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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 2 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs et sénatrices, je m’appelle Rosa Galvez, je suis une sénatrice du Québec et je suis présidente du comité. Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Je vais commencer par un petit rappel. Avant de poser des questions et d’y répondre, je demanderais aux membres et témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité dans la salle.

[Traduction]

J’invite mes collègues du comité à se présenter.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Sénatrice Julie Miville-Dechêne, du Québec.

Le sénateur Gignac : Sénateur Clément Gignac, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta.

La sénatrice Anderson : Sénatrice Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La présidente : Bienvenue à vous tous et à ceux qui suivent nos délibérations aux quatre coins du pays.

Aujourd’hui, le comité a invité des représentants du gouvernement à comparaître dans le cadre de son étude spéciale sur les changements climatiques et l’industrie pétrolière et gazière canadienne. D’Environnement et Changement climatique Canada, nous accueillons John Moffet, sous-ministre adjoint, Direction générale de la protection de l’environnement; Jacqueline Gonçalves, directrice générale, Rapports et évaluation scientifiques, Direction générale des sciences et de la technologie; Lindsay Pratt, directeur, Inventaires et rapports sur les polluants, Direction générale des sciences et de la technologie; Matthew Watkinson, directeur, Analyse réglementaire et valuation, Direction de la politique stratégique.

Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation. Environnement et Changement climatique Canada a déjà comparu devant le comité à ce sujet le 22 novembre 2022, mais il reste des questions à poser. Merci à l’avance de la gentillesse dont vous avez fait preuve en revenant pour répondre à ces questions.

Comme il n’y a aucune déclaration liminaire, nous allons passer directement aux questions.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue. Merci d’avoir accepté de revenir au comité pour clarifier certains chiffres et certaines choses qui ont été dites il y a un certain temps. La situation évolue.

Selon une analyse effectuée par les chercheurs du Fonds monétaire international qui a été publiée cette année, les subventions canadiennes aux énergies fossiles ont dépassé les 50 milliards de dollars en 2022, ce qui représente environ 2 % du produit intérieur brut.

Êtes-vous d’accord avec ces chiffres, qui me semblent quand même très élevés? De plus, pouvez-vous nous fournir un tableau avec le détail de ces dépenses? Je sais que vous en avez parlé au début de cette entente, mais étant donné le nombre de programmes, j’avoue que je suis un peu perdue dans les chiffres.

J’aimerais savoir ceci : pour ce qui est de la subvention aux énergies fossiles et à la décarbonation, où vont ces 50 milliards de dollars?

Enfin, j’aimerais d’abord savoir si ces chiffres sont exacts, à votre avis, pour ce qui est des subventions directes ou indirectes à l’énergie fossile.

[Traduction]

Matthew Watkinson, directeur, Analyse réglementaire et valuation, Direction de la politique stratégique, Environnement et Changement climatique Canada : Merci. Dans l’élaboration du cadre relatif aux subventions inefficaces aux combustibles fossiles, le gouvernement du Canada — parmi les autres membres du G20 — a pris la mesure sans précédent de proposer un cadre tourné vers l’avenir pour empêcher la mise en œuvre de mesures qui seraient considérées comme des subventions inefficaces aux combustibles fossiles. Dans ce contexte, nous avons examiné le monde des subventions. Sur le plan fiscal, le ministère des Finances a éliminé neuf mesures. Lorsqu’on passe en revue les diverses études qui existent, et il y en a beaucoup, l’une des choses à ne pas oublier, c’est la grande importance des définitions. Selon la définition retenue de la notion d’« inefficacité », on pourrait se demander si toutes les subventions accordées à l’industrie pétrolière et gazière sont jugées inefficaces. Il y a aussi des questions de portée.

Au Canada, nous avons trois mécanismes pour réformer les subventions au secteur des combustibles fossiles. L’un de ces mécanismes est le soutien que nous accordons au niveau international, et il s’agit des lignes directrices de la Déclaration de Glasgow dont Ressources naturelles Canada est le principal responsable. Ensuite, le cadre relatif aux subventions inefficaces aux combustibles fossiles est limité aux subventions définies par l’Organisation mondiale du commerce, ou OMC. Ces subventions appuient les entreprises ou leur confèrent un avantage direct; les forces du marché ne jouent pas. Des travaux sont en cours sur la réforme du financement public. Il s’agit d’éliminer progressivement le financement public du secteur des combustibles fossiles.

Dans l’éventail de ces différentes études, il importe vraiment de savoir si on vise le financement public, car cela peut entraîner une énorme différence dans les chiffres, et il faut aussi préciser si on définit tout le soutien au secteur des combustibles fossiles comme inefficace ou le considère comme tel. On trouve une vaste gamme de chiffres dans les études. Dans ce travail sur les subventions inefficaces aux combustibles fossiles, nous insistons sur le fait que le cadre est tourné vers l’avenir et que le Canada est le premier pays à publier ces lignes directrices pour prévenir de futures subventions. Le ministère des Finances a fait un travail important pour éliminer progressivement un certain nombre de mesures fiscales.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je comprends bien que vous êtes en plein milieu d’une réforme pour essayer d’éliminer les subventions inefficaces telles qu’elles sont définies.

Cela dit, ma question était assez pointue. J’imagine que les définitions comptent, mais si on définit de façon large les sommes que le gouvernement investit dans le pétrole, dans les énergies fossiles, cela correspond-il à 50 milliards de dollars en 2022?

[Traduction]

M. Watkinson : Je l’ignore.

John Moffet, sous-ministre adjoint, Direction générale de la protection de l’environnement, Environnement et Changement climatique Canada : Puis-je proposer, honorable sénatrice, que nous fassions un suivi et que nous vous fournissions la liste de ce que le gouvernement considère comme des subventions aux combustibles fossiles, ainsi qu’une comparaison avec le rapport du Fonds monétaire international, ou FMI, que vous avez mentionné. Je songe à ce total de 50 milliards de dollars.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ce serait formidable et, si possible, je voudrais avoir une ventilation de tous ces chiffres pour comprendre de quoi il retourne. Comme vous le dites vous-même, tout dépend de ce que nous calculons — de ce que nous prenons en considération ou non —, mais les législateurs et sénateurs que nous sommes doivent comprendre les détails. Merci.

La présidente : Auriez-vous l’obligeance d’envoyer cette information à la greffière dans les prochains jours? Ce serait possible?

M. Moffet : Nous allons devoir communiquer avec nos collègues du ministère des Finances. Nous devrions pouvoir dire à la greffière quand il sera possible de lui transmettre l’information, mais je ne peux pas pour l’instant prendre un engagement pour un autre ministère. Nous vous renseignerons sur les délais.

La présidente : Merci.

Le sénateur Wells : J’allais poser une question complètement différente, mais je voudrais revenir sur la question de la sénatrice Miville-Dechêne au sujet des subventions inefficaces aux combustibles fossiles. Je suppose qu’il s’agit de subventions inefficaces, n’est-ce pas?

M. Watkinson : Oui, les subventions inefficaces sont définies dans le cadre établi par le gouvernement.

Le sénateur Wells : Pouvez-vous me donner un exemple simple d’une subvention inefficace?

M. Watkinson : Tout ce qui pourrait accroître la production de pétrole et de gaz.

Le sénateur Wells : Certains estiment que c’est efficace?

M. Watkinson : Dans ce cas-ci, il y a six critères qui définissent ce qui serait considéré comme une subvention efficace aux combustibles fossiles dans le contexte de cette politique : la subvention permet une réduction nette significative des émissions de GES au Canada ou à l’échelle internationale en concordance avec l’article 6 de l’Accord de Paris; elle soutient les énergies propres, les technologies propres ou les énergies renouvelables; elle permet de fournir des services énergétiques essentiels à des collectivités éloignées; elle fournit un soutien à court terme pour les interventions d’urgence; elle soutient la participation économique des Autochtones aux activités liées aux combustibles fossiles; elle soutient des procédés de fabrication à émissions réduites ou des projets qui ont un plan crédible pour parvenir à des émissions nettes nulles d’ici à 2030.

Le sénateur Wells : Merci. C’est intéressant, car il est formidable d’aider les communautés autochtones et de favoriser certains efforts écologiques — sur lesquels je suis d’accord. Mais cela fait partie des subventions à une société pétrolière. Ai-je bien compris? Je m’intéresse à la gamme plus générale des subventions aux combustibles fossiles. Lorsqu’il en est question, tout le monde suppose, moi le premier, que c’est de l’argent ou des fonds qui vont à l’industrie des combustibles fossiles, mais certaines subventions soutiennent des efforts écologiques ou la sensibilisation des communautés autochtones. Ou il peut y avoir d’autres grandes catégories qui ne sont pas nécessairement de l’argent comptant remis aux grands producteurs. Ai-je bien compris?

M. Watkinson : Une forme de subvention jugée inefficace est la subvention à la consommation. Nous n’en avons pas beaucoup au niveau fédéral au Canada. Mais certains de nos pairs du G20 ont examiné les subventions à la consommation — les subventions aux consommateurs qui encourageraient le gaspillage forment une catégorie. Dans le contexte de cette politique, lorsqu’on examine le soutien gouvernemental au secteur, l’intention générale est d’appuyer ses efforts de décarbonisation.

Le sénateur Wells : J’ai une dernière brève question à poser pendant le premier tour. Vous avez parlé de l’appui international à la Déclaration de Glasgow. Je suppose que cela se rattache à une autre subvention — ou s’agit-il de la même? Qui reçoit cet argent? Lorsqu’il s’agit d’un investissement ou d’argent dépensé par le gouvernement du Canada, qui reçoit cet argent?

M. Watkinson : Nos lignes directrices pour la mise en œuvre du cadre de la Déclaration de Glasgow couvrent le soutien du Canada à des projets internationaux relatifs aux combustibles fossiles...

Le sénateur Wells : Les projets verts à l’échelle internationale? Selon votre définition, cela serait une subvention à l’industrie pétrolière et gazière.

M. Watkinson : C’est possible, et Ressources naturelles Canada administre cette politique, mais elle couvre à la fois les subventions et des éléments auxquels les conditions commerciales s’appliquent, y compris les prêts ou les activités d’Exportation et développement Canada, ou EDC, par exemple.

La présidente : À propos de subventions, je me souviens d’avoir vu aux informations que, pendant la COVID-19, EDC a non seulement collaboré ou aidé à l’exportation des combustibles fossiles, mais qu’elle a aussi donné une aide au niveau national. Pouvez-vous préciser dans la réponse que vous enverrez s’il s’agit d’une subvention efficace ou inefficace?

M. Watkinson : EDC fonctionne selon les règles du marché, de sorte que sa participation n’est pas considérée comme une subvention. Elle offre des prêts, des garanties de prêt et de l’assurance aux conditions du marché.

L’activité d’EDC n’est pas visée par le cadre des subventions inefficaces aux combustibles fossiles, mais par la prochaine phase des travaux, qui porte sur le financement public.

La présidente : Merci.

La sénatrice Sorensen : Je suis heureuse de vous revoir tous.

J’ai quelques questions à poser au cours de la matinée pour en apprendre davantage sur certains programmes fédéraux qui sont là pour faciliter la transition, ainsi que pour connaître le taux d’adhésion à ces programmes et les obstacles à surmonter. Je vais poser mes questions à la personne la mieux placée pour y répondre.

La première porte sur l’électricité propre. Si je ne m’abuse, la période de consultation officielle sur le projet de règlement fédéral sur l’électricité propre prend fin à minuit aujourd’hui. Avez-vous une mise à jour à nous proposer sur le niveau d’intérêt des Canadiens et sur le calendrier de l’élaboration du règlement? Envisage-t-on que ce puisse être en 2024?

M. Moffet : Oui, la période officielle prévue pour réagir au projet de règlement se termine aujourd’hui.

Nous ne fermons pas la porte à d’autres interventions. Nous échangeons beaucoup avec de nombreux fournisseurs d’électricité dans certaines provinces, ce qui répond en partie à votre question sur le niveau d’intérêt. Il est très élevé. Vous suivez l’actualité; il y a eu un certain discours, mais il y a aussi eu beaucoup de rétroaction très pratique, et l’accent est mis sur la façon d’atteindre l’objectif de la réglementation, qui, je crois, reçoit un appui généralisé : il faut élargir le réseau et s’assurer qu’il est propre. Et nous devons y parvenir avant 2050. Pourquoi? Parce que, si on veut que le reste de l’économie atteigne la carboneutralité d’ici 2050, de nombreux secteurs de l’économie devront compter sur l’électricité propre. Il faudra que nous puissions recharger nos voitures en ayant l’assurance qu’elles utilisent de l’électricité propre. Les bâtiments passent au chauffage électrique. De nombreuses industries font la transition vers des sources d’énergie électrique. Pour accomplir tout cela d’ici 2050, nous avons besoin d’un réseau plus vaste et plus propre bien avant 2050. C’est l’objectif, mais nous devons y arriver en continuant de fournir de l’électricité fiable et abordable — et c’est la nature de l’engagement auquel nous participons.

Comment pouvons-nous établir des balises pour y arriver, mais sans créer de conséquences imprévues qui entraîneraient des hausses spectaculaires du prix de l’électricité, ou des défis liés à la fourniture d’une énergie fiable, au moment où nous commençons à mettre en place de nouvelles sources d’énergie qui pourraient être intermittentes, comme l’énergie éolienne et l’énergie solaire?

La sénatrice Sorensen : Pensons-nous que d’ici 2024, nous obtiendrons des résultats concrets?

M. Moffet : Nous avons dit publiquement que nous avions l’intention de nous entendre sur les changements à apporter au projet de règlement d’ici la fin de l’année civile, ce qui signifie que nous serions en mesure de publier le règlement final d’ici le milieu de l’année prochaine.

La sénatrice Sorensen : Merci.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Du point de vue des subventions, vous allez remettre une liste de cinq critères auxquels il faut satisfaire. Pour cette liste dont vous avez parlé, les gens ont-ils reçu une subvention ou non? Je suis un peu confus par rapport à tout cela.

[Traduction]

M. Watkinson : Je n’ai pas compris la dernière partie de la question.

Le sénateur Massicotte : Autrement dit, pour les six critères que vous avez énumérés — l’aide aux Autochtones et tout le reste — ces subventions sont-elles inefficaces ou efficaces?

M. Watkinson : Les critères ont défini ce qui serait efficace ou permis.

Le sénateur Massicotte : L’un d’eux est un prêt à la communauté autochtone pour qu’elle participe à l’industrie pétrolière et gazière. Est-ce une subvention inefficace ou efficace?

M. Watkinson : Ce serait une subvention efficace. Il faut donc respecter...

Le sénateur Massicotte : Donc, pour quiconque est admissible, le fait est qu’elles sont automatiquement jugées inefficaces?

M. Watkinson : Non, désolé, si les subventions répondent à l’un des six critères, elles sont jugées efficaces et donc autorisées.

Le sénateur Massicotte : Permettez-moi de revenir là où j’en étais. Je voudrais vous parler de l’ensemble du programme de captage du carbone.

Nous avons prévu beaucoup d’argent, environ 12 milliards de dollars à cette fin. C’est beaucoup. Combien d’argent cela représente-t-il et où est-il affecté? Avons-nous conclu des ententes? Sommes-nous sur le point d’en conclure? Y a-t-il des échanges en cours?

M. Moffet : Je peux répondre à cette question.

Je ne sais pas d’où vient le chiffre de 12 milliards de dollars.

Le sénateur Massicotte : Est-ce le bon chiffre?

M. Moffet : Je ne pense pas qu’il y ait un bon chiffre, et je vais vous expliquer pourquoi. Je n’essaie pas de faire le difficile.

Il y a essentiellement deux séries de mesures. Il y a d’abord un crédit d’impôt à l’investissement, et le ministère des Finances est en train de mettre la dernière main à un crédit pour les activités de captage et de stockage du carbone. Il chiffre la valeur qu’il pourrait atteindre s’il est pleinement utilisé. Nous pouvons faire un suivi et confirmer ce chiffre, mais il a été rendu public. Ce n’est pas une dépense directe du gouvernement, mais ce sont des recettes fiscales auxquelles l’État renonce. C’est ainsi qu’on fait les calculs.

Ensuite, il y a plusieurs programmes gouvernementaux, dont le Fonds stratégique pour l’innovation, qui relève d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ainsi que le Fonds de croissance du Canada que le ministère des Finances a annoncé il y a un an, qui injecte des fonds selon des modalités variables pour diverses activités pouvant comprendre le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, le CUSC. Ces fonds seront utilisés pour le CUSC en partie ou en totalité? Cela dépend entièrement des activités qui seront financées par ces programmes. Il est impossible de dire pour l’instant combien d’argent sera effectivement consacré au CUSC.

Le sénateur Massicotte : Ce sont les deux ou trois programmes proposés. En somme, les fonds prévus sont versés pour les meilleures propositions, n’est-ce pas? Mais il y a de l’argent qui va directement au CUSC.

M. Moffet : Non, pas pour le moment.

Le sénateur Massicotte : Non?

M. Moffet : Non.

Le sénateur Massicotte : Je croyais que vous aviez demandé à l’industrie pétrolière et gazière de présenter ses propositions pour aboutir au meilleur accord possible en matière de CUSC, par exemple.

M. Moffet : Des discussions sont en cours en ce moment avec un consortium formé des sociétés d’exploitation des sables bitumineux, appelé Pathways Alliance, qui regroupe les cinq principaux exploitants de cette ressource. Le consortium a demandé au gouvernement diverses formes de soutien financier. Ces négociations sont en cours. Aucun engagement n’a été pris à ce jour.

Le sénateur Massicotte : Sommes-nous loin d’un accord?

M. Moffet : J’ignore quelles dispositions seront prises. Le gouvernement prend la question très au sérieux. Un sous-ministre préside les négociations, mais nous n’en sommes pas rendus à un projet d’entente quelconque.

Le sénateur Massicotte : La question ne se réglera donc pas en quelques mois. Il faudra probablement attendre quelques années, n’est-ce pas?

M. Moffet : Non, je pense que l’objectif est d’obtenir un oui ou un non d’ici quelques mois.

Le sénateur Massicotte : Dans un délai d’un mois?

M. Moffet : Plusieurs mois.

Le sénateur Massicotte : Cela dit, si vous lisez... Je suis sûr que vous êtes plus au courant de tout cela que je ne peux l’être, mais il y a beaucoup d’articles techniques et d’opinions bien documentées selon lesquels le CUSC est une entreprise à haut risque, et qui nous découragent de nous y intéresser. On dit en somme : « C’est trop risqué pour que le gouvernement y injecte des fonds. »

Cela vous influence-t-il? Ce point de vue a-t-il été pris en considération, ou êtes-vous en désaccord?

M. Moffet : Je vais essayer de vous donner le point de vue du gouvernement. Comme je ne suis pas ingénieur, je n’ai pas compétence pour donner une opinion.

Le CUSC est visé par une double critique : premièrement, il est difficile d’en prévoir l’efficacité avec précision. Que je sache, personne ne nie que cela fonctionne. La technique est utilisée depuis plus d’une décennie au Canada et ailleurs, et elle a permis de réduire les émissions en captant les émissions d’un grand projet pour éviter qu’elles ne se retrouvent dans l’atmosphère et en les séquestrant sous terre. Cela fonctionne.

La question est la suivante : le taux d’efficacité est-il de 80 ou encore de 90 %? Peut-on compter sur cette technique pendant des décennies? On s’interroge sur son degré d’efficacité.

Le grand problème dont nous entendons parler est qu’il s’agit d’un moyen très coûteux de continuer à produire du pétrole et du gaz et, fondamentalement, de lutter contre les changements climatiques. À un moment donné, le monde entier doit cesser d’utiliser le pétrole et le gaz.

Cette technique est-elle le bon choix à faire? Au fond, le problème n’est pas d’ordre technique. C’est plutôt une question de risque moral : « Devrions-nous recourir à cette technique, quitte à ce que cela permette de continuer à consommer du pétrole et du gaz? » Je ne vous donne pas la position du gouvernement; j’essaie simplement d’expliquer la nature des critiques que nous entendons dans l’espace public.

Le sénateur Massicotte : Nombreux sont ceux qui recommandent instamment de ne pas s’aventurer de ce côté, qui disent que ce n’est vraiment pas une bonne idée. Et il y a les coûts, qui peuvent atteindre les 175 $ ou 200 $ la tonne. C’est extrêmement inefficace.

Je crois pourtant comprendre que le ministère est favorable, ou que quelqu’un l’est, à la conclusion d’une entente en dépit de ce problème.

M. Moffet : J’espère que vous n’interprétez pas mes propos comme voulant dire qu’il y aura une entente. Je dis que le gouvernement prend la question au sérieux. Le secteur en cause est un élément important de l’économie canadienne. Nous contribuons de façon importante à satisfaire la demande mondiale de pétrole et de gaz, qui diminue, mais qui ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Ce sont des questions sérieuses auxquelles il faut répondre.

J’ignore quelle sera la réponse. Je ne sais pas comment ces négociations se solderont. Je ne dis pas que le gouvernement est prêt à subventionner le CUSC. Nous avons offert un crédit d’impôt à l’investissement pour le CUSC. Il reste à voir si le gouvernement ira plus loin et fournira un soutien supplémentaire.

Le sénateur Massicotte : À propos du crédit d’impôt à l’investissement, s’il est constitué à l’image de la structure fédérale, je dirais que, vu l’aspect technique, la façon de conclure une entente et d’harmoniser les intérêts est essentielle. On l’oublie tout le temps. Si nous nous retrouvons dans 10 ou 20 ans avec une entente qui n’est pas bien conçue, nous sommes probablement en train de gaspiller l’argent des contribuables dès maintenant.

Que faisons-nous pour nous assurer une conception solide, pour veiller à ce que les intérêts de l’autre partie aient un poids égal à celui des nôtres, sans quoi tout le monde y perdrait, et pour éviter que tout soit à la charge du gouvernement? Le gouvernement, c’est nous. Nous voulons des conditions à cet égard. Comment pouvons-nous faire? Vous n’ignorez pas que le Pembina Institute jouit d’une excellente réputation. Il a publié des documents expliquant la meilleure façon de procéder. À quoi ressemble l’entente? Pourriez-vous nous en parler? Comment votre crédit d’impôt à l’investissement est-il structuré?

M. Moffet : Premièrement, je conviens que le Pembina Institute propose des analyses et des conseils très crédibles et qu’il est pris très au sérieux dans l’appareil de l’État.

Le crédit d’impôt à l’investissement pour le CUSC a été annoncé dans un budget antérieur. Les règles définitives régissant le crédit d’impôt pour le CUSC n’ont pas encore été arrêtées. C’est le ministère des Finances qui fait ce travail. Il y a évidemment des pressions commerciales, mais le ministère prend le temps nécessaire pour établir des règles détaillées, précisément pour la raison que vous avez évoquée. Le crédit d’impôt ne sera offert que dans des situations très précises et dans le cadre d’ententes très claires pour éviter qu’elles ne favorisent qu’une des deux parties.

Je ne connais pas tous les détails, et ils ne sont même pas encore arrêtés. Si vous voulez en savoir davantage, vous pourriez peut-être inviter nos collègues du ministère des Finances qui sont en train d’élaborer ces règles.

Le sénateur Massicotte : Essayons un peu de voir la situation dans son ensemble. Tout le monde s’inquiète. Les montants en cause sont importants. Le crédit d’impôt à l’investissement représente beaucoup d’argent.

Dans 20, 40 ou 50 ans, viendra un moment où le pétrole et le gaz ne se vendront plus parce qu’il y aura une solution de rechange moins coûteuse — une solution mieux connue et moins risquée. À quoi ressemble ce scénario? Je présume, d’après ce qui est normal et logique, que Pathways Alliance, ou le type qui a les coûts de fonctionnement les plus bas — dont les coûts marginaux sont les plus bas —, sera celui qui s’imposera, si tout le monde agit raisonnablement, y compris l’Arabie saoudite.

À quoi ressemble votre scénario? Comment cette histoire se termine-t-elle? Allons-nous produire du pétrole et du gaz parce que nous sommes les plus efficaces pour des raisons politiques ou parce que nous ne voulons pas fermer le robinet? C’est plutôt grave dans certains secteurs de l’économie canadienne. Qu’entrevoyez-vous? Comment se protéger?

M. Moffet : La question comporte de multiples éléments.

Le scénario futur? Évidemment, il y a beaucoup de projections différentes. Au Canada, nous nous appuyons sur un large éventail de projections, mais les deux plus crédibles proviennent de l’Agence internationale de l’énergie, l’AIE, qui fournit des projections mondiales de la demande de pétrole et de gaz sur plusieurs décennies.

Comme vous le dites, bien que toutes les projections varient, elles indiquent toutes une baisse de la demande. La question est la suivante : quand la demande atteindra-t-elle son sommet? Plus récemment, il y a environ une semaine, nous avons vu une projection internationale selon laquelle elle culminera au cours de la décennie. Est-ce que ce sera pendant cette décennie-ci ou la prochaine? Il y aura un pic, puis la demande fléchira. Comme vous le dites, elle va diminuer. La question qui se pose est la suivante : d’où viendra l’offre?

La Régie de l’énergie du Canada fournit des prévisions semblables au niveau canadien. C’est une source d’information utile. La Régie canadienne de l’énergie pourrait venir vous parler de ses projections.

Quel est l’avenir du secteur canadien du pétrole et du gaz? Le pétrole et le gaz canadiens auront-ils un rôle à jouer? Le gouvernement y réfléchit en ce moment. Il faut notamment s’interroger sur les restrictions que le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux imposeront à la production de pétrole et de gaz pour que la production réduise au minimum les émissions de carbone ou atteigne la carboneutralité.

Il faut donc composer avec la consommation du pétrole et du gaz, mais la production est la principale source d’émissions au Canada. Quels types de restrictions allons-nous imposer à la production et quelles sortes de répercussions cela aura-t-il sur les coûts? Quelles répercussions ces coûts auront-ils sur la capacité des producteurs canadiens d’offrir leur énergie à un prix concurrentiel lorsque la demande diminuera?

Le sénateur Massicotte : L’AIE essentiellement...

La présidente : Sénateur Massicotte, votre temps de parole est écoulé. Je vous inscris au deuxième tour.

La sénatrice McCallum : Merci d’être là.

Pendant l’étude du projet de loi et lorsque les témoins ont comparu, j’ai eu beaucoup de mal à saisir ce qui se passe vraiment dans le secteur du pétrole et du gaz et à propos des subventions, des entreprises qui n’assainissent pas les sites pollués et laissent des puits orphelins. Il semble qu’on n’ait pas répondu aux questions.

Estimez-vous que le secteur pétrolier et gazier a fait des progrès et qu’il s’investit dans la transition vers la carboneutralité? Quels sont les secteurs qui semblent résister le plus à la carboneutralité? Si je pose la question, c’est que le secteur a eu une excellente production cette année, n’est-ce pas? Pourtant, les puits orphelins sont là... On dirait que rien ne change. Voilà pourquoi je m’interroge sur les progrès.

M. Moffet : Je dois être prudent. Je ne pense pas pouvoir vous donner l’opinion du gouvernement sur l’attitude générale du secteur pétrolier et gazier dans son ensemble, ni même en partie.

Je reconnais qu’un certain nombre des problèmes dont vous avez parlé, dont celui des puits orphelins, demeurent très graves pour un certain nombre de raisons. C’est un problème auquel le gouvernement fédéral a tenté s’attaquer, mais il n’a pas de pouvoir direct à cet égard. C’est en grande partie une question de ressort provincial. À sa manière habituelle, le gouvernement fédéral offre des incitatifs financiers pour aider à régler le problème. Mais il s’agit essentiellement d’un enjeu provincial. L’importance du problème varie donc d’une province à l’autre. Le gouvernement central continue d’agir en modifiant les politiques.

Pour ce qui est de la production, comme le sénateur Massicotte l’a laissé entendre, la production canadienne dépendra de la demande mondiale. Si elle se maintient et si les entreprises canadiennes peuvent produire à un coût qui leur permet de vendre, elles le feront. Pour le gouvernement et l’industrie, la question qui se pose est la suivante : quels types de contraintes seront imposées aux émissions — pas à la production, mais aux émissions — associées à la production?

Nous avons un certain nombre de contraintes fédérales et provinciales. Comme vous le savez, nous travaillons à un certain nombre d’autres dossiers, notamment la réglementation du méthane — dont nous prévoyons avoir la version finale plus tard cette année — qui permettront de réduire considérablement les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier. Le premier ministre s’est également engagé à établir un cadre réglementaire cette année pour limiter les émissions — non pas la production, mais les émissions —, ce qui sera une contrainte imposée aux producteurs qui devront s’assurer que leur production est aussi propre que possible. Le plafond sera progressivement abaissé pour atteindre la carboneutralité, ce qui obligera les producteurs à continuer d’investir dans les efforts de décarbonisation.

La sénatrice McCallum : Parmi les différents domaines, la combustion n’a pas fait l’objet de beaucoup de recherche. Les gens se déplacent, les camions roulent. Il y a des émissions. Pouvez-vous nous parler du plafonnement des émissions provenant de la combustion?

M. Moffet : Lorsque j’ai parlé d’un plafond, honorable sénatrice, il s’agissait des émissions provenant de la production de pétrole et de gaz. Il faut distinguer clairement les efforts — des gouvernements du Canada et d’ailleurs — visant à réduire la demande de pétrole et de gaz de ceux dont le but est de réduire les émissions provenant de la production de pétrole et de gaz.

Du côté de la demande, le Canada agit plus rapidement que de nombreux autres pays. Nous instaurons des obligations relatives aux véhicules à émissions nulles. Les véhicules à émissions zéro devront constituer une proportion croissante du parc de véhicules légers, pour atteindre 100 % d’ici 2035. Nous allons introduire une exigence semblable, mais pas aussi rapidement, pour les véhicules lourds. Nous réduirons les émissions associées à la combustion de pétrole et de gaz par les véhicules.

De même, nous avons des mesures pour réduire les émissions associées à la combustion du pétrole et du gaz par l’industrie, et beaucoup d’autres qui visent à encourager l’industrie à délaisser complètement les combustibles fossiles pour commencer à utiliser de l’hydrogène ou de l’électricité propres, par exemple.

La présidente : Puis-je poser différemment la question de la sénatrice McCallum? Le secteur des combustibles fossiles est le premier à connaître l’effet des gaz à effet de serre sur le réchauffement de la planète.

Prenons une date de référence : 2015. A-t-il réduit ses émissions depuis 2015? A-t-il investi dans les énergies renouvelables? Quel est le pourcentage?

M. Moffet : Je vais céder la parole à mes collègues dans un instant, mais je commencerai par dire que le secteur a investi dans la décarbonisation de sa production de sorte que l’intensité de ses émissions a diminué. Ses émissions absolues ont-elles diminué? Cela dépend à la fois de l’intensité des émissions et des niveaux de production absolus. Nous pouvons vous fournir les données.

La présidente : Pouvez-vous expliquer au public la différence entre les chiffres absolus et l’intensité?

M. Moffet : J’entends par « intensité » les émissions par unité de production. Si une entreprise demeure à un niveau constant de production de 100 unités et que l’intensité de ses émissions diminue, ses émissions globales diminueront. Mais si sa production passe de 100 à 200 unités tandis que l’intensité des émissions diminue, ses émissions globales pourraient augmenter.

Lindsay Pratt, directeur, Inventaires et rapports sur les polluants, Direction générale des sciences et de la technologie, Environnement et Changement climatique Canada : Je peux vous fournir quelques chiffres concernant le niveau global des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble du secteur pétrolier et gazier.

Je n’ai pas les données de 2015 sous les yeux, mais en 2016, le secteur a émis 191 mégatonnes d’équivalent de dioxyde de carbone au Canada. Les émissions ont augmenté pour atteindre 201 mégatonnes en 2019. Les années 2020 et 2021 ont été une exception à cause des répercussions de la pandémie de COVID-19. En 2020, nous avons constaté une diminution à 183 mégatonnes, et en 2021, il y a eu une légère remontée à 189 mégatonnes.

La présidente : Quel était le dernier chiffre?

M. Pratt : En 2021, c’était 189 mégatonnes. La source de cette information est le Rapport d’inventaire national du Canada sur les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit de la déclaration officielle des émissions de gaz à effet de serre que le Canada présente aux Nations unies.

M. Moffet : Nous pouvons vous envoyer la référence.

La présidente : Merci.

La sénatrice Miville-Dechêne : Il y a plus de production de pétrole, mais moins d’émissions parce que la production augmente?

M. Moffet : La production augmente. Les émissions ont baissé, puis elles ont remonté. L’intensité continue de s’améliorer.

La présidente : Nous devenons plus efficaces, mais nous augmentons notre production. En chiffres absolus, il y a donc plus d’émissions, n’est-ce pas?

M. Moffet : En des termes simples, c’est ce qui se passe effectivement, honorable sénatrice.

La présidente : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Il y a environ deux semaines, la Cour suprême du Canada a donné raison à l’Alberta et a déclaré que la Loi sur l’évaluation d’impact du gouvernement fédéral empiétait sur les compétences des provinces. On sait que les ressources naturelles relèvent de la sphère de compétence provinciale.

Ma question est la suivante. Avez-vous des évaluations juridiques sur lesquelles vous appuyer? Cela pourrait-il compromettre l’intention du ministre Guilbeault, qui est d’imposer des plafonds aux émissions du secteur pétrolier? On est carrément dans les ressources naturelles et j’essaie de comprendre, si c’est inconstitutionnel sur le plan de l’évaluation environnementale. Cela peut-il être inconstitutionnel d’imposer des plafonds aux émissions des secteurs pétroliers et gaziers?

[Traduction]

M. Moffet : Cette question a suscité beaucoup d’analyses et de discussions depuis la décision de la Cour suprême.

Le gouvernement continue de croire qu’il a le pouvoir de réglementer les émissions provenant de diverses sources. Lorsque je parle de réglementation du méthane ou de plafonnement des émissions, cela prend la forme de règlements sur les émissions. Il ne s’agirait pas de dicter les modalités d’exploitation des ressources, comme les lieux où les forages sont permis, le type d’équipement autorisé, les redevances à acquitter. Cela relève de la compétence provinciale.

Quant aux émissions, peu importe qu’il s’agisse d’une production pétrolière et gazière, d’un véhicule ou d’une usine d’aluminium, le gouvernement fédéral a compétence sur les émissions et la pollution de quelque nature qu’elle soit. Nous réglementons la pollution depuis 30 ans. Essentiellement, c’est ce que nous faisons lorsque nous réglementons les émissions du secteur pétrolier et gazier.

Le sénateur Gignac : De nos jours, il est beaucoup question de la taxe sur le carbone dans les journaux et à la Chambre des communes.

Le Québec a fait preuve de leadership à cet égard, mais son système est différent. Comme vous le savez, il fait comme la Californie. Il a un système de plafonnement et d’échange des droits d’émission de gaz à effet de serre.

Puisque vous êtes là et que le débat sur la taxe sur le carbone se poursuivra probablement pendant un certain temps ici, et que nous avons une étude en cours, pourriez-vous expliquer de vive voix, si possible, ou par écrit si la réponse est trop longue, les avantages et les inconvénients des deux systèmes — la taxe sur le carbone? Apparemment, ceux qui font de la politique ont du mal à tenir le cap lorsque la situation se corse. Je suis curieux de savoir quel système est le meilleur. Le Québec et la Californie, comme d’autres pays, ont un certain système. Qu’en pensez-vous? Si c’est trop long, n’hésitez pas à m’envoyer une réponse écrite.

M. Moffet : Je peux peut-être faire les deux. Je vais commencer par vous donner un bref aperçu.

Il y a deux ou trois façons différentes d’imposer un prix sur les émissions, et elles ont des attributs différents. Il est difficile de dire que l’une vaut mieux que l’autre. Elles atteignent leurs objectifs de façons différentes.

À un haut niveau, le Québec a imposé un plafond sur les émissions. On sait exactement quelles seront les émissions totales, ou du moins le niveau qui ne sera pas dépassé. Le marché auquel le plafond s’applique détermine ensuite où il vaut mieux réduire les émissions. C’est une façon d’assurer une certaine réduction des émissions tout en ayant des répercussions économiques incertaines parce qu’on ne sait pas comment le marché réagira.

L’autre solution consiste à mettre un prix sur les émissions, et c’est le gouvernement qui fixe le prix. Le marché connaît le prix, de sorte qu’il y a plus de certitude pour lui, mais le résultat est moins incertain parce que le résultat dépendra de la façon dont le marché réagira au prix. C’est pourquoi je ne vous dirai pas quel régime est le meilleur. Je dis que chacun a ses avantages et ses inconvénients.

Le sénateur Gignac : J’ai travaillé dans le secteur privé pendant de nombreuses années, et j’aime bien que ce soit le secteur privé qui fixe le prix, plutôt que les fonctionnaires ou le gouvernement.

Il y a deux ou trois ans, le directeur parlementaire du budget, le DPB, a dit que la taxe sur le carbone devrait déjà être supérieure à 100 $. Je crois qu’on en est maintenant à 170 $, alors que le gouvernement fédéral la fixe à 60 $. En réalité, pour réduire les émissions, la taxe devrait être beaucoup plus élevée, mais, comme vous le savez, il est difficile pour les hommes et femmes politiques de prendre cette décision.

Quand on a un système de plafonnement et d’échange, ce ne sont pas les hommes et femmes politiques qui décident du prix; ce sont les marchés qui le font. Le pouvoir politique établit le plafond et le marché s’adapte. C’est une différence importante. Nous avons des élections tous les quatre ans — ce ne sont pas des nominations, comme c’est le cas pour les sénateurs. Nous devons en tenir compte dans l’équation.

M. Moffet : Je suis d’accord sur les deux points. Il y a des différences importantes qui exigent beaucoup de réflexion et d’analyse.

J’ajouterai que lorsque le gouvernement fédéral a instauré la tarification du carbone au Canada, quatre provinces avaient déjà prévu trois modalités différentes. Le gouvernement fédéral avait donc une décision à prendre : « Devons-nous passer outre à deux de ces systèmes, ou devons-nous introduire un régime qui autorise les trois formules pourvu qu’elles donnent plus ou moins le même résultat? » Et, comme vous le savez, c’est l’approche que le gouvernement fédéral a adoptée, au lieu d’écarter un système provincial qui était déjà en place et qui, dans certains cas, avait été établi il y a longtemps et commençait à contribuer de façon importante à la réduction des émissions. C’est là une décision typiquement canadienne.

Le sénateur Gignac : Vous pourriez peut-être présenter un mémoire sur les avantages et les inconvénients des deux systèmes. Le débat prendra de l’importance au cours des prochains mois ou des prochaines années au Canada.

M. Moffet : Nous pouvons vous fournir une analyse. Je précise qu’elle ne conclura pas à la supériorité d’un système sur l’autre.

La présidente : Merci.

La sénatrice Anderson : Merci aux témoins. Alors qu’il s’efforce d’éliminer progressivement les combustibles fossiles, comment le Canada s’attaque-t-il en même temps aux difficultés qu’occasionnent pour les trois territoires certaines mesures proposées pour réduire la dépendance aux combustibles lourds et les solutions de rechange préconisées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, puisque ces solutions ne peuvent pas marcher dans les infrastructures du Nord, à cause du climat, des coûts élevés de mise en œuvre et des difficultés relatives aux changements climatiques avancés?

M. Moffet : Le gouvernement reconnaît ces difficultés. Honorable sénatrice, pourriez-vous préciser ce que vous entendez par « solutions qui ne peuvent pas marcher »?

La sénatrice Anderson : Il y a au Canada une solide tendance à adopter les véhicules électriques. Récemment, le premier ministre a recommandé les thermopompes. Il existe déjà des preuves que la capacité des thermopompes diminue lorsque la température est inférieure à -15 degrés Celsius. C’est probablement la température qu’il fait actuellement dans le Nord, c’est le moins qu’on puisse dire.

Le Nord a commencé à utiliser des thermopompes, et les données recueillies jusqu’à maintenant montrent qu’elles ne fonctionneront pas dans le Nord. Vingt-trois de nos collectivités sont accessibles uniquement par avion, et nos routes sont isolées et n’ont aucune infrastructure pour les véhicules électriques. J’emprunte souvent la route entre Inuvik et Tuktoyaktuk, et je ne peux pas imaginer comment on pourrait y utiliser des véhicules électriques. Lorsqu’il y a des tempêtes de vent et de neige, ces infrastructures disparaissent sous la neige.

En réalité, les solutions proposées par le Canada en matière de gaz à effet de serre ne fonctionneront pas dans le Nord, ce qu’on oublie souvent.

L’ouverture du projet éolien de High Point à Inuvik, qui a récemment été célébrée, a été retardée d’un an. Le coût prévu était de 40 millions de dollars. Le coût est de 70 millions de dollars dans l’état actuel des choses. C’est de 20 à 30 millions de dollars de plus que prévu. Je ne sais même pas si cet aménagement sera rentable pour l’instant. L’affaire a également été portée devant les tribunaux parce que les entrepreneurs n’ont pas été payés. Cette solution de rechange a amené des entrepreneurs à s’adresser aux tribunaux pour se faire payer.

Voilà certaines des réalités qui sont les nôtres. Je voudrais savoir comment il en sera tenu compte.

M. Moffet : Ce sont des considérations sérieuses qui sont prises en compte de diverses façons.

Il y a d’abord les efforts constants que le gouvernement du Canada déploie, avec la collaboration des territoires, pour fournir de l’électricité à un nombre croissant de collectivités du Nord afin qu’elles puissent réduire leur dépendance au diesel et à d’autres formes de combustible carboné pour le chauffage des maisons et des bâtiments.

Il faudra beaucoup de temps et ce sera difficile à cause de l’éloignement, du climat et de tout le reste, mais cette démarche est au cœur de la transition globale dans le Nord.

Deuxièmement, lorsque nous adoptons des mesures comme les obligations relatives aux véhicules à zéro émission, nous prévoyons souvent une certaine souplesse pour le Nord. Dans le cas des véhicules à zéro émission, le programme sera national, de sorte que chaque province prise isolément n’aura pas à répondre au critère. Le critère s’appliquera au niveau national, et nous avons également prévu des dispositions pour les véhicules hybrides rechargeables afin qu’un véhicule puisse parcourir de 50 à 60 kilomètres pour des activités courantes, mais si le véhicule circule sur la grande route et que la batterie est à plat — soit parce que le rayon d’autonomie a été dépassé, soit parce qu’il fait extrêmement froid —, alors il passe à la combustion interne. Ce type de véhicule restera disponible dans le Nord.

Troisièmement — et je m’éloigne peut-être un peu du sujet, mais c’est aussi l’opinion du gouvernement du Canada —, lorsque nous élaborons des politiques liées à la promotion des technologies propres, nous estimons que les technologies, même si certaines d’entre elles ont une capacité limitée à l’heure actuelle, évolueront. Par exemple, il y a 20 ans, les véhicules électriques n’étaient pas efficaces dans les conditions qui prévalent dans le Nord.

J’ai une voiture électrique de 10 ans. Elle perd 25 % de sa puissance par -30 degrés Celsius. La réalité change. La technologie des batteries évolue. Les batteries modernes n’en sont plus là. Je ne dis pas que c’est parfait, mais la technologie évolue et continuera d’évoluer. Même chose pour les thermopompes. Pendant des décennies, les thermopompes étaient disponibles en Europe, dans un climat plus chaud, et dans le Sud des États-Unis. Nous avons maintenant des thermopompes efficaces par temps froid.

J’en ai une. Elle fonctionne très bien à -40 degrés Celsius. Je ne dis pas que tout est parfait à l’heure actuelle pour les collectivités du Nord, mais je dis que la technologie évolue et continuera d’évoluer.

La sénatrice Anderson : Merci.

Je veux simplement souligner que l’électricité dans le Nord coûte quatre fois plus cher que dans le Sud. De plus, le territoire n’a pas actuellement la capacité d’augmenter la production d’électricité et n’arrive pas à répondre à la demande. Je veux qu’on le sache.

Merci.

La présidente : Je profite de la question de la sénatrice Anderson pour dire qu’il y a quelques jours, j’ai rencontré deux maires de collectivités du Nord — de Yellowknife —, et ils m’ont parlé de Norman Wells. L’exploitation s’y poursuit depuis 100 ans. Le propriétaire est le gouvernement fédéral tandis qu’Imperial Oil est l’exploitant. Le pétrole et le gaz extraits là-bas coûtent moins cher que l’énergie extraite des sables bitumineux de l’Alberta. En même temps, les maires m’ont expliqué qu’une bouteille d’eau coûte maintenant 7 $ dans le Nord.

Pourquoi en sommes-nous là? Les collectivités du Nord doivent utiliser du diesel bon marché plus polluant que le gaz, alors qu’il y a du gaz à proximité qui peut servir à électrifier et à chauffer les collectivités du Nord.

M. Moffet : Nous devrons vous fournir une réponse écrite. Je suis désolé; je ne connais pas les détails de la structure de propriété ni les modalités prévues pour cette installation.

La présidente : Pouvez-vous nous faire parvenir la réponse? Merci beaucoup.

La sénatrice Batters : Merci de votre présence. Je viens de la Saskatchewan. J’ai trouvé cette conversation sur les thermopompes très intéressante, car le premier ministre de ma province, Scott Moe, a publié hier un message contenant une capture d’écran du site Web de votre propre ministère. Il portait sur les thermopompes. Le site Web du gouvernement du Canada dit que les thermopompes fonctionnent seulement jusqu’à une température située entre -15 et -25 degrés Celsius. « Sous cette température, un système supplémentaire doit être utilisé pour assurer le chauffage du bâtiment. »

Monsieur Moffet, vous venez de parler des thermopompes utilisées par temps froid. Vous dites qu’elles fonctionnent à -40 degrés Celsius. Il semble que votre propre site Web ne dise pas la même chose pour l’instant. Peut-être faudrait-il faire une mise à jour pour fournir une information exacte, mais la capture d’écran du site Web de votre ministère dit que les thermopompes fonctionnent seulement à une température supérieure à une plage située entre -15 et -25 degrés Celsius.

Les habitants de la Saskatchewan sont extrêmement préoccupés — tout comme moi — par la dernière décision du gouvernement fédéral voulant qu’il n’y ait rien de discriminatoire dans la suspension de la taxe sur le carbone pendant trois ans parce que tout le monde peut se procurer des thermopompes. Malheureusement, en Saskatchewan, nous avons bien jours et bien des semaines où les températures hivernales sont considérablement inférieures à cette plage de -15 à -25 degrés Celsius. Comment conciliez-vous cela?

M. Moffet : Je ne pense pas que ce soit notre site Web qui figure dans la saisie d’écran. Est-ce le site Web d’Environnement Canada?

La sénatrice Batters : C’est une capture d’écran qui figure dans le message du premier ministre Scott Moe. On y lit que les thermopompes fonctionnent seulement jusqu’à une température de -15 à -25 degrés Celsius. Le site dit ceci :

Il est important de noter que la grande majorité des thermopompes à air ont une température minimale de fonctionnement en dessous de laquelle elles ne peuvent pas fonctionner. Pour les modèles plus récents, cette température peut varier de -15 à -25 °C. Sous cette température, un système supplémentaire doit être utilisé pour assurer le chauffage du bâtiment.

Il y a même un petit logo du gouvernement du Canada en bas.

M. Moffet : Je ne suis pas certain de comprendre votre question.

La sénatrice Batters : Le gouvernement du Canada dit sur son site Web que les thermopompes fonctionnent seulement — même les nouveaux modèles, comme on dit dans cette citation — jusqu’à -15 ou -25 degrés Celsius. Vous venez de parler des thermopompes par temps froid qui, selon vous, fonctionnent à -40 degrés Celsius. Pourquoi le site Web du gouvernement du Canada ne le dit-il pas? De plus, comment les habitants de la Saskatchewan sont-ils censés considérer les thermopompes comme un vrai mode de chauffage des maisons pendant un hiver très froid, avec bien des journées où la température est très inférieure à -25 degrés Celsius?

M. Moffet : Je ne sais pas vraiment. Je ne peux pas assumer la responsabilité du site Web, et la question me semble de nature politique. Il vaut mieux l’adresser à un ministre.

La sénatrice Batters : Mais n’est-ce pas le site Web de votre ministère?

M. Moffet : Notre ministère n’est pas responsable du programme des thermopompes. Le responsable doit être Ressources naturelles Canada.

Vous me semblez faire valoir un point de nature politique, ce qui est tout à fait légitime, mais il n’appartient pas à des fonctionnaires de répondre.

La sénatrice Batters : Pourriez-vous vérifier de quel site Web il s’agit? Est-ce celui du ministère de l’Environnement et du Changement climatique ou du ministère des Ressources naturelles du Canada? Je ne sais pas de quel ministère il s’agit, mais ne pensez-vous pas que lorsqu’il s’agit de thermopompes, vos deux ministères coordonnent probablement leur action?

Les habitants de la Saskatchewan voudraient savoir quelle est la bonne réponse au sujet des thermopompes. Vous venez de parler de -40 degrés Celsius. Ce site Web dit que même les nouveaux modèles ne sont bons que jusqu’à un maximum de -25 degrés Celsius, mais c’est probablement plutôt -15 degrés Celsius. Où est la vérité?

M. Moffet : Je reconnais certainement que l’information fournie par le gouvernement devrait être exacte. Nous pouvons vous fournir des renseignements sur l’emplacement de ce site Web. Ce que j’ai dit des thermopompes valait pour la mienne. Je n’ai pas de source d’énergie supplémentaire. Elle fonctionne à toutes les températures. Je ne peux pas vous dire que c’est le cas pour toutes les thermopompes. Je ne suis pas un expert en la matière.

La présidente : Pouvez-vous confirmer que ce n’est pas votre ministère, mais plutôt Ressources naturelles Canada? Ensuite, on pourra demander des précisions à Ressources naturelles Canada.

C’est donc Ressources naturelles Canada. Merci, sénateur Gignac.

Nous en sommes maintenant au deuxième tour.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais d’abord poser quelques questions de précision par rapport aux subventions efficaces et non efficaces. Vous avez dit que vous étiez en train de revoir tout cela et que vous avez donc un ensemble de programmes, qui sont efficaces ou non. Dans cet ensemble de programmes, avez-vous une idée, en pourcentage, de ce que vous avez actuellement comme subventions ou programmes — efficaces et inefficaces —, selon la définition internationale que nous avons? Cela nous donnerait une petite idée de ce qui est en train d’être revu, si l’on parle du pourcentage des programmes ou de la valeur des programmes. En effet, je me demande si l’on parle d’une petite portion des 50 milliards de dollars — ce qui est un calcul — ou si c’est une très grande portion du total qui est inefficace.

[Traduction]

M. Watkinson : Il y a un processus d’examen en place. L’examen du volet fiscal a d’ailleurs permis d’identifier neuf mesures fiscales considérées comme étant inefficaces et elles ont été supprimées, rationalisées ou modifiées. Je peux vous faire suivre une liste de ces mesures, je ne les ai pas à l’esprit actuellement.

Un examen des mesures non fiscales — c’est-à-dire d’autres programmes — a ensuite lieu dans le cadre du processus d’examen par les pairs du G20. Nous sommes associés à l’Argentine. Nos rapports feront l’objet d’un examen par les pairs et seront soumis à ce processus.

Pour ce qui est du volet non fiscal, l’examen en cours fera partie de ce processus. Le cadre d’évaluation et les lignes directrices annoncés par le gouvernement sont vraiment tournés vers l’avenir. Le but est d’éviter de créer de nouvelles mesures, au niveau des programmes ou sur le plan fiscal, qui seraient inefficaces ou incompatibles avec ces six critères d’exemption.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pouvez-vous nous donner un chiffre approximatif? Sur un total de 50 milliards de dollars, combien de mesures inefficaces supprimerez-vous?

M. Watkinson : Il est difficile de chiffrer les mesures qui seront supprimées, parce qu’il est difficile de savoir lesquelles auraient été mises en place. Pour les 10 prochaines années, nous n’avons pas un bon scénario hypothétique de ce que cela pourrait être.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une autre question sur la capture du carbone. Est-ce que je comprends bien ce que vous avez dit? Jusqu’à maintenant, vous ne subventionnez pas les compagnies pétrolières pour ces efforts?

Elles le font elles-mêmes, mais vous pourriez éventuellement le faire s’il y a des ententes. Il me semble que c’est ce que je compris de la discussion, mais je veux en être sûre. Vous sembliez parler des méthodes de capture de carbone pour l’avenir.

[Traduction]

M. Watkinson : Le captage et le stockage du carbone sont considérés comme des technologies de réduction. Ces mesures seraient donc admissibles en vertu de ces six critères.

La sénatrice Miville-Dechêne : Mais ce n’est pas encore le cas. Accordez-vous des subventions aux sociétés pétrolières actuellement pour le captage du carbone?

M. Watkinson : Il a été question tout à l’heure du crédit d’impôt à l’investissement prévu par le ministère des Finances, mais je ne sais pas où en est ce dossier.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous dites que vous revoyez l’arsenal de mesures que vous avez pour que nous ayons une industrie plus propre. L’idée d’imposer une taxe sur les surprofits, ce qu’on appelle les bénéfices excédentaires des compagnies pétrolières, fait-elle partie de ces possibilités? Le sujet a été soulevé à la Chambre des communes, et on l’a fait pour les banques. Cela pourrait-il être une autre façon, par un autre moyen, de diminuer les émissions?

[Traduction]

M. Watkinson : Je suis désolé; l’interprétation ne fonctionnait pas, mais je crois avoir saisi l’essentiel.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je parlais d’imposer les bénéfices excédentaires des compagnies pétrolières. Cette idée a été évoquée à la Chambre des communes. Par exemple, si une compagnie réussissait à engranger quelque 4 milliards en profits excédentaires, je suppose que cela lui permettrait de réduire éventuellement ses émissions ou sa production. C’est une mesure qui m’intéresse. Elle a été utilisée pour taxer les profits excessifs des banques, pourquoi ne pas l’utiliser également à l’égard des pétrolières?

M. Watkinson : Cela ne s’inscrirait pas dans le cadre d’évaluation des subventions inefficaces aux combustibles fossiles qui porte sur les mesures définies, au sens étroit, comme étant des subventions de l’OMC.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pourrait-il s’agir d’une mesure efficace? Le gouvernement du Canada ne pourrait-il pas l’envisager?

M. Watkinson : Cela n’est pas de mon ressort.

La sénatrice Miville-Dechêne : C’est ce que je pensais. Merci.

La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup. Le 25 octobre dernier, le Fonds de croissance du Canada a annoncé son premier investissement de 90 millions de dollars dans une entreprise canadienne de géothermie, Eavor Technologies, établie à Calgary. En tant qu’Alberbaine, je suis fière que le Fonds de croissance du Canada investisse dans une entreprise canadienne qui mise sur l’expertise albertaine pour contribuer à la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Nous avons certes besoin d’entendre d’autres annonces de ce genre. Pouvez-vous faire le point sur ce fonds et sa mise en œuvre.

De surcroît, c’est là une bonne façon de collaborer à notre rapport. Avez-vous des recommandations à faire qui pourraient éventuellement se retrouver dans notre rapport, tout en nous aidant à démontrer l’importance d’une collaboration constante entre les divers ordres de gouvernement et les diverses régions. Ce serait fantastique si vous pouviez répondre à cette question. Comment pouvons-nous continuer à travailler ensemble dans l’intérêt supérieur de chacun? Réfléchissez à ce que nous pourrions inclure dans notre rapport sur la nécessité de travailler en collaboration.

M. Moffet : Je mentionnerais la collaboration presque à chaque ligne de votre rapport. Il est primordial que les gouvernements travaillent de concert et harmonisent leur réglementation et leurs incitatifs financiers. Le premier projet annoncé par le Fonds de croissance du Canada est vraiment un bon exemple de collaboration au sein de la famille fédérale. C’est indispensable. À titre d’exemple, Ressources naturelles Canada a lancé divers programmes qui ont soutenu cette entreprise durant les premières phases de son développement technologique. Elle est maintenant prête à s’engager dans un arrangement de nature plus commerciale, ce que le Fonds de croissance du Canada lui permet de faire. C’est là un exemple de transition réussie entre les programmes fédéraux conçus pour le développement de technologies en début de croissance et un financement des activités de commercialisation qui permet à une entreprise de prendre de l’expansion et d’élargir son marché.

De la même façon, nous cherchons à nous assurer qu’il y a une harmonisation et une bonne compréhension des divers incitatifs financiers offerts par les programmes municipaux, provinciaux et fédéraux pour toute technologie ou toute entreprise qui présente une demande. Est-ce parfait? Rien n’est jamais parfait. Nous pouvons toujours faire mieux, mais c’est notre objectif.

Vous savez peut-être qu’à la fin de l’été, le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Alberta ont annoncé la création d’un groupe de travail fédéral-provincial dont l’un des objectifs est de trouver des façons de mieux harmoniser les mesures incitatives en place afin de promouvoir la décarbonation, qui se fait à un rythme rapide en Alberta grâce à certains investissements parmi les plus élevés au Canada. Nous voulons nous assurer que les divers programmes d’incitation ne se chevauchent pas, mais se complètent. Je fais partie de ce groupe de travail et nous avons des échanges très fructueux.

Le sénateur Wells : Permettez-moi de revenir sur deux points. Le premier, ce sont les subventions et le chiffre de 50 milliards de dollars. Monsieur Watkinson, vous avez mentionné six critères qui sont considérés comme des subventions. Ai-je raison de demander...

M. Watkinson : Il y a six critères, ce qui veut dire que si votre initiative répond à un ou plusieurs, elle sera jugée efficace.

Le sénateur Wells : Combien ne sont pas jugées efficaces? Avez-vous une liste, ou s’agit-il de toutes les autres?

M. Watkinson : De toutes les autres.

Le sénateur Wells : Est-ce que ces 50 milliards de dollars représentent la valeur totale des subventions non efficaces ou non admissibles?

M. Watkinson : Le gouvernement n’a jamais parlé de 50 milliards de dollars. Il s’agit d’un cadre d’évaluation prospectif qui vise à éviter la création de nouvelles mesures ou de nouvelles nouvelles dépenses qui seraient incompatibles avec ces six critères.

Le sénateur Wells : Je comprends. Quand nous entendons dire que le gouvernement éliminera les subventions versées au secteur des hydrocarbures, de quelles subventions s’agit-il exactement? De subventions inefficaces?

M. Watkinson : Oui, des subventions inefficaces. Le ministère des Finances a identifié et éliminé neuf mesures.

Le sénateur Wells : Pourriez-vous fournir au comité les chiffres des cinq dernières années correspondant à des subventions éliminées. Je suis certain qu’ils ont été conservés. Est-ce quelque chose qui a été quantifié?

M. Watkinson : Les neuf mesures fiscales du ministère des Finances ont toutes été annoncées dans les budgets et les documents budgétaires font habituellement état des pertes de revenus. Nous allons voir ce que nous pourrons vous faire parvenir.

Le sénateur Wells : J’aimerais bien obtenir un chiffre parce que nous entendons dire en public que les sociétés pétrolières obtiennent des subventions. S’il ne s’agit pas vraiment de subventions, j’aimerais savoir de quoi il s’agit exactement et quel en est le montant, afin que le public soit au courant. Je vous remercie.

Monsieur Pratt, vous avez parlé d’un plafonnement de la production de pétrole et de gaz en fonction des émissions... Est-ce ce bien que vous avez dit? Ou c’est peut-être vous, monsieur Moffet?

M. Moffet : J’ai parlé d’un plafond sur les émissions, pas sur la production.

Le sénateur Wells : Un plafond sur les émissions. Est-ce que l’un de vous a parlé d’un plafond sur la production, parce que c’est ce que j’ai cru entendre?

M. Moffet : Je n’ai peut-être pas été assez clair. J’essayais d’expliquer ce qu’était un plafond sur les émissions, en réponse à une question sur la constitutionnalité de cette mesure dans la foulée de la récente décision de la Cour suprême du Canada. Le gouvernement du Canada a l’intention d’imposer un plafond sur les émissions, sous la forme d’un règlement sur les émissions, et non d’un règlement sur la production. Il n’empiéterait donc pas sur la compétence provinciale en matière de gestion des ressources naturelles.

Le sénateur Wells : J’ai compris.

Vous savez pertinemment qu’en Alberta et en Saskatchewan, où le pétrole est extrait des sables bitumineux, les émissions sont plus élevées, les coûts sont plus élevés, et ainsi de suite, tandis que son extraction au large de Terre-Neuve produit beaucoup moins d’émissions parce que le pétrole monte à la surface sous l’effet de la pression océanique; il y a donc très peu de séparation. Le gaz est réinjecté dans la totalité afin d’accroître l’efficacité de la production. Les seules émissions importantes proviennent du torchage, et cette opération est un enjeu de sécurité — de production également —, mais surtout de sécurité.

Les règles relatives à la production pétrolière extracôtière sont-elles différentes de celles qui régissent la production tirée des sables bitumineux?

M. Moffet : Pour le moment, nous n’imposons pas de plafond. Nous avons un règlement sur le méthane qui ne s’applique pas à la production extracôtière. Il y a un règlement distinct pour la production extracôtière précisément parce qu’il s’agit d’un processus de production entièrement différent qui est géré par les divers offices fédéraux-provinciaux des hydrocarbures extracôtiers.

Les détails du plafond n’ont pas encore été annoncés. Je peux seulement dire que la différence d’intensité des émissions entre les opérations extracôtières et les opérations terrestres sera un facteur important dans la façon dont le plafond sera appliqué. Comme je viens de le dire, les détails n’ont pas encore été annoncés, je peux simplement confirmer qu’il y a une différence et qu’elle sera importante.

Le sénateur Wells : Je vais aborder l’aspect politique. Si l’un ou l’autre d’entre vous ne se sent pas à l’aise de répondre, je le comprends.

L’an dernier, en réponse à une question du chancelier Scholz au sujet du gaz naturel et de l’acquisition de gaz naturel provenant du Canada, le premier ministre a dit qu’aucune analyse de rentabilisation n’avait été effectuée pour cette ressource.

S’appuyait-il sur un avis fourni par Environnement et Changement climatique Canada ou par Ressources naturelles Canada? Cet avis provenait-t-il du gouvernement, ou s’est-il simplement appuyé sur une autre source?

M. Moffet : Je sais que des avis ont été fournis.

À l’époque, il s’agissait de savoir si le Canada était en mesure de répondre rapidement au besoin des pays européens qui étaient à la recherche de sources de remplacement du gaz, car ils dépendaient grandement de la Russie et de ses alliés pour leur approvisionnement et que ces sources étaient fermées. Où allaient-ils trouver du gaz? Cela a bien sûr créé une demande mondiale et la question était de savoir si le Canada pouvait répondre à cette demande.

Je simplifie, mais je pense que le premier ministre voulait dire que le Canada n’était pas en mesure de répondre à cette demande importante. Pourquoi? Parce que pour y arriver, il nous aurait fallu construire des pipelines à partir de nombreux grands centres de production gazière du Canada et ensuite des ports pour exporter le gaz vers l’Europe. Il était impossible d’y arriver assez rapidement pour répondre aux besoins de l’Europe. De plus, nous n’étions pas en mesure de livrer une concurrence rentable au Moyen-Orient, par exemple. La réponse du premier ministre ne voulait donc pas dire que Canada n’était pas en mesure de produire du gaz ni qu’il n’y avait pas de marché pour le gaz. Je pense que sa réponse doit être interprétée dans le contexte d’un besoin urgent de gaz. Étions-nous en mesure d’y répondre, tout en permettant à nos entreprises de faire de l’argent? Il a répondu que non, c’était impossible.

Le sénateur Wells : Quel avis le premier ministre a-t-il reçu du ministère?

M. Moffet : Cela ne faisait pas partie de...

Le sénateur Wells : Il a clairement dit qu’aucune analyse de rentabilité n’avait été effectuée pour le gaz.

M. Moffet : Les résultats d’une analyse exhaustive sur la question ont été présentés, notamment par Ressources naturelles Canada.

Le sénateur Wells : Pourrions-nous en avoir une copie?

M. Moffet : Je ne sais pas comment cette analyse a été menée et je ne travaille pas pour le ministère des Ressources naturelles. Je suis désolé.

Le sénateur Wells : Nous pourrions demander ce document, monsieur le président.

Le sénateur Massicotte : Je vais vous poser une question rapide parce qu’avec tous ces détails, je ne veux pas me tromper.

Premièrement...

M. Moffet : C’est la ronde de questions éclair?

Le sénateur Massicotte : Exactement. Ce sont des questions simples, si vous décidez d’y répondre.

Globalement, je me rappelle avoir abordé le sujet avec le président de l’Agence internationale de l’énergie ainsi qu’avec le président de l’Institut des énergies renouvelables. Tout le monde s’entend pour dire qu’il est fort probable, si nous examinons le scénario de l’offre et de la demande, que nous ne serons pas à court de pétrole et de gaz; l’offre sera amplement suffisante pour répondre à nos besoins encore longtemps. C’est nous qui déciderons de restreindre nos besoins et ainsi de suite. Nous en sommes donc tous arrivés à la conclusion que l’offre est illimitée. L’Arabie saoudite est probablement le fournisseur le plus efficace, mais nous devons composer avec cela.

Si l’offre demeure constante, le seul impact que nous pourrons avoir, c’est sur la demande. C’est sur ce plan que notre pays peut jouer un rôle important, et il semble certain que l’offre sera abondante. Par conséquent, comment pouvons-nous réduire notre demande pour nous assurer d’atteindre nos cibles d’émissions de CO2? Est-ce là un bon résumé du scénario mondial de l’offre et de la demande?

M. Moffet : Je pense que oui. Je serais étonné que quelqu’un affirme que l’offre est illimitée; elle ne l’est pas, mais nous nous entendons pour dire qu’elle est suffisante. Il y a une petite nuance.

Les réserves de pétrole et de gaz sont abondantes, mais leur exploitation coûtera de plus en plus cher.

Oui, le véritable enjeu, c’est la demande. Comment la gérer et comment la réduire? Le Canada prend des mesures pour réduire sa demande intérieure et il joue un rôle actif sur la scène internationale en incitant d’autres pays à réduire la leur.

Le sénateur Massicotte : Je passe du coq à l’âne, je vous avais prévenu. Concernant le crédit d’impôt à l’investissement qui s’applique aux projets de captage, d’utilisation et de stockage du carbone, est-il habituel de redonner aux entreprises un pourcentage de leur investissement? Quelle est la structure de ce crédit?

M. Moffet : Je pense que les représentants de Finances Canada sont mieux placés pour répondre à cette question.

Le sénateur Massicotte : Je vais leur écrire.

M. Moffet : Je suis certain qu’ils pourront vous répondre, mais il s’agit d’un crédit d’impôt à l’investissement normal. En gros, vous pouvez déduire un certain pourcentage de votre investissement.

Le sénateur Massicotte : Il y a de nombreuses années — je ne pourrais dire combien, mais trop peut-être — chaque fois qu’il était question des sables bitumineux, nous parlions des améliorations que nous apportions pour rendre ce secteur plus propre. Non seulement la densité augmentait, mais le produit était de meilleure qualité. Dans l’allocution que vous avez prononcée devant le comité il y a quelques mois, vous avez clairement dit que l’un des objectifs pour faire reconnaître la légitimité de cette activité — dans une optique mondiale — était d’être très efficaces par rapport à notre production. Celle-ci serait donc plus propre. J’avais l’impression que vous disiez que nous allions être les meilleurs au monde. Que c’était ainsi que nous obtiendrions l’approbation de poursuivre cette activité , tout en demeurant crédibles.

J’ai demandé à maintes reprises — et j’aimerais bien avoir sous les yeux le graphique que j’ai déjà vu, mais je n’ai jamais réussi à l’obtenir — dans quelle mesure notre énergie est propre? Où nous situons-nous par rapport aux autres pays? La semaine dernière, j’ai vu un graphique comparatif. À ma très grande déception, j’ai constaté que nos émissions ne sont pas les plus propres, même si nous en parlons depuis des décennies. Nous sommes toujours au-dessus de la normale.

Cette situation perdurera-t-elle, ou pouvons-nous nous attendre à devenir plus efficaces et à offrir un produit plus propre?

M. Moffet : La réponse, c’est qu’au Canada, l’intensité énergétique de notre production pétrolière et gazière fluctue en fonction du produit. Comme le sénateur Wells l’a fait remarquer, l’extraction pétrolière extracôtière est l’une des moins polluantes au monde. Dans certaines régions du Canada, nous avons une production de gaz naturel à très faible intensité d’émissions. L’exploitation des sables bitumineux est beaucoup plus énergivore et, de ce fait, produit beaucoup plus d’émissions. Beaucoup d’investissements ont été consacrés à la réduction de l’intensité des émissions, mais cela ne se compare pas à l’extraction extracôtière ni au pétrole produit au Moyen-Orient.

Le sénateur Massicotte : Le graphique que j’ai vu comparaître toutes ces données, y compris celles de Terre-Neuve. Nous sommes plus efficients dans certains secteurs...

M. Moffet : Oui.

Le sénateur Massicotte : ... mais dans une minorité seulement. Le gros volume de notre production provient des sables bitumineux. N’êtes-vous pas d’accord?

M. Moffet : C’est un gros volume, mais je ne sais pas si c’est « le » plus gros. C’est un pourcentage important de notre production.

Le sénateur Massicotte : Il est assez important.

M. Pratt : Sur les 189 mégatonnes d’émissions produites en 2021, 85 % provenaient des sables bitumineux.

Le sénateur Massicotte : Vous avez dit 85 % sur combien?

M. Pratt : Sur 189.

Le sénateur Massicotte : Il y en a de plus en plus, n’est-ce pas? La densité diminue-t-elle? La pertinence diminue-t-elle?

M. Moffet : L’intensité est en baisse, mais elle l’est également dans toutes les autres productions. Cela demeure la principale source d’émissions dans le secteur.

La sénatrice McCallum : J’ai l’impression que nous nous tournons vers d’autres modèles énergétiques sans tenir compte de la situation particulière de certaines régions géographiques, ce qui risque de mettre des gens en péril et d’entraîner des dépenses inutiles.

Sur son site Web, Environnement et Changement climatique Canada fait savoir que les thermopompes peuvent maintenant fonctionner jusqu’à -30 degrés Celsius. Même à Winnipeg, où j’habite, nous avons quatre ou cinq semaines à -40 degrés Celsius. Ma communauté se trouve près des territoires. On a beau dire qu’il y aura des véhicules électriques et des thermopompes, il ne semble pas y avoir eu une d’analyse exhaustive de l’impact que subiront ces régions. Quand nous nous déplaçons sur les routes d’hiver, nous roulons 18 heures d’affilée à travers les fondrières. Les véhicules électriques n’y arriveront jamais. Je voulais simplement vous en informer.

En passant, Ressources naturelles Canada parle de -25 degrés Celsius. Il y a une contradiction ici.

Les Premières Nations continuent à être marginalisées à de nombreux égards, notamment en matière de prise de décisions, de consultation et de débouchés économiques. Que devons-nous faire pour que la réconciliation devienne vraiment une réalité pour elles dans le cadre d’une transition équitable, surtout en ce qui concerne l’hydroélectricité?

M. Watkinson a dit que nous devons examiner la définition des mots que nous utilisons, et le mot « propre » n’est pas un mot que nous employons pour parler de l’hydroélectricité à cause de ses effets dévastateurs sur les gens qui sont dépossédés de leurs terres. Et cela continue.

Comment pouvez-vous garantir qu’il y aura une transition juste et une réconciliation économique durant cette période de transition?

M. Moffet : Je tiens à vous présenter mes excuses, madame la sénatrice, parce vous allez penser que j’élude la question. En fait, l’importance de cette question est si évidente qu’aucun de nous ne pourrait vous donner une réponse appropriée. Elle mérite un débat plus approfondi. De nombreuses instances gouvernementales se penchent sur la mise en place de mécanismes et de programmes visant précisément à favoriser la réconciliation souhaitée de longue date, d’une part, et la transition de tous les Canadiens vers un avenir dans lequel notre pays atteindra la carboneutralité. Cette transition ne sera pas facile. L’inclusion de tous les Canadiens, y compris des Autochtones, sera un élément clé de sa réussite.

Je sais que c’est une réponse très générale, mais pour obtenir plus de détails sur les décisions qui sont prises et sur les projets qui sont entrepris, il faudrait que le comité organise une discussion à ce sujet et convoque les témoins concernés.

En ce qui concerne les thermopompes, le site Web auquel le premier ministre Moe a fait allusion est en fait celui de Ressources naturelles Canada. Par souci de précision, je fais remarquer qu’il n’est pas dit dans ce site que les thermopompes ne fonctionnent pas à des températures inférieures à 25 degrés Celsius au-dessous de zéro, mais que des sources de chauffage complémentaires sont parfois nécessaires. Ces sources comprennent les appareils de chauffage électriques et les systèmes hybrides.

En gros, vous pouvez fixer un appareil de chauffage électrique à votre thermopompe. C’est ce que j’ai fait chez moi. Vous pouvez avoir un système hybride où, lorsque la thermopompe ne fonctionne pas, la chaudière au gaz naturel continue de fonctionner.

Le problème, c’est que la technologie a des limites bien connues. Ces limites évoluent au fil du temps, mais la technologie permet d’éviter que la maison devienne glaciale du jour au lendemain.

La présidente : En climatologie, il y a un domaine d’expertise en plein essor : la science de l’attribution. Je suis certaine que vous avez pris connaissance de certaines études portant sur les feux de forêt de l’été dernier qui ont dévasté une superficie équivalente à celle du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ensemble. Tout a été rasé.

Il y a eu une étude intéressante sur la quantification de la contribution des grands producteurs de carbone qui font augmenter le déficit de pression de vapeur. L’étude établit un lien avec les superficies brûlées aux États-Unis et dans les forêts canadiennes.

Vous intéressez-vous à cette science de l’attribution que je trouve vraiment importante, afin d’acquérir les connaissances scientifiques qui sous-tendent le genre de réglementation que vous proposez?

M. Moffet : Oui, bien sûr. L’attribution est un domaine très pointu de l’activité scientifique. Au ministère de l’Environnement et du Changement climatique, la Direction générale des sciences et de la technologie et le Service météorologique du Canada s’intéressent de plus en plus à ce sujet. Le domaine ne nous appartient pas. C’est un domaine en plein essor. Nous faisons actuellement des recherches. C’est un thème qui m’intéresse de plus en plus et, si vous le souhaitez, nous pourrions inviter des experts du ministère pour vous en parler.

La présidente : C’est une bonne idée.

Le sénateur Massicotte : Madame la présidente, quand nous aurons terminé d’entendre nos témoins, serait-il possible de discuter entre nous de la marche à suivre?

La présidente : Oui.

Le sénateur Massicotte : J’ai une brève question. Vous avez eu une fructueuse discussion avec le sénateur Gignac a sujet du système de plafonnement et d’échange, ainsi que sur toute la question fiscale et les choix qui s’offrent à vous. Je comprends très bien la théorie, mais je comprends aussi qu’elle est impossible à mettre en pratique. L’augmentation graduelle des taxes ne décourage pas la consommation à cause du plafond imposé. Le système de plafonnement et d’échange devrait prévoir des pénalités pour la consommation excessive, mais ce n’est pas le cas. Faut-il revoir le système, ou faut-il présumer, encore une fois, qu’il fonctionne et laisser les provinces continuer à faire ce qu’elles font?

M. Moffet : Désolé. Voulez-vous dire que le système de tarification en général ne fonctionne pas?

Le sénateur Massicotte : Avec le système de plafonnement et d’échange, la hausse est tellement dérisoire.

M. Moffet : Le système de plafonnement et d’échange du Québec a donné lieu à un prix du marché relativement bas pour le carbone; c’est vrai. C’est parce que la province a établi un partenariat avec la Californie. Le système californien a été bonifié grâce à un grand nombre de programmes financés par l’État qui ont permis de réduire considérablement les émissions, ainsi que par la création de crédits à même le système qui sont relativement peu coûteux et qui peuvent ensuite être achetés au Québec. Voilà pourquoi le prix du marché est assez bas.

Au Québec et en Californie, les émissions globales demeurent toutefois inférieures au plafond. C’est vrai, le prix est bas, mais nous connaissons le niveau des émissions au Québec, il est inférieur au plafond.

La présidente : Chers collègues, je vous remercie de votre contribution et je remercie les témoins de leurs réponses.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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