LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 5 octobre 2023
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive des déchets plastiques).
La Sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis sénatrice du Québec et présidente de ce comité.
J’aimerais commencer par faire un petit rappel. Avant de poser des questions et d’y répondre, je demande aux membres du comité et aux témoins de ne pas se pencher trop près du microphone et de ne pas retirer leur oreillette. Nous éviterons ainsi tout retour de son qui pourrait avoir un effet négatif sur le personnel du comité dans la salle.
Je vais maintenant demander à mes collègues du comité de bien vouloir se présenter.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Sénatrice Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice White : Sénatrice Judy White, Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, de Lanaudière, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Anderson : Margaret Dawn Anderson, Territoires du Nord-Ouest.
Le sénateur Wells : David Wells, Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Arnot : David Arnot, Saskatchewan.
La présidente : Bienvenue à vous tous et aux personnes de partout au pays qui nous regardent.
Le sénateur Clément Gignac, du Québec, vient de nous rejoindre.
Le comité poursuit aujourd’hui son étude du projet de loi S-234 : Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive de déchets plastiques). Nous n’avons aujourd’hui qu’un groupe de témoins.
[Français]
D’Environnement et Changement climatique Canada, nous recevons Heather McCready, directrice générale, Affaires législatives et réglementaires, Dany Drouin, directeur général, Direction de la gestion des plastiques et des déchets, Tanya Smyth-Monteiro, gestionnaire, Programme des déchets, et Hannah Rogers, directrice générale, Application de la loi en environnement. De Services aux Autochtones Canada, nous accueillons Tonina Simeone, directrice principale, Direction de l’environnement, Direction générale de la gestion des terres et de l’environnement. Je vous souhaite à tous la bienvenue. Je vous remercie d’avoir accepté l’invitation de notre comité. Vous avez cinq minutes chacun pour vos remarques préliminaires. La parole est à vous.
Dany Drouin, directeur général, Direction de la gestion des plastiques et des déchets, Environnement et Changement climatique Canada : Bonjour, tout le monde. Je vais faire les remarques de cinq minutes pour le groupe. Par la suite, nous pourrons répondre à vos questions.
Je m’appelle Dany Drouin et je suis directeur général de la Direction de la gestion des plastiques et des déchets. Je suis accompagné de mes collègues Heather McCready, directrice générale, Affaires législatives et réglementaires, Hannah Rogers, directrice générale, Application de la loi en environnement, et Tanya Smyth-Monteiro, gestionnaire, Programme des déchets. Nous sommes tous d’Environnement et Changement climatique Canada. Je suis également accompagné de Tonina Simeone, directrice principale, Direction de l’environnement, Direction générale de la gestion des terres et de l’environnement, Services aux Autochtones Canada.
[Traduction]
Je vous remercie de m’avoir invité à participer à votre étude du projet de loi S-234. Comme vous le savez, il fait suite à son prédécesseur — le projet de loi C-204 — de la dernière législature. Certaines des observations faites par les fonctionnaires au cours de l’étude de ce projet de loi demeurent pertinentes et je vous les communiquerai à nouveau dans le cadre de cette étude. Je vous fournirai également des renseignements sur les initiatives récentes qui se rapportent au projet de loi.
[Français]
J’aimerais commencer par donner un aperçu des contrôles actuellement en place au Canada en ce qui concerne les déchets plastiques.
[Traduction]
Un élément clé des mesures nationales du Canada découle de nos obligations de contrôler les mouvements transfrontaliers de la plupart des déchets plastiques et de travailler avec la communauté internationale pour s’assurer que nos exportations ne créent pas de pollution à l’étranger.
Depuis plus de trois décennies, le gouvernement du Canada effectue des contrôles réglementaires stricts pour s’assurer que les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses sont gérés de manière à protéger l’environnement et la santé humaine. Ce régime comprend la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, qui fournit un éventail d’outils de gestion des déchets. Il veille à empêcher l’exportation des déchets contrôlés en vertu de la section 8 de la partie 7 de la Loi à moins que le ministre soit avisé et qu’un permis soit délivré pour une exportation vers l’étranger.
Le Règlement sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses, que j’appellerai le Règlement transfrontalier, établit les exigences relatives aux mouvements internationaux et interprovinciaux de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses. Ce règlement met en œuvre les obligations internationales du Canada, y compris celles découlant de la Convention de Bâle.
[Français]
Ce règlement contrôle l’exportation de tout déchet visé par la Convention de Bâle lorsqu’il est exporté vers un État membre de la Convention de Bâle. Il contrôle également l’exportation de déchets qui sont définis comme dangereux ou interdits par le pays importateur, même si les déchets ne sont pas définis comme dangereux au Canada.
L’une des pierres angulaires de la convention, de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) et du règlement est d’obtenir le consentement des pays importateurs et de transit pour toute exportation des déchets du Canada avant qu’un permis d’exportation ne soit délivré.
[Traduction]
En donnant leur consentement, les pays importateurs ou de transit confirment que ces déchets seront traités dans le respect de l’environnement.
Le 29 décembre 2020, le Canada a accepté les amendements sur les déchets plastiques adoptés en vertu de la convention. Ceux-ci renforcent les contrôles sur les mouvements transfrontaliers de certains déchets plastiques non dangereux et non recyclables, comme les déchets plastiques mélangés ou contaminés ou certaines résines, par exemple le polychlorure de vinyle, ou PVC. Le résultat concret de cette acceptation est que depuis le 1er janvier 2021, un permis est requis pour exporter les déchets plastiques visés par la convention du Canada vers un pays partie à cette convention. Cette exigence s’applique autant aux exportations destinées au recyclage qu’à ceux destinés à l’élimination finale. Il s’agit d’un mécanisme concret et efficace qui garantit que l’exportation des déchets plastiques couverts par la convention n’est autorisée que si le pays importateur a donné son consentement et qu’un permis a été obtenu.
[Français]
Les travaux visant à améliorer le régime des mouvements transfrontaliers de déchets se poursuivent. Juste samedi dernier, l’honorable Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique, a publié des modifications au règlement.
En plus d’améliorer les contrôles des mouvements transfrontaliers de déchets d’équipements électriques et électroniques, les modifications proposées seraient harmonisées avec les exigences de l’amendement d’interdiction de Bâle.
[Traduction]
Cet amendement d’interdiction vise les exportations de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses d’un État membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, comme le Canada, ou de l’Union européenne, vers des pays en développement. Ces modifications placeraient le Canada dans une position favorable pour ratifier l’amendement d’interdiction de la Convention de Bâle. En pratique, cela signifie que l’on interdirait les exportations de déchets dangereux — y compris de déchets plastiques dangereux — vers les pays non membres de l’OCDE.
Les exportations canadiennes de plastiques non dangereux contrôlés en vertu de la Convention de Bâle à destination d’un autre pays partie à cette convention seraient encore autorisées si le pays importateur a donné son consentement et qu’un permis a été obtenu.
[Français]
Les modifications proposées comprennent également des changements visant à assurer une plus grande clarté des exigences réglementaires et à améliorer la mise en œuvre du règlement.
Plus précisément, les modifications proposées exigent que toute personne qui exporte des déchets dangereux ou des matières recyclables dangereuses ait un permis avant le début de tout mouvement de déchets et matières destinés à l’exportation.
[Traduction]
Les amendements proposés modifient également la définition de ce qui constitue un déchet dangereux pour permettre d’évaluer si un article est un déchet en se fondant sur certaines caractéristiques, au lieu de se fier entièrement au fait que quelque chose doive être éliminé au moyen de l’une des opérations indiquées. Les amendements proposés renforceraient la mise en œuvre du Règlement et nous espérons qu’ils permettraient de résoudre le problème de l’exportation illicite de déchets.
[Français]
Les intervenants, les parties intéressées et la population canadienne sont invités à examiner les modifications proposées et à fournir leurs commentaires avant le 29 novembre 2023; nous les encourageons à le faire. Le gouvernement prévoit de publier les modifications définitives à l’été 2024.
En terminant, je vous remercie encore une fois d’avoir invité mes collègues et moi à prendre la parole aujourd’hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions concernant votre étude du projet de loi S-234. Merci.
La présidente : Est-ce qu’un autre témoin a des remarques liminaires à faire? Non. Chers collègues, puisque nous avons un seul groupe de témoins et que nos témoins ont gentiment accepté de rester pour répondre à toutes nos questions, nous allons dépasser l’heure prévue avec ce groupe. Ne vous gênez pas pour poser toutes vos questions. Nous allons commencer par quatre minutes par personne.
La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question très simple pour vous, parce que vous n’avez pas dit un mot sur le projet de loi que nous étudions : qu’en pensez-vous? Est-ce que c’est un projet de loi qui pourrait aider la situation, qui semble assez complexe? Vous nous avez parlé de toutes sortes de changements assez complexes qui suivent la ratification de la Convention de Bâle, mais vous ne semblez pas avoir dit que le Canada avait signé l’amendement sur l’élimination de déchets à élimination définitive, les déchets indestructibles.
Est-ce que le projet de loi proposé par le sénateur Carignan est considéré favorablement par vous et votre ministère?
M. Drouin : Je vous remercie pour votre excellente question. En introduction, disons que la modification que le ministre Guilbeault a déposée samedi dernier permettra au Canada de ratifier un amendement qui va interdire l’exportation de déchets dangereux dans les pays en développement, y compris les déchets recyclables dangereux. Par rapport à la position du ministère...
La sénatrice Miville-Dechêne : Cela inclut-il les déchets plastiques indestructibles?
M. Drouin : Cela inclut tous les déchets considérés comme dangereux, qu’ils soient considérés comme recyclables et dangereux ou dangereux tout court.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ce n’est pas ma question. Indestructibles? Non recyclables, point?
M. Drouin : En fait, ce qui est non recyclable est couvert par les amendements sur les plastiques. S’ils sont non recyclables et dangereux, ils seront couverts par l’amendement d’interdiction de Bâle.
La sénatrice Miville-Dechêne : Revenons au projet de loi.
M. Drouin : Pour ce qui est du projet de loi, on m’a demandé de venir expliquer les mesures en place et de dire comment le système fonctionne à l’heure actuelle. Le gouvernement n’a pas encore de position sur le projet de loi S-234. Cette position va se développer à travers le processus dans lequel nous sommes actuellement. Le gouvernement va aussi très certainement considérer les résultats de votre étude, de même que les vues des intervenants.
Malheureusement, je ne suis pas ici pour parler du projet de loi, mais pour vous dire comment le système fonctionne à l’heure actuelle.
La sénatrice Miville-Dechêne : Pour que je comprenne mieux, est-ce que, avec le système en place, on aurait évité ce qui s’est produit et qui a été dénoncé dans les reportages des émissions Enquête et The Fifth Estate? Je vais citer en anglais :
[Traduction]
Le gouvernement fédéral a sanctionné en privé plusieurs entreprises de recyclage canadiennes pour avoir expédié des déchets ménagers illicites et non triés vers des pays en développement, mais il n’a pas divulgué publiquement la liste des entreprises reconnues coupables d’avoir enfreint les lois environnementales et internationales.
[Français]
On a fait mention de cette situation dans un reportage de 2022. On ne sait pas qui a fait cela, et c’était des déchets mélangés. Est-ce qu’il est encore possible d’avoir du plastique mélangé à des déchets papier? Est-ce que tout cela est approuvé par le gouvernement et les déchets sont envoyés dans les pays pauvres, qui se retrouvent pris avec nos déchets?
M. Drouin : Ce que vous soulevez, c’est la question des problèmes liés aux exportations illégales des déchets.
La sénatrice Miville-Dechêne : Mais vous les avez sanctionnés?
M. Drouin : Ce dont on s’est rendu compte, c’est qu’une certaine partie des exportateurs vont mal étiqueter ce qui se trouve dans leurs conteneurs. Quelqu’un pourrait déclarer à Environnement et Changement climatique Canada que c’est du plastique propre, et la partie importatrice pourrait dire qu’elle veut cette marchandise. Par contre, le conteneur pourrait ne pas contenir le type de plastique qui est inscrit sur la demande de permis. On sait que cela se produit, et c’est un peu le type de modifications réglementaires qu’on a proposées pour essayer de remédier à la situation.
On fait aussi beaucoup de travail avec l’Agence des services frontaliers du Canada et avec les autres pays. On participe à des opérations de vérification ponctuelle dans certains ports et à certains endroits où il y a plus de points chauds qu’ailleurs; on y effectue des vérifications ponctuelles. C’est une opération qui s’appelle Demeter. Il y a à peu près 90 pays qui travaillent là‑dessus.
Pour votre question plus spécifique par rapport à la mise en œuvre, si vous le voulez, ma collègue pourra vous expliquer plus en détail comment tout cela fonctionne.
Hannah Rogers, directrice générale, Application de la loi en environnement, Environnement et Changement climatique Canada : Bonjour. Je vous remercie de la question.
[Traduction]
Pour vous donner une idée de la manière dont Environnement et Changement climatique Canada applique la loi sur les exportations illicites de déchets en général, comme l’a mentionné M. Drouin, nous utilisons un certain nombre d’approches. Tout d’abord, nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues de l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC. Notre équipe à Environnement et Changement climatique Canada effectue un important travail de collecte de renseignements. Nous travaillons avec des agents de renseignement et d’autres membres du personnel, principalement de chez M. Drouin, pour recueillir des renseignements lorsque nous soupçonnons l’existence d’un cas de non-conformité et d’exportation de déchets illicites.
Nous fournissons ces renseignements à l’équipe qui traite ce dossier particulier. Elle travaille avec nos collègues de l’Agence des services frontaliers du Canada. Si nous déterminons qu’il est possible qu’une exportation illicite de déchets ait eu lieu au Canada, nous décidons de procéder ou non à une inspection. Nous nous rendons ensuite au port avec nos collègues de l’Agence des services frontaliers du Canada et nous procédons à l’ouverture du conteneur d’expédition afin de déterminer s’il contient des déchets illicites, par exemple des déchets plastiques qui ont été placés dans ce conteneur d’expédition pour être acheminés vers un lieu déterminé sans permis approprié ou qui sont mal étiquetés.
Souvent, nous trouvons des conteneurs qui portent un code SH, mais dont le contenu n’est pas conforme à ce qui est indiqué. Dans ce cas, nous travaillons à nouveau avec nos collègues de l’ASFC pour leur demander d’interdire l’exportation de ces déchets en vertu de la Loi sur les douanes. L’envoi ne quitte alors pas le Canada. Parfois, d’autres personnes collaborent ensuite avec l’ASFC pour retirer le conteneur et procéder à des inspections.
Nous effectuons également un travail d’application des lois sur les exportations illicites de déchets lorsque les pays de transit nous signalent des infractions. Si, par exemple, un conteneur fait escale dans un pays alors qu’il est en route pour une autre destination, et les autorités de ce pays ouvrent le conteneur et disent : « Nous pensons qu’il y a peut-être ici un cas de non‑conformité. » Il arrive aussi qu’un pays destinataire nous informe que le conteneur a été acheminé jusqu’à la destination et qu’une fois réceptionné, on s’est rendu compte qu’il contenait des déchets illicites. Dans ce cas, nous travaillons à distance avec les agences ou les gouvernements de ces pays. Ils nous envoient des renseignements et des photographies, et nos agents collaborent avec eux pour déterminer s’il y a non-conformité. Dans ce cas, nos agents font preuve de discernement pour cerner le type de mesures à prendre. Ils disposent d’un certain nombre de solutions. Nous émettons souvent des avertissements écrits lorsqu’il s’agit d’une première infraction ou lorsque l’infraction est relativement mineure et que l’intéressé se montre coopératif. Toutefois, les avertissements écrits sont versés au dossier, de sorte qu’à l’avenir, si d’autres infractions sont commises, on en tiendra compte et les sanctions seront plus sévères.
Nos agents peuvent également prendre d’autres mesures d’exécution, notamment des sanctions administratives pécuniaires. Il s’agit d’amendes qui ne passent pas par le système judiciaire. Il n’y a pas de poursuites judiciaires et aucune accusation n’est portée.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis désolée, mais je veux laisser un peu de temps à mes collègues.
Mme Rogers : Voilà un bref résumé des mesures que nous prenons pour assurer l’application de la loi.
La présidente : Je vais peut-être garder ce point à l’esprit plus tard, lorsque je poserai des questions sur les raisons de l’absence de sanctions. C’est très important. Je vous remercie.
Le sénateur Arnot : Merci aux témoins. Vous êtes ici pour parler du projet de loi. Ce projet de loi est-il redondant? Apportera-t-il des améliorations ou des avantages au régime existant? Dans l’affirmative, lesquels? On nous a dit que le projet de loi n’améliorera pas le système, qu’il ne fonctionnera pas ou qu’il n’apportera aucune différence réelle au régime qui est déjà en place ou que vous proposez.
Deuxièmement, l’annexe II de la Convention de Bâle inclut des déchets qui ne semblent pas correspondre à ceux de l’annexe 7 de ce projet de loi. Il semble qu’il s’agisse là d’un problème majeur. Plus important encore, ce projet de loi est-il fondamentalement redondant parce qu’il n’apportera aucune amélioration réelle?
Veuillez répondre à cette question assez simple au sujet du projet de loi.
M. Drouin : Le projet de loi introduirait un deuxième régime qui viendrait s’ajouter au régime actuel. Comme je l’ai déjà dit, je suis ici pour parler du fonctionnement du régime.
En introduisant le projet de loi S-234, nous aurions alors un régime qui interdirait l’exportation vers d’autres pays de déchets destinés à l’élimination finale. L’exportation de déchets dangereux destinés au recyclage et à l’élimination finale vers les pays non membres de l’OCDE serait également interdite. Nous avons ensuite l’amendement sur les déchets plastiques qui permettrait l’exportation si l’on obtient le consentement du pays destinataire et un permis.
En ce qui concerne votre deuxième question, l’annexe 7 contient une liste de polymères, tandis que l’annexe II contient différents types de déchets. Je pense que certains de vos témoins l’ont également mentionné la semaine dernière.
Le sénateur Arnot : Il semble donc qu’il s’agisse d’une lacune.
M. Drouin : Je ne peux pas me prononcer sur la pertinence de l’annexe 7, mais je voulais vous donner un aperçu de ce que contiennent ces annexes.
[Français]
Le sénateur Gignac : Merci aux témoins, à monsieur Drouin et à son équipe. Lors de notre dernière réunion, on a entendu des témoins, notamment de la Ville de Toronto. Je comprends les explications pour ce qui touche les conteneurs au port, mais quand il s’agit d’un mouvement transfrontalier, c’est plus compliqué. Souvent, les produits recyclables sont mélangés avec d’autres et il y a un problème de traçabilité.
Est-ce que ce projet de loi peut mener à quoi que ce soit? Quels moyens et mécanismes avez-vous mis en place pour éviter l’exportation? Il existe quand même des ententes entre le Canada et les États-Unis; il y a des traités. Est-ce que ce projet de loi peut venir interférer là-dedans?
M. Drouin : Il y a beaucoup de questions dans votre question. Je vais essayer de répondre rapidement pour vous donner la chance de poser d’autres questions.
En fait, il est vrai que des échanges internationaux de déchets transitent par bateau, par train ou par camion, principalement entre le Canada et les États-Unis, dans la portion sud de la frontière canadienne.
Est-ce que ces produits sont mélangés? C’est possible, particulièrement lorsque les déchets domestiques sont susceptibles de l’être. C’est effectivement une des choses auxquelles on veut s’attaquer à l’échelle fédérale, avec l’adoption prochaine d’un règlement sur l’étiquetage et sur l’emballage, dans le but de favoriser un meilleur tri des déchets et de provoquer une confusion moins grande pour les Canadiens.
Je m’arrête ici pour ce qui est de votre première question, parce que la question qui concerne les échanges entre le Canada et les États-Unis demande plus de 30 secondes pour y répondre.
Le sénateur Gignac : Si je comprends bien, ni les villes ni les provinces ne sont responsables quand ce sont des ballots qui sont expédiés, alors que c’est pourtant une question de traçabilité et que l’application du règlement peut être difficile en l’absence de traçabilité.
M. Drouin : Effectivement, nous sommes conscients des limites du système actuel. Les amendements présentés par le ministre Guilbault et la prochaine réglementation sur l’étiquetage vont contribuer à régler ce problème.
Pour ce qui est de la traçabilité, je dirais qu’il y a suffisamment d’information quant à ce qui est couvert par la convention lors d’une demande de permis, parce que lorsqu’un permis est demandé, il y a beaucoup d’information sur ce qui se trouve dans le conteneur. Il arrive que ce soit mal étiqueté et que quelqu’un essaie de déjouer le système; c’est un enjeu réel.
Là où cela devient plus difficile, c’est lorsque les déchets ne sont pas couverts par la convention. Par exemple, les bouteilles de plastique de soda circulent librement et ne sont pas couvertes par la convention, parce qu’elles ont une valeur économique.
On ne demande pas de données au sujet des ballots s’ils ne sont pas couverts par la convention ou s’ils ne sont pas réglementés. Le gouvernement fédéral gère les mouvements transfrontaliers et interprovinciaux, les provinces légifèrent sur les installations de recyclage et les municipalités gèrent les opérations, un peu comme mon collègue de la Ville de Toronto vous l’a expliqué il y a deux jours.
Le sénateur Gignac : Ma question va sans doute vous paraître brutale, mais pourquoi le ministre Guilbeault a-t-il attendu jusqu’à samedi dernier pour agir? Cela me surprend un peu, parce que j’avais compris que le règlement était déjà en vigueur. Pourriez-vous revenir sur ce que le ministre a annoncé? Peut-être que je n’ai pas bien compris.
M. Drouin : Par le passé, on contrôlait seulement les déchets qui étaient considérés comme dangereux par le pays importateur, même si de notre côté on ne les considérait pas comme dangereux. Il y a aussi un amendement de base à la Convention de Bâle qui, plutôt que de proposer un permis, a proposé une prohibition réelle. Le Canada n’a jamais ratifié cet amendement, qui est entré en vigueur en 2019. L’amendement que le ministre Guilbeault a proposé va mettre en place des contrôles à l’échelle domestique pour que nous soyons en position d’accepter ces amendements et de dire aux Nations unies que le Canada est lié par ces amendements et que des mesures sont en place.
Au Canada, on ne peut pas accepter un amendement à un traité international si les mesures ne sont pas d’abord en place au pays. Pourquoi le faire maintenant plutôt qu’il y a 3 ans ou même 15 ans? Je n’ai pas de données à ce sujet, mais je peux dire que ce qui a vraiment fait pencher la balance, c’est le débat public au sujet des déchets du Canada.
Est-ce qu’on peut améliorer le système? Le système n’est pas parfait. C’est pourquoi ces amendements visent à améliorer le régime. On modifie le règlement tous les trois ou quatre ans dans le but de l’améliorer, et cela représente un changement majeur.
Le sénateur Gignac : Il y a sûrement d’autres pays qui font la même chose?
M. Drouin : Oui, et on veut s’assurer de mettre en œuvre la Convention de Bâle au Canada d’une façon qui fonctionne pour nos circonstances nationales.
La sénatrice Verner : Je me réjouis de ce qui s’est fait samedi dernier pour ce qui est des ajouts réglementaires. Il y a deux jours, nous avons entendu des témoins de la Fondation David Suzuki et de l’organisme Environmental Defence. Ce n’est peut-être pas l’impression qu’ils voulaient nous laisser, mais c’est comme si nous perdions notre temps, que ce n’était pas suffisant et que le projet de loi n’allait pas assez loin.
Est-ce que ces organisations savent que le ministre a déposé un ajout réglementaire samedi?
M. Drouin : J’imagine que oui. Est-ce que les gens l’ont lu?
La sénatrice Verner : En principe, cela devrait répondre à certaines de leurs requêtes.
M. Drouin : En fait, c’est l’équipe de Tania qui a chapeauté les amendements au règlement. Une fois qu’on le met en œuvre, on informe les parties prenantes à grande échelle. On a aussi un comité consultatif sur la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Est-ce que l’information est partagée? Je peux dire que oui. Est-ce que les gens ont pu lire le règlement et se faire une opinion?
La sénatrice Verner : De toute façon, ils ont jusqu’à la fin de novembre pour émettre leurs commentaires.
M. Drouin : Ils ont jusqu’à la fin de novembre. Je mentionnais dans mes remarques que nous sommes vraiment intéressés, parce qu’il y a un enjeu critique sur la question des déchets au Canada et ces intervenants vont nous donner beaucoup d’information. Merci de me donner l’occasion de dire que nous sommes en consultation et que nous attendons des commentaires.
La sénatrice Verner : Tout ce qui se fait sur les plans de la gestion et de l’exportation des déchets, y compris le dépôt du règlement, exclut-il les États-Unis parce qu’il existe une entente particulière avec eux?
M. Drouin : J’aimerais prendre quelques minutes pour parler de l’entente entre le Canada et les États-Unis en matière d’échange de déchets. Comme vous le savez, les économies canadienne et américaine sont extrêmement intégrées. De plus, il y a une autre caractéristique, et c’est que les États-Unis ne sont pas membres de la Convention de Bâle. Donc, pour permettre des échanges de déchets entre un pays membre de la convention et un autre qui n’est pas membres de la convention...
La convention a une disposition qui prévoit qu’on peut conclure une entente bilatérale, plurilatérale ou multilatérale avec un pays qui n’est pas membre de la convention et que, conformément à cette entente, les déchets doivent faire l’objet d’une gestion respectueuse de l’environnement. C’est la première chose.
Il y a d’autres endroits dans le monde où les économies sont intégrées et qui ont ce même type d’entente, comme l’Union européenne, qui est une union économique, alors que, dans notre cas, c’est plutôt une intégration d’économies. Les États-Unis et le Canada ont deux ententes. La première date de plusieurs années et contrôle tous les déchets considérés comme dangereux au Canada et aux États-Unis. Pour ces déchets, il y a un permis, il y a des documents de mouvement. Si quelqu’un envoie des déchets dangereux, ils ne circulent pas librement.
L’autre arrangement que nous avons avec les Américains sur les déchets plastiques vise à confirmer que les États-Unis et le Canada ont des mesures en place qui permettent de gérer nos déchets d’une façon respectueuse de l’environnement.
Cela veut dire que les déchets circulent librement. Parfois, ils circulent librement d’une municipalité à une autre; parfois, cela peut être d’une compagnie canadienne vers une filiale américaine; c’est un autre cas de figure.
Toutefois, dès qu’un déchet quitte le Canada et va aux États-Unis pour ensuite être acheminé dans un autre pays, cela n’est pas couvert par l’accord bilatéral. Ce qui est nécessaire, c’est d’avoir un permis conformément à la Convention de Bâle.
Autrement dit, si le transport des déchets transite par les États-Unis, un permis est nécessaire et on doit s’assurer que le pays qui doit recevoir les déchets est d’accord et veut bien recevoir ces déchets. Ces derniers sont donc exclus de l’accord bilatéral.
Pourquoi pense-t-on que ces déchets sont gérés de façon respectueuse de l’environnement? En fait, il s’agit de deux États de droit, qui ont des cadres législatif et réglementaire avec des provinces, des États ou des municipalités qui réglementent la façon dont les déchets doivent être traités et quel type de normes doivent être respectées. Le secteur privé est très capable; il a fait des investissements, il possède la technologie requise et il fait preuve d’innovation; on a donc une plus grande confiance dans le fait que les déchets entre le Canada et les États-Unis respectent ces caractéristiques.
La sénatrice Verner : Merci.
Le projet de loi stipule notamment que, après son adoption, les municipalités auraient une période de 12 mois pour s’y conformer. Je vois que vous haussez les sourcils. D’après le témoin de la région de Toronto que nous avons entendu hier, ce serait pour eux plus ou moins problématique; cependant, comme beaucoup de petites municipalités font appel à des sous-traitants, croyez-vous qu’une période de 12 mois est réaliste? Avez-vous entendu des commentaires à ce sujet?
M. Drouin : C’est toujours du cas par cas. Effectivement, ce que mon collègue de la Ville de Toronto a mentionné, on l’a entendu de la part d’autres municipalités.
Pour nous, une période de 12 mois, c’est toujours court sur le plan réglementaire, parce qu’on pourrait devoir modifier le règlement. On devra examiner ce qui se passe avec le projet de loi, mais si on devait modifier un règlement, une période de 12 mois est extrêmement courte. On parle de deux à quatre ans en général pour prendre un règlement.
La sénatrice Verner : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Wells : Merci au groupe de témoins. Je vais être le cinquième sénateur à poser cette question à M. Drouin, d’une façon différente : en ce qui concerne les amendements annoncés par le ministre Guilbeault, les éléments couverts par ce projet de loi sont-ils couverts par l’annonce qu’il a faite l’autre jour?
M. Drouin : Je vous remercie de votre question, car je pense pouvoir y répondre.
Le sénateur Wells : Je remercie tous mes collègues pour cette question.
M. Drouin : Si j’examine le projet de loi S-234, la pierre angulaire semble être le calendrier et l’élimination finale. Ce que le ministre Guilbeault a introduit concerne toutes les matières dangereuses ainsi que les matières recyclables dangereuses.
Le sénateur Wells : Je sais que l’annonce comporte d’autres éléments. Les éléments du projet de loi sont-ils couverts par cette annonce? Cette annonce rend-elle ce projet de loi inutile?
M. Drouin : C’est au gouvernement de répondre à cette question. Il vous fournira sa position.
Ce que je peux vous dire, c’est que lorsque ces règlements entreront en vigueur, les matières dangereuses et recyclables destinées au recyclage et à l’élimination seront interdites entre le Canada et les pays non membres de l’OCDE. Ce que je veux dire, c’est que lorsque les amendements définitifs seront publiés, l’exportation de tous les déchets dangereux et de toutes les matières recyclables dangereuses du Canada vers les pays non membres de l’OCDE sera interdite.
La sénatrice Miville-Dechêne : L’annonce ne couvre donc pas le projet de loi. Elle diffère du projet de loi, parce que ce dernier concerne tous les plastiques destinés à l’élimination.
M. Drouin : Tous les plastiques jugés dangereux seront interdits.
La sénatrice Miville-Dechêne : D’accord, mais ce n’est pas ce que nous vous demandons.
Le sénateur Wells : J’ai une autre question, mais je tiens également à souligner que nous n’avons pas vraiment obtenu de réponse à la première.
Madame Rogers, en tant que directrice générale de l’application, vous avez mentionné les codes SH. Je sais que plus de 10 %, peut-être même 15 %, des codes SH de tous les produits qui sortent du Canada sont inexacts. Ces produits sont mal étiquetés soit délibérément à des fins de dissimulation, soit par erreur. Je sais que le Canada ne publie pas de données en temps réel ou en temps opportun sur ses exportations. Ces renseignements sont publiés dans les métadonnées de Statistique Canada environ un an plus tard.
Serait-il utile pour vous, pour la cause, que l’on publie ces données en temps opportun, comme le font des dizaines d’autres pays, par l’entremise des données douanières, des connaissements et d’autres sources que nous pourrions utiliser?
Mme Rogers : Notre équipe actuelle d’agents et d’analystes du renseignement utilise un large éventail de renseignements disponibles. Nous élargissons notre équipe d’analyse des données afin de pouvoir examiner la quantité massive de données disponibles au public et obtenues grâce à des abonnements, tous les types de renseignements que doivent examiner les services d’application d’Environnement et Changement climatique Canada.
Je ne sais pas exactement quels renseignements sur les codes SH pourraient être disponibles à l’avenir, mais je pense qu’en général, plus nous disposons de renseignements, mieux nous pouvons faire notre travail, à condition que nous ayons la capacité d’examiner ces renseignements.
Le sénateur Wells : Je vous remercie. Le code SH figure sur chaque connaissement. Si ce code était accessible au public ou facile à obtenir, pensez-vous qu’il serait plus utile que lorsqu’il n’est pas disponible en temps réel?
Mme Rogers : D’une manière générale, comme je l’ai dit...
Le sénateur Wells : J’aimerais que vous vous exprimiez en tant que directrice générale de l’application.
Mme Rogers : Il est toujours utile de disposer de plus de renseignements. Je sais qu’il pourrait y avoir des conséquences, y compris pour des renseignements qui étaient peut-être privés dans le passé, pour la protection des renseignements personnels des clients ou pour d’autres raisons. Je ne suis pas une experte du volet importation et exportation de l’ASFC, et je ne veux donc pas m’immiscer sur leur territoire. Mais nous accueillons volontiers tous les renseignements que nos agents peuvent obtenir. Si, à l’avenir, nous disposions de plus de renseignements, nous les utiliserions.
Le sénateur Wells : Avez-vous accès aux connaissements lorsque les conteneurs quittent le port et avant qu’ils arrivent en Asie ou ailleurs?
Mme Rogers : Oui. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’ASFC, tant au niveau régional qu’au niveau de l’administration centrale. Elle nous communique des renseignements. Nous avons conclu des ententes de partage de renseignements. Là encore, nous pouvons obtenir de nombreuses données accessibles au public.
Le sénateur Wells : Merci.
La présidente : Je profite de l’occasion pour vous poser une petite question.
D’après ce que vous dites, on ne mettra pas fin à l’exportation de nos déchets, qu’ils soient recyclables, dangereux ou destinés à l’élimination définitive. Il y aura un meilleur contrôle, mais l’exportation de nos déchets ne cessera pas.
Pourquoi ne pouvons-nous pas gérer nos déchets à l’intérieur de nos frontières? Nous avons besoin d’emplois. Il nous faut créer des industries.
Quelle est l’ampleur du problème? Quelle part de nos déchets...? Parce que sur le plan moral et éthique, je ne pense pas que nous devrions exporter quelque type de déchets que ce soit. Pourquoi ne pouvons-nous pas les gérer, comme vous l’avez dit, d’une manière écologiquement rationnelle, ce qui inclut de remettre de l’ordre dans nos propres affaires, soit nos déchets?
M. Drouin : Notre économie du plastique est linéaire. Actuellement, nous fabriquons un produit, puis nous l’éliminons. La transition vers une économie circulaire du plastique est en cours. Il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais nous travaillons avec les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral pour faire cette transition.
Je vais vous donner quelques exemples de choses qui renforceront notre capacité à gérer nos déchets plastiques au Canada.
Par exemple, le gouvernement fédéral a interdit certains produits en plastique à usage unique qui ne sont pas nécessaires dans notre économie. Une telle mesure réduit la pression exercée sur les installations de gestion des déchets pour le traitement de ces produits. S’ils ne sont pas utilisés dans l’économie, ils ne finissent pas dans l’environnement et n’encombrent pas notre système de recyclage. Le Conseil canadien des ministres de l’environnement a publié une feuille de route sur les produits en plastique à usage unique qui comprend 30 produits d’intérêt. La prochaine étape pour le gouvernement consiste à examiner ces 30 produits et à déterminer si d’autres produits doivent être retirés de l’économie.
Ce sont là des exemples.
Un autre exemple est la mise en place de règles sur le contenu recyclé et l’étiquetage dont j’ai parlé il y a peu de temps. Elles exigeront que les emballages en plastique et certains produits en plastique à usage unique intègrent le recyclage dans le processus de fabrication. Cela signifie que, soudainement, ce qui va à la poubelle a une valeur économique qui favorisera leur réintroduction dans d’autres produits, qu’il s’agisse d’une autre bouteille ou d’un autre produit en plastique. Les règles relatives à l’étiquetage contribueront à réduire la confusion qu’éprouvent les Canadiens qui se demandent dans quel bac ils doivent mettre leurs déchets.
À l’automne, nous mettrons également en place un registre sur les plastiques, qui comprendra des données à propos des plastiques qui entrent dans l’économie et du sort qui leur est réservé. Les producteurs seront tenus d’en rendre compte.
Les provinces contribuent aux efforts. Elles proposent des mesures législatives et réglementaires sur la responsabilité élargie des producteurs dans tout le pays. Ainsi, on fait passer des contribuables aux entreprises privées le fardeau de la gestion des déchets. Il s’agit essentiellement de fixer des objectifs pour la collecte et le recyclage de différents types de matières. Ainsi, en 2027, 8 Canadiens sur 10 vivront sous un régime régi par l’approche de la responsabilité élargie des producteurs.
Le système est en train de changer pour améliorer ce que nous faisons. Les changements sont en cours, mais se produisent-ils assez rapidement? Telle est, je pense, votre question. La réponse est « non » et c’est pourquoi nous essayons constamment d’améliorer le système.
La présidente : Merci.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci d’être des nôtres ce matin.
J’aurais posé la même question concernant le même point de vue, mais je vais plutôt consacrer mon temps de parole à un autre sujet.
Ma première question porte sur les inspections de conteneurs. Du point de vue des statistiques, combien d’inspections faites-vous par année?
Ma deuxième question est la suivante : quel est le pourcentage de ces visites où vous avez trouvé un défaut ou eu un questionnement relatif à la qualité?
Mme Rogers : Merci pour la question. Je vais vous donner un peu de contexte.
[Traduction]
Chaque année, notre direction générale de l’application de la loi détermine ses priorités. Nous disposons d’un certain nombre d’agents au pays et nous déterminons où se situent les risques les plus importants pour l’environnement et la santé humaine. Ces deux dernières années, l’exportation de déchets plastiques a été l’une de nos priorités à l’échelle nationale.
Nous avons augmenté le nombre d’inspections. Je peux vous donner quelques chiffres. Ils ne sont pas complets puisque c’est un projet qui est en cours. En 2021-2022, nous avons effectué 23 inspections et pris des mesures dans 13 cas. Jusqu’à présent, en 2022-2023, nous avons fait 39 inspections et pris 16 mesures d’application de la loi.
Ce que cela ne vous dit pas, c’est le nombre de chargements — comme je l’ai déjà mentionné — qui n’ont pas quitté le pays en raison des inspections que nous avons faites. Ce n’est pas nécessairement nous qui prenons des mesures d’application. Il peut s’agir de nos partenaires de l’ASFC. Cela ne vous donne donc pas un portrait complet de la situation. Il se peut que dans de nombreux cas, les chargements n’aient pas quitté le Canada, qu’ils aient été refusés et que l’exportateur n’ait pas pu exporter illégalement des déchets plastiques.
Le sénateur Massicotte : Si je regarde les chiffres, environ une fois par mois, vous faites une recherche, et environ la moitié du temps, il y a quelque chose qui ne va pas.
Mme Rogers : D’un point de vue statistique, les chiffres sont assez peu élevés et ne nous permettent pas de dire que c’est la tendance générale. Lorsque nous aurons terminé le projet, nous préparerons un rapport et nous serons en mesure de fournir des données plus générales...
Le sénateur Massicotte : Vous devez passer beaucoup de temps à préparer le rapport, car votre travail consiste principalement à effectuer les inspections, n’est-ce pas?
Mme Rogers : Nous appliquons plus de 400 textes dans l’ensemble du pays, avec environ 225 agents.
Le sénateur Massicotte : Ces 225 agents... Ce sont eux qui vous permettent de faire les 23 inspections?
Mme Rogers : Oui. Nous appliquons les dispositions de la Loi sur les pêches, qui est assortie de règlements. Chaque fois qu’il y a un déversement, nous sommes sur le terrain pour intervenir. Ensuite, comme je l’ai indiqué, nous avons environ 400 textes d’application, pour la LCPE seulement.
Nos agents ciblent les exportations de plastique, mais c’est l’un des nombreux éléments que nos agents doivent...
Le sénateur Massicotte : Vous dites cela et pourtant, vous ne faites qu’une inspection par mois. Pourquoi suis-je déçu?
Mme Rogers : J’aimerais pouvoir vous donner une perspective différente quant aux chiffres. Nous verrons quelles tendances se dessineront au fil des ans.
Nous y travaillons de plus en plus, car nous avons remarqué des tendances dans les données. Nous travaillons de plus en plus avec l’ASFC. Il arrive aussi parfois que nos agents prennent des mesures sans qu’une inspection proprement dite ait lieu, mais des mesures sont tout de même prises.
Le sénateur Massicotte : Qu’en est-il des voitures? Sont-elles recyclables? J’ai entendu dire qu’il y avait un important trafic de voitures volées dans nos rues, qui sont envoyées dans des pays africains. Sont-elles recyclables ou non?
Mme Rogers : L’exportation illégale de ce type de déchet est une question qui dépasse mon champ de compétences. Je ne crois pas que cela soit nécessairement couvert par cette réglementation, mais je devrai vous revenir là-dessus.
Le sénateur Massicotte : C’est que cela ferait augmenter considérablement vos chiffres. Je vous remercie.
La sénatrice McCallum : Merci. Je suis désolée d’être arrivée en retard ce matin.
Comme tout le monde, je crains que nous n’ayons pas à adopter le projet de loi et je pense que c’est la question pour laquelle nous essayons d’obtenir une réponse.
Lorsqu’on voit les exportations de déchets, on constate qu’il y a eu une baisse énorme entre 2016 et 2020. C’était principalement attribuable à la mise à jour des normes relatives à la contamination de la Chine. Ensuite, malgré les principes énoncés dans la Convention de Bâle qui concernent la gestion écologiquement rationnelle des déchets, les mouvements autorisés et le consentement en connaissance de cause des pays destinataires, nous continuons à expédier la majorité de nos déchets aux États-Unis, qui ne sont pas parties à la Convention de Bâle. On dirait presque qu’il y a une échappatoire.
Je voudrais revenir à la question de la sénatrice Galvez. Plus j’écoute, plus je pense que le projet de loi n’est pas nécessaire. Nous pourrions y ajouter un amendement pour mettre fin à tous les envois de plastique. Si nous continuons à expédier du plastique, cela ne résoudra pas le problème de la surconsommation qui génère des déchets plastiques dans notre propre pays. Si c’est sur le plan environnemental, alors faisons-le dans notre pays. Pourquoi les envoyer ailleurs?
Je ne comprends pas ce qui se passe ici.
Vous dites que les pays sont couverts par la primauté du droit, mais lorsqu’il s’agit de l’extraction des ressources, les entreprises canadiennes qui vont à l’étranger ne respectent même pas la loi existante. Essentiellement, elles détruisent des pays. La modification visant à mettre un terme à toutes les exportations de plastique résoudra-t-elle le problème? J’essaie de comprendre et il me semble que nous ne gérons pas correctement les déchets plastiques. Nous les envoyons dans différents pays qui n’ont vraiment pas... Ils ne donnent pas leur consentement, en fait.
M. Drouin : Je vais essayer de vous donner une réponse plus élaborée, car je pense que c’est ce que vous souhaitez tous. J’essaierai de faire quelques observations qui pourraient vous être utiles.
Tout d’abord, la décision qu’a prise la Chine de ne pas accepter de déchets en provenance de quelque pays que ce soit a d’importantes répercussions. D’autres pays asiatiques ont emboîté le pas. La baisse peut également s’expliquer par la pandémie de COVID, mais il y a aussi un grand changement dans le système. Cela oblige chaque pays à examiner sa capacité à gérer les déchets. Il s’agit là d’une conséquence claire.
Ce que le ministre Guilbeault a proposé fera en sorte — je vais essayer de le dire de façon un peu différente — que les plastiques dangereux et d’autres déchets dangereux ne seront pas expédiés vers des pays en développement. Les plastiques recyclables, donc pas les plastiques irrécupérables que vous avez mentionnés, sénatrice, pourront toujours être exportés, même vers les pays en développement, mais uniquement s’ils le souhaitent. Parfois, ils le veulent parce qu’ils ont des entreprises qui ont besoin de ces intrants comme matières premières.
Un autre type de déchets qui ne sera jamais couvert à l’avenir... Eh bien, à moins que la communauté internationale ne modifie la convention, mais en fait, il s’agit d’un plastique très propre. Il suffit de penser aux bouteilles en plastique mises en ballots, dont le mouvement n’est contrôlé par aucun pays dans le cadre de la Convention de Bâle.
C’est ce que les modifications proposées par le ministre Guilbeault prévoient en ce qui concerne les déchets plastiques. De plus, d’après ce que j’ai compris, le projet de loi S-234 interdira l’exportation de tout produit contenant une substance inscrite à l’annexe 7. Certains des composants ou polymères ne sont pas nécessairement des plastiques ou font parfois partie de la fabrication de certains produits en plastique, mais d’autres ne sont pas du tout des plastiques.
Le projet de loi S-234 créerait, en fait, un autre régime dans le cadre duquel il pourrait être difficile pour les entités réglementées de déterminer ce qu’elles doivent faire. Peuvent-elles exporter? Ont-elles besoin d’un permis d’exportation et du consentement d’un autre pays? Ou bien elles doivent trouver un moyen de vérifier si leur produit contient l’un des 32 composants de l’annexe 7 et, si c’est le cas, leurs déchets ne pourront être expédiés vers aucun pays. Voilà les deux types de régimes qui seront créés.
Certains des témoins qui ont comparu devant votre comité il y a deux jours ont dit que cela pourrait créer des problèmes sur le plan de la mise en œuvre parce qu’il pourrait être difficile de déterminer ce qui compose les déchets exactement, en regardant l’annexe 7. Cela crée de la confusion pour les entités réglementées quant à ce qu’elles peuvent ou ne peuvent pas faire.
Le projet de loi S-234 réglera-t-il la question des exportations illégales? Je pense que la réponse est non. Rien, dans quelque règlement que ce soit, ne permettra de résoudre le problème des exportations illégales à l’heure actuelle. Ce qui permettra de le résoudre, c’est la promotion de la conformité, l’application de la loi et la collaboration avec d’autres pays. Il s’agit là d’un véritable problème. Je tiens à être clair : les exportations illégales existent et tous les pays sont très préoccupés par le problème. Je ne sais pas si cela répond à vos questions.
La sénatrice McCallum : Pourquoi ne cessons-nous pas d’expédier nos déchets vers les États-Unis s’ils ne sont pas couverts par la convention? Pourquoi leur envoyons-nous la majorité de nos déchets pour qu’ils puissent ensuite faire n’importe quoi? Comment se fait-il que nous ne disions pas simplement « c’est fini »?
M. Drouin : Je ne sais pas si vous étiez ici ou non, mais je vais résumer ce que j’ai dit au sujet des États-Unis.
Les deux économies sont extrêmement intégrées et de nombreux types de produits traversent la frontière de façon régulière, ce qui inclut également les déchets. La convention autorise ce type d’échanges entre un pays qui est partie à la convention et un pays qui ne l’est pas. C’est l’accord bilatéral que nous avons conclu avec les États-Unis qui permet ces échanges.
Le même type d’accord existe pour l’Union européenne, par exemple. Au sein de l’Union européenne, les déchets circulent librement entre les États membres, un peu comme c’est le cas entre le Canada et les États-Unis. Si un plastique est dangereux, il est couvert par un autre type d’accord, que nous avons conclu avec les États-Unis, et la délivrance d’un permis est nécessaire. Ce qui circule librement, ce sont les plastiques propres et non dangereux. Si des déchets provenant du Canada sont envoyés aux États-Unis et qu’ils sont destinés à un autre pays, ils ne sont pas couverts par les accords bilatéraux avec les États-Unis. Ils sont couverts par la Convention de Bâle et nous avons besoin du consentement du pays destinataire. Sinon, nous ne délivrerons pas de permis.
Enfin, dans les échanges entre le Canada et les États-Unis, parfois entre une municipalité et une installation située à 60 kilomètres de là — mais aussi entre des entreprises canadiennes ou américaines qui ont des filiales de l’autre côté de la frontière —, ils peuvent échanger les déchets comme matière première pour un produit qu’ils recyclent.
Autrement dit, l’accord bilatéral avec les États-Unis est conforme aux obligations de la Convention de Bâle. Il permet de mettre en place ce type d’entente entre deux parties. Le Canada et d’autres pays ont signé ces accords pour des raisons qui, comme je l’ai mentionné, sont principalement liées à leurs liens commerciaux étroits, et ces deux pays sont très intégrés l’un à l’autre.
La sénatrice McCallum : Le Canada accepte-t-il des matières dangereuses? Est-ce que nous acceptons quoi que ce soit?
M. Drouin : Surtout entre les États-Unis et le Canada, il y a un échange presque égal entre les deux parties.
La sénatrice Anderson : Merci aux témoins.
Nous constatons une augmentation de la navigation maritime et des voyages par navire, y compris du nombre de navires de croisière et de petits navires, dans le passage du Nord-Ouest dans l’Arctique en raison du changement climatique. L’Arctique est l’un des océans les plus touchés par les déchets plastiques et les débris de partout dans le monde, ce qui a un effet nuisible sur les animaux que nous chassons, nos terres et la santé des membres de nos collectivités.
Pouvez-vous me dire ce que nous savons des activités qui se déroulent dans le passage du Nord-Ouest, étant donné que le Canada ne surveille pas l’Arctique de manière très efficace et compte tenu de l’incertitude liée à toute l’activité en provenance du Canada, de la Chine, de la Russie et d’autres pays? Disposez-vous d’une base de référence pour les déchets plastiques et les débris qui se retrouvent dans l’Arctique? D’autre part, comment faire en sorte que les nouvelles mesures législatives ne favoriseront pas les crimes de pollution dans le Nord et dans les eaux arctiques?
M. Drouin : Je vous remercie de vos questions, car elles sont extrêmement importantes.
La première, cependant, sur les navires, concerne un enjeu que je ne connais pas très bien. Je ne connais pas toutes les règles, surtout les règles internationales. Les fonctionnaires de Transports Canada seraient en mesure d’expliquer le fonctionnement exact de ce système.
Les données scientifiques sont catégoriques, n’est-ce pas? Les plastiques qui pénètrent dans l’environnement ont des répercussions importantes, probablement aggravées par la densité des animaux dans l’Arctique et dans le Nord, ainsi que par le fait qu’il y a peut-être moins d’installations de recyclage pour gérer les déchets.
Nous disposons d’une base de référence pour les déchets produits au Canada. Ces données sont ventilées par province et par territoire. Il faudrait que nous vous revenions au sujet de ces chiffres et que nous vérifiions si nous devons les regrouper pour l’Arctique, du moins la partie canadienne.
C’est la meilleure réponse que je puisse vous donner pour l’instant, et nous pourrons faire un suivi pour vous fournir d’autres données.
La sénatrice Anderson : Lorsque vous parlez de la base de référence pour l’Arctique, s’agit-il des collectivités ou des océans eux-mêmes?
M. Drouin : C’est probablement encore plus complexe. Nous examinerons ces données pour vérifier ce que nous avons, à la fois sur terre et dans l’océan.
La sénatrice Anderson : Je vous remercie beaucoup.
M. Drouin : Pour être honnête, il se peut que ces données soient limitées, mais nous les examinerons.
La sénatrice Anderson : Je tiens seulement à souligner qu’une grande quantité de déchets qu’on trouve dans l’Arctique ont été apportés et laissés dans nos sols par des entreprises. En raison du réchauffement des températures et du changement climatique, ces déchets sont maintenant exposés et beaucoup plus répandus que jamais auparavant sur nos terres. Cela a d’énormes répercussions sur la chasse de subsistance et sur la santé des habitants de nos collectivités, et nous aimerions donc que la région de l’Arctique soit davantage prise en considération dans le cadre de ce projet de loi — ou de tout autre projet de loi. Je vous remercie.
M. Drouin : J’aimerais préciser que le Nord fait l’objet de sérieuses préoccupations et que nous discutons avec Services aux Autochtones Canada et les territoires de quelques idées de projets pilotes qui pourraient être mis en place et qui contribueraient à résoudre le problème que vous venez de soulever. Je sais que mes collègues des territoires examinent aussi cet enjeu de près.
Pratiquement tout le monde s’entend sur le fait qu’il faudrait... Il s’agit de savoir de quelle manière s’y prendre, mais dans le contexte de la responsabilité élargie des producteurs, si les entreprises amènent des navires dans le Nord, elles devraient probablement prévoir la logistique inverse pour les ramener à un endroit dans le Sud où ils pourraient être traités, du moins jusqu’à ce que le Nord dispose des infrastructures nécessaires.
C’est en quelque sorte une idée qui est ressortie de l’atelier que nous avons organisé avec des représentants du gouvernement fédéral, des entreprises du secteur privé et des représentants des territoires au mois d’août dernier, si je me souviens bien.
La sénatrice Anderson : Si vous me permettez, j’aimerais ajouter que d’autres préoccupations concernent les navires de croisière et les déchets qu’ils déversent dans les voies navigables de l’Arctique, mais aussi les plus petits navires qui ne sont pas tenus de faire des rapports et qu’on qualifie de navires de recherche, mais qui ne font pas l’objet de contrôles fréquents.
Ce sont deux autres préoccupations importantes liées au trafic maritime. Je vous remercie.
Mme Rogers : Je peux parler très brièvement de l’immersion en mer et de tout type de déversement de déchets provenant de navires dans nos eaux.
La Loi canadienne sur la protection de l’environnement prévoit des règlements sur l’immersion en mer. Nous appliquons ces règlements. Je n’ai pas les chiffres sous les yeux, car ce n’était pas nécessairement notre objectif aujourd’hui, mais je pourrais vous fournir des renseignements sur nos activités en matière d’inspection et d’application de cette loi dans les eaux arctiques.
La sénatrice Anderson : Ce serait formidable, car je ne sais pas comment vous pouvez assurer une surveillance à cet égard.
Mme Rogers : Nous avons des agents dans chacun des territoires, et ils travaillent également en collaboration avec leurs partenaires des gouvernements territoriaux.
De plus, à titre de renseignement, nous nous concentrons également sur les navires de croisière en ce moment, pas nécessairement dans le Nord, mais nous nous penchons aussi sur les navires de croisière et les enjeux connexes.
La sénatrice Anderson : Je vous remercie.
[Français]
La présidente : Madame Rogers et monsieur Drouin, puisque cette question nous intéresse vraiment et qu’elle est très importante — la question du plastique qui flotte dans les océans, et l’illégalité ou la légalité de cette décharge dans l’océan —, j’aimerais que vous nous transmettiez cette information.
Si possible — parce que vous avez parlé de Pêches et Océans Canada et de Transports Canada —, si vous pouviez nous dire qui dans ces ministères pourrait nous répondre avant le 13 octobre prochain, nous l’apprécierions énormément.
[Traduction]
Et puisque nous avons un peu élargi la question et que vous avez mentionné que nous sommes loin de l’économie circulaire des plastiques... Vous avez dit que ce n’était pas pour demain et que cela prendra des années. En attendant, de grandes quantités de nos déchets sont envoyées aux États-Unis et, de là, vers d’autres pays un peu partout dans le monde, ce qui ajoute aux dépôts de plastiques existants.
Outre la responsabilité élargie, le Canada est l’un des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, c’est-à-dire l’OCDE, où on produit, par habitant, de plus en plus de déchets chaque année. C’est le problème à la source.
Je me souviens avoir discuté d’un programme très simple il y a 20 ans. Il s’agissait de payer en fonction de ce que l’on jette, car les gens qui jettent plus devraient payer plus. Le Québec avait lancé un projet incroyable, dans le cadre duquel METTLER — une entreprise de poids et mesures — travaillait avec un camion à ordures à l’échelle locale. Chaque fois que le camion soulevait les déchets d’une propriété, l’entreprise pesait ces déchets et ajustait les taxes de cette propriété en conséquence, et les gens payaient selon la quantité de déchets qu’ils jetaient.
Je pense que cela permettrait de ralentir la production de déchets, car les gens réagissent plus rapidement lorsque cela les affecte sur le plan financier. Pourquoi ne tient-on pas les contribuables canadiens responsables en les faisant payer pour les dégâts qu’ils causent?
M. Drouin : Je vous remercie de votre question, car c’est une question essentielle.
Je pense que les données de l’OCDE révèlent que le Canada est l’un des principaux producteurs de déchets plastiques par habitant, juste après les États-Unis.
Cependant, en termes absolus, nous produisons environ 10 fois moins que les États-Unis et quatre fois moins que la Chine, par exemple. Toutefois, notre production par habitant est très élevée et nous contribuons donc au problème. Dans le cadre des négociations au sujet d’un traité international visant à mettre fin à la pollution plastique, le Canada est à l’avant-garde en reconnaissant qu’il doit faire mieux.
Je suis tout à fait d’accord avec votre évaluation selon laquelle dans les endroits où on applique un principe du pollueur-payeur qui n’est pas fondé sur la réglementation, mais qui est plutôt utilisé comme un moyen d’incitation ou de dissuasion économique à l’aide d’outils économiques, comme le font certaines municipalités, par exemple lorsqu’il faut payer selon le poids des déchets ou lorsqu’on reçoit 10 sacs à ordures gratuits, mais qu’il faut payer 2 $ pour en recevoir davantage. Un grand nombre de ces mesures sont mises en œuvre à l’échelon municipal où, d’après ce que je comprends, la plupart de ces décisions sont prises.
La responsabilité élargie des producteurs crée ce type d’incitation, car les entreprises devront gérer leurs déchets et leur mode de production en fonction de conséquences financières. Cela les incitera à améliorer la conception de leurs produits ou à éliminer certains produits qui sont soit trop coûteux à recycler, soit tout simplement inutiles. C’est un autre outil quasi économique, mais c’est un outil que les provinces mettent en œuvre et c’est un outil par lequel le registre fédéral sur les plastiques, que nous lancerons cet automne, soutiendra ces programmes en nous fournissant des données.
Je suis donc tout à fait d’accord. De nombreuses solutions aux déchets plastiques sont moins complexes qu’on le croit. Certaines personnes ont vécu ou vivent sans plastique, et d’autres produits sont offerts.
La présidente : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je voudrais vous parler de ce que la Convention de Bâle dit ou ne dit pas sur l’acceptation d’un autre pays. Comment évalue-t-on si un pays accepte ou non de recevoir des déchets? C’est le gouvernement, ce sont les entreprises privées? Qui accepte? On sait qu’en Inde, que l’on accepte ou non, on brûle les déchets, ce qui est terrible. Est-ce suffisant? Quelle est la forme d’acceptation requise? Ce ne sont pas des tractations qui se font de gouvernement à gouvernement; ce sont des entreprises d’ici qui cherchent des clients ailleurs.
M. Drouin : Ultimement, ce sont les gouvernements qui ont la conversation et qui se notifient. Il y a un système en place qui permet au Canada, par exemple, de recevoir une demande d’un exportateur canadien qui dit qu’il souhaite exporter dans tel pays et que son partenaire d’affaires est celui-ci dans le pays en question. Le gouvernement canadien va communiquer avec le pays en question et dire : « Voici ce qui se passe; est-ce que vous voulez donner votre consentement pour recevoir ces déchets-là? » Si oui, on va émettre le permis qui contiendra des documents qui vont mentionner ce qui a été fait avec...
Par contre, je veux dire deux choses. Il arrive que les pays nous disent non, qu’ils ne veuillent pas les déchets. S’ils ne les veulent pas, il n’y a pas de permis. Au cours des quelques dernières années, il y a 13 permis qui n’ont pas été émis, parce que le pays ne voulait pas les déchets. Dans certains cas, le pays ne veut pas, parce qu’il n’y a pas d’écosystème pour traiter ces déchets-là. L’entreprise se dit capable d’accueillir ces déchets, mais le pays dit qu’il n’a pas de sous-traitant, pas de règlement, qu’il ne les acceptera pas. S’il ne les accepte pas, le Canada n’émet pas de permis. On ne fait pas de suivi avec le pays pour connaître la raison du refus.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais revenir sur le projet de loi qui est au cœur de notre étude. Si je comprends bien votre dernière explication, cela voudrait dire que le projet de loi couvre davantage de plastiques que la dernière réglementation, puisque le projet de loi interdit tous les plastiques à élimination définitive, dangereux ou pas. Si j’ai bien compris la réglementation, c’est purement pour les déchets plastiques dangereux. Mon interprétation est-elle juste?
M. Drouin : Elle est juste en partie. Ce que l’annexe 7 fait en réalité, c’est qu’elle couvre beaucoup de produits qui ne sont pas des plastiques. L’annexe 7 couvre beaucoup de produits qui ne sont pas des plastiques. L’annexe 7 inclut des composantes chimiques. Il y a 32 composantes chimiques, et plusieurs de ces composantes ne se retrouvent pas dans les produits de plastique. Autrement dit, il y aurait une prohibition de produits qui ne sont pas des plastiques.
La sénatrice Miville-Dechêne : C’est pour cela que vous dites que ce serait difficile pour les compagnies de fonctionner avec une loi et des règlements?
M. Drouin : Le collègue de la Ville de Toronto vous a assez bien expliqué la situation en disant qu’il y a deux enjeux. Le premier est que l’annexe 7 contient des composantes chimiques qui pourraient se retrouver dans les déchets municipaux, mais on n’aura pas la possibilité de savoir exactement combien, parce que tout est mélangé, et parce que ce n’est pas un produit qu’on pourrait voir dans les ballots et identifier comme étant du plastique ou pas. Cela crée une certaine difficulté.
L’autre difficulté, des intervenants de l’industrie l’ont mentionnée souvent : cela devient difficile pour eux de savoir exactement toutes les composantes qui se trouvent dans leurs produits. Il y aurait beaucoup de produits qui seraient interdits à l’exportation, dont des produits qui ne sont pas des plastiques.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous qui êtes dans ce domaine, qu’est-ce qui est le plus contraignant pour l’entreprise privée? Est-ce que c’est une loi adoptée en bonne et due forme au Canada ou la Convention de Bâle avec des règlements? Est-ce que cela peut avoir un impact sur la hauteur des sanctions? Ce sont des conventions non contraignantes à la base.
M. Drouin : La Convention de Bâle, une fois qu’un pays comme le Canada l’a acceptée, devient contraignante. C’est une obligation internationale. Actuellement, le Canada a des obligations internationales conformément à la Convention de Bâle et aux amendements sur le plastique adoptés en 2019. Ce que le ministre Guilbeault a présenté va nous obliger à assumer de nouvelles obligations à cause de l’amendement à la Convention de Bâle portant interdiction. Le traité des Nations unies est légalement contraignant.
La sénatrice Miville-Dechêne : Quand on s’y soumet.
M. Drouin : Oui, quand on s’y soumet. Le Canada a accepté la convention et les amendements sur les déchets plastiques et il va accepter au cours des prochains mois l’interdiction d’exporter les déchets.
[Traduction]
Dès qu’on l’accepte, on doit s’y soumettre.
[Français]
Vous avez demandé si c’était une convention, une loi, un règlement. C’est l’ensemble qui fait en sorte que le système se tient et qu’il y a les capacités nécessaires pour le mettre en œuvre. La Loi canadienne sur la protection de l’environnement donne au ministre le pouvoir d’accepter ou de ne pas accepter un permis, mais lui permet également d’imposer des sanctions. C’est un point important. La réglementation permet d’établir les conditions au moyen desquelles le ministre se décharge de ses obligations légales.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
Heather McCready, directrice générale, Affaires législatives et réglementaires, Environnement et Changement climatique Canada : Merci pour les questions.
[Traduction]
J’ai le plaisir de pouvoir fournir quelques renseignements supplémentaires, ce qui me donne l’impression d’être utile.
Monsieur Drouin a raison, bien entendu, en ce sens que tous ces éléments se conjuguent pour former un régime complet. Pour qu’une règle, un traité ou une convention internationale à laquelle le Canada a adhéré ait des répercussions au Canada — de sorte que si les Canadiens violent ces mesures, une sanction quelconque sera appliquée —, il faut les enchâsser dans le droit et les règlements canadiens, et les règlements sont des créations de la loi.
Nous avons la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et les divers règlements qui en découlent. La Convention de Bâle est mise en œuvre au Canada par l’entremise de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et des règlements qui en découlent. Ces textes fournissent des outils que les responsables de l’application de la loi au Canada peuvent ensuite utiliser. Dans certains cas, ces affaires se retrouvent devant les tribunaux et des pénalités sont appliquées à la suite de poursuites judiciaires. Dans d’autres cas, comme on l’a mentionné, il y a des sanctions administratives pécuniaires, qui découlent de procédures civiles.
Je perçois certainement une certaine frustration lorsque nous ne pouvons pas répondre directement à la question de savoir si nous soutenons ce projet de loi. Le gouvernement n’a pas encore adopté de position officielle sur le sujet, et cette position sera en partie fondée sur les témoignages entendus aujourd’hui. Cependant, le projet de loi S-234 est pratiquement identique au projet de loi C-204 et, comme M. Drouin l’a mentionné dans sa déclaration préliminaire, la position officielle du gouvernement au sujet de ce projet de loi a été rendue publique, et nous pouvons donc vous y renvoyer.
Cela ne signifie pas nécessairement que nous adopterons une position identique au sujet du projet de loi actuel. Nous devons encore écouter tous les témoins et nous faire une opinion, mais entretemps, nous vous renvoyons aux témoignages d’autres témoins, comme l’a fait M. Drouin, qui ont souligné certains problèmes potentiels, notamment la mise en œuvre de deux régimes qui se chevauchent et les problèmes potentiels liés à l’application, en plus de l’interdiction d’exporter des choses qui pourraient avoir de la valeur pour les pays où elles sont envoyées. Tous les déchets ne sont pas nécessairement nuisibles et mauvais.
Dans le cadre de l’économie circulaire, nous tentons d’extraire une valeur des déchets et de les utiliser pour éviter qu’ils ne soient détruits. Certains pays souhaitent avoir ces déchets et les utiliser de manière productive et sans danger pour l’environnement, et nous ne souhaitons pas nécessairement empêcher cela.
Comme je l’ai déjà dit, le gouvernement n’a pas encore adopté de position officielle sur la question, et c’est la raison pour laquelle nous semblons hésiter lorsque nous répondons aux questions. Ce n’est pas intentionnel.
Le sénateur Wells : Je tiens à remercier les témoins d’avoir accepté de rester plus d’une heure. Je trouve cette discussion utile et je vais utiliser votre temps.
Madame McCready, après la question de ma collègue sur la réduction des déchets et les raisons pour lesquelles nous les envoyons ailleurs, M. Drouin a mentionné la promotion des innovations canadiennes et ce genre de choses. À titre de directrice générale, Affaires législatives et réglementaires, pouvez-vous m’expliquer la logique qui sous-tend la décision de ne pas accorder d’exemption aux sacs en plastique à usage unique, rapidement compostables, inventés au Canada et entièrement biodégradables? Pour un Canadien ordinaire, il semble qu’il s’agit d’une très bonne idée, d’une très bonne innovation et d’une très bonne invention, car cela permet de réduire les déchets plastiques dans les décharges. Pouvez-vous nous éclairer sur cette question?
Mme McCready : Je n’essaie pas d’être insolente, mais à titre de directrice générale des affaires législatives et réglementaires, je m’occupe davantage des processus législatifs et réglementaires. Monsieur Drouin est l’expert en matière de plastique. Je vais donc respectueusement rester dans mon coin et passer la rondelle à ma droite.
M. Drouin : Je vous remercie. Je pense que la réponse directe, c’est qu’il n’y a pas de preuves scientifiques selon lesquelles les sacs de magasinage compostables, par exemple, se décomposent dans l’environnement. Parfois, ces produits doivent être traités dans des installations industrielles où règnent des conditions très particulières sur le plan de la température et de l’humidité. Ces conditions ne se retrouvent pas dans l’environnement canadien. Lorsqu’un sac de magasinage en plastique fabriqué à partir de produits pétroliers, qu’il soit compostable ou non, se retrouve dans l’environnement, il a deux effets. Premièrement, il peut étrangler des animaux. Nous avons tous vu des histoires de ce genre dans les journaux. Deuxièmement, il est possible qu’il ne se désintègre pas suffisamment pour éviter de nuire à l’environnement et de créer des microplastiques, ce qui peut représenter un problème. Au Canada, nous avons des centaines de compétences, c’est-à-dire des municipalités, qui ne veulent pas recevoir ces sacs compostables parce qu’ils contaminent leur système.
Je pense que notre collègue de la Ville de Toronto a très bien expliqué cela il y a deux jours.
Le sénateur Wells : Savez-vous de quel sac je parle, c’est-à-dire celui qui était…
M. Drouin : Oui.
Le sénateur Wells : Êtes-vous en train de dire que ce sac n’est pas entièrement compostable dans les conditions appropriées?
M. Drouin : Il n’est pas…
Le sénateur Wells : Parce que je parle de ce sac, et non des autres sacs.
M. Drouin : Je pense que je comprends parfaitement de quel sac vous parlez. Lorsque ces types de sacs se retrouvent dans l’environnement, ils ne se décomposent pas, car ils ont été conçus pour être traités dans une installation industrielle qui est dotée de composantes et de conditions très précises qu’on ne retrouve pas dans l’environnement canadien. C’est la raison pour laquelle ces sacs sont interdits.
Le sénateur Wells : Je vous remercie.
Madame Rogers, j’aimerais revenir à la discussion que nous avons eue plus tôt sur les codes SH et les données existantes. Les données que le Pakistan, le Bangladesh, le Vietnam, l’Inde et les Philippines fournissent sur leurs importations pourraient vous être utiles et vous pouvez les consulter, car ces pays mettent ces données à la disposition de tous. Vous y verrez également des données sur les exportations canadiennes. Bien entendu, il sera trop tard, car ces marchandises auront quitté les ports canadiens depuis longtemps. Ces pays en développement fournissent donc ces données gratuitement au public. Le Canada ne fait pas cela. Je reviens à la question du sénateur Massicotte au sujet d’une inspection mensuelle ou d’une mesure semblable. Je veux dire par là que si j’essayais d’envoyer des produits illégaux ou des plastiques se trouvant sur une liste de produits interdits et que je savais qu’il y a très peu de chances qu’ils soient détectés, je peux imaginer que quelqu’un pourrait modifier le code SH pour faire sortir ces produits du pays. Je sais que nous ne faisons pas cela, mais si les intervenants de l’Agence des services frontaliers du Canada, c’est-à-dire l’ASFC, ou d’Environnement Canada peuvent s’adresser au Bangladesh, à l’Inde, à l’Afghanistan, au Pakistan et aux Philippines pour obtenir des données, ne serait-il pas préférable que ces données soient facilement et publiquement accessibles à partir de la source canadienne?
Mme Rogers : Comme je l’ai déjà dit, je n’essaie pas de contourner la question. Comme je l’ai dit, nous tenons compte de grandes quantités de données. Nous tentons de repérer des tendances. Nous avons embauché plusieurs excellents scientifiques des données qui sont en mesure d’analyser un grand nombre de renseignements, et ils sont certainement toujours à la recherche de sources supplémentaires. Ainsi, si de telles sources pouvaient devenir publiques, ils en tiendraient certainement compte.
Le sénateur Wells : Ce serait bien d’obtenir les données à la source plutôt qu’à la destination.
La sénatrice McCallum : Je veux simplement revenir à ce que vous avez dit sur l’utilisation réduite du plastique durant la COVID. Son utilisation a plutôt augmenté. Durant la pandémie de COVID-19, l’emploi de plastique à usage unique a augmenté, et au sommet de l’éclosion, des responsables provinciaux de la santé déconseillaient l’utilisation de sacs réutilisables. La nouvelle source de pollution par le plastique était l’équipement de protection individuelle à usage unique, qui n’a toujours pas été mis de côté.
Concernant les matières que nous exportons, on les compte en tonnes, et 70 % d’entre elles sont rejetées sous forme de déchets. Au Canada, 86 % des matières terminent dans des dépotoirs. Nous parlons là de tonnes et de tonnes de déchets. Avec ce projet de loi, nous cherchons à contrôler la pollution et à gérer les déchets. Cela correspond à la partie 7 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, n’est-ce pas? Si nous voulons contrôler la pollution, pourquoi ne la contrôlons-nous pas dans notre propre pays? Il semble que le projet de loi ne ratisse pas assez large, parce que nous ne nous attaquons pas à la raison principale pourquoi nous produisons tous ces déchets.
C’est pourquoi je veux amender ce projet de loi. Je veux m’attaquer au problème de la pollution causée par le Canada. La sénatrice Anderson a parlé du crime de la pollution, et pourtant nous nous en rendons coupables dans notre propre pays, mais nous ne faisons rien pour y remédier. Je crains que ces déchets aboutissent dans les eaux douces et causent du tort aux oiseaux, aux animaux et aux humains.
Pourriez-vous parler davantage de la gestion de la pollution que nous créons nous-mêmes?
M. Drouin : Si je comprends bien, vous déplorez qu’un très haut pourcentage des déchets se retrouve dans les dépotoirs. Dans d’autres pays, les déchets finissent à l’incinérateur, parce que c’est leur façon de faire, mais je pense qu’en fin de compte, nous avons tous le même problème. Notre taux de recyclage se situe à environ 8 ou 9 % au Canada, tout comme dans bien d’autres pays. C’est la première chose que je dois dire, car nous avons en effet un problème. Nous appliquons toujours un modèle économique linéaire aux plastiques, et nous devons passer à un modèle circulaire.
Le travail est enclenché, mais vous dites qu’il n’avance pas assez vite. Je ne vais pas vous contredire. En réalité, les gouvernements prennent des mesures et mettent en place des règlements justement pour accélérer la cadence. Pouvons-nous renforcer notre capacité de recycler le plastique au Canada? D’abord et avant tout, il faudrait probablement utiliser moins de plastique qu’à l’heure actuelle. Ensuite, il faudrait réutiliser le plastique et avoir plus d’options pour ce faire. Il y a aussi la réparation et le réusinage qui permettraient de prolonger la vie utile des produits en plastique.
Nous devons retirer ces produits de l’économie, notamment les produits en plastique à usage unique, car ils ne sont pas nécessaires et n’ont pas de fonction essentielle. Ces produits causent de la pollution, et il existe d’autres solutions. C’est pourquoi le gouvernement a banni certains produits de plastique à usage unique, et nous allons examiner la possibilité d’en interdire d’autres.
Nous devons créer des incitatifs économiques au recyclage. Une politique essentielle pour le Canada, que nous allons mettre en œuvre dès cet automne, consiste à exiger que les emballages en plastique contiennent une certaine quantité de plastique provenant des déchets et du recyclage. Nous espérons que cette politique permette d’augmenter le pourcentage de 8 à 9 % que nous venons de citer. Si du jour au lendemain, les bouteilles de plastique ou les résines de plastique ont une valeur économique et doivent être intégrées aux nouveaux produits, les entreprises n’auront pas le choix d’agir. Elles devront concevoir de meilleurs produits pour qu’ils soient facilement recyclables. Les produits seront étiquetés comme étant recyclables ou non, ce qui réduira la confusion chez les consommateurs. Toutes ces mesures, y compris la responsabilité élargie des producteurs dans les programmes des provinces et territoires, inciteront fortement l’industrie à investir dans l’infrastructure pour recycler les déchets qui arriveront dans les installations de recyclage.
L’idée, c’est d’amener le secteur privé à investir dans l’infrastructure et l’innovation. Nous savons qu’au Canada, le manque à gagner en infrastructure s’élève à environ 8 milliards de dollars. C’est donc tout un pari que le pays doit tenir, mais les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s’y attellent, dans le respect des compétences de chacun. Ces mesures vont créer le genre de climat que vous souhaitez et qui nous manque à l’heure actuelle.
Comme je le disais plus tôt, les résultats seront davantage apparents en 2025, 2026 et 2027 partout au pays. C’est la trajectoire que nous suivons. L’interdiction des produits en plastique à usage unique a déjà commencé. Il sera illégal de vendre ces produits à partir de décembre 2023, par exemple. À partir de 2024, leur exportation sera également interdite. Donc, il sera impossible de produire des ustensiles en plastique à usage unique au Canada et de les vendre dans un autre pays. Ce sera interdit aussi. Ces changements s’en viennent. Le pays a déjà amorcé la transition.
La présidente : Je vous remercie beaucoup. Avant de donner la parole à la sénatrice Miville-Dechêne, j’aimerais savoir si vous pouvez nous envoyer la liste des substances inscrites à l’annexe 7 du projet de loi qui ne sont pas des plastiques, selon vous. Pourriez-vous nous la faire parvenir?
M. Drouin : Oui, nous pourrons le faire.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : On a besoin de cela; est-ce un nombre élevé? Il y a 32 produits; est-ce que plusieurs d’entre eux ne sont pas des plastiques?
M. Drouin : Personnellement, je ne peux pas vous répondre maintenant, mais on pourra vous répondre plus tard.
[Traduction]
La présidente : Veuillez nous l’envoyer d’ici le 13 octobre.
Nous répétons constamment que nous n’allons pas assez vite, au Canada. Le problème va croissant, parce qu’il faut aller plus vite pour adopter le modèle économique circulaire et mieux gérer nos déchets au Canada. Pouvez-vous nous faire une recommandation pour accélérer les efforts à votre ministère? Nous sommes les législateurs. Je dirais que nous avons du pouvoir. Sinon, je ne sais bien pas qui en a. Que pourriez-vous nous recommander pour accélérer la cadence et gérer nous-mêmes nos déchets de façon responsable?
M. Drouin : Il y a clairement des mesures extrêmement utiles, sur le plan collectif. Cette étude crée un débat parmi les intervenants, vous obtenez leur point de vue. Cette étude va aider le gouvernement à prendre position. C’est déjà quelque chose.
Vous entendez une large palette d’intervenants qui vous indiquent ce que le projet de loi fera ou non. C’est extrêmement utile, tout comme le fait de garder le débat ouvert. Il est très pertinent, dans cette conversation, de tenir compte des particularités régionales que vous avez mentionnées aujourd’hui. Cela alimente notre réflexion et l’analyse que nous menons au ministère.
Autrement dit, il est très utile de favoriser les discussions sur les exportations et sur notre capacité de gérer les déchets au pays. Vous pourriez aussi inviter d’autres témoins qui seront touchés par le projet de loi pour en discuter avec eux. Toutes ces mesures sont extrêmement utiles pour nous et le gouvernement.
La présidente : Je vous remercie.
Tonina Simeone, directrice générale par intérim, Direction générale des terres et de l’environnement, Terres et développement économique, Services aux Autochtones Canada : Concernant la question de la sénatrice McCallum portant sur les stratégies de réduction des déchets, je précise pour le comité que le gouvernement fédéral soutient divers projets visant à réduire les déchets plastiques ou les déchets en général, notamment l’Initiative de gestion des matières résiduelles des Premières Nations. Ainsi, nous finançons le Groupe consultatif technique autochtone sur la stratégie zéro déchet et d’autres organisations au pays, avec lesquelles nous travaillons étroitement. Nos efforts s’inscrivent dans le cadre de stratégies éducatives d’initiative communautaire, de partenariats et d’initiatives zéro déchet visant à diminuer la quantité de déchets générés par les communautés autochtones et à réacheminer ces déchets vers des centres de recyclage réglementés et autorisés en dehors des réserves.
Je voulais simplement vous faire remarquer que les communautés autochtones ont accès à du financement fédéral depuis 2016, année où nous avons lancé ce programme. La réduction des déchets en est un élément essentiel.
La présidente : Chers collègues, avez-vous d’autres questions à poser? Nous avons posé toutes les questions que nous avions. Je vous remercie, vous tous ainsi que les témoins.
(La séance est levée.)