cela a créé le plus grand exode de technologies canadiennes de transition énergétique, d’entreprises en démarrage, de talents et de capitaux que j’ai vu au cours de mes 25 années de carrière.

Une politique intelligente et la collaboration entre l’industrie, le gouvernement et le milieu de l’innovation peuvent renverser cette tendance. Bien que le Canada ne puisse jamais égaler les sommes prévues par l’Inflation Reduction Act, aussi appelée l’IRA, nous pouvons gagner grâce à un programme d’innovation. Mettons l’accent sur nos forces, en fournissant des technologies énergétiques qui ont défini chaque transition énergétique depuis que notre espèce a découvert le feu, des technologies énergétiques qui offrent un coût moindre et un meilleur service. Le moment est venu. Notre pays a une occasion historique à saisir.

Il y a un nouvel avenir énergétique. Construisons-le. Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Français]

La présidente : Merci. Nous allons passer à la période de questions.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci à nos invités. Je vais poser ma question à Mme Strom de Suncor Énergie Inc. en français.

Dans votre présentation, vous avez indiqué, si j’ai bien compris, que vous pensiez qu’il vous faudrait davantage de subventions du gouvernement fédéral pour financer vos efforts en matière de capture de carbone. Vous vous appuyez sur le fait que des pays comme la Norvège et les États-Unis offrent des conditions plus généreuses.

Vous savez comme moi que ces subventions sont très controversées au Canada, qu’elles ne font pas consensus, et qu’elles ralentissent la réduction de la production de pétrole, parce que cela ne vous incite pas à produire moins de pétrole, mais seulement à obtenir davantage de subventions pour capturer le carbone.

Je veux entendre votre point de vue sur ce paradoxe et vous demander si, à long terme, cela serait une meilleure solution que de commencer peu à peu réduire la production de pétrole.

[Traduction]

Mme Strom : Je vous remercie de votre question. J’aimerais faire quelques commentaires. Une des choses que vous avez entendues de la part d’un de mes collègues — et si vous n’y voyez pas d’inconvénient, j’aimerais souligner que nous ne savions pas que nous allions comparaître ensemble, mais je me réjouis du fait que la collaboration dont nous avons parlé a lieu entre tous ces intervenants. Nous envoyons des employés participer au programme d’Avatar Innovations, nous parrainons le travail de cette entreprise et nous travaillons avec Shell sur différentes choses, y compris un centre de séquestration du carbone près d’Edmonton, où nous avons des raffineries.

En matière d’énergie et d’utilisation des combustibles fossiles, je pense que nous reconnaissons qu’il est impératif de réduire nos émissions. Nous devons contribuer à relever le défi de la carboneutralité d’ici 2050 : nous savons que c’est un impératif. Mais nous savons aussi que l’énergie que nous produisons est nécessaire, non seulement pour la combustion, mais aussi pour d’autres utilisations. Nous estimons que l’énergie et le pétrole que nous fournissons ont un rôle à jouer dans la mesure où nous pouvons contribuer à réduire les émissions de nos activités d’exploitation, ainsi que tout au long de la chaîne de valeur.

Au sujet du captage du carbone, je voulais dire que, selon des scénarios comme celui fourni par l’Agence internationale de l’énergie, pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, il nous faut 776 gigatonnes de captage du carbone. À l’heure actuelle, dans le monde, 244 mégatonnes de carbone sont captées chaque année, ce qui représente environ 200 projets.

Vous pouvez voir qu’il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine, et c’est pourquoi nous pensons que c’est une partie importante de ce que nous devons faire au Canada. Nous évoluons dans une industrie mondiale où nous devons être concurrentiels.

Je vois cela comme un co-investissement. Ce ne sont pas les gouvernements qui paient pour le captage du carbone. Il s’agit de co-investir afin que nous puissions continuer à contribuer à l’économie et à trouver des solutions en matière d’énergie et de climat, et que nous puissions non seulement fournir de l’énergie, mais aussi contribuer à l’atteinte des objectifs climatiques du Canada. Je vous remercie de votre question.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous dites vouloir atteindre le net zéro pour vos opérations, mais celles-ci ne représentent que 15 à 20 % des émissions totales des énergies fossiles. La grande majorité vient de la combustion, ce qu’on appelle dans le jargon le « Scope 3 ».

Les nouvelles normes internationales de réduction de gaz à effet de serre exigent que l’on calcule aussi les émissions de Scope 3. Est-il correct de dire que Suncor Énergie Inc. ne s’engage qu’à réduire ses émissions de Scope 1 et Scope 2, c’est‑à-dire seulement 15 à 20 % de ses émissions totales?

[Traduction]

Mme Strom : Je veux être claire. Les objectifs qu’a établis le groupe de collaboration dans l’industrie par l’entremise d’Alliance nouvelles voies sont les émissions de portée 1 et de portée 2, mais nous travaillons également à réduire les émissions tout au long de la chaîne de valeur, bien sûr, en fournissant par exemple des bornes de recharge électrique. Par ailleurs nous sommes un grand producteur d’électricité en Alberta. Je crois que nous sommes actuellement le quatrième producteur d’électricité en importance de la province. La mise en service de notre centrale de cogénération fin 2024 ou au début 2025, ajoutera 800 mégawatts d’énergie à faible intensité en carbone.

Tandis que nous sortons du charbon en Alberta, ce que nous avons fait plus rapidement que prévu, nous pouvons fournir de l’électricité de base à mesure que nous produisons plus d’énergie renouvelable. C’est une autre façon pour nous de contribuer à réduire les émissions au-delà des portées 1 et 2. Nous cherchons d’autres façons de le faire.

La demande d’essence, par exemple, évoluera d’ici 2050. Nous continuerons de travailler avec les fournisseurs et d’autres intervenants pour réduire les émissions tout au long de la chaîne de valeur.

La sénatrice Sorensen : Je tiens à vous remercier tous de votre participation aujourd’hui. Je suis Albertaine et j’ai écouté avec fierté toutes vos observations préliminaires. Je suis très fière d’entendre parler de toutes les initiatives qui émanent de l’Alberta.

Nous entendons constamment parler des défis liés aux émissions, et je tiens également à vous remercier de l’engagement axé sur les solutions que propose l’industrie et dont elle parle, en mettant l’accent sur les solutions.

Je vais essayer de vous poser deux questions à chacun, mais nous avons peu de temps. Merci de me donner le plus d’information possible, mais j’aimerais m’adresser à tout le monde.

Que répondez-vous aux accusations selon lesquelles l’Alliance nouvelles voies et l’industrie en général verdissent leurs données? J’aimerais revenir sur ce que Mme Strom vient de dire. Les sociétés pétrolières et gazières effectuent la transition dans le cadre de leurs propres activités, pouvez-vous nous en dire plus sur d’autres secteurs que vous soutenez financièrement ou d’autres façons dont vous appuyez les solutions climatiques.

J’avais en tête le commentaire de la représentante de Suncor au sujet du premier réseau pancanadien de recharge rapide pour véhicules électriques qu’a créé cette société. Je vais commencer par Mme Pierce, puis Mme Strom. Monsieur Krausert, je vous demanderais de répondre à ces deux questions en vous appuyant uniquement sur votre expertise dans l’industrie, si possible.

Mme Pierce : Sénatrice, pourriez-vous me rappeler la première partie de votre question? Je me souviens de la deuxième en ce qui concerne la collaboration entre les secteurs.

La sénatrice Sorensen : Que répondez-vous aux accusations selon lesquelles l’industrie et l’Alliance nouvelles voies font de l’écoblanchiment?

Mme Pierce : À mon avis, l’industrie doit être de plus en plus transparente au sujet de ses plans. Shell, par exemple, présente chaque année sa stratégie Powering Progress aux actionnaires. La question est mise aux voix, et vous pourrez constater qu’à chaque assemblée générale annuelle, nous votons sur notre stratégie. Nous essayons d’être aussi transparents que possible.

En ce qui concerne les opérations au Canada, cela en fait partie. Lorsque nous réfléchissons au potentiel de séquestration du carbone, nous cherchons à déterminer la quantité d’émissions que nous pouvons capter. Nous essayons d’être très clairs sur les possibilités que peuvent offrir chacune des technologies de décarbonisation que nous pourrions utiliser.

Nous sommes transparents en ce qui concerne nos plans, qui sont ensuite mis aux voix. En fait, nous essayons de dire aux actionnaires et au public : « Voici nos plans, et nous nous sommes engagés à atteindre la carboneutralité. Vous pouvez suivre notre progression. » Nous le disons publiquement.

Quant à savoir si nous promettons plus que ce que nous pouvons faire, je pense que nous établissons un plan d’avenir ambitieux.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question au sujet de la façon dont nous faisons en sorte de nous occuper des autres secteurs, cela repose vraiment sur notre relation avec les clients. Par exemple, comme la sénatrice précédente l’a mentionné, comment pouvons-nous nous assurer que nos clients, qui représentent une grande partie des émissions auxquelles nous devons nous attaquer, réduisent également les émissions de portée 3? Cela exige une approche écosystémique de collaboration très intensive. Par exemple — j’utilise souvent cet exemple —, si vous vous rendez à l’aéroport de Vancouver et que vous empruntez la rue Granville, vous verrez à droite une station-service Shell. Nous avons une pompe à hydrogène là-bas depuis quelques années. Cette pompe à hydrogène est censée servir les clients qui arrivent avec leurs voitures à hydrogène. Le problème, c’est que peu de gens ont des voitures à hydrogène. Par conséquent, même si nous parvenons à produire de l’énergie à faible teneur en carbone, à moins que les clients n’aient investi dans la transition et modifient leur propre utilisation d’inventions ou de combustibles, nous vendrons des choses que les gens n’achètent pas. Ce n’est pas un bon choix pour une entreprise, surtout quand on prend l’argent des gens et qu’on leur dit qu’on va l’investir de façon judicieuse.

En ce qui concerne la première partie de votre question sur l’écoblanchiment, nous devons être transparents, nous devons rendre des comptes et nous devons avoir la capacité d’établir une stratégie pour le faire chaque année. Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question sur la façon dont nous travaillons avec les clients, nous devons concevoir des solutions. Nous devons être conscients — c’est très important — qu’ils doivent aussi investir dans la transition. Cela nous ramène à l’approche holistique que les gouvernements peuvent adopter en cernant les points de convergence et en se demandant comment ils peuvent travailler avec chaque secteur ou chaque partie de cet écosystème afin de pouvoir doubler les réductions d’émissions de carbone le plus rapidement possible, de façon abordable et fiable.

Mme Strom : Je vous remercie de me donner l’occasion de répondre à ces questions. La première portait sur les accusations d’écoblanchiment. Je suis tout à fait d’accord avec ma collègue, Mme Pierce, pour dire que nous commençons par la transparence. Nous devons parler de ce que nous faisons. Nous sommes également très engagés à cet égard. Nous sommes sur le point de publier notre rapport annuel sur le climat ainsi que notre rapport sur la durabilité, qui contient des descriptions détaillées non seulement des émissions actuelles auxquelles nous contribuons ou des émissions liées à nos activités, mais aussi des mesures que nous prenons pour y remédier.

S’agissant de notre entreprise, que faisons-nous, nous qui sommes les dirigeants de grandes entreprises au Canada? Une grande partie de notre travail consiste à établir une stratégie et à affecter des ressources en capital et en personnel. Je vais vous donner un exemple issu de l’Alliance nouvelles voies et de ce à quoi cela commence à ressembler. Tous les vendredis matin, les PDG des six compagnies responsables de 95 % de la production des sables bitumineux se rencontrent. Je viens tout juste de m’y joindre. Je participe directement à l’Alliance nouvelles voies depuis près d’un an. Je pense que les PDG n’ont manqué qu’un ou deux vendredis. Ils consacrent du temps, de l’attention et des ressources à ces réunions et à cette stratégie. Ils se demandent s’ils font des progrès et s’ils rendent des comptes à ceux qui travaillent. Dans chacune de nos organisations, il y a des gens qui y travaillent. Voilà pour l’affectation des ressources humaines.

Je vais maintenant parler de l’affectation des capitaux. Vous nous avez peut-être entendu parler de l’objectif des six entreprises de réduire nos émissions de 22 mégatonnes d’ici 2030. Pour ce faire, nous devons affecter des capitaux immédiatement. Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, une partie de ce travail consiste à passer de la combustion du coke de pétrole à la cogénération. C’est un projet de 1,4 milliard de dollars. En 2022, Suncor a consacré environ 550 millions de dollars à la transition énergétique ou à des technologies à plus faible émission de carbone qui nous aideront à réduire nos émissions.

Pour vous donner quelques autres exemples, sénatrice Sorensen, nous avons investi dans une entreprise appelée LanzaTech, qui a créé une entreprise appelée LanzaJet. Elle possède une usine commerciale de biocarburants en Géorgie qui produit du diesel renouvelable et du carburant aviation durable. Ce n’est pas grand-chose, mais nous faisons des progrès dans la réduction des coûts de production du carburant d’aviation durable, par exemple, qui est un élément important de ces solutions.

Nous avons également investi dans une entreprise appelée...

La sénatrice Sorensen : Je pense que le temps est écoulé, madame Strom.

La présidente : Oui. Voulez-vous faire un bref commentaire, monsieur Krausert?

M. Krausert : Je vais essayer d’être bref, mais Mme Pierce et Mme Strom ont soulevé d’excellents points.

En ce qui concerne l’accusation de blanchiment écologique, j’ai le privilège de travailler non seulement avec les PDG les plus chevronnés de l’industrie, mais aussi avec près d’un millier de professionnels émergents qui travaillent dans ce secteur. Il n’y a pas une seule réunion où l’on ne parle pas de la façon dont notre industrie réduit ses émissions. Le défi se situe au niveau de l’économie et de la demande. Pour répondre à la question de la sénatrice précédente, qu’est-ce qui réduira la production? La demande.

Je peux créer un scénario dans lequel nous avons une électrification rapide et une adoption rapide de l’hydrogène, et nous projetons un scénario de 20 ou 30 millions de barils par jour d’ici 2050. Je peux aussi imaginer un scénario tout aussi convaincant où la demande de pétrole atteindra 113 millions de barils d’ici 2050. Nous avons construit les sables bitumineux en partant de l’hypothèse que le seuil de rentabilité serait de 60 $ ou 70 $, et après plus d’une décennie d’innovations, nous avons fait passer ce seuil sous les 10 $ dans certaines des meilleures installations comme celle de Cenovus à Christina Lake. Ce baril fait concurrence aux Saoudiens. Si nous pouvons faire la même chose avec le carbone, la mauvaise question que le Canada doit se poser est de savoir si le scénario pour 2050 est de 30 millions de barils par jour ou de 113 millions de barils par jour. La bonne question est de savoir comment nous pouvons gagner dans les deux cas. La bonne question est de savoir si nous pouvons maîtriser les émissions de carbone avec ces réductions de coûts phénoménales.

L’autre point, c’est que nous exportons 80 % de notre pétrole aux États-Unis. Donc, 80 % des émissions dont vous parlez sont en fait des émissions américaines, n’est-ce pas? Cela ne relève pas de notre crédit d’émissions. Quel marché devrions-nous ensemencer? Comment pouvons-nous réussir dans une économie novatrice? Quant à savoir si nous pouvons en faire plus, la réponse est oui. Nous pouvons en faire plus et nous allons le faire très rapidement, mais c’est l’aspect économique, la demande, qui est vraiment la question fondamentale.

Pour ce qui est de la collaboration entre les secteurs, il faut envisager une approche axée sur le système énergétique. Récemment, nous avons eu le plaisir d’annoncer que nous avons fait venir Hitachi à Avatar Innovations pour travailler aux côtés des professionnels de l’énergie et développer ses technologies de transition énergétique par l’entremise d’Avatar Innovations. Hitachi a investi le même montant que Suncor et TC Energy ont versé à Avatar Innovations. Étant donné qu’il s’agit d’une entreprise non productrice d’énergie basée au Japon, cela témoigne du succès que nous remportons dans le cadre de ces initiatives de décarbonisation. De même, nous avons un partenariat avec les fonds de capital-risque de Boeing et AE Industrial Partners HorizonX. Nous travaillons sur les carburants d’aviation durables.

C’est une approche axée sur le système énergétique qui doit nous permettre d’y arriver, et tout le monde doit mettre la main à la pâte. Je pense que l’une des réalisations dont l’industrie pétrolière et gazière est la plus fière, c’est notre capacité d’examiner la situation d’un point de vue systémique par opposition à une simple approche axée sur la production.

La présidente : Je vais demander aux témoins d’être plus concis dans leurs réponses, s’il vous plaît.

Le sénateur Arnot : Je vais simplement préciser que je suis un sénateur de la Saskatchewan et qu’étant Saskatchewanais, j’écoute cette discussion avec beaucoup d’inquiétude. J’espère que vous pourrez apaiser mes craintes. Voici mon point de vue, nous savons tous que le secteur pétrolier et gazier contribue beaucoup au PIB du Canada et à l’emploi des Canadiens, mais plus particulièrement dans l’Ouest canadien — en Saskatchewan et en Alberta —, où il y contribue énormément.

Je m’adresse à tous les témoins. Vous avez parlé du captage du carbone. Vous avez parlé des incitatifs qui ont fait partie de votre investissement dans le captage du carbone, je crois. Vous avez parlé de collaboration, de co-investissement et de coopération avec les gouvernements au niveau fédéral et provincial pour travailler directement à régler ces problèmes. Nous avons l’Inflation Reduction Act aux États-Unis. Cela a un effet énorme dans notre pays, évidemment. Nous ne pouvons pas soutenir la concurrence à ce niveau.

Vos sociétés et vos entités parlent-elles au gouvernement canadien des incitatifs futurs auxquels vous songez? Abordez‑vous sérieusement ces questions avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux? Quelles sont les principales caractéristiques de ces discussions tandis que vous allez de l’avant avec un plan qui doit être intégré maintenant pour les 10, 20, 30 et 50 prochaines années? J’aimerais savoir où cela va nous mener.

M. Krausert : Je vais commencer par vous répondre sur l’innovation. J’aimerais vous expliquer comment le Canada peut tirer parti de l’Inflation Reduction Act. Du jour au lendemain, lorsque cette loi a été adoptée, aux États-Unis des dizaines de projets de plusieurs milliards de dollars — des projets de transition énergétique — ont abouti à une décision finale en matière d’investissement. La conséquence dans mon domaine a été un mouvement d’entreprises en démarrage et de talents qui ont déménagé aux États-Unis, dont deux au cours du dernier mois et dont je peux vous parler : une initiative sur l’énergie thermique résiduelle et une entreprise en démarrage qui travaille sur les émissions de méthane. Nous créons cet exode vers les États-Unis à cause de l’Inflation Reduction Act.

Mais il y a un point faible grâce auquel je pense que le Canada peut gagner. L’hypothèse de l’Inflation Reduction Act est que tout ce que nous avons à faire pour la transition énergétique, c’est de l’exécuter, alors investissons beaucoup d’argent et de financement du gouvernement pour réaliser ces projets inédits, en supposant que la courbe des coûts de la technologie baissera et que nous n’aurons plus besoin de ces énormes sommes d’argent du gouvernement à l’avenir. Et si ce n’était pas le cas?

Regardez la baisse du coût de la technologie solaire. Une grande partie de cette baisse est attribuable à la réduction des taux d’intérêt. Ce n’est pas une innovation technologique reproductible. Je vous promets que les technologies de captage du carbone de deuxième et de troisième générations, l’hydrogène, les énergies renouvelable futures, etc., seront plus efficaces. Le Canada peut redoubler d’efforts dans le domaine de l’innovation pour réussir.

Le problème, c’est que le Canada n’a pas un excellent bilan en matière d’innovation, mais que l’industrie pétrolière et gazière a un assez bon bilan dans ce domaine. Comment notre pays peut-il conduire l’industrie à débloquer des flux de trésorerie record pour investir dans ces innovations et ensuite les exporter aux États-Unis, ainsi que sur d’autres marchés?

C’est ainsi que je vois l’Inflation Reduction Act. Pour ce qui est des détails du captage du carbone, Mme Strom et Mme Pierce sont mieux placées que moi pour en parler. Il faut avoir à l’esprit que le crédit d’impôt à l’investissement de 50 % ne couvre pas les coûts d’exploitation, qui constituent une grande partie du captage du carbone. Donc, au mieux, nous prenons en charge 20 % du coût total d’une installation de captage du carbone, alors que les États-Unis le font jusqu’à 75 %. Je vous laisse imaginer les conséquences sur les chiffres. Je vais laisser Mme Strom et Mme Pierce répondre. Mais il y a une course à innovation dans laquelle nous pouvons gagner.

Mme Strom : Je vais vous dire ce que nous demandons. Nous demandons au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux d’investir conjointement à hauteur d’environ les deux tiers des coûts d’immobilisations et de fonctionnement. Nous envisageons de le faire de toute urgence. Pour atteindre notre objectif de 22 mégatonnes d’ici 2030, nous devons continuer à progresser rapidement.

Il y a trois choses sur lesquelles nous travaillons avec les gouvernements et, en effet, nous avons des discussions intenses. Il y a d’abord le cadre financier. Deuxièmement, nous avons besoin d’une voie réglementaire pour y arriver. Troisièmement, nous devons travailler ensemble afin d’avoir la main-d’œuvre nécessaire pour réaliser ces importants projets qui contribuent à la durabilité de notre industrie énergétique.

Mme Pierce : Merci, sénateur.

Comme je l’ai dit, je suis née à Regina et je continue de penser que je viens de la Saskatchewan, même si je passe beaucoup de temps à Calgary et à Vancouver.

On a déjà beaucoup parlé du cadre financier et du cadre réglementaire. Vous avez également entendu nos déclarations préliminaires dans leur ensemble. J’ai travaillé sur le projet de LNG Canada. Nous avons franchi la ligne d’arrivée à temps du point de vue des [difficultés techniques]. Il sera opérationnel dans quelques années. Nous l’avons fait parce que nous étions accompagnés par des intervenants pangouvernementaux. Cela signifie que nous devons gérer activement les projets. Que faudra-t-il pour en arriver à une décision finale en matière d’investissement? Comment continuez-vous à exécuter les tâches? Nous n’avons pas encore de cadre entre nos gouvernements au niveau fédéral et provincial et d’autres intervenants. S’il y a un élément sur lequel nous devons nous concentrer, c’est bien celui de la gestion active. Notre industrie se montrera ouverte et coopérative, mais si nous voulons mener ces projets à bien, si nous voulons faire concurrence aux États‑Unis, nous devons nous concentrer sur l’ensemble des intervenants, en particulier les gouvernements au niveau fédéral et provincial, ainsi que les collectivités autochtones avec lesquelles nous travaillons.

[Français]

La sénatrice Verner : Merci d’être ici ce matin.

J’avais deux questions pour vous, je vais commencer par celle dont on vient tout juste de discuter, c’est-à-dire la compréhension que l’ensemble des Canadiens peut avoir sur ce qu’on appelle les subventions à l’industrie pétrolière.

Selon ce que vous et un autre témoin avez expliqué, on fait ici une distinction entre les subventions pour les opérations de l’industrie et celles qui visent la décarbonisation, notamment de l’industrie pétrolière, mais aussi pour d’autres industries dans le secteur de l’acier ou du ciment — tout cela dans un contexte où l’industrie doit rivaliser avec d’autres pays à l’international.

De façon très succincte, je crois que c’est ce sur quoi vous avez apporté des nuances ce matin. Je voulais simplement confirmer pour les Canadiens qui entendent le terme « subventions à l’industrie pétrolière », je crois qu’il y a une éducation à faire et des nuances à apporter pour votre industrie. Est-ce exact?

[Traduction]

M. Krausert : Oui, je peux répondre à cette question en premier.

C’est une question bienvenue, car je pense qu’il y a beaucoup de confusion à ce sujet. Prenez n’importe quel grand projet énergétique dans le monde, il a nécessité de fortes subventions gouvernementales. Rappelez-vous la notion dont je parlais — à savoir que nous n’avons jamais fait la transition vers une source d’énergie moins performante et plus coûteuse —, si vous intégrez le carbone dans l’équation, quelqu’un doit payer. À mon avis, il n’y a que trois sources d’argent, et ce sont généralement les investisseurs, les contribuables ou les consommateurs. D’une façon ou d’une autre, cette efficience doit disparaître. Le problème, c’est qu’en l’absence d’un mécanisme d’incitation et en confiant entièrement la responsabilité à l’investisseur, il y a d’autres pays où l’argent de l’énergie peut être investi. Si nous voulons que ces projets soient rentables au Canada, nous devons nous inspirer de la façon dont les Américains les ont envisagés et créer un incitatif économique pour que les actionnaires soient prêts à investir un dollar parce qu’ils pensent pouvoir gagner plus qu’un dollar et gagner le plus possible dans ce pays.

À l’heure actuelle, ce n’est pas le cas au Canada. Si vous vouliez investir un dollar dans le captage du carbone, un dollar d’investissement dans le climat, allez-vous l’investir aux États‑Unis, où vous gagneriez 1,20 $ ou au Canada, où vous gagneriez 90 cents? C’est le contexte auquel je pense, mais je vais céder la parole à Mme Strom et Mme Pierce.

Mme Strom : Je vais rapidement confirmer que je suis d’accord avec votre résumé.

Nous envisageons des mesures incitatives et des investissements conjoints pour réaliser des progrès en matière de décarbonisation. Je conviens que c’est différent, et je conviens qu’il faut que ce soit différent, pas seulement pour les sables bitumineux, ou pour le pétrole classique et pas seulement pour le GNL, mais aussi pour les industries et nous pensons pouvoir contribuer de façon très considérable à l’atteinte des objectifs du Canada si nous co-investissons ainsi. Cela se produira en partie sans incitatifs. Nous construisons une centrale de cogénération. Nous allons réaliser des projets d’efficacité énergétique. Mais pour accélérer les progrès et atteindre nos objectifs ambitieux, nous avons besoin de cet investissement conjoint des gouvernements et de l’industrie. Je vous remercie de la question.

Mme Pierce : Sénatrice, mes collègues ont dit beaucoup de choses. En effet, si nous voulons accélérer la transition secteur par secteur, nous devons examiner les contraintes qui empêchent d’attirer des capitaux privés pour faire cet investissement. En qualité de propriétaire d’une maison, j’ai présenté une demande de Subvention canadienne pour les maisons plus vertes afin de pouvoir accélérer le recours aux thermopompes. Je ne le ferais pas à moins d’avoir accès à ce capital, car ce ne serait pas rentable pour un propriétaire. La façon dont nous travaillons avec les particuliers, et la façon dont nous travaillons secteur par secteur, peuvent nous aider à accélérer ces investissements là où ils ne seraient pas rentables autrement, dans le délai dont nous avons besoin pour respecter nos obligations en matière de changements climatiques.

[Français]

La sénatrice Verner : J’ai une question qui relève de l’étude que nous menons actuellement. Il s’agit d’une étude sur l’industrie canadienne du pétrole et du gaz dans le contexte des changements climatiques. Un des objectifs est notamment la transition mise en place par l’industrie à l’égard de ses employés, compte tenu des changements qui surviennent.

En ce sens, je voudrais entendre vos commentaires sur le fait qu’en février et en avril derniers, le ministre du Travail a indiqué qu’il fallait davantage de travailleurs dans l’industrie. Il a évalué les besoins à environ 14 000 travailleurs de plus, soit environ 13 % du nombre de travailleurs actuels pour atteindre nos objectifs.

Dans ce contexte, selon les projections du ministre du Travail, diriez-vous qu’il s’agit d’une augmentation en raison de la demande qui est projetée? Est-ce en raison de la mise en place de nouvelles technologies propres? S’agit-il d’autres facteurs qui n’ont pas été mentionnés?

[Traduction]

Mme Strom : Merci. Si je comprends bien la question, je suis tout à fait d’accord avec le ministre en ce sens que nous aurons besoin de dizaines de milliers de nouveaux travailleurs pour appuyer les projets que nous sommes en train de construire. Ce n’est pas seulement à court terme. Prenez le projet dont il est question dans le cadre de l’Alliance nouvelles voies, il ne s’agit pas seulement d’un centre et d’un pipeline, mais aussi des installations de captage de chacun de nos projets. Il faut non seulement un investissement important de capitaux, mais aussi un investissement important dans la main-d’œuvre qualifiée et la disponibilité de cette main-d’œuvre.

Une partie proviendra-t-elle de notre bassin de main-d’œuvre actuel? Bien sûr. Nous espérons continuer d’accroître la main‑d’œuvre autochtone et la participation des femmes, mais il y aura un besoin important à cet égard, et nous devons travailler ensemble à la formation et nous concentrer sur la main-d’œuvre qui sera disponible pour répondre à ce besoin au cours des prochaines années. Nous avons peu de temps.

Le sénateur Wells : Je remercie les témoins de leurs exposés et de leurs réponses.

J’ai une question pour Mme Strom. Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador, alors je connais l’importance de l’industrie pétrolière et gazière, ou de l’industrie pétrolière à Terre-Neuve. Soit dit en passant, les Terre-Neuviens étaient heureux de voir la remise en service de l’installation Terra Nova après sa réhabilitation. Je suis allé à Terra Nova, et c’est une excellente installation.

Étant donné que le coût de production du pétrole est beaucoup moins élevé dans les installations extracôtières de Terre-Neuve qu’il ne l’est dans les Prairies, en Alberta et en Saskatchewan — à Terre-Neuve, il est de 15 $ le baril, environ, contre 60 à 70 $ le baril en Alberta et en Saskatchewan. Au Moyen-Orient, par comparaison, c’est 10 $ le baril. Y aurait-il un mouvement en faveur de l’exploitation extracôtière, qui est mieux acceptée, en tout cas au Canada, que ne le sont les sables bitumineux?

Mme Strom : Je vous remercie de la question, sénateur. Nous considérons que nos productions extracôtières jouent un rôle important dans notre portefeuille global et, comme vous l’avez souligné, il y a toutes sortes d’avantages à participer à l’exploitation pétrolière extracôtière. Mais je tiens à souligner que l’un des principaux avantages que nous avons dans le secteur des sables bitumineux — même si, comme vous l’avez souligné, les coûts d’exploitation sont plus élevés —, c’est que nous sommes plus proches d’une usine de fabrication dans le secteur des sables bitumineux que dans d’autres secteurs. Nous n’avons pas à faire de prospection. Nous n’avons pas à forer de nouveaux puits pour trouver du pétrole. Nous savons où il se trouve. Nous construisons l’installation et nous pouvons continuer à produire.

Nous voyons cela davantage comme une industrie manufacturière, alors que le pétrole et le gaz classiques se comparent, je dirais, aux installations extracôtières, mais nous considérons qu’il s’agit d’un élément important de notre portefeuille à long terme. Je vous remercie de vos commentaires sur Terra Nova.

Le sénateur Wells : L’autre facteur qui entre en ligne de compte, ce sont les émissions importantes de vos activités dans l’Ouest par rapport aux émissions pratiquement nulles des activités extracôtières. Il y a du torchage, mais c’est pour des raisons de sécurité.

Suncor a joué un rôle de chef de file dans la transition verte il y a quelques années, et nous considérons cette entreprise comme un chef de file de l’industrie pétrolière et gazière en raison de cette importance accrue. Depuis quelques années, elle semble reculer. Avec la nouvelle direction de Suncor, met-on de nouveau l’accent sur l’environnement et, à votre avis, a-t-on changé quoi que ce soit?

Mme Strom : Merci beaucoup d’avoir posé cette question. Tout d’abord, je tiens à dire que si j’ai passé 20 années extraordinaires chez Suncor — et j’adore encore me lever le matin et apporter ma contribution —, c’est notamment en raison de nos valeurs, de notre contribution et de notre engagement à l’égard de la durabilité. Vous imaginez bien qu’avec l’arrivée d’un nouveau patron, cela me tenait à cœur. Je suis convaincue que Rich Kruger, notre nouveau PDG, est tout aussi déterminé que nos dirigeants précédents à participer à l’élaboration de solutions au Canada, à s’inscrire dans la durabilité à long terme et à contribuer aux objectifs climatiques de notre pays.

Nous voulons également nous assurer que nos activités de base sont solides, mais nous continuerons d’apporter notre contribution et nous espérons être un chef de file à cet égard pendant de nombreuses années, sous la direction de Rich Kruger. Merci d’avoir posé la question.

Le sénateur Wells : Merci.

J’ai aussi une question pour Mme Pierce. Vous avez indiqué que les formes traditionnelles d’énergie continueront d’être nécessaires pour les années à venir. Je comprends ce sentiment. Quelles sont les projections de Shell ou de l’industrie, à votre connaissance, sur le moment où cette courbe commencera à baisser?

Mme Pierce : Je vous remercie, sénateur, de votre question. Cela dépend des divers scénarios que vous examinez et, je le répète, de la rapidité avec laquelle seront mises en œuvre les mesures prises par le gouvernement, les clients et les autres intervenants pour ce qui est de faire les investissements et de prendre les engagements nécessaires pour se tourner vers l’énergie sobre en carbone, et c’est vraiment ce qui déterminera la vitesse à laquelle nous pouvons avancer.

Vous avez souvent entendu parler des scénarios de l’AIE. Vous avez entendu parler du scénario 1,5, qui indique ce que nous devons faire pour parvenir aux objectifs de l’Accord de Paris qui vise à éviter toute augmentation de la température mondiale de plus de 1,5 degré Celsius. Le défi sera de savoir avec quelle rapidité les clients s’engageront à acheter cette énergie à faibles émissions de carbone. La rapidité avec laquelle nous assisterons à une transition — comme on l’a déjà dit aujourd’hui — dépend vraiment de la rapidité avec laquelle nous, les producteurs, pourrons prendre les décisions d’investissement nécessaires pour produire de l’énergie à faibles émissions de carbone en étant soutenus par l’engagement des clients à acheter cette énergie. Tant que nous agissons de concert — avec la demande des clients qui répond à la production —, nous agirons plus rapidement.

Comme nous en avons discuté plus tôt, il s’agit de voir les aspects économiques de cette décision pour moi, personnellement, en tant que consommatrice. C’est là que la politique gouvernementale entre en jeu. Les politiques varient d’un pays à l’autre. Par exemple, au Canada, nous avons une politique de réglementation — le Règlement sur les combustibles propres — qui nous incite à envisager la décarbonisation de la source de combustible afin que nous puissions ensuite fournir le produit aux consommateurs. Dans d’autres pays, les politiques climatiques ne sont pas aussi énergiques. La transition pourrait y être plus longue.

Il a été question des États-Unis. Ils ont l’Inflation Reduction Act, qui prévoit beaucoup de mesures incitatives pour la production et la consommation. Cela pourrait accélérer la transition.

Tout cela pour dire que la rapidité dépendra de la politique prévue par le gouvernement pour sa propre administration et des décisions des clients, qui doivent voir si tel choix est économiquement justifiable, par rapport aux solutions de rechange, et si le produit est fiable. Vais-je opter pour un produit sans savoir si je pourrai compter dessus au moment où j’en aurai le plus besoin? Et les producteurs doivent se demander s’ils sont convaincus que les consommateurs achèteront leurs produits. Il faut voir si le produit à faible teneur en carbone est abordable et fiable.

Je n’irais sans doute pas plus loin. Les divers scénarios donnent des résultats différents. Le secteur pétrolier et gazier a encore un rôle à jouer à l’avenir. Selon les scénarios, nous verrons un déclin plus ou moins rapide. Même aux termes de l’Accord de Paris, les combustibles fossiles et les combustibles à faible teneur en carbone ont encore un rôle à jouer.

Le sénateur Wells : Avez-vous une idée du moment où la courbe va descendre?

Mme Pierce : Nous constatons, par exemple, que le gaz naturel et le pétrole seront en déclin dans les années 2030 ou 2040, selon le scénario envisagé.

Le sénateur Wells : Ma dernière question s’adresse à vous, madame Pierce. Vous avez parlé de l’importance des règles des différentes administrations. Au Canada, nous avons des règles très strictes qui imposent des exigences aux producteurs. Ailleurs dans le monde, il y a des règles moins strictes, notamment en matière d’environnement, de droit du travail et de droits de la personne. Compte tenu du fait que le secteur pétrolier cherche le profit et est régi par les lois du marché, dans quelle mesure est-il important pour Shell de bien évaluer le choix entre avoir des restrictions plus coûteuses qui rendent les affaires plus difficiles ou opter pour des pays qui sont moins restrictifs, mais qui ne sont peut-être pas aussi respectueux de l’environnement?

Mme Pierce : Au bout du compte, nous prenons des décisions d’investissement en tenant compte de leurs aspects économiques. Mais nous sommes également très clairs — et cela fait partie de notre stratégie Powering Lives — au sujet des avantages réels de nos investissements pour les collectivités. Le Canada est un très bon exemple.

Nous avons décidé d’investir au Canada parce que nous y voyions une occasion de produire du gaz naturel abordable et concurrentiel. Il s’agit de LNG Canada. Mais nous avons aussi investi dans les communautés et dans nos relations avec les groupes autochtones. Nous n’aurions peut-être pas eu à faire ces investissements dans d’autres pays, mais nous croyions que c’était la bonne chose à faire pour le Canada.

C’est une source de fierté pour notre entreprise. Les facteurs économiques sont vraiment importants, mais les relations avec les collectivités le sont aussi, en particulier la façon de partager cette valeur avec d’autres éléments de la collectivité, y compris les groupes autochtones. L’économie est importante, tout comme notre empreinte et les relations que nous avons avec chaque collectivité.

La présidente : Avant de continuer, j’ai une question à poser aux témoins : la séance devait durer jusqu’à 10 heures, mais nous avons encore des questions à poser. Pourriez-vous rester avec nous encore 15 minutes pour que tous les sénateurs puissent les poser? Fantastique.

La sénatrice Batters : Merci beaucoup. Tout d’abord, je tiens à souligner que Mme Pierce vient de Regina, d’où je viens également. J’aurai quelque chose à vous dire plus tard. Nous compatissons, j’en suis sûr, vu notre attachement aux Roughriders, dont la première partie à domicile aura lieu demain soir.

Je m’adresse d’abord à M. Krausert. Je crois comprendre que votre entreprise, Avatar Innovations, travaille avec les sociétés pétrolières et gazières pour trouver des solutions, mais aussi pour faciliter la collaboration avec le milieu universitaire afin de créer des occasions d’affaires.

Pourriez-vous nous donner un ou deux exemples de cette collaboration? À quoi ressemble-t-elle? Quelles occasions d’affaires a-t-elle permis de débloquer?

M. Krausert : Fantastique. Il y a également un lien avec la question de la sénatrice Verner concernant le perfectionnement des travailleurs du secteur de l’énergie pour la transition.

Avatar repose sur trois piliers.

Il y a d’abord un programme de développement des technologies d’entrepreneuriat axé sur la transition énergétique. Nous venons de former 275 employés de Shell et de Suncor, ainsi que de 42 autres sociétés énergétiques au Canada. Les meilleures de ces technologies sont le fruit de nos partenariats avec l’Université de Calgary et le Southern Alberta Institute of Technology, ou SAIT, une école polytechnique de l’Alberta. Nous faisons du prototypage, de la mise à l’essai et du développement aux premières étapes. Le troisième élément est un fonds de capital de risque pour mettre ces technologies sur le marché.

Comme ces innovations sont issues de l’industrie, leur adoption a été plus rapide que tout ce que j’ai vu auparavant. En moins de 12 mois, une technologie de télédétection du méthane est passée du concept à un projet pilote commercial avec un important exploitant du secteur intermédiaire. C’est non seulement extrêmement rapide du point de vue du développement technologique, mais c’est tout aussi rapide du point de vue de l’industrie.

L’équipe responsable est un consortium formé d’un postdoctorant vraiment intelligent de l’Université de Calgary, d’un ingénieur vraiment intelligent d’une grande entreprise du secteur intermédiaire et un autre ingénieur brillant d’une entreprise de télécommunications, Shaw. Grâce à leur travail et à leurs manigances, et en se demandant pourquoi s’y prendre de telle ou telle façon, ils ont été en mesure de découvrir une technologie pour laquelle ils ont maintenant des possibilités de déploiement en Amérique du Nord et concluront leurs premiers cycles de financement de 1 million de dollars au cours des prochains mois.

Un autre excellent exemple d’une technologie qui a été créée grâce à cette collaboration entre le milieu universitaire et l’industrie et grâce à des approches multisectorielles, une innovation qui m’enthousiasme vraiment, est une technologie de captage du carbone du gaz naturel avant combustion qui peut transformer le méthane en un produit sans émissions et en acide formique, produisant 70 % de la chaleur qui serait générée par la combustion normale par oxydation. Pensez aux possibilités que cela offre : les chaudières et le drainage par gravité au moyen de vapeur ou le DGMV. Autant de choses différentes.

Ce que j’essayais de dire, c’est que la transition vers la réduction des émissions sera beaucoup moins coûteuse, plus facile et plus rapide, et que l’industrie pétrolière et gazière a un rôle important et puissant à jouer à cet égard. Avatar n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de ce type de collaboration entre l’industrie, d’autres secteurs et le milieu universitaire.

La sénatrice Batters : J’ai une question à poser à deux ou trois des témoins, si vous le voulez bien.

Lorsque Rhona DelFrari, de Cenovus Energy, a comparu la semaine dernière, je lui ai posé une question sur la bataille de relations publiques à ce sujet. Quelques-uns d’entre vous, comme Mme DelFrari, sont agents de développement durable au sein d’entreprises pétrolières et gazières. De toute évidence, vous menez cette bataille, mais il y a dans notre société un important groupe de militants bruyants qui dénigrent les entreprises pétrolières et gazières et qui vous dépeignent parfois comme le diable incarné, et bien des gens se laissent convaincre. Nous avons actuellement un gouvernement fédéral qui, à tout le moins, tolère ce comportement.

Certains d’entre vous pourraient-ils me dire ce qu’ils en pensent?

Mme Pierce : Merci encore de cette question très importante. C’est une chose que je prends très à cœur parce que je me fais dénigrer, en effet. J’ai deux enfants et je veux qu’ils soient fiers de leur mère.

Nous devons continuer à être transparents au sujet des décisions que nous prenons et de la façon dont nous les prenons. Mais il s’agit aussi de s’assurer que ce n’est pas seulement moi qui en parle, mais aussi les communautés et les groupes autochtones avec lesquels nous travaillons.

L’une de mes plus grandes réalisations, c’est d’avoir réussi à travailler avec les communautés autochtones à propos de LNG Canada. Nous nous sommes assurés, en collaboration avec ma bonne amie, la cheffe Crystal Smith, qu’elles aient une participation pour pouvoir garantir que le projet soit accepté par la communauté, réalisé de façon responsable du point de vue de la Terre mère, que la communauté en tire des avantages pour choisir son avenir dans une relation qui lui procure un revenu qui ne vient pas du gouvernement.

Nous devons faire un meilleur travail en ce qui concerne la transition. Cela comprend, comme je l’ai déjà dit, le travail avec les clients — les automobilistes, les consommateurs d’énergie, ceux qui produisent l’acier dont nous dépendons pour construire nos bâtiments —, mais aussi les collectivités qui travaillent avec nous. Cela doit changer.

Nous comparaissons aujourd’hui pour nous assurer que les gens savent que nous sommes humains et que nous sommes engagés. Nous avons aussi des enfants. Si je pouvais accélérer la transition pour éliminer les émissions de l’atmosphère, je le ferais, mais c’est ce que je fais tous les jours au sein de mon entreprise, qui a des capitaux privés à dépenser. Je veux qu’elle les dépense ici, et je veux qu’elle les consacre à la décarbonisation. C’est ce que nous devons faire davantage. J’apprécie que chacun d’entre vous se fasse entendre et nous ait donné l’occasion de nous faire entendre.

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup d’être parmi nous ce matin.

Quand je pense à vos industries, je m’interroge toujours sur leur modèle d’affaires. Je crois fermement que, au bout du compte, vous allez faire ce qui est bon pour votre entreprise. C’est ce qu’on appelle les profits. C’est ainsi que fonctionne notre économie. C’est l’offre et la demande. J’essaie toujours de comprendre où vous voulez en venir. Évidemment, la recherche du profit va dicter vos décisions.

Je ne détesterais pas discuter de Shell avec Mme Pierce. Nous savons tous, sans doute, qu’il y a un ou deux jours, à son assemblée internationale annuelle, Shell a essentiellement décidé de ralentir ses efforts en matière d’énergies renouvelables pour accorder plus d’importance au secteur pétrolier et gazier et, évidemment, le niveau de dioxyde de carbone est en cause.

Cela me déçoit. Shell a été exemplaire à l’échelle internationale dans la façon dont elle gère ses GES. Mais c’est évidemment le cas parce que c’est ce que les actionnaires souhaitent.

Cela dit, si vous voulez essayer de me convaincre, parlez-moi de l’économie, de l’offre et de la demande et de la façon d’y arriver. Ce ne sont pas les belles paroles qui nous mèneront où que ce soit. Nous devons obtenir des résultats concrets. Le monde se tourne vers vous — surtout Shell, qui est une entreprise internationale — pour voir ce que vous ferez et comment vous y arriverez. Nous vous faisons confiance pour réaliser des profits raisonnables, mais aussi pour éliminer complètement les GES et le carbone.

Madame Pierce, qu’en pensez-vous? Comment pouvons-nous y arriver en utilisant le modèle d’affaires de l’offre et de la demande d’aujourd’hui?

Mme Pierce : Oui. Je vous remercie de la question. Comme je suis au service de Shell, je dois aussi croire en l’entreprise pour laquelle je travaille. J’ai suivi de près les décisions qui ont été prises.

Nous n’avons pas renié notre engagement à atteindre la carboneutralité. Nous avons décidé que nous devions chercher comment utiliser l’argent de nos actionnaires pour obtenir un rendement qui permette de continuer à investir dans la transition énergétique.

Nous avons en fait réduit le montant d’argent que nous consacrons à tout. Nous cherchons avant tout comment continuer à accumuler des liquidités aujourd’hui afin que nous puissions continuer à générer de la valeur à l’avenir.

Quant à la rapidité de la transition, comme on l’a dit jusqu’à maintenant, nous devons nous assurer que les clients sont prêts à payer et à investir dans les diverses technologies qui consomment des énergies à faibles émissions de carbone. Cela fait partie de la façon dont nous abordons la question des énergies et des combustibles à faible teneur en carbone, par exemple le diésel renouvelable qu’on peut mettre dans le réservoir de son camion. Mais nous devons nous assurer que ces clients travaillent avec nous le plus rapidement possible afin de réorienter la transition de ces investissements.

Cela dit, nous avons décidé de maintenir la production de pétrole au même niveau, simplement parce que nous avons déjà respecté notre engagement de réduire la production de pétrole de 1,2 % par année d’ici 2030. Nous continuons donc d’investir dans les carburants à faible teneur en carbone.

Par exemple, entre 2023 et 2025, nous investirons entre 10 et 15 milliards de dollars dans les carburants à faible teneur en carbone : mobilité électronique, bornes de recharge pour véhicules électriques, carburants à faible teneur en carbone, comme le diésel renouvelable, Nature Energy, investissement que nous avons au Québec, qui fournira du gaz naturel renouvelable, ainsi que de l’hydrogène.

Nous ne revenons pas sur notre engagement en matière de carboneutralité. Ce que nous faisons, c’est nous concentrer sur l’utilisation judicieuse de l’argent de nos actionnaires afin de pouvoir investir plus efficacement dans la transition énergétique, en travaillant avec nos clients. Je dois me réveiller le matin, comparaître devant vous et vous dire que j’y crois, que je crois que c’est la bonne chose à faire.

Nous ne ralentissons pas la transition. Notre engagement tient, mais nous devons utiliser notre argent efficacement. La dernière chose que je dirai... Et c’est aussi à cela que je consacre beaucoup de mon temps pour que tout fonctionne. Nous devons vraiment collaborer avec les gouvernements et les clients pour déterminer à quelle vitesse nous pouvons faire la transition, car je ne peux pas produire des carburants à plus faible teneur en carbone — tout comme j’ai utilisé l’exemple de l’hydrogène à Granville, à Vancouver — à moins que quelqu’un ne soit prêt à les acheter. Nous devons travailler ensemble pour y arriver.

Le sénateur Massicotte : Permettez-moi d’ajouter quelque chose. Vous parlez constamment de « co-investissement » — ce sont de belles paroles qui laissent entendre que vous êtes essentiellement un partenaire du gouvernement fédéral — et de tous les Canadiens, en fait... Vous me donnez ce sentiment, mais est-ce le cas? Vous dites que nous avons besoin d’un co‑investissement des deux tiers. Évidemment, cela signifie que vous voulez que le gouvernement fédéral finance les deux tiers des coûts du captage et du stockage du carbone, ou de son utilisation future. Est-ce que cela veut aussi dire que le gouvernement fédéral aura les deux tiers des profits, ou est‑ce que vous cherchez seulement un partenaire pour financer les coûts?

Mme Pierce : Dans les circonstances dont vous parlez, je crois qu’il s’agit notamment de captage et de séquestration du carbone. Une partie de cela consiste à nous assurer que, dans le Règlement sur les combustibles propres, qui fait partie des fondements de ces efforts, nous puissions voir comment il est possible de produire des combustibles à plus faible teneur en carbone en investissant dans la séquestration du carbone. Mais l’aspect économique de cette décision dépendra de l’assurance que cet investissement produira un certain rendement et que nous gérerons les risques liés au stockage des émissions dans le sol.

C’est une relation risque-rendement. C’est ce que nous devons examiner pour savoir si nous faisons cet investissement ici, en Alberta, ou ailleurs. Si la relation risque-rendement semble meilleure ailleurs — ce qui est le cas aux États-Unis, on l’a dit —, nous irons là-bas. Il s’agit d’équilibrer la décision économique, et il s’agit en fait de savoir comment éliminer les émissions de carbone le plus rapidement possible et produire des carburants à plus faible teneur en carbone. Au bout du compte, c’est de cela qu’il s’agit.

Le sénateur Massicotte : Si le gouvernement cofinance les deux tiers du captage et du stockage, obtiendra-t-il les deux tiers des profits?

Mme Pierce : Il y aurait un rendement sur l’investissement sous forme de recettes fiscales et de redevances que nous verserions directement aux gouvernements.

Le sénateur Massicotte : Me voici, consommateur canadien typique. Qu’est-ce que cela me rapporte? Quel sera le pourcentage d’imposition? Vais-je récupérer l’argent?

Mme Pierce : Nous réinvestissons. Nous employons des gens qui gagnent des revenus imposables. Lorsque nous réduisons les combustibles à faible teneur en carbone, nous veillons à ce qu’ils soient plus abordables pour vous. C’est la relation que nous devons avoir avec le gouvernement également. Nous ne pouvons pas produire des carburants à plus faible teneur en carbone s’ils sont plus coûteux; personne ne les achètera. Encore une fois, c’est une relation que nous devons établir pour prendre une décision d’investissement, ce qui nous donne la possibilité d’investir des fonds, de créer des emplois, ce qui rapporte des recettes fiscales et des redevances aux gouvernements.

Le sénateur Massicotte : Merci.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins.

Je suis un sénateur du Québec, mais je voudrais reconnaître l’importance de l’industrie pétrolière et gazière au Canada pour la création de richesse et pour le bien de tous les Canadiens au cours des dernières décennies grâce au programme de péréquation. Tous les Canadiens, incluant les Québécois, ont connu une hausse de leur niveau de vie. Par contre, nous avons des défis très importants devant nous.

À titre d’ancien ministre responsable du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation, je crois beaucoup en l’innovation comme source de réussite de notre transition énergétique. Je fais un clin d’œil à ma collègue, la sénatrice Verner, qui a bien expliqué la différence sur le plan des subventions — les subventions à l’opération par opposition aux incitatifs pour réussir notre transition énergétique.

J’ai travaillé dans le domaine des marchés de capitaux et financiers pendant des décennies. Mark Carney nous dit qu’il faut adopter des approches différentes au Canada relativement aux investisseurs. Je fais allusion ici aux caisses de retraite. Certaines se départissent de leurs actifs du secteur pétrolier et gazier, désinvestissent dans ce secteur pour réduire leur empreinte carbone. Au contraire, d’autres travaillent de concert avec l’industrie pour investir et améliorer les procédés.

Ma question s’adresse à M. Krausert. Vous y avez fait allusion — on n’est peut-être pas de taille tout à fait par rapport à l’Inflation Reduction Act des États-Unis —, mais on a des caisses publiques de retraite qui sont maintenant au-delà de 100 % du produit intérieur brut. Que pensez-vous de cela? Trouvez-vous que nos caisses de retraite sont des partenaires actifs pour réussir la transition énergétique au Canada? Devrait-il y avoir une intervention ou une pression un peu plus grande sur nos caisses publiques de retraite? Je ne parle pas de nos caisses privées de retraite, je parle de nos caisses publiques de retraite, d’investir davantage pour réussir notre transition énergétique.

M. Krausert : Merci pour la question.

[Traduction]

J’ai amorcé ma carrière dans le secteur pétrolier et gazier comme ouvrier sur les derricks du Nord de l’Alberta, tandis que je poursuivais des recherches en neurosciences à l’Université McGill. Cette expérience m’a permis de travailler avec un très grand nombre de Québécois et d’acheter ma première maison à Montréal. J’ai été contribuable québécois pendant environ six ans, et j’ai vraiment vu l’industrie pétrolière et gazière du Canada comme un vaste secteur inclusif qui rassemble le pays et crée beaucoup de richesse.

Pour ce qui est du point de vue de M. Carney, à la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, sur les investissements dans le pétrole et le gaz, la plupart des caisses de retraite institutionnelles canadiennes ont adopté une approche très responsable en travaillant avec le secteur pour réduire les émissions. L’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada, l’OIRPC, en est un exemple. Elles placent beaucoup d’argent dans des sociétés comme Suncor, ainsi que dans bien d’autres grandes entités.

Un investisseur de cet ordre a ce genre de responsabilité. Les caisses de retraite viennent de nos parents, de nos grands‑parents, et investissent dans l’avenir. Elles sont très responsables, car elles cherchent à obtenir un rendement, et elles doivent placer le capital là où il rapportera le plus. Elles ont adopté un point de vue très responsable en ménageant un certain équilibre. Même aux termes de l’Accord de Paris, il nous faut encore investir dans les combustibles fossiles.

Le Canada accuse un retard en ce qui concerne la disponibilité du capital de risque et des investissements. Non seulement voyez-vous ces projets de captage du carbone devenir sous‑économiques au Canada par rapport aux États-Unis — c’est sans doute pourquoi nous sommes un peu plus lents —, mais il y a aussi une énorme quantité de capital de risque disponible aux États-Unis par rapport au Canada. Au Canada, les dépenses de l’État en R-D sont parmi les plus importantes des pays industrialisés, mais les dépenses en R-D des entreprises sont parmi les plus faibles sur toute la ligne et pas uniquement dans le secteur énergétique.

Une stratégie intelligente consisterait à accroître la disponibilité du capital de risque pour mettre fin à l’exode de technologies étonnantes vers les États-Unis. Une initiative qui a très bien fonctionné dans le secteur de la technologie est un fonds de l’Initiative de catalyse du capital de risque, l’ICCR. C’est là que le gouvernement adopte l’approche du premier arrivé, dernier servi, garantissant ainsi un certain seuil pour les investissements dans certaines de ces technologies à un stade précoce. Si nous appliquions cela à l’énergie, j’imagine que nous pourrions débloquer beaucoup de capital stratégique.

Il y a un fonds de capital de risque phénoménal, Evok Innovations, dans lequel Suncor et Cenovus investissent. Shell a un fonds d’investissement dans les carburants à faibles émissions de carbone; Chevron et Aramco en sont là également. Nous pouvons attirer ces capitaux au Canada en proposant un programme d’innovation intelligent. Nous pouvons utiliser l’un des plus grands secteurs industriels de notre pays et notre principal produit d’exportation pour stimuler ce programme d’innovation.

Cela répond à votre question? Les entités institutionnelles sont très responsables.

Le sénateur Gignac : Merci. Je sais que nous allons manquer de temps. J’ai remarqué avec plaisir, dans le dernier budget, le Fonds de croissance du Canada, qui va essentiellement accélérer la transition. Merci.

La présidente : Je vais me permettre de poser une dernière question parce que je me souviens des propos de la sénatrice Verner auxquels nous devons réfléchir pour notre rapport.

Je suis d’accord avec M. Krausert pour dire que le mot « émissions » devrait être utilisé comme indicateur et que c’est ainsi que nous devrions tous penser à réduire les émissions. Ma question s’adresse à Mme Pierce et à Mme Strom. Votre secteur, celui du pétrole et du gaz, est le premier à s’être rendu compte des répercussions de la combustion, du fait que les combustibles fossiles causent le réchauffement de la planète, et des ravages des changements climatiques. Votre secteur était au courant de cette situation depuis les années 1980. En ce qui concerne les émissions, pouvez-vous me dire de combien de tonnes vous les avez réduites depuis que vous avez pris connaissance du problème? Quel est le taux annuel de réduction des gaz à effet de serre que vous utilisez actuellement pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050?

Cela doit figurer dans notre rapport. Merci beaucoup.

Mme Pierce : L’une des choses que Shell a faites, probablement depuis 2010 ou 2011, c’est d’inclure un prix du carbone dans l’étude de ses projets. Essentiellement, nous avons toujours évalué les émissions, et ce, avant même que le gouvernement n’impose une tarification du carbone. Nous avons évalué les projets en fonction de ce qui se passerait s’il y avait une tarification du carbone. Nous fondons nos calculs économiques là-dessus. En ce qui concerne notre dernière stratégie, nous avons annoncé publiquement, et récemment encore, que nous avons déjà réduit d’environ 30 % nos émissions des portées 1 et 2. Nos efforts sont donc très ciblés. C’est dans notre rapport sur la transition énergétique. Il y aura beaucoup plus d’information à ce sujet, à laquelle je renverrais le comité. Cela réduit les émissions des portées 1 et 2.

Les émissions en cause sont de portée 3. Pour une grande partie des émissions que nous nous sommes engagés à réduire pour atteindre la carboneutralité, il faut travailler avec les clients. Nous nous intéressons à l’intensité carbonique nette pour atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050. Nous avons déjà réalisé une réduction d’environ 50 %, soit près de 30 % par rapport à notre objectif de 50 % d’ici 2030 pour les émissions des portées 1 et 2. D’ici 2050, nous en arriverons aux émissions de portée 3 pour ce qui est de l’intensité carbonique nette en travaillant avec les clients.

Mme Strom : Je vous remercie de la question.

Je travaille chez Suncor depuis 20 ans, et nous avons des objectifs à long terme en matière de climat. Nous avions un plan de lutte contre les changements climatiques dans le cadre duquel nous avons commencé à investir dans l’énergie éolienne, comme je l’ai dit, en 2002. Nous avons toujours eu ces objectifs à long terme. Comme nos activités ont pris de l’expansion, nos émissions globales ont augmenté, mais nous en avons réduit l’intensité.

Vous demandez comment nous allons atteindre nos objectifs de réduction des émissions absolues. Nous avons fixé comme objectif de réduire les émissions de 10 mégatonnes en chiffres absolus. Ces dix dernières années, l’industrie a eu un objectif de réduction de l’intensité des émissions et elle l’a réduite de 23 %. Notre nouvelle mine de Fort Hills est au même niveau que les barils d’intensité moyenne des émissions en Amérique du Nord. Nous allons obtenir cette réduction de 10 mégatonnes au moyen de techniques comme le captage du carbone, une réduction d’une ou deux mégatonnes grâce à l’efficacité énergétique, au changement de combustible et à la réduction de l’intensité des émissions du réseau électrique. Ce sont des façons de réduire nos émissions absolues de 10; notre objectif est une réduction de 10 mégatonnes d’ici 2030. Merci beaucoup de la question.

La présidente : Voilà qui met fin à la séance du comité. Nous allons passer aux délibérations à huis clos pour discuter du rapport.

Merci beaucoup aux témoins. Nous leur sommes reconnaissants.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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